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Bonjour, mes collègues.
Bienvenue à la cinquième réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce jeudi 29 novembre 2007.
Conformément à l'article 108 du Règlement et à une motion adoptée par le comité le 20 novembre 2007, nous allons poursuivre l'étude de la mission canadienne en Afghanistan.
Nous avons le plaisir aujourd'hui d'accueillir M. Gerry Barr, du Conseil canadien pour la coopération internationale, qui est déjà venu témoigner devant le comité. Il nous a fourni un apport apprécié par le passé relativement à d'autres projets de loi et études qui nous ont été confiés. Je vous présente également M. Emmanuel Isch, de Vision mondiale Canada, et Mme Lina Holguin, agente de représentation d'Oxfam-Québec, qui a déjà aussi témoigné devant le comité
Nous accueillons aussi parmi nous — pardonnez-moi si je prononce mal votre nom — M. Mirwais Nahzat, agent de programme à Entraide universitaire mondiale du Canada, et M. Graeme MacQueen. Je ne le vois pas pour l'instant, mais il est peut-être assis à l'arrière.
Ils viendront plus tard. Bon.
Merci de vous être joints à nous ce matin.
Avant de vous laisser la parole, j'aimerais faire quelques annonces à l'intention des membres du comité.
Premièrement, le ministre des Affaires étrangères pourra se joindre à nous mardi prochain, de 15 h 30 à 16 h 30, pour discuter du dossier de l'Afghanistan. Nous ne pourrons pas tenir cette séance pendant un jour habituel. Veuillez donc en prendre bonne note.
Pour la deuxième heure, Angela, avons-nous apporté les changements nécessaires à l'horaire?
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Deuxièmement, la ministre responsable de l'ACDI se joindra à nous le mardi 11 décembre, de 15 h 30 à 16 h 40.
Dans ce cas, il s'agira d'une réunion supplémentaire, car comme vous le savez, le mardi en question, nous sommes attendus par l'Université d'Ottawa, pour la conférence internationale qui aura lieu au Château Laurier. Donc, ce créneau est occupé.
Je vous laisse y réfléchir un peu, et nous pourrons peut-être en reparler plus tard à la période consacrée aux travaux du comité.
Cela dit, j'aimerais que nous terminions cette partie à environ midi moins cinq, pour pouvoir accueillir le groupe suivant. Les témoignages de ce groupe prendraient fin à 12 h 45 environ. Ensuite, nous pourrons nous consacrer aux travaux du comité. Voilà comment j'ai planifié la journée.
Madame Barbot, je vous écoute.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je connais la plupart des membres de ce comité. Je ne vais pas me présenter de nouveau. Je me contenterai de vous dire que je suis ici aujourd'hui en compagnie de représentants d'organismes de la société civile qui se sont réunis en un réseau appelé l'Afghanistan Reference Group.
Ces représentants vous présenteront leurs points de vue sur le rôle du Canada en Afghanistan. Ces points de vue peuvent varier, mais ils ont tous un point en commun, soit d'être fondés sur une expérience sur le terrain en Afghanistan et dans d'autres zones de conflit.
Nous avons été invités à vous faire part de nos réflexions sur la mission du Canada en Afghanistan, y compris le rôle de l'ACDI dans l'établissement d'une paix durable, et la façon d'y parvenir.
Notre première recommandation est de réorienter radicalement le rôle du Canada en Afghanistan pour mettre l'accent sur le développement et la diplomatie, et faire en sorte que la négociation de l'accès à l'aide humanitaire soit une priorité.
Pourquoi? Parce que l'approche pangouvernementale du Canada, l'approche intégrée des trois D, a été trop axée sur l'aspect militaire et a donné lieu à une militarisation des efforts de consolidation de la paix, des efforts humanitaires et de l'aide au développement. C'est là une erreur fondamentale dans l'approche pangouvernementale, et sur le terrain, cette situation a de graves répercussions préoccupantes sur l'aide fournie et sur les perspectives de paix.
Au cours des deux dernières années, on a accordé de plus en plus d'importance à la sécurité, en présumant que le développement suivrait. Bien sûr, la sécurité est importante, mais on ne peut pas se concentrer sur cet objectif aux dépens du développement et des efforts diplomatiques. À vrai dire, les mesures prises pour accroître la sécurité nuisent à l'acheminement efficace de l'aide. La ligne de démarcation entre les efforts de développement international et les opérations militaires internationales est encore floue, ce qui n'est guère rassurant.
L'une des répercussions les plus désastreuses de cette situation sur le terrain, c'est l'augmentation des dangers auxquels sont exposés les travailleurs humanitaires. Cette année seulement, au moins 40 travailleurs humanitaires ont été tués, et 76 ont été enlevés. Cinquante-cinq convois et 45 centres de services humanitaires ont fait l'objet d'attaques, d'embuscades ou de pillage par des personnes armées. Évidemment, la majorité des victimes sont des Afghans. Mais en même temps, on compte de plus en plus sur les Afghans pour acheminer l'aide, parce que la situation est tellement précaire sur le plan de la sécurité et l'action des travailleurs venant d'autres pays est perçue comme faisant partie des opérations militaires contre les talibans.
Pour les organismes sur place, la situation n'a jamais été pire. Je parle ici d'organismes qui ont commencé à oeuvrer en Afghanistan il y a des dizaines d'années, qui y étaient pendant l'ère soviétique, qui ont travaillé sous le règne des moudjahidines et des talibans, et qui se trouvaient là-bas en 2001 lorsque les talibans ont été évincés par les forces américaines. En presque 30 ans de guerre, les risques pour les travailleurs humanitaires n'ont jamais été si grands.
Le manque de sécurité des travailleurs humanitaires pose un véritable problème pour au moins deux raisons: premièrement, si des travailleurs humanitaires sont menacés, enlevés ou tués, il est clair qu'ils ne pourront pas apporter l'aide prévue; deuxièmement, les organismes doivent déterminer si leur personnel peut agir en bénéficiant d'un niveau de sécurité raisonnable.
Plus les travailleurs humanitaires sont ciblés, moins les organismes peuvent s'occuper concrètement de leurs programmes. Cela signifie que l'aide n'atteint pas les personnes dans le besoin, ce qui a de sérieuses répercussions sur la capacité du pays de faire des progrès vitaux en matière de développement.
Selon des sources afghanes, ce sont les femmes qui, parmi les travailleurs humanitaires, sont les plus affectées par la situation. Il est donc encore plus difficile pour elles d'accomplir leur travail, ce qui a un impact sur de nombreuses femmes afghanes qui sont particulièrement vulnérables.
Pour faire face à cette situation dramatique, certains ont dit ou diront que ce sont les militaires qui devraient se charger de fournir l'aide humanitaire et l'aide au développement. Le CCCI et ses membres, y compris ceux qui oeuvrent sur le terrain, croient que cela ne ferait qu'empirer des conditions déjà difficiles.
Il est essentiel que le Canada réoriente ses efforts en se concentrant d'abord et avant tout sur l'accès de l'aide humanitaire et en favorisant une action plus concertée en matière de développement et de diplomatie. Les personnes qui nous parleront aujourd'hui vont proposer des moyens pratiques auxquels recourir pour appuyer le développement et faire avancer la paix en Afghanistan.
J'aimerais maintenant vous présenter Mme Lina Holguin, directrice des Politiques à Oxfam-Québec.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je veux d'abord vous remercier d'offrir à Oxfam-Québec la possibilité de vous présenter son point de vue sur le rôle du Canada en Afghanistan. Aujourd'hui, je parle aussi au nom d'Oxfam Canada.
[Traduction]
Oxfam fournit de l'aide humanitaire et de l'aide au développement en Afghanistan depuis le début des années 1990. Nous menons actuellement des activités dans les villes de Hazarajat, Badakhshan et Kandahar, et nous finançons des organisations locales partout au pays.
Mon exposé portera sur trois grands points: la protection des civils, le rôle des équipes de reconstruction provinciales et la consolidation de la paix dans les collectivités.
J'aborderai d'abord la question de la protection des civils. La manière dont la force internationale mène la guerre en Afghanistan a causé bien trop de victimes dans la population afghane. Selon les statistiques compilées par Human Rights Watch et l'ONU, au moins 1 200 civils auraient perdu la vie cette année seulement. Une grande proportion des pertes parmi la population civile est due aux opérations de la force internationale.
C'est attribuable en grande partie aux frappes aériennes, qui sont quatre fois plus fréquentes en Afghanistan qu'en Iraq. Les fouilles exécutées par les forces afghanes et internationale ont aussi mené dans certains cas à un emploi excessif de la force, à la destruction de biens ou au mauvais traitement de suspects.
Des milliers d'autres civils sont aussi victimes de cette guerre d'une autre façon. En plus des 130 000 personnes déplacées à long terme en Afghanistan, 80 000 autres personnes ont été récemment déplacées en raison des combats dans le Sud du pays. La guerre affecte la capacité des gens de cultiver les terres; elle a forcé la fermeture d'établissements d'enseignement et de santé; elle a réduit la disponibilité des travailleurs humanitaires sur le terrain.
Pour ces raisons, le Canada devrait réorienter sa stratégie militaire. La protection des civils devrait venir en premier dans la liste de priorités afin de réduire au minimum les pertes civiles, les déplacements de population et la destruction de biens. Le Canada doit s'assurer d'employer la force de façon rationnelle et recommander à ses alliés d'en faire autant, particulièrement en ce qui a trait aux frappes aériennes et aux perquisitions à domicile.
Le Canada devrait soutenir la création d'un organe intersectoriel dont le mandat serait d'exercer une surveillance et de mener des enquêtes concernant les pertes civiles, la destruction de biens et les abus présumés, ainsi que d'assurer une indemnisation rapide et suffisante des civils qui ont souffert des opérations militaires.
Le Canada doit aider les Afghans à rester dans leur foyer et répondre aux besoins des gens qui sont forcés à partir, en leur assurant une protection, une aide à la réinstallation et une assistance à long terme.
Les équipes de reconstruction provinciales ont été créées provisoirement pour faciliter la création d'un environnement stable et sécuritaire. Elles ont outrepassé leur mandat en fournissant des secours et des efforts de développement à court terme importants. Les collectivités sont reconnaissantes de toute forme d'aide qu'on peut leur apporter, mais les projets des ERP sont trop souvent motivés par le désir de gagner la confiance et le coeur des Afghans sans respecter les normes minimales en matière d'aide au développement et d'aide humanitaire. Ces projets donnent des résultats rapides, mais ne suscitent habituellement pas suffisamment la participation des collectivités et sont donc inappropriés ou inutiles. Le processus de développement doit être organisé et mené par les collectivités afghanes. Ce ne sont pas aux ERP d'assurer le développement à long terme, et l'armée n'a ni l'expertise ni la stabilité nécessaires pour s'en occuper.
Avec ces ERP, il est également plus difficile de faire la distinction entre les militaires et les travailleurs humanitaires, ce qui met notre personnel dans une position considérablement dangereuse et réduit notre capacité de travailler. Les ERP étant associées aux militaires, des projets d'aide, comme des écoles, deviennent des cibles.
Le mandat des ERP canadiennes devrait être révisé. Ces équipes ne devraient se trouver que dans les endroits où les conditions de sécurité le permettent. Elles devraient se concentrer sur la sécurité, la stabilité et le maintien de l'ordre public, ce qui est leur spécialité. Elles ne devraient offrir des secours que dans les situations où la vie des gens est en danger et aucune autre option civile n'est possible. Elles ne devraient pas fournir d'aide au développement.
Compte tenu de la nature provisoire des ERP, le Canada devrait élaborer une stratégie de retrait assortie de plans de réduction et d'arrêt des activités lorsque les régions concernées redeviennent relativement sécuritaires.
Pour ce qui est de la consolidation de la paix dans les collectivités, j'aimerais souligner que presque tous les efforts de paix déployés en Afghanistan se sont limités jusqu'ici à la sphère politique, sur la scène nationale. La capacité des collectivités afghanes de résoudre leurs conflits ainsi que de construire et de maintenir la paix a été grandement négligée. La détérioration de la sécurité à laquelle nous assistons dernièrement, particulièrement dans le Sud et dans le Sud-Est de l'Afghanistan, témoigne du fait que les approches descendantes sont inappropriées si elles ne sont pas conjuguées avec des efforts parallèles de promotion de la paix dans toutes les collectivités. Une approche ascendante et participative pour l'établissement de la paix pourrait renforcer la capacité des collectivités de résoudre les conflits, réinstaurer la confiance et faciliter le dialogue entre les différents groupes et ethnies, condition essentielle à la paix.
Les programmes de consolidation de la paix dans les collectivités mis en oeuvre par les Afghans et les ONG internationaux, comme Oxfam, se sont révélés très efficaces mais ne profitent tout de même qu'à une mince proportion de la population du pays. C'est pourquoi le Canada et les autres pays donateurs devraient augmenter considérablement leur appui aux ONG ainsi qu'aux intervenants de la société civile qui gèrent ces programmes, et devraient encourager l'élaboration d'une stratégie nationale visant la consolidation de la paix dans les collectivités.
Enfin, la paix ne peut être restaurée en Afghanistan sans que la qualité de vie des citoyens afghans ne soit améliorée. Pour ce faire, le gouvernement de l'Afghanistan doit faire preuve d'un leadership fort, et la communauté internationale, dont le Canada, doit s'engager à long terme et de façon sérieuse à non seulement faire avancer le processus de développement, mais à mettre fin à la détérioration de la sécurité au pays. Le Canada peut jouer un rôle crucial en encourageant tous les intervenants à relever les défis qui se présentent actuellement en Afghanistan. La vie de millions de personnes en dépend.
Merci.
[Français]
Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous communiquer aujourd'hui certains commentaires, points de vue et analyses. Nous savons que vous travaillez à un bon nombre de dossiers et nous profitons de la circonstance pour vous présenter, pendant ces quelques minutes, une certaine analyse de la situation et des recommandations sur l'Afghanistan.
[Traduction]
Comme le gouvernement du Canada, Vision mondiale, en tant qu'ONG, veut aussi contribuer à faire de l'Afghanistan un pays paisible, stable et autonome. Puisque nos activités se concentrent sur les enfants, nous nous intéressons particulièrement à la situation critique dans laquelle se trouvent les enfants afghans ainsi que leurs familles et leurs collectivités. Nous voulons leur assurer un avenir meilleur dans ce pays qui a connu tant d'épreuves et de pauvreté au fil du temps. En tant que ONG, nous partageons tous ici le même espoir et les mêmes aspirations.
J'aimerais vous parler aujourd'hui d'un certain nombre de questions et vous présenter trois recommandations en particulier.
Vision mondiale et les autres ONG ici présentes sont toutes engagées, à un degré différent, dans le processus de développement en Afghanistan. Pour notre part, nous travaillons dans la partie nord-ouest du pays depuis 2001. Nous offrons divers programmes dans les domaines de l'agriculture, de la sécurité alimentaire et de la nutrition, ainsi que des programmes relatifs aux moyens de subsistance, à la santé et à l'eau. Nous apportons de l'aide à plus de 500 000 personnes, et notre budget est d'environ 17 millions de dollars. Le fait d'être sur le terrain depuis un peu plus de six ans nous a donné la possibilité d'oeuvrer à plusieurs niveaux différents, surtout au niveau local, et d'améliorer notre compréhension de la réalité de cette région du pays. Notre expérience provient également de nos activités dans des environnements similaires ailleurs dans le monde, comme au Darfour, dans le Sud du Soudan, au Sri Lanka, en Cisjordanie, et ainsi de suite.
Avant d'aborder les points sur lesquels je veux insister aujourd'hui, j'aimerais éclaircir rapidement le contexte de l'aide humanitaire et ses implications.
Ce que l'on entend par aide humanitaire, c'est le fait de sauver des vies et de réduire la pauvreté. Quand nous travaillons à remplir ces mandats, nous devons agir en accord avec des valeurs d'impartialité, de neutralité, d'indépendance et d'humanité. Quand nous parlons du développement à long terme, surtout dans le contexte de l'Afghanistan, nous parlons d'un grand processus beaucoup plus complexe qui requiert une stratégie à long terme qui est non seulement axée sur les collectivités, mais qui vise également à renforcer les capacités des gens, des collectivités, des administrations locales et du gouvernement du pays. Le but est de voir à ce que ces collectivités deviennent autosuffisantes et prospères, et c'est précisément dans cette optique que je vais présenter mes recommandations ce matin.
Pour guider l'étude de l'aide canadienne au développement en Afghanistan, nous recommandons premièrement que les décisions de financement et le soutien soient représentatifs des besoins et des priorités définis par la population de l'Afghanistan, surtout au niveau des collectivités. Cela signifie qu'il serait important d'adopter une approche stratégique globale qui tienne compte de l'ensemble du pays, tout en s'assurant d'obtenir des résultats au niveau local.
Depuis deux ou trois ans, nous sommes témoins d'une distribution inégale des ressources fournies par les pays donateurs en Afghanistan, souvent en faveur de régions où la culture du pavot est importante ou où la sécurité est soi-disant plus critique. Cette inégalité a entraîné des récriminations et a probablement accru le mécontentement qui existait déjà au sein des collectivités afghanes. C'est maintenant pire qu'avant. Les intervenants en matière de développement ne réussissant pas à assurer aux provinces plus tranquilles, dans le nord et l'ouest du pays, une part appréciable des dividendes de la paix, la faille entre le nord et le sud du pays s'est creusée et a contribué à l'augmentation de l'insécurité que nous constatons dans de plus en plus de régions en Afghanistan. Le taux de pauvreté est extrêmement élevé partout au pays; c'est pourquoi il est essentiel de nous assurer que toutes les régions bénéficient d'un soutien tangible de la communauté internationale. Nous encourageons le Canada à aller dans ce sens.
Nous voulons nous assurer que le financement provenant des pays donateurs est distribué de façon plus équitable pour qu'il ne soit pas dirigé principalement vers les centres urbains, ce qui crée très peu de retombées au niveau local. Nous voulons nous assurer que les Afghans, où qu'ils soient au pays, regagnent confiance et puissent espérer bénéficier aussi des efforts déployés par la communauté internationale et leur gouvernement. Je ne demande pas que le Canada soutienne des programmes dans toutes les provinces et tous les districts, mais j'espère certainement qu'à la suite des commentaires que j'ai faits, l'aide bilatérale à l'Afghanistan pourra être répartie de façon plus égale. Et j'insiste sur l'importance d'une approche communautaire et locale.
En second lieu, nous voulons insister sur le fait que les stratégies canadiennes d'aide humanitaire doivent tenir compte du fait que les fonds acheminés en collaboration avec les ONG sont souvent le moyen le plus efficace et le plus durable pour combattre la pauvreté. C'est d'ailleurs vrai dans le cas de l'Afghanistan.
En ce moment, moins de 15 p. 100 de l'aide humanitaire et des fonds de développement sont dirigés vers les ONG et les organismes de la société civile en Afghanistan. Le reste va donc aux organisations multilatérales, comme l'ONU ou la Banque mondiale, ou encore à des entrepreneurs privés. Mais nous remarquons souvent qu'en tant qu'organismes non gouvernementaux, nous avons une certaine capacité de mobilisation que les grandes organisations n'ont pas, surtout pour ce qui est de notre capacité d'interagir et de créer des liens avec les gens, et de maintenir notre présence au sein des collectivités. Je crois que cela nous confère un avantage relativement important non seulement pour ce qui est de la mise en oeuvre des programmes, mais également pour ce qui est d'obtenir des résultats. De plus, nous avons souvent la capacité de travailler là où les grandes organisations ne peuvent pas nécessairement le faire. Parfois, fournir de l'aide en passant par des ONG peut coûter un peu plus cher, mais il est important de prendre en considération les résultats obtenus en bout de ligne.
Maintenant, j'aimerais parler brièvement de la participation militaire à l'aide au développement. Nous remarquons qu'il est de plus en plus courant d'acheminer les ressources en ayant recours aux militaires, comme les équipes de reconstruction provinciales . Bien qu'ils aient de bonnes intentions, les militaires adoptent trop souvent des méthodes qui ne favorisent pas vraiment une prise en charge locale ou le renforcement des capacités, ou qui ne leur permettent pas de s'engager dans un développement à long terme. Nous devons trouver un équilibre entre le besoin d'exécuter rapidement certaines tâches et le besoin de maintenir une présence à long terme.
Finalement, j'aimerais souligner le fait que le développement durable passe par une gouvernance locale stable. L'approche du Canada au développement en Afghanistan devrait privilégier des stratégies renforçant les structures de gouvernance infranationales. Il est souvent question de problèmes de corruption et de l'insuffisance des capacités en Afghanistan. Nous savons ce qu'il en est, mais nous aimerions qu'il y ait plus d'investissement sur le plan des capacités des administrations locales et des collectivités.
Lors de mon voyage en Afghanistan il y a quelques mois, je me suis rendu dans des ministères qui se trouvent dans nos zones d'intervention. Ils sont aux prises avec un important manque de personnel et leurs capacités sont limitées. Nous devons investir non seulement au niveau national mais aussi au niveau des collectivités pour que les autorités locales puissent servir la population de façon plus efficace.
Cette question devrait être plus au centre de nos préoccupations. C'est pour cela précisément que nous demandons un plus grand investissement dans les capacités des structures infranationales du gouvernement afghan. Comme Vision mondiale l'a constaté par son expérience, et comme le diront d'autres groupes ici présents, en investissant davantage sur le plan des capacités au niveau local, nous obtenons davantage de résultats tangibles au bout du compte.
En conclusion, j'aimerais tout simplement ajouter que les fonds que le Canada apporte à l'Afghanistan et les engagements qu'il a pris envers ce pays, sont importants. Il faut le souligner. Toutefois, toutes ces initiatives doivent être réparties de façon plus égale et être soutenues par des intervenants pouvant fournir une orientation et renforcer les capacités des Afghans à différents niveaux, particulièrement au niveau local, au sein des collectivités. Ces initiatives doivent être mises en oeuvre en fonction des besoins et des priorités des collectivités afghanes. Ce n'est qu'en acheminant notre aide à l'Afghanistan en respectant ces principes que nous y favorisons un développement positif et durable. Je suis convaincu que le Canada pourra concrétiser plus efficacement ses engagements envers l'Afghanistan si nous adoptons cet approche plus globale.
C'est ainsi qu'en bout de ligne, nous réussirons à offrir un avenir meilleur aux enfants, aux familles et aux collectivités afghanes.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
En tant que Canadien d'origine afghane, je suis honoré de pouvoir partager avec vous mes réflexions personnelles sur les moyens d'assurer une paix durable en Afghanistan. Je me sens tout autant le devoir de souligner ouvertement les défis complexes, les réalisations et les rêves non concrétisés des populations afghanes démunies.
Depuis la chute des talibans en 2001, l'Afghanistan a réalisé des progrès remarquables sur les plans politique, social et économique. Je suis né et j'ai grandi en Afghanistan, mais je n'y ai personnellement jamais connu la paix; au quotidien, j'y ai plutôt été confronté en permanence à la pauvreté, à des effusions de sang, à des conflits et au spectacle de la vulnérabilité humaine. Après avoir fui avec ma famille mon pays natal il y a une quinzaine d'années, j'y suis retourné en octobre 2007 pour évaluer certains des grands défis et des changements qui affectent la vie des Afghans ordinaires. Cela s'est révélé une occasion à la fois enrichissante et révélatrice de me retrouver au sein de cette société démunie en train de se remettre progressivement d'un passé de guerres et d'abandon. Nous savons cependant que la reconstruction de l'Afghanistan demeure une tâche herculéenne.
J'aimerais souligner les quatre grands défis qui devraient mériter votre attention.
Le premier est que, tel qu'il a été mentionné, les Afghans sont de plus en plus désillusionnés et frustrés de voir sans cesse se dégrader la sécurité globale dans leur pays. Ils continuent de percevoir la sécurité comme le problème le plus évident auquel leur pays est confronté. Mes collègues ont traité de façon éloquente de la question de la sécurité. Néanmoins, permettez-moi d'ajouter à l'analyse la question suivante : comment les Afghans perçoivent-ils leur sécurité globale? La réponse appropriée semblerait être que les Afghans n'en peuvent plus des tirs de mitraillette incessants, des frappes aériennes et des risques croissants qu'ils courent: victimes civiles et biens détruits.
Ils réclament une approche plus globale et multidimensionnelle à l'égard de la sécurité, c'est-à-dire mettant l'accent sur la sécurité des personnes. Du point de vue du développement humain, l'insécurité personnelle se traduit par des violations persistantes en matière de droits humains, des actes injustes commis envers les femmes, une hausse du commerce des stupéfiants, une corruption institutionnalisée, des mines terrestres et des litiges au sujet des terres. La prospérité et la stabilité à long terme en Afghanistan, dans la région et dans le monde ne seront pas possibles tant qu'on n'aura pas traité de façon équilibrée et coordonnée ces problèmes interreliés touchant la sécurité des personnes.
Le second défi, c'est que près de 70 p. 100 de la population de l'Afghanistan, qui est de 30 millions, a moins de 25 ans. En dépit de l'intervention internationale depuis la chute des talibans, la jeunesse afghane demeure, de l'avis de l'ONU, largement privée de ses droits, sous-qualifiée, fort négligée et, plus grave encore, sans porte-parole clair pour s'exprimer. Si la communauté international continue de sous-estimer la gravité de la vulnérabilité des jeunes, ceux-ci seront très certainement exploités par les barons de la drogue, les seigneurs de guerre et les éléments extrémistes, avec des conséquences irréparables pour la paix et la prospérité nationale, régionale et mondiale.
Le troisième défi, c'est que les conflits et l'instabilité qui perdurent dans ce pays depuis un quart de siècle, combinés à l'existence symbolique d'institutions étatiques fragiles et dysfonctionnelles, ont fortement contribué au manque de ressources humaines que connaît l'Afghanistan, un aspect que vient de souligner mon collègue. Lors de mon récent voyage, des fonctionnaires afghans ainsi que des représentants de l'Université de Kaboul et d'organismes de la société civile ont nommé le renforcement de la capacité durable et l'investissement dans le capital humain des Afghans comme étant les éléments vitaux qui manquent le plus dans l'aide au développement en Afghanistan. Le manque de capacité est une préoccupation des plus vives dans les régions rurales, où vivent 78 p. 100 des Afghans, une écrasante majorité de la population. Au fil des ans, on a surtout concentré les ressources dans les grands centres urbains, comme à Kaboul, renforçant ainsi la domination des milieux urbains sur les régions rurales et creusant davantage le fossé entre les deux.
Quatrième et dernier défi : la situation tragique des populations chroniquement vulnérables de l'Afghanistan demeure inquiétante. À titre d'exemple, c'est à Kaboul, aussi appelée la capitale des veuves, que se retrouvent environ de 30 000 à 50 000 veuves de guerre. Dans tout le pays, on dénombre environ 70 000 enfants contraints de travailler dans la rue. Le taux de littératie dans la population adulte est parmi les plus faibles dans le monde. Douze pour cent seulement des femmes savent lire, comparativement à 34 p. 100 des hommes. Eûmes, SCARE Canada et les autres partenaires ici présents oeuvrent auprès de ces groupes vulnérables.
Pour conclure rapidement, je vais exposer trois recommandations que le Canada pourrait envisager alors que nous cherchons à définir notre rôle dans l'édification de l'Afghanistan de demain.
Pour commencer, le Canada devrait engager des ressources supplémentaires pour assurer la réalisation des objectifs de développement établis par le gouvernement de l'Afghanistan, tout en soulignant l'importance d'assurer l'utilisation efficiente de l'aide consentie, conformément à la Déclaration de Paris. Il faudrait accroître l'aide aux démunis, plus précisément en matière de création d'emplois, de renforcement de la capacité, de promotion d'autres modes de subsistance et d'initiatives communautaires, afin de combler de façon efficace l'écart entre les Afghans de milieux ruraux et ceux des centres urbains.
Ensuite, le Canada devrait encourager une meilleure participation des jeunes Afghans aux processus sociopolitiques, de gouvernance et de développement. Il faudrait adopter des mesures particulières pour amener les Afghans du Canada, en grande partie tenue à l'écart jusqu'ici, à s'engager dans les activités de développement du Canada.
Enfin, le Canada devrait continuer à renforcer le partenariat qu'il entretient avec des ONG canadiennes de confiance en vue d'aider le gouvernement de l'Afghanistan à réaliser ses objectifs de développement. La plupart des ONG canadiennes sont très efficaces, offrent un bon rapport coût-efficacité et ont les ressources qu'il faut pour aider le public canadien à mieux saisir cet effort de développement en cours.
Pour terminer, mesdames et messieurs les membres du comité, je crois que le sauvetage de l'Afghanistan est une tâche à notre portée et que nous avons, envers les Afghans et la population canadienne, le devoir de laisser un legs significatif de l'apport du Canada à ce pays meurtri par les guerres.
En tant que Canadien d'origine afghane, je vous exhorte à vous remémorer la situation tragique, les difficultés et les rêves du peuple afghan au moment de prendre vos décisions. Merci.
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Merci d'avoir posé la question.
Très brièvement, comment nous assurer que l'aide pécuniaire se rende à la population afghane qui en a le plus besoin? Lors des discussions que j'ai eues avec les Afghans sur le terrain tout récemment, quelques observations ont été faites de façon très claire. La première est qu'il faut continuer d'investir dans l'éducation, en particulier dans les études supérieures. C'est chez les jeunes Afghans que le taux de chômage est le plus élevé en Afghanistan. Voilà une piste.
Autre observation, bien des ministères afghans ont souligné la nécessité d'inciter la diaspora, ces professionnels originaires de l'Afghanistan qui vivent à l'étranger, à revenir au pays afin de former d'autres Afghans, puisqu'ils comprennent la culture et les défis des Afghans et la façon de travailler avec eux.
Il faut parallèlement mettre l'accent sur le renforcement durable des capacités des Afghans eux-mêmes, plutôt que sur les services de police. Bien des entrepreneurs et des consultants qui vont en Afghanistan s'enferment dans des locaux sécurisés, sans vraiment laisser aux Afghans l'occasion d'acquérir un savoir-faire. Il faudrait donc s'attacher davantage à élaborer une formation pour les Afghans et à voir à ce qu'elle leur soit offerte, surtout dans les régions rurales, car c'est là qu'il y a un manque de capacité.
Merci.
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Je vous remercie beaucoup.
Vous êtes une ONG active dans le domaine du développement, et l'Afghanistan est l'un des principaux pays où nous faisons du développement. Nous y avons affecté des millions de dollars, c'est notre première priorité; il est donc compréhensible que vous aimeriez examiner certains de ces fonds en vue de réaliser des activités pour lesquelles vous avez une expertise. Cependant, je n'entends jamais les organismes de développement parler du pacte international, du Pacte de l'Afghanistan, la feuille de route établie par la communauté internationale pour la reconstruction de l'Afghanistan.
Vous avez fait remarquer, et avec raison, qu'il est crucial et très important que nous appuyions le gouvernement de l'Afghanistan dans le renforcement des tribunaux, des forces policières et de l'armée, mais surtout des forces policières et de l'armée compte tenu de la corruption et tous les autres problèmes. C'est un travail de longue haleine. Et le Pacte de l'Afghanistan est l'effort collectif de la communauté internationale pour aller dans ce pays afin de redresser la société tout entière.
Je comprends que comme ONG vous ayez de l'expertise dans certains domaines et que vous aimeriez concentrer vos efforts dans ces domaines, mais ce n'est pas la façon dont le gouvernement compte procéder. L'approche du gouvernement sera plutôt de s'engager avec la communauté internationale, le gouvernement de l'Afghanistan et tous les autres partenaires, y compris vous — car vos ONG sont, pour la plupart, déjà actives dans ce pays — dans une démarche collective visant ce but.
C'est donc d'une importance vitale. C'est pourquoi le premier ministre a mis sur pied un comité indépendant chargé de rédiger un rapport sur l'orientation à prendre. Nous sommes enlisés dans ce pays en raison de questions de sécurité et d'insécurité. Vous avez déclaré que les forces de sécurité ont créé une situation d'insécurité pour les travailleurs. Or, à l'époque des talibans et de tous ces autres troubles, vous ne pouviez tout simplement rien entreprendre dans cette partie du monde.
Je suis allé voir un film, hier: Les Cerfs-volants de Kaboul. Je recommande d'ailleurs à tous d'aller le voir. C'est un bon film.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie nos invités d'être présents aujourd'hui. Je les remercie également de nous fournir des renseignements à jour et de nous apporter des éclaircissements sur la mission en Afghanistan.
L'une des préoccupations de notre parti est que la mission dans laquelle nous sommes actuellement engagés, qui s'apparente à une mission de nettoyage contre-insurrectionnelle, n'aide en rien la situation. En fait, cette mission est plus nuisible qu'utile. C'est ce que nous constatons aujourd'hui. Selon des rapports locaux, 14 personnes qui travaillaient à la construction de routes ont été tuées par des bombes de l'OTAN aujourd'hui. Nous entendons parler de civils qui sont tués non pas par les talibans mais, à notre grande tristesse, par les forces alliées. Ce n'est pas là l'objectif visé — précisons-le — mais c'est le résultat.
Je me pose des questions lorsqu'on nous présente des chiffres qui indiquent, par exemple, que le gouvernement du Canada alloue 1,36 milliard de dollars à l'aide au développement en Afghanistan sur une période d'un an, mais que la part de cette somme qui a des retombées à l'échelle locale est seulement d'environ 31 p. 100 environ. Je crois que cela témoigne des problèmes que vous avez mentionnés. L'affectation des fonds nous pose des problèmes. En d'autres termes, sans égard à la somme ni à notre engagement, il semble que nous ne savons pas ce qu'il faut faire avec les fonds.
Ce que je comprends de ce que vous dites en tant que groupe, c'est que nous devons viser les gens ordinaires. Nous devons nous adresser aux ONG pour qu'elles nous aident à affecter les fonds. Je suis entièrement d'accord avec vous.
Nous avons parlé du pacte. Je dois rappeler à mes collègues d'en face que le pacte a entre autres pour objectif de favoriser la coopération régionale, de lutter contre la corruption et d'assurer la transparence et la responsabilité à l'égard du public. À mes yeux, notre propre gouvernement ne fait guère preuve de transparence ni de responsabilité envers le public en ce qui concerne l'affectation des fonds. Je suis sûr que l'esprit du pacte est d'atteindre les objectifs que vous préconisez.
Comment allons-nous résoudre le problème de la sécurité qui nous détourne du développement? Comment réussirons-nous à nous engager au niveau local?
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je m’appelle Stefan Lehmeier et je suis le coordonnateur du Groupe de travail sur les opérations de paix, qui fait partie du Comité coordonnateur canadien pour la consolidation de la paix.
Avant de commencer ma présentation, j’aimerais vous informer que toutes les personnes qui témoigneront devant le comité pendant la séance actuelle font partie, comme vous l'avez dit, de l’Afghanistan Reference Group, réseau d’organisations canadiennes de la société civile présentes en Afghanistan.
Les opinions exprimées par les témoins sont celles d’un grand nombre d’ONG, mais elles ne représentent pas nécessairement le point de vue de toutes les organisations membres de l’Afghanistan Reference Group.
Les trois présentations qui vont suivre porteront sur les volets militaire, politique et diplomatique de l’engagement du Canada en Afghanistan.
[Français]
Il est évident aujourd'hui que l'intervention de l'Occident en Afghanistan a contribué à une détérioration continue de la situation en termes de sécurité dans le pays en question. En septembre, le secrétaire général des Nations Unies a déclaré que, selon les statistiques, 2007 était la plus mauvaise année depuis la chute du régime des talibans en ce qui concerne la sécurité de la population civile. On a noté une augmentation de 20 p. 100 des incidents violents par rapport à l'an dernier. Plusieurs commandants militaires de l'OTAN ont déclaré publiquement qu'il n'y avait pas de solution militaire pour régler la multiplicité de problèmes en Afghanistan. Sans une révision fondamentale des efforts de la communauté internationale, les forces étrangères demeureront en Afghanistan pendant des décennies, impliquées dans des combats de plus en plus difficiles et intenses contres les insurgés.
Les racines du problème, qui n'a fait que se détériorer davantage, sont liées à l'incapacité de la communauté internationale de comprendre la nature de la société afghane et de ses disputes internes, qui remontent à des décennies, voire des siècles. Ces disputes ont été compliquées par l'arrivée en 2001 des forces étrangères, qui se sont alliées ouvertement à l'une des parties en conflit. À mon avis, il est important de souligner que la violence armée que nous voyons en Afghanistan aujourd'hui est beaucoup plus qu'une insurrection locale dans le sud du pays. Elle indique que la guerre civile n'est pas résolue entre les talibans et Hizb-e Islami, d'une part, et l'Alliance du Nord, d'autre part.
[Traduction]
Rien n’a été prévu dans l’Accord de Bonn, en 2001, pour une vaste réconciliation et des négociations de paix mettant à contribution les principales parties au conflit. Une des raisons est que al-Qaïda, les talibans et les Pachtouns étaient alliés et considérés comme des fauteurs de troubles à qui on ne peut répondre que par la violence.
En l’absence d’un règlement politique global, l’engagement de la communauté internationale dans la reconstruction et la stabilisation de l’Afghanistan est fragmenté et, par conséquent, faible et incohérent. Depuis le début, deux efforts militaires distincts et fondamentalement incompatibles coexistent: l’opération Enduring Freedom, dirigée par les États-Unis, et la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) de l’OTAN.
L’opération Enduring Freedom a pour mission première la lutte contre le terrorisme et contre l’insurrection. Elle a été mise sur pied d’abord pour protéger les Américains contre al-Qaïda et, ensuite seulement, pour protéger le gouvernement afghan contre les insurgés. C’est une approche fondamentalement différente de celle de la FIAS, qui a pour mission de créer un environnement sécuritaire qui soit favorable à l’établissement d’un gouvernement afghan démocratique et autonome, capable d’exercer sa souveraineté dans tout le pays.
Dans les premiers temps, à la fin de 2001 et au début de 2002, la distinction entre les deux opérations était très nette d'un point de vue géographique et pour ce qui était du mandat. Mais après que la FIAS se fut étendue à l’ensemble du pays, entre 2004 et 2006, elle a commencé à changer et elle est devenue de plus en plus engagée dans l’action anti-insurrectionnelle de l’opération Enduring Freedom, ce qui, comme je l'ai dit, ne faisait pas partie de son mandat initial.
Un des résultats de cette transformation imprévue de la FIAS est que l’OTAN est aujourd'hui plus divisée que jamais sur l’objectif de sa présence en Afghanistan et le partage acceptable du fardeau militaire et financier.
L’action politique est elle aussi fragmentée, à l’image de l’intervention militaire internationale en Afghanistan. Au départ, l’ONU devait se contenter de coordonner les efforts humanitaires, alors que les principales interventions pour la stabilisation étaient partagées entre différentes puissances qui se sont révélées mal outillées pour assumer leurs responsabilités. Je crois que la réforme de la police nationale afghane en est l'exemple le plus éloquent.
Malgré les leçons tirées au fil des ans, même le mécanisme de coordination récemment établi pour superviser la mise en œuvre du Pacte pour l’Afghanistan (Conseil de coordination et de surveillance conjoint) s'avère très peu efficace, vu sa structure et ses procédures actuelles.
À l’échelle régionale, l’Afghanistan est depuis longtemps en conflit avec le Pakistan pour des questions qui concernent les relations avec l’Inde, la frontière, les questions ethniques et le commerce de transit. La question des insurgés talibans qui se voient accorder l’asile dans les régions tribales du Pakistan est inextricablement liée aux questions fondamentales de gouvernance dans ces régions. Bien qu’il s’agisse d’enjeux politiques qui ne se régleront pas par les armes, peu d’efforts ont été faits jusqu'ici pour amener les parties à la table des négociations afin que des solutions politiques soient trouvées.
Dans ce contexte, nous estimons qu’il faut de toute urgence réorienter l’action internationale de façon que les mesures anti-insurrectionnelles en cours laissent place à l'élaboration d'un processus de paix général et multidimensionnel. Les deux prochains témoins en diront davantage sur cette question.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président, c'est un privilège pour moi que de comparaître devant vous aujourd'hui.
Je m'appelle Graeme MacQueen. Je fais partie du Centre for Peace Studies à l'Université McMaster.
Cette partie de l'exposé fait directement suite à celle présentée par M. Lehmeier.
Comment les Canadiens devraient-ils modifier leur approche face à la paix et à la sécurité en Afghanistan? Une fois que nous aurons tous convenu que notre objectif suprême, notre grande priorité, est le bien-être des Afghans et de l'Afghanistan, nous devrons reconnaître qu'il nous sera impossible d'y parvenir tant que nous n'aurons pas cerné et résolu les conflits qui sont à la racine du problème. On répète depuis des années qu'il faut accroître l'aide humanitaire, contribuer à la reconstruction du pays, etc. Je suis d'accord. Mais il y a des raisons pour lesquelles certains pays hésitent à accroître leur aide: ils ne veulent pas qu'on fasse exploser leur nouvel édifice sitôt sa construction terminée; ils ne veulent pas que leurs travailleurs humanitaires se fassent tuer; ils ne veulent pas que leur contribution soit vaine. Avant que ces pays n'acceptent d'accroître leur aide, nous devons nous attaquer à la racine du mal.
Une fois que nous aurons reconnu cela, nous devrons ensuite admettre qu'une victoire militaire ne constitue pas la meilleure façon de résoudre les conflits qui sont à la racine du problème afghan. C'est peut-être difficile à admettre, mais il est temps de s'y résoudre. Nul besoin de débattre de la valeur morale d'une victoire, puisque s'estompe jour après jour cette possibilité. Il est temps de changer d'approche.
Pour ce faire, nous devons changer de discours public relativement à notre mission en Afghanistan. Pourquoi ne pas cesser de parler de victoire; abandonner notre langage anti-insurrectionnel selon lequel nous devons « gagner les coeurs et les esprits »? Tendons plutôt vers une paix durable, vers un processus de paix sérieux et vers un accord de paix exhaustif.
Un processus de paix à phases multiples et bien planifié n'a pas à ressembler à l'habituel procédé en trois étapes du cessez-le-feu, de la négociation en face à face et de l'accord de paix. Au lieu de cela, notre processus reposerait plutôt sur le dialogue et la résolution de problèmes, la négociation et la réconciliation. Nous serions sans doute peu avisés d'entamer directement des négociations entre les chefs des principaux groupes de belligérants. Nous encouragerions ainsi les marchés à huis clos antidémocratiques, ce qui n'est pas ce que nous préconisons.
Pour obtenir un processus de paix sérieux, nous devons commencer par offrir de nombreuses séances de dialogues et de résolution de problèmes d'un bout à l'autre du pays. La société afghane est complexe et porte en elle moult conflits et griefs. Nos efforts pour débusquer et solutionner ces conflits ne devraient pas se limiter aux élites et aux adversaires armés. Ils doivent plutôt inclure l'ensemble de la société afghane. Nos mesures doivent tenir compte de tous les groupes ethniques et de toutes les allégeances politiques. En outre, conformément à l'esprit de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU, elles doivent inclure les femmes.
Si ce processus vous semble ambitieux, vous avez raison, mais il n'a pas besoin d'être chaotique. Il est en effet possible d'encadrer avec soin le processus de dialogue, de l'assortir d'un échéancier et de lignes directrices clairement établies, et d'y affecter des facilitateurs chevronnés pour l'appliquer. Cette étape du processus vise à créer des espaces sûrs où les gens pourront s'exprimer et se faire entendre; à faire naître la confiance et à instiller une culture d'écoute et de résolution de problèmes plutôt qu'une culture de colère et de blâme, comme on le voit trop souvent dans des sociétés qui ont enduré de longues guerres.
En passant, toutes ces mesures qui vous sont ici proposées font partie des pratiques exemplaires de rétablissement de la paix élaborées au fil des ans par les spécialistes de la résolution de conflits et préconisées dans diverses publications. De telles séances de dialogue et de résolution de problèmes sont-elles possibles en Afghanistan, vous demandez-vous? Les Afghans peuvent-ils s'asseoir en groupe pour tenter de résoudre leurs conflits? L'organisation dont je fais partie, basée à l'Université McMaster, a participé à de nombreux dialogues de ce type avec des Afghans entre 2001 et 2003, avec l'aide financière de l'ACDI — en fait, non, nous avons commencé en 2000, bien avant les événements du 11 septembre. Nous avons trouvé que les Afghans étaient créatifs et dynamiques dans leur manière de résoudre leurs conflits.
Il est important de souligner que cette étape du processus de paix devrait non seulement inclure des groupes de l'intérieur de l'Afghanistan, mais aussi des puissances régionales de même que d'autres États, y compris les pays de l'OTAN ayant décidé que le sort de l'Afghanistan leur tenait à coeur. À quoi bon élaborer une proposition, par exemple, que le Pakistan rejetterait aussitôt? Il vaut mieux écouter les besoins perçus des Pakistanais dès le départ.
Une fois que le processus de dialogue sera bien entamé, nous pourrons alors commencer l'étape officielle de négociation. Le but de la négociation est d'en arriver à un accord de paix exhaustif, particulièrement entre les belligérants armés, qui couvrira les principaux conflits que nous avons cernés. L'étape de la négociation devrait reposer sur l'étape précédente, celle du dialogue général et de la résolution de problèmes. En outre, les partenaires de négociation devraient rendre des comptes à la société dans son ensemble.
Les talibans devraient-ils être des partenaires de négociation? Oui. Même si nous entendons les inquiétudes des groupes qui voudront les exclure, les talibans doivent être traités comme des intervenants à part entière si nous voulons parvenir à un accord de paix constructif. À cette étape du processus de paix, il faudrait essentiellement recourir à un mécanisme de facilitation éclairé qui devrait déboucher sur un accord de paix durable tenant compte des aspects politiques et socio-économiques ainsi que des considérations liées à la sécurité.
Troisièmement et finalement, nous devrions lancer un processus de réconciliation nationale afin de panser les profondes blessures individuelles et sociales infligées par les 30 dernières années de guerre et encourager les Afghans à se construire un avenir commun. Le Plan d'action 2005 pour la paix, la réconciliation et la justice en Afghanistan constitue un excellent pas dans cette direction. Ce plan revêtira davantage de sens, cependant, une fois que les conflits cruciaux du pays auront été cernés et résolus. Si la réconciliation fait appel au coeur de l'homme, elle exige aussi que son esprit participe activement à la résolution de problèmes.
Merci.
Je cède maintenant la parole à Gerry Ohlsen, qui nous parlera du rôle spécifique du Canada dans le processus dont je viens de vous parler.
:
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Gerry Ohlsen. Je travaille au sein du Groupe de 78, groupe qui se consacre à l'élaboration et à l'analyse des politiques étrangères, et qui milite en faveur de la paix. J'ai été diplomate pendant 35 ans, sans jamais me rendre en Afghanistan. Voilà en quoi consiste mon expertise.
Je voudrais élaborer sur ce que le professeur MacQueen a dit au sujet de l'orientation générale à donner en Afghanistan et, en particulier, sur un rôle plus prometteur pour le Canada que celui qu'il a joué au cours des six dernières années.
Comme l'a mentionné M. MacQueen, l'Afghanistan n'a pas besoin d'un autre accord de coulisse forgé par les élites pour sauver leur peau politique, mais c'est ce qui adviendra si la communauté internationale ne donne pas un coup de barre. Ce dont l'Afghanistan a besoin, de toute urgence, c'est d'un dialogue politique élargi, appuyé par les Nations Unies, qui engage tous les secteurs de la société et toutes les communautés d'intérêt. Ce dialogue n'a pas eu lieu à Bonn, ni à Londres. Il s'impose maintenant.
Les mots « appuyé par les Nations Unies » sont cruciaux. Les Nations Unies peuvent ou ne peuvent pas en fin de compte mener le processus de négociation de la paix en Afghanistan. Il se peut que les Casques bleus des Nations Unies ne fournissent pas une assistance à la sécurité durant la mise en oeuvre d'un accord de paix, mais seules les Nations Unies, seul le Conseil de sécurité, peut mandater une mission de paix multidimensionnelle. Tout aussi important, seules les Nations Unies peuvent, même théoriquement, diriger ce processus de mise en oeuvre de la paix, ne serait-ce que parce qu'aucune autre instance n'est acceptable aux yeux de la communauté internationale.
Une telle mission s'impose afin d'assurer le suivi et une aide à la mise en oeuvre d'un accord de paix par les parties. C'est très simple, seules les Nations Unies peuvent autoriser un cadre politique légitimant une action internationale pour amener la paix en Afghanistan. C'est là le chemin que nous devons emprunter.
[Français]
Peu importe comment on procédera aux négociations de paix, il va falloir absolument répondre de façon directe aux besoins des gens qui ont souffert pendant ce conflit. Ça veut dire que les mécanismes de justice devront être mis à contribution, que les amnisties générales devront être découragées et que des dispositions pour le contrôle des armes devront être prises en vue du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration des combattants. Tout ça est essentiel. Toutes ces dispositions devront faire l'objet d'un engagement international robuste, dans le cadre duquel des ressources seront assurées. Ça ne pourra pas se faire sans ressources.
[Traduction]
À mesure que le processus se poursuit, il faudra répondre aux besoins des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Il faudra faire un effort de consolidation de la paix à l’échelle des collectivités pour résoudre les différends locaux et favoriser la réconciliation et la cohésion sociale.
Il faut alors, dès maintenant, entreprendre des négociations préalables et les appuyer par un dialogue entre les ethnies et les groupes aux niveau local et national. Il faut établir à tous les niveaux une capacité de médiation, de négociation et de règlement des conflits. La société civile afghane, plus particulièrement les groupes de femmes afghanes, aura un rôle essentiel à jouer dans le cadre de ce processus au niveau national, mais aussi au niveau des villages.
Le Canada, monsieur le président, fait preuve d'un engagement extraordinaire en Afghanistan. Le dernier livre de Janice Stein nous révèle que cela s'est fait autant par inadvertance qu'à dessein, mais nous sommes là et nous nous sommes engagés. Des centaines de jeunes Canadiens ont été tués ou ont été à jamais marqués par ce qu'ils ont vu et fait et par ce dont ils ont souffert physiquement. Des milliards de dollars ont été dépensés. Si nous maintenons le cap, il faut s'attendre à ce que cela continue.
Mais il n'est pas nécessaire de procéder ainsi. Le temps est venu pour les Canadiens de donner une nouvelle orientation à notre engagement. Le temps est venu d'y consacrer l'énergie politique et les ressources tangibles nécessaires pour soutenir les Afghans eux-mêmes dans la poursuite d'une paix durable.
Monsieur le président, si le Canada veut faire montre de leadership sur la scène internationale, comme l'affirment nos dirigeants politiques, il y a actuellement un vide lorsqu'il s'agit de la promotion constructive et responsable d'un règlement politique en Afghanistan. Il n'y a jamais eu de leadership, et personne n'y voit.
Le Canada peut et devrait combler ce vide. Nous devrions prendre les devants sur nos alliés de l'OTAN, y compris les Américains, au sein de l'OTAN, au sein des Nations Unies, auprès des gouvernements régionaux, auprès du gouvernement afghan et auprès de la population afghane. Nous pouvons aider à lancer un processus de paix global.
Pour ce faire, il nous faudrait être prêts à fournir le soutien politique et militaire nécessaire, à la hauteur du grand investissement que nous avons fait jusqu'ici en temps, en argent et en vies de jeunes Canadiens pour bâtir un Afghanistan stable.
Sur le plan militaire, nous pouvons prendre les devants dans la préparation du changement de vocation de la FIAS, de sa mission de combat actuelle à sa raison d'être initiale, qui est d'être une importante mission de soutien de la paix, une mission déployée pour faciliter la négociation et la mise en oeuvre d'un accord de paix.
Nous pouvons aider à mettre en place des conditions favorables au dialogue et à la négociation entre Afghans. Nous pouvons fournir des ressources techniques et financières à la classe politique, aux femmes et aux autres membres de la société civile afghane pour leur permettre de participer au processus de paix à tous les niveaux.
La consolidation de la paix doit être un élément clé de l'effort civil du Canada en Afghanistan et du programme de l'ACDI en Afghanistan. La force opérationnelle de stabilisation et de reconstruction établie par l'ACDI et le ministère des Affaires étrangères est un outil qui existe déjà pour mener à bien ce genre de travail.
Les organisations de la société civile canadienne ont aussi un rôle à jouer dans cette activité. Elles peuvent développer la capacité et les compétences nécessaires, autant auprès du gouvernement que de leurs homologues de la société civile. Elles peuvent soutenir les efforts de consolidation de la paix émanant de la base. Elles peuvent appliquer à toute la gamme des activités en Afghanistan des programmes de développement communautaire qui tiennent compte des conflits.
Monsieur le président, les Canadiens ont profondément à coeur la paix et la stabilité futures de l'Afghanistan, un intérêt pour lequel nous avons payé un lourd tribut. Travaillons tous ensemble, avec les Afghans, nos alliés et la communauté internationale dans son ensemble, afin d'apporter la paix en Afghanistan, et non de soutenir une guerre continue.
Merci.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
[Traduction]
Ma question s'adresse au groupe. Je vous remercie beaucoup d'être venus ici, messieurs MacQueen et Lehmeier.
Vous parlez de dialogue, d'accords de paix, de négociations et d'efforts pour en arriver à un accord de paix global. Mais ma question — et vous avez brièvement abordé le sujet — est de savoir avec qui dialoguer. Faut-il instaurer un dialogue entre les divers groupes ethniques — les Tadjiks, les Pachtoune, etc. —, qui vivent dans le pays, ou encore avec les seigneurs de guerre, d'une certaine façon — parce que les seigneurs de guerre sont nombreux là-bas — et également avec les narcotrafiquants? Pourquoi pas avec les narcotrafiquants, dans un certain sens?
D'après ce que je comprends, le problème touche également tous les pays avoisinants. D'abord la Russie, l'Iran et principalement le Pakistan. Depuis la division de l'Inde et du Pakistan, en 1949, vous constaterez que l'Afghanistan ne reconnaît pas la ligne Durand. Vous dites qu'il vous faut négocier ces choses, mais les enjeux de géopolitique sont nombreux là-bas.
Ma question est très simple. Vous venez de dire que nous devrions négocier avec les talibans. Très bien, mais pouvez-vous me dire qui sont les talibans? Sont-ils originaires du Moyen-Orient, d'où viennent-ils? Qui sont-ils? Ils ne sont pas un groupe ethnique. Je veux simplement savoir avec qui vous allez négocier parmi les talibans. C'est aussi simple que cela.
Merci.
:
J'amorcerai brièvement la discussion.
À votre question concernant les parties avec lesquelles nous allons dialoguer, je dirais oui, avec tous les groupes que vous avez mentionnés. Nous avons en tête un dialogue très étendu, se déroulant dans tout le pays, et auquel participeraient certainement les groupes ethniques. Il réunirait des gens de diverses allégeances politiques. J'ai assisté à de telles séances, alors je sais très concrètement ce en quoi elles consistent.
Ce qu'il faut essayer de faire c'est d'avoir un impact sur la façon dont les gens perçoivent leur pays. Au lieu de les laisser se lever et prononcer des discours à profusion, ce qu'ils ont d'abord tendance à faire, il faut essayer de les amener à penser à la résolution de problèmes. Donc, oui, le processus de dialogue est sérieux. Il est limité dans le temps; il n'est pas en marche pour toujours. Mais il est essentiel avant de passer à la négociation formelle.
Maintenant, au sujet de votre deuxième question, à savoir qui sont les talibans, je crois que la plupart sont assurément des Afghans. Je sais que le mouvement des talibans a émergé en Afghanistan, à Kandahar. En fait, il a été accueilli par beaucoup de gens à Kandahar à l'époque, au début des années 1990, pour des raisons très claires, étant donné ce qu'il offrait. Il est, en ce sens, une des parties prenantes en Afghanistan. Il ne suffit certainement pas de l'écarter au motif qu'il s'agit d'un groupe terroriste, comme nous avons eu tendance à le faire. Il n'a pas vu le jour en tant que groupe terroriste; il ne possède pas une idéologie et une théologie du terrorisme, et plus particulièrement du terrorisme international. Oui, selon nos normes, il s'agit d'un groupe fondamentaliste. Il avait comme objectif restreint d'instaurer en Afghanistan un régime islamique. Ses origines et ses objectifs diffèrent grandement de ceux d'al-Qaïda. S'il s'est ligué avec al-Qaïda, c'est par nécessité, car les deux groupes se sentent attaqués. Mais il peut se séparer d'al-Qaïda.
De plus, vous avez raison de dire que les talibans sont une organisation divisée ou, à proprement parler, un mouvement divisé. Il est fort probable que certains éléments rejettent complètement toute offre de dialoguer et de négocier, mais nous savons, grâce à nos propres contacts en Afghanistan, que certains groupes sont ouverts à l'idée. J'espère d'ailleurs qu'ils le sont toujours, car ils étaient ouverts au dialogue il y a un an. Si nous n'avons pas fait les efforts nécessaires pour leur parler, comment pouvons-nous leur reprocher de ne pas dialoguer?
Voilà mes commentaires.
:
Excusez-moi, mais mon français n'est pas très bon. Je vais donc vous répondre en anglais.
[Traduction]
En examinant les différents groupes engagés dans l'insurrection, on constate qu'ils ont des motifs très variés. Certains d'entre eux y participent en raison de conflits très localisés, d'autres pour créer un climat d'insécurité afin de poursuivre la culture du pavot, et d'autres encore, pour des raisons d'ordre idéologique.
Il faudra adapter l'approche utilisée en fonction de la motivation de chaque groupe. Et comme il a été mentionné précédemment, on se doute qu'il y aura de véritables saboteurs, quelques radicaux qui ne sont tout simplement pas ouverts au dialogue. Il faudra donc trouver des moyens de composer avec eux. On peut cependant supposer que la majorité des insurgés seront disposés à engager des pourparlers.
Le problème, c'est qu'il s'agit d'un très long processus. Comme vous pouvez le constater, le gouvernement central à Kaboul pose des conditions de négociations rigoureuses, et de telles conditions ont aussi été formulées par les insurgés. À ce stade-ci, ces conditions sont inconciliables. Actuellement, nous ne sommes pas en mesure de dialoguer, mais c'est là où nous en sommes aujourd'hui. Les enchères montent, et c'est à partir de là que nous devons amorcer le processus, et à mesure que nous progressons, je crois que nous en arriverons à l'étape où nous pourrons commencer à dialoguer et à négocier.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos invités. Vous vous êtes inspirés des propos tenus par ceux qui vous ont précédés.
L'une des raisons pour lesquelles j'ai présenté cette motion visant à poursuivre l'étude sur l'Afghanistan est votre présentation d'aujourd'hui. Je tiens à préciser que je n'ai jamais rencontré ces messieurs auparavant, à l'exception de M. Ohlsen; il fait partie de ma localité, de sorte qu'il m'arrive de le croiser de temps à autre. Mais c'est exactement le point sur lequel notre comité devrait se pencher et ce qui manque à notre politique étrangère. Autrement dit, il faut envisager d'autres mesures et oser enfin utiliser le mot commençant par « P », car il n'a pas encore été prononcé. Nous avons entendu parler des trois D, et je constate qu'il n'en reste qu'un, comme le comité l'a mentionné l'autre jour, parce que ça ne fait plus partie de nos préoccupations.
Je voudrais poser une question bien précise en m'adressant à vous, je suppose, monsieur MacQueen. Plus tôt aujourd'hui, j'ai demandé à un autre groupe comment nous pourrions intervenir. Comment pourrions-nous nous engager dans un dialogue comme celui-ci? Devons-nous trouver les gens avec qui nous voulons dialoguer, comme si c'était un exercice, ou cela est-il déjà fait?
:
Absolument. Il n'est pas question que je le laisse tomber. Je ne sais pas pourquoi il me fait travailler si dur.
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, cette motion repose en grande partie sur des spéculations. Elle n'a aucun fondement. Le gouvernement du Canada n'a élaboré aucune stratégie. Chaque fois qu'on se penche sur les services offerts, on tient compte des endroits où le Canada serait représenté efficacement à l'étranger. On ne crée pas de stratégies en communiquant son intention de fermer un endroit ou d'en ouvrir un. Cela se fait dans le cadre d'examens périodiques.
Curieusement, lorsqu'ils étaient au gouvernement, ils ont agi de la même façon. Ils ont effectué des examens périodiques. Ils en ont fermé un, ouvert un autre — ils ont tout fait cela — mais dans le but d'assurer une représentation efficace du Canada à l'étranger, et non de réduire les services. Par conséquent, ce que mon collègue recherche, soit un plan secret exhaustif élaboré par le gouvernement du Canada dans le but de regrouper les missions, n'existe pas. Il n'y a rien de tel.
Il nous est impossible d'appuyer cette motion parce qu'essentiellement, pour être franc, il n'y a absolument aucun plan de regroupement ou quoi que ce soit dans la situation actuelle. Il s'agit d'un exercice continu qui se poursuivra tout au long de l'histoire de ce gouvernement et de votre histoire.
Je dirais donc, monsieur le président, que c'est une question à laquelle je donnerai la même réponse que le ministre et que tous les autres: il n'y a aucun plan. Il n'y a jamais eu d'intentions cachées à cet égard. Ce n'est qu'un simple regroupement qui a été effectué.
:
Oui, en effet. Je dois intervenir. Permettez-moi d'intervenir. Mme Barbot veut également s'exprimer, vous savez. Le problème, c'est que vous ne voulez pas entendre la vérité.
Tout d'abord, en référence aux propos de M. Chan, disons qu'il parlait de quelque chose qui a déjà été fait — soit la fermeture ou le regroupement des consulats au Japon. Il veut revenir sur le passé. Or, tel n'est pas l'esprit de la présente motion. Je fais référence à ce qu'il a dit à propos du Japon. Cet argument est dépassé et non pertinent au regard de la présente motion.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons ici, et nous parlons de 19 consulats. Je dis qu'il n'y a pas de plan, qu'il n'y a pas de stratégie derrière l'idée de fermer 19 consulats. C'est simplement que tout gouvernement a le droit, en tout temps, de faire ce qu'il a à faire, comme je l'ai dit précédemment.
Troisièmement, comme nous en avons discuté auparavant, on ne peut convoquer les ministres n'importe quand et chaque fois que quelqu'un le souhaite, ce qu'on tente de faire à ce moment-ci. Quand le ministre viendra nous rencontrer, le 11 décembre, vous aurez cinq minutes à vous, et vous pourrez toujours lui poser la question.
:
Merci, monsieur le président.
Je n'appuie pas cette motion tout simplement parce que, d'un point de vue historique, tous les gouvernements qui se sont succédés, quelle que soit leur bannière, ont ouvert des missions et en ont fermées, à partir de critères qu'ils avaient établis, qu'il s'agisse de questions de nature budgétaire ou économique, de commerce, de relations avec les pays étrangers, ou encore de la situation internationale.
Le gouvernement prendra la bonne décision quand le moment sera venu, à la lumière de toute l'information dont il disposera alors. Aussi, prétendre que cela va arriver tôt ou tard ou est déjà arrivé relève de la pure spéculation, et il serait absolument ridicule de convoquer un ministre ici avant que cela n'arrive.
Si je comprends bien, tout le monde au gouvernement devrait se consacrer à la planification. Eh bien, on ne peut demander à tous dans cette Chambre de s'occuper de planification gouvernementale. Le gouvernement a le devoir de gouverner, et c'est ce qu'il doit faire.
:
Merci, monsieur le président.
Avec tout le respect que je vous dois et que je dois à mes camarades d'en face, je pense que lorsque nous désirons rencontrer le ministre au sujet d'une question ou d'une autre, nous devons avoir la possibilité de le lui demander. C'est l'essentiel de notre travail ici. Bien sûr, le ministre peut prendre une décision selon sa disponibilité, mais c'est cela, la politique.
Vous me dites de faire attention, de voir à ne pas lui faire cette demande trop souvent, et je le comprends. Cependant, il n'est pas nécessaire qu'il réagisse de cette façon. Il pourrait comprendre que si, dans un comité aussi important que celui des affaires étrangères, tant de questions sont soulevées par les députés au sujet des politiques gouvernementales, c'est justement qu'il vaut la peine de venir les rencontrer et de leur donner son point de vue d'une manière claire, objective, etc. Je ne comprends pas que certains s'opposent systématiquement à l'idée que nous demandions au ministre de venir nous rencontrer.
Cela étant dit, il y a encore une fois des divergences dans la traduction. J'en ferai part à la greffière, si vous voulez bien, parce que les versions française et en anglaise ne disent pas la même chose. Je pense qu'on devrait maintenant demander le vote.