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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 026 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 19 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(1135)

[Traduction]

    Bien, je déclare la séance ouverte. Nous avons été un peu retardés, aujourd'hui, mais nous allons faire de notre mieux.
    Avant de présenter M. Massicotte, notre témoin, je dois dire que le budget supplémentaire des dépenses a été remis au comité pour les domaines qui l'intéressent. Nous avons jusqu'à trois jours avant le dernier jour des crédits, alors je ne sais pas trop à quel moment nous pourrons l'examiner et même si nous devrions le faire. C'est au comité qu'il revient d'en décider. Premièrement, est-ce que nous devrions convoquer la greffière pour discuter de ce budget supplémentaire? Auquel cas nous avons, à la fin de novembre et au début de décembre, deux ou trois réunions où nous n'attendons qu'un seul témoin. J'ai pensé que nous pourrions examiner rapidement le budget supplémentaire des dépenses à ce moment, si les membres du comité le veulent bien.
    Je vous demande ce que vous en pensez. Comme personne ne me regarde, je vais prendre moi-même la décision.
    Faites-le, s'il vous plaît. Nous pourrons la critiquer.
    Des voix: Oh-oh!
     D'accord. Disons que oui, nous l'examinerons. Nous allons tenter de déterminer le temps et le lieu où la greffière peut venir... une de ces réunions où nous n'avons qu'un témoin. Nous consacrerons de 15 à 20 minutes au budget supplémentaire, puis nous entendrons notre témoin. Si cela convient au comité, je laisse à notre greffière le soin de prendre rendez-vous avec la greffière de la Chambre.
    Très bien, poursuivons. J'aurais dû préciser que notre séance est publique, aujourd'hui, et que nous continuons, conformément à l'article 108(2) du Règlement, l'étude de l'examen de la Loi référendaire.
    Notre témoin, aujourd'hui, est Louis Massicotte. Je vais lui laisser le soin de se présenter. Il est professeur à l'Université Laval. Je vais le laisser faire sa propre présentation. Il a une déclaration préliminaire à faire, puis nous pourrons lui poser toutes les questions que nous voulons jusqu'à la fin de la séance.
    Nous sommes désolés de vous avoir fait attendre aujourd'hui, monsieur. Vous avez la parole.

[Français]

[Traduction]

    Je vais faire mon exposé en français et je tenterai de répondre aux questions dans l'une ou l'autre langue.
    Je ne pensais pas devoir me présenter. Je vais essayer d'être bref.

[Français]

    Comme vous l'avez mentionné, je suis professeur de science politique à l'Université Laval. Je suis également titulaire de la chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. Cette chaire a été établie conjointement par l'Assemblée nationale du Québec et par l'Université Laval. Mes propos, cependant, n'ont aucun caractère officiel et n'engagent nullement ni l'une ni l'autre de ces deux institutions.
    Je vous remercie de m'avoir invité à intervenir dans le cadre de votre étude sur la Loi référendaire. Cette loi est pour moi un peu comme une vieille connaissance puisque le 15 juin 1992, j'avais été invité à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour commenter ce qui était alors le projet de loi C-81. Je dois vous dire que c'était ma première comparution devant un comité parlementaire fédéral. Je me demandais si ce ne serait pas ma dernière comparution non pas parce que les choses s'étaient mal déroulées, mais simplement parce que vu le contexte qui prévalait en 1992, je me demandais si je serais encore citoyen du même pays à la fin de I'année. Vous savez ce qu'il en a été.
    J'ai pris la peine de relire le texte que j'avais préparé pour ma comparution, à l'époque. Relire ce qu'on a écrit il y a 17 ans est quelque chose qu'on ne fait pas sans une certaine appréhension. À l'époque, j'avais dit aux sénateurs que le référendum était présenté par tout le monde comme un deadlock breaking mecanism, soit un mécanisme de résolution des impasses. Je leur avais dit que le référendum, loin de résoudre les impasses, ne ferait peut-être que les confirmer et que les politiciens provinciaux ne faisaient que refléter l'intransigeance de leurs populations respectives. Disons que je relis cela aujourd'hui et que j'ai le sentiment de ne pas m'être totalement trompé.
    Je vais maintenant dire quelques mots sur le contexte d'il y a 17 ans. On ne savait pas, à l'époque, ce que le gouvernement avait en tête en proposant ce projet de loi. Je vous fais grâce de toutes les hypothèses qui circulaient alors, mais j'ai pris la peine il y a quelques jours de relire les mémoires de M. Mulroney, qui était bien placé pour tout savoir cela. Or je me suis aperçu qu'il ne disait mot sur le sujet. Je ne suis donc pas plus avancé. À tout événement, il semble qu'une fois conclu l'Accord de Charlottetown, la décision d'organiser un référendum ait été prise très rapidement par les premiers ministres, avec les résultats que vous connaissez. C'est la seule utilisation qu'on a faite de cette loi depuis.
    J'ai lu le document préparé par votre recherchiste M. Bédard, ce qui m'a donné une bonne idée des questions qui vous préoccupent. Votre mandat inclut des questions très techniques au sujet desquelles vous devriez, je pense, vous en remettre aux techniciens plutôt qu'aux professeurs. Votre mandat comporte également des enjeux plus larges sur lesquels les professeurs peuvent vous fournir un éclairage utile. Je vais m'en tenir à ces enjeux.
    La question qui me paraît la plus intéressante est celle-ci: doit-on permettre la tenue simultanée d'un référendum et d'une élection générale? Pour ma part, je ne vois pas de problème majeur à ce que cette possibilité soit ouverte, si le Parlement le désire. Je sais que la loi actuelle ne le permet pas. Je sais qu'au Québec, la loi ne le permet pas non plus. Or la chose serait peut-être difficile parce que la Loi sur la consultation populaire du Québec prévoit des contrôles rigoureux sur les dépenses et qu'il serait difficile de les appliquer en même temps qu'une élection provinciale. II ne serait pas toujours facile de faire la distinction entre une dépense référendaire et une dépense électorale. Le risque de confusion serait grand, ce qui rendrait problématique l'efficacité des contrôles.
    La loi fédérale, elle, n'est pas fondée sur le principe rigoureux de l'égalité des dépenses pour le « oui » et pour le « non ». Par conséquent, elle ne soulèverait probablement pas les mêmes objections. Les précédents concernant les référendums tenus en même temps qu'une élection ne manquent pas dans l'histoire canadienne, même s'il n'y en a jamais eu au niveau fédéral, ni au Québec, d'ailleurs. Je dispose d'une assez bonne documentation sur l'histoire des référendums au Canada. J'ai pris le temps de la consulter avant de venir ici.
(1140)
    J'ai trouvé au moins sept provinces et un territoire qui, à un moment donné ou à un autre, ont tenu un référendum et une élection générale en même temps. J'ai les années et les sujets du référendum, si ça vous intéresse. Les cas les plus récents, ceux qui sont les plus intéressants pour vous, sont survenus en Colombie-Britannique et en Ontario. Je comprends que les directeurs généraux des élections de ces deux provinces vous ont dit ou vous diront comment les choses se sont passées.
    À l'international, vous serez peut-être intéressés d'apprendre que l'Australie a jumelé élection et référendum sept fois durant son histoire, qu'il lui est arrivé de poser deux questions référendaires le même jour en 1999 — je m'en souviens, j'y étais. La Nouvelle-Zélande a tenu un référendum en même temps que des élections en 1993 et en 1999. La France l'a fait une seule fois, en 1945. En Angleterre et en Allemagne, cette pratique est inconnue parce que les référendums y sont très rares, de toute façon. Donc, le problème ne se pose pas tellement.
    Je vois un avantage à cette simultanéité élection/référendum au chapitre de la participation électorale. Un des constats les mieux établis en la matière, c'est que la participation dépend beaucoup de la nature du scrutin, de sa salience, comme on dit dans l'autre langue officielle. Une élection municipale ou scolaire, par exemple, attire moins de gens qu'une élection provinciale. Si on tient en même temps une grosse élection et une petite, la seconde va susciter plus de participation que si elle était tenue isolément. Le pays qui connaît une participation record aux élections locales, municipales, c'est la Suède. Et comme par hasard, c'est le seul pays où les élections locales sont tenues en même temps que les élections des députés.
    En Allemagne, on s'inquiète beaucoup, comme ici, du déclin prononcé de la participation aux élections provinciales. Ces dernières années, on a eu recours à un truc qui est assez astucieux. Certaines provinces se sont mis tout simplement à tenir leur élection provinciale le même jour que l'élection fédérale. Je puis vous dire — je vous fais grâce des détails — que les effets sont proprement miraculeux, c'est-à-dire que si on regarde les chiffres, on constate que quand l'élection provinciale a lieu en même temps que l'élection fédérale, le taux de participation est sensiblement plus élevé et, à l'inverse, quand une province cesse de tenir ses élections provinciales le même jour que les élections fédérales, donc quand l'élection provinciale est tenue isolément, le taux de participation connaît une chute marquée. Donc, cette coïncidence des scrutins peut être un avantage.
    En passant, ici même, les référendums sur la réforme électorale ont bien illustré la pertinence de ce que je vous dis. À l'Île-du-Prince-Édouard, comme vous le savez peut-être, on a tenu un référendum sur le mode de scrutin isolément et on a eu un taux de participation de 33 p. 100, alors qu'en Colombie-Britannique et en Ontario, on a jumelé l'élection et le référendum et on a obtenu des taux de participation électorale qui, sans être mirobolants, sont quand même bien plus élevés.
    Je vous dis simplement que si un référendum porte sur une réforme de grande envergure, l'importance du sujet suffira, bien sûr, à attirer les électeurs; on l'a vu avec Charlottetown. Mais si, au contraire, le référendum porte sur une question moins importante, moins sexy aux yeux des électeurs, on peut craindre que les électeurs restent chez eux, alors qu'en procédant simultanément, on se protège, je pense, contre ce risque.
    Concernant les comités référendaires, une autre question inscrite au mandat de votre comité, la loi actuelle n'impose pas de plafond de dépenses égal pour le « oui » et pour le « non ». Elle limite les dépenses de chaque comité référendaire, mais non pas le nombre de ses comités. Pour beaucoup de personnes, c'est un dispositif qui permet aux riches d'acheter le résultat du référendum.
    Lors de ma comparution devant vos collègues sénateurs en 1992, j'avais suggéré que cette vision, à savoir que le gouvernement pouvait acheter le résultat du référendum simplement en dépensant plus que ses adversaires, était un peu simpliste.
(1145)
    Je crois ne pas m'être trompé, en ce sens qu'en 1992, comme vous le savez, les partisans de I'Accord de Charlottetown à l'extérieur du Québec ont dépensé, non pas deux fois plus que leurs adversaires, non pas cinq fois plus, non pas dix fois plus, mais treize fois plus. Malgré tout, comme vous le savez, ils ont perdu le référendum. Si ma mémoire est bonne ils l'ont perdu par une marge importante.
    Je ne pense pas que Ie discours que M. Trudeau a prononcé à La Maison Egg Roll ait trouvé place dans les comptes de dépenses du « non », ni les enregistrements des frustrations nocturnes de Mme Wilhelmy et de M. Tremblay. Si cela a coûté une cenne au comité du « non », c'est certainement la cenne la plus rentable de toute l'histoire électorale canadienne. Cela n'a figuré dans aucune dépense. Pourtant, n'importe quel spécialiste vous le dira: c'est cela qui a largement fait la différence lors du référendum. D'ailleurs, cela a eu plus d'impact que toutes les publicités coûteuses dont les électeurs ont été abreuvés à l'époque.
     Ça aurait peut-être été amusant, pour certains, de voir les protagonistes du « non » de l'époque, M. Trudeau, M. Preston Manning et M. Jacques Parizeau, obligés de travailler ensemble au sein du même comité. Cela aurait certainement été intéressant à observer, mais je ne pense pas qu'ils auraient trouvé l'expérience très agréable.
    Parlons maintenant des discordances entre la Loi électorale et la Loi référendaire. Si j'ai bien compris, en 2000, lorsqu'on a adopté une nouvelle Loi électorale, on avait par la même occasion effectué les concordances avec la Loi référendaire. Selon ce que je comprends, cet exercice n'a pas été renouvelé depuis. Il y a donc des discordances entre la Loi électorale et la Loi référendaire. Notamment, il semble que les détenus aient le droit de vote aux élections, mais pas lors d'un référendum. Personnellement, je pense que cette discordance est indésirable en principe. Le droit référendaire devrait être aligné, dans toute la mesure du possible, sur le droit électoral.
    D'ailleurs, j'applique le même raisonnement en matière de contribution. Je ne vois pas pourquoi les compagnies et les syndicats pourraient contribuer aux caisses référendaires, mais pas aux caisses électorales. Il faut, d'une certaine façon, être conséquent avec les principes que l'on proclame. Choisissez la règle qui vous plaît le plus, mais je pense qu'elle devrait, autant que possible, être la même pour les élections et les référendums. Cependant, j'aimerais vous servir un avertissement qui me semble être pertinent. Si vous optez pour aligner la Loi référendaire sur la Loi électorale et, donc, interdire les contributions des compagnies et des syndicats, il faudra probablement que l'État comble le vide qui sera créé par l'interdiction des contributions des personnes morales. Évidemment, ce sont les contribuables qui devront payer la différence, parce que l'État devra très probablement verser une subvention compensatoire aux différents comités.
    Le dernier point de mes commentaires est l'interaction des référendums provinciaux et fédéraux. La Loi référendaire est une loi à géométrie variable, en ce sens qu'elle peut s'appliquer dans une province, dans plusieurs provinces ou dans tout le pays. Des circonstances particulières ont fait qu'en 1992, on a eu, juridiquement parlant, deux référendums. Il y en a eu un au Québec et un dans l'ensemble du pays, moins le Québec. Je ne suis pas certain que cela ait été un choix optimal, même si, à l'époque, la réalité politique l'imposait. Je voudrais simplement souligner que quels que soient les bons arguments que l'on peut avancer pour cet état de fait, il y a quand même des gens qui ont perdu leur droit de vote parce que la loi du Québec imposait une résidence de six mois, ce que ne faisait pas la loi fédérale.
    Personnellement, en 1992, j'ai déménagé au Québec. Fort heureusement pour moi, j'ai déménagé au mois de janvier 1992. Le référendum a eu lieu en octobre. Si, par malheur, il avait fallu que je déménage au mois de juillet 1992, je n'aurais pas été en règle avec la loi et je n'aurais pas pu exercer mon droit de vote, parce que je n'aurais pas résidé au Québec pendant six mois.
(1150)
    Évidemment, je n'irai pas vous dire que le référendum aurait perdu beaucoup si ma voix n'avait pas été exprimée. Ce que je veux dire, c'est que sur le plan des principes, il me semble qu'une solution qui implique pour des gens la perte du droit du vote n'est pas une solution optimale.
    J'ajouterais que cette histoire d'appliquer une loi plutôt qu'une autre s'est soldée par une querelle de gros sous entre nos deux gouvernements, querelle qui s'est étirée pendant deux ans, à savoir si M. Mulroney avait promis à M. Bourassa, deux ans plus tôt, de rembourser le référendum, oui ou non. On s'est mis à fouiller partout au Conseil privé pour trouver un papier. Apparemment, il n'y en avait pas. Je peux vous dire que des gens très haut placés dans l'appareil électoral ne savaient même pas qu'il y avait eu une entente là-dessus. Enfin, ça s'est terminé de la façon que vous savez. À mon avis, ce n'était pas le scénario optimal.
    Sur cette interaction, vous pouvez garder la souplesse que prévoit la loi actuelle, si cela vous chante. Cependant, sur le plan des principes, je trouve que c'est pousser l'opting out un peu trop loin. D'ailleurs, à ma connaissance, nous sommes la seule fédération au monde à procéder de cette façon. Habituellement, dans une fédération, quand on fait un référendum « national », on le fait à la grandeur du pays. En tous cas, je donne un cours sur le fédéralisme comparé, donc je suis obligé de savoir un peu ces choses.
    Je parlerai d'un autre petit détail qui, lui, est plus technique, mais qui n'est pas sans intérêt. D'ailleurs, je l'avais souligné autrefois. Lorsque le Parlement vote sur la motion portant question référendaire, il ne sait pas — en tous cas, il n'est pas obligatoire qu'on le lui dise — dans quelle province va avoir lieu le référendum. C'est l'exécutif qui détermine, après le vote de la question référendaire, dans quelle province aura lieu le référendum.
    Personnellement, je pense que la motion qui porte adoption de la question référendaire devrait spécifier, dès ce moment-là, dans quelle province aura lieu le référendum, parce que, à mon humble avis, une telle décision ne devrait pas être laissée à l'exécutif et être annoncée après que la Chambre des communes et le Sénat ont adopté la question référendaire.
    Mesdames et messieurs, c'étaient mes commentaires écrits. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions le mieux possible.

[Traduction]

    Monsieur Proulx, vous êtes le premier aujourd'hui.
    Commençons à poser des questions à M. Massicotte.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Massicotte, merci de vous être déplacé d'une capitale à l'autre pour être avec nous ce matin. C'est bien apprécié.
    Monsieur Massicotte, j'ai une question tout à fait technique.
    Supposons qu'une élection générale soit en préparation et qu'en même temps, il y ait une campagne référendaire. Quelqu'un se présente comme candidat dans le comté de Hull—Aylmer et doit limiter ses dépenses à un montant x pour la campagne générale. Fixons le chiffre magique de 100 000 dollars de dépenses. En même temps, en ce qui concerne le référendum, il y a des comités du «  oui » et d'autres du «  non » qui sont aussi limités dans leurs dépenses. On sait que dans le cadre d'une élection générale, les votes sont comptés par individu, par candidat, alors il y a concurrence entre quatre, cinq, six, sept ou huit candidats dans la circonscription. Pour ce qui est du référendum, c'est le total des votes qui détermine le gagnant, l'ensemble des votes non pas par circonscription, mais pour l'ensemble du territoire touché par le référendum, qu'il soit fédéral, provincial ou municipal. En plein milieu de la campagne, à la suite de débats publics, on se retrouve dans la situation où le candidat libéral dans Hull—Aylmer doit donner son opinion au sujet du référendum. Le candidat répond qu'il est du côté du « oui » ou du «  non ». Supposons qu'il penche en faveur du « non » et qu'il fasse campagne très activement autant pour son élection que pour le camp du « non ».
    Comment allons-nous faire la différence entre les dépenses de la campagne d'élection personnelle du candidat et celles liées à un ou des comités du « oui » ou du  « non »?
    C'est devenu tellement compliqué, pour les agents officiels, de comptabiliser tout cela avec la plus grande attention. On l'a toujours fait, mais on en est à devoir produire rapport après rapport. C'est presque aussi pire que pour ce qui est des pancartes publicitaires du gouvernement actuel.
    Comment voyez-vous cela, monsieur Massicotte? Je comprends les grands principes, à savoir si on peut avoir une élection en même temps qu'un référendum et si on peut changer les protocoles. À cela, je réponds « oui », mais dans la pratique, la vraie question est de savoir comment faire. Il faut qu'il y ait deux comptabilités, deux champs d'action. Comment voyez-vous cela?
(1155)
    Monsieur, vous êtes en train de me convaincre des mérites de la discussion publique parce qu'en vous écoutant, je peux distinguer deux scénarios, deux cas de figure de référendum.
    Dans un premier cas de figure de référendum, les gens qui sont pour le Parti A soutiennent presque tous telle option référendaire, et les gens qui sont pour le Parti B soutiennent tous l'autre option. Par conséquent, dans ce scénario...
    C'est possible.
    Ce scénario risque en effet de causer des problèmes. Dans les autres cas que j'ai en tête et qui correspondent aux cas les plus récents portant sur le système électoral — et sur les questions de prohibition, à une époque beaucoup plus ancienne —, la raison pour laquelle on a opté pour un référendum était précisément parce que les partis étaient incapables d'en arriver à un consensus en leur sein, pour le « oui » ou pour le « non ».
    Selon une tactique qui relève d'une bonne politique, ces gens se sont dit que s'il était impossible de faire l'unité dans leurs rangs, il valait mieux soumettre la question aux électeurs. Dans ce cas, je pense que la coïncidence ne pose pas beaucoup de problèmes parce qu'on fait campagne. En Ontario et en Colombie-Britannique, lors des référendums sur le système électoral, tous les politiciens se sont passé le mot: ils ont convenu de ne pas dire aux électeurs qu'ils étaient en faveur du système. Je pense que l'immense majorité des candidats ou des députés en place n'étaient pas très enthousiastes à l'égard du système électoral proposé. Or il y a eu un genre d'ordonnance d'auto-dérogation. Ils ont décidé qu'il était préférable de ne pas se dire en faveur du système actuel de façon à éviter que les électeurs aient une réaction contraire et se disent qu'après tout, il s'agissait probablement d'une bonne idée. Vous connaissez sans doute ce genre de réflexe contradictoire. Autrement dit, le problème que vous soulevez ne se pose pas si, dans le cadre du référendum, les partis ne sont pas clairement en faveur du « oui » ou du « non ».
    Pour ce qui est de l'autre cas de figure, je pense que vous venez de trouver un très bon argument, à savoir qu'il n'est peut-être pas sage, sur le plan de la politique publique, de procéder de cette façon.
    Quant à votre question concernant la façon de faire la distinction entre les dépenses, tout dépend du type de campagne que vous faites. Que vous disiez en passant, à la télévision, à la radio ou lors d'une interview menée par le journal local, que vous êtes en faveur du « oui » ou du « non » ne constitue pas une dépense électorale. C'est si vous commencez à imprimer de la publicité ou à engager des dépenses que ça risque de devenir problématique.
    Pour ma part, je pense qu'il est possible, sur le plan de la comptabilité, de faire la distinction entre une dépense référendaire et une dépense électorale. Je sais que ça peut être laborieux, mais ça peut l'être aussi par moments lors d'une élection dans le cadre du régime actuel, quand il s'agit de départager les dépenses nationales des dépenses locales. Vous voyez la différence. Il reste que ça se fait. La loi le prévoit.
    Est-ce que je réponds à votre question?
(1200)
    En partie. Je vais y revenir plus tard. Mon temps est écoulé, pour le moment.
    Ça me fera plaisir d'y revenir.

[Traduction]

    Essayons d'être un peu plus concis dans les questions et les réponses, s'il vous plaît.
    Monsieur Lukiwski.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Professeur Massicotte, veuillez m'excuser: je ne parle pas français. Je parle anglais.

[Traduction]

    Vous avez dit à plusieurs reprises au cours de votre exposé que si la Loi référendaire devait être harmonisée avec la Loi électorale, il faudrait adapter aussi les dépenses, les plafonds de contribution, le nombre de contributeurs, les types de contributeurs, etc. Est-ce que vous voulez que la Loi référendaire soit harmonisée avec la Loi électorale ou pensez-vous qu'il vaudrait mieux avoir une Loi référendaire autonome?
    J'aimerais mieux que la Loi référendaire soit harmonisée avec la Loi électorale. À ma connaissance, la Loi référendaire n'a pas fait l'objet d'un débat particulier depuis 1992. La Loi électorale du Canada, par contre, a été débattue à de nombreuses occasions. Je crois comprendre qu'en 2000, une toute nouvelle Loi électorale a été adoptée. Le Parlement a eu le temps de modifier sa position en fonction de tout ce qui s'était produit — les nouveaux députés, les représentations, les décisions judiciaires. J'imagine que le plus récent de ces deux documents est la Loi électorale. Selon moi, si vous devez en modifier un en fonction de l'autre, c'est la Loi référendaire qui devrait suivre les principes définis dans la Loi électorale du Canada, à moins que, dans votre sagesse et avec la latitude dont jouissent les députés, vous ne soyez d'avis que la Loi électorale laisse à désirer.
    Merci de ce commentaire.
    Permettez-moi donc de vous poser une autre question, au sujet cette fois de la composition des comités référendaires. Là encore, selon vous, il vaudrait mieux adopter un système similaire à celui du Québec, qui prévoit des comités de coordination? Vous avez mentionné l'intéressante possibilité et l'intéressante dynamique que l'on aurait pu voir en 1992 si M. Manning, M. Trudeau et d'autres avaient dû faire partie d'un même comité.
    Selon vous, est-ce qu'il serait bon de créer un système de comités de coordination pour que tous ceux qui sont pour le oui se trouvent du même côté et que tous ceux qui sont pour le non se rangent de l'autre côté? Ou préférez-vous un système où l'on créerait autant de comités que nécessaire?
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
    Très bien. Je dois être conséquent avec ce que j'ai dit précédemment. J'ai dit que lorsque la loi a été discutée, c'était la question de l'heure. Nous avons lu les débats de cette époque, et c'était vraiment l'un des grands dossiers. Évidemment, le modèle québécois a été présenté à l'époque comme une possibilité. Il a été rejeté pour diverses raisons, souvent d'ordre juridique. Apparemment, le gouvernement avait obtenu de solides opinions juridiques sur la question, et ces opinions indiquaient qu'il serait difficile de le défendre devant les tribunaux.
    Je crois qu'il y avait aussi des motifs plus profonds. Vous savez, j'ai l'impression que l'on craignait qu'il ne soit impossible d'appliquer ce modèle à un autre niveau. D'instinct — vous savez, je viens du Québec, je suis donc fier de ce que nous avons réalisé —, je suis porté vers le modèle québécois, mais il faut être prudent avant d'adopter dans un domaine quelque chose qui convient parfaitement dans un autre. Le Québec est une petite société particulièrement homogène. Il y est probablement plus facile de forcer chacun à se ranger d'un côté ou de l'autre, et nous avons réussi à le faire jusqu'à maintenant.
    En passant, je vous signale que notre système a résisté à l'examen des tribunaux dans l'affaire Libman, si ce n'est de quelques modifications qui n'avaient rien de fondamental. Je ne suis toutefois pas convaincu que le même système donnerait de bons résultats dans l'ensemble du Canada. Lorsque nous discutions de la question, sur le plan théorique, en 1992, nous ne savions pas quel genre de référendum cela donnerait. Si j'avais su, grâce à une quelconque révélation divine, que nous obtiendrons le genre d'alignement que nous avons eu et l'étrange scénario que vous avez mentionné, j'aurais sans doute beaucoup hésité à préconiser l'adoption du modèle québécois dans cette situation.
    Je n'ai pas tellement insisté pour que le modèle québécois soit adopté pour une autre raison, et c'est parce que je n'étais pas entièrement convaincu que le fait d'avoir dépensé plus que vos opposants faisait vraiment une différence. On supposait, à l'époque — et je pense que cette hypothèse a été définitivement écartée —, en se fondant sur le référendum de 1982 au Québec, que l'on pouvait littéralement acheter le résultat du référendum. Je n'en étais pas convaincu à ce moment-là, compte tenu de ce que j'avais vu dans la documentation. Vu le genre de campagne qui a été menée en 1992, je suis encore moins convaincu maintenant que l'argent puisse permettre d'acheter le résultat d'un référendum.
    Nous avons un système étrange, n'est-ce pas. Il n'y a pratiquement aucune règle lorsqu'il s'agit des comités référendaires. Par contre, si l'on parle du temps alloué — vous savez, le temps d'antenne gratuit à la télévision — c'est la règle de l'égalité qui prévaut. Le camp du « oui » a 50 p. 100 du temps et celui du « non » en a autant. Ils doivent s'entendre pour répartir leur allocation entre les divers comités. Dans l'ensemble, il n'y a pas de règle. C'est probablement le système le plus facile à gérer, vu les circonstances, la complexité du pays et le fait qu'une question puisse être interprétée très différemment dans une province et dans les autres.
    Vous savez, l'essentiel de la campagne s'est déroulé de cette façon. Vous alliez au Québec et vous disiez aux habitants du Québec, regardez, c'est extraordinaire; nous avons 25 p. 100 des sièges à la Chambre des communes, à perpétuité, ce qui est extraordinaire, et le Sénat qu'on nous propose n'a aucun pouvoir et demeurera sans doute très faible. Et les mêmes personnes, quand elles parlaient à l'extérieur du Québec, devaient dire, eh bien, 25 p. 100 pour le Québec, ce n'est pas si important, et nous avons un nombre égal de sièges pour les provinces au Sénat, et cela, c'est merveilleux.
    Il vaut sans doute mieux prévoir une certaine souplesse dans le système.
(1205)
    Merci, monsieur Lukiwski.
    Monsieur Desnoyers.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue, monsieur Massicotte.
    Vous avez parlé de lois référendaires dans différentes provinces. Vous avez mentionné la Colombie-Britannique et d'autres. Pouvez-vous nous parler un petit peu plus de ce sujet? Je reviendrai à celle du Québec ensuite.
    Les situations sont très différentes d'une province à l'autre. Dans le cas du Québec, on a adopté, en 1978, une loi-cadre, une loi permettant la tenue de plusieurs référendums. Je le mentionne parce que le référendum, au début, n'était pas un mode normal de gouvernement. Quand on faisait un référendum, c'était parce qu'on était vraiment mal pris. En 1898, c'était la prohibition et on savait que les Canadiens ne pensaient pas la même chose là-dessus. En 1942, c'était la conscription. Donc, dans ces cas, pour souligner le caractère tout à fait exceptionnel du référendum dans le contexte d'une démocratie qui était foncièrement représentative, on adoptait une loi spéciale qui prévoyait tous les détails du référendum, et ensuite, la loi était oubliée.
    Québec, lui, voulait se donner une loi-cadre. Très franchement, ce ne sont pas toutes les provinces qui ont fait le même choix. Dans plusieurs cas, on a encore aujourd'hui des lois ad hoc. Quelles sont ces provinces qui ont une loi-cadre? J'avoue que là-dessus, vous me pincez un peu. Je vais faire un effort de mémoire. La Colombie-Britannique en a une. Je crois que la Saskatchewan en a une. L'Île-du-Prince-Édouard, j'en suis certain, en a une également. Le Québec en a une. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres provinces. Je serais obligé de vérifier.
    Je pense que, encore aujourd'hui, l'outil référendaire n'est pas rentré dans nos mœurs. En passant, votre loi est une autre de ces lois-cadres, en ce sens qu'elle permet la tenue de plusieurs référendums.
    C'est tout ce que je peux vous dire là-dessus. On pourrait essayer de vous donner...
(1210)
    Au sujet de 1992, vous avez mentionné un élément de la loi québécoise. Vous avez dit que les résidants qui arrivaient six mois avant la tenue du référendum n'avaient pas accès au vote, ce qui est une technicalité, pour utiliser un mot que vous avez utilisé au tout début. Je ne sais pas si cela a été soulevé au Québec dans le cadre de l'application de cette loi, mais historiquement, ce que l'entente Bourassa-Mulroney a réussi à faire — et je veux vous entendre là-dessus — a été de mettre en place des structures référendaires dans l'ensemble du pays, finalement, pour que chacune des provinces puisse s'adapter à sa façon. Effectivement, le Canada est un pays immense où les différences sont importantes, d'un bout à l'autre de ce pays. Donc, quand on réussit à avoir des lois référendaires à l'intérieur desquelles les gens se retrouvent plus facilement, ça permet très probablement d'atteindre les objectifs. Le référendum 1992 en est un exemple.
    Pensons au référendum de 1995. Vous avez parlé des finances et de la rigueur de la loi québécoise, surtout de l'aspect financier, comparativement à la Loi référendaire au fédéral, où la rigueur est moins présente. On l'a senti dans le référendum de 1995, c'est sûr, quand tout le monde nous aimait et qu'on avait réservé tous les placards publicitaires sur toutes les autoroutes. Vous disiez que l'argent ne jouait pas un rôle important; je ne suis pas sûr que cela ait été le cas en 1995. Oui, l'argent a joué un rôle important.
    Je reviens donc à la charge avec mes questions sur le développement des lois référendaires dans l'ensemble du pays. Cela a amené un aspect nouveau et important dans la façon dont chacune des communautés, chacune des provinces, peut s'exprimer.
    Effectivement, en 1992, cette souplesse a permis à tout le monde d'avoir ce qu'il voulait. En 1992, les Québécois étaient convaincus que leur approche était préférable. C'est cette approche qui a prévalu. Je pense qu'il y avait aussi une autre raison.
    C'est drôle, la politique: on ne sait pas exactement où l'on va aboutir. Au moment où a été prise la décision de consulter les gens par référendum, la conviction, au sein de la classe politique canadienne, était que cela allait passer comme une balle. Il n'y a pas eu de discours de M. Trudeau ni d'indiscrétions nocturnes de la part de certaines personnes enregistrées sur ruban. Donc, on était certain que ça passerait. Je pense de plus que des gens au fédéral se sont dit qu'il fallait faire attention, qui si le référendum avait lieu au Québec en vertu d'une loi où, justement, on pouvait dépenser tant qu'on le voulait et que ça passait, les perdants diraient que c'était illégitime. Tandis que si le référendum avait lieu en vertu d'une loi beaucoup plus rigoureuse à cet égard, le résultat devrait être accepté par les perdants.
    Dans les faits, ça ne s'est pas passé de cette façon, mais personnellement, je n'ai vraiment pas l'impression que l'argent ait joué un rôle très important à cet égard. Je sais qu'il y a des cas... Il arrive que celui qui dépense le plus gagne, on ne se le cachera pas. Ce que je conteste cependant, personnellement, c'est la notion selon laquelle il suffit de dépenser plus pour gagner. Ça, je pense que j'en ai vu d'autres.
    Je voudrais vous entendre un peu plus sur tout l'aspect de la souplesse. À mon avis, ça existe dans la Loi référendaire fédérale.
(1215)
    Ça existe. Je n'irai pas m'immoler sur le feu si vous le maintenez. La seule chose que je dis, c'est qu'il me semble que ce n'est pas illégitime, pour un gouvernement, de poser la même question à l'ensemble des citoyens du pays. En passant, on a posé la même question, et le scrutin a eu lieu la même date. C'était un élément d'unité.
    Par ailleurs, il y a une autre raison pour laquelle j'ai des doutes sur cette question de sélectivité. En 1992, la sélectivité a eu la conséquence que vous savez, et cela ne semble pas vous avoir déplu.
    Les professeurs sont obligés d'avoir de la mémoire. Je me souviens très bien dans quel contexte la sélectivité a été introduite. Elle a été introduite à l'époque de M. Trudeau, à la fin des années 1970. À cette époque, quand il y avait une négociation fédérale-provinciale, M. Trudeau voyait les choses de la façon suivante: lui représentait l'ensemble des Canadiens, et les Canadiens étaient d'accord avec lui sur ses visées. Malheureusement pour lui, il y avait toujours une, deux ou trois têtes dures parmi les premiers ministres provinciaux. Le référendum était, à ses yeux — et cela a été écrit en toutes lettres dans des documents publics —, presque une expédition punitive contre une province récalcitrante. En d'autres mots, il se disait que si on lui tenait tête, il allait tenir un référendum non pas dans les provinces qui étaient d'accord avec lui, mais dans la province de ses adversaires, afin de leur démontrer qu'ils n'avaient pas l'appui des électeurs de leur province. Bref, il voulait les déculotter devant leur propre monde.
    Évidemment, c'était un instrument de pression. Je n'ai jamais aimé cette approche. Personnellement, je ne suis pas un centralisateur hardcore, mais je pense que ce n'est pas tomber dans ce travers que de dire que c'est légitime, pour le gouvernement d'un pays fédéral, de consulter l'ensemble des gens sur une question et que, autant que possible, il faudrait avoir de très fortes raisons pour ne pas le faire.
    Cela dit, j'apprécie les motifs qui vous font trancher dans un sens différent et je reconnais que c'est partagé par un bon nombre de personnes.

[Traduction]

    Merci, monsieur.
    Nous allons revenir à M. Proulx, pour la suite de ses questions.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Vous disiez plus tôt que les partis se rangeraient fort probablement d'un côté. En d'autres mots, un parti donné serait majoritairement ou complètement du côté du « oui » ou du « non », peu importe. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec vous, ce qui me complique la vie encore plus en ce qui a trait aux dépenses.
    Je reviens à la question des dépenses pour des élections, par opposition à des dépenses pour un référendum. Si les partis étaient totalement et hermétiquement rangés d'un côté ou de l'autre, on n'aurait probablement pas besoin d'un référendum, comprenons-nous.
    Je vous expose mon problème de nouveau. Mon voisin de comté, qui peut être dans le même parti que moi lors d'une élection générale, n'est pas nécessairement du même côté que moi lors d'un référendum.
    Monsieur Massicotte, vous disiez plus tôt que si je fais une entrevue et que je déclare à un journaliste que je suis en faveur du « non » ou du « oui », peu importe, il n'y a pas de dépenses liées à cela. Vous avez raison. Cependant, en principe, si je me déplace de mon comté de Hull—Aylmer et que j'aille à Montréal aider un collègue dans la campagne générale et donner des entrevues portant exclusivement sur le référendum, je dois partager mes dépenses. Cela nous amène encore à un problème de comptabilité.
    Dans ce sens, j'ai énormément de difficulté à comprendre comment nous pourrions faire pour vraiment partager les dépenses de façon équitable entre un candidat à une élection générale et un des comités du référendum.
(1220)
    Votre raisonnement est ingénieux, monsieur Proulx, mais je pense que...
    Pourriez-vous signer votre déclaration, s'il vous plaît?
    Une voix: C'est la première fois qu'il entend pareille chose.
    Des voix: Ha, ha!
    C'est enregistré. En plus, il y a beaucoup de témoins de tous les horizons.
    C'est un raisonnement ingénieux, mais dans la réalité politique, je ne suis pas sûr que cela se passerait comme ça, c'est-à-dire que si le candidat dans Hull—Aylmer appuie un certain camp lors du référendum et que le candidat du même parti dans la circonscription voisine défende l'option tout à fait contraire, je ne pense pas que l'un ferait une grosse campagne pour le « oui » et l'autre pour le « non ». Je pense que ce qui arriverait, c'est que le candidat dans Hull—Aylmer recevrait des instructions des hautes instances du parti de façon à ce que les adversaires de son collègue dans la circonscription voisine ne se servent pas de sa position pour alimenter leur tir. Vous voyez à peu près ce que je veux dire.
    Ce qui arriverait, probablement, c'est que dans un cas comme dans l'autre, les candidats seraient invités à ne pas trop en parler puisqu'ils ne sont pas d'accord sur le sujet, et que le fait pour l'un ou l'autre d'exprimer publiquement son opinion aurait pour effet de mettre l'un et l'autre dans l'embarras. Je pense que c'est ce qui se produirait.
    La politique, c'est votre rayon et non le mien. Je pense que dans le cas de figure que vous évoquez, les partis feraient en sorte que leurs candidats ne soient pas trop éloquents dans l'expression de leurs opinions référendaires. Ce qui s'est passé en Colombie-Britannique et en Ontario, où les candidats et députés se sont tus au sujet du référendum, illustre que, probablement, ce n'est pas du tout un scénario hypothétique.
    Dans ce cas-là, si ma mémoire est bonne...

[Traduction]

    Vous avez moins d'une minute pour la question et la réponse.

[Français]

    ... c'était sur une question au sujet d'un mode d'élection, ce qui est, comme on dit en latin, plustouchy.
    Si les compagnies et les syndicats ne pouvaient pas participer financièrement à une campagne référendaire, il faudrait que l'État renfloue le manque à gagner. Comment cela pourrait-il fonctionner? Actuellement, dans le cas d'une élection, cela s'appuie sur les résultats précédents, le candidat reçoit tant par vote, etc. Comment voyez-vous cela dans le cas d'un référendum?
    Avant de répondre à cela, seulement pour...

[Traduction]

    Soyez bref, s'il vous plaît. M. Proulx n'a plus de temps, alors je vous demande de répondre très brièvement.

[Français]

    À ce moment-là, j'irai droit au but.
    Je pense tout simplement que vous devriez mesurer cela selon le nombre d'électeurs, financer le comité en fonction du nombre d'électeurs dans les circonscriptions où il est actif. Quant au montant à verser, je vais laisser cela aux techniciens.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Albrecht.
    Merci, monsieur le président.
    Et merci à vous, monsieur Massicotte, d'être venu aujourd'hui.
    Vous avez parlé de votre situation lors du référendum de 1992. Vous aviez vécu là-bas juste assez longtemps pour y participer, alors que d'autres qui étaient là depuis moins que six mois n'ont pas pu le faire. Je me demande ce que vous pensez du cadre juridique dans lequel s'inscrirait un référendum national. Qu'aurait-on pu faire pour remédier à cette situation? Est-ce qu'il existe des mesures que nous pourrions prendre pour éviter le problème?
    Je ne crois pas que l'on aurait pu faire quoi que ce soit, parce que la décision avait été prise par le gouvernement du Canada à l'époque, et non pas par le Parlement. Le gouvernement avait décidé que le référendum aurait lieu partout au Canada sauf au Québec. Alors, au Québec, on a choisi d'invoquer la loi provinciale, et c'est ce qui a été fait. La loi provinciale était ainsi. Le gouvernement fédéral n'avait pas le pouvoir de modifier la loi. Si vous acceptez que les règles provinciales s'appliquent, vous devez accepter toutes les règles provinciales, y compris celles que vous n'aimez pas.
    D'accord.
    Vous avez parlé de diverses compétences qui ont tenu des référendums en parallèle à des élections. Je crois que vous avez mentionné l'Australie, qui aurait tenu au moins sept fois un référendum au même moment que des élections.
(1225)
    En effet.
    Je sais que les Australiens sont légèrement encouragés à participer aux élections nationales. Je crois qu'ils ont certaines obligations financières, là-bas.
    Je m'émerveille du fait que l'Australie ait eu recours à ce processus à au moins sept reprises. Il me semble que cela témoigne d'un taux de réussite respectable. Avez-vous constaté des aspects négatifs à ce processus?
    La dernière fois que l'Australie a tenu des élections générales et un référendum le même jour, c'était en 1974. Elle a organisé de nombreux référendums. Le dernier a eu lieu en 1999.
    J'ai vérifié toutes les dates: 1906, 1910, 1919, 1928, 1930, 1946 et 1974. Cela semble indiquer qu'ils ont peut-être éprouvé quelques difficultés, parce qu'ils n'en ont plus fait ces 25 dernières années.
    Dans ce cas, savez-vous si les habitants de l'Australie sont aussi tenus de participer aux référendums? Je ne connais pas bien les règles fiscales.
    Bien sûr que je le sais.
    Sont-ils tenus de participer aux référendums?
    Absolument. De fait, on m'a dit qu'en 1999, si la participation au scrutin avait été volontaire plutôt qu'obligatoire, le résultat aurait peut-être été positif. Si le référendum a échoué, c'est parce que bon nombre de personnes que la politique laisse plutôt indifférentes ont dû se présenter aux bureaux de scrutin par crainte des amendes et qu'elles ont probablement fait pencher la balance.
    Voilà une observation intéressante.
    Nous avons reçu le directeur des élections de la Colombie-Britannique cette semaine, et il nous a fait remarquer que lors des référendums qui ont été tenus là-bas, il y avait souvent ou presque toujours deux critères distincts pour mesurer le résultat, l'un étant le critère global, le pourcentage, et l'autre, le résultat par circonscription provinciale.
    Selon vous, s'il devait y avoir d'autres référendums fédéraux, est-ce qu'il serait bon d'adopter un système en trois volets: l'un avec un critère global, l'autre qui serait provincial pour encourager un certain pourcentage des provinces à participer, et un dernier au niveau de la circonscription pour prévenir l'influence indue des grands centres urbains? Qu'en pensez-vous?
    La réponse à votre question se trouve à l'article 3 de la loi, qui stipule clairement qu'il s'agit d'une consultation et non pas d'une décision prise par l'électorat. Nos référendums sont consultatifs, et c'est la raison pour laquelle aucun critère de succès n'est défini.
    La différence dans le cas de la Colombie-Britannique et aussi en Ontario, c'est que les résultats sont exécutoires.
    D'accord. Cela m'amène à une autre question que je n'avais pas prévu de poser, mais j'aimerais que mous m'aidiez à comprendre la différence entre les termes « référendum » et « plébiscite ». Est-ce simplement une question de sémantique?
    Disons que la distinction classique, en anglais, est la suivante: le résultat du référendum est exécutoire, mais pas celui du plébiscite.
    Pour compliquer les choses, ce n'est pas du tout le cas en français. De fait, si je me souviens bien, M. Patrick Boyer, qui fait autorité en matière de référendum, voulait en 1992 établir cette distinction dans la loi. Il voulait que ce que l'on appelle maintenant la Loi référendaire soit appelée loi sur les plébiscites. Je crois savoir que sa motion a été rejetée.
    Évidemment, je pense que la meilleure façon d'éviter le problème est d'interdire le mot « plébiscite » — qui, pour empirer encore les choses, a des connotations très négatives en français — et de dire qu'il s'agit d'un « référendum exécutoire » ou « d'un référendum consultatif et non exécutoire ».
    Mais la loi, dans son libellé actuel, ne crée pas d'obligation.
    C'est exact.
    Nous entendrons M. Boyer, alors vous pourrez lui poser la question vous-même.
    Monsieur Laframboise, je crois que c'est à vous.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Massicotte, je comprends bien qu'on analyse la loi sur les référendums au palier fédéral, mais, plus tôt, mon collègue a soulevé une question très importante au sujet de l'argent et des dépenses. C'est sûr que vous, vous pouvez penser que l'argent n'a pas d'influence, mais il reste quand même que toute la saga du scandale des commandites nous a prouvé qu'il y a eu un débordement des dépenses fédérales durant la campagne référendaire au Québec. Comment peut-on contrer ces débordements de dépenses?
    En fait, savez-vous qu'il y a eu une décision du tribunal en 1980? Quand le gouvernement du Québec a adopté la Loi sur la consultation populaire, en 1978, il voulait très clairement faire en sorte que les deux camps puissent dépenser. Cependant, on sait maintenant qu'il savait ce que je vais vous dire. Il savait parfaitement que dans l'état actuel du droit canadien, cette interdiction était purement théorique. On l'a découvert en 1980 avec l'arrêt Mediacom, qui a été rendu par un tribunal québécois, le Conseil du référendum.
    Vous vous rappelez probablement que le gouvernement fédéral a fait à cette occasion des dépenses assez considérables qui ont été estimées successivement à 2 millions de dollars, puis à 5 millions de dollars. Quelqu'un a même avancé qu'il s'agissait de 17,5 millions de dollars. Je n'ai pas vérifié, mais quoi qu'il en soit, c'était beaucoup plus que la somme censée être dépensée. Pour ma part, je n'ai pas l'impression que c'est ce qui l'a fait gagner. On a chacun ses opinions à ce sujet.
    Le directeur du financement des partis politiques du Québec — ainsi qu'on appliquait le droit alors — a dit que c'était illégal. Il a soumis le cas à la Cour supérieure afin d'obtenir une injonction, mais on lui a dit qu'il s'était trompé de tribunal, ce qui était le cas. Il s'est ensuite adressé au bon tribunal, soit le Conseil du référendum, et on lui a dit qu'il ne connaissait pas bien la loi. En effet, selon une disposition d'une loi d'interprétation fédérale,  nulle loi n'a d'effet sur les droits de la Couronne à moins que celle-ci n'y consente expressément. Au fait, ce privilège de la Couronne existe également au niveau provincial. Heureusement que ça ne se passe pas, mais si un gouvernement provincial voulait intervenir et jouer le même jeu, il pourrait le faire. Ce n'est pas tout à fait souhaitable, mais c'est la situation dans laquelle on est.
    Par conséquent, la loi a plus ou moins été un tigre de papier législatif en 1980, en ce sens qu'elle a été contournée même si, à mon humble avis, ce n'est peut-être pas ce qui a fait la différence. Ce que je veux dire, fondamentalement, c'est qu'il n'y a pas moyen d'appliquer un dispositif pareillement étanche. À mon avis, le poids de l'opinion publique est la meilleure façon d'éviter les débordements auxquels vous faites allusion. Si le public trouve qu'il est tout à fait indécent et abominable d'agir de cette façon, cette opinion publique va se manifester. Les gouvernements sont obligés d'en tenir compte parce qu'après tout, c'est notre argent qui est utilisé en vue d'influencer un résultat.
(1230)
    Ne pourrait-il pas y avoir une procédure de réciprocité dans chacune des lois, soit dans la loi canadienne et dans celles des provinces, pour forcer?... Est-ce que ça serait très difficile sur le plan juridique?
    Si vous réussissez à faire en sorte que les deux gouvernements s'entendent sur les règles d'un scrutin obligeant éventuellement l'un d'entre eux à quitter le territoire du Québec, c'est tant mieux.
    Pour ma part, la solution à laquelle je pensais était une modification constitutionnelle. Or compte tenu du contexte qui a été créé notamment à Charlottetown en 1992, vous savez comme moi que dire d'une disposition qu'elle nécessite un amendement constitutionnel est une autre façon de dire que ça ne se fera jamais.
    Donc, en réalité, on ne pourra pas empêcher les débordements, sauf par l'entremise de l'opinion publique.
    C'est un peu ce que je pense.
    Or dans bien des cas, on apprend les faits une fois qu'ils sont passés.
    Il reste qu'habituellement, si l'argent est dépensé, ça se voit d'une façon ou d'une autre. À la veille du référendum de 1995, on savait bien que les déplacements des gens qui étaient venus à Montréal avaient représenté des dépenses. Toutefois, on ne savait pas à combien elles se chiffraient.
    Dans ce cas également, j'en ai parlé. Quand j'étais à Montréal, j'avais le privilège d'être entouré des meilleurs spécialistes en matière de comportement électoral. Il n'y a jamais eu de preuve concluante comme quoi ce rassemblement avait été profitable pour le camp du « non ». En fait, beaucoup pensent au contraire que ça a eu un effet de backlash, c'est-à-dire que ça a été tellement mal vu par le public que si ça a fait bouger des gens, c'était plutôt dans le sens opposé.
    Cela dit, je suis le premier à convenir qu'il n'y a pas d'opinion scientifique absolue et définitive sur un sujet comme celui-là. On ne peut pas faire d'expérience en laboratoire.
    On s'est quand même aperçu par la suite que toute la propagande des médias avait été interrompue le long des autoroutes. On a découvert bien des choses.
    Vous, les libéraux, en avez payé le prix et le payez encore. Il n'y a pas de problème de ce côté-là.
    Monsieur Reid.

[Traduction]

    Je suis ravi de vous entendre maintenant parler les deux langues officielles.
    Je fais de mon mieux, monsieur Reid.
(1235)
    Et vous ne cessez de vous améliorer.
    J'étais en Australie, en 1999. Je ne sais pas si je suis d'accord avec vous quand vous dites que le scrutin obligatoire a été un facteur décisif, à moins que vous ne supposiez que la participation aurait été de moitié ce qu'elle a été en réalité. Tous les États, en Australie, ont rejeté l'option constitutionnelle, sauf le Territoire de la capitale australienne. De toute façon, cela n'a rien à voir avec la question que j'allais vous poser. Je voulais simplement le mentionner, sans raison particulière.
    Voici ce que je voulais vous demander. Lorsque vous tenez un référendum en même temps que des élections, cela peut s'avérer efficace, selon moi, dans certaines circonstances. En Australie, par exemple, les référendums portent toujours sur une modification quelconque de la constitution. Le référendum est la dernière étape. Si le vote est positif, la modification se fait automatiquement, quoi qu'il advienne du gouvernement.
    Mais il y a eu un autre exemple de référendum qui a été tenu en même temps que des élections en Australie et dont le résultat a été annulé par le résultat des élections. Et cela s'est produit aussi au Canada. Dans le cas de l'Australie, je pense à ce référendum où l'Australie-Occidentale s'est prononcée, en 1934 ou 1935, en faveur de la séparation d'avec l'Australie, mais le gouvernement qui avait proposé la motion a été défait même si la question référendaire était approuvée. Malgré une majorité des deux tiers en faveur de la sécession, le nouveau gouvernement travailliste s'est mis à l'oeuvre sans grand enthousiasme et il a agi essentiellement de façon à faire échouer la proposition.
    De même, au début des années 1980, le gouvernement conservateur de la Saskatchewan a tenu un référendum ou un plébiscite sur le financement public de l'avortement, je crois. La population a voté contre le financement public mais elle a élu un gouvernement néo-démocrate qui a fait fi des résultats du référendum.
    Je constate ce genre de problèmes et je ne suis pas certain de savoir comment les surmonter dans notre contexte, parce qu'il est très difficile de tenir un référendum véritablement contraignant, qui constitue lui-même la dernière étape; la loi s'applique alors et devient effective en conséquence du vote. Est-ce que je me trompe à ce sujet?
    Notre démocratie est essentiellement une démocratie de représentation, et l'idée que la population puisse... En règle générale, si vous tenez un référendum sur une question c'est parce qu'il s'agit d'un dossier chaud que vous ne savez comment régler — pensez à la prohibition et à la conscription, par exemple — ou pour lequel il vous faut l'appui de la population de votre propre province pour traiter avec un autre ordre de gouvernement comme, selon moi, c'est le cas de nos référendums, au Québec.
    J'ignorais que les élections de 1933 en Australie-Occidentale avaient eu lieu en même temps qu'un référendum. Je pense qu'effectivement les sécessionnistes, qui avaient obtenu une nette majorité de 66 p. 100, ont eu une très mauvaise surprise lorsqu'ils sont arrivés à Londres avec leur pétition. Les lords britanniques leur ont dit que le Commonwealth était une union indissoluble et que leur pétition était irrecevable. Cela a été un facteur important. Je crois savoir que certains fonds fédéraux qui ont été remis à l'État par la suite ont contribué à ranimer le patriotisme australien au sein de la population d'Australie-Occidentale.
    Vous voyez, le choix entre les référendums exécutoires et non exécutoires est essentiellement un choix politique au sujet duquel je ne me prétends pas bien informé. Il me semble que d'instinct, la plupart des politiciens auraient tendance à se ménager de la souplesse dans ce domaine et à supposer que le référendum n'est pas exécutoire.
    J'ajouterais en outre que même si la distinction peut paraître valable en théorie, pensez un peu à ce qu'elle donnerait concrètement en politique. Essayez de vous imaginer, par exemple, que M. Mulroney accepte le résultat du référendum de 1992 mais le mette de côté en disant que c'est une décision prise dans les tavernes de Moose Jaw et les brasseries de Roberval, que ce n'est pas l'opinion de l'électorat canadien, et que l'Accord de Charlottetown sera adopté malgré tout. Cela est vraiment très difficile à imaginer.
    Par conséquent, même si je reconnais qu'il existe une distinction et qu'il y a effectivement des cas où, comme vous l'avez mentionné, les politiciens peuvent ignorer le résultat de certains référendums... La dernière fois, c'était en 1999 en Nouvelle-Zélande, et 79 p. 100 des électeurs avaient voté en faveur d'une réduction du nombre de députés à l'assemblée, à la chambre des représentants, mais le nombre de sièges est demeuré exactement le même. Alors certains résultats peuvent effectivement être mis de côté, mais selon moi, si un référendum porte sur une question importante et que, à l'évidence, le résultat reflète l'opinion de la population, un politicien qui oserait ignorer ce résultat ferait preuve d'une bien grande imprudence.
(1240)
    Ai-je encore du temps, est-ce terminé?
    C'est terminé, désolé. Cette conversation m'intéressait. Je vous ai laissé filer une minute de plus.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lauzon.

[Français]

    Monsieur Massicotte, dans votre discours, vous avez mentionné que, dans le cas d'un référendum, si on interdisait aux entreprises de donner de l'argent à un camp ou à l'autre, ce serait à l'État de fournir cet argent. Pouvez-vous expliquer un peu plus ce que vous voulez dire?
    C'est très simple. Je vais vous présenter un cas. En 2003, quand le Parlement fédéral a décidé d'abolir la possibilité pour les compagnies et les syndicats de verser de l'argent aux partis politiques, c'était plus de la moitié des fonds des partis politiques qui provenait de ces sources. Quand vous enlevez aux partis politiques des sources aussi importantes de revenus, il faut bien ouvrir le robinet quelque part, parce qu'il n'est pas écrit dans le ciel que les individus vont combler, par leurs contributions, le vide créé par l'interdiction des contributions corporatives.
    Ce qui s'est fait au palier fédéral a été, en 2003, de créer une subvention fort importante — je ne sais pas trop combien par électeur — qui était versée aux partis politiques et qui a eu pour résultat — c'est M. Kingsley, l'ancien directeur des élections, qui me le disait — qu'à peu près 80 p. 100 des fonds sur lesquels comptaient les partis politiques provenaient des subventions de l'État.
    Si les règles sont les mêmes pour les deux camps, celui du « oui » et celui du « non », ça va être égal.
    Ça va être égal...
    Est-ce que c'est nécessaire d'avoir plus d'argent pour...
    Si vous pensez qu'il se dépense trop d'argent en politique, et que si on réduit les ressources des partis, c'est bien mieux parce qu'ils dépenseront moins, c'est correct. Cependant, j'ai l'impression que les partis politiques risquent de vous répondre que faire de la politique coûte cher.
    Je parle des référendums.
    Ils vont vous dire qu'un référendum, ça coûte cher, parce qu'il faut élaborer des positions, il faut les diffuser, imprimer des dépliants, présenter des messages à la télévision. Ça coûte cher.
    Et le financement de tout cela est la responsabilité du gouvernement?
    Ah! Dans un cas comme dans l'autre, ça va être le gouvernement qui va...
    C'est ça que je vous dis. Ça, c'est votre position.
    Je pense que c'est ce qui va arriver. Si vous permettez aux compagnies de financer les comités référendaires, l'État ne sera probablement pas obligé d'intervenir de façon décisive. Il ne sera pas obligé de donner de l'argent.
    Ce ne sera pas possible pour les individus de financer ce?...
    En tout cas, en ce qui concerne les partis politiques ce n'est certainement pas ce qui se produit. Je peux vous dire, en passant, que je pense qu'il sera de plus en plus difficile, pour des raisons sur lesquelles j'aimerais mieux ne pas m'étendre, de convaincre les individus de donner de l'argent aux partis politiques en très grand nombre et en quantité suffisante, pour leur permettre d'exercer leurs activités. À mon avis, il y aura peut-être des partis qui vont arriver à se financer de cette façon-là, mais il y en aura d'autres qui vont avoir de plus grandes difficultés.
    Ce n'est pas pour rien que lorsque le fédéral a décidé de restreindre aux seuls individus le droit de financer les partis, en 2003, il a senti le besoin d'ouvrir le robinet étatique en même temps parce qu'il s'est dit que s'il ne faisait pas ça, les partis politiques allaient manquer d'argent.
    Ils ne pourraient pas maintenir le même niveau de financement.
    Mais si on diminuait les dépenses des deux côtés?
    D'accord. Ce n'est peut-être pas une mauvais idée. Peut-être qu'il se fait trop de dépenses de nature politique. Là-dessus, votre sagesse vaut la mienne; peut-être qu'en effet il y a trop de dépenses.
    Vous avez mentionné que le montant d'argent dépensé n'est pas nécessairement...
    C'est possible. En fait, je pense que comme ce sont les partis politiques qui font les lois dans ce domaine, ils pourraient vouloir se prémunir contre le manque de fonds. Ce n'est pas impossible non plus.
    D'accord. Merci.
(1245)

[Traduction]

    Je n'ai plus de noms sur ma liste. Si quelqu'un d'autre... Monsieur Reid, si vous voulez profiter des deux ou trois minutes qui restent, allez-y.
    Il a souvent été question de l'intérêt que pourrait présenter, aux termes de la loi fédérale, une version des comités de coordination définis dans la loi québécoise. J'ai l'impression qu'il y a de bons arguments pour et contre cette idée.
    Une des caractéristiques de la loi du Québec, c'est que le chef du camp du oui pour un quelconque référendum est toujours le premier ministre, et le chef du camp du non est le chef de l'opposition. Il me semble que dans certains cas cela poserait des difficultés. S'il y avait eu un référendum sur ce modèle au Canada, au niveau fédéral, avec le Bloc Québécois comme opposition, vous auriez obtenu, de fait, une opposition qui ne représentait qu'une seule province, même dans un contexte de gouvernement minoritaire où d'autres partis venant d'autres provinces auraient pu intervenir. Aujourd'hui encore, si nous avions un tel système, nous pourrions nous retrouver dans une situation où le chef du Parti libéral dirigerait le comité du non, et le Bloc et le NPD, qui sont des partis d'opposition légitimes, ne seraient en quelque sorte pas représentés.
    En 1992, je crois que M. Bourassa avait déclaré que si l'on n'arrivait pas à s'entendre au sujet d'un projet de constitution qui pourrait être soumis à la population, un référendum sur l'éventuelle sécession du Québec serait organisé. Il aurait présidé le comité du oui, et M. Parizeau aurait été le chef du comité du non, et vous n'auriez rien pu dépenser pour le comité du non sans l'approbation de M. Parizeau. Cela me paraît éminemment problématique.
    Est-ce que je me trompe?
    Non. Vous soulevez une question très intéressante. Ce que prévoit la loi référendaire, au Québec, c'est qu'une fois la question référendaire adoptée par les membres de l'Assemblée, ceux-ci sont invités à adhérer au camp du non ou à celui du oui. Ce qui s'est passé, évidemment, c'est que tous les députés du Parti libéral sont allés d'un côté et tous les membres du Parti québécois de l'autre. Il y avait quelques tiers partis, mais leurs députés n'étaient pas très nombreux à l'époque.
    Qu'est-ce qui se passe, dans ce modèle, si les partis n'ont pas d'opinion quant à l'intérêt de la question? Qu'est-ce que les députés feront? De fait, la loi québécoise prévoit le problème. Elle stipule que si aucun membre de l'Assemblée ne se joint à un camp, alors le directeur des élections doit trouver des personnes qui formeront le comité national.
    Ce modèle — le modèle des comités de coordination —, tel que le prévoit la loi québécoise, est distinct du modèle de comité de coordination du type britannique, plus souple. Le système repose sur l'hypothèse que les politiciens auront une opinion bien arrêtée et que les membres des partis adhéreront massivement à un des deux camps.
    Ce qui s'est passé en 1992, je m'en souviens, c'est que M. Parizeau a dirigé le comité du non qui rejetait l'Accord de Charlottetown. Mais M. Libman, qui était le chef du Parti Égalité, était également opposé à l'Accord de Charlottetown. Je crois savoir qu'il a dû faire campagne dans le camp de M. Parizeau. Cela a apparemment fonctionné. Apparemment, ils ont réussi à s'entendre. Évidemment, c'était une union, une illustration du fait que la politique mène à de bien curieuses alliances. Mais cela a fonctionné. À ma connaissance, M. Libman ne s'est pas plaint d'avoir été tenu à l'écart du débat. De fait, M. Parizeau avait tout intérêt à élargir l'appel du camp du non, quels qu'aient été les motifs de ceux qui rejetaient la question.
    Est-ce que j'ai bien répondu à votre question?
    Oui, très bien.
    Si je comprends bien, dans ce cas, si le premier référendum, celui qui aurait été tenu si l'Accord de Charlottetown n'avait pas été rédigé...
(1250)
    Monsieur Reid, votre temps est déjà écoulé, et je crois qu'une autre question nous fera prendre trop de retard.
    Alors, merci beaucoup.
    Monsieur Blais, vous pouvez poser une question.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Massicotte.
    J'arrive un peu à l'improviste, mais la discussion que vous avez eue avec M. Lauzon m'amène à vous poser une question. J'ai l'impression que votre opinion sur le financement des partis politiques doit être très intéressante.
    On mentionne qu'à partir du moment où on coupe les vivres aux partis politiques, le gouvernement ou le Parlement a intérêt à ouvrir le robinet, comme vous dites, afin qu'on puisse combler le manque pour arriver à une certaine forme de financement adéquat ou qui ressemble à ce qu'on avait auparavant. À partir du moment où les organismes, les personnes morales, ne peuvent plus contribuer, c'est le public en général qui peut le faire.
    Or le public en général peut prendre différentes formes. Il peut s'agir, par exemple, d'une secte, d'une religion, qui demande à ses disciples ou à son groupe de soutenir un parti plus qu'un autre. Il y a une forme de personne morale et de financement qui arrive et qui finit par vicier un peu le système qui vise à faire en sorte que ce soit le public en général qui finance les partis politiques.
    Oui. Suivant des indiscrétions qui courent depuis 20 ou 25 ans et qui se sont faites de plus en plus nombreuses et spécifiques au cours des dernières années, y compris au cours des derniers mois, des dernières semaines, c'est à peu près ce qui se passe au Québec. Il y a eu au moins une affaire judiciaire là-dessus. Un bureau d'avocats dira à ses différents associés que c'est dans l'intérêt collectif que chacun donne 3 000 $ à un parti politique donné et peut-être, pour prendre une police d'assurance, 1 000 $ au parti adverse. Alors, il y a 40 contributions de 3 000 $ sur papier pour les gens naïfs comme moi qui lisent les rapports, qui regardent cela et qui trouvent que ça a l'air très bien: 40 personnes ont décidé, de leur propre chef, de verser de l'argent à un parti politique. Or ce qu'on se fait dire par les gens qui sont plus près de la réalité, c'est qu'on est de pauvres naïfs, que ce qui se passe en réalité, c'est que les compagnies financent les partis politiques, mais par des moyens détournés qui, dans les faits, vont à l'encontre du principe de la loi, que l'on trouve très beau. Attention! Je ne vous dis pas que toutes les contributions au Québec sont des contributions de cette nature, mais il faut bien dire que si ça se passe, c'est parce que les contributions individuelles et désintéressées d'individus ne sont pas suffisamment nombreuses pour permettre aux partis de tenir le coup financièrement.
    J'ai pris des chiffres pour illustrer le changement. À la fin des années 1970, il y avait annuellement à peu près 200 000 personnes, d'après les chiffres produits en vertu de la loi, qui contribuaient aux partis politiques. Toujours d'après les chiffres officiels, aujourd'hui, le nombre est de l'ordre de 50 000. Autrement dit, il y a eu une conjoncture, durant les années 1970, qui a fait en sorte que la politique était assez excitante et le monde assez motivé pour aller donner de l'argent à coups de 10 $ et de 20 $. La politique, c'était bien.
    Ce que je constate, sans aucun plaisir, je vous le dis tout de suite, c'est que l'activité politique, à l'heure actuelle, n'est pas évaluée d'une façon très positive. Et je pense que le nombre de personnes qui sont suffisamment allumées par la politique pour donner de l'argent à des partis sans arrière-pensée intéressée n'est pas aussi élevé qu'il l'était autrefois. C'est pour cette raison que des motivations un peu plus intéressées voient le jour, et elles le font à l'intérieur du cadre de la loi, c'est-à-dire que tout en prétendant respecter la lettre de la loi, on ne respecte certainement pas son esprit, parce qu'on a des contributions qui sont de facto corporatives, tout en étant formellement individuelles. C'est pour cela que l'État risque d'émerger comme étant la seule solution, car l'argent de l'État, lui, vient, comme on le dit dans l'autre langue officielle, no strings attached.
    Merci.
(1255)

[Traduction]

    Monsieur Massicotte, je tiens à vous remercier d'être venu aujourd'hui. Il n'y a rien comme un homme qui se passionne pour son sujet.
    Votre passion transparaît dans ce que vous nous avez communiqué aujourd'hui. Vous nous avez beaucoup éclairés au sujet de la Loi référendaire et de la politique en général. J'imagine que nous tenterons d'être moins ennuyeux à l'avenir, et nous verrons si cela nous aide.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je tiens à dire que suis un ancien agent du Parlement. J'ai été analyste à la Bibliothèque du Parlement. C'est toujours un honneur pour moi de venir à Ottawa, où j'ai vécu une douzaine d'années, et d'essayer de vous aider dans vos délibérations, car cela me paraît important.
    Merci, et je peux vous assurer que la qualité des analystes de la Bibliothèque du Parlement s'est maintenue malgré votre départ. Nous en avons encore d'excellents.
    Je remercie les membres du comité de leur travail.
    La séance est levée. Nous nous reverrons mardi.
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