:
Le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international entreprend sa troisième séance.
[Traduction]
Nous recevons aujourd'hui deux distingués témoins, qui sont venus à très court préavis. Nous vous en sommes extrêmement reconnaissants à tous les deux, monsieur Akhavan et madame Tamas.
On me dit qu'en plus de l'information que nous avons pu trouver sur Internet, la nouvelle de l'heure est que M. Akhavan a été nommé au conseil d'administration du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
Nous commençons en retard, de dix minutes en fait, parce que la séance du comité qui nous précède s'est terminée plus tard que prévu. Nous pouvons être généreux côté temps, mais pour que ça fonctionne selon les calculs, les témoins disposeront d'une dizaine de minutes chacun pour leur déclaration.
Ensuite, cinq minutes seront allouées pour la période des questions. La dernière fois, j'ai bien pris note que lorsqu'on donne cinq minutes, les gens ont tendance à déborder un peu, car ils empiètent sur le temps avec leurs questions. De cette manière, chacun devrait avoir l'occasion de s'adresser aux témoins avant la fin. Si vous dépassez votre temps un peu trop, je vais devoir me montrer un peu impitoyable. Je parle bien entendu à nos députés, et non pas aux témoins.
Je vous invite à partager votre temps comme bon vous semble. Si l'un de vous veut commencer, je vais vous céder la parole.
Monsieur Akhavan, on vous écoute.
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Monsieur le président, distingués membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité. C'est un très grand privilège de pouvoir partager avec vous quelques idées sur la situation des droits de la personne en Iran et, en particulier, sur la persécution de la minorité Bahá'í.
[Traduction]
Je remercie le Comité d'avoir jugé bon d'organiser cette réunion. Je vais tout d'abord mettre l'accent sur l'extrême importance de se faire entendre en cette période de transition très délicate en Iran, que je vais aborder dans quelques instants. Je pense que c'est dans ce contexte plus général que l'on doit comprendre la persécution des bahá'ís et jauger notre réponse.
Tout d'abord, comme je vais vous expliquer la situation des bahá'ís — et Mme Susanne Tamas traitera plus particulièrement de la situation des dirigeants bahá'ís qui sont persécutés à l'heure actuelle —, je tiens à souligner que leur persécution n'est pas une question d'ordre religieux. Ce n'est pas un problème avec l'Islam; c'est un problème de monopolisation de la vérité religieuse pour renforcer le pouvoir autoritaire en Iran. Il faut absolument comprendre cela pour saisir à quel point les bahá'ís sont diabolisés. On leur impute tous les maux de la Terre et on se sert d'eux comme boucs émissaires pour détourner l'attention des Iraniens des vrais problèmes qui comptent pour eux, comme la prospérité, la corruption, les perspectives économiques, l'ouverture culturelle et les droits de la personne.
Le problème des bahá'ís ne peut donc pas être isolé. Il ne s'agit pas uniquement d'assurer le respect des droits de la personne des bahá'ís. La minorité religieuse bahá'íe, en raison de la nature de la constitution iranienne, est devenue l'emblème des problèmes structurels et systémiques de la constitution iranienne, selon laquelle on peut jouir des droits de la personne si on appartient à une religion approuvée. En ce sens, l'ensemble de la communauté iranienne de défense des droits de la personne en est venue à la conclusion que le destin des bahá'ís a des conséquences pour la situation des droits de la personne en Iran dans son ensemble.
Bref, l'article 13 de la constitution iranienne ne reconnaît pas les bahá'ís comme étant une minorité religieuse légitime. Seulement ceux qui sont considérés comme étant des « gens du livre » — chrétiens, juifs et, par dispense spéciale, les zoroastriens —, seulement les membres de ces minorités religieuses reconnues ont le statut légal en vertu de la constitution iranienne qui, comme je l'ai expliqué, impose la condition selon laquelle on doit appartenir à une religion approuvée pour pouvoir bénéficier des droits. À cette fin, selon les tenants de la ligne dure au sein de la République islamique, les bahá'ís iraniens sont des infidèles qui ne sont pas visés par la protection juridique.
Cette réalité a eu de très graves conséquences. Au début des années 1980, il y a eu l'exécution systématique de tous les dirigeants bahá'ís. Quelque 200 membres de la communauté ont été systématiquement exécutés durant les années 1980 et, même si la République islamique a donné l'explication officielle que c'était un groupe politique opposé à la République, il est évident que ceux qui ont été exécutés auraient été acquittés de toute culpabilité s'ils avaient abjuré leur foi. La nature religieuse de la persécution est manifeste.
Plus récemment, on a assisté à une forme plus subtile de répression qui vise à causer la mort civile des bahá'ís. Ils sont systématiquement éliminés des activités économiques: le droit à l'éducation, à la pension, à l'emploi dans le secteur public. Toutes ces formes de répression constituent différents moyens d'atteindre la même fin que celle visée par le gouvernement dans les années 1980 par l'entremise de l'exécution systématique. Les documents qui ont été divulgués par des membres du gouvernement iranien indiquent très clairement que l'objectif avoué du gouvernement est d'éradiquer la minorité religieuse des bahá'ís. Nous assistons depuis peu en Iran à l'émergence d'une culture post-idéologique plus libérale chez 70 p. 100 des Iraniens de moins de 30 ans. Ils sont post-idéologiques, pragmatiques et beaucoup plus préoccupés par les questions de perspectives économiques et d'ouverture d'esprit que par l'idéologie de la révolution islamique.
C'est pour cette raison que les tenants de la ligne dure ont utilisé diverses questions — que ce soient les armes nucléaires, le conflit à Gaza ou le discours belliqueux de l'administration Bush sur la confrontation militaire — pour créer un ennemi extérieur afin de démoniser l'ennemi intérieur, ce qui comprend non seulement les bahá’ís, mais aussi les dirigeants syndicaux, les leaders de mouvement étudiant, les défenseurs des droits de la personne comme Shirin Ebadi, et d'autres. On considère tous ces tenants de la ligne dure d'une société civile émergente en Iran comme faisant partie d'une conspiration étrangère. En un sens, les nouvelles tentatives en vue d'anéantir la société civile en Iran et de persécuter les minorités religieuses sont un signe de désespoir de la part des purs et durs qui comprennent que la société iranienne prône l'ouverture et la collaboration avec la communauté internationale.
Dans ce contexte, la question de savoir s'il faut confronter ou faire participer le gouvernement iranien est assez complexe. Nous entrevoyons maintenant la possibilité d'une certaine forme de rapprochement entre le gouvernement des États-Unis et l'Iran. Là encore, l'ouverture de l'Iran et sa collaboration avec la communauté internationale se font, à bien des égards, aux dépends de ces tenants de la ligne dure qui n'ont rien à offrir au peuple iranien à part des slogans comme « À bas l'Amérique » et l'utilisation d'une perspective du monde axé sur le choc des civilisations afin de détourner l'attention de la population iranienne des problèmes réellement pressants.
Dans ce contexte, la collaboration est très importante pour affaiblir les tenants de la ligne dure, mais en même temps, il y a un risque qu'une grande entente avec l'Iran escamote les violations des droits de la personne. Il y a donc un risque considérable que le gouvernement iranien interprète mal le message, c'est-à-dire qu'une certaine forme de coopération lui permettra de poursuivre ses activités habituelles.
Cela m'amène à ma dernière observation, qui a trait au genre de réponses que la communauté internationale, y compris le Canada, devrait avoir face à cette situation très complexe. Il y a d'un côté, les tenants de la ligne dure comme le président Ahmadinejad et leurs provocations délibérées, y compris la persécution des bahá’ís, et de l'autre, une culture de réforme et de démocratie qui refait surface parmi les jeunes iraniens. Tandis que la société civile a le pouvoir et que la coopération s'étend à ceux qui veulent une transformation démocratique en Iran, il est essentiel que les purs et durs soient isolés et que nous leur transmettions le message que ce genre d'atrocités auront des conséquences.
J'ai déjà comparu devant le Comité pour discuter, entre autres choses, du cas de Zahra Kazemi. Vous vous souvenez peut-être de la motion qui avait été adoptée pour réclamer une enquête sur Saeed Mortazavi, le procureur général de Téhéran qui est, soit dit en passant, aussi impliqué dans la persécution des bahá’ís, des leaders de mouvement étudiant et des défenseurs des droits de la personne, etc. Quand le premier ministre canadien a demandé l'arrestation de Saeed Mortazavi, qui assistait à la séance inaugurale du Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève à l'été 2006, cette annonce a créé une onde de choc en Iran car soudainement, on exposait la vulnérabilité de l'homme de main apparemment intouchable des purs et durs. Il est regrettable que la motion du Comité n'ait jamais été adoptée par le Comité des affaires étrangères et qu'elle n'ait jamais été présentée à la Chambre des communes.
J'inviterais le Comité à réfléchir dans le cadre de ses délibérations à des façons dont le Canada peut prendre les devants, autrement qu'en condamnant les violations des droits de la personne du gouvernement iranien, pour mettre au point une politique de sanctions ciblées — que ce soient des interdictions de voyager, des saisies de biens ou des mesures judiciaires pour isoler ces individus qui violent les droits de la personne afin de rester au pouvoir, pour que ces purs et durs soient isolés sans isoler l'ensemble du peuple iranien. La plupart des Iraniens ne veulent rien savoir de ce genre d'incitation à la haine.
Je vais m'arrêter ici, monsieur le président, et je serai disposé à répondre à vos questions.
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Je vous remercie beaucoup de l'occasion qui m'est donnée de discuter avec le comité aujourd'hui .
[Traduction]
Je vous suis très reconnaissante de me donner l'occasion de m'adresser à vous aux côtés de M. Akhavan pour discuter de la menace imminente à la vie des dirigeants bahá’ís en Iran dans le contexte de la persécution dont est victime la communauté bahá’íe depuis 30 ans. Selon les données démographiques de l'ONU, la communauté compte 300 000 membres, ce qui en fait la plus grande minorité religieuse de l'Iran.
La persécution des bahá’ís d'Iran est symptomatique de la situation critique des droits de la personne en Iran, comme l'a souligné M. Akhavan, et même si nous nous attardons plus particulièrement aux bahá’ís aujourd'hui, la souffrance de leurs concitoyens nous préoccupe grandement.
Le Canada a joué un rôle de chef de file sur la scène internationale pour attirer l'attention sur le dossier des droits de la personne en Iran, mais la dégradation de la situation à cet égard dans ce pays laisse entendre qu'il faut faire plus.
M. Akhavan nous a donné un aperçu des diverses violations des droits de la personne qui ont été commises à l'endroit des bahá’ís par le gouvernement de l'Iran et son clergé. Il a expliqué les motifs qui ont mené à ces attaques, dont le but est d'éradiquer la communauté bahá’íe en tant qu'entité viable, et il a discuté un peu des tensions qui existent en Iran et au sein de son gouvernement à l'heure actuelle.
J'aimerais que nous examinions maintenant la situation urgente pour laquelle nous nous sommes réunis aujourd'hui. Je vais commencer par fournir quelques renseignements généraux.
Il n'y a pas de clergé dans la foi bahá’íe. Les activités de la communauté sont administrées à l'échelle locale et nationale par neuf membres qui sont élus démocratiquement chaque année. Ces élus n'ont pas de pouvoir individuellement, mais font partie de groupes consultatifs qui ont la responsabilité de fournir des conseils spirituels et du réconfort aux bahá’ís, d'organiser des rassemblements pour les offices et la commémoration des jours saints, d'assurer l'éducation spirituelle et morale des jeunes, d'autoriser les mariages, d'offrir l'accès à des documents sacrés et de favoriser un sens d'appartenance communautaire et d'unité. Je fais actuellement partie de l'Assemblée spirituelle nationale des bahá’ís du Canada.
Les sept bahá’ís dont nous discutons du destin cet après-midi étaient des membres d'un groupe de coordination ad hoc chargé d'administrer le mieux possible les besoins de la communauté bahá’íe d'Iran à la suite de la dissolution des assemblées bahá’íes au début de la révolution islamique. Nous appelons ce groupe les Amis en Iran. Des groupes semblables ont été créés au niveau local. Le gouvernement iranien a toujours été au courant de l'existence de ces groupes ad hoc; il tenait d'ailleurs à l'occasion des rencontres avec certains membres pour obtenir ou communiquer de l'information.
Le 14 mai, à l'instar des événements du début de la révolution quand les bahá’ís siégeant à des groupes d'administration ont disparu ou ont été exécutés, les six membres des Amis en Iran — le septième a été détenu en mars — ont été arrêtés. Leurs noms sont: Fariba Kamalabadi Taefi, Jamaloddin Khanjani, Afif Naeimi, Saeid Rezaie, Behrouz Tavakkoli, Vahid Tizfahm, et Mahvash Sabet, qui était leur secrétaire. Ces bahá’ís sont détenus dans la prison d'Evin sans accusations officielles et la plupart sont placés en isolement depuis leur incarcération. Ils sont soumis à des interrogatoires rigoureux et on leur a refusé les services d'un avocat.
Après que la lauréate du prix Nobel Shirin Ebadi a annoncé que sa firme et elle représenteraient ces bahá’ís en cour, ses bureaux ont fermé, elle a fait l'objet de menaces de mort et on a faussement accusé sa fille d'être bahá’íe.
Le 11 février, le procureur adjoint a annoncé que les prisonniers bahá’ís comparaîtraient devant la cour révolutionnaire et qu'une décision serait rendue la semaine suivante concernant les accusations d'« espionnage pour Israël », d'« insulte au caractère sacré de l'Islam » et de « propagande contre le régime ». J'aimerais prendre quelques instants pour répondre à ces accusations, que l'on nie catégoriquement.
L'Iran sait très bien pourquoi le centre mondial bahá'í est à Israël, car il y a contribué. En effet, Baha'u'llah, le fondateur de la foi bahá'íe, a été exilé sur l'ordre du schah d'Iran en Irak, à Constantinople, à Adrianople et pour finir, à Akka, la ville prison où il est décédé en 1892, qui s'appelait à l'époque la Palestine. L'Iran sait aussi très bien que les enseignements bahá’ís reconnaissent que le prophète Mohamet comme étant la manifestation de Dieu et son livre comme étant un livre sacré, puisque les bahá’ís reconnaissent en effet toutes les grandes religions du monde et prônent le respect des autres adeptes.
Enfin, l'Iran sait que les Bahá'ís sont tenus, selon la doctrine de leur foi, d'éviter les politiques partisanes, d'obéir à leur gouvernement et de contribuer à l'avancement de la société.
Il est d'autant plus évident que ces accusations sont sans fondement que les prisonniers bahá'ís se sont fait dire que les accusations seraient abandonnées et qu'ils seraient libérés s'ils reniaient leur foi. En septembre 2008, dans une tentative flagrante de justifier les mesures prises contre les Friends in Iran, une gigantesque pétition a été affichée à l'extérieur d'une mosquée avant le service religieux du vendredi quand l'ayatollah Khamenei prêchait. On incitait les fidèles à la signer lorsqu'ils entraient dans la mosquée.
Voici ce que stipulait cette pétition:
Le bahá'ísme est une secte organisée dont les dirigeants relèvent de l'ombre protectrice de l'occupant militaire agressif de Jérusalem et qui a établi ses fondations en répandant des mensonges sur l'islam et l'Iran et en défendant ouvertement et sans crainte les objectifs politiques, culturels et économiques du sionisme. Non seulement cette organisation bahá'íe sioniste s'en prend-t-elle lâchement à l'islam, mais elle néglige de plus l'humanité et ses principaux besoins. Nous, soussignés, dans l'application de nos devoirs islamiques et humains, demandons au respecté procureur général de ce pays d'affronter tous les éléments de cette organisation et d'en dissoudre l'administration.
Dans une lettre envoyée récemment au ministre des Renseignements, le procureur général de l'Iran a déclaré ce qui suit:
L'administration de la secte bahá'íe, qui se fonde sur des préceptes erronés, est illégale et bannie à tous les égards; ses liens avec Israël et son opposition à l'islam et au régime islamique sont évidents. Il a été prouvé que cette secte constitue un danger pour la sécurité nationale; il faut donc affronter aux termes de la loi les substituts qui agissent au nom des responsables initiaux.
Le procureur général a également réclamé la prise de mesures fermes contre les éléments administratifs de la communauté bahá'íe jusqu'à leur complète destruction.
Le 17 février, le porte-parole judiciaire, M. Jamshidi, a annoncé qu'on avait décidé des accusations qui seraient portées. La semaine suivante, les Bahá'ís étaient mis en accusation.
Il semble que les différentes factions du gouvernement iranien ne s'entendent pas au sujet du sort des prisonniers. Certains, pour des questions d'intolérance religieuse ou un besoin de trouver un bouc émissaire à qui attribuer la catastrophe économique qui les frappe, et d'autres qui espèrent faire avorter le dialogue avec les États-Unis ou attirer le vote des fidèles purs et durs, veulent que les Bahá'ís soient exécutés. Il y en a aussi qui, sans être les amis des Bahá'ís, s'opposent à cette exécution, faisant valoir que pareille mesure ne vaut pas les conséquences politiques qu'il faudra subir sur la scène internationale.
La vie des membres des Friends in Iran est en jeu.
Comme l'a expliqué M. Akhavan, le procès qui sera bientôt intenté contre les sept Bahá'ís survient dans le contexte d'une résurgence des attaques contre les membres de cette religion. Il y a eu 34 arrestations depuis le début de décembre. Des cimetières ont été ravagés, les arbres y ont été coupés, les pierres tombales renversées et fracassées. Des milliers de pamphlets contre les Bahá'ís ont été distribués. Une série d'articles vilipendant les doctrines de la foi bahá'íe ont été publiés dans des médias contrôlés par l'État, et les Bahá'í n'ont pas été autorisés a y répondre. Des séminaires donnant une fausse représentation de la foi bahá'íe et diabolisant les Bahá'ís ont été donnés à des enseignants et à des jeunes, et une liste de 33 pages comprenant les noms, les adresses et les professions des Bahá'ís à Shiraz a été distribuée à la population avec des déclarations du clergé condamnant toute association avec des membres de cette foi.
La liste des atrocités commises ne s'arrête pas là, loin de là, mais il est clair qu'on prépare le terrain pour une attaque systématique contre les Bahá'ís en Iran. La situation est très grave; il y a toutefois une lueur d'espoir. Le jour de l'arrestation des Friends in Iran, le grand ayatollah Hussein Ali Montazeri a publié un fatwa déclarant que les Bahá'ís devraient pouvoir se prévaloir de leurs droits de citoyens et être traités avec compassion, bien qu'ils n'aient pas, selon lui leur propre livre saint, ce qui fait que leur foi n'est pas considérée comme une religion minoritaire protégée.
Au cours des neuf derniers mois, les activistes musulmans en faveur des droits de la personne se sont fait entendre comme jamais auparavant, protestant contre la persécution dont font l'objet les Bahá'ís et réclamant la libération des dirigeants bahá'ís et de tous les fidèles qui sont en prison à cause de leur foi.
Que peut faire de plus le Canada pour encourager ceux qui protègent pacifiquement les droits de la personne en Iran, pour inciter l'Iran à honorer les engagements qu'il a pris librement à respecter les droits internationaux de la personne et pour tenir ce pays responsable de ses actes?
Comme l'a fait remarquer M. Akhavan, l'Iran est sensible à l'opinion internationale. Nous demandons donc au SDIR d'envisager d'appuyer les mesures qui pourraient être prises pour faire adopter une motion par tous les partis présents à la Chambre des communes. Nous voudrions que cette motion exige que l'Iran libère immédiatement les sept membres des Friends in Iran ou, au moins, révise les accusations portées contre les Bahá'ís et assure à ces derniers un procès ouvert et équitable en présence d'observateurs internationaux et mette également fin aux violations des droits de la personne dont sont victimes les citoyens Bahá'ís et tous les membres des minorités religieuses et ethniques.
L'Iran est plus réceptif aux demandes des pays des Caraïbes, d'Afrique et d'Asie qu'à celles des pays occidentaux. Nous demanderions donc au SDIR de recommander que le Canada aborde la question de la situation urgente des Bahá'ís en Iran avec l'équipe chargée des droits de la personne du Secrétariat du Commonwealth, s'efforce d'informer les pays membres du Commonwealth et les encourage à intervenir bilatéralement en Iran.
Enfin, comme nous l'avons mentionné au début, en raison de la détérioration de la situation des droits de la personne en Iran, et malgré les efforts que déploient le Canada et la communauté internationale pour régler la question, nous demanderions que le SDIR entreprenne une étude approfondie de la situation des droits de la personne en Iran afin d'établir de nouvelles stratégies pour faire complément aux initiatives très importantes déjà en cours et pour prévoir des ressources adéquates afin de les mettre en oeuvre.
Merci beaucoup.
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Plusieurs approches peuvent être adoptées, du point de vue tant multilatéral qu'unilatéral. Il n'en demeure pas moins que'en raison de la complexité de la situation politique en Iran, on ne peut imposer de sanctions systématiques en appliquant un régime de recours en matière de droits de la personne.
Nous nous trouvons dans une situation où une intervention internationale musclée pourrait prévenir des violations beaucoup plus graves des droits de la personne. Voilà pourquoi j'ai commencé en disant que nous sommes à un point déterminant critique. En particulier, comme Mme Tamas l'a expliqué, l'Iran sera en élection cet été, et les tenants de la ligne dure pourraient être tentés de lancer une campagne d'exécutions et d'arrestations massives afin de montrer que la République islamique affronte ses ennemis avec fermeté. Voilà pourquoi la situation est urgente.
Pour ce qui est d'une intervention multilatérale, le Conseil de sécurité a adopté des sanctions ciblées à l'égard de ceux qui s'impliquent dans l'industrie nucléaire. Il faut se demander pourquoi les responsables de crimes contre l'humanité ne reçoivent pas le même traitement. En fait, la question de la menace nucléaire a éclipsé celle des droits de la personnes, alors que les deux sont inextricablement liées.
Je suppose qu'on pourrait même adopter des résolutions où on entreprendrait de nommer et d'exposer certaines personnes — comme Hossein Shariatmadari, rédacteur en chef de la publication Kayhan, qui se fait le porte-parole du gouvernement et qui, ces dernières années, a publié plusieurs centaines d'articles répandant haine et calomnies contre les Bahá'ís, les accusant de collaborer avec les Américains, les Israélites, les Wahabists, les impérialistes russes et j'en passe. Je ne sais pas si des conspirations étrangères m'ont échappé, mais toute cette haine a eu des conséquences bien concrètes, qu'il s'agisse de harcèlement et d'intimidation des écoliers bahá'ís aux incendies criminels et à des menaces de mort bien plus sérieuses.
Soit dit en passant, mon étudiante, Nargiss Tavassolian, la fille de Shirin Ebadi, a également été impliquée. J'ai appris que lorsqu'elle fréquentait l'Université McGill, un informateur a découvert le sujet de sa thèse et l'a communiqué à l'Agence de nouvelles de la République islamique, qui a publié dans un journal bien connu un article où on m'accusait d'avoir converti la jeune fille au bahá'ísme à titre d'agent de l'Agence de renseignement central.
Ce que je trouve particulièrement troublant, c'est que cette campagne de haine s'est maintenant étendue au Canada. Il y a des agents ici, à mon université de Montréal, qui recueillent des renseignements à des fins d'intimidation et de harcèlement. Il faut donc également se demander comment le Canada peut commencer à faire le ménage dans sa propre cour et comment il peut, dans un forum multilatéral, faire des liens entre le respect des droits de la personne et les graves problèmes géopolitiques qui semblent dominer le débat. Il semble qu'on soit peu sensible aux conséquences concrètes et étendues qu'ont ces questions des droits de la personne peu connues sur la situation globale de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient.
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Pour répondre à votre question, monsieur Cotler, il y a eu une augmentation. En fait, les articles diffamatoires sur les Bahá'ís et leur foi et pratiques se sont multipliés au point qu'on peut difficilement se les rappeler tous; je vais donc me référer à un rapport et vous donner un exemple du genre de publications parues entre octobre et janvier de cette année.
IRNA, une organisation médiatique contrôlée par l'État, a publié un article intitulé « Être Bahá'í selon les mémoires de Sobhi », qui est opposé à la foi. En septembre et octobre, un nouveau livret anti-Bahá'ís a été distribué dans un centre culturel de Fardis, dans la province de Fars. Ce document de 30 pages, intitulé « L'idéologie emprisonnée: introduction à la secte perverse des Bahá'ístes », comprenait des fausses informations au sujet de l'histoire de la foi Bahá'í et de sa prétendue association au colonialisme et au sionisme.
À Gilavand, une petite ville à proximité de Téhéran, un article a été publié sous le titre de « Fatwas concernant l'interaction sociale et les transactions commerciales avec les Bahá'ís », où l'on donne des extraits de fatwas interdisant toute interaction avec les Bahá'ís.
Des livrets semblables ont été diffusés à Shiraz et Karaj, et il semble qu'on ait tenu des classes pour étudier ce livret.
À Karaj, un autre dépliant a été publié sur les « dangers de certaines sectes déviantes », où l'on affirmait que la foi Bahá'í était perverse et liée à des cultes pernicieux comme l'adoration du diable. On mettait en garde les citoyens de Karaj contre l'influence dangereuse de ces cultes sur la jeunesse.
La population de Marv Dasht a également reçu une brochure où la population musulmane cherchait prétendument à obtenir des conseils pour savoir si les Bahá'ís sont impurs — demandant notamment si on pouvait leur serrer la main ou partager leur repas — et s'il était légal de transiger avec eux. Selon ce document, trois ayatollahs auraient déclaré que les Bahá'ís étaient des infidèles impurs et que les musulmans n'avaient pas le droit de s'associer de quelque façon que ce soit avec eux.
À Shiraz, on donne des cours destinés à 20 000 enseignants qui travaillent pour le ministère de l'Éducation, sous le thème des « fausses religions », où on donne une mauvaise image de la foi Bahá'í.
Je pourrais continuer comme cela; il y en a pour plusieurs pages.
Nous devons nous rappeler que les Bahá'ís se sont vus refuser l'accès aux médias. Ils n'ont aucun moyen de corriger les faussetés répandues à leur sujet. Leur accès aux installations d'impression publiques est restreint. Lorsque leurs maisons sont fouillées, on confisque leurs photocopieurs. Victimes de diffamation, ils ne peuvent corriger les propos tenus à leur endroit.
Il s'établit ainsi une atmosphère de préjudice, qui permet au gouvernement iranien de poursuivre ses persécutions contre les Bahá'ís en toute impunité. Nous sommes heureux que les activistes qui défendent les droits de la personne commencent à se faire entendre, mais ils ne constituent encore qu'une minorité.
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Merci, et merci aussi à nos invités qui ont accepté de se joindre à nous à si court préavis.
L'une des choses que nos témoins nous disent souvent, c'est que les régimes totalitaires cherchent des boucs émissaires pour les diaboliser. Dans un sens, c'est un tour de passe-passe, puisqu'ici, on se sert de la question nucléaire pour dissimuler les crimes qui sont perpétrés.
J'ai été particulièrement troublé lorsque j'ai entendu M. Akhavan parler des agents iraniens au Canada. Je suis certain que tous les Canadiens en seraient révoltés et aussi très inquiets.
Quand vous avez parlé des sanctions ciblées, cela m'a tout de suite rappelé l'échec en Irak, où des centaines de milliers d'enfants en ont payé de leur vie. Je suis donc un peu nerveux.
Chose certaine, je suis également d'avis qu'il faut faire intervenir les pays du Commonwealth. Ceux-ci sont respectés partout dans le monde, et je pense que c'est très important, d'un point de vue stratégique. Toutefois, il est ici question de crimes punissables de la peine de mort, et la vie de ces gens est en danger. Je pense que le comité doit, dès aujourd'hui, envoyer un message très clair.
J'ai une petite question, à la lumière de ce que je viens de dire. Étant donné qu'on dénigre ces gens dans toutes les publications, qu'en est-il du trafic Internet dans ce pays? Exerce-t-on un contrôle rigoureux?
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Il y a évidemment de la censure sur Internet, mais les blogueurs iraniens, les jeunes, sont parmi les utilisateurs d'Internet les plus perfectionnés et ils ont trouvé toutes de sortes de moyens de contourner ces contrôles. Apparemment, après l'anglais, le persan est la langue la plus utilisée sur les blogues; il y a plus de 70 000 blogues en langue perse sur le Web. La jeune génération en Iran est la plus douée dans le domaine d'Internet; les jeunes sont cloués à leur télévision par satellite, et c'est en partie le problème des extrémistes. Même quand les cours du pétrole ont atteint les 140 $ le baril — et encore moins lorsqu'ils se sont repliés sous les 40 $ —, et dans un régime économique qui n'est pas vraiment viable, un système de capitalisme de copinage et de favoritisme à l'égard des groupes particuliers qui appuient le gouvernement, la tentation de créer ce type de distractions est beaucoup plus grande, et c'est pourquoi il y a un risque de mesures de répression massives, d'exécutions et de ce genre de politiques.
J'aimerais rapidement faire deux remarques. Vous avez absolument raison à propos des sanctions collectives. Ce n'est pas en punissant le peuple iranien qu'on réglera le problème. La majorité des gens doivent pouvoir exprimer leurs idées, qui sont en grande partie libérales, quoique nationalistes. L'application de sanctions ciblées est essentielle pour faciliter la transformation en Iran, autant que la menace d'affrontement militaire est une très mauvaise idée, non seulement à cause des dimensions du droit international, mais aussi de la façon dont les extrémistes s'en servent pour rallier les sentiments nationalistes des gens.
L'idée d'un engagement inconditionnel, d'une politique d'apaisement, est également problématique, puisque l'on fermera les yeux sur toute discussion portant sur les violations des droits de la personne. La communauté internationale doit commencer à tenir les dirigeants responsables de diabolisation et d'incitation à la haine pour les crimes qui sont commis.
Les méthodes que nous voyons aujourd'hui sont beaucoup plus subtiles que les exécutions systématiques des années 1980. Des milliers d'articles de journaux méprisent les Bahá’ís et les gens comme Shirin Ebadi qui défendent leurs droits, puis une foule se présente mystérieusement à la porte de celle-ci pour lui proférer des menaces de mort. C'est ainsi que le régime s'y prend pour essayer de faire taire les dissidents.
Pour ce qui est des agents au Canada, sachez qu'il y a une importante communauté iranienne ici, et en général, il s'agit d'une communauté prospère qui adhère à la citoyenneté canadienne. Cependant, justement en raison de l'importance du groupe, le régime a tenté d'infiltrer et d'identifier ceux qu'il considère comme une menace. Cela montre également que le Canada a une influence considérable, probablement parce qu'il est le pays où les Iraniens préfèrent émigrer, après Dubaï. Bon nombre d'entre eux entretiennent des liens très étroits avec les principaux membres du régime et ont commencé à infiltrer la communauté.
Quoi qu'il en soit, c'est une toute autre discussion, mais cela prouve que nous avons un certain poids, compte tenu de cette présence iranienne.
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Bien sûr, monsieur le président.
Tout d'abord, je tiens à remercier nos deux témoins d'avoir accepté de comparaître à si court préavis.
Lorsqu'on entend parler, soit par les témoins d'aujourd'hui, soit par d'autres rapports, de la diabolisation des Bahá'ís, des mots utilisés, de l'identification et de la surveillance de cette communauté, des arrestations qui ont eu lieu et de l'incitation au génocide, je constate que ce n'est que le début. C'est ce que nous avons vu dans beaucoup d'autres pays, et c'est très effrayant.
Le Canada, en tant que champion et auteur, à biens des égards, de la doctrine de la responsabilité de protéger, a l'obligation d'agir. Cette obligation incombe non seulement au comité, qui a adopté la motion présentée mardi dernier, mais aussi au Parlement, à mon avis, qui doit donner son approbation. Grâce à cette séance, j'espère que nous pourrons demander au Comité des affaires étrangères d'adopter la motion qui a été adoptée par notre comité, puis tenir un débat à la Chambre des communes, afin que celle-ci se prononce également sur cette question.
C'est une affirmation, mais aussi une motion.