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J'aimerais commencer par remercier le comité de m'avoir invité à comparaître, surtout par vidéoconférence. C'est l'anniversaire de ma femme aujourd'hui, il était donc impératif que je reste à Vancouver.
Il y a six semaines, j'ai témoigné devant le comité de l'industrie sur les incidences pour la souveraineté canadienne de la vente proposée de la division spatiale de MacDonald Dettwiler. Je m'intéresse vivement à cette dimension de la question en tant que dirigeant de deux projets séparés liés à la souveraineté pour ArcticNet, un consortium financé par le gouvernement fédéral qui regroupe des scientifiques de 28 universités canadiennes et de cinq ministères fédéraux.
Je sais que le colonel Pierre Leblanc va prendre la parole après moi, et j'aimerais simplement dire à l'avance que je vais presque certainement endosser son opinion. En sa qualité d'ancien commandant du Secteur du Nord des Forces canadiennes, il en sait plus que quiconque sur l'importance des satellites de télédétection pour la souveraineté du Canada dans l'Arctique.
La souveraineté dans l'Arctique a été un facteur central dans la décision annoncée la semaine dernière de bloquer la vente proposée. Comme le ministre de l'Industrie, Jim Prentice, l'a dit à la Chambre des communes: « ... nous avons laissé notre marque dans l'espace et nous avons défendu la souveraineté canadienne. »
Cet aspect de sa décision était parfaitement conforme avec la déclaration publique du premier ministre Stephen Harper qu'il est « fermement résolu à protéger et à défendre notre souveraineté ». Moi aussi, et je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions sur la dimension de la souveraineté.
Pendant les quelques minutes dont je dispose aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'une conséquence de la décision du gouvernement, qui s'inscrit clairement à mon avis dans le mandat de ce comité, qui a la responsabilité d'étudier les affaires étrangères.
En toute déférence, le gouvernement a pris la bonne décision, mais il l'a mise en oeuvre de façon bien imparfaite. Plutôt que d'appliquer le critère de l'avantage net prévu dans la Loi sur Investissement Canada, je pense que M. Prentice aurait dû laisser à Maxime Bernier, ministre des Affaires étrangères, le soin de s'en occuper. Ce dernier aurait pu refuser de transférer la licence de Radarsat-2 sans créer de précédent pour nos autres investissements étrangers.
La Loi sur les systèmes de télédétection spatiale a été adoptée en 2005, précisément en vue du lancement de Radarsat-2. Cette loi confère au ministre des Affaires étrangères le pouvoir de refuser le transfert d'une licence qui compromet la « sécurité nationale » ou la « défense du Canada », comme la vente des yeux du Canada dans l'Arctique.
Comme j'ai témoigné devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international il y a trois ans à ce sujet, sur ce projet de loi en particulier, je me rappelle très bien que les conservateurs comme les libéraux avaient conclu que le ministre des Affaires étrangères avaient plus qu'assez de pouvoirs pour bloquer la vente du satellite.
La Loi sur Investissement Canada est loin d'être aussi claire et précise. Le ministre de l'Industrie est tenu d'évaluer divers facteurs économiques, mais nulle mention n'est faite de la sécurité nationale, ce qui signifie que M. Prentice a dû interpréter qu'il s'agissait d'un facteur à prendre en considération, implicitement. Par conséquent, M. Prentice a créé un degré d'incertitude pour les futurs investisseurs étrangers potentiels et ce, pas seulement dans l'industrie spatiale.
Quels sont les actifs et sociétés canadiennes protégés par cette exemption implicite au titre de la sécurité nationale? Les chantiers navals qui construisent les navires de la marine et de la Garde côtière dépassent-ils les limites? Qu'en est-il des sociétés qui forment des pilotes pour les Forces canadiennes? Et nos ports et chemins de fer ainsi que les sociétés qui les administrent?
Une exemption implicite au titre de la sécurité nationale crée un risque politique inutile pour les investisseurs, dont la plupart ne se laisseraient pas décourager par des critères explicites, particulièrement des critères associés à des paramètres précis. Les marchés n'ont rien à gagner de l'absence de réglementation. Ils ont besoin de clarté et de stabilité réglementaire.
Le libre-échange et l'investissement étranger sont pleinement compatibles avec des critères explicites de sécurité nationale. Les États-Unis appliquent des critères explicites notamment pour la protection de l'infrastructure critique pour l'énergie, les communications et le transport. La Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et le Japon ont eux aussi des critères explicites de sécurité nationale. Il en va de même de la Chine, l'un des principaux bénéficiaires de l'investissement étranger et membre à part entière de l'OMC.
À mon avis, il reste peu de choix au gouvernement canadien. Il doit proposer au Parlement une modification à la Loi sur Investissement Canada afin d'harmoniser notre législation à celle d'autres pays et de tenir compte de la décision de M. Prentice la semaine dernière. Cette modification devrait faire l'objet d'une étude et de débats non seulement au comité de l'industrie, mais aussi à votre comité. Toute mesure de contrôle des investissements étrangers fondée sur la sécurité nationale concerne nécessairement les affaires étrangères.
Enfin, il importe de souligner qu'on planifiait déjà de prévoir des critères explicites de sécurité nationale avant la décision de la semaine dernière. En décembre dernier, M. Prentice a fait connaître des lignes directrices sur l'application du critère d'avantage net prévu dans la Loi sur Investissement Canada à toute société d'État étrangère, dont les sociétés pétrolières nationales ou les fonds souverains. Cette décision a été rendue nécessaire par la crainte que des sociétés d'État chinoises achètent les sables bitumineux de l'Alberta. La vente bloquée de la semaine dernière n'était pas visée par ces lignes directrices, étant donné qu'Alliant Techsystems n'est pas une société d'État étrangère. C'est une société privée étrangère qui mène la plupart de ses activités avec un État étranger, une différence qui en rétrospective, est moins importante que M. Prentice ne le présumait probablement l'automne dernier.
En novembre dernier, M. Prentice a également annoncé que le cabinet allait « examiner la nécessité de critères explicites de sécurité nationale pour les investissements étrangers ». Il a dit que du coup, « nous allons examiner ce que les autres pays du G8 font, de même que nos obligations en vertu des accords commerciaux internationaux ».
Cet examen devait dépendre en partie des conclusions du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, qui doit présenter ses recommandations en juin. Nous nous attendons donc à mettre le cap sur des critères explicites de sécurité nationale, même si ce n'est pas tout à fait assez rapide. Après la décision de M. Prentice, il est impératif que le Parlement clarifie les choses pour les investisseurs étrangers, non pas l'an prochain, mais le plus rapidement possible.
En même temps, il est important que le Parlement ne se trompe pas et pour cela, je vous dirai avec le plus grand respect qu'il faut que votre comité, le comité des affaires étrangères, examine attentivement et immédiatement la Loi sur Investissement Canada. Étant donné qu'on commence à parler de bloquer les investissements étrangers en raison de leur incidence potentielle sur un enjeu comme notre souveraineté, la sécurité nationale ou la défense du Canada, nous allons bien au-delà du domaine de l'investissement et pénétrons dans celui des affaires étrangères.
J'ai hâte de répondre à vos questions.
Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mes impressions sur la vente potentielle de Radarsat-2 à Alliant Techsystems.
De juillet 1995 à juillet 2000, j'ai été commandant du Secteur du Nord des Forces canadiennes, qui englobe nos trois territoires. Pendant cette période, j'ai rapidement tiré la conclusion que les moyens dont disposait le Canada pour assurer sa sécurité et sa souveraineté dans l'Arctique étaient gravement inadéquats.
Jusqu'à la fin de la Guerre froide, l'Arctique était essentiellement un no man's land entre l'Union soviétique et l'OTAN. Il s'y produisait peu d'activités à part des opérations militaires. Depuis, l'Arctique a connu un développement énorme, ce qui a généré une augmentation du niveau d'activité humaine. Mais le plus alarmant, à mon avis, c'est la multiplication des rapports sur le réchauffement climatique et la vitesse à laquelle il évolue dans l'Arctique canadien.
D'une part, le gouvernement de l'époque a réduit les ressources déjà très limitées nécessaires pour assurer notre sécurité et notre souveraineté dans l'Arctique. D'autre part, je voyais des signes que l'Arctique s'ouvrait comme jamais auparavant sur le plan économique et surtout, du point de vue de l'accès, ce qui rend d'autant plus difficile notre tâche d'affirmer notre souveraineté sur nos eaux internes et fera augmenter beaucoup la menace qui pèse sur cet écosystème extrêmement fragile.
L'un des défis évidents était que le réchauffement climatique était en train d'ouvrir le passage du Nord-Ouest, raccourcissant ainsi l'itinéraire entre deux grands blocs commerciaux, l'Europe et l'Asie et ouvrant l'accès à l'exploitation des ressources. Ce phénomène allait naturellement faire augmenter le trafic maritime et probablement faire naître des contestations de notre souveraineté. La distance à parcourir entre le Japon et l'Europe diminue de 37 p. 100 si les bateaux passent par le passage du Nord-Ouest plutôt que par le canal de Panama. Elle diminue de 64 p. 100 pour les navires qui doivent contourner le cap Horn parce qu'ils sont trop gros pour passer par le canal de Panama.
Cette hausse potentielle du trafic maritime aggravera la menace qui pèse sur cet écosystème très fragile, comme je l'ai mentionné. Il a fallu débourser plus de deux milliards de dollars en décontamination après l'accident de l'Exxon Valdez, et il a eu lieu tout près d'un très grand port. Compte tenu de la valeur du pétrole brut, ce n'est qu'une question de temps avant que son exploitation reprenne dans l'Arctique. Combien nous en coûterait-il pour décontaminer les eaux après un accident comme celui qui s'est produit près de la baie Resolute? Et qu'arriverait-il s'il s'agissait d'un bateau battant pavillon de complaisance, sans moyens financiers?
Le Canada a mis en place la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, mais jusqu'à maintenant, nous n'avons pas assez de ressources pour surveiller ce qui se passe dans l'Arctique et intercepter les contrevenants rapidement, au fur et à mesure. C'est comme d'imposer des limites de vitesse quand tout le monde sait que les policiers n'ont pas de radar ni d'auto-patrouille. La plupart des gens vont respecter les règles, mais pas les voyous.
En 2000, j'ai fait part de mes préoccupations au ministère de la Défense. En 2001, j'ai également rédigé un article sur le manque de ressources en matière de sécurité pour protéger l'Arctique. Je crois que vous en avez reçu copie ou que vous allez le recevoir. J'ai recommandé, entre autres, qu'on surveille l'Arctique de l'espace. J'ai été très heureux, il y a deux ans, de voir le gouvernement actuel commencer à attribuer de nouvelles ressources à notre souveraineté dans l'Arctique. À mon avis, c'est très sage.
Deux systèmes se sont montrés très prometteurs pour surveiller les points d'accès à l'archipel arctique: Radarsat-2 et le radar haute fréquence à ondes de surface. Malheureusement, le projet visant à installer le radar haute fréquence à ondes de surface a été annulé. Il reste maintenant la possibilité de vendre à une société étrangère la meilleure ressource dont nous disposons pour surveiller le trafic maritime dans l'Arctique canadien.
Je peux imaginer divers scénarios dans lesquels le Canada serait désavantagé pas cette vente, selon les détails. Si le satellite appartient à une société américaine et que c'est elle qui l'administre, il sera assujetti à des lois comme la Patriot Act, et la société en question pourrait être tenue d'agir à l'encontre des intérêts canadiens. Par exemple, elle pourrait ne pas fournir au Canada des renseignements d'intérêt pour lui si ce n'est pas dans l'intérêt national des États-Unis. Elle pourrait aussi utiliser le satellite en priorité pour gérer une situation aux États-Unis, ce qui ne laisserait aucune couverture par satellite au Canada dans l'Arctique.
Et si dans quelques années, il y avait des motifs impérieux de déménager les installations de surveillance hors du Canada? Si l'entreprise était revendue, cette fois-ci à une entreprise d'un pays à l'égard duquel le Canada a des réserves?
Les États-Unis ont récemment bloqué la vente d'un enjeu dans 3Com à une société chinoise pour des raisons de sécurité nationale. 3Com produit des routeurs et du matériel réseau. Je suis d'avis que pour conserver notre gouverne positive sur le satellite, l'infrastructure nécessaire doit se trouver au complet au Canada et ne pas subir l'influence d'un autre pays.
Il ne faut pas oublier que les États-Unis et la communauté européenne ne reconnaissent pas notre souveraineté sur les eaux de l'archipel arctique. Elle est contestée. Si le Canada veut affirmer sa souveraineté sur cette région, il a le devoir de la surveiller adéquatement et d'y mettre ses lois en application. Tant que Radarsat-2 ne sera pas en fonction, le Canada n'aura pas de moyen pour surveiller l'Arctique convenablement.
Pour surveiller efficacement l'activité maritime de surface, nous devons utiliser Radarsat-2 et comparer ses données à celles de NordREG, le système de réglementation du trafic maritime dans l'Arctique. Malheureusement, la participation à NordREG se fait sur une base volontaire, malgré toutes les améliorations apportées à notre régime de sécurité depuis le 11 septembre. Si cette participation devenait obligatoire, nous pourrions constituer une base de données solide à la lumière desquelles examiner les renseignements de Radarsat, ce qui nous permettrait de repérer rapidement les divergences et de prendre des mesures adéquates au besoin.
Je somme donc le gouvernement d'exercer la plus grande prudence avant d'approuver la vente de Radarsat-2 et de continuer de la bloquer tant qu'il ne sera pas totalement convaincu qu'il restera pleinement maître de cette ressource essentielle aujourd'hui et à l'avenir. C'est dans l'intérêt de la sécurité et de la souveraineté du Canada.
Je vous remercie de votre attention.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie infiniment de m'avoir invité aujourd'hui.
J'aimerais vous présenter M. Steven Shrybman, notre conseiller juridique. Il est prêt à vous donner de l'information et à répondre à vos questions sur notre opinion juridique au sujet de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et les conflits possibles avec les lois américaines si Radarsat-2 passait aux mains d'une société assujettie à la législation américaine.
Depuis longtemps, l'Institut Rideau exprime ses inquiétudes sur la vente proposée de la division spatiale de MDA à Alliant Techsystems (ATK), de même que nous avons manifesté notre appui à la décision du ministre de l'Industrie, M. Prentice, de ne pas approuver la transaction aux termes de la Loi sur Investissement Canada. À notre avis, le gouvernement prend la bonne direction.
Cependant, nous avons également souligné que le gouvernement devait remédier à l'absence d'orientation claire qui perdure depuis longtemps sur l'engagement du Canada dans l'espace et l'utilisation de l'espace. Nous avons besoin, maintenant peut-être plus que jamais, d'une politique nationale de l'espace.
Maintenant que cette vente est morte dans l'oeuf, ou presque, le gouvernement doit assurer à l'industrie, aux scientifiques et aux ingénieurs qui travaillent dans le domaine que les Canadiens ont à coeur nos ressources spatiales et qu'ils sont déterminés à les voir s'épanouir.
En 2005, l'industrie spatiale canadienne a généré des revenus totaux de plus de 2,5 milliards de dollars, dont 50 p. 100 provenaient d'exportations, ce qui témoigne bien de la reconnaissance internationale du Canada comme partenaire spatial fiable et recherché.
Dans le monde, l'espace fait l'objet d'un marché de 100 milliards de dollars qui croît de presque 7 p. 100 chaque année. Le secteur spatial est un catalyseur et un moteur d'innovation, de savoir, de technologie de pointe ainsi que de développement et de prestation de services rentables. Pourtant, les investissements du Canada dans l'espace, surtout dans l'espace civil, sont en déclin. Selon Athena Global, entre 2000 et 2004, l'investissement du Canada dans l'espace civil a diminué de 10 p. 100 en pourcentage du PIB. Pendant ce temps, les investissements dans l'espace augmentaient de 25 p. 100 au Royaume-Uni.
Actuellement, les différents ministères manquent de cohésion dans l'utilisation des systèmes spatiaux pour s'acquitter de leurs mandats respectifs. Il faut de toute urgence que toutes les parties intéressées se dotent d'un cadre cohérent et coordonné. Il aiderait le gouvernement du Canada à se concentrer sur le développement de technologies spatiales et l'élaboration de programmes pour mettre en oeuvre diverses politiques gouvernementales, utiliser efficacement les budgets fédéraux et favoriser une approche stratégique canadienne intégrée.
Soit dit en passant, nous avons célébré en 2007 le 40e anniversaire de l'entrée en vigueur du Traité sur l'espace extra-atmosphérique. Ce traité ratifié par 90 pays permet l'utilisation pacifique et l'exploration de l'espace en plus de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité internationale.
Les technologies spatiales fournissent une infrastructure fondamentale pour l'armée et de nos jours, l'espace demeure le seul environnement où nous n'avons placé encore aucune arme. Afin que l'espace demeure un endroit sûr pour tous les joueurs dans l'espace, le Canada doit continuer de favoriser le non-armement de l'espace, de même que le renforcement du Traité sur l'espace extra-atmosphérique. Nous estimons que ce devrait être une priorité dans notre politique nationale de l'espace pour notre politique nationale comme pour les pressions que nous exerçons à l'échelle internationale.
L'adoption d'une politique canadienne de l'espace axée sur l'exploration pacifique de l'espace permettrait au gouvernement d'atteindre différents objectifs, dont la conception de programmes spatiaux et de technologies favorisant l'atteinte des objectifs stratégiques publics du Canada; la protection de la sécurité des Canadiens, des Forces canadiennes et du Canada; ainsi qu'une industrie spatiale concurrentielle et un leadership économique.
Le temps est venu pour que le Canada considère l'espace comme un tout et qu'il se penche sur ces questions avec cohérence: la sécurité nationale et le non-armement de l'espace, l'infrastructure critique et l'essor de notre industrie.
Nous recommandons que le ministère des Affaires étrangères et peut-être même ce comité organise un processus de consultation public afin de stimuler la volonté des Canadiens de nous doter d'une nouvelle politique nationale de l'espace. Il pourrait y avoir des consultations en ligne, des audiences régionales et des études d'experts sur les divers aspects de l'espace. Le Comité des affaires étrangères pourrait préparer son propre rapport pour contribuer à l'effort du gouvernement, tout comme d'autres comités touchés dont ceux de l'Industrie et de la Défense.
Nous avons maintenant besoin d'une volonté politique que l'espace devienne une grande priorité nationale.
Je cède la parole à M. Shrybman, qui va vous parler de l'étude juridique.
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Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
Comme M. Staples l'a indiqué, au nom de l'Institut Rideau et des Travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile, nous avons préparé un avis juridique, que nous avons soumis aux ministres Prentice et Bernier. Cet avis porte sur le droit canadien et états-uniens concernant Radarsat-2 et son utilisation pour recueillir des images de la terre, ainsi que la formule de partage des renseignements qui s'y applique.
En raison de l'importance stratégique des images recueillies par des satellites comme celui-là, le Canada a une loi, la Loi sur les systèmes de télédétection spatiale, une loi que vous connaissez sans doute tous et qui souligne la valeur stratégique de ces renseignements sur le plan juridique, pour veiller « à la sécurité nationale, à la défense du Canada, à la sécurité des Forces canadiennes, à la conduite des relations internationales du Canada, aux obligations internationales du Canada » et à deux autres paramètres ajoutés par règlement à la loi et qui concernent la compétitivité de l'industrie spatiale canadienne.
En vertu de cette loi, une entreprise doit obtenir une licence pour exploiter un satellite comme celui-là. La loi exige que l'entreprise garde le contrôle du satellite et des images recueillies grâce à lui, elle impose certaines contraintes sur le partage d'images avec d'autres pays et enfin, elle affirme le droit du gouvernement du Canada d'avoir accès en priorité et parfois même exclusivement aux renseignements recueillis par le satellite, compte tenu de l'importance et de la valeur stratégique des renseignements qu'un satellite comme celui-là peut recueillir.
Sans surprise, les États-Unis ont une loi semblable. Leur loi s'appelle la Land Remote Sensing Policy Act et prévoit les mêmes types de contrôles et de priorités publics que la nôtre. Il est donc tout naturel de nous demander quelle loi s'appliquerait si cette vente suivait son cours, et il nous est apparu très clairement, citations à l'appui, que la loi américaine s'appliquerait à Radarsat-2 si elle passait aux mains d'Alliant Technologies.
Je vais vous lire la principale disposition de l'article 960.2 du règlement fédéral codifié:
La Loi et le règlement exposés ici s'appliquent à toute personne assujettie aux pouvoirs et au contrôle des États-Unis, qui exploite ou propose d'exploiter un système de télédétection spatiale privée, soit directement soit par une société affiliée ou filiale, ou établit des liens d'importance avec les États-Unis en vue de l'exploitation d'un système de télédétection spatiale.
Les gens d'ATK nous ont dit qu'ils allaient enregistrer une filiale qui s'établirait au Canada. Il est tout de même clair selon la loi des États-Unis qu'elle s'appliquerait à une filiale canadienne d'ATK établie au Canada et aux images recueillies par le satellite.
Je vais vous citer quelques autres dispositions du règlement. Article 960.11:
Le détenteur de la licence maintient en tout temps le contrôle des opérations depuis les États-Unis et conserve le pouvoir d'annuler toutes les commandes données par un centre opérationnel.
Compte tenu de l'importance des renseignements recueillis par le satellite, les États-Unis sont en mesure de se réserver, tout comme le Canada, la priorité du contrôle du satellite et d'émettre des directives, comme le dicte le paragraphe (4) de l'article 960.11:
Le secrétaire peut obliger le détenteur de la licence à restreindre la collecte de données par le système ou leur diffusion s'il le juge nécessaire pour des raisons importantes de sécurité nationale ou de politique étrangère ou encore pour respecter les obligations internationales des États-Unis.
Je sais que le ministre de l'Industrie a déjà pris une décision préliminaire, mais compte tenu de l'importance de cette loi et du rôle du ministre des Affaires étrangères, il semblerait approprié que ce comité se penche lui aussi sur la question.
Nous avons adressé notre lettre aux deux ministres parce que nous estimons que le contrôle des images recueillies par ce satellite a des incidences importantes sur le développement économique du Canada, la question du Nord n'en étant qu'un exemple. Il était donc justifié que le ministre Prentice en tienne compte, mais il le serait encore plus que votre comité et le ministre des Affaires étrangères soient informés du conflit qu'il y aurait entre la loi américaine et la loi canadienne au sujet de ce satellite si cette vente était conclue.
Merci.
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Je tiens moi aussi à dire que j'appuie la décision de M. Prentice, que ce soit bien clair. J'appuie aussi son intention déclarée de demander une exemption pour des raisons de sécurité nationale par la voie d'une modification future à la Loi sur Investissement Canada. La seule chose que je déplore, c'est que de ces deux politiques, l'une a pris le pas sur l'autre, en ce sens qu'il a dû interpréter la loi pour y voir un critère implicite qu'il avait déjà l'intention de demander à titre de modification, afin d'ajouter plus tard un critère explicite dans la loi.
Le fin mot de l'histoire, c'est que la Loi sur Investissement Canada doit comprendre un critère explicite et que le cas de Radarsat-2 et de MacDonald Dettwiler l'illustre de manière assez saisissante.
Concernant le satellite en question et la loi à la disposition du ministre des Affaires étrangères, je crois que le ministre Bernier aurait pu bloquer la vente par la prise en considération du « transfert de licence » inévitable et refuser la demande de transfert.
Je dois ajouter toutefois que l'avantage de recourir à la Loi sur Investissement Canada, c'est que cet argument pour bloquer une vente ne se limite pas au cas de Radarsat-2. C'est très important, parce que la durée de vie prévisible de Radarsat-2 n'est que de sept ans. Nous allons devoir passer à la prochaine génération, à Radarsat-3, si nous voulons protéger la souveraineté canadienne et la sécurité nationale dans huit, neuf, dix, quinze ou vingt ans. Il faut donc voir la technologie comme de la propriété intellectuelle et non seulement comme le dispositif actuellement en orbite.
Dans ce contexte, j'encourage les membres du comité à appuyer la décision de M. Prentice, mais aussi à assumer, avec le Comité de l'industrie, qu'ils devront se dépêcher d'ajouter un critère de sécurité nationale implicite à la Loi sur Investissement Canada, pour que pareille confusion déplorable et inutile ne se reproduise plus.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie de comparaître ici aujourd'hui.
J'aimerais faire une observation.
Je suis sidéré de la mauvaise gestion monumentale des libéraux qui a mis notre gouvernement dans cette position. Le gouvernement libéral a investi cinq fois plus dans un société pratiquement privée sans réfléchir au préalable à ces modalités.
Une autre question politique à souligner, c'est le lien avec Marc Garneau, qui était ici à l'époque, en tant que candidat libéral, si je ne me trompe pas, et qui n'a rien dit à ce propos. De toute évidence, n'importe qui dans l'industrie aurait remarqué la vulnérabilité de la situation à l'époque. À quel point son silence a-t-il joué pour que nous en arrivions à la situation d'aujourd'hui et que notre gouvernement doive réparer les pots cassés?
L'autre élément, c'est que le Canada doit nécessairement s'affirmer dans ses revendications territoriales sur l'Arctique, faute de quoi il affaiblira sa position internationale. Bien sûr, notre gouvernement est très actif dans ce dossier à l'heure actuelle, comme vous l'avez dit, monsieur Leblanc. Nous avons ajouté des ports, des aéronefs et des patrouilles en mer. Nous en faisons beaucoup.
Ma question est la suivante: même si nous signons un accord bilatéral avec des propriétaires américains d'installations d'imagerie satellite, si elles appartiennent aux Américains et que le Canada ne demande d'information qu'à l'occasion, quel pays verra vraiment sa position renforcée en général grâce aux images produites par Radarsat des voies navigables de l'Arctique ou du Haut-Arctique? Est-ce la souveraineté des États-Unis qui sera renforcée ou celle du Canada? Est-ce que cela renforcera la position internationale?
Après tout, si le Canada n'est pas propriétaire des installations, qu'il ne les utilise qu'à temps partiel, qu'elles appartiennent surtout aux États-Unis et qu'elles sont utilisés la plupart du temps par les États-Unis, comme les États-Unis ne sont pas d'accord avec nous sur la souveraineté de l'Arctique, de qui la souveraineté sera-t-elle renforcée si nous utilisons à temps partiel les installations des États-Unis? N'est-ce pas inquiétant?
Pouvez-vous me répondre, monsieur Leblanc ou monsieur Byers?
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Je vous remercie de me donner la parole.
Je pense qu'il serait raisonnable d'affirmer qu'il aurait été préférable que la conception de Radarsat-2 se fasse au complet à l'agence gouvernementale, à l'Agence spatiale canadienne, plutôt que dans le contexte du partenariat public-privé que nous avons utilisé pour le fabriquer. Cependant, on pourrait également affirmer que le gouvernement de l'époque aurait simplement dû faire plus attention quand il a établi le partenariat privé avec MDA.
Quoi qu'il en soit, on ne peut rien y changer. Il faut plutôt nous demander ce que nous pouvons faire maintenant pour réparer les erreurs du passé. Je pense que de bloquer cette vente est un pas dans la bonne direction, et je félicite le gouvernement de l'avoir fait.
Pour ce qui est de la question de savoir la souveraineté de qui sera renforcée si nous n'avons accès qu'occasionnellement au satellite, c'est une question très pertinente, parce qu'il ne s'agit pas simplement pour nous de perdre notre accès au satellite, il s'agit de perdre le contrôle sur la valve du robinet, si l'on peut dire, de perdre notre pouvoir de restreindre l'accès au satellite par d'autres parties à d'autres fins.
Par exemple, je présume que le gouvernement canadien ne permettrait pas l'utilisation de Radarsat-2 pour prendre des images du champ de bataille de Kandahar, en Afghanistan, des images qui pourraient servir à quiconque les achèteraient librement sur le marché international. Nous voudrions limiter l'accès à ces images à nous et à nos alliés de l'OTAN là-bas.
Ce droit de restriction d'accès est tout aussi important que la priorité d'accès. Les contribuables canadiens ont payé pour ce satellite et non seulement pour les images que nous obtenons de temps à autre. Ils ont aussi payé pour en être les maîtres.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à nos invités, tant à ceux qui sont ici qu'à ceux qui se trouvent en Colombie-Britannique.
J'aimerais préciser, aux fins du compte rendu, qu'au sujet de la question à savoir si nous aurions dû ou non privatiser les systèmes de MDA, nous avons été clairs. En fait, à ce moment-là, ma collègue, Mme McDonough, a tenté de convaincre le gouvernement de ne pas les privatiser et voulait en fait qu'on adopte des dispositions plus fortes pour protéger notre technologie. Je doute qu'elle ait reçu un soutien de quiconque autour de la table, mais je laisse à d'autres le soin d'en juger.
Pendant que nous citons des noms, mon ami, M. Goldring, a mentionné certaines personnes qui sont impliquées et qui n'ont pas préservé les fonds publics, en laissant entendre qu'il y avait d'autres intérêts en jeu. Je note également que M. Emerson était membre du conseil d'administration de MDA, alors on pourrait, je crois, lancer beaucoup de noms.
Pour ce qui est de déterminer les options de politique qui s'offrent à nous, je crois qu'il y avait suffisamment de confusion chez les Canadiens quant à celle que le gouvernement devrait appliquer. M. Prentice a décidé de recourir à la Loi sur investissement Canada et, encore une fois, je souligne que nous avons appuyé sa décision. Nous espérons qu'il la maintiendra.
Monsieur Byers, j'ai une question à vous poser — et vous en avez parlé dans votre présentation — sur la façon de renforcer la Loi sur Investissement Canada. Si j'ai bien compris, vous avez dit qu'il faut intégrer les deux voies qui s'offrent à nous en ce qui concerne cette vente particulière des technologies de MDA — c'est-à-dire la Loi sur Investissement Canada et le Règlement sur les systèmes de télédétection spatiale. Est-ce là où vous voulez en venir? Comment nous assurer que nous n'allons pas nous retrouver encore devant le même dilemme? Il est certain que si nous n'agissons pas maintenant, ce dilemme ressurgira dans l'avenir.
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Je pense que M. Prentice doit maintenir sa décision. En fait, toute incertitude qu'il a pu créer sur le marché ne fera qu'être exacerbée s'il fait volte-face et permet à la vente de se réaliser.
Ce qu'il a fait, c'est prendre la bonne décision; mais il l'a fait en s'appuyant sur une loi sur l'investissement qui n'est pas adaptée au XXIe siècle. D'autres pays développés ont, ce siècle-ci, intégré des exceptions relatives à la sécurité dans leur loi. M. Prentice s'en est rendu compte à l'automne dernier, et a mis en branle un processus de délibérations qui mèneront ultimement à un amendement à la loi. Mais avant que cette procédure ait pu en arriver à une conclusion, il a pris conscience qu'il devait réagir et voir dans la loi existante un critère de sécurité nationale implicite.
Ce que je veux faire valoir ici, c'est que la saga MacDonald Dettwiler ne fait que mettre en lumière l'impératif de moderniser notre loi, d'y intégrer un critère de sécurité nationale explicite de sorte que dans l'avenir, si c'est absolument nécessaire, nous pourrons intervenir pour bloquer une vente sans causer le genre d'incertitude sur le marché et de risque politique que nous avons vus ces dernières semaines. Voilà tout.
Si nous faisons cela, nous devrons évidemment songer aux critères que nous pourrons ensuite inclure dans la loi pour guider le ministre, et peut-être même mettre en place un organe indépendant qui pourrait lui faire des recommandations au sujet de n'importe quelle décision qu'il a à prendre.
Nous avions autrefois un organisme appelé l'Agence d'examen de l'investissement étranger. Je sais que ce nom est problématique pour certaines personnes aujourd'hui, mais je rappellerais aux membres de ce comité que l'AEIE a approuvé 90 p. 100 des projets de vente dont elle avait été saisie, et qu'elle avait été critiquée, d'une part, par la gauche nationaliste pour son intervention insuffisante et, d'autre part, par la communauté des affaires pour être intervenue peut-être un peu trop. Nous n'avons pas nécessairement à reproduire le modèle de l 'AEIE. Nous pouvons apprendre de cette expérience et des critiques dont l'Agence a été la cible. Mais il nous faut un mécanisme de ce genre, particulièrement dans le contexte du XXIe siècle et dans notre monde d'après les attentats du 11 septembre, où la sécurité nationale occupe une place bien plus importante qu'avant.
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D'après ce que j'ai compris, on a arrêté cette technologie, ou ce projet, parce que les fréquences utilisées par le radar haute fréquence à ondes de surface interféraient avec certaines fréquences utilisées dans le monde maritime. Il y avait donc un conflit qu'on n'arrivait pas à résoudre.
Techniquement, ce radar émettait des ondes jusqu'à une distance de 200 milles depuis la station, ce qu'un radar ordinaire ne peut faire, car au-delà de 30 milles, il lance des ondes dans l'espace à cause de la courbure de la terre. En revanche, le système haute fréquence, en émettant des ondes qui rebondissent, permettrait d'exercer une surveillance dans un rayon allant jusqu'à 200 milles de distance.
Dans les systèmes militaires, on préfère avoir un certain nombre de ressources pour couvrir une même région, de sorte que si un appareil tombe en panne, on aura d'autre recours. S'il y avait une éruption solaire, cela pourrait empêcher RADARSAT-2 de fonctionner et, tout à coup, tout ce que nous aurions, c'est un tas de ferraille dans les airs, qu'il nous serait impossible de réparer. Il faudrait quelques années, si ce n'est une dizaine d'années, pour envoyer le prochain satellite là-haut. De quoi disposerions-nous entre-temps? En ce moment, de bien peu de chose.
Donc, ce moyen aurait été excellent pour surveiller l'accès ou les points d'entrée dans l'archipel arctique, en produisant des résultats qui se superposeraient à l'information fournie par les Rangers, la Garde côtière et RADARSAT-2, ce qui nous fournirait un bon tableau du renseignement quant à ce qui se passe dans notre cour.
C'est un plaisir d'être ici, monsieur le président, et je me réjouis de pouvoir de témoigner devant ce comité en présentant, après les témoignages du dernier groupe de témoins, un point de vue quelque peu différent sur cette question de Radarsat-2 ainsi que sur la question générale de la vente de ce que j'appellerais la Division des systèmes spatiaux de MDA à ATK.
À mon avis, dans ce dossier, trois éléments interreliés mais néanmoins distincts sont en cause. Le premier est la question de la propriété de Radarsat-2 et, en fait, de Radarsat-1 également. Deuxièmement, il y a la question de la capacité de production technologique de la Division des systèmes spatiaux, que ATK cherche à acquérir. Troisièmement, bien sûr, il y a la question plus large d'une politique et d'une stratégie nationales sur l'espace.
Au-delà des détails de la vente elle-même, le dénominateur commun est les États-Unis: la propriété américaine d'une capacité canadienne, de la capacité technologique et de la capacité de production du Canada, de même que la place des États-Unis dans une stratégie et une politique spatiales du Canada, si tant est qu'elles existent.
Malheureusement, trop souvent, dans de tels débats, les États-Unis servent en quelque sorte de bouc émissaire, ce qui est caractéristique de tout débat au Canada où des sentiments nationalistes empreints d'émotivité entrent en jeu. En conséquence, selon moi, on fait des affirmations quelque peu trompeuses; c'est le moins qu'on puisse dire.
Tout d'abord, on affirme implicitement, particulièrement dans les journaux, que le gouvernement américain est derrière la vente et cherche à acquérir la capacité et la technologie au détriment du Canada. Autrement dit, que le gouvernement américain se servira de cette vente pour bloquer l'accès du Canada à sa propre technologie et, ce faisant, minera la sécurité et la souveraineté du Canada, particulièrement en ce qui concerne l'Arctique.
La réalité, toutefois, c'est qu'une décision d'affaires a été prise pour des motifs commerciaux, par les deux parties. Le fait que ATK soit intéressée à acquérir une technologie de pointe et une capacité de production et d'ingénierie n'est pas surprenant. Mais je ne vois pas en quoi cette acquisition bloquerait nécessairement la capacité du gouvernement canadien et de l'Agence spatiale canadienne de travailler, dans l'avenir, dans le cadre d'un partenariat public-privé avec ATK au Canada, et de fournir, par exemple, la prochaine génération de technologie satellite radar.
Pour ce qui est de la capacité du gouvernement américain d'empêcher une telle possibilité, les préoccupations des États-Unis à l'égard de la technologie, qui sont incarnées dans les ITAR, et en ce qui concerne leurs propres questions relatives aux contrôles des exportations — auxquelles se heurte l'industrie américaine également — auront une incidence sur la Division des systèmes spatiaux, qu'elle soit détenue par une entreprise canadienne ou par une entreprise américaine. La réalité, c'est que les industries technologiques du Canada et des États-Unis sont hautement intégrées. Il en est ainsi depuis plus de 40 ans, maintenant. Radarsat-2, par exemple, fait appel à plusieurs éléments importants de la technologie américaine, et ce fait a joué un rôle dans le litige relatif au lancement du satellite, il y a plusieurs années, qui a mené à la législation canadienne sur l'exploitation des systèmes de télédétection spatiale, ou sur le fonctionnement des satellites.
En ce qui a trait à la question du contrôle du fonctionnement des satellites, deux points ressortent. Premièrement, MDA — ou ATK, si la vente devait être conclue — exploite Radarsat-2 à partir d'une installation de l'ASC à Saint-Hubert, au Québec. Cela se fait en sol canadien, et en vertu du droit canadien, peu importe que ce soit une entreprise canadienne ou américaine qui gère les opérations.
Quant à savoir si le contrat empêche explicitement l'entreprise de relocaliser ses opérations aériennes, je n'en sais rien; mais même si elle devait déménager ses opérations aux États-Unis, la question consisterait alors à savoir si la loi américaine est bien différente de la canadienne. Je doute que ce soit le cas, compte tenu du litige relatif à Radarsat-2 et du fait que pour toute élaboration d'une loi sur la télédétection spatiale au Canada, on a sans aucun doute examiné les lois en vigueur ailleurs afin de créer un fondement harmonieux, surtout quand on songe à la nature intégrée de la relation entre le Canada et les États-Unis.
En ce qui a trait à la priorité d'accès à la programmation des tâches de Radarsat-2, je ne suis pas au courant des détails du contrat, mais j'ai l'impression, et c'est généralement la norme, que de tels contrats prévoient une priorité à la sécurité nationale et aux tâches d'urgence. Cela ne changerait pas, peu importe le propriétaire.
Qui plus est, je ne suis pas certain que la partie du contrat régissant l'indicateur des cibles terrestres mobiles expérimentales de la Défense nationale sur Radarsat-2 fournisse des garanties de sécurité pour le Canada, mais j'ai confiance que ces questions auraient été négociées dans le contrat d'origine.
Quant à la question des États-Unis qui bloqueraient l'accès du Canada, dans quelles circonstances, et pour quelles raisons le gouvernement américain prendrait-il de telles mesures s'il était légalement capable de le faire au Canada? Le Canada et les États-Unis sont de proches alliés et collaborent dans toute une gamme de fonctions de défense et de sécurité, y compris le partage de renseignements. La circonstance implicite, semble-t-il, est la souveraineté du Canada dans l'Arctique, mais cette question chargée d'émotivité est mal comprise.
Par exemple, les États-Unis ne remettent pas en question la propriété canadienne des îles de l'Arctique, reconnaissent qu'il y a un désaccord avec le Canada quant au statut du passage du Nord-Ouest, et ont un désaccord légitime avec le Canada — tout comme nous en avons un avec eux — sur le tracé de la frontière de l'océan dans la mer de Beaufort. Selon moi, la technologie RADARSAT-2 a bien peu de valeur à cet égard. Mais si les États-Unis souhaitaient contester la souveraineté du Canada dans le Nord, ils voudraient certainement le faire à découvert plutôt qu'en cachette. C'est ainsi qu'on conteste des revendications de souveraineté.
Pour ce qui est des activités que les États-Unis pourraient vouloir garder loin des regards canadiens, la seule activité raisonnable à laquelle j'arrive à songer en est une vieille qui remonte à la guerre froide, et qui concerne les sous-marins américains. Ce genre d'activités se déroulent sous la glace, dans l'eau, et pour autant que je sache, RADARSAT-2 ne peut sonder jusque-là; alors je me demande quelles pourraient être ces activités importantes au point d'amener les États-Unis à bloquer l'utilisation de ce système. Il est également relativement facile pour les sous-marins d'éviter la détection, simplement parce que le Canada n'a pas de capacité de surveillance 24 heures par jour, sept jours sur sept. De plus, les États-Unis ont collaboré et travaillé avec le Canada à des éléments comme le projet Polar Epsilon, et j'ai confiance qu'une telle coopération ouverte se poursuivra, peu importe qui possède RADARSAT-2.
En ce qui concerne l'Arctique, le Canada et les États-Unis ont une série d'intérêts communs qui vont dans le sens d'une plus grande collaboration plutôt que d'un conflit. Une future constellation de RADARSAT-2 financée par le Canada ou par les États-Unis bénéficiera aux deux parties, peu importe à qui elle appartient.
Enfin — et j'ai noté qu'on l'avait mentionné à la fin de la dernière séance — il y a la question des motivations de ATK, pour ce qui est de l'acquisition du satellite RADARSAT plutôt que de la technologie aux fins de nouveaux débouchés sur le marché. Si le gouvernement canadien et ce comité sont si préoccupés par la propriété de RADARSAT — et cela comprendrait également la question de l'exploitation du projet Sapphire, le satellite de la défense nationale qui doit être envoyé dans le ciel sous peu —, peut-être que la solution, pour le gouvernement, serait de simplement acheter la capacité à MDA.
Il y a un argument, que j'appuierais, selon lequel le Canada devrait posséder et exploiter une capacité spatiale nationale. Cela pourrait être une des raisons derrière la décision. Quoi qu'il en soit, en ce qui concerne la capacité technologique et la capacité de production, on doit se demander pourquoi elle revêt une importance telle qu'elle justifie d'annuler des décennies de politique canadienne à cet égard. Pourquoi cela a-t-il une telle importance sur le plan de la sécurité nationale, par rapport à d'autres industries qui ont une relation étroite à long terme avec les États-Unis? Quels sont les plans du gouvernement pour ce qui est d'investir en vue de continuer à assurer le fonctionnement de cette capacité critique? On n'a pas répondu à ces interrogations; mais au bout du compte, je ne suis pas certain que la question de la propriété américaine ou canadienne soit vraiment essentielle pour y répondre.
En fin de compte, cela ne veut pas dire que la décision du gouvernement de bloquer la vente est nécessairement une mauvaise chose. On pourra seulement l'évaluer une fois que le gouvernement aura instauré une politique spatiale nationale complète qui placera la décision actuelle — en supposant qu'elle ne changera pas — dans le contexte particulier d'une politique et d'une stratégie.
Merci.
Je ne prendrai pas beaucoup de votre temps.
Tout d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité ici. J'ai reçu l'invitation à la toute dernière minute, alors j'ai seulement quelques notes devant moi, et pas un document très détaillé.
Néanmoins, j'aimerais vous soumettre mes observations à partir de mon point de vue, celui-ci étant non seulement un point de vue commercial, mais aussi, de manière plus particulière encore, celui d'une entreprise commerciale qui fournit des opérations de soutien au renseignement géospatial au gouvernement fédéral et à des clients internationaux, sauf les États-Unis.
Selon moi, RADARSAT-2 devrait non seulement être exploité par le gouvernement du Canada — c'est actuellement MDA qui s'en charge, en vertu d'un contrat — mais il devrait également être sa propriété. RADARSAT-2 est partie intégrante du système de surveillance nationale du gouvernement, pour les côtes est et ouest, mais aussi pour les régions de l'Arctique en ce qui a trait à Polar Epsilon et ses suites, dont la marine sera responsable sur les côtes est et ouest, de même qu'ici, au Quartier général de la Défense nationale.
À mon avis, il est déjà assez mauvais qu'un entreprise privée possède un bien de sécurité nationale, mais le fait de le céder à une entreprise étrangère assujettie à un ensemble de règles complètement différentes sous un gouvernement étranger me paraît assez scandaleux. Le Canada est le seul pays avec lequel je traite qui loue ce genre de ressources à ses entreprises; les autres clients, ailleurs dans le monde, au Moyen-Orient et en Europe, achètent leurs propres satellites. La propriété constitue 90 p. 100 de la loi. Un point c'est tout.
C'est d'abord et avant tout la responsabilité première d'un gouvernement que d'assurer la défense et la sécurité de ses citoyens, de son territoire national, de son espace aérien et de ses eaux souveraines. RADARSAT-2 est une composante essentielle pour permettre au Canada d'assumer cette responsabilité; une composante d'une série de capteurs et de capacités en matière de surveillance, de renseignements et de reconnaissance, mais aussi, espérons-le, dans un proche avenir, de projection de force, si nécessaire.
Si RADARSAT-2 demeure sous le contrôle d'une entreprise canadienne — ou encore mieux, le gouvernement du Canada —, les lois canadiennes et le projet de Loi C-25 s'appliqueront aux entreprises canadiennes et à tous les clients qui voudraient obtenir et utiliser les données de Radarsat-2, y compris moi-même. Si, toutefois, la propriété de RADARSAT-2 était cédée à une entreprise étrangère, les lois canadiennes ne s'appliqueraient tout simplement pas.
Nous parlons de l'utilisation et de la propriété de RADARSAT-2 aujourd'hui, mais quand sera-t-il dans cinq ans? Dans dix ans? Lorsque, en tant qu'entreprises, nous examinons la planification stratégique, nous ne parlons pas d'aujourd'hui. Je peux vous assurer qu'effectivement, il m'est possible de vous fournir ce contrat de soutien — ce n'est pas un problème — mais, en fin de compte, j'envisage la situation dans dix ans. Ai-je besoin de cette PI, cette propriété intellectuelle, pour servir mes besoins d'entreprises ou de clientèle aux États-Unis? Certainement — alors en effet, je peux apaiser vos craintes; ce n'est pas un problème.
En ce qui a trait au contrôle opérationnel, j'ai cru comprendre qu'en ce moment, les opérations de RADARSAT-2 sont contrôlées par l'Agence spatiale canadienne dans le cadre d'un contrat avec la MDA. Quelle ironie. En retour, MDA détient les droits de vente et de distribution partout dans le monde. Même si, actuellement, cela peut sembler un bon arrangement, si la vente de RADARSAT-2 est approuvée, je dirais que tous les paris seront ouverts une fois le contrat entre MDA et l'ASC arrivé à terme.
L'une des questions qui doivent être posées est celle-ci: quelle est l'intention de ATK à l'expiration de ces arrangements avec le gouvernement du Canada? Il ne faudra jamais perdre de vue que les entreprises pensent à long terme. La planification stratégique sur un, trois, cinq ou même dix ans, comme je l'ai dit, est essentielle à leur survie et, de manière encore plus importante, à leur croissance. La garantie qu'offre une entreprise aujourd'hui peut être entièrement légitime, et très sincère. Aucun problème; personne d'entre nous ne souhaite aller en prison. Toutefois, ce qui importe réellement, tant pour l'entreprise que pour d'autres intervenants comme le gouvernement du Canada, ce sont les intentions futures à l'égard du système. Ce n'est pas seulement le système qu'on exploitera pour les sept prochaines années, en même temps que RADARSAT-1 et autres systèmes de détection, mais aussi les autres capteurs; qu'advient-il de la propriété intellectuelle?
Enfin, j'aimerais faire valoir que je suis un homme d'affaires qui possède et dirige une entreprise dans le même domaine que MDA, bien qu'elle soit de taille légèrement plus modeste, et je peux respecter le désir de MDA de vendre les secteurs de son entreprise qui ne lui semblent pas pouvoir atteindre leur plein potentiel sur le marché, à moins d'être vendus à une entreprise américaine. Oui, les responsables de MDA ont raison; leur revendication est légitime lorsqu'ils disent que pour pénétrer le marché américain, ils doivent être une entreprise américaine. Mais je vous le dis tout de suite: il ne s'agit pas nécessairement d'être une entreprise américaine; on doit être des citoyens américains pour pouvoir obtenir les autorisations nécessaires pour décrocher les contrats. Encore une fois, au bout du compte, où cela mène t-il? Est-ce qu'on recherche la PI, ou les gens?
MDA soutient qu'elle est une entreprise fondée sur les gens — cela ne fait aucun doute. Mais ces gens sont-ils prêts à perdre leur citoyenneté canadienne et à obtenir la citoyenneté américaine pour pouvoir continuer à avoir des contrats hautement classifiés, avec une autorisation de premier niveau, ou est-ce la PI qu'ils veulent?
Je peux seulement dire que tout n'est pas à vendre au Canada. Oui, je suis capitaliste à l'extrême, vous pouvez me croire. Toutefois, au bout du compte, quand il s'agit de sécurité nationale, ce doit être notre principale préoccupation. Je suis très heureux qu'aujourd'hui, après tant d'années, le gouvernement du Canada et tous les autres députés, tous les autres partis, reconnaissent enfin que le Canada doit passer en premier pour ce qui est de sa sécurité nationale. J'ai trop souvent, par le passé, vu des entreprises qui avaient fourni ou créé des technologies figurant parmi les meilleures au monde, lesquelles finissaient par se retrouver non seulement aux États-Unis, mais aussi en Chine, en Afrique du Sud et en Europe. Pourquoi? On cherche des acheteurs et on veut de l'argent; et, au bout du compte, c'est ce que les gens recherchent.
Merci beaucoup.
Je dirai seulement que je m'intéresse davantage à l'avenir qu'au passé. Il me semble que le ministre a pris sa décision. Nous pourrons l'étudier autant que nous le voudrons, mais il ne me semble pas très sensé de passer beaucoup de temps là-dessus.
Dans une perspective d'avenir, je tente de trouver un lien commun entre vous deux et, d'après ce que vous avez dit, je pense — je ne veux pas non plus vous faire dire ce que vous n'avez pas dit — vous arrivez à envisager une structure où le gouvernement du Canada achèterait Radarsat à MDA — probablement Radarsat-1 et Radarsat-2. Mais ensuite, qu'arrivera-t-il? Ce que j'essaie de vous demander, c'est votre opinion sur la relation qui devrait exister dans l'avenir entre les secteurs public et privé. Voilà ma première question. Ma deuxième serait celle-ci: comment régler ce problème qui a mené à la vente, c'est-à-dire la préoccupation de l'entreprise quant au fait que, pour maximiser sa capacité de prendre en charge la technologie et de l'utiliser plus largement, elle devait intégrer un marché beaucoup plus grand que ce que le Canada est en mesure d'offrir?
Je pose la question en toute sincérité, parce que je n'ai pas de solution miracle en tête; mais je dirais seulement que le marché canadien est très petit. Si nous nous contentons de considérer cette technologie comme un bien national en disant que nous allons tout nationaliser — ce qui, j'en suis sûr, est très agréable à entendre pour certains — cela soulève une question de taille, sur deux plans. Premièrement, quels sont les coûts permanents de ce genre de nationalisation? Deuxièmement, quelle est la capacité d'une entreprise nationalisée de fonctionner réellement de la manière la plus efficace et dynamique possible? C'est une autre question sujette à des débats considérables à propos de ce qui s'est fait par le passé.
Je vous demanderais de réfléchir à la question, et d'essayer de la considérer de la manière la plus constructive possible, en ne vous concentrant pas, franchement, sur ce qui est arrivé, car ce qui est fait est fait. Et que nous soyons critiques face à la décision du gouvernement, ou encore en sa faveur, il me semble que cette décision est entourée de suffisamment de patriotisme pour ne pas être menacée.
Voilà seulement mon opinion politique en ce moment; il s'agit de pouvoir nous concentrer sur ce que nous ferons dans l'avenir.
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Je comprends la signification du mot « politique », monsieur Rae. Je le comprends parfaitement, mais deux questions distinctes sont en cause. Alors on pourrait continuer ainsi, mais vous soulevez de nombreuses questions importantes, des questions où l'histoire est importante pour nous.
Nous avons eu ces décisions déchirantes il y a plus de 40 ans, lorsqu'il a été question de problèmes entourant l'aptitude du Canada de maintenir sa propre capacité industrielle de défense, publique ou privée. La décision prise à l'époque, la fameuse décision de l'Avro Arrow, qui a été suivie par d'autres, était que le Canada n'en avait plus les moyens; qu'il n'avait plus le marché pour soutenir cette activité; que l'industrie canadienne pouvait uniquement se maintenir par un accès aux marchés étrangers; et que l'accès fondamental pour le Canada, en fonction des intérêts géostratégiques de l'endroit, tout simplement, ainsi que des valeurs communes, de la culture et du milieu des affaires, était le marché américain. Avec des questions comme l'accès et le maintien de l'accès au marché, de nombreux accords ont été conclus entre Washington et Ottawa, qui ont facilité cette étroite relation de travail hautement intégrée. Cela a donné aux entreprises canadiennes un accès au marché américain selon certaines contraintes, en accordant inversement aux entreprises américaines un accès de premier ordre au marché canadien, avec certaines contraintes que nous leur imposons. Donc, cela n'a jamais été un libre-échange. Cela a toujours été une entente commerciale administrée, qui a été couronnée de réussite.
Cette relation fait-elle face à de nouvelles épreuves? Bien sûr; et à cet égard, la difficulté centrale est le problème que pose l'ITAR. Il me semble que si nous devons regarder en arrière et examiner l'expérience passée en ce qui a trait ou à ce que nous ferons dans l'avenir, il faut nous demander très simplement si le gouvernement du Canada, le Parlement et le peuple canadien sont prêts à investir massivement des capitaux dans cette capacité essentielle. Sont-ils prêts à la maintenir, à la faire dépendre du Canada et probablement à réduire sa capacité à accéder au marché étranger en raison de la dynamique du marché international, quand il s'agit de questions de ce genre? Combien investirons-nous? Pendant combien de temps le ferons-nous, avant que le gouvernement en arrive à la conclusion, comme cela s'est produit il y a 40 ans, que dans les faits, ce n'est pas un investissement judicieux des fonds nationaux?
Je pense qu'il faut de reconnaître que le partenariat public-privé a été une réussite jusqu'à maintenant. Et la question que je me pose alors, c'est: croyons-nous que cela changera subitement? On dirait qu'il s'agit là de la question critique à laquelle personne ne souhaite répondre.
Voilà mon point de vue sur la question.
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RADARSAT-1, à ma connaissance, est la propriété du gouvernement du Canada. À l'époque, c'était Radarsat International qui était responsable de la commercialisation et de la distribution des données. Elle réussissait d'ailleurs très bien. MacDonald Dettwiler l'a ensuite rachetée dans le but de poursuivre ses activités.
Pour l'avenir, en ce qui a trait aux partenariats entre les secteurs public et privé, et ainsi de suite, je trouve qu'on est en droit de se demander s'ils portent fruit ou non, particulièrement dans l'industrie de la géomatique, compte tenu du nombre d'entreprises qui ont été acculées à la faillite pendant de nombreuses années, à cause d'un manque de financement ou d'un financement reporté pour des possibilités de contrats en recherche et développement, et évidemment de la domination sur le marché d'une société primaire au sein d'une entreprise canadienne, c'est-à-dire MDA, qui a beaucoup attiré l'attention. Cela n'a rien à voir avec MDA, mais plutôt avec le fait qu'on s'intéressait à la conception de RADARSAT-2 et de ses infrastructures.
D'ailleurs, les infrastructures nécessaires à son utilisation ont été payées et sont déjà en place. L'Agence spatiale canadienne exploite RADARSAT-2, tout comme RADARSAT-1. Les Forces armées canadiennes ont déjà beaucoup investi, dans le cadre du projet Polar Epsilon, dans l'installation de deux nouvelles stations au sol pour le RADARSAT-2, l'une sur la côte est et l'autre sur la côté ouest.
Dans le futur, il y aura sans aucun doute des opérations conjointes. Et quand je parle d'opérations conjointes, ce n'est pas uniquement dans une perspective militaire. Nous envisageons que l'Agence spatiale canadienne dirigera les opérations — c'est ce en quoi consiste son travail — auxquelles participeront également l'armée canadienne et Ressources naturelles Canada, particulièrement le Centre canadien de télédétection. Tous s'intéressent de près à cette initiative.
Que ce soit pour la gestion des situations d'urgence, l'évaluation des ressources forestière ou la cartographie géologique, RADARSAT-2, pas seulement le système, mais toute la propriété intellectuelle qui a été développée dans les applications, se trouve ici au Canada; il est donc primordial de travailler dans ce type d'organisation. Cela ne s'est pas révélé utile au cours des dix dernières années, étant donné qu'on s'employait à mettre en service RADARSAT-2.
C'est là où nous en sommes aujourd'hui. Que nous réserve l'avenir? Certainement des opérations conjointes. Le Canada prendra-t-il possession et contrôle de RADARSAT-2? Selon moi, oui. Cela ne concerne pas MDA. Il faut considérer la sécurité nationale et toutes les utilisations qu'on veut en faire.
Prenons l'exemple d'un partenariat public-privé tiré d'un modèle de gestion allemand, que j'aime beaucoup, je dois l'avouer, car je fais directement affaire avec Infoterra en Allemagne pour TerraSAR-X. C'est un système allemand. DLR, une organisation gouvernementale allemande, est propriétaire et exploitante du satellite. Les droits de distribution des images satellite ont été accordés à EADS Infoterra, et la distribution et la vente à l'échelle mondiale fonctionnent à merveille; c'est un partenariat qui profite aux deux parties. Nous suivons les règles et respectons les lois du pays. Ce n'est pas un problème. Les choses vont très bien.
N'empêche qu'il n'y a pas qu'un seul modèle de gestion. Nous pouvons explorer diverses possibilités.
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Merci, monsieur le président.
Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Lebel.
De ce côté-ci de la Chambre, nous estimons que l'ASC est vouée à un avenir prometteur, compte tenu des programmes en place et de ceux qui le seront prochainement — l'annonce du programme de recrutement d'astronautes, le télescope spécial James Webb, la Station spatiale internationale et le programme Constellation RADARSAT.
Le gouvernement conservateur reconnaît l'importance stratégique d'avoir une politique à long terme en matière de sciences et de technologie, c'est d'ailleurs pourquoi il a proposé, dans le budget 2008, de convertir ces idées en produits concrets et innovateurs.
J'aimerais que vous tous, peut-être plus M. Last, formuliez des observations sur une déclaration qu'a faite M. Byers, professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, et je le cite:
Chose surprenante, les Canadiens ont commencé à perdre le contrôle de RADARSAT-2 avant même sa construction.
Êtes-vous d'accord? Est-ce vrai aujourd'hui? Et pensez-vous que le gouvernement précédent — et malheureusement, je dois préciser que c'était un gouvernement libéral, sans vouloir être partisan — a mal agi en permettant à une entreprise privée d'acquérir et d'exploiter une technologie tel que RADARSAT?
:
Je vais aborder cette question dans une perspective différente de celle de M. Last.
Je ne suis pas certain; je n’étais pas là quand M. Byers a formulé ces observations, mais je suppose qu’il soulève la question de l’accès et du lancement de RADARSAT-2, et le conflit qui a suivi le refus initial de la NASA de lancer RADARSAT-2, après avoir lancé RADARSAT-1.
Cela a ensuite soulevé un débat quant à savoir si le Canada devrait trouver un autre moyen de lancer son radar-satellite, soit par la Chine ou la Russie, et bien entendu, de nombreuses questions politiques se sont fait jour, ce qui a fait ressortir la réalité de l’intégration des industries et technologies canadiennes et américaines. La présence de la technologie américaine sur RADARSAT-2 donnait évidemment aux États-Unis une certaine influence en ce qui a trait au lancement, étant donné que celui-ci devait respecter les exigences prévues dans l’ITAR, ce qui a donné lieu à l’adoption de la loi sur les systèmes de télédétection spatiale.
Pour répondre à la question, de toute évidence, lorsqu’on parle d’une capacité spatiale nationale, il ne faut pas oublier le plus important. La technologie de RADARSAT-2 est extraordinaire, mais si on ne peut pas la lancer ni même avoir un accès indépendant, et on sait que c’est le cas du Canada, on doit compter sur les autres. Au fil des décennies, le Canada et les États-Unis ont développé une relation mutuellement avantageuse, qui est devenue un peu plus difficile, étant donné le souci des États-Unis de protéger leurs intérêts de sécurité nationale.
Le Canada, pour des raisons politiques et économiques beaucoup plus stratégiques, ne peut tout simplement pas ignorer cette réalité, et je pense que c’est probablement ce à quoi M. Byers faisait référence. Je ne crois pas qu’il voulait dire que nous avions perdu le contrôle de RADARSAT. Je ne pense pas non plus que nous en ayons perdu le contrôle. C’est la nature des choses. Peu importe ce que le gouvernement fera, il ne pourra jamais fuir et devra toujours être attentif à ce type de questions.
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Il est important de reconnaître que la politique ou la stratégie spatiale nationale du Canada, s'il y en a une, n'est pas composée d'un seul, mais de nombreux éléments, et le véritable problème entourant l'absence d'une politique ou d'une stratégie spatiale nationale découle de l'absence d'une approche intégrée cohérente.
On peut aborder la question de l'espace militaire dans une perspective de défense nationale. La question qui domine ici, c'est d'essayer d'assurer un accès aux capacités américaines essentielles, aux capacités spatiales militaires ainsi qu'aux capacités commerciales. À ce chapitre, il convient de mentionner que l'armée américaine est tributaire à 80 p. 100 des satellites commerciaux. C'est une chose importante dont on ne fait pas mention dans ce débat.
Il y a donc cet élément, et la pièce maîtresse, bien entendu, en ce qui a trait à la défense nationale, est le premier satellite de défense conçu par MDA, qui sera également responsable de son utilisation. J'ignore où en est rendu le projet Sapphire.
Pour ce qui est de l'ASC, je crois savoir que ce qui nous intéresse, c'est le modèle RADARSAT. Il faut absolument optimiser la technologie afin de renforcer nos capacités qui profiteront au pays, sur le plan économique, en accédant à des marchés étrangers, dont les États-Unis, le plus important.
Ensuite, il y a l'Agence spatiale canadienne qui, au cours des dix dernières années, a peu à peu détourné son attention de l'exploitation spatiale à des fins d'exploration terrestre. Si vous examinez son budget, vous constaterez que notre pays se distingue par son agence spatiale. La proportion que nous consacrons à l'exploration est bien plus élevée que celle de n'importe quel autre pays par rapport à celle réservée à l'exploitation terrestre, qui a été le centre d'intérêt, en particulier des Indiens et des Européens. On donne donc une orientation à la technologie. Par conséquent, l'ASC et Industrie Canada ne sont pas nécessairement sur la même longueur d'onde.
Bien entendu, il y a le ministère des Affaires étrangères, qui mène une stratégie multilatérale concernant un régime de sécurité spatiale. Quand on parle d'une politique nationale et de l'espace comme un atout, un domaine stratégique visant à défendre les intérêts et la souveraineté du Canada, à protéger son économie et ses infrastructures essentielles, etc., il faut d'abord élaborer une approche cohérente qui tient compte de tous ces éléments et qui cadre avec ce que peut raisonnablement investir le Canada au cours des 10 ou 20 prochaines années dans l'espace et dans ces développements.
C'est là où RADARSAT, ou si vous préférez, la télédétection, entre en jeu, de même que la capacité à exploiter ce potentiel avec un niveau d'avantage comparatif et à l'utiliser pour élaborer une stratégie cohérente. Non seulement cela peut contribuer à renforcer notre sécurité nationale, mais aussi nous permettre de tirer parti de nos alliés tout en contribuant véritablement à leur sécurité nationale.
À ce chapitre, j'aimerais faire une remarque importante. Les États-Unis n'ont jamais misé sur RADARSAT-2 en ce qui concerne la souveraineté de l'Arctique. Ils s'intéressaient davantage à sa résolution et à son incidence si d'autres pays venaient à y avoir accès. Ils voulaient s'assurer que personne d'autre ne puisse se servir d'une technologie à haute résolution aussi précise.
Pour revenir à la forme que devrait prendre une politique ou une stratégie nationale, celle-ci doit rassembler les intérêts institutionnels des différentes organisations. À l'heure actuelle, c'est à Industrie Canada, par l'intermédiaire de l'ASC, que revient la première responsabilité — mais ceux-ci ne sont pas au diapason —, peu importe ce qui ressortira de l'examen stratégique dont l'ASC fait actuellement l'objet. La défense nationale et les affaires étrangères, de même que tous les autres éléments, devront être pris en considération, dans le cadre d'une stratégie cohérente.
Nous avons toujours eu une stratégie ou une politique qui, par moments, allait dans le même sens, et par d'autres, dans le sens contraire.
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Oui, j'aimerais faire quelques observations.
Tout d'abord, certaines personnes ont mis en doute la capacité de RADARSAT-2, et je dois avouer que j'en faisais partie au début. Cependant, il faut comprendre que RADARSAT-2 était considéré comme un élément du futur système d'imagerie aux États-Unis, à l'appui d'autres sources de données. Je ne considère pas que RADARSAT-2 est un collecteur de renseignements. Il s'agit d'un système de surveillance, en particulier à grande surface, ce qui est très important pour le Canada, compte tenu de sa superficie.
Pour ce qui de la politique, de quoi est-il question? D'une politique spatiale? Comme notre ami l'a mentionné ici, il y a deux éléments en jeu: la télédétection et l'exploration spatiale — soit le balayage vers le bas et vers le haut. Avons-nous besoin d'une politique? Oui, largement. Nous avons besoin d'une transformation radicale et d'une politique de grande ampleur, et nous devons cerner les éléments clés. L'Agence spatiale canadienne, établie à Saint-Hubert, est-elle en position de le faire? Absolument. C'est son travail. Toutefois, elle doit recevoir du financement et obtenir les ressources nécessaires pour mener à bien cette tâche.
Les capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance, RSV, relèvent de la Défense nationale. Celles-ci doivent être intégrées dans toute la politique. Ressources naturelles Canada et le Centre canadien de télédétection doivent être pris en considération immédiatement. Ce dernier est le principal responsable de l'OCPN — une offre à commandes principale et nationale pour l'acquisition d'images satellite. Ce processus a été retardé pendant je ne sais combien d'années en raison des nombreuses consultations avec l'industrie. On a beaucoup procrastiné dans ce dossier.
Si je dirige une entreprise qui fournit des images satellite, vais-je attendre qu'on prenne une décision ou plutôt me tourner vers un autre satellite? Ces décisions doivent être prises, et nous devons aller de l'avant. Il est temps de faire bouger les choses.
Encore une fois, le Centre canadien de télédétection est un autre intervenant clé qui a été ignoré pendant de nombreuses années — trop longtemps — et qui a perdu beaucoup de spécialistes. Ceux-ci sont partis notamment aux États-Unis ou à RDDC, de la Défense nationale; ils sont dispersés un peu partout. Il n'y a aucune cohésion.
On doit donc intégrer une politique, et tous les intervenants doivent en faire partie. Toutefois, on doit se fixer un délai. Il ne faut pas laisser traîner ce dossier pendant dix ans. Donnons-nous, par exemple, six mois. Prenons une décision et finissons-en. C'est ce que veulent les gens dans l'industrie, et c'est ce que les Canadiens attendent de nous.