Bienvenue et bonjour. Ceci est la sixième séance du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international en ce mardi 4 décembre 2007.
Nous commençons aujourd'hui par une séance d'information avec le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire et, lors de la deuxième heure, après midi, avant de parler des travaux du comité, nous poursuivrons notre étude de la mission canadienne en Afghanistan et recevrons M. Omar Samad, ambassadeur de la République islamique de l'Afghanistan au Canada.
Premièrement, pour notre breffage, nous avons comme témoins Stuart Clark, président de la Banque de céréales vivrières du Canada, Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire. Nous avons aussi Joshua Mukusya, fondateur de l'Utooni Development Project, ainsi que Mamby Fofana, membre du conseil d'administration, Unitarian Service Committee of Canada; Rachel Bezner Kerr, coordinatrice de la recherche du Projet en faveur des sols, de l'alimentation et de la santé des communautés et, enfin, Susan Walsh, directrice exécutive de l'Unitarian Service Committee of Canada.
Soyez les bienvenus. Nous attendons avec intérêt vos exposés.
Monsieur Clark, vous avez quelques remarques liminaires. Nous procéderons ensuite à notre premier tour de questions.
Encore une fois, bienvenue au comité.
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Merci beaucoup, monsieur Sorenson.
Je veux exprimer nos remerciements pour vos invitations antérieures à comparaître devant ce comité. Vous vous souviendrez que nous vous avons parlé il y a tout juste 10 mois. Suite à cette présentation, vous avez adopté une résolution unanime préconisant que l'ACDI donne la priorité au secteur agricole.
Notre présence aujourd'hui est en quelque sorte la suite de cela, et j'espère que cela ressortira clairement, surtout à la lumière des négociations sur le changement climatique qui se déroulent actuellement à Bali.
Pour ceux d'entre vous qui ne savent pas ce qu'est le Groupe canadien de réflexion sur la sécurité alimentaire, il s'agit d'un réseau informel d'ONG de développement canadiennes travaillant sur la problématique de la faim et de l'insécurité alimentaire. Nous travaillons ensemble depuis 2000 en privilégiant les thèmes de l'agriculture, de l'aide alimentaire, du droit fondamental à la nourriture et du commerce des produits agricoles.
Le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a déclaré le 17 novembre que le changement climatique représente le défi déterminant de notre ère. C'était à l'occasion de la publication du quatrième rapport d'évaluation du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
Tous ces sigles et noms à rallonge ne devraient pas occulter l'importance de ce qui est dit dans ce rapport.
Entre autres, le GIEC a affirmé catégoriquement que ni la réduction des gaz à effet de serre ni l'adaptation au changement climatique ne suffiront seuls à éviter les conséquences les plus graves du changement climatique. De fait, il faut agir sur les deux plans à la fois.
Notre travail au Groupe de réflexion sur la sécurité alimentaire tourne autour du développement agricole. En effet, on constate et réalise de plus en plus que le changement climatique frappe en premier et le plus durement les petits cultivateurs un peu partout dans le monde.
Mais les petits cultivateurs ne baissent pas les bras et ne se contentent pas de se lamenter. Au contraire, ils font appel à un vaste bassin de connaissances traditionnelles pour opérer des adaptations souvent très heureuses au changement climatique, du moins à ses premières manifestations.
Ils ont besoin d'aide pour s'adapter. Nous nous adressons à vous aujourd'hui en sachant qu'il y a quatre ans l'ACDI a pris l'engagement de porter l'aide canadienne à l'agriculture au niveau de 500 millions de dollars par an d'ici 2008. L'an dernier, nous étions à environ 200 millions de dollars, et la cible était de 500 millions de dollars, ce qui montre bien que sur le plan de la seule aide aux cultivateurs, sans même parler de changement climatique, nous restons en deçà de nos promesses.
Par conséquent, nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire que, outre le souci qui nous a amenés ici la dernière fois, à savoir que l'ACDI donne priorité à l'agriculture, nous voulons vous expliquer la nécessité de faire de l'assistance à l'adaptation au changement climatique une partie intégrante de tout programme canadien intégré de réaction au changement climatique.
Pour vous en convaincre, nous sommes venus accompagnés de trois personnes qui travaillent sur des enjeux agricoles clés: le sol, l'eau et les semences.
J'aimerais vous présenter d'abord, pour traiter du sujet des semences, Mamby Fofana, du Mali. Il est le fils fier d'un cultivateur sage mais illettré, et lui-même ingénieur agroforestier diplômé, travaillant actuellement comme agent des ressources naturelles pour l'ACDI suédoise. Il cultive également une exploitation de cinq acres en périphérie de la capitale, qui constitue une excellente parcelle de démonstration pour les autres cultivateurs intéressés de savoir comment effectuer des adaptations.
Après avoir écouté Mamby, nous entendrons Joshua Silu Mukusya, lui aussi fils de cultivateur et agronome formé à l'université, qui a passé les 30 dernières années à aider les populations à surmonter la sécheresse. La sécheresse, bien entendu, était fréquente mais elle l'est devenue encore plus du fait du changement climatique. Joshua parlera de l'eau.
Nous avons également avec nous Rachel Bezner Kerr, qui a travaillé au Malawi sur la question du sol. Elle ne parlera pas à ce stade, mais est prête à répondre aux questions.
Je vais céder la place à Mamby qui vous parlera du travail d'adaptation relativement aux semences.
C'est avec un grand plaisir que je m'entretiens ici avec vous en tant que fils de paysan et paysan. Depuis mon jeune âge, étant né et ayant vécu et grandi sous un climat saharien qui est un climat par nature instable et difficile, j'apprécie l'ingéniosité des paysans. Ceux-ci s'adaptent constamment aux changements climatiques et à toutes les agressions extérieures pour conformer leur agriculture à la réalité, afin de pouvoir vivre et faire vivre leurs enfants.
Je me suis orienté très rapidement vers des études agricoles et forestières. Cette inspiration vient du fait que, là où je suis né et où j'ai grandi, les paysans essaient de produire, sur le même espace, les arbres, les légumes et les céréales, pour que les systèmes de production puissent être durables et maîtrisés afin de prévenir les catastrophes auxquelles nous sommes exposés aujourd'hui.
[Traduction]
Cela dit, j'aimerais maintenant mettre en lumière un peu du travail concret que nous avons entrepris sur les semences, les semences androgynes et les semences indigènes, qui sont nos point d'entrée.
Je travaille pour USC Canada depuis presque 16 ans. Nous avons découvert en un lieu isolé du Mali que les paysans, en cas de phénomène climatique extrême, vont jusqu'à manger leurs semences, et ensuite doivent en acheter d'autres sur le marché. Parfois, ces autres semences proviennent de zones agroécologiques très différentes, où la pluviosité est plus forte, bien meilleure qu'à Douentza. En cultivant ces semences s'enclenche un cycle de récoltes défaillantes successives.
Nous avons donc essayé de réaliser une évaluation rurale participative afin de déterminer la situation du patrimoine génétique sur place, afin que ces semences soient conservées non pas par les paysans individuellement mais par ce que nous appelons des banques génétiques communautaires et un complexe génétique communautaire ayant deux composantes: une banque de gènes et une banque de semences.
On peut ainsi conserver tout le patrimoine génétique d'un lieu. Cela est très important pour des petits cultivateurs. Ils représentent 80 p. 100 de notre population et ils ont élaboré des systèmes très adéquats pour garder en vie des semences en les entreposant et en les amenant sur l'exploitation la saison suivante, reliant ainsi les méthodes de conservation ex situ et in situ.
Il s'agit là d'un système de gestion des risques. Pourquoi? Parce que les semences étaient conservées par des cultivateurs individuels, mais maintenant, par l'intermédiaire des banques de gènes et des banques de semences, un contrôle collectif est exercé sur ces ressources, qui sont très importantes car elles sont le point de départ de tout système de production. Elles se sont réellement adaptées à des aberrations externes telles que les variations climatiques, et les semences sont le résultat des interactions entre activités humaines, sol et climat, et elles sont adaptées.
Mais pourquoi ce type d'agriculture perd-il aujourd'hui du terrain? C'est en raison de politiques mondiales, les politiques du marché mondial, et aussi des changements climatiques, qui sont profonds. Les changements sont très complexes, très rapides et très profonds.
Par exemple, les paysans peuvent s'adapter eux-mêmes et leurs semences selon des changements interannuels. Cette année, au Mali, au lieu de commencer la première semaine de juin, la saison des pluies s'est fait attendre jusqu'au 15 juillet. Puis, les paysans traditionnels sachant que la saison serait courte, ils ont cultivé ce que l'on appelle des variétés photopériodiques, qui s'ajustent d'elles-mêmes à la longueur de la saison pluvieuse. C'est très important et si le monde entier pouvait tirer les leçons de cela, ce serait très important.
Je ne dis pas que ces systèmes sont très utiles aujourd'hui, car j'ai dit qu'ils ont été affectés par des aberrations externes telles que les politiques néfastes poursuivies au niveau mondial et le changement climatique, qui est très profond, et aussi par les inondations, car ces paysans ne savent pas gérer les inondations, ils sont accoutumés à gérer les sécheresses. Cela signifie que le contexte change.
Ce que le Canada peut faire dans une telle situation, c'est aider l'agriculture dans d'autres pays. Pour aider l'agriculture, il importe d'aider les membres de la société civile et aussi les gouvernement à collaborer pour connaître la situation actuelle, connaître les limites des systèmes traditionnels et comment les améliorer en combinant le savoir traditionnel, fondé sur la sagesse, et le savoir moderne.
Le savoir moderne ne peut surmonter les problèmes à lui seul car ce type de connaissances a été obtenu en dehors de la réalité, en dehors du climat, dans des stations de recherche. Mais en combinant les deux types de savoir, les problèmes peuvent être surmontés et je crois que le monde entier peut apprendre ces systèmes d'adaptation que les paysans ont mis au point au fil des générations.
Merci.
Comme on l'a dit, je me nomme Joshua Silu Mukusya et je viens du Kenya. Je vais parler du mouvement des agriculteurs dans cette région d'Afrique où nous avons lancé un mouvement de cultivateurs déjà en 1977 afin de combattre les effets de la sécheresse et permettre aux paysans de produire suffisamment pour leurs animaux et eux-mêmes.
Nous avons fait beaucoup de travail de terrassement au fil des ans et tenté de faire monter la nappe phréatique en construisant des barrages de sable ou murs au travers des rivières. La raison pour laquelle nous l'avons fait est que, au fil des ans, je me suis souvenu de l'époque du gouvernement colonial; celui-ci avait un programme de conservation des sols où l'on cherchait à ralentir la vitesse de l'eau. Dans les quelques endroits où ils ont fait ce travail, le terrain restait très vert et j'ai pensé que si nous pouvions développer ce système et l'étendre, nous pourrions produire suffisamment de nourriture et de pâturage pour les animaux.
Sur une période d'une trentaine d'années, nous avons construit ces barrages de sable en travers de nos cours d'eau asséchés dans l'espoir de faire monter la nappe phréatique et créer des sources, et mettre en valeur les terres humides pour la culture de légumes et la germination d'arbres pour remplacer ceux qui ont disparu.
Nous avons remporté quelques succès au cours de cette période, mais aussi connu des échecs. Mais surtout, nous avons constaté que le plus gros problème qui nous ralentissait était l'effet du changement climatique. Après avoir fait tout ce travail en contribuant bénévolement notre main d'oeuvre et obtenant le soutien d'amis pour acheter des matériaux tels que le ciment et les armatures, les pluies ont fait défaut. Elles ne sont jamais venues.
Nous avons donc échoué dans une certaine mesure mais nous persistons à penser que les barrages de sable et la combinaison de la plantation d'arbres et du terrassement des terres est la solution au changement et la meilleure façon dont les cultivateurs peuvent mettre en oeuvre chez eux leurs idées, améliorer leur alimentation, avec le soutien que les gouvernements du Canada et du Kenya peuvent donner à ces cultivateurs pour améliorer leur sécurité alimentaire.
Nous voyons cela comme un bienfait pour la terre et un bienfait pour la population, mais nous avons toujours un problème avec les autres parties du monde, qui ont leur propre mode de vie et n'ont pas réfléchi au changement climatique auquel nous-mêmes cherchons à nous adapter.
Je songe à des gouvernements, comme le gouvernement canadien, qui appuient le gouvernement kényan — c'est un soutien à la construction de barrages qui s'inscrit dans le même système. Les effets du climat ont un coût à l'échelle du globe, que ce soit dans l'hémisphère nord ou dans l'hémisphère sud. Si l'on ne fait rien, alors nous allons replonger dans les mêmes problèmes.
Nous avançons d'un pas et nous reculons d'un pas, parce que le climat ne nous permet pas d'aller là où nous voulons aller.
C'est mon espoir aujourd'hui, en ce lieu, que ceux qui nous écoutent trouveront des solutions qui permettront aux générations futures de jouir du même sol que celui dont nous avons joui au cours des 50 dernières années et permettront aux cultivateurs pauvres, groupés entre eux, de faire de leur mieux pour améliorer leur qualité de vie.
Je vais m'en tenir là.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, madame Walsh, monsieur Fofana, monsieur Clark, monsieur Mukusya et monsieur Kerr d'être venus aujourd'hui. Nous apprécions grandement.
J'ai l'impression que le problème n'est pas nécessairement un manque de savoir a l'échelle mondiale, c'est-à-dire de recherche sur les semences, les sols, l'eau et les pratiques agricoles. Le problème est plutôt de disséminer ces connaissances sur le terrain et de les mettre en pratique.
Pouvez-vous nous donner quelques indications sur la façon dont nous pouvons rendre plus efficace l'argent de l'ACDI, s'agissant d'appuyer les projets que vous jugez nécessaires? Voilà la première question. Et deuxièmement, sur quel domaine spécifique l'ACDI devrait-elle se concentrer pour vous aider?
Donc, certes, il faut plus d'argent, mais comment faire en sorte que cet argent travaille mieux pour vous sur le terrain? Plus précisément, que devrait privilégier l'ACDI dans ces régions pour promouvoir la sécurité alimentaire?
Merci.
Selon moi, ce qu'on doit arrêter, et tout de suite, ce sont les grands programmes bilatéraux qui ont été conçus en dehors des populations et qui, généralement, n'ont pas tenu compte des aspirations profondes des populations. Ils n'ont pas valorisé les connaissances et les pratiques des populations qui ont vécu de l'agriculture depuis des générations. Ce sont des connaissances gérées dans un processus dynamique. Cette connaissance n'est donc pas statique, mais dynamique. Elle essaie de s'ajuster en fonction des réalités, ce qui est extrêmement important.
Nous savons que les gouvernements ont la responsabilité de mettre en place des politiques favorables au développement, mais les gouvernements ne sont pas bien outillés, bien structurés pour assurer une mise en oeuvre des facultés de développement de base avec les populations. Donc, cela se ferait mieux avec les acteurs de la société civile, pendant que le gouvernement aura un rôle de fixation de politiques et de contrôle des normes.
Je pense que c'est très important. C'est le changement que le Canada doit opérer. Il doit développer des projets où il aura la chance d'écouter les populations, de valoriser leurs connaissances et aspirations, et de valoriser aussi leurs moyens d'existence, comme les semences. Celles-ci font partie de leurs moyens d'existence. Ils ont eu à les développer avec une connaissance très adéquate, et même prouvée scientifiquement, même si les gens n'ont souvent pas pris le temps de questionner ces connaissances et de vérifier leur validité.
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Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames, messieurs, d'être ici aujourd'hui. Je pense que c'est M. Mukusya qui a dit que vous avanciez et que vous faisiez des progrès, mais il semble que vous retournez en arrière, que vous reculez, quoi. Je peux comprendre que c'est extrêmement décourageant de voir que les résultats que vous avez sont toujours à remettre en question malgré tous les efforts faits.
Il est évident, et dans mon esprit c'est ainsi que les choses devraient se faire, qu'il faut une coordination entre l'aide étrangère, les gouvernements et les paysans, étant entendu que les paysans sont souvent les derniers consultés. À cet égard, je suis tout à fait d'accord avec vous que le Canada doit faire un effort de ce côté-là, car ces gens ont vécu la situation, ils ont une connaissance quasi ancestrale des problèmes et ils peuvent amener des solutions.
Cependant, quand on évoque les changements climatiques, vous le savez, les conditions dépassent les individus et dépassent aussi les États. Malheureusement, le Canada fait piètre figure de ce côté-là, en tout cas selon notre évaluation actuelle.
J'aimerais savoir à quel point vos gouvernements respectifs, ou les gouvernements avec lesquels vous travaillez, ont pris conscience de l'énormité de ce péril qui plane sur l'humanité. À quel point font-ils le lien entre ce que les collectivités locales vivent et le fait qu'à l'échelle mondiale, on ne mette pas l'effort qu'il faut pour renverser la situation?
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Oui. C'est une bonne question.
Certes, tout le monde sait que le climat change. Mais les gens se veulent indifférents. Ils savent que cela existe, mais ils ne veulent rien faire.
Bien sûr, nos gouvernements font de leur mieux, tout comme le gouvernement canadien fait de son mieux. Mais personne n'ouvre la voie pour inverser ces situations.
Étant donné que nous réalisons que le problème va se poser, je dirais que... Nous avions jadis deux saisons pluvieuses tous les 12 mois, la saison longue allant de mars à juin. Celle-ci n'existe plus. Il tombe quelques gouttes, et en certains endroits rien du tout. Maintenant, nous dépendons entièrement des pluies courtes qui viennent en novembre et décembre.
Lorsque je suis parti de chez moi le 18, il n'y avait toujours rien. Peut-être vont-elles finir par venir, mais si après tout le travail que nous avons fait pour préparer certains villages qui attendent la pluie pour avoir de l'eau, si la pluie ne vient pas, ils auront une année de plus avec des problèmes encore plus graves, sans eau et sans nourriture.
Si les experts pouvaient nous montrer comment inverser la situation, situation que nous ne pouvons plus ignorer, en nous disant ce qu'il faut faire pour changer les choses, alors nous pourrions avancer.
Mais comme M. Clark l'a mentionné, c'est lié à beaucoup d'autres choses. Et parmi ces nombreuses autres choses, en tant que nation et en tant que citoyens du monde, nous devons trouver une solution collectivement, car tout le monde a un neveu et un ami vivant quelque part. Même si les choses se passent en Afrique, cela finira sans doute par toucher le Canada à un moment donné. Du fait que c'est un changement très graduel, beaucoup de gens ne le voient pas.
Oui, le gouvernement fait de son mieux en disant aux gens de planter des arbres. Mais il ne suffit pas de dire aux gens de planter des arbres sans rien faire d'autre. Il faut accomplir le travail pratique: mettre la plante en terre, l'arroser, et veiller à ce que l'arbre survivre jusqu'à atteindre une hauteur où les petits animaux ne peuvent plus le détruire.
Merci.
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D'abord, en ce qui concerne les pays du Sahel, surtout ceux de l'Afrique de l'Ouest, les gens sont parfaitement au courant des changements climatiques. Ils vivent quotidiennement les effets des changements climatiques et s'y adaptent parce que les fluctuations climatiques annuelles sont devenues très fréquentes.
Cette année, l'hivernage a eu six semaines de retard. On projetait de planter du coton sur certaines superficies, mais les gens, sachant que le coton cultivé est hybride et ne peut pas s'ajuster au climat, ont préféré planter les céréales locales. Elles sont photosensibles, photopériodiques et peuvent s'ajuster à la durée de la saison hivernale. Des adaptations se passent quotidiennement et les gens sont parfaitement au courant parce qu'ils sont affectés. Les inondations n'étaient pas courantes au Sahel, mais cette année, il y a eu plus de 34 inondations sévères au Mali qui ont affecté 40 000 personnes. C'est donc vrai que les changements climatiques sont là, vécus et compris par les gens du Sahel.
Au même moment, voici la position de nos gouvernements. Il y a une volonté politique affichée. Le Mali, par exemple, a ratifié la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques le 28 décembre 2004, alors que la convention n'était entrée en vigueur qu'en mars de la même année. Cela signifie que le pays était prompt, effectivement, à ratifier la convention, mais les capacités gouvernementales étant faibles, il y a peu d'études de scénarios pour prévoir le climat et les adaptations nécessaires, parce qu'elles dépendent de la connaissance qu'on a des tendances climatiques.
Le Canada peut contribuer beaucoup sur ce plan aussi, mais il faut baser tout cela sur le système traditionnel de résilience et sur ce que les gens savent déjà faire, au lieu de réinventer la roue. Il faut bâtir sur ce qui existe pour que les paysans, qui en ont besoin, se l'approprient facilement. Il s'agit là de 80 p. 100 de la population. Quand on aide 80 p. 100 de la population à atténuer les effets des changements climatiques sur leur vie quotidienne et à s'épanouir, on peut parler de lutte contre la pauvreté.
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Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venus. Il est toujours agréable de vous écouter.
Je me suis rendu au Mali il y a tout juste deux semaines et j'ai rencontré là-bas nos fonctionnaires de l'ACDI qui font un très bon travail et s'efforcent de répondre aux nombreux besoins du Mali.
Je me suis également rendu à Nairobi l'an dernier. Venant moi-même d'Afrique de l'Est — j'ai grandi à Arusha — je suis conscient de la complexité des problèmes que rencontrent au Kenya et en Afrique de l'Est les paysans.
Vous avez parlé aujourd'hui du changement climatique et de ses effets sur la sécurité alimentaire, effets que vous avez illustrés avec éloquence. Mais il faut bien voir que le changement climatique touche tout le monde, y compris le Canada. Le Canada lui-même fait face au même défi que l'Afrique, mais il est mieux en mesure de le relever. L'Afrique possède une moindre capacité de confronter la situation.
Il faut donc un effort conjoint des ONG, des pouvoirs publics, des agriculteurs, tout le monde travaillant de concert, comme vous l'avez à juste titre fait remarquer. Il n'y a pas de solution facile que l'on puisse mettre en oeuvre demain. Le changement climatique requiert une solution à long terme.
Je regarde l'impact immédiat ici et l'un des facteurs dans tout cela est que M. Clark, de la Banque de céréales vivrières du Canada, contribue à la sécurité alimentaire de l'Afrique. Nous envoyons de la nourriture à partir d'ici, et c'est une aide liée.
Que se passerait-il si l'aide alimentaire n'était plus liée et que la nourriture puisse provenir du pays lui-même. Parfois il y a une récolte abondante et parfois une récolte mauvaise, mais est-ce que la Banque de céréales vivrières du Canada considère que ce serait une solution à long terme de recourir à l'économie interne du pays lui-même pour assurer la sécurité alimentaire au lieu que la nourriture provienne de chez nous?
Ma deuxième question est la suivante. Venant d'Afrique de l'Est, je sais que le maïs est une denrée très importante du régime alimentaire africain. Un rapport des Nations Unies faisait état du fait que l'emploi du maïs et d'autres récoltes pour fabriquer du biocarburant a un impact néfaste sur la sécurité alimentaire, particulièrement en Afrique et en Amérique latine. Que pensez-vous de cela?
J'aimerais entendre vos réponses à ces deux questions.
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Je parlerai brièvement de la question du déliement de l'aide alimentaire. De fait, si certains d'entre vous étiez ici lorsque nous en avons parlé avant 2005, c'est un sujet que nous avons fréquemment évoqué comme étant un changement de politique souhaitable.
La Banque de céréales vivrières du Canada, et de fait les agriculteurs qui la soutiennent — et ils sont des milliers — se sont rangés solidement derrière l'idée de délier encore davantage le budget canadien de l'aide alimentaire.
Aussi, en 2005, après des négociations un peu difficiles entre la Fédération canadienne de l'agriculture et la Banque de céréales vivrières du Canada, le Canada a délié 50 p. 100 de son aide alimentaire.
Je crois qu'il est question depuis, au sein du gouvernement, de délier encore davantage le budget de l'aide alimentaire. Je ne sais pas trop où en sont les choses à cet égard.
Mais je dois dire que l'acquisition dans les pays en développement des denrées servant à l'aide alimentaire est considérée comme l'étalon or. Il nous faut écouter ce que nous venons d'entendre au sujet du changement climatique, car dans le passé, lorsqu'il se produisait des crises alimentaires, il était habituellement possible de se procurer la nourriture à relativement faible distance. Au cours de la famine éthiopienne en 1984, cela a certainement été le cas.
Cependant, avec le genre de variations saisonnières que nous voyons maintenant, il est très probable que l'on assiste à des récoltes déficitaires régionales. Il ne s'agit donc pas de fermer la porte à la possibilité d'expédier de la nourriture provenant de régions où la productivité agricole va probablement augmenter à court terme, dont le Canada.
Aussi, s'il est souvent judicieux de délier l'aide alimentaire à cause des avantages qui en résultent pour les pays en développement, il faut conserver la possibilité d'envoyer de l'aide alimentaire à partir du Canada, car il arrivera que ce soit nécessaire.
En ce qui concerne l'aide alimentaire, je pense qu'il faut éviter de la planifier par avance, car, lorsque les récoltes locales sont bonnes, elle pourrait peser sur les prix agricoles et les revenus des cultivateurs. En cas de pénurie extrême de nourriture, l'aide alimentaire est obligatoire pour soulager, mais la meilleure façon d'aider les gens est de les aider à produire leur propre nourriture.
J'ai dit que 80 p. 100 de la population dépend de l'agriculture — pas seulement comme source d'aliments, mais aussi comme source d'emplois, source de vie, source de dignité. Si vous n'êtes plus en mesure, comme c'est le cas d'un ancien de Douentza, de nourrir votre famille, c'est une honte. Vous perdez votre dignité. Il importe que les gens puissent retrouver leur dignité en les aidant à produire leur propre nourriture. C'est mieux que l'aide alimentaire.
En ce qui concerne le biocarburant, je ne m'intéresse pas au biocarburant mais à des arbres indigènes comme l'arbre à gomme arabique, qui est endémique au Sahel, que l'on peut planter et qui peut séquestrer le carbone, même si les émissions ne sont pas chez nous le problème. Toutes nos émissions sont séquestrées et nous aidons même d'autres pays — comme le Canada — à séquestrer le carbone. Il est important que le Canada réduise par ce biais ses émissions, et nous aide à développer l'agriculture familiale — dans l'intérêt de la justice, car si vous aidez 80 p. 100 de la population, c'est la justice.
Par exemple, le Jatropha curcas est une plante aujourd'hui autorisée, mais elle est très exigeante. Elle n'est pas tolérante aux sols ni à la sécheresse. Cela signifie qu'elle pourrait concurrencer les céréales pour l'occupation des terres les plus fertiles. Cela peut être problématique. On pourrait cultiver des essences d'arbres indigènes résistantes à la sécheresse mais pas le Jatropha, par exemple, qui vient d'Amérique latine.
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Merci, monsieur le président.
Merci infiniment, encore une fois, au Groupe de réflexion sur la sécurité alimentaire pour le leadership dont il continue de faire preuve, et merci à nos partenaires de l'hémisphère sud de venir nous apporter des exemples vivants qui illustrent pourquoi il nous faut prendre au sérieux le type de recommandations que vous nous avez soumis encore aujourd'hui.
Je ne sais pas si vous savez qu'il a existé pendant un temps au Canada un fonds d'adaptation au changement climatique, spécialement conçu pour rechercher des moyens d'atténuer les effets néfastes du changement climatique... dans les pays en développement où l'agriculture, comme vous l'avez dit, représente 80 p. 100 de l'assise économique — par exemple dans les pays que vous représentez.
Ce programme, je crois, était considéré comme plutôt visionnaire initialement. Malheureusement, le gouvernement précédent l'a laissé expirer et il n'existe plus. J'aimerais savoir si nos invités, particulièrement ceux du Sud, ont une expérience de ce programme chez eux et s'il n'y aurait pas lieu de rétablir un programme similaire.
Deuxièmement, merci de signaler la réduction très alarmante des ressources allouées aux programmes agricoles de l'ACDI, programmes qui avaient été jugés très importants dans le passé. Pouvez-vous nous indiquer en particulier si vous estimez que le comité devrait recommander au gouvernement d'accroître ces fonds ou bien voyez-vous d'autres programmes que nous devrions entreprendre et promouvoir?
[Français]
Honorables membres du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, je vous remercie beaucoup de cette invitation et d'avoir organisé une heure de conversation et de discussion avec un Afghan.
Je pense que cela peut être utile, de temps en temps, d'engager les Afghans qui ont vécu l'histoire contemporaine de leur pays et qui ont aussi consacré une grande partie de leurs efforts à aborder les problèmes de l'Afghanistan. Je vous en suis reconnaissant.
[Traduction]
Je vais utiliser mon temps pour mettre en relief ce que j'appelle les impératifs stratégiques, ainsi que les facteurs humains critiques qui sont en jeu dans la situation afghane.
L'Afghanistan, comme vous le savez, est un pays qui est en train de se rétablir et qui veut mettre derrière lui le modèle et le mode d'État défaillant qu'il a connus pendant près de 25 ans durant une période d'instabilité, de conflit et de destruction en partie amenée par des facteurs échappant à la portée des Afghans.
Nous sommes en train de rebâtir un État au sein d'une nation forte et traditionnelle. Nous sommes en train de construire une paix, un ordre constitutionnel fondé sur des principes démocratiques correspondants au désir des Afghans, une économie fonctionnelle et une société civile, ainsi que des assises pour les droits de l'homme et la règle de droit.
Afin que cela soit possible, la communauté internationale, dont le Canada, s'est réunie et s'est engagée à nous aider à assurer sécurité et protection, à bâtir des institutions, à renforcer nos capacités et à financer du travail de développement social et économique à l'intérieur d'un mandat des Nations Unies.
Le Pacte pour l'Afghanistan de 2006 est devenu le plan directeur exécutoire pour atteindre des jalons et des dates cibles d'ici à 2011, comme vous le savez. Votre pays est l'un des principaux intervenants en vue de l'atteinte de plusieurs des jalons du pacte, chose dont tous les Canadiens peuvent à mon sens être fiers.
Ce processus englobe également des contre-courants internes et externes qui créent des obstacles et des défis, qui cherchent à stopper le progrès, qui bouleversent la stratégie que je viens de mentionner, qui alimentent la peur, et qui recourent à diverses tactiques pour créer en Afghanistan et dans d'autres pays participants des conditions d'échec ou de parcours autre qui servent leurs fins stratégiques.
Ce qui est clair à nous autres Afghans, cependant, est que nous ne voulons pas régresser ni retourner aux conditions d'avant 2001. Les Afghans ne veulent pas être assujettis à des oppresseurs impitoyables. Comme le démontre clairement votre société multiculturelle, les gens peuvent diverger dans leurs traditions, leur histoire et leurs caractéristiques culturelles. Mais dans le monde planétaire d'aujourd'hui, les Afghans sont instinctivement préoccupés par les mêmes soucis quotidiens qui préoccupent le gros de l'humanité et des familles, partout dans le globe, et connaissant des degrés de développement différents.
Comme l'ont fait ressortir trois sondages différents menés au cours des trois derniers mois à l'échelle de l'Afghanistan, la plupart des Afghans sont relativement optimistes quant à l'avenir. Pour résumer les constats, les Afghans appuient leur gouvernement élu et la présence de forces étrangères, et s'opposent aux talibans et ne veulent pas que ceux-ci reprennent le contrôle de leur pays.
Les sondages indiquent également que les Afghans sont légèrement moins optimistes qu'il y a de cela un an et qu'ils sont frustrés par la lenteur des efforts de reconstruction et de sécurité et par la hausse du nombre de victimes civiles. En dépit des près de 14 000 projets de taille petite et moyenne qui sont au tableau depuis cinq ans et qui sont en train d'être mis en oeuvre, l'on constate un mécontentement croissant à l'égard de la disponibilité d'emplois, de routes, d'infrastructure en général, d'eau potable et d'électricité.
Parmi d'autres constats importants, près de 70 p. 100 des Afghans sont critiques à l'égard du rôle du Pakistan en permettant aux talibans de fonctionner, tandis que 60 p. 100 souhaitent que le gouvernement discute avec les talibans désireux de le faire. La même proportion d'Afghans s'opposent à la culture du pavot pour la production d'opium. Cela peut s'expliquer du fait que seuls 6 p. 100 environ des terres arables du pays servent à la culture du pavot, la plupart de ces terres se trouvant dans le sud et l'est du pays, qui sont infestés de rebelles.
À quelques rares exceptions, les Afghans expriment le désir d'aller de l'avant. Ils sont à la recherche de nouvelles possibilités et de vies meilleures pour leurs enfants en s'attaquant aux difficultés et aux défis auxquels nous sommes confrontés. Mais ils veulent que cela s'inscrive dans une vision, avec une perspective à long terme, et en partenariat avec des pays comme le vôtre, dont nous tenons à honorer le soutien et les sacrifices.
Nous sommes à l'heure actuelle confrontés à une violence et à une brutalité accrues de la part de groupes radicaux qui jouissent de bases de soutien à l'intérieur et à l'extérieur de l'Afghanistan. Ceux-ci recourent à une conduite de la guerre asymétrique par le biais d'attentats-suicides, d'engins explosifs improvisés, de décapitations et d'attentats à la bombe, qui ont pour objet de perturber le processus de reconstruction démocratique. D'aucuns s'y adonnent aujourd'hui pour des raisons idéologiques, d'autres pour des raisons financières liées au trafic de drogue, tandis que d'autres encore ont besoin de revenus ou sont mécontents des autorités pour une raison ou une autre.
Nous sommes également confrontés à une poussée économique qui ne s'est pas fait ressentir dans toutes les régions et chez tous. Nous sommes d'autre part confrontés à des institutions et des services gouvernementaux faibles auxquels viennent s'ajouter la corruption et, à l'occasion, un appareil judiciaire dysfonctionnel qu'il faudra selon nous beaucoup de temps pour réformer. Or, l'ennemi exploite toutes ces lignes de faille pendant que nous tentons de maintenir notre équilibre.
En tant qu'État fragile, nous ne pouvons pas toujours compter sur des solutions miracles ou immédiates qui satisfassent toutes les parties prenantes, qu'elles soient internes ou étrangères. Compte tenu des traditions afghanes, le processus de reconstruction est une mission à long terme, avec de nombreux écueils en cours de route, et cela exigera un sens politique aigu, une solide volonté politique, des sacrifices, des compétences en matière de leadership, de la persévérance et un appui durable pour pouvoir aboutir.
Nous nous rendons compte par ailleurs qu'il y a une composante militaire qui est essentielle à l'équation, mais que ce n'est pas forcément la seule option en vue d'une issue. C'est pourquoi le Canada et d'autres partenaires ont élaboré une approche à volets multiples pour traiter de tous les aspects de la situation sur le terrain. Nous ne pouvons néanmoins pas ignorer le fait que la sécurité et une stabilité relative sont des conditions préalables nécessaires à la réussite d'un développement durable. Une coordination et une gestion meilleures des tâches intimidantes à exécuter à tous les niveaux sont elles aussi très importantes.
Nous ne pouvons pas séparer l'Afghanistan et la région l'entourant des considérations stratégiques qui s'imposent, tout comme l'on ne peut pas ignorer les responsabilités en matière de protection et de sécurité humaines. Nous ne pouvons pas aborder les soucis et les menaces en matière de sécurité mondiale qui se trouvent gravés dans ma partie du monde sans tenir compte de questions telles l'éducation, la santé, le sort des femmes et des enfants et les droits de l'homme.
Nous ne pouvons pas non plus tenir pour acquis les défis idéologiques et en matière de radicalisation auxquels nous nous trouvons confrontés sans tenir compte des niveaux de pauvreté et, par exemple, de la dépendance des gens des régions pauvres à l'égard de la culture du pavot, ainsi que de la possibilité d'accueillir et d'accepter les Afghans qui abandonnent la violence et cherchent à jouer un rôle constructif.
Comme vous pouvez le constater, mesdames et messieurs les membres du comité, l'Afghan n'est pas une question unidimensionnelle, ni une préoccupation isolée. L'Afghanistan ne peut pas être défini au moyen de termes simplistes taillés sur mesure pour les clips sonores, étant donné qu'il s'agit d'une question sérieuse et complexe d'importance stratégique. Il me faut dire que le Canada, malheureusement, est engagé à l'un des niveaux les plus critiques et qu'il s'adapte bien à l'environnement dynamique. Les Canadiens engagés dans les affaires civiles et militaires en Afghanistan servent en effet une cause noble et méritent tout le soutien que vous leur donnez.
Il nous faut tous réfléchir un instant aux conséquences qu'aurait un échec sur les Afghans, la région, les forces d'oppression et les membres de la famille des nations qui ont investi dans cette cause avec leur sang et en nature. Quel message envoyons-nous aux amis et ennemis? Quel legs laissons-nous aux enfants d'aujourd'hui et aux générations futures? Que cela signifie-t-il pour le multilatéralisme et l'engagement post-conflictuel? Que cela signifie-t-il sur le plan des relations entre civilisations et entre cultures?
Je suis heureux de constater qu'un éminent groupe indépendant de Canadiens se penche attentivement sur cette question, chargé qu'il est de vous livrer à vous et à tous les Canadiens des recommandations équilibrées qui aideront votre nation à décider de son rôle futur dans mon pays. Quelle que soit la décision, je vous exhorte à l'avance à réfléchir à la stratégie à employer en vous appuyant sur de vastes analyses et une large perspective.
[Français]
De nouveau, je vous remercie de cette occasion que vous m'avez offerte. Je serai ravi de répondre à vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur l'ambassadeur, c'est toujours un plaisir de vous voir.
J'aimerais dire trois choses, rapidement. Je sais que nous ne pouvons pas faire justice à la question, mais j'aimerais recueillir de vous quelques brefs commentaires.
Premièrement, au Canada, nous comptons les plus importantes diasporas à l'extérieur de l'Afghanistan. Selon moi, nous ne les utilisons pas de façon efficace. Auriez-vous quelques suggestions à faire en la matière?
Deuxièmement, au sujet de l'opium, vous dites que cette culture accapare 6 p. 100 des terres arables. Comme vous le savez, le Senlis Council a proposé dans son rapport une approche axée sur l'utilisation du pavot à des fins médicinales, insistant notamment sur l'utilisation de graines dans la fabrication de cachets, toujours en réaction aux préoccupations relativement à la drogue.
Votre gouvernement s'y est opposé, et notre gouvernement s'y est opposé. Vous pourriez peut-être nous entretenir brièvement de la solution de rechange, car la situation est en train de s'aggraver.
Enfin, quel programme devrait selon vous être instauré de façon à « afghaniser » le processus décisionnel et la gestion et à obtenir cette adhésion tant des Afghans que de vos alliés?
Vous évoquez trois sujets très intéressants et qui me tiennent tous très à coeur, pour une raison ou une autre.
Oui, le Canada compte une importante présence afghane. Nos Canadiens afghans sont dans la plupart des cas installés ici depuis 20 à 25 ans. Ils sont 100 000 à 120 000, et la plupart d'entre eux sont concentrés dans la grande région métropolitaine de Toronto.
En tant qu'expatrié moi-même, ayant mis fin à mon exile en 2001 pour rentrer chez moi servir mon pays, je peux vous dire que l'une des façons les plus efficaces de bâtir la capacité et de transférer connaissances et compétences à ce pays en reconstruction, et de bâtir un pont entre la nouvelle patrie et l'ancienne, est de réattacher les Afghans, qui ont été contraints de quitter leur pays au cours des 20 à 30 dernières années, à leur mère patrie.
J'ai maintes fois discuté avec mes collègues au sein du gouvernement canadien, et notamment à l'ACDI, d'envisager des façons de faciliter le retour de certains Afghans qualifiés qui seraient d'accord pour retourner — et y demeurer pendant le temps qu'ils le souhaiteraient — et pour aider. J'estime qu'une telle aide non seulement ferait beaucoup pour assister l'Afghanistan, mais ferait également beaucoup pour assister le Canada et d'autres pays qui comptent une importante communauté afghane.
En ce qui concerne la question de la culture d'opium et la proposition du Senlis Council, comme vous le savez, notre gouvernement ne pense pas que ce soit la meilleure façon, ni la façon la plus efficace de s'attaquer à cet énorme problème. Il me faut vous dire qu'il y a 30 ans, avant l'invasion soviétique et les crises qui ont suivi, l'Afghanistan n'était pas un grand pays producteur d'opium. Comme je l'ai mentionné, même aujourd'hui, 6 p. 100 de nos terres arables sont utilisées pour cette culture commerciale par moins de 15 p. 100 des agriculteurs. Chose intéressante, cette culture est pratiquée dans les régions les plus explosives du pays. Les paysans qui s'y adonnent le font, dans une large mesure, parce qu'ils sont usés par la guerre ou parce qu'ils sont pauvres et n'ont pas d'autres possibilités.
L'une des solutions que nous sommes en train d'envisager sérieusement avec nos partenaires, surtout au Royaume-Uni, qui est le chef de file dans ce domaine, et maintenant avec les Américains, qui jouent un rôle important, et de nombreux autres pays, dont le Canada, qui, par exemple, offre une certaine aide en vue de gagne-pain de rechange en Afghanistan, est une stratégie qui fonctionne pour l'Afghanistan. Cela pourrait fonctionner pour une région qui en est elle aussi touchée, et pour le monde entier, car le produit finit par atterrir dans vos rues également. Il s'agit d'un problème commun auquel il nous faut nous attaquer ensemble. Il y a le volet offre et le volet demande. Nous espérons que tout ce qui s'inscrit entre le volet offre et le volet demande pourra également être abordé et que toutes les pressions ne viendront pas être exercées sur le fournisseur.
En conséquence, nous pensons que la nouvelle approche que nous allons prendre, qui sera elle aussi soutenue par un vaste appui monétaire, livrera aux fermiers afghans une décision claire: en d'autres termes, si vous continuez, voici quelles en seront les conséquences. Nous ne voulons pas vous punir tout de suite. L'idée n'est pas de vous punir. L'idée est de vous aider à adopter d'autres cultures et à trouver un autre moyen de gagner de l'argent. Bien sûr, il vous faudra obtenir certaines choses de nous, c'est-à-dire du gouvernement ou de la communauté internationale, afin de pouvoir prendre ce virage. Qu'il s'agisse de développement rural, de routes, d'écoles et de cliniques, d'entreprises agroalimentaires ou d'accès aux marchés, nous ferons notre part.
Lorsque nous disons que nous ferons notre part, il nous faut livrer la marchandise. Une ou deux fois au cours des dernières années, nous avons dit aux fermiers afghans: « Nous voici, et nous allons vous aider à trouver un gagne-pain licite », pour ensuite échouer et ne rien leur livrer.
Ce serait là un scénario désastreux pour nous tous, que de faire des promesses et de ne pas pouvoir livrer la marchandise.
C'est la voie que nous allons suivre. Nous envisageons toutes sortes de cultures de rechange. Ce sont des choses qui ne vont pas forcément concurrencer l'opium ou l'héroïne sur les marchés, mais qui s'en approcheront. Je suis d'avis — et c'est ce qu'indiquent les sondages les plus récents — que le peuple afghan s'oppose par principe à la culture du pavot et que près de 70 p. 100 des Afghans sont contre.
Dans notre culture, cela est interdit. Dans notre constitution, cela est interdit. La première réponse que j'ai donc pour Senlis est que... Pourquoi essayez-vous d'imposer quelque chose qui est illégal — sur les plans culturel, légal, constitutionnel, religieux — pour les Afghans? Ce serait une recette pour de nombreux autres problèmes.
N'empruntons pas cette voie. Encore une fois, le peu de travail qu'ils ont fait en Afghanistan montre que partout où ils sont allés et ont proposé cette idée il y a eu une montée soudaine de la culture du pavot.
Est-ce là la réponse aux problèmes de l'Afghanistan? La réponse qui nous vient de tous côtés est que non, ça ne l'est pas.
Si cela ne vous dérange pas, je vais répondre en anglais.
Merci.
[Traduction]
Être prêt aujourd'hui, cela signifie atteindre certains objectifs et jalons. Certains d'entre eux sont clairement définis dans le Pacte pour l'Afghanistan, alors que d'autres se profilent à l'intérieur d'une dynamique au fur et à mesure de l'évolution de la situation sur le terrain.
Regardez notre région. Nous sommes pris en sandwich dans une région du monde qui est intéressante, fascinante, mais dangereuse. C'est une région dynamique. Il y a sur le terrain des choses qui changent et qui ont une incidence directe sur les conditions en Afghanistan.
Si vous interrogiez les Afghans — et je vous ai entretenu du sondage qui a été fait récemment —, la plupart d'entre eux diraient que l'insécurité a des racines à l'extérieur du pays. Oui, il y a une composante qui est interne, nationale, et nous savons qu'il y a un certain mécontentement de la part de certains groupes de-ci de-là, pour telle ou telle raison. Mais le gros des groupes armés qui nous confrontent, nous et vos soldats, et ceux de nombreux autres pays, livrent ce combat pour une raison idéologique, une raison idéologique très étroite.
Prenez la personne qui commet un attentat-suicide. Premièrement, dans la plupart des cas, il s'agit de non-Afghans. Ce sont des personnes qui sont formées à l'extérieur de l'Afghanistan, qui sont équipées à l'extérieur de l'Afghanistan et qui acquièrent leurs compétences à l'extérieur de l'Afghanistan. Elles sont exportées en Afghanistan. Et nous en souffrons. Nous tous souffrons.
Cela veut dire qu'il vous faut regarder le contexte plus large. Vous ne pouvez pas vous limiter à regarder ce qui s'est passé aujourd'hui dans le district de Panjwai. Il vous faut examiner ce qui est à l'origine de l'incident survenu dans le district de Panjwai. Comment la chose est-elle arrivée? Comment ces personnes ont-elles fait pour se rendre dans cette région? Qui a assuré la logistique? Où ces personnes ont-elles obtenu leur formation, et ainsi de suite, y compris, peut-être, le financement? D'où cela est-il venu?
Comme vous pouvez le voir — et j'ai essayé d'en traiter dans mon exposé —, c'est ce qui fait que c'est une question de stratégie, en Afghanistan, ou en tout cas c'en est une des raisons. Cela s'étend au-delà d'un seul district, d'une seule province, voire même d'un seul pays. C'est pourquoi, au fur et à mesure que nous augmentons l'armée nationale...
Selon les dernières nouvelles que j'ai eues, l'accélération de cet effort que nous déployons aurait véritablement livré des résultats très positifs, en ce sens que nous croyons aujourd'hui que l'armée, dont nous espérons qu'elle finira par réunir 70 000 hommes et femmes formés, sera prête plus tôt que prévu, on espère avant 2009. En même temps, notre gouvernement est d'avis que 70 000 ne suffisent pas pour la sécurité afghane, compte tenu, encore une fois, de la dynamique changeante sur le terrain. Nous allons peut-être maintenant envisager de faire appel à tout le monde pour augmenter ce nombre, car l'Afghanistan a besoin de plus qu'une armée de seulement 70 000 hommes.
Il en va de même pour la police. Comme vous le savez, des efforts ont pendant un moment été déployés pour créer une nouvelle force de police. Cela n'a pas produit des forces satisfaisantes. Il y avait toutes sortes de problèmes. Mais aujourd'hui, en ce moment-même, il y a des centaines de millions de dollars en provenance de différents pays et donateurs, dont le Canada, qui sont en train d'être alloués et dépensés pour réformer la police, et notamment pour augmenter les salaires, ce qui était un gros problème, et pour améliorer la qualité et la quantité de la formation et du matériel.
Une fois que nous aurons atteint certains de ces jalons... et, encore une fois, le plus tôt sera le mieux. Je tiens à souligner cela. Plus tôt les Afghans seront pleinement aux commandes pour ce qui est de ces questions, mieux nous serons en mesure d'affronter la situation, pour le bien non seulement de l'Afghanistan mais des complexités régionales. Nous pourrons alors parler d'autres options possibles.
:
Merci, monsieur le président.
Merci, Excellence, d'être venu. Il est toujours agréable d'entendre votre perspective.
Je suis très heureux que vous ayez mentionné le Pacte de Londres et les jalons qui doivent être atteints pour reconstruire l'Afghanistan. Comme vous l'avez à juste titre souligné, il n'y a pas une approche unique à suivre pour bâtir l'Afghanistan. Il s'agit d'une approche à niveaux multiples exigeant que tous les joueurs, y compris les gouvernements, les ONG, les forces de sécurité et tous les autres intervenants, contribuent à l'effort. Vous ne pouvez pas avoir une approche unidimensionnelle... d'où le Pacte de Londres. Toute initiative qui dit qu'il nous faut nous concentrer sur un seul aspect et ignorer les autres ne pourra pas déboucher. Vous avez, à juste titre, inscrit cela dans le contexte de la région.
Ce que je trouve incroyable dans le cas d'une organisation comme le Senlis Council est qu'il nous faut toujours déterminer quel est réellement l'objectif. On produit des rapports qui sont si étroits dans leur cible et leur portée et qui dessinent un tableau tout à fait faux de ce qui se passe véritablement, et c'est cela que les gens reprennent. L'article de Nipa Banerjee, paru dans l'Ottawa Citizen d'aujourd'hui, dresse un tableau très juste et très complet de ce qui ne va pas avec l'approche étroite du Senlis Council, qui déclare que les choses ne sont pas ce qu'elles devraient être, qu'il faudrait faire ceci et ne pas tenir compte de cela.
Ce que je trouve plutôt intéressant dans le rapport Senlis est la suggestion que l'OTAN devrait maintenant s'aventurer au Pakistan. Je ne comprends pas pourquoi, tout d'un coup, cette organisation encouragerait la pénétration dans un autre pays. Pour faire quoi? Pour s'engager dans le débat, pour résoudre le problème de l'Afghanistan? Or, cela a abouti devant le comité dans ce contexte.
Voyons maintenant la dynamique au Pakistan... et je n'essaie pas de vous placer dans une situation de conflit. Il vous faut bien évidemment travailler de façon multilatérale avec le Pakistan et ainsi de suite. Mais j'aimerais entendre de vous des assurances que tous les aspects à facettes multiples du développement en Afghanistan avancent, mais non pas à la manière du rapport Senlis, qui sélectionne quelque chose de-ci de-là, pour dire que telle ou telle chose n'est pas bien et que telle autre l'est.
Nous n'entendons jamais parler du nord de l'Afghanistan. Nous n'entendons jamais parler des régions, de ce qu'elles font et de ce qui s'y passe. Nous n'entendons parler que de ce qui se passe autour d'ici.
Alors vous pourriez peut-être nous livrer ce que la communauté internationale... et où, et dans quelle mesure il est rassurant pour les Canadiens que... pense au sujet de l'argent que les Canadiens investissent dans le développement et dans tout le reste et si elle estime que cela fonctionne pour l'Afghanistan.
Le Canada a promis et est en train de livrer à l'Afghanistan de l'aide au développement d'une valeur de 1,2 milliard de dollars canadiens, sur 10 ans. L'Afghanistan est le plus grand bénéficiaire d'aide canadienne jamais enregistré. Nous en sommes très reconnaissants et apprécions chaque dollar qui nous est versé. En tant qu'Afghan, j'ai de nombreuses fois déclaré que je tiens à ce que chaque dollar d'aide canadienne aille aussi loin que possible pour changer et améliorer les vies des Afghans, qu'il s'agisse d'enfants et de femmes, d'infrastructure, de gouvernance, de règle de droit ou de droits de l'homme.
Hier, par exemple, nous avons été heureux d'entendre parler des 80 millions de dollars supplémentaires promis sur quatre ans pour le déminage. Il y a de cela quelques mois, l'éducation est redevenue une priorité pour le Canada. Le Canada va être un chef de file parmi d'autres nations pour nous aider à créer le nouveau système éducatif afghan et à bâtir des écoles et former des enseignants.
Ce sont là des changements réels, des faits réels, que l'on ne voit pas toujours du fait de la façon dont les changements s'effectuent dans le temps. Mais ce travail a apporté et continue d'apporter des changements dans la vie du peuple afghan.
Cela ne veut pas dire que tout le monde est heureux et satisfait. Cela ne veut pas dire que la tâche est complète et terminée. Cela ne veut pas dire que les besoins de l'Afghanistan sont remplis. Cela veut dire que cette tâche, comme je l'ai mentionné dans mes remarques, est une mission à long terme de reconstruction d'un pays qui a été détruit sur 25 ans. Essayez d'imaginer une société, qu'elle soit développée, semi-développée ou sous-développée, qui se fait marteler sans répit depuis 25 ans sur les plans politique, militaire et économique. Que se passerait-il? Vous attendez-vous à ce qu'elle récupère en l'espace de cinq ans? Ce n'est pas ce qui arrive. Cela ne s'est jamais vu dans l'histoire du monde. Pourquoi avons-nous de telles attentes dans le cas de l'Afghanistan?
La question est de savoir si nous avons la volonté politique de comprendre cela puis de consentir des engagements à long terme, non seulement à l'égard de l'aspect militaire de la mission, mais également sur tous les autres fronts qui existent.
Comme vous l'avez dit, le Pacte pour l'Afghanistan est un plan directeur auquel nous avons adhéré, et qui signifie qu'il nous faut satisfaire... Par exemple, hier, nous avons annoncé au monde que nous avons détruit, en vertu du traité d'Ottawa, toutes les mines et tous les explosifs stockés en Afghanistan au cours des quatre dernières années. Nous avions ratifié le traité d'Ottawa en 2003. Nous avions pour obligation de détruire des dizaines de milliers de mines qui avaient été ramassées et stockées, et c'est ce que nous avons fait. Il s'agit là de l'un des jalons du Pacte pour l'Afghanistan qui a été atteint.
Alors où en sommes-nous? Cela marque-t-il la fin du problème des mines terrestres en Afghanistan? Non. Nous savons qu'il demeure des millions de mines enfouies dans le sol afghan, et chaque jour — je dis bien chaque jour — au moins deux Afghans, dont la plupart des enfants, perdent un membre ou leur vie du fait de l'explosion d'une mine. Cela arrive chaque jour.
Voyez-vous, c'est là une question que doivent affronter les Afghans, et une question que vous, en tant qu'amis, nous aidez à résoudre, parmi des centaines auxquelles nous sommes confrontés. Cela veut dire qu'il vous faut être patients en la matière. Il vous faut avoir une perspective à long terme. Il vous faut envoyer le bon message, non seulement aux Afghans, non seulement à l'ennemi, qui est assis là à essayer de défaire tout ce que nous tentons de faire, mais également à vos propres citoyens, qui s'attendent à ce que vous livriez quelque chose avec les impôts qu'ils payent.
Lorsque je dis que nous sommes reconnaissants de l'aide du Canada, je veux dire par là que nous sommes reconnaissants pour chaque dollar, pour chaque soldat qui sert en Afghanistan. Nous nous souviendrons d'eux, dans notre histoire, pour l'éternité. Ils font maintenant partie de notre histoire, tout comme nous, nous faisons partie de la vôtre.
Alors allons-nous abandonner cette mission à mi-parcours? Comme nous le constatons, il y a un réel potentiel de réussite, car vous avez l'appui du peuple afghan. Pourquoi abandonner une mission ou en changer la dynamique à mi-parcours, alors que nous pourrions la renforcer cette mission? Nous pourrions envisager des moyens de la renforcer afin d'être mieux en mesure de réaliser les objectifs que nous visons tous ensemble.
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Merci, monsieur le président.
Merci, Excellence, de vous être mis à la disposition du comité aujourd'hui.
Comme cela a été mentionné, il est utile d'entendre votre perspective, car nous pouvons lire les journaux et regarder la télévision, mais il est très utile d'entendre l'explication de votre perspective de première main.
Je tiens à être clair en ce qui concerne mon parti et notre position. Nous avons déclaré vouloir notre retrait de la mission anti-insurrectionnelle dans le sud. Permettez que je vous confirme que ce n'est pas là une position qui requiert que nous arrêtions d'aider l'Afghanistan. Je tiens à souligner cela, car d'aucuns craignent que nous proposons simplement là notre retrait total de l'Afghanistan.
Il me faut souligner qu'en 1998-1999, nombre d'entre nous — mon parti et d'autres personnes engagées dans le mouvement social démocrate — tentions en fait d'attirer l'attention du monde lorsque les talibans étaient en train de faire ce qui a, depuis, été confirmé, mais le monde n'a pas réagi. J'estime qu'il est épouvantable que la communauté mondiale n'ait réagi qu'après avoir elle-même été touchée directement. Je comprends tout à fait que vous teniez à ce que l'on ne perde pas cela de vue. En d'autres termes, si nous constatons une accalmie et disons « Formidable, tout est réglé », et y mettons un ruban et repartons chez nous...
Alors j'ai pigé. Je comprends. Cela étant dit, des membres de la communauté canadienne du développement, ainsi que ceux qui sont à la recherche d'autres solutions en Afghanistan et qui travaillent avec les Afghans, sont venus s'entretenir avec nous la semaine dernière. Ils ont laissé entendre que nous n'avons pas encore tout à fait trouvé le bon équilibre.
J'ai relevé vos commentaires publics sur une préoccupation semblable, soit qu'à l'heure actuelle le fait de mettre l'accent sur le travail militaire par opposition au développement n'est pas tout à fait le bon équilibre, et que nous devons tenter de trouver un équilibre meilleur. Il me faut dire que, pour parler poliment, j'ai été quelque peu surpris que, lorsque j'ai demandé aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI si les trois D étaient morts, ils ont répondu qu'ils n'utilisent plus cette expression, qu'ils ont un seul D, et que tout fonctionne bien.
Je vous laisse le soin de lire leurs propos par vous-mêmes.
À votre avis, où réside le déséquilibre? Nous faut-il davantage de diplomatie? Nous faut-il davantage de développement? Ou bien nous faut-il peut-être davantage de défense?
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Mais savez-vous pourquoi cela est en train de s'aggraver? Parce qu'en 2003-2004, nous n'avons pas réussi à combler le vide et à bâtir sur les progrès et les réalisations que nous avions accomplis, et ils sont revenus. Cela ne veut pas dire qu'il nous faut maintenant accepter cela, mais ils ont utilisé cette brèche pour revenir à Kandahar.
Si ce n'était vos soldats et les nôtres, et ceux d'autres pays, Kandahar serait tombée en 2005-2006. La chute de Kandahar, cela signifie la chute du sud; la chute du sud signifie la chute de l'ouest; et la chute de l'ouest signifie la chute du reste de l'Afghanistan. Voilà comment l'histoire se joue en Afghanistan, et ils le savent. C'est pourquoi ils ont ciblé Kandahar.
Quoi qu'il en soit, permettez que je revienne à la question de l'équilibre, et j'espère, encore une fois, avoir l'occasion de m'asseoir un jour avec vous, si cela vous intéresse, pour vous expliquer cela beaucoup plus dans le détail.
Je pense que l'équilibre est une question qui doit être évaluée par les Canadiens en premier. Vous êtes une démocratie avancée. Vous avez des institutions qui peuvent être dépêchées sur place et évaluer les résultats obtenus et le respect ou non de vos critères.
Comme je l'ai dit, vous êtes l'un des principaux donateurs. Vous comptez parmi les six grands donateurs, et vous figurerez bientôt au nombre des quatre grands donateurs qui aident l'Afghanistan. Et c'est là un rang dont le Canada peut être fier, et je ne parle pas ici de l'aspect militaire. Vous devez être extrêmement fiers, aussi tragique que cela puisse être, du fait que vos hommes et vos femmes servent courageusement et avec professionnalisme. Ils sont respectés par les Afghans et nous partageons la douleur que ressentent les vôtres chaque fois que la tragédie frappe.
En ce qui concerne le développement, il y a des circonstances dans lesquelles le problème n'est pas de savoir combien d'argent est donné; le problème est davantage celui de savoir comment cet argent est géré et ce qui est mis en oeuvre. Nous sommes aujourd'hui en train d'examiner de nouveaux concepts dont, par exemple, la question de savoir comment mieux encore habiliter les Afghans afin qu'ils puissent prendre des décisions au sujet de leurs priorités et besoins sans que quelque expert-conseil d'un pays tiers, travaillant sous contrat pour trois mois, vienne nous dire à nous tous comment dépenser des millions de dollars.
Nous avons, au cours des six dernières années, appris beaucoup de leçons sur la façon de distribuer les fonds destinés au développement et à la reconstruction. L'une de ces leçons est qu'il faut aller dans les collectivités, aborder les Afghans, engager les Afghans et engager les collectivités. Il importe « d'afghaniser » le processus, d'écouter les Afghans, d'obtenir leur participation. Ils protégeront votre argent et ils protégeront l'école que vous construirez.
Aucun des projets exécutés de cette manière n'a été détruit, car les locaux, les gens de la collectivité, ont protégé ces projets. Les talibans et les terroristes n'ont pas réussi ou n'ont pas osé aller dans ces collectivités pour y créer des problèmes pour eux-mêmes.
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Monsieur le président, merci beaucoup.
Le problème que nous avons ici est que ce ministre va venir ici pour chaque petite chose, ce qui est presque impossible.
La Somalie est un dossier important à examiner ici. Je trouve cela très étrange; lorsque le Parti libéral était au pouvoir, ses ministres ne seraient jamais venus si les motions avaient été rédigées de cette façon. Puis, tout d'un coup, tout doit être...
Nous avons dit, et j'ai moi-même dit très clairement, que nous sommes d'accord pour entendre un topo sur la Corne de l'Afrique, car cela est important. Le ministre va venir, et ils pourront poser toutes leurs questions, mais chaque minute, pour faire cela... cela est en train de devenir une patate chaude politique. Ils commencent à en faire un hochet politique ici.
Alors le gouvernement va essayer, au lieu que vous cherchiez à obtenir le consentement unanime...
Puis-je parler, monsieur Wilfert? Puis-je parler?