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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 011 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 2 avril 2009

[Enregistrement électronique]

(1235)

[Français]

    À l'ordre, s'il vous plaît. Nous nous réunissons dans le cadre de la 11e séance du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.

[Traduction]

    Nous sommes le 2 avril 2009.
    Nous allons entendre aujourd'hui un témoin très brillant. M. David Matas est le conseiller juridique principal de B'nai Brith Canada. À ce titre comme dans d'autres, il s'est révélé un fervent défenseur des droits de la personne au Canada.
    J'ai eu le plaisir, à quelques occasions, d'être impliqué par la bande dans les causes qu'il a défendues. Cela m'a permis de l'observer travailler sur les questions des droits de la personne, en particulier sur les abus dont sont victimes les adeptes de la doctrine Falun Gong en Chine. C'est toujours un plaisir de l'écouter et c'est aussi très enrichissant.
    Monsieur Matas, la parole est à vous.
    Je vous remercie de m'avoir invité.
    Je vais vous entretenir des droits de la personne en Iran de divers points de vue. Je vais commencer par traiter des incitations au génocide du Président Mahmoud Ahmadinejad, puis vous parler un peu du Camp Ashraf, et finir par évoquer la question du bahaïsme.
    Dans le premier cas, il s'agit d'une position adoptée par B'nai Brith, qui ne s'est pas prononcé sur la situation du Camp Ashraf et qui éprouve de la sympathie pour les pratiquants du bahaïsme.
    Commençons donc par l'incitation au génocide de Mahmoud Ahmadinejad. Deux séries d'événements sont survenues en Iran qui, lorsqu'on les analyse en même temps, se révèlent très inquiétantes pour l'avenir. L'une est le développement de l'arme nucléaire. Je parle bien ici de l'arme nucléaire et non pas simplement d'énergie nucléaire, bien que l'Iran prétende officiellement ne faire que développer l'énergie nucléaire. Je suis personnellement convaincu, en me fiant aux informations accessibles à tous comme à celles que j'ai pu glaner par moi-même, que l'Iran essaie depuis un certain temps déjà de se doter de l'arme nucléaire.
    La seconde série d'éléments inquiétants regroupe les incitations au génocide de Mahmoud Ahmadinejad contre le peuple juif et contre l'État d'Israël. Sur ce sujet, B'nai Brith a préparé un mémoire, dont je suis l'auteur, intitulé « Mise en accusation du Président iranien Mahmoud Ahmadinejad pour incitation au génocide contre le peuple juif ». Je crois savoir que les membres du comité s'en sont vus remettre des copies dans les deux langues officielles.
    On me dit que vous avez déjà entendu un témoin sur cette question, Gregory Gordon, qui a beaucoup écrit sur le sujet. Il est l'auteur d'un article très éclairant sur ce sujet qui conclut, comme nous l'avons déjà fait par le passé, que les commentaires du Président Ahmadinejad constituent une incitation au génocide.
    Nous observons au gouvernement iranien une combinaison inquiétante de menaces de génocide et de préparations des moyens pour passer de la menace aux actes. Si nous sommes préoccupés par les questions de droit de la personne, nous devons réagir immédiatement.
    Lorsqu'il est question de génocide, nous ne pouvons attendre que celui-ci se produise et intervenir après les faits. Nous devons agir avant. Nous devons réagir à ces incitations. Il faut agir maintenant, avant que ces armes nucléaires ne soient opérationnelles et que l'Iran ne devienne une puissance nucléaire.
    Faire face seul à la nucléarisation n'est pas facile, et on est en droit de se demander ce que le Canada peut faire, mais je suis convaincu que cette combinaison lui fournit l'occasion d'agir. Je suis d'avis qu'il y a un certain nombre de choses que le Canada peut faire pour s'opposer à l'incitation au génocide et à la militarisation de l'énergie nucléaire.
    L'une d'entre elles est tout simplement de soumettre les incitations au génocide d'Ahmadinejad à la Cour internationale de justice à La Haye. La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide y autorise le Canada. Le Canada, tout comme l'Iran, est signataire de cette Convention qui confère à la Cour le pouvoir d'entendre une telle cause. Dans la pratique, la Bosnie y a fait appel contre la Serbie récemment, et cela a donné des résultats.
    Il se pourrait fort bien que d'autres États se joignent à une telle poursuite. L'Australie a indiqué qu'elle serait prête à se joindre à d'autres États pour entreprendre une telle démarche.
    Une telle initiative juridique se heurte par contre à certaines limites, puisque tout ce qu'il est possible d'en attendre est une condamnation de l'Iran, pour n'avoir pas poursuivi Ahmadinejad, au lieu d'une poursuite directe d'Ahmadinejad. Cela contribuerait toutefois à signaler que ce que dit Ahmadinejad est répréhensible. Il se peut qu'il soit plus facile de s'en prendre à Ahmadinejad et en le poursuivant lui-même plutôt qu'à s'attaquant à l'ensemble de l'État iranien.
(1240)
    Le Canada pourrait également simplement essayer de soumettre la cause à la Cour pénale internationale, ce qui constitue un recours très direct.
    Le Conseil de sécurité a le pouvoir de soumettre un dossier à la Cour pénale internationale, même quand cela concerne un pays qui n'est pas signataire du Statut de Rome, et c'est ce qu'il a fait récemment avec le Soudan, qui n'en est pas signataire. Le Conseil de sécurité a soumis le cas du Darfour à la Cour, et celle-ci a lancé un mandat d'arrêt contre al-Bashir, le président de l'État du Soudan. Bien évidemment, si la cour peut le faire pour le Soudan et pour le Darfour, elle peut le faire pour l'Iran et pour une incitation au génocide.
    Le Conseil de sécurité peut procéder ainsi. Le Canada n'est pas membre du Conseil de sécurité, mais il peut soumettre cette question à son attention, et cela figure également à l'article 8 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui dit: « Toute Partie contractante peut saisir les organes compétents de l'Organisation des Nations Unies afin que ceux-ci prennent, conformément à la Charte des Nations Unies, les mesures qu'ils jugent appropriées… ».
    Dans ce cas, l'organe compétent est le Conseil de sécurité. Le Canada a le droit, même s'il n'est pas membre du Conseil de sécurité, de faire inscrire cette question à son ordre du jour.
    Au nom de B'nai Brith, Michel Mostyn, qui m'accompagne aujourd'hui, et moi avons pris rendez-vous avec des représentants des ambassades des États-Unis et de la Russie à Ottawa pour tenter d'associer ces pays à une telle démarche. Lorsque nous les avons rencontrés, nous n'avons bien sûr pas obtenu de réponse sur-le-champ, mais cela nous a permis d'avoir des discussions intéressantes avec les représentants de ces pays qui ont formulé des commentaires sympathiques. Comme nous aurions besoin de la participation des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ou au moins qu'aucun d'eux n'oppose son veto, cette démarche nous a paru utile et nous espérons bientôt pouvoir rencontrer d'autres représentants des cinq membres permanents du Conseil de sécurité. Il se peut par contre, monsieur le président, puisque vous l'avez évoqué, que mon implication avec la collectivité Falun Gong m'amène à me faire remplacer par quelqu'un d'autre à l'ambassade de Chine. C'est une autre initiative que le Canada pourrait prendre.
    Une troisième possibilité serait tout simplement de déclarer qu'Ahmadinejad n'est pas autorisé à venir au Canada à la suite de ses déclarations criminelles. À mon avis, celles-ci sont inadmissibles et je ne crois pas qu'une telle décision aurait des conséquences négatives pour le Canada. Elle aurait plutôt des effets salutaires.
    Il serait aussi possible d'adopter une attitude opportuniste et d'essayer de tirer parti de toutes les occasions pour soulever cette question. Je me trouvais récemment à Genève au Conseil des droits de l'homme. J'assistais aux délibérations du Groupe de travail sur l'examen périodique universel concernant Israël et l'Iran participait au débat. À Genève, l'Iran n'appelle même pas Israël par son nom, une manifestation de sa haine envers cet État. Le représentant iranien parle pendant tout le débat du régime sioniste ou de l'entité sioniste. L'Allemagne a fait appel au Règlement pour dire aux représentants iraniens: « Vous devez appeler Israël par son nom. » L'Iran a protesté en disant « Nous ne reconnaissons pas Israël et nous l'appelons comme nous voulons. » Le président a alors déclaré que cela n'est pas acceptable, qu'Israël est un État membre des Nations Unies et qu'il faut l'appeler par son nom. Ce sont des petites choses comme celle-là qui marquent la désapprobation, sans qu'il soit nécessaire de toujours faire des coups d'éclat. Il peut suffire de petits gestes, à chaque fois que l'occasion se présente, pour attirer l'attention sur cette question.
    Je sais fort bien que, à chaque Assemblée générale des Nations Unies, le Canada a présenté des résolutions sur l'Iran, qui ont été adoptées, et je l'en félicite et l'incite à continuer, mais c'est une question qu'il faut mettre de l'avant sur tous les fronts.
    Permettez-moi de vous parler un peu du Camp Ashraf. Je pratique le droit à Winnipeg et je m'y occupe de réfugiés. Je suis très préoccupé par les droits des réfugiés. Le Camp Ashraf est un camp de réfugiés iraniens qui se trouve en Irak. Ils sont membres de l'OMPI, l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, ou le Mujahadeen-e-Khalq. Cette organisation a été désignée comme une organisation terroriste au Canada, aux États-Unis et en Europe. Après une longue série de recours, l'Europe vient de l'effacer de cette liste des organisations terroristes en janvier, après que des tribunaux aient déclaré que cette inscription était perverse et ne reposait sur aucune preuve. Cette organisation figure cependant toujours sur la liste des organisations terroristes au Canada et aux États-Unis.
(1245)
    Sous le régime de Saddam Hussein, ce groupe était protégé. Ce camp accueillait alors environ 3 000 réfugiés. Il se trouve à la frontière de l'Iran. Quand les Américains ont occupé l'Irak, ils ont aussi assuré la protection de ce camp et déclaré qu'il s'agissait de personnes protégées en vertu de la Convention de Genève. Certains membres du régime irakien actuel entretiennent des relations amicales avec l'Iran, et l'Iran veut que ces réfugiés soient expulsés en Iran. Ce groupe a participé à la première révolution iranienne et ses membres ont par la suite été expulsés par les mollahs et tués par milliers avant qu'ils ne fuient. Si on les renvoie en Iran, ils risquent d'être exécutés et torturés de façon arbitraire.
    Pour l'avocat défendant des réfugiés que je suis, la désignation de terroriste n'a pas d'importance parce que les interdictions de torture et d'exécution arbitraire sont absolues et ne souffrent aucune exception. J'ai fait part des préoccupations que soulève l'expulsion éventuelle de ce groupe vers l'Iran lorsque les Américains quitteront l'Irak et je suis d'avis que ce comité devrait également faire part de ses préoccupations dans ce cas. Ce groupe ne doit pas être expulsé d'Irak vers l'Iran et il doit continuer à bénéficier de protection, que ce soit en Irak ou dans un autre pays.
    Mon troisième point concerne la collectivité Bahá’íe. Je n'ai pas participé à sa défense, mais comme défenseur des réfugiés, j'ai bien sûr des clients qui souffrent de persécution en Iran, parce qu'ils sont associés à cette collectivité. Je tiens juste à vous faire part de mon inquiétude au sujet de leurs persécutions. Je verrais d'un bon oeil toute mesure que ce comité pourra prendre pour tenter de mettre fin à ces persécutions.
    Voilà. C'est ce que je voulais vous dire en commençant et je vais maintenant me faire un plaisir de répondre aux questions que vous pourriez avoir.
    Merci, monsieur Matas.
    Normalement, nous accordons une période de sept minutes à chacun des partis pour poser de questions, et chacun des deux partis comptant plus d'un membre siégeant à ce comité, c'est-à-dire les libéraux et les conservateurs, obtient une période additionnelle de cinq minutes.
    La première question va donc venir des libéraux.
    Monsieur Oliphant, la parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur Matas, de tout ce que vous avez fait et faites encore. Cela fait longtemps que je vous admire à distance.
    Il y a plusieurs sujets que j'aimerais aborder. Je vais commencer par le Camp Ashraf et par vous demander votre avis sur la façon de faire face à certaines des difficultés politiques que cela soulève, semble-t-il, pour le gouvernement du Canada. Il semble que les gens sont au courant de cette question de violation des droits de la personne et plus encore du camp, et de la présence des Irakiens aux alentours. Vous avez déclaré en janvier que de nombreux dirigeants du gouvernement irakien veulent l'expulsion de ces réfugiés, ce qui ne laisse pas place au choix volontaire. De plus, le gouvernement irakien est loin d'exercer le contrôle complet de son territoire. Il semble qu'il ne soit pas en mesure ni désireux de respecter sa position officielle au sujet de ce camp.
    Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet. Nous arrivons à un moment critique pour l'avenir de ce camp et de ses quelque 3 500 résidents alors que nous nous interrogeons sur la capacité de l'Irak à faire face à ce problème.
    Vous avez raison. Nous parvenons à un moment critique qui tient à l'état de la Convention sur le statut des forces présentes en territoire irakien. Jusqu'à la fin de l'an dernier, la présence des Américains en Irak s'inscrivait dans le cadre d'une résolution du Conseil de sécurité, mais cela a changé à compter de cette année. Cette résolution n'a pas été prorogée et elle a été remplacée légalement par la Convention sur le statut des forces présentes en territoire irakien. Cette Convention prévoit le transfert progressif des pouvoirs des Américains aux Irakiens.
    À mon avis, la meilleure façon d'assurer la protection est de conserver une présence américaine ou internationale dans ce camp. De cette façon, il serait possible d'évaluer dans une certaine mesure la conformité des faits aux garanties données par le gouvernement irakien. Il serait possible d'exercer un contrôle. J'ai personnellement exercé des pressions auprès des Américains et rencontré des représentants de gouvernements étrangers pour les inciter à continuer à y assurer une présence, quelle qu'en soit la forme.
    Cela a réussi dans une certaine mesure, au moins en janvier, lorsqu'il y a eu des transferts de pouvoirs puisqu'il y a toujours une présence américaine au Camp Ashraf. Les militaires qui exercent le contrôle sont irakiens, mais les Américains sont là. Comme vous l'avez dit, il y a eu certaines violations des ententes dans le camp. Il y a eu des problèmes avec les visiteurs voulant entrer dans le camp, mais au moins ce groupe n'a pas été expulsé.
    La situation sera à nouveau critique à la fin de juin, parce que la Convention sur le statut des forces présentes en territoire irakien précise que, à ce moment-là, le contrôle de l'ensemble des villes et des villages sera confié aux Irakiens. On peut prétendre que le Camp Ashraf n'est ni une ville, ni un village; c'est un camp. Il est également possible de toute façon, à mon avis, d'y conserver une présence américaine sans que celle-ci soit composée de militaires. Une autre possibilité, que j'aimerais beaucoup que les Canadiens étudient, serait de constituer une force multilatérale ou internationale pour remplacer les Américains dans le but de veiller au respect des assurances précises qui ont été données. Le Canada pourrait certainement en faire partie.
    La situation est réellement inquiétante. Le responsable, Al-Rubay'i, n'a été d'aucune utilité. Il a fait un certain nombre de déclarations très difficiles et très inquiétantes. Bien sûr, je réalise que ce sont des questions que vous ne connaissez pas très bien parce que la presse n'a pas fait beaucoup de manchettes sur cette question en Irak.
(1250)
    Je ne veux pas vous interrompre, mais le temps dont je dispose est limité.
     J'ai écrit au ministre Van Loan à ce sujet parce qu'il semble que quelque chose empêche le Canada d'adopter une attitude plus énergique au sujet du Camp Ashraf. C'est la présence de l'OMPI, les Moudjahiddines du peuple. Il semble que cela bloque la situation et que le fait que ce mouvement soit inscrit au Canada sur la liste des organismes interdits ou terroristes... L'inscription sur cette liste a été révisée en novembre dernier par notre gouvernement, mais bien que les Britanniques et l'Union européenne aient effacé cette organisation de cette liste, elle continue à être considérée ici comme une organisation terroriste.
    Je sais ce qu'elle a fait par le passé, mais je crains qu'on ne tienne pas compte de ce qu'elle est devenue. J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez.
    Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, l'inscription sur cette liste ne devrait pas être prise en compte quand il s'agit d'exécutions arbitraires et de torture. Les normes en la matière sont absolues et ne souffrent aucune exception. Il n'est pas acceptable de tuer ou de torturer des terroristes de façon arbitraire, même si l'inscription sur la liste devait s'avérer justifiée. En principe, cette liste ne devrait pas justifier de bloquer ce type de protection.
    En toute franchise, il y a lieu de s'interroger sur cette question. Il est bien évident que l'inscription sur la liste fait suite à ce qui s'est passé dans les tribunaux européens. Ce n'est pas simplement que les gouvernements ont effacé ce mouvement de leur liste; toute la question a fait l'objet de vastes recours sur le fonds. Ces jugements sont publics et tout le monde peut les lire. Les juges ont prononcé de véritables réquisitoires contre cette liste. Elle ne leur a même pas paru plausible.
    Le fait est que, à tort ou à raison, cette liste existe et il faut en tenir compte.
    Nous allons continuer à nous en occuper de notre mieux.
    J'aimerais vous poser une dernière question, et pour cela revenir au premier point que vous avez abordé, celui des incitations au génocide. Mon collègue, Irwin Cotler, a écrit en mars que les signes avant-coureurs de provocation dans ce cas particulier en Iran sont encore plus inquiétants que ceux qu'on a observés à l'époque au Rwanda. Il s'inquiète beaucoup de la rhétorique et du vocabulaire utilisé, non seulement par Ahmadinejad, mais également par d'autres hauts dirigeants. Êtes-vous de son avis?
    Il est bien évidemment toujours désobligeant de faire des comparaisons qui ne sont jamais exactes. Malheureusement, pour la population des victime de Tutsi, il s'agissait d'une population captive.
    Je crois qu'on peut dire qu'il y a, en Iran, une longue tradition de discours d'incitation à la haine.
    Malheureusement, Mugesera est toujours au Canada. Je dois vous préciser que je suis intervenu dans le cas Mugesera pour le compte de B’nai Brith, ce qui fait que je connais très bien le dossier. Les discours de Mugesera ont été prononcés longtemps avant le génocide, ce qui a soulevé des questions puisqu'il fallait déterminer s'il y avait un lien entre le génocide et ses discours, parce que ceux-ci avaient été prononcés longtemps auparavant.
    Je crois que l'une des leçons que je pourrai tirer de ce qui s'est produit au Rwanda est que l'incitation au génocide peut prendre une forme codée. Il ne s'agit pas nécessairement d'affirmer qu'il faut « tuer tous ces gens ». Je crois que cela constitue un élément du problème quand on a traité de l'incitation au génocide au Rwanda. Ce genre d'affirmation se retrouvait dans la langue locale et on utilisait souvent des périphrases, en disant par exemple « Jetez ces gens dans la rivière », etc. Les étrangers ne savaient pas nécessairement ce que cela signifiait.
    Je suis navré si je mets trop de temps pour vous répondre, monsieur le président.
(1255)
    Non, mais nous devons maintenant passer à la question suivante, et il y aura ensuite un second cycle de questions.
    Madame Thi Lac, la parole est à vous.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Matas, d'être parmi nous aujourd'hui. Je tiens aussi à vous remercier pour l'excellent document que vous nous avez fourni. Il résume très bien la situation et il est très utile aux membres du comité.
    Lors de votre exposé, vous avez longuement parlé des sanctions que les autorités canadiennes pourraient prendre ou des poursuites qu'elles pourraient entreprendre à l'endroit du président iranien en faisant appel à la cour internationale. Est-ce que des sanctions autres que diplomatiques pourraient être imposées, par exemple des sanctions économiques ou commerciales?
    Oui.
    Pardonnez-moi, mais je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Oui, en particulier quand il s'agit de militarisation du nucléaire, je crois que les sanctions pourraient jouer un rôle. Le Conseil de sécurité a en réalité imposé des sanctions limitées à l'Iran. Je crois que la solution visant à exercer davantage de pression est prometteuse, parce que l'Iran a déjà réagi dans une certaine mesure aux sanctions.
    En pratique, la nucléarisation et la militarisation de l'atome imposent à l'Iran de coopérer avec des entreprises étrangères et d'importer des biens étrangers. Les Iraniens ont tenté de se procurer certains de ces équipements par la contrebande. L'une des raisons qui m'ont amené à conclure que la nucléarisation est en réalité une militarisation est l'ampleur de la contrebande qu'il y a eu pour tenter de se procurer des équipements. Toute cette activité économique peut faire l'objet d'un suivi. Je crois que vous pourriez imposer des sanctions en recourant également au système bancaire, ce qui les empêcherait de changer des devises.
    Le Canada fait un peu de commerce avec l'Iran. Nous important de l'huile de la côte est. Je crois que nous pourrions étudier cette question. Il y a également d'autres mesures simples comme celles touchant les voyages. Vous pourriez interdire à certains dirigeants de mettre le pied au Canada, ce qui constituerait une forme de sanction. J'ai évoqué cette solution précisément dans le cas d'Ahmadinejad, mais elle pourrait s'appliquer à d'autres également.
    Il se peut que vous ignoriez que des accusations sont portées contre un certain nombre de dirigeants iraniens, et que des mandats d'arrêt internationaux ont été émis par l'Argentine, y compris contre Rafsanjani, un ancien président, pour avoir bombardé un centre communautaire juif en Iran. Je crois que le Canada pourrait joindre sa voix à celle de l'Argentine et tenter de coopérer pour faire exécuter ces mandats d'arrêt internationaux.
    Oui, je dirais que les sanctions peuvent constituer une solution très prometteuse et utile pour s'attaquer à ces préoccupations.
(1300)

[Français]

    Vous avez également parlé d'interdiction de séjour du président au Canada. D'autres pays ont-ils pris de telles sanctions?

[Traduction]

    Non, au premier abord, je ne me souviens d'aucun pays qui ait réellement déclaré qu'il ne permettrait pas à Ahmadinejad de se rendre en visite sur son territoire. Je sais que le Président du Soudan est visé par un mandat d'arrêt international, ce qui signifie que les parties à cette convention seraient tenues de coopérer. Si al-Bashir se présentait à nos frontières, pour nous conformer à nos engagements pris dans le cadre de ce traité, nous devrions l'arrêter et le remettre au tribunal. J'imagine donc qu'il ne voudra pas venir ici, et qu'il n'y aura pas à lui interdire de venir au Canada.
    Il y a bien évidemment eu le cas de Pinochet, un ancien président du Chili qui a été poursuivi. Une demande d'extradition présentée par l'Espagne a été prise très au sérieux.
    Ce n'est pas tout simplement que je ne sais pas. En règle générale, ces listes de surveillance ne sont pas rendues publiques. Je ne saurais vous dire, et j'imagine que vous ne sauriez me dire, qui est interdit de séjour au Canada. Il arrive à l'occasion qu'un nom soit connu parce qu'une personne tente de venir ici, comme M. Galloway, et que l'accès au Canada lui est alors refusé. Normalement, cette liste n'est pas rendue publique.
    Je ne veux pas dire ici qu'il devrait être inscrit sur la liste. Je propose par contre qu'il y ait une forme quelconque de déclaration publique faisant état de son inscription sur la liste, pour que tout le monde le sache. À ce que je sais, comme cette liste n'est pas rendue publique, il pourrait déjà y être inscrit. Si c'est le cas, il faudrait alors le dire publiquement.

[Français]

    Vous avez parlé du Camp Ashraf. Il y a quelques années, les réfugiés à l'intérieur du camp ont accepté volontairement de se désarmer. Ils ont également obtenu une certaine protection des Américains. Une nouvelle administration américaine a été élue dernièrement et on connaît la position du nouveau président concernant le retrait de ses troupes en Irak.
    Quelles pourraient être les répercussions sur ces réfugiés, maintenant désarmés, si les Américains quittaient le territoire et, par le fait même, leur retiraient leur protection? Y aurait-il un danger qu'ils soient victimes d'un génocide?

[Traduction]

    Je ne proposerais certainement pas qu'on procède à son réarmement. Je ne crois pas que ce soit la solution. Nous devons tenter de les protéger par d'autres moyens. Il est vrai que le changement d'administration a accéléré le départ des troupes américaines d'Irak, mais on a toujours su que celles-ci partiraient. La seule question qui se posait était de savoir si ce serait plus tôt ou plus tard. Les militaires américains ne peuvent pas rester indéfiniment. Nous allons devoir faire face à ce problème à un moment quelconque.
    L'administration Obama n'a pas, à ce que j'en sais, abordé directement la question du Camp Ashraf. C'est un sujet de préoccupation qui n'a pas encore touché tous les paliers de l'administration.
    J'ai fait état de la Convention sur le statut des forces présentes en territoire irakien. Un certain nombre de membres du Congrès des États-Unis ont estimé que cette convention doit obtenir l'aval du Congrès et impose l'adoption d'un certain nombre de mesures législatives pour avoir force de loi. Hillary Clinton a été l'auteure d'une de ces mesures lorsqu'elle siégeait au Sénat. Elle a déposé un projet de loi pour faire approuver la Convention sur le statut des forces présentes en territoire irakien, projet de loi qui comportait certains éléments additionnels et faisait quelques réserves. M. Obama, qui était alors sénateur, a apporté son appui au projet de loi d'Hillary Clinton.
    J'ai rencontré un certain nombre de membres du Congrès et de leurs assistants sur cette question, qui semblent d'avis que cette législation devrait aller de l'avant, validant de facto et a posteriori la présence américaine en territoire irakien en application de la Convention. Un tel projet de loi pourrait accorder une certaine protection législative américaine au Camp Ashraf. C'est là une autre approche que j'ai étudiée.
    L'organisation militaire responsable est le commandement central qui relève du Général David Petraeus, et j'ai envisagé la possibilité de demander à le rencontrer à ce sujet. C'est comme la question de l'incitation. Nous sommes confrontés à un problème, et il y a un grand nombre de façons différentes de s'y attaquer. Je crois que chacun de nous devrait se demander ce que nous pouvons faire. La menace est là, la menace est réelle et il faut y faire face.
(1305)
    Je donne maintenant la parole à M. Marston.
    Cela semble assez bien convenir. J'ai vu David Kilgour entrer. Vous et moi, et quelques autres, avons soulevé la question du mouvement Falun Gong et du prélèvement des organes. C'était la première fois que j'ai eu l'occasion de rencontrer ces deux messieurs. Je vous souhaite la bienvenue ici aujourd'hui.
    Je veux juste faire rapidement le point. Vous parliez d'exécution et de torture avec la même répugnance que nous aurons tous sur ces questions. Je ne sais pas si vous avez eu connaissance des témoignages que nous avons entendus au cours des derniers jours de représentants du SCRS et de la GRC au sujet des dépositions recueillies sous la torture, et du fait qu'ils sont encore prêts à utiliser ces dépositions. Cela nous a paru très choquant.
    Outre cela, j'aimerais aborder quelques autres points. À la fin des années 1970, j'ai passé un peu de temps au Moyen-Orient et j'ai observé à l'époque qu'on y pratiquait volontiers la bravade. J'ai résidé en Arabie Saoudite qui était à l'époque un État beaucoup plus moderne que l'Iran. Nombre de ceux d'entre nous qui étaient là ont été frappés de constater les bravades dans certains énoncés de la famille royale saoudienne qui semblait viser l'extérieur du pays pour mobiliser l'attention des habitants. En d'autres termes, il s'agissait de détourner l'attention de ce qui se passait dans le pays.
    En Iran, 30 p. 100 de la population contrôle les 70 p. 100 restants. N'est-ce pas une méthode utilisée sciemment pour détourner l'attention des habitants dans une certaine mesure?
    Vous parliez du groupe qui se trouve à la frontière irakienne. Il me semble bien que c'est une initiative qui devrait passer par les Nations Unies. Il faudra bien les déménager ailleurs. Cela me semble évident. Dans l'intervalle, je m'inquiète comme vous de leur situation très risquée.
    Vous avez dit également, et je ne suis pas sûr de vous citer avec précision, qu'à votre avis, l'Iran est mal intentionné et vise à se procurer des armes nucléaires. Je lisais il y a peu un rapport publié en 2007 aux États-Unis. Les auteurs se disaient d'avis que l'Iran avait cessé la production et mis un terme au programme. Vous nous dites n'avoir aucun doute que le programme se poursuit et vous avez parlé pour illustrer votre point de vue de la contrebande. Disposez-vous d'autres sources d'information sur ces questions.
    Je vais pousser ma réflexion un peu plus loin et vous pourrez ainsi répondre à mes deux questions.
    Un autre élément est que M. Gordon, qui était présent à notre dernière séance, et lui ont parlé du dépôt par le Canada d'accusations en vertu du droit international canadien. J'aimerais que vous nous disiez si, à votre avis, c'est quelque chose qui va à l'encontre...
    Je vous laisse sur ces deux réflexions.
    Il y a effectivement eu un rapport qui affirmait que la militarisation de l'atome avait cessé il y a quelques années. La militarisation de l'énergie nucléaire est un processus relativement facile lorsque vous disposez de cette énergie. Cela ne prend pas beaucoup de temps et ne nécessite pas énormément d'efforts. Il suffit alors de regrouper les pièces du puzzle. À l'époque, c'est le programme de militarisation qui avait été suspendu, mais la nucléarisation, elle, s'est poursuivie.
    Je dois vous dire que j'ai participé aux travaux d'un groupe appelé Avocats en faveur d'une conscience sociale, qui est l'affilié canadien de la International Association of Lawyers Against Nuclear Arms, (IALANA). Je connais donc bien toute la question de la nucléarisation au niveau technique, au moins au niveau compréhensible pour un avocat. J'a parlé à d'autres de cette question, et leur avis est que nous sommes confrontés en Iran à une question d'intention. Lorsque ce pays maîtrisera l'énergie nucléaire, il pourra se doter d'armes très rapidement s'il le veut, même s'il n'a pas encore commencé à appliquer un tel programme. Vous devez donc évaluer ses intentions. À mon avis, l'intention est assez manifeste pour un certain nombre de raisons.
    Certaines des informations dont je dispose sont confidentielles, parce que je les ai recueillies comme avocat m'occupant de réfugiés, etc., et je sais donc un certain nombre de choses que les leaders ont affirmées, mais je ne peux pas vous fournir les comptes rendus. Il y a cependant beaucoup d'informations publiques qui sont révélatrices. Pour quelle raison s'efforceraient-ils d'obtenir des équipements nucléaires par la contrebande? Pourquoi nuisent-ils au travail des inspecteurs...? L'Agence internationale de l'énergie atomique n'est pas très heureuse du comportement de l'Iran et, en vérité, ElBaradei a obtenu le Prix Nobel de la paix il y a quelques années également dans une certaine mesure parce qu'il exerçait des pressions sur l'Iran dans ce domaine, malheureusement sans avoir obtenu beaucoup de résultats. Les dirigeants de l'Agence sont toujours très inquiets. Je ne prétends pas que l'Agence internationale de l'énergie atomique est celle qui a le dernier mot en la matière, mais je pense que les dirigeants sont préoccupés et que nous devrions l'être.
(1310)
    Pour être précis, ce rapport émanait de l'Office of the Director of National Intelligence. Si je me souviens bien, c'était en 2007. En vérité, M. Gordon précisait qu'ils en sont déjà au niveau des produits de concentrés d'uranium. Ce sont des produits qui sont pratiquement de niveau militaire, très proches. Je crois savoir, sans me souvenir si c'était les États-Unis, mais qu'au moins certains pays ont offert à l'Iran un programme nucléaire à des fins pacifiques à des conditions très rigoureuses.
    Ma seconde question portait sur les poursuites éventuelles contre Ahmadinejad au Canada. Cela m'est apparu à l'époque comme une façon tout à fait novatrice de procéder. Auparavant, nous avions toujours parlé d'un procès à l'étranger.
    En réalité, il y a un procès de ce genre qui se déroule maintenant au Canada. L'accusé est Munyaneza, et il s'agit du génocide rwandais. Nous disposons au Canada d'une loi intitulée Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre qui nous confère des pouvoirs universels.
    Nous avons essayé de l'utiliser, dans sa version précédente, dans le cas d'Imre Finta, un criminel de guerre nazi hongrois qui a subi un procès, mais la démarche a échoué pour des raisons techniques. Lorsque le Canada s'est joint à la Cour pénale internationale, nous avons adopté cette nouvelle loi, et nous l'utilisons actuellement dans ce cas.
    Je suis d'avis que oui, si Ahmadinejad se présentait ici, nous pourrions sans aucun doute lui faire un procès en application de cette loi.
    Mais il faudrait qu'il soit ici.
    Oui, sa présence serait indispensable.
    Il faut qu'il y ait certains liens avec le Canada. Nous pourrions obtenir le droit de le poursuivre par d'autres moyens s'il y avait une victime canadienne, mais dans le cas de l'incitation au génocide, c'est un argument qui pourrait se révéler difficile à défendre.
    La loi impose que la poursuite soit entamée par le procureur général. Elle ne permet pas de poursuites privées. C'est au gouvernement qu'il incomberait d'entamer les poursuites. S'il pouvait le poursuivre sans qu'il soit ici, en prétendant que l'incitation au génocide a pu faire des victimes canadiennes, ce serait là mettre de l'avant une nouvelle théorie juridique.
    Comme je l'ai dit, c'est une question qui a simplement été soulevée par M. Gordon. Pour moi, l'approche était tout à fait nouvelle. Nous avions jusqu'alors toujours pensé à des poursuites à l'extérieur dans ce type de cas.
    Me reste-t-il du temps de parole?
    En vérité, vous l'avez dépassé, monsieur Marston, mais vous avez si souvent, par le passé, été plus bref et si aimable pour vos collègues qu'il m'a paru raisonnable de vous laisser continuer. Vous avez également soulevé une série de questions fort intéressantes. Il se trouve aussi que c'était M. Matas qui parlait et non pas vous, ce qui est toujours important pour apprécier ce genre de choses.
    Cela dit, il est maintenant temps de donner la parole à M. Sweet ou à M. Hiebert.
    Monsieur Sweet, la parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je ne peux m'empêcher de faire écho aux sentiments de mes collègues. Nous vous sommes très reconnaissants, monsieur Matas, non seulement du travail que vous avez déjà fait avec M. Kilgour, mais également de ne pas hésiter à vous rendre parfois sur place pour continuer à exercer des pressions. Je tiens à vous faire part de mes remerciements personnels pour vos efforts soutenus concernant la collectivité Falun Gong, et pour vous attaquer sans cesse aux contraventions aux droits de la personne et aux atrocités touchant également la collectivité Baha'i en Iran.
    Nous avons entendu ici M. Genser, qui a en vérité lancé la conversation sur la Cour internationale de justice, et également M. Gordon. À la suite de ces deux séries de témoignages, j'ai interrogé M. Gordon et il semblait d'avis qu'il y a dans la jurisprudence des cas dont il faudrait s'inspirer.
    Au lieu de nous contenter d'une condamnation d'Ahmadinejad et de lui faire honte publiquement à l'échelle internationale — et en particulier aujourd'hui, parce que vous avez parlé d'appliquer des sanctions par l'intermédiaire de banques — pourrions-nous nous appuyer par la suite sur certaines prémisses ou sur quelque chose constituant un délit civil? Lorsque des poursuites sont engagées, et si elles aboutissent comme on l'espère à une condamnation, comme c'est le représentant d'un État, est-il possible, dans le cadre d'une action en responsabilité délictuelle, de saisir des fonds au titre de dommages et intérêts exemplaires?
(1315)
    C'est une bonne question.
    Cela nous amène bien sûr à la Loi sur l'immunité des États. Cette loi confère l'immunité aux États et non pas aux personnes, mais on l'interprète comme s'appliquant aux personnes qui agissent pour le compte de l'État. Les tribunaux ont décidé que si vous entamez une poursuite contre un président ou contre un ministre des Sffaires étrangères, etc., il s'agit en réalité d'une poursuite contre l'État.
    J'ai, comme d'autres, proposé de restreindre la portée de la Loi sur l'immunité des États. Certaines restrictions s'appliquent maintenant, mais pas à ce type de situation. Je suis d'avis qu'on ne devrait pas pouvoir faire appel à la protection de la loi dans les cas de génocide, d'incitation au génocide et de torture. Un projet de loi a été présenté au Sénat qui prévoit de suspendre son application dans les cas de terrorisme. En réalité, le Bloc québécois a proposé d'éliminer de la loi les cas de torture, mais sa démarche n'a pas abouti. J'aimerais qu'une telle mesure soit adoptée. La protection assurée par la Loi sur l'immunité des États est, en l'état, trop large.
    La législation américaine autorise les poursuites pour crimes internationaux contre les États désignés comme terroristes, ce qui est le cas de l'Iran. Aux États-Unis, ces types de poursuites sont possibles, mais pas au Canada. Je ne vois pas pourquoi elles ne devraient pas l'être. J'inciterai le Parlement à envisager de rouvrir la Loi sur l'immunité des États pour permettre ce type de poursuites.
    Je sais qu'il y a un projet de loi à l'étude au Sénat, ou qu'il y en avait un au cours de la dernière session, concernant les produits du terroriste, qui pourrait s'appliquer avec certains amendements.
    Pour en revenir à certains témoignages que vous avez entendus auparavant sur le traitement que l'État d'Iran a imposé à certains de ses citoyens, et quand je parle de ses propres citoyens, cela englobe toute une gamme d'ethnies et de religions, et il s'agit donc en réalité de l'ensemble du peuple iranien — avec des incitations au génocide faites très ouvertement, il n'est pas abusif de penser que les vociférations des dirigeants au sujet de la nucléarisation visent en réalité la militarisation.
    Pour ne pas laisser place au doute, je suis d'accord avec vous, mais je veux également connaître les preuves dont vous avez fait état au sujet des achats en contrebande par l'Iran. Cette contrebande visait-elle avant tout à la militarisation de l'énergie atomique?
    Comme je l'ai dit, vous ne pouvez pas complètement militariser vos capacités nucléaires tant que vous n'avez pas ces capacités nucléaires. Il s'agit pratiquement d'une seconde étape. Vous ne pouvez pas obtenir du plutonium de qualité militaire tant que vous ne pouvez pas fabriquer du plutonium. Les produits importés en contrebande visaient à développer la capacité nucléaire. Il aurait été difficile à ce point de faire précisément le lien avec des armes parce que leur industrie n'était pas suffisamment développée à ce moment là pour que cette distinction ait un sens. Il s'agit là davantage d'un procès d'intention que de l'analyse de l'utilisation des produits importés. Je dirais qu'il y a bien eu une tentative de procéder réellement à la militarisation de l'énergie nucléaire avant que l'Iran n'ait développé les moyens pour y parvenir, et c'est ce programme qui a été interrompu.
    Il faut également garder à l'esprit le type de structure bureaucratique de l'Iran. Nous avons parlé de la militarisation d'un côté et, de l'autre, de l'incitation au génocide par l'Iran, mais ce sont là des volontés qui viennent de deux entités distinctes du gouvernement iranien. Ce sont les mollahs qui contrôlent la nucléarisation, ce qui est très étrange, alors qu'Ahmadinejad est à la tête d'un organe civil du gouvernement, même si je dis volontiers de lui que c'est un laquais des mollahs. Ce que dit Ahmadinejad soulève bien sûr des inquiétudes tout simplement de par la nature de ce qu'il dit. C'est toutefois encore plus inquiétant parce qu'il ne fait, à mon avis, que dire tout haut ce que les mollahs pensent tout bas. Il faut savoir que ce sont les mollahs qui gèrent la menace nucléaire.
    Ce rapport traitait de ce qu'un organe précis du gouvernement faisait en matière d'armement, et je crois qu'il s'agissait du ministère iranien de la Défense. Les mollahs ont pour l'essentiel retiré cette responsabilité au ministère de la Défense pour l'instant, mais ils n'ont pas changé d'intention d'un iota, à ce qu'il me semble.
    J'aimerais ici aborder un autre point parce que j'ai abordé cette question avec divers gouvernements. Certains d'entre eux essaient de s'y attaquer par l'autre bout de la lorgnette. Au lieu de se joindre à nous, ils s'opposent à notre démarche en prétendant ne pas pouvoir s'attaquer aux incitations au génocide parce que cela leur compliquerait la tâche pour faire face à la nucléarisation et à la militarisation de l'atome. Ils affirment que s'ils veulent négocier avec l'Iran sur la militarisation, ils doivent laisser de côté l'incitation au génocide. Ils estiment que s'ils commencent à poursuivre le président, l'Iran va rompre toutes relations avec eux et qu'il n'y aura plus de discussion possible.
    Je rejette cette analyse. Je suis d'avis que vous parviendrez mieux à réduire la menace nucléaire si vous vous attaquez directement à l'incitation au génocide. Je suis convaincu qu'il faut fondamentalement faire face au problème. Vous ne pouvez pas vous attaquer à une partie au détriment de l'autre.
(1320)
    Je vous remercie.
    Malheureusement, vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Sweet.
    Monsieur le président, si je peux dire un mot, je suis prêt à parier que je recueillerai un consentement unanime sur ceci.
    Avec M. Genser, M. Gordon et M. Matas, nous avons entendu des témoignages convaincants, qui tous concourent à affirmer que nous avons des preuves manifestes de la militarisation et de la nucléarisation de l'Iran. J'aimerais proposer que nous acceptions tout exposé écrit comme un témoignage dans ce domaine pour notre étude de la situation en Iran. Il se peut que des gens soient prêts à fournir des éléments de preuve à ce comité à titre confidentiel. Je souhaite que nous puissions accepter ce type de témoignage pour le prendre en compte dans notre rapport final.
    Si nous devions interpréter votre proposition comme une motion, celle-ci viserait essentiellement à ce que le comité, ou j'imagine moi-même comme président, demandions qu'on nous remette des documents ou des témoignages écrits que nous étudierions à huis clos avant de décider des aspects que nous pourrons rendre publics. Est-ce ce que vous proposez?
    Je préfère encore votre solution. Il est certainement difficile de juger de la validité de renseignements si on ignore de qui ils proviennent. Si nous devions traiter de ces informations à huis clos, l'identité de l'auteur serait ainsi protégée. Cette solution me convient beaucoup mieux, monsieur le président.
    Il s'agit d'une motion qui n'a pas fait l'objet d'un préavis de 48 heures, et je ne peux donc l'accepter que si elle reçoit un consentement unanime.
    La proposition formulée par M. Sweet, avec les précisions que j'y ai apportées, recueille-t-elle un consentement unanime?
    Comme je n'entends personne dire non, je suppose que cela veut dire oui.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Je vais donc lancer l'invitation qui convient. Je vais devoir imposer un délai qui semble raisonnable, mais nous en discuterons dans la partie à huis clos de notre réunion quand nous nous pencherons à nouveau sur les questions de calendrier.
    Cela dit, nous passons maintenant à la seconde série de questions. Il est assez tard pour que je doive demander au sous-comité de siéger cinq minutes de plus pour que nous ayons le temps de poser une question chacun. Nous n'aurons peut-être pas besoin de ce temps additionnel.
    Monsieur Martin, aimeriez-vous poser une question?
    Monsieur Matas, je vous remercie infiniment de vous porter au secours des sans-défenses et de vous exprimer au nom des sans-voix. Comme tout le monde à cette table, je suis depuis longtemps un fervent admirateur de votre travail et je m'en suis servi à l'envi.
    J'ai quelques questions à vous poser. Nous savons que M. Ahmadinejad est un personnage absolument répugnant et que tous ici trouvons ses commentaires odieux. Toutefois, la règle des conséquences fortuites a fait que les accusations portées contre M. Al Bashir ont eu pour effet d'aggraver le problème au Darfour, ainsi que vous le savez, et la mise en accusation de M. Kony a entraîné une hausse des meurtres commis par la LRA en Ouganda et au Congo. Si votre objectif est avant tout de neutraliser les éléments extrémistes en Iran et de ramener ce pays au sein de la communauté internationale, ce peut-il que des accusations contre M. Ahmadinejad provoquent un accroissement des menaces contre Israël et contre d'autres pays? Cela va-t-il aller à l'encontre de notre objectif premier, qui est de neutraliser ces éléments dégoûtants et horribles et de ramener l'Iran et la majorité modérée des Iraniens dans la communauté internationale?
    En second lieu, dans le monde byzantin de la politique iranienne, que recommanderiez-vous pour appuyer efficacement les groupes iraniens modérés afin de parvenir à marginaliser les éléments extrémistes au sein de la structure complexe du pouvoir iranien et de permettre à un gouvernement plus modéré de prendre le pouvoir en Iran?
    Je vous remercie d'avance de vos réponses.
(1325)
    Quant aux conséquences fortuites, je ne suis pas d'avis que les situations du Soudan et du Congo se comparent à celle de l'Iran, parce que, dans le cas du Congo, vous faites face à une force non gouvernementale et au Soudan, il s'agit du chef de l'État. Ahmadinejad est bien le président de l'Iran, mais ce sont en réalité les ayatollahs qui détiennent le vrai pouvoir, et nous avons pu constater par le passé que si Ahmadinejad va trop loin, l'Ayatollah Khamenei le ramène à la raison. Je ne crois pas que, en public, Ahmadinejad dise des choses très différentes de ce que Khamenei dit en privé, mais Khamenei le dit en privé et non pas en public.
    Il devrait être possible d'amener le régime à se distancer d'Ahmadinejad si celui-ci cause trop de problèmes. En vérité, beaucoup de gens s'interrogent sur la mesure dans laquelle Khamenei appuiera Ahmadinejad lors de l'élection présidentielle à venir. Je crois qu'il est possible d'amener le régime à se distancer d'Ahmadinejad et des incitations au génocide grâce à ce type d'effort dans le domaine juridique, mais il n'y a pas de personnage qui se rapproche un tant soit peu de Khamenei au Soudan. Là, on fait face à Bashir, Bashir et Bashir. Je ne crois pas qu'on pourrait appliquer cette analyse au Soudan.
    Il faut également savoir que cette règle des conséquences fortuites peut avoir plusieurs types de conséquences. Il est certain que l'on peut estimer que ce qui se passe découle de ce qui a été fait, mais vous ignorez ce qui se serait produit si rien n'avait été fait. On peut prétendre que, si rien n'avait été fait, les choses seraient encore pires qu'elles ne le sont maintenant, parce que vous auriez eu des gens qui auraient commis des crimes contre l'humanité en toute impunité, et cela, bien évidemment, pose des problèmes, pas simplement là où les crimes sont commis, mais dans le monde entier. Si nous voulons nous attaquer à ces crimes, je crois que nous devons envoyer clairement le message qu'il n'y aura pas d'impunité.
    J'essaie vraiment ici de chercher la solution la moins grave. Je suis d'ailleurs certain que vous savez fort bien où je veux en venir en essayant de ne rien faire qui aggraverait la situation, en renforçant les menaces à la sécurité au lieu de les atténuer.
    Oui, tout à fait.
    En ce qui concerne les modérés d'Iran, je ne suis pour moi associé en rien à l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien ni au CNRI, mais je sais ce qu'ils diraient. Ils vous diraient que si vous voulez favoriser les modérés en Iran, vous devez traiter avec l'OMPI ou avec le CNRI.
     Même en laissant cela de côté, il faut savoir que l'opposition démocratique iranienne ne se trouve pas en Iran parce qu'il n'y a pas de démocratie en Iran. Ceux qu'on appelle les modérés au sein du gouvernement partagent une gamme relativement étroite de points de vue que les mollahs tolèrent. Si vous vous cantonnez à vous demander qui, parmi ceux qui partagent ces points de vue relativement proches et tolérés par les mollahs,sont ceux que vous devriez appuyer, je suis d'avis que c'est une question beaucoup trop étroite. Nous devons réfléchir dans une perspective iranienne beaucoup plus vaste, en tenant compte des Iraniens qui s'opposent au régime sans pouvoir se rendre dans leur pays, justement parce qu'ils s'opposent à ce régime. Nous devons donc réfléchir à une méthode pour favoriser le changement en Iran, et la plus efficace consiste à s'opposer avec la dernière énergie et ouvertement à tous les actes répréhensibles de ses dirigeants actuels, par les moyens juridiques et politiques.
(1330)
    Nous avons épuisé tout le temps dont nous disposions. Pouvez-vous conclure?
    Merci beaucoup, monsieur Matas.
    Merci beaucoup, monsieur Matas. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu. Comme toujours, vous avez été brillant et votre témoignage a été très éclairant pour nous tous.
    Le comité va maintenant poursuivre ces travaux à huis clos. Nous allons nous interrompre pendant un moment. Je vais demander à toutes les personnes qui ne sont pas au service de l'un des députés siégeant à ce comité de bien vouloir quitter la pièce maintenant. Si je ne me trompe, le Règlement permet également à une personne du bureau de chaque whip de rester.
    [La réunion se poursuit à huis clos.]
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