À notre ordre du jour aujourd'hui, le début de notre étude du projet de loi .
Au cours de la première heure, nous entendrons des témoins du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Tout d'abord, M. Allan Kessel, jurisconsulte; ensuite, du volet Commerce international du ministère, M. Robert Ready, directeur de la Direction de la politique commerciale de l'investissement.
Nous sommes aussi heureux d'accueillir, de la Direction générale du droit commercial international, M. Riemer Boomgaardt, conseiller juridique spécial, Mme Sylvie Tabet, avocate-conseil et directrice adjointe; et Mme Meg Kinnear, avocate générale principale et directrice générale.
Au cours de la deuxième heure, nous entendrons des représentants de la Chambre de commerce du Canada que nous présenterons le moment venu.
Comme il s'agit d'une des premières mesures législatives au menu de notre comité, hormis un projet de loi d'initiative parlementaire, nous sommes impatients de commencer. Il s'agit d'un projet de loi peu volumineux. Nous voulons entendre des fonctionnaires du ministère pour mieux comprendre précisément l'effet du projet de loi et les garanties qu'il offre pour les investissements canadiens et autres.
Nous vous remercions donc d'être parmi nous et de prendre part à cet exercice.
Pour ce qui est du protocole du comité, nous souhaitons vous entendre au cours de la première partie des travaux du comité et ensuite passer aux questions. Au cours du premier tour de table, nous commencerons par les députés de l'opposition suivis des députés ministériels.
Nous vous souhaitons la bienvenue et nous sommes impatients d'entendre ce que vous avez à dire. La parole est à vous.
Monsieur Kessel.
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Merci, monsieur le président. Bonjour à vous et aux membres du comité.
Malheureusement, le ne peut se joindre à nous aujourd'hui étant donné qu'il est à l'étranger. Il m'a demandé de prendre la parole en son nom et je suis ravi d'être accompagné par une équipe très compétente qui m'aidera à répondre à vos nombreuses questions lorsque nous aborderons ce volet de la discussion ce matin.
[Français]
Il me fait plaisir de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres États, à laquelle je ferai référence en tant que la « convention » dans la suite de mon allocution.
La convention a été parrainée par la Banque mondiale en vue de favoriser et d'accroître le flux des investissements internationaux. La convention établit des règles permettant de résoudre les différends relatifs aux investissements opposant des États à des ressortissants d'autres États au moyen de la conciliation et de l'arbitrage. Elle crée aussi le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, connu sous le nom de CIRDI et chargé de se pencher sur les cas relevant de la convention. Le Canada a signé la convention le 15 décembre 2006.
[Traduction]
Monsieur le président, afin de pouvoir devenir membre du CIRDI, comme on l'appelle affectueusement, un pays doit adopter des dispositions législatives pour que les sentences du CIRDI puissent être exécutées par ses tribunaux. Le , soumis à l'étude du comité, porte sur l'exécution des sentences rendues par le CIRDI en faveur ou à l'encontre du gouvernement fédéral et des gouvernements étrangers et des collectivités publiques dépendant de ces gouvernements.
Il y a plusieurs arguments en faveur de l'adhésion du Canada à la convention. Elle contribuerait à renforcer notre image en tant que pays favorable à l'investissement. Elle apporterait une protection additionnelle aux investisseurs canadiens à l'étranger en les autorisant à avoir recours à l'arbitrage du CIRDI dans le cadre de leurs contrats avec des États étrangers. Elle permettrait aussi aux investisseurs canadiens et aux investisseurs étrangers au Canada de soumettre des réclamations en matière d'investissement aux règles d'arbitrage du CIRDI, lorsque de telles dispositions figurent dans nos accords sur la protection des investissements étrangers ou nos accords de libre-échange.
L'arbitrage international relatif à l'investissement gagne en importance. Le stock des investissements directs canadiens à l'étranger a atteint un record de 469 milliards de dollars en 2005. En raison de la mondialisation de l'investissement, le nombre de différends relatifs aux investissements a augmenté considérablement au cours des cinq dernières années.
De même, le nombre d'arbitrages du CIRDI est monté en flèche: le CIRDI a procédé à seulement 110 arbitrages au cours des 40 dernières années, tandis que 105 procédures sont actuellement en cours. À elles seules, les parties à l'ALENA ont fait face à plus de 40 requêtes d'arbitrage entre un investisseur et un État depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA.
La hausse exceptionnelle du nombre de différends relatifs à l'investissement ou opposant un investisseur à un État a fait de la non-ratification de la convention par le Canada le centre d'attention du milieu des affaires canadien, de la communauté juridique canadienne et de nos partenaires commerciaux. Actuellement, 143 États ont ratifié la convention. La plupart de nos partenaires commerciaux importants y sont parties, à l'exception du Mexique, de l'Inde et du Brésil. La ratification de la convention harmonisera la politique canadienne avec celle de nos autres partenaires de l'OCDE. Selon une étude menée par le CIRDI en 2004, 79 p. 100 des répondants ont indiqué que la convention jouait un rôle crucial dans le cadre juridique de leur pays, et 61 p. 100, que l'adhésion au CIRDI avait contribué à créer un climat positif en matière d'investissement.
Le régime du CIRDI présente des avantages importants, et par rapport à d'autres mécanismes d'arbitrage, le régime du CIRDI offre de meilleures garanties en ce qui concerne l'exécution des sentences et assure une intervention plus limitée des tribunaux locaux. Toute sentence arbitrale rendue par le CIRDI a force obligatoire et toute obligation pécuniaire qui en résulte doit être rendue exécutoire, comme si la sentence était une décision finale d'un tribunal national.
De plus, tous les États contractants du CIRDI, qu'ils soient ou non parties au différend, sont tenus par la convention de reconnaître et d'exécuter les sentences d'arbitrage du CIRDI. Les investisseurs préfèrent souvent s'appuyer sur ce type d'arbitrage, plutôt que sur les tribunaux locaux dont les décisions sont contestées, afin d'assurer un règlement indépendant des différends.
Les liens du CIRDI avec la Banque mondiale aident les investisseurs à se conformer aux sentences du CIRDI et la liste d'arbitres donne aux investisseurs accès à des spécialistes hautement compétents, qui possèdent une vaste expérience de l'arbitrage en matière d'investissement international, et ce, à des tarifs fixés par le CIRDI. Le CIRDI fournit aussi un soutien administratif aux plaideurs.
La convention est un outil de règlement des différends relatifs à l'investissement qui jouit d'une grande renommée. Par conséquent, il est possible de prévoir l'interprétation de la convention et son utilité. Il est cependant difficile d'évaluer le nombre de fois où les entreprises canadiennes actives à l'étranger auront recours à la convention pour protéger leurs activités.
Le Canada a déjà beaucoup de liens avec le CIRDI. En général, les contrats conclus entre les gouvernements des autres pays et les investisseurs canadiens contiennent des dispositions concernant le consentement à l'arbitrage du CIRDI. L'ALENA, au chapitre 11, l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili et la plupart de nos accords bilatéraux sur la protection des investissements étrangers, l'APIE, prévoient que le CIRDI peut être choisi par un investisseur comme solution pour règlement de différends si l'État de l'investisseur et l'État hôte de l'investissement sont parties au CIRDI.
Toutefois, le Canada et les investisseurs canadiens ne peuvent pas tirer profit de cette option si le Canada n'adhère pas à la convention. Il s'agit d'un problème qui revêt de plus en plus d'importance. Au Canada, le recours au CIRDI serait conforme à la politique du gouvernement appuyant l'utilisation de modes alternatifs de résolution des conflits, ou MARC, afin de régler les différends entre un investisseur et un État. Même si le CIRDI est un mécanisme moins coûteux et plus efficient que les autres mécanismes actuels, on ne s'attend pas à ce que son utilisation se traduise par une multiplication des poursuites contre le gouvernement.
Comme le Canada est actionnaire de la Banque mondiale, se joindre au CIRDI par l'adoption de la convention n'entraînera aucun coût additionnel.
[Français]
Les législations provinciales et territoriales sont nécessaires pour assurer l'exécution des sentences arbitrales rendues dans le cadre de différends concernant une province ou un territoire désigné comme collectivité publique qui consent à se soumettre à l'arbitrage du CIRDI. Le gouvernement fédéral a entrepris de désigner comme collectivités publiques les provinces ou les territoires qui le souhaitent.
Les provinces et les territoires ont indiqué qu'ils appuient, en principe, la convention du CIRDI. Ils ont aussi recommandé que chaque administration au Canada, y compris le gouvernement fédéral, adopte un projet de loi de mise en oeuvre.
[Traduction]
La province de l'Ontario a adopté une loi de mise en oeuvre en 1999. La Colombie-Britannique, la Saskatchewan, Terre-Neuve-et-Labrador et le Nunavut ont fait de même en 2006.
Le vous invite à examiner ce projet de loi et à l'améliorer en vue de faciliter l'adhésion du Canada à la convention le plus rapidement possible.
Merci, monsieur le président.
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Sur le plan des coûts, les cotisations que le Canada verse déjà à la Banque mondiale couvrent essentiellement le coût de l'exploitation de l'organisation.
Maintenant, le fait est que dans chaque arbitrage, un tribunal a, au bout du compte, le droit de demander à l'une ou l'autre des parties d'assumer le coût du litige. Encore une fois, c'est très semblable à notre procédure nationale, laquelle permet à un juge d'ordonner à l'une des parties, souvent la partie perdante, de payer les frais.
Pour ce qui est du règlement par conciliation, je pense qu'il importe de noter que le CIRDI est assurément mieux connu comme un mécanisme d'arbitrage, mais il dispose aussi de facilités de conciliation. Il existe donc encore une autre manière d'essayer de résoudre des différends avant même qu'ils aboutissent au processus officiel de règlement.
Le troisième aspect à signaler est que le modèle canadien, l'APIE, ainsi que tous nos traités sur l'investissement comportent en fait une première étape stipulant que les deux parties dont les intérêts divergent peuvent se rencontrer et tenter de résoudre le différend avant d'entamer une procédure officielle de règlement des différends.
Je veux enfin signaler un dernier élément. Vous avez demandé si cela établissait des règles, etc. Vous nous avez peut-être entendu mentionner ceci, la convention CIRDI, les règles directrices. Il y a ensuite des règles spéciales qui y sont jointes et qui s'appliquent au processus d'arbitrage.
Nous avons beaucoup d'exemplaires de ce document. Cela figure aussi sur le site Web. Nous pouvons bien sûr vous donner les adresses Web, mais vous trouverez ici toutes les règles.
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Premièrement, en matière d'appel, un volet du processus d'appel autorise les parties à se prévaloir de ce que l'on appelle un processus d'annulation. Si une partie veut contester une sentence qu'elle ne juge pas satisfaisante, et veut pousser l'affaire plus loin, elle peut demander au CIRDI de mettre sur pied un comité d'annulation qui entendra sa cause et rendra une décision. Une fois cela fait, c'est le bout de la route. Il n'y a pas d'autres mécanismes d'appel.
Deuxièmement, pour ce qui est de la composition des comités, le CIRDI a des listes d'arbitres et chaque pays a le droit, après son adhésion, de nommer quatre personnes sur cette liste. Ce sont habituellement des juges, des avocats et des arbitres réputés dont le nom se retrouve sur cette liste. Un pays ou un investisseur qui est aux prises avec un différend peut consulter cette liste et dire: « Voici une liste de 100 personnes faisant autorité ou arbitres éminents. Nous souhaiterions nommer M. ou Mme X en tant que notre arbitre. »
De nombreux traités, y compris les traités du Canada, autorisent aussi les parties à nommer des personnes qui ne figurent pas sur la liste. Autrement dit, si les noms qui figurent sur la liste officielle ne vous conviennent pas, vous pouvez en proposer d'autres. Voilà comment se fait la composition des comités.
Pour ce qui est de l'AMI, l'accord vise les obligations de principe: il est interdit d'exproprier, il est interdit de faire de la discrimination, etc. Cela n'a aucune incidence sur ce qui se ferait sous le régime de la convention du CIRDI. L'AMI ne couvre pas le même champ d'application.
Encore une fois, je reviens à la distinction de base entre les traités, qui établissent les droits fondamentaux, et le CIRDI, qui est une tribune à laquelle on peut faire appel pour engager des poursuites concernant ces droits et qui, finalement en facilite l'application.
Ce sont donc là deux choses distinctes. Cela ne fait pas partie de l'AMI, ni du débat qui l'entoure, indépendamment de ce que l'on peut en penser.
Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par « responsabilisation », mais comme nous l'avons expliqué, ces tribunaux sont habituellement constitués de comités de trois membres. Règle générale, les audiences sont ouvertes au public. Souvent, un traité stipule qu'un membre est nommé par un pays, l'autre par l'investisseur et le président est nommé du consentement des parties ou, si elles ne s'entendent pas, par le CIRDI.
L'audience se déroule en public. Il y a aussi un processus d'annulation. Si les gens estiment nécessaire de recourir à un processus de révision ou d'appel, les décisions rendues sont d'ordre public. D'ailleurs, une communauté très dynamique consulte, examine et critique ces décisions.
Vous constaterez que de plus en plus les arbitres citent les décisions antérieures. Il ne s'agit pas d'un système de précédent officiel comme celui que nous avons en droit national, mais on évolue de plus en plus en ce sens. Il y a donc un ensemble de droits cohérents qui se développe de sorte que nous pouvons prédire et savoir beaucoup mieux si telle ou telle action sera potentiellement considérée comme une expropriation ou une violation d'une obligation issue du traité.
À mon avis, tout cela s'inscrit dans le processus de responsabilisation. Je ne sais pas s'il y a des aspects en particulier auxquels vous pensiez, mais s'il y en a, je les aborderai aussi volontiers.
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Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Comme vous l'avez dit, je suis le président du comité des affaires internationales de la Chambre de commerce du Canada. Mon emploi lucratif consiste à travailler en qualité d'associé au cabinet d'avocats Bennett Jones. J'y dirige la pratique liée au commerce international et à l'investissement.
Comme nous avons été invités à comparaître devant vous avec un préavis plutôt court, j'ai d'abord pensé que nous ferions un survol du CIRDI et de ses liens avec le milieu des affaires. Après avoir entendu une bonne partie de l'exposé de Meg Kinnear et de ses collègues, je crois que ce serait sans doute pour vous une perte de temps. En tant que regroupement d'hommes et de femmes d'affaires, tout ce que j'ai entendu ne suscite pour nous aucune préoccupation. À mon avis, la description du CIRDI et de son processus que vous venez d'entendre est tout à fait juste. Comme elle correspond à notre façon de voir, je ne reviendrai pas là-dessus inutilement.
Ce que j'aimerais faire pendant le court laps de temps qui m'est imparti, c'est m'inspirer de certaines questions que des députés ont posées au cours de la période de questions et réponses qui a suivi l'exposé des fonctionnaires et essayer de vous présenter le point de vue du monde des affaires à ce sujet de façon à vous faire comprendre pourquoi notre milieu appuie sans réserve la ratification de la convention du CIRDI plus de 40 ans après qu'elle ait été signée.
Je ne procéderai pas dans un ordre particulier. Je vais aborder les sujets que j'ai notés pendant que j'écoutais vos questions.
[Français]
Je vais commencer par la distinction entre le processus et le substantif. La convention n'a rien à faire avec le droit substantif. C'est simplement un processus qui suit l'engagement d'obligations par un pays membre. C'est le processus qui permet à l'investisseur de faire reconnaître les droits que la convention lui a conférés.
[Traduction]
C'est une distinction fondamentale. Bon nombre des questions posées aux fonctionnaires reflétaient ce prisme.
Le Canada a signé l'ALENA. Le chapitre 11, qui fait partie de l'ALENA, crée les droits fondamentaux de l'investisseur. Le Canada est signataire d'une vingtaine d'accords internationaux de protection de l'investissement. Les obligations auxquelles le Canada a consenti en vertu de ces accords existent et continueront d'exister indépendamment de la mesure à l'étude.
Comme vous le savez, l'ALENA a suscité des différends et des entreprises canadiennes se sont prévalues à quelques rares occasions du droit de faire des requêtes en vertu des APIE. Par conséquent, peu importe votre position ou votre opinion au sujet des droits fondamentaux, là n'est pas vraiment la question et c'est là un point très important qu'il ne faut pas oublier.
Deuxièmement, une fois doté du processus du CIRDI... Évidemment, il faut se demander pourquoi il serait avantageux pour le Canada en général et pour le milieu que je représente, le monde des affaires, que nous soyons membres du CIRDI, en sachant que 143 autres pays y adhèrent. Pratiquement tous nos partenaires, commerçants et investisseurs, et pratiquement tous les pays où investissent les entreprises canadiennes ont adhéré au traité.
La réponse à cette question est relativement simple même si elle s'exprime en quelques points. Dans une perspective d'affaires, le premier élément qui est attrayant en l'occurrence, c'est d'avoir une tribune reconnue, dotée de règles bien établies. Comme Meg et ses collègues vous l'ont expliqué, le CIRDI est une mine de jurisprudence dont les causes ont valeur de précédent. En effet, même si celles-ci ne lient pas les autres comités, elles fournissent des pistes d'interprétation du droit en matière d'investissement et cela vaut non seulement pour le CIRDI, mais aussi pour les APIE.
Les APIE renferment des droits très spécifiques qui sont approximativement répétés, parfois dans des langues différentes, d'un accord d'investissement à l'autre, qu'il s'agisse d'expropriation, de traitement juste et équitable, de traitement minimum standard ou de traitement national. En ce qui a trait à toutes ces obligations, la formulation varie quelque peu, mais le thème est le même. Ainsi, le CIRDI a des comités ad hoc et une structure institutionnelle qui comporte des antécédents qu'il faut comprendre. Cela nous permet d'assimiler pourquoi le libellé spécifique d'un traité peut engendrer un résultat légèrement différent simplement parce que les mêmes termes n'ont pas été utilisés.
Par contre, les comités ad hoc... Rappelez-vous: j'ai affirmé l'existence des droits issus de traités. Les investisseurs s'en prévaudront, à moins de faire appel aux traités fondamentaux. À l'opposé, les traités fondamentaux — encore une fois, comme l'ont expliqué mes collègues du gouvernement —, ouvrent la voie à plusieurs processus différents auxquels on peut avoir recours. Habituellement, on fait appel aux règlements d'arbitrage de la CNUDCI, qui est essentiellement ponctuelle. Il n'existe pas de structure institutionnelle similaire ou comparable qui administre le système d'arbitrage de la CNUDCI comme c'est le cas pour le CIRDI. Essentiellement, ce n'est qu'un ensemble de règles. On peut donc invoquer cela ou, peut-être, dans certaines instances, on peut invoquer, comme on vous l'a dit, le règlement du mécanisme supplémentaire du CIRDI applicable dans l'autre pays, le pays hôte ou le pays plaignant si la réclamation se fait contre le Canada ou contre des membres du CIRDI. Mais l'on ne peut invoquer le règlement principal du CIRDI.
Comme je l'ai dit, cela donne lieu à un processus ponctuel, particulièrement si l'on opte pour l'arbitrage ad hoc faisant appel aux règlements de la CNUDCI. On parle ici d'une institution qui a de l'expérience dans l'administration de ce volet du droit — une mine d'expérience acquise depuis les deux dernières décennies et particulièrement depuis les dix dernières années, suite au traitement d'environ 200 cas.
C'est donc une raison importante: la richesse de l'expérience, le savoir, la compréhension que l'institution a et peut apporter au règlement d'un différend, autant d'éléments qui sont avantageux non seulement pour le milieu des affaires, mais aussi pour le gouvernement. Soit dit en toute déférence, il y a moins de risque de faire face à un comité malhonnête — et nous avons à l'occasion entendu des gouvernements parler de comités malhonnêtes — dans le contexte d'une instance institutionnelle comme le CIRDI que lorsqu'on a affaire à un comité ad hoc.
Conséquemment, tant le gouvernement que l'investisseur bénéficie d'une institution qui a un certain... Comme je l'ai dit, il n'y a rien de contraignant; les comités sont libres. Les décisions rendues antérieurement par un comité ne lient pas les décisions que rend un comité aujourd'hui, mais lorsque le comité évolue dans une instance reconnue dotée d'une administration, d'un secrétaire général, un certain poids institutionnel entre en jeu, un poids qui ne pèse sans doute pas aussi lourd dans le cas d'un comité ad hoc. Le gouvernement et l'investisseur en retirent une certaine certitude.
Un autre élément clé est le caractère très limité du processus de révision, sa finalité. Dans le cadre du CIRDI, si la décision ne fait pas votre affaire, il n'y a qu'une seule option qui s'offre à vous, soit loger un appel ou une procédure de révision en vertu du CIRDI — c'est tout. On ne se retrouve pas coincé dans des poursuites potentiellement interminables dans les tribunaux nationaux. Et il ne s'agit pas nécessairement des tribunaux nationaux du pays où se trouve le plaignant ou du pays hôte. Il est possible que l'on ait choisi comme lieu d'arbitrage un pays tiers. Dans l'affaire Metalclad, qui relevait de l'ALENA, c'était le Canada. C'est ainsi que la révision judiciaire de cette sentence défavorable au Mexique a eu lieu devant les tribunaux de la Colombie-Britannique.
Nos tribunaux sont fort capables de reconnaître les limites de la révision judiciaire de sentences arbitrales, mais d'autres pays n'ont pas la même capacité. La finalité du processus du CIRDI revêt une importance cruciale pour les entreprises et, j'estime que cela devrait être important pour le gouvernement également. On veut que les choses aient une fin.
Qui plus est, la perspective de la finalité — un jour, il faudra faire face à la musique — est un incitatif à en arriver à un règlement. Si je sais que je peux faire traîner une affaire devant les tribunaux pendant des années, voire des décennies, ma motivation à en arriver à un règlement n'est pas tout à fait la même. Je peux user mon adversaire — user le gouvernement, si je suis un investisseur au portefeuille bien garni, ou user la compagnie, si je suis un gouvernement nanti aux prises avec un investisseur de petite ou moyenne taille. Par conséquent, cette finalité est importante dans une deuxième perspective.
Mon troisième point concerne l'exécution des sentences, dont on a parlé tout à l'heure. Le traité stipule qu'une sentence allant à l'encontre de la position du gouvernement défenseur est applicable et contraignante en vertu du droit international. Cette disposition a d'immenses répercussions pour une entreprise, pour l'investisseur gagnant. Mes collègues et amis du gouvernement sont probablement mieux placés pour évoquer une situation institutionnelle extrême. Je crois comprendre, au bas mot, qu'étant donné que le CIRDI s'inscrit dans la mouvance de la Banque mondiale, pour des raisons qui ne devraient pas être trop difficiles à comprendre, les États hôtes faisant l'objet de sentences qui leur sont défavorables vont sans doute y penser à deux fois et se garder une petite gêne avant de déroger à une sentence qui est contraignante en vertu du droit international et d'un traité qu'ils ont signé de concert avec 143 autres pays.
J'ai entendu parler de cas où des pays hôtes auraient menacé de ne pas honorer une sentence et ont ensuite compris quelles conséquences cela pourrait avoir dans le monde de la Banque mondiale notamment pour ce qui est de l'encours des prêts et subventions qu'ils pouvaient avoir auprès de la banque. Songeons aussi à la réaction d'autres États membres dont les gouvernements octroient des subventions bilatérales ou une aide étrangère lorsque, soudainement, les représentants de la banque disent: « Vous savez, vous devriez peut-être y réfléchir car ces pays ne respectent tout simplement pas leurs obligations ici. » . Il y a donc un incitatif à assurer l'application des sentences. C'est un incitatif plus implicite qu'autre chose qui encourage les gouvernements délinquants à respecter leurs obligations.
Fondamentalement, la question clé c'est qu'essentiellement, du point de vue du Canada, il s'agit de transactions internationales, d'investissements étrangers. Pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement du Canada, celui-ci a déjà une responsabilité. Il l'a acceptée en signant la vingtaine d' APIE, lorsqu'il a signé l'ALENA et lorsqu'il signera des accords futurs. Il assume une responsabilité potentielle s'il trahit ses obligations internationales. Il n'est pas responsable; il a des obligations. Par conséquent, le fait de signer ou non ou de ratifier ou non le CIRDI ne change rien à l'affaire, d'une façon ou d'une autre.
Toutefois, pour un investisseur canadien qui souhaite intenter un recours pour récupérer à l'étranger les millions ou les centaines de millions ou les milliards qu'il a investis dans une mine en Amérique latine ou dans une usine en Inde ou en Chine, peu importe, le CIRDI est la solution. Le CIRDI offre à ces entreprises canadiennes un recours dans l'éventualité où leurs droits auraient été violés. C'est une option beaucoup plus sécuritaire et beaucoup plus attrayante que ce que nous avons aujourd'hui en l'absence du CIRDI. C'est essentiellement pourquoi la Chambre de commerce du Canada appuie cette instance. À mon avis, vous aurez du mal à trouver dans l'ensemble du secteur économique canadien une association qui ne soit pas en faveur de la ratification.
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La Chine est un bon exemple. Je reviendrai sur votre observation au sujet des pays à l'image de l'Inde et du Brésil dans le monde, mais la Chine est un très bon exemple. À mon avis, ce pays aurait toute la motivation pour respecter une sentence du CIRDI, ce qui n'est pas du tout la même chose que de respecter une sentence d'un tribunal chinois ou d'un arbitre chinois qui aurait pu donner raison à un investisseur étranger.
Vous avez absolument raison. Il peut être assez délicat pour un investisseur ou un plaignant étranger — par exemple, un fournisseur étranger qui exporte des marchandises en Chine et qui se retrouve en conflit avec son acheteur — de compter sur la règle de droit en Chine, bien que les Chinois s'efforcent de la mettre en oeuvre. Habituellement, c'est l'inverse. Les exportations vont plutôt dans l'autre sens, mais il y a des compagnies canadiennes qui exportent là-bas également et j'en ai déjà représenté un certain nombre.
Lorsque survient un conflit, en vertu de contrats standards, l'investisseur est obligatoirement assujetti à l'arbitrage en vertu de la procédure chinoise... et il existe plusieurs régimes d'arbitrage commercial. En vertu de leurs contrats-types, nous sommes forcés d'aller dans cette direction. Par la suite, si vous avez la chance de remporter la victoire en arbitrage, il se peut que vous rencontriez d'autres embûches pour ce qui est de l'application de la sentence si vous avez obtenu des dommages-intérêts.
Effectivement, vous avez raison, il y a un risque. L'attrait du CIRDI, c'est qu'il évite de passer par le système judiciaire chinois. Si le gouvernement chinois perd une décision, la seule façon qui s'offre à lui d'exiger une révision est de passer par le mécanisme de révision du traité du CIRDI. Maintenant, à propos de l'exécution des sentences, c'est toujours un défi lorsque l'on a affaire à des États défendeurs. Il faut trouver des marchandises qui sont saisissables, et ainsi de suite.
À cet égard, mon argument va un peu plus loin. Je ne pense pas que l'avantage que l'on tire du CIRDI tienne à une ordonnance qui puisse être exécutée comme elle pourrait l'être ici, qui serait enregistrée au tribunal et qui autoriserait un huissier à saisir des actifs. L'intérêt du CIRDI, c'est qu'il impose une obligation internationale expresse aux membres du pays hôte qui fait l'objet d'une sentence défavorable: il est tenu de respecter ses obligations, y compris payer les dommages-intérêts.
Par conséquent, pour un pays comme la Chine qui est en passe de devenir un investisseur étranger de premier plan... Mon ancien cabinet a représenté une entreprise canadienne, la PetroKazakhstan, qui avait vendu ses actifs — la presque totalité de ses actifs étaient à l'étranger, au Kazakhstan — à la compagnie pétrolière nationale chinoise. Ce n'est qu'un exemple. Les Chinois ont des actifs ici. Ils ont fait au Canada des investissements substantiels qui ne sont pas très connus, mais qui sont là néanmoins. Ils sont à l'affût d'autres investissements, non seulement au Canada, aux États-Unis ou en Europe, mais partout dans le monde.
Si un pays comme celui-là renie ses obligations liées au CIRDI, cela peut avoir des répercussions sérieuses au plan de la réceptivité des pays où il envisage d'investir. Voilà en partie la beauté de la chose. Le CIRDI est un mécanisme que toutes les parties adhérentes ont accepté. Si vous choisissez de ne pas honorer vos obligations, vous compromettez vos propres droits et intérêts en tant qu'investisseurs. Par conséquent, j'estime que c'est une fonction importante.
Pour ce qui est du Brésil et de l'Inde, permettez-moi d'en parler brièvement. Je ne connais pas les raisons spécifiques qui les ont empêchés d'être signataires. Mais la dernière fois que j'ai examiné le dossier, même si le monde des affaires et, j'en suis sûr, le Canada souhaiteraient vivement multiplier les échanges commerciaux avec l'Inde et les investissements là-bas, franchement, c'est une goutte d'eau dans la mer. Si je ne m'abuse, nos échanges et nos investissements s'élèvent respectivement à 200 et 500 millions de dollars. Je peux me tromper de quelques centaines de millions de dollars, mais pour tout dire, c'est minime.
Pour ce qui est du Brésil, c'est un peu mieux, mais encore là, nous ne sommes pas...
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Je vous remercie beaucoup de votre question, madame la députée.
D'abord, votre question se base sur le postulat implicite que le seul fait qu'un gouvernement adopte des lois sur des questions sociales comme l'environnement, l'éducation ou les affaires d'intérêt public donne des droits à une compagnie en vertu d'un traité bilatéral ou de l'ALENA, quand ces lois ont pour effet de lui faire perdre de l'argent. Or, ce n'est pas du tout le cas.
Les gouvernements, en vertu de tous ces traités d'investissement bilatéral ou de l'ALENA, sont parfaitement libres de légiférer dans les domaines sociaux, environnemental, dans les domaines d'affaires, dans les domaines fiscaux, bref, dans n'importe quel domaine. Ces traités n'empiètent pas du tout sur la compétence de légiférer des gouvernements, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux. Mais quand ceux-ci légifèrent, ils doivent prendre en considération leurs obligations envers les investisseurs étrangers.
Cela ne veut pas dire qu'ils ne peuvent pas légiférer d'une façon qui imposera effectivement des coûts à l'investisseur, mais cela signifie qu'ils imposeront des coûts de façon arbitraire, tout à fait sans raison. On viole alors l'obligation du standard minimum de traitement pour les investisseurs. Si on légifère d'une façon qui est une expropriation de la propriété de l'investisseur, c'est différent. Par exemple, un investisseur bâtit une usine, et le gouvernement ne prend pas l'usine, ne l'exproprie pas directement, mais il met en place des mesures qui rendent l'usine tout à fait inopérable...
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La Loi C-9 ayant été adoptée avant la dernière étape de ce différend qui dure depuis une vingtaine d'années, j'avoue franchement que je ne le crois pas.
Enfin, en vertu du chapitre 11 de l'ALENA, il y a déjà des réclamations contre le gouvernement canadien dans l'affaire du bois d'oeuvre, mais je crois qu'elles ont été réglées dans l'entente que le gouvernement du Canada a conclue avec les États-Unis.
Pour les raisons que j'ai expliquées au départ, c'est une question de procédure en opposition à une question de substance. Certains droits nous ont peut-être aidés, dans ces réclamations. C'était très intéressant parce que les compagnies de bois d'oeuvre canadiennes avaient des investissements aux États-Unis, mais l'investissement principal s'effectuait ici, au Canada. Il reste donc une question juridique qui n'a pas encore été tranchée. La question est soulevée encore une fois dans les litiges sur le boeuf, où les réclamants canadiens, dans ce cas comme dans celui du bois d'oeuvre, ont aussi des investissements au Canada qui visent le commerce avec le marché américain. Ils ne feraient pas ces investissements au Canada si les frontières américaines fermaient.
On se demande donc si les traités sur l'investissement permettent à un investisseur de faire une réclamation pour l'impact d'un pays étranger sur l'investissement dans un deuxième pays, dans son pays d'origine. La question n'a pas été tranchée.
Cela dit, la question de procédure n'aurait aucun impact sur cette question. En fait, c'est la façon dont on aurait [Note de la rédaction: inaudible] la réclamation plutôt que les droits particuliers qu'on aurait invoquée dans la réclamation.
Malheureusement, j'aurais préféré vous donner une autre réponse, mais c'est celle qui s'impose.
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Permettez-moi de commencer par la situation de RIM en Chine. RIM fait face à de nombreux problèmes. Premièrement, exporter en Chine du matériel de traitement de données fabriqué ici. Deuxièmement, détenir les logiciels et l'autorisation de licenciation du système conçu en collaboration avec les entreprises de télécommunications chinoises. Troisièmement, être en mesure d'établir et de fournir là-bas les services d'appoint, de soutien permettant d'offrir une plate-forme de type RIM par l'entremise des fournisseurs de télécommunications et d'Internet.
L'un ou l'autre de ces aspects peut donner lieu à une obligation d'investissement. Ce n'est pas une obligation d'investissement type. Soit c'est une obligation liée à un traité, auquel cas cela relève des paramètres du traité de base — traité que nous n'avons pas encore conclu avec la Chine, mais qui fait l'objet de négociations —, soit ce n'est pas le cas. C'est donc une question de fond.
Supposons qu'éventuellement, le Canada signe un traité avec la Chine. Le fait que le CIRDI soit en place, comme je l'ai mentionné dans ma réponse à la question de M. Martin, m'apparaît comme un avantage inestimable. En effet, en supposant que RIM puisse présenter sa réclamation, quelle qu'elle soit, selon les paramètres d'un APIE avec la Chine, à ce moment-là, en tant que conseiller juridique d'un investisseur, j'aurais certainement recommandé d'opter pour la voie du CIRDI.
Dans une cause que j'ai amorcée contre le gouvernement du Canada, nous n'avions pas cette option. Je représentais une entreprise américaine, et nous ne nous sommes même pas rendus jusque-là. Finalement, nous avons réglé, ce qui, à mon avis, était une bonne chose pour toutes les parties concernées. Mais chose certaine, si l'affaire avait été plus loin, j'aurais opté pour l'option CIRDI, pour peu que cela ait été possible. Par conséquent, je pense que vous avez raison.
Deuxièmement, pour ce qui est du bois d'oeuvre, peut-être ai-je répondu trop vite en disant que cela n'aurait pas fait de différence. En principe, cela n'aurait pas fait de différence, mais vous savez, dans la mesure où... Je ne pense pas que cela aurait fait une différence dans la façon dont les Américains ont abordé le différend. Les Américains sont de grands partisans de l'OMC, mais qu'il s'agisse de la réduction à zéro ou de n'importe quel de leurs enjeux favoris, s'ils décident d'engager des poursuites devant les tribunaux, ils continueront jusqu'au bout, jusqu'à la dernière minute, c'est tout simplement le style américain.
Par conséquent, je ne pense pas que le fait d'adhérer au CIRDI change quoi que ce soit. Ils vont peut-être même se traîner les pieds pour la mise en oeuvre après avoir été déboutés; après avoir perdu le dernier rappel devant l'instance d'appel de l'OMC, ils vont peut-être faire traîner les choses encore un peu. Mais le CIRDI n'est pas une affaire d'argent. S'il n'y avait pas eu de règlement et si les entreprises de bois d'oeuvre avaient dû poursuivre leur recours, et si nous avions été membres du CIRDI, et si... Cela aurait effectivement été un outil utile. J'aurais aimé pouvoir en disposer si j'avais représenté un producteur de bois d'oeuvre.
En somme, oui, je pense que cela aurait été un avantage, modeste, certes, mais néanmoins un avantage.
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Dans votre optique et celle des investisseurs, d'après ce que j'ai lu récemment, le Canada tire bien son épingle du jeu pour ce qui est d'attirer les investissements. Certains diraient qu'il y a lieu de s'inquiéter d'un surinvestissement, si je peux utiliser ce terme; ils craignent l'investissement étranger et les prises de contrôle.
Il va de soi que nous n'avons aucune préoccupation en ce qui concerne l'investissement, et ce n'est pas le but de l'exercice. On nous a donné des précisions sur ce que cela signifie. Il ne s'agit pas d'encourager l'investissement en soi. On est en présence d'une tribune qui peut rendre des décisions arbitrales, qui a des règles claires et un espace pour fonctionner. Est-ce un portrait juste?
Pour évoquer le revers de la médaille, pouvez-vous apporter des arguments justifiant que nous cédions une partie de notre souveraineté? Vous ne serez peut-être pas d'accord avec l'emploi de ce terme. Je sais que dans son exposé, le porte-parole du gouvernement a dit que de multiples raisons militaient en faveur de l'adhésion du Canada à la convention, l'une d'elles étant que cela contribuerait à renforcer l'image du Canada en tant que pays ouvert à l'investissement.
Eh bien, aux dernières nouvelles, rien n'indique que nous ne sommes pas ouverts. J'ignorais qu'il y avait un problème quant au volume d'investissement étranger au pays, de sorte que cela m'apparaît une question légitime. Je vous invite donc à nous expliquer les raisons qui font que cela est nécessaire. Je suis sûr que vous avez une perspective différente selon les clients que vous représentez.
Deuxièmement, d'aucuns pourraient faire valoir que ce mécanisme est idéal pour vous et la clientèle que vous représentez, mais que dites-vous aux Canadiens ordinaires qui estiment préférable de régler les problèmes ici, sur notre propre territoire, dans notre propre système, et non pas à Washington ou à la Banque mondiale où, à dire vrai, nous n'aurons peut-être pas autant de pouvoir? Et si les choses tournent mal?
Je vais m'en tenir là.
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Mais ce qui est le plus important pour les investisseurs, c'est qu'ici, l'application de la règle de droit est efficace. C'est ce qui amène l'investisseur à venir ici. Le CIRDI est conçu pour s'attaquer aux problèmes lorsque l'investissement tourne mal. Si tout va bien, personne ne se formalise si le gouvernement prend un raccourci et hausse une taxe d'un point ou deux. On absorbe le coup. Là n'est pas la question. Le CIRDI intervient lorsque les choses déraillent.
Par conséquent, vous avez raison: nous n'en avons pas besoin. Quant à votre observation sur la perte de souveraineté, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'estime que notre souveraineté n'est absolument pas compromise en ce qui a trait aux droits fondamentaux. Si vous prenez connaissance des obligations fondamentales liées au CIRDI, les droits qui sont cédés sont des droits que nous ne devrions pas avoir à invoquer en premier lieu. Il s'agit de la capacité de se comporter de façon capricieuse et arbitraire à l'endroit des investisseurs étrangers, un comportement que nous n'envisagerions jamais d'avoir à l'endroit de nos propres citoyens. Également, la capacité de se livrer à des expropriations de biens sans indemnité et en violation de l'application régulière de la loi. Voilà quels droits fondamentaux véhiculent les APIE et les traités d'investissement.
Par conséquent, en ce sens, oui, nous avons cédé une part de souveraineté. Pourquoi? Parce que dans un monde civilisé, tout comme en tant que citoyens nous cédons un peu de notre souveraineté en accordant aux députés et au Parlement le pouvoir de légiférer et de nous imposer des obligations, en tant que membres de la communauté internationale nous renonçons à certains comportements qui ne sont pas acceptables. Voilà ce qu'impliquent les APIE et les accords d'investissement fondamentaux.
En ce sens, je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a fondamentalement un abandon de souveraineté, même s'il y a une parcelle de vérité dans ce que vous disiez. Et c'est ce qui m'amène à votre deuxième question. Nous aimons régler nos affaires chez nous. C'est vrai. Vous vous sentiriez peut-être plus à l'aise si cela se passait ici, mais que pourrions-nous dire à des entreprises comme RIM, aux producteurs de bois d'oeuvre et pratiquement à tous les fabricants canadiens qui exportent leurs produits, non seulement aux États-Unis mais ailleurs à l'étranger? Si ma mémoire est bonne, nos échanges commerciaux avec les États-Unis représentaient 84 p. 100 de notre commerce extérieur. Ce pourcentage est passé à 70 p. 100. Par conséquent, notre commerce outre-mer a progressé énormément ces dernières années.
Les citoyens canadiens qui travaillent dans les usines et dans les entreprises exportatrices méritent à tout le moins le soutien du gouvernement pour protéger leurs marchés. Par conséquent, lorsque nous cédons cette parcelle de notre souveraineté, nous le faisons en disant aux investisseurs étrangers que nous traiterons leurs intérêts dans notre pays selon certaines normes, et que nous nous attendons à ce qu'ils traitent nos investisseurs de la même manière. Et au plan de la procédure, nous nous soumettons à un processus, pour autant que nos vis-à-vis se soumettent aussi à ce processus.
Peut-être qu'en adhérant à ce processus, nous renonçons dans une certaine mesure à une partie de notre souveraineté, tout comme on en cède une partie chaque fois que l'on signe un traité — n'importe quel traité international.
Au citoyen qui dit: « Je préférerais que cela se fasse ici », je répondrais ceci: si votre emploi dépendait de la fabrication d'un tuyau devant être exporté pour la construction d'un pipeline au Moyen-Orient, souhaiteriez-vous que votre employeur ait certains droits, et seriez-vous disposé à céder cette procédure, cette parcelle de souveraineté, pour protéger votre emploi? Mon intuition me dit que la plupart des employés répondraient: « D'accord, si vous présentez les choses de cette façon, peut-être est-ce raisonnable. »
Oui, cela revient à diminuer notre souveraineté, mais cela se fait d'une façon réciproque et très graduelle qui semble logique aux yeux des Canadiens.
À la lecture de la documentation, c'est avec stupéfaction que j'ai appris que la convention a été signée en décembre 2006, lorsque le Canada est devenu le 155e pays signataire.
J'ai oeuvré dans le secteur manufacturier. Je connais davantage le secteur de l'importation que celui de l'exportation, mais les entreprises avec lesquelles je faisais affaire exportaient énormément aussi. Je comprends fort bien que pour des entreprises comme Gildan qui ont implanté des fabriques et des usines en Haïti, c'est un risque énorme. Quels sont les risques que ces entreprises peuvent courir? L'un des plus grands risques, évidemment, est de perdre leur investissement et de ne disposer d'aucun mécanisme pour le récupérer. Lorsque l'on assume d'importantes dépenses en immobilisations pour bâtir des immeubles, les pertes peuvent être considérables. J'estime que cela peut empêcher certaines entreprises de se lancer dans le monde inconnu de l'investissement international.
Par conséquent, peut-on savoir pourquoi on hésitait? Pourquoi nous avons été le 155e pays dans le monde à reconnaître le bien-fondé de cette initiative. Moi-même et vous-même, qui avons représenté des entreprises et des sociétés... et nous venons tout juste de parler du bois d'oeuvre. Nous avons aussi mentionné Research in Motion. Il y a sans doute des dizaines, des douzaines et peut-être des centaines d'autres initiatives qui auraient pu être touchées, qui auraient pu être aidées dans leur quête d'un règlement si le Canada avait été signataire de cette convention plus tôt.
Pouvez-vous nous dire quel pouvait bien être le raisonnement des gouvernements antérieurs pour qu'ils aient tant hésité à adhérer à un instrument qui, à mon humble avis, est manifestement avantageux non seulement pour les entreprises canadiennes qui consentent ces investissements, qui oeuvrent dans les pays étrangers, mais aussi pour les nombreuses entreprises qui ont été empêchées d'investir dans d'autres pays? Dans quelle mesure ce retard a-t-il freiné les milieux d'affaires?
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Merci, monsieur Goldring.
Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à votre dernière question concernant le nombre d'occasions d'affaires qui ne se sont pas concrétisées, même si c'est une bonne question de pure forme, absolument.
Pourquoi le délai? Je ne peux pas vous dire pourquoi les six premiers ministres que nous avons eus depuis 1966 et leurs divers gouvernements n'ont pas décidé de ratifier et de mettre en oeuvre le CIRDI — en fait, signer la convention, tout d'abord. Comme vous l'avez fait remarquer, nous l'avons seulement signée il y a moins d'un an.
De multiples considérations entrent en jeu. À mon avis, l'une des explications, c'est que pendant les quelque 30 premières années d'existence du CIRDI, il y avait très peu d'activités relevant de ce régime. J'ai donné une conférence à Londres il y a environ un an sur un sujet connexe ayant trait au droit international lié à l'investissement commercial. J'avais passé en revue la jurisprudence. J'ai expliqué que de 1966 à 1996, soit les 30 premières années d'existence de la convention, seulement une poignée de différends — je ne me souviens pas si c'était 23, 27 ou 29 — avaient été soumis au processus du CIRDI.
Depuis le milieu des années 90, depuis 10 ans, comme l'a dit Meg Kinnear, le CIRDI a entendu environ 200 causes. Le nombre d'affaires a décuplé depuis les 10 dernières années par rapport à ce qui s'est passé au cours des 30 premières années. Si l'on fait le calcul, c'est 30 ou 40 fois plus.
À mon avis, la situation s'explique en partie par le fait que c'était un mécanisme intéressant, mais vraiment, que perdait-on? Si l'on considère la situation en 1970: « Quoi, six différends? Combien d'occasions avons-nous ratées? » Et en 1980: « Quatorze différends? Peu importe. »
Il y a peut-être eu un élément strictement législatif, le gouvernement...
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Eh bien, c'est à partir de 1993 que les choses ont vraiment commencé à devenir intéressantes.
Songez aux initiales AMI. Lorsque l'AMI était en cours de négociation, c'était bien au bas de la liste...
À l'époque, en 1994, je me souviens que j'étais conseiller auprès du ministère de l'Industrie lorsque la question de l'AMI a vu le jour et que des prénégociations ont été amorcées; les négociations ont débuté officiellement en 1995. Je parierais sans hésitation que l'on pouvait compter sur les doigts de la main le nombre de parlementaires qui savaient que les négociations de l'AMI étaient en cours. Et deux doigts suffisaient pour compter ceux qui savaient de quoi il retournait. Et cela pouvait inclure ou non le ministre de l'époque.
Des voix: Oh, oh!
M. Milos Barutciski: C'était un processus qui se déroulait entièrement sous l'impulsion de la bureaucratie. Il ne figurait absolument pas sur le radar. Mais par la suite, en 1996 ou 1997, à l'occasion des élections générales, cet enjeu a fait surface au cours de la campagne électorale.
J'ignore lesquels d'entre vous tentaient de se faire élire à l'époque, mais je n'envie pas le pauvre candidat à qui Maude Barlow aurait demandé, par exemple: « Que pensez-vous de l'AMI? » La réponse a probablement été « l'AMI? » Que peut-on faire?
Rapidement, l'AMI est devenu un sujet embarrassant. Pour être juste envers mes collègues et amis des ministères des Affaires étrangères et de la Justice, même si je sais fort bien... étant donné qu'en tant que représentant de la Chambre et de l'Association du Barreau canadien, où je présidais la section internationale à l'époque, nous exhortions Mme Kinnear et ses amis à faire avancer le dossier. Le sujet n'enthousiasmait guère les gouvernements, de quelque parti que ce soit.
Voilà le premier problème. Mais à ce moment-là, l'AMI, et tout ce qui entourait l'investissement international, a commencé à devenir une question embarrassante, la cinquième roue de la politique électorale.
Il y a ensuite eu le fiasco de Cancun, où la question a été soulevée. Il y a eu énormément de diversion. Et finalement, ce qui est peut-être le plus important, c'est le rôle de deux provinces, l'Alberta et le Québec, l'Alberta, à coup sûr, et le Québec aussi, à mon avis — dont les entreprises et les milieux d'affaires sont sans doute les plus dynamiques à l'étranger. Songez à des entreprises comme l'Alcan, à des compagnies comme Bell International — qui devient un peu moins internationale présentement — mais pensez aussi à Hydro International...
Une voix: Cette entreprise est présente à Kandahar.
M. Milos Barutciski: Oui, exactement.
Ou, en Alberta, pensez à toutes ces entreprises d'exploitation de l'énergie et des ressources, des entreprises de moyenne capitalisation ayant des chiffres d'affaires oscillant entre un et deux milliards de dollars, elles ont toutes des actifs, des intérêts, des activités de prospection au Moyen-Orient et partout ailleurs dans le monde qui auraient pu facilement bénéficier d'un tel mécanisme. Malheureusement, leurs gouvernements, pour une raison ou une autre, ont décidé de se servir du CIRDI comme d'un pion sur l'échiquier fédéral-provincial: nous n'allons pas vous laisser faire à moins que vous n'acceptiez certaines conditions qui sont fondamentalement sans rapport avec le dossier.
Voilà votre réponse. Je pense qu'à l'origine, l'inertie a prévalu et ensuite, c'était embarrassant. Ultérieurement, il y a eu une petite guerre fédérale-provinciale.
J'accorde au gouvernement actuel et même au gouvernement précédent, pour être honnête, beaucoup de crédit pour les efforts qu'ils ont déployés. Tout le crédit de la signature de la convention revient au gouvernement.