SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 10 mars 2009
[Enregistrement électronique]
[Français]
À l'ordre. Nous formons le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous tenons aujourd'hui notre sixième séance.
[Traduction]
Nous accueillons quelques témoins et j'ai bien hâte de les entendre, mais auparavant, M. Marston m'a fait remarquer plus tôt que nous avions une question de régie interne à régler.
Merci, monsieur le président.
Hier, des Tibétains faisaient des démarches auprès de divers députés. Je suppose qu'il y a d'autres membres du comité qui ont également fait l'objet de ces démarches. Je veux donc vous donner préavis du dépôt d'une motion à la prochaine séance.
Vouliez-vous que je la lise ou que j'attende tout simplement?
Aucun problème. Nous aurons des copies dans les deux langues officielles pour notre prochaine séance. Elle concerne 11 prisonniers, et je demande à notre gouvernement d'intercéder.
J'ai participé à quelque chose du genre — du moins une version semblable — il y a quelques années. Cela a été très efficace.
Je vous félicite, monsieur Marston de le faire. Je ne suis pas censé donner mon opinion, mais je viens de le faire.
Nous avons un deuxième point à régler. Le greffier va vous remettre une demande de budget de fonctionnement, pour que vous l'approuviez.
Je donne la parole au greffier.
Mesdames et messieurs, voici un budget de fonctionnement pour notre sous-comité. Il prévoit les dépenses pour les témoins. J'ai estimé que nous entendrons vraisemblablement 25 témoins, à raison de 1 200 $ chacun. Cette somme est au titre des déplacements en avion, de l'hébergement, etc.
Le sous-comité doit d'abord l'approuver, puis nous devons l'acheminer au comité principal. Toutefois, il n'est pas nécessaire que nous passions par le comité de liaison car il totalise moins de 40 000 $.
[Français]
En ce qui concerne les trois vidéoconférences, s'agit-il de personnes qui ne peuvent pas se déplacer?
C'est seulement une possibilité, au cas où le sous-comité opterait pour entendre les gens par vidéoconférence. Par exemple, ce matin, l'une des raisons pour lesquelles nous sommes dans cette pièce est qu'à l'origine, Human Rights Watch avait demandé de procéder par vidéoconférence. Finalement, l'organisme a décidé d'envoyer M. Stork. Cette pièce est équipée pour les vidéoconférences, mais aucune n'est prévue. C'est seulement pour le cas où on déciderait de procéder ainsi.
Je n'ai rien contre les vidéoconférences, mais on sait que les témoins qui se présentent en personne en profitent souvent pour venir rencontrer les différents partis et exposer leur point de vue. C'est également une occasion pour eux de nous sensibiliser à certains sujets, en dehors des travaux du comité. C'est pourquoi je m'informais. Personnellement, je privilégie les témoignages face à face, afin que les témoins puissent rencontrer d'autres membres de nos partis respectifs et de nous sensibiliser davantage aux sujets abordés en comité.
[Traduction]
Monsieur le président, seulement quelques mots car je sais que nous avons des témoins à entendre.
S'il survient une situation exceptionnelle, nous pourrions toujours demander des fonds additionnels, au besoin.
Parfait.
Cela dit, j'aimerais proposer l'approbation du budget.
(La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
À titre d'information, ai-je bien entendu que si le montant est inférieur à 40 000 $, il n'est pas nécessaire de passer par le comité de liaison? Est-ce exact?
Oui, c'est exact.
Je pense que c'est terminé pour nos questions de régie interne et que nous pouvons nous tourner vers nos témoins. Nous accueillons trois éminents témoins. Habituellement, nous disons que nos témoins se passent de présentation, puis nous faisons de longues présentations. En fait, je ne ferai rien de la sorte car il faudrait que ces présentations soient très longues étant donné que nos témoins sont des personnes éminentes.
Keith Rimstad représente Amnistie Internationale. Joe Stork est le directeur adjoint de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. Et Jared Genser vient de la University of Pennsylvania Law School, où il est chargé de cours en droit.
Habituellement, nous accordons 10 minutes à chaque témoin. Étant donné que notre comité fonctionne par consensus, ce qui veut dire que nous n'appliquons pas ces règles de façon rigoureuse, mais si vous dépassez le temps imparti, cela commence à créer des problèmes au niveau des questions et des réponses.
J'inviterais donc l'un de vous à commencer et nous verrons. Je vous laisse décider qui commence.
Je vais commencer.
Monsieur le président, madame et messieurs les membres de ce distingué comité, j'ai comparu devant vous il y a quelques années pour vous faire part de ma profonde et grande inquiétude au sujet de la grave situation des droits de la personne en Iran. Malheureusement, la fiche déjà peu reluisante du régime théocratique n'a fait qu'empirer depuis.
Le gouvernement de l'Iran est devenu une grave menace non seulement pour ceux et celles qui s'écartent de ses impératifs autoritaires en Iran, mais aussi pour la communauté internationale, et de plus en plus ses propres voisins dans la région s'inquiètent de son influence. Aujourd'hui, j'aimerais mettre en lumière quelques-unes de mes observations puis formuler plusieurs recommandations à votre intention quant aux mesures précises que le gouvernement du Canada pourrait prendre pour régler ces problèmes importants liés aux droits de la personne.
La République islamique d'Iran, dont la population atteint quelque 70 millions d'habitants, est dirigée par un gouvernement constitutionnel et théocratique dominé par les religieux musulmans chiites, qui imposent leur point de vue fondamentaliste et conservateur de l'islam à la population. Parallèlement, le pays a accepté d'être lié par cinq grands traités internationaux des droits de la personne, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Ces traités ne garantissent pas seulement des droits précis aux citoyens d'Iran. Ils exigent également que le gouvernement de l'Iran, à de nombreux égards, rende son droit intérieur conforme à ces obligations imposées par les lois internationales. Les quatre premiers traités dont il est question obligent le gouvernement de l'Iran à collaborer avec les organismes de surveillance des traités en ce qui concerne son respect de ces obligations.
Quoi qu'il en soit, au cours des dernières décennies, des groupes de défense des droits de la personne, des gouvernements et divers organes des Nations Unies n'ont cessé de faire part de leur profonde inquiétude au sujet des activités du gouvernement de l'Iran, notamment, mais sans s'y limiter, les questions suivantes: exécution de nombreuses personnes -- dont le nombre estimatif, selon les rapports parus depuis la révolution islamique, est de plus de 100 000 --, y compris des jeunes reconnus coupables au terme de procès injustes; des châtiments draconiens sanctionnés par le gouvernement, notamment la mort par lapidation, l'amputation et la flagellation; des arrestations arbitraires et la détention prolongée de prisonniers politiques gardés au secret; la violence, la discrimination juridique et économique à l'endroit des femmes, des minorités ethniques et religieuses, ainsi que des gais, lesbiennes, personnes bisexuelles et transgenres; de graves restrictions aux libertés civiles comme la liberté de parole, d'expression, d'assemblée, d'association, de religion, de mouvement, et la protection de la vie privée; et de graves restrictions aux droits des travailleurs, notamment le droit de se syndiquer et de négocier collectivement.
Outre ces grandes catégories d'abus à l'interne, le gouvernement de l'Iran constitue une force déstabilisatrice dans l'ensemble du Moyen-Orient, en particulier par son rôle de principal bailleur de fonds et de partisan du Hezbollah et du Hamas et de leurs activités terroristes à l'encontre des populations civiles d'Israël. Le gouvernement de l'Iran continue à inciter au génocide de par les commentaires du leader suprême, Ali Khamenei, du président Mahmoud Ahmadinejad et leurs mandats visant à « faire disparaître de la carte » l'État d'Israël en déclarant « Il n'y a qu'une solution au problème du Moyen-Orient, l'annihilation et la destruction de l'État juif » ou « s'ils [les juifs] se rassemblent tous en Israël, cela nous évitera de les poursuivre partout dans le monde ».
En effet, le 4 mars 2009, donc mardi dernier, le leader suprême, Khamenei, a une fois de plus parlé d'Israël en tant que « tumeur cancéreuse », exhortant les personnes présentes à « résister », son euphémisme pour recourir à la violence comme seule solution. Et le président Ahmadinejad a réitéré une fois de plus son déni de l'Holocauste en disant « L'histoire de l'Holocauste, une nation sans territoire et un territoire sans nation... sont les plus grands mensonges de notre époque ».
Ces commentaires sont des plus préoccupants en raison des tentatives continues de l'Iran d'obtenir les technologies nucléaires. Jusqu'à maintenant, trois séries de sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l'ONU n'ont pas mis un frein au programme d'enrichissement d'uranium de l'Iran, qui peut servir à des fins pacifiques, mais aussi pour créer des armes nucléaires.
En réponse aux critiques relativement à sa fiche en matière de droits de la personne, le gouvernement de l'Iran offre une réponse insatisfaisante. En guise d'illustration, Ibrahim Raisi, le numéro deux de la magistrature en Iran, a récemment déclaré:
Les prétentions de l'Amérique et de certains pays européens au sujet de la violation des droits de la personne par certains États ne visent pas à défendre les droits de la personne, et ils s'en servent plutôt pour exercer des pressions politiques sur les pays du tiers monde et en voie de développement, en particulier la République islamique d'Iran.
Toutefois, contrairement à l'assertion de M. Raisi, il n'existe pas une norme pour l'Occident et une autre pour les pays du tiers monde et en voie de développement. Bien au contraire, tous les pays qui choisissent de céder leur souveraineté en devenant signataires de traités internationaux sur les droits de la personne sont tenus de respecter la même norme.
À la fin de sa dernière session, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 63/191, sa sixième résolution annuelle consécutive sur la situation des droits de la personne en Iran.
En plus de présenter une longue liste détaillée d'abus de la sorte plus tôt dans mon témoignage, j'utiliserais des adjectifs comme « permanent », « systématique », « persistant » et « grave ». Bien que de telles descriptions aient peu d'incidence au plan émotif, étant donné qu'elles semblent passablement débranchées de la réalité, il est important de se rappeler que chacun de ces abus des droits de la personne par le gouvernement de l'Iran se rattache à un visage humain. Je vais vous donner trois exemples récents qui décrivent bien ces abus.
Le 14 janvier 2009, Aziz Samandari, un membre de la foi baha'ie, a été arrêté dans le cadre d'une descente dans plusieurs résidences de membres de cette foi. Des hauts fonctionnaires du ministère du Renseignement ont confisqué des livres, des documents et des photographies relatifs à cette foi, ainsi que des ordinateurs et des CD. Il est gardé au secret dans la célèbre prison Evin, et on lui a refusé l'accès à un avocat. Le seul soi-disant crime qu'il ait commis est celui d'avoir la foi baha'ie. Son droit à la liberté de religion est garanti à l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le PIRDCP, dont l'Iran est signataire.
Le deuxième exemple est survenu le 2 février 2009 lorsque Alieh Eghdam Doust a commencé à purger une peine d'emprisonnement de trois ans à Téhéran pour avoir participé à des protestations en 2006 pour exiger davantage de droits pour les femmes. Parmi les personnes arrêtées lors de cette marche, 14 ont été accusées de délits criminels, notamment « avoir fait de la propagande contre le régime en place ». On refuse aux femmes des droits égaux en mariage, divorce, garde d'enfants et héritage. Les preuves fournies par une femme devant un tribunal ont la moitié de la valeur de celles fournies par un homme, et une fille de moins de 13 ans peut être obligée de se marier à un homme beaucoup plus âgé si son père y consent. Le droit de liberté d'expression de Mme Eghdam Doust est garanti en vertu de l'article 19, et ses droits de liberté d'assemblée et d'association sont garantis en vertu des articles 21 et 22 respectivement du PIRDCP.
Finalement, le 18 février 2009, deux Iraniennes militantes des droits dans le domaine du travail, Sousan Azadi et Shiva Kheirabadi, ont été flagellées à l'intérieur de la prison centrale de Sanandaj, la capitale de la province du Kurdistan iranien, après avoir été reconnues coupables d'avoir participé à des célébrations du Premier Mai. Mme Azadi a reçu 70 coups de fouet, et Mme Kheirabadi, 15.
Les travailleurs Iraniens luttent pour former des syndicats indépendants, mais sont continuellement confrontés à la répression de l'État. Le gouvernement et la magistrature ont régulièrement abusé du système de justice pour emprisonner et réduire au silence les militants syndicaux. Ces droits sont garantis en vertu de l'article 22 du PIRDCP, et l'Iran, en tant que membre de l'Organisation mondiale du Travail, est tenu de respecter et de mettre en oeuvre ces droits.
Bien que chacun de ces petits exemples décrive des violations du PIRDCP, de nombreuses violations d'autres traités dont l'Iran est signataire ont également été documentées. Comme je l'ai expliqué, la fiche de l'Iran en matière de droits de la personne est parmi les pires dans le monde aujourd'hui. Malgré l'impunité qui caractérise le gouvernement de l'Iran, il est essentiel pour des pays comme le Canada de rester solidaires des victimes, de faire connaître leurs réelles souffrances et de continuer d'exercer des pressions sur le gouvernement de l'Iran pour qu'il modifie son comportement.
Plus précisément, je recommanderais au gouvernement du Canada les trois mesures suivantes: premièrement, se servir du fait qu'il est membre du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies pour soulever la question de l'Iran et pour lutter contre les efforts déployés par des pays pour éliminer les rapporteurs et les résolutions propres à un pays. Ces dernières années, l'ancien poste de représentant spécial des droits de la personne en Iran, qui avait été initialement créé en 1984 par l'ancien commissaire aux droits de la personne, a été éliminé. Je crois que le Canada devrait déployer des efforts multilatéraux au sein du conseil pour obtenir que ce poste soit rétabli. Une telle mesure, si elle réussit, fournira un mécanisme pour mettre régulièrement faire connaître à cet organe des Nations Unies les abus qui ont cours en Iran.
En outre, le gouvernement de l'Iran doit faire l'objet, au début de 2010, d'un examen périodique universel aux quatre ans. Il s'agira d'une occasion importante pour questionner l'Iran au sujet de ses échecs en ce qui concerne le respect de ses obligations imposées par les lois internationales sur les droits de la personne. J'espère que le gouvernement du Canada le fera avec vigueur, et je m'y attends.
Deuxièmement, je crois que le gouvernement du Canada devrait s'attaquer aux incitations faites par le gouvernement de l'Iran au génocide contre l'État d'Israël et le peuple juif dans toutes les tribunes appropriées. Cela comprend une plainte d'État à État que le gouvernement du Canada pourrait déposer contre le gouvernement de l'Iran à la Cour internationale de Justice en vertu de l'article 9 de la convention sur le génocide. De plus, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait considérer l'incitation par l'Iran au génocide comme une menace à la sécurité et à la paix au niveau international en vertu d'un renvoi aux termes du chapitre 7 devant la Cour pénale internationale.
Troisième et dernière recommandation, je crois que le gouvernement du Canada, plus particulièrement le Parlement, pourrait apporter un soutien financier et moral supplémentaire aux groupes irano-canadiens et iraniens qui documentent les abus des droits de la personne par le régime iranien et qui en font rapport.
Bien que ce dernier genre de soutien puisse devoir être fait discrètement pour éviter de saper leurs efforts à l'intérieur de l'Iran, il est essentiel de documenter les abus qui ont cours en Iran de façon à ce qu'ils puissent être signalés dans le reste du monde. Heureusement, il y a de nombreux défenseurs des droits de la personne iraniens qui sont braves et qui sont prêts à courir les risques nécessaires pour signaler la gravité des abus qui ont cours et, grâce à cette information, la communauté internationale est mieux placée pour agir.
À force de persévérance et en se fiant à l'esprit courageux du peuple iranien qui aspire à la liberté, j'espère de tout coeur que nous verrons de notre vivant la fin des abus systématiques exercés par le régime iranien. Certains peuvent penser que ce n'est pas possible, nous savons en tout cas ce qui se passera si nous ne faisons rien. Nous n'avons pas le choix, nous devons persévérer dans nos efforts.
Merci.
Merci monsieur Genser. Dix minutes exactement. Les membres du comité devraient tous prendre note de votre exactitude et suivre votre exemple.
À qui le tour maintenant?
Monsieur Stork, je vous en prie.
Merci monsieur le président. Je remercie aussi les membres du comité et les invités.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que depuis des décennies, sous le régime du gouvernement du président Ahmadinejad, les droits de la personne en Iran posent des problèmes incroyables. Depuis qu'il a pris le pouvoir à l'été 2005, les violations de ces droits se sont particulièrement aggravées et elles s'empirent au fil des ans.
Le gouvernement utilise habituellement la sécurité nationale comme prétexte pour réduire au silence les opposants politiques. Ainsi, nous avons assisté en 2008 à une augmentation considérable des arrestations de militants politiques, d'universitaires et d'autres personnes qui ont exercé pacifiquement leurs droits de liberté d'association et de liberté d'expression.
Permettez-moi de commencer par les libertés d'expression et de réunion. Les journalistes et les rédacteurs qui ont écrit des articles sur les minorités ethniques et les activités de la société civile sont particulièrement ciblés. Le conseil national de sécurité iranien a plusieurs fois mis en garde, officiellement et officieusement, les journalistes contre toute tentative d'assurer l'information de tels sujets, ainsi que des sujets plus courants comme les violations des droits de la personne et les protestations sociales, notamment celles des travailleurs. Beaucoup d'écrivains et d'intellectuels ont du quitter le pays ou cesser leurs critiques pour échapper à la prison. Le gouvernement a licencié les professeurs universitaires dissidents ou les a obligés à prendre une retraite anticipée, ces mesures ont été renforcées en 2008. Le gouvernement a aussi, tout récemment, empêché l'inscription des étudiants militants aux programmes des semestres prochains offerts par les collèges.
Je ferai aussi remarquer que le gouvernement a systématiquement bloqué les sites Internet iraniens et étrangers qui diffusent des nouvelles politiques ou présentent des analyses politiques.
Dans le domaine de la liberté d'association, le gouvernement exerce plus de pression sur les organisations de la société civile qui revendiquent une amélioration des droits de la personne et de la liberté de parole. Ainsi le Centre pour la défense des droits de l'homme dirigé par Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix, et l'Association des journalistes iraniens ont été ciblés par le gouvernement.
Le 2 octobre de l'année dernière, l'agence de presse officielle a averti Mme Ebadi de ne pas abuser de la tolérance du gouvernement au moment même où cette dernière recevait de nombreuses menaces de mort anonymes.
Des officiers du renseignement du gouvernement ont obligé Mohammad Sadigh Kaboudvand, journaliste et défenseur des droits de la personne, de mettre fin aux activités de son ONG, Defending the Human Rights in Kurdistan. Il a été condamné à 11 années de prison au mois de juin pour action contre la sécurité nationale et propagande contre l'État.
Je voudrais revenir sur un point soulevé par M. Genser au sujet de la justice pénale et particulièrement sur l'utilisation de la peine de mort pour les délinquants juvéniles — des personnes de moins de 18 ans accusées d'avoir commis une infraction. Le droit iranien autorise la peine de mort pour les personnes ayant dépassé l'âge de la puberté, soit 15 ans pour les garçons et 9 ans pour les filles. En 2008, six personnes au total ont été exécutées pour des crimes supposément commis alors qu'elles n'avaient pas encore 18 ans. Depuis janvier 2005, l'Iran est responsable de 26 des 32 exécutions connues de délinquants juvéniles dans le monde.
Il faut noter que ces peines sont généralement, issues de procès inéquitables et que les exécutions sont elles-mêmes souvent en violation du droit iranien, par exemple le fait de ne pas avertir les familles et les avocats 48 heures avant l'exécution.
En ce qui concerne le droit de parole, de réunion et d'association, j'attire l'attention sur la situation des défenseurs des droits des femmes en Iran. En 2008, le gouvernement a sensiblement renforcé ses mesures de répression en détenant arbitrairement des douzaines de femmes, en leur interdisant de voyager et en les harcelant. Par exemple, huit militantes ont été arrêtées au mois de juin alors qu'elles commémoraient une réunion précédente qui avait été interrompue par la police.
Au mois d'octobre de l'année dernière, Esha Momeni, une étudiante irano-américaine qui étudiait le mouvement des droits des femmes en Iran, a été arrêtée et détenue pendant trois semaines à la prison d'Evin. Des agents de sécurité ont saisi son ordinateur ainsi que des enregistrements de militants des droits des femmes qu'elle avait filmés.
Au cours du même mois, en octobre, des agents de sécurité ont empêché Sussan Tahmasebi, dirigeante de la campagne Un million de signatures pour l'égalité, de monter à bord d'un avion et ils lui ont confisqué son passeport, tout cela sans porter aucune accusation.
En septembre, la cour d'appel de Téhéran a confirmé les peines d'emprisonnement et de coups de fouet infligés aux deux défenseurs des droits des femmes qu'a mentionnés M. Genser.
Les minorités ethniques et religieuses comptent parmi les autres groupes iraniens particulièrement ciblés par le gouvernement. Ces minorités sont victimes de discrimination, et dans certains cas, de persécutions, surtout dans les provinces du nord-ouest du Kurdistan et de l'Azerbaïdjan. Le gouvernement limite les activités culturelles et politiques des militants azéris et kurdes, et aussi des organisations non gouvernementales dont le travail est axé sur les questions sociales. Le gouvernement les accuse généralement de prendre le parti des groupes d'opposition armés et de menacer la sécurité nationale. Bien que le gouvernement de l'Iran, comme tout autre gouvernement, a le droit et l'obligation de lutter contre la violence armée, dans la plupart des cas que nous avons suivis, aucune preuve présentée au tribunal établissait un lien entre ces activités et les personnes accusées.
Je signale en passant que c'est le cas de Human Rights Watch qui n'est pas autorisé à entrer en Iran depuis quelques années pour faire des recherches. Si je peux anticiper les recommandations que je ferai au gouvernement du Canada, je lui demanderais de communiquer avec les organisations internationales de défense des droits de la personne telles que Human Rights Watch, Amnistie Internationale et les autres pour toutes ses interventions publiques et le rapport du comité.
Pour ce qui est des minorités religieuses telles que les bahá'ís, je sais que vous avez déjà entendu les témoignages des représentants de leur communauté. Je ne crois pas pouvoir ajouter quoi que ce soit sinon que c'est une préoccupation que nous partageons. Je souligne aussi que les représentants, y compris le clergé des Sunnis iraniens, ont aussi été victimes de harcèlement, d'arrestations, etc.
Finalement, je reviens aux contacts avec les organismes indépendants de défense des droits de la personne. L'Iran n'a bien sûr pas autorisé les organismes spéciaux de l'ONU à entrer dans son territoire depuis l'été 2005, époque à laquelle M. Ahmadinejad est devenu président, et ce, en dépit d'un engagement préalablement pris par le gouvernement iranien à l'occasion de l'invitation ouverte qu'il avait faite à tous ces organismes.
Je soulignerai très brièvement quelques recommandations, si vous le permettez. Tout d'abord, en appui à la recommandation de M. Genser, je pense qu'il serait bon que le gouvernement continue à utiliser l'assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme pour assurer le respect des droits de la personne en Iran. Le gouvernement iranien dit qu'il ne s'en soucie pas. En fait, je crois qu'il s'en soucie beaucoup. Surtout quand une coalition de pays se réunit pour adopter la résolution, bien sûr qu'il s'en soucie. Il est aussi très important de continuer à demander la nomination par le Conseil des droits de l'homme d'un représentant spécial ou d'un rapporteur spécial qui sera chargé de suivre la situation préoccupante des violations systématiques et permanentes des droits de la personne en Iran.
Deuxièmement, il faut bien sûr faire en sorte que les droits de la personne soient à l'ordre du jour de toutes les réunions, de tous les dialogues et de toutes les rencontres diplomatiques que le Canada peut avoir avec le gouvernement iranien.
Troisièmement, cela se rapporte particulièrement à l'affaire de Zahra Kazemi, la journaliste photographe irano-canadienne tuée en détention en 2003. Je sais que le gouvernement suit cette affaire, qu'il en tient responsable des individus impliqués ainsi que l'ensemble du gouvernement iranien. Et il envisage de lancer des mandats d'arrêts internationaux contre certains individus dont on sait qu'ils sont impliqués dans la détention et la mort de Mme Kazemi.
Finalement, c'est un point plus général. Lorsqu'il évoque les droits de la personne en Iran, il est extrêmement important, vu la gravité de la situation, que le Canada le fasse, où que ce soit, particulièrement à l'assemblée générale de l'ONU et au Conseil des droits de l'homme, etc., en prenant au sérieux les violations des droits de la personne dans les autres pays de la région; je pense particulièrement au Moyen-Orient et à l'Afrique du Nord.
Je le dis franchement, les critiques à l'égard de l'Iran sont plus efficaces si on y inclus les graves violations des droits de la personnes commises par d'autres États de la région même si leur politique peut être différente de celle de l'Iran, qu'il s'agisse d'États arabes ou d'Israël.
Merci.
Merci.
Une fois de plus, nos témoins ont très bien respecté leur temps de parole.
Passons à notre troisième témoin.
Monsieur Rimstad, c'est à vous.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de me donner l'occasion d'exprimer nos préoccupations concernant l'Iran.
Avant de commencer, j'aimerais seulement signaler qu'un membre de notre groupe parlementaire, Tarek Hassan, est présent. Vous le verrez probablement à l'avenir. Je voulais seulement vous le présenter.
Mes collègues ayant déjà soulevé la plupart des questions dont je voulais parler, je vais essayer d'éviter les répétitions en commençant par une évaluation de la situation en Iran qui s'est aggravée, surtout ces quatre derniers mois. Il semble que les violations des droits de la personne augmentent surtout à l'endroit de groupes et de secteurs particuliers de la société. Cette situation peut être liée aux prochaines élections prévues pour le mois de juin de cette année.
Nous avons relevé que, depuis le début de l'année, plus de 220 personnes ont été arrêtées arbitrairement. On compte parmi elles des militants politiques et d'autres militants. Nous avons aussi noté que des mesures avaient été prises, en particulier contre les étudiants. Dans un cas précis, au mois de janvier, alors que des étudiants manifestaient contre les attaques d'Israël contre Gaza, et que l'on pourrait imaginer que le gouvernement n'y serait pas opposé, il s'y est opposé en fait car les étudiants avaient décidé eux-mêmes de manifester. La police est intervenue, a mis fin à la manifestation et a procédé à l'arrestation d'un certain nombre d'étudiants.
Donc, même lors d'une manifestation que le gouvernement iranien pourrait soutenir, il intervient. Précisément, parce qu'en Iran toute action indépendante prise par un secteur quelconque de la société civile est perçue comme une menace.
En ce qui concerne les préoccupations, je parlerai du système judiciaire et des lois en Iran qui sont très loin de ressembler aux normes internationales. Le système judiciaire n'est pas indépendant. Le libellé de nombreuses lois contenues dans la constitution iranienne est extrêmement vague. Des expressions telles que « agir contre la sécurité nationale », « répandre des mensonges », « faire de la propagande contre le système »,« créer la confusion dans l'esprit du public », « insulter ce qui est sacré », « diffamer les représentants de l'État » sont souvent utilisées pour cibler les membres des minorités ethniques et religieuses en Iran, ainsi que les défenseurs des droits de la personne et d'autres membres de la société civile.
Les punitions qui peuvent être infligées à ces personnes vont de l'amende à la peine de mort, selon les circonstances et l'interprétation des lois.
Beaucoup de personnes sont détenues arbitrairement et secrètement pendant longtemps. Dans certains cas, leur détention et leurs lieux de détention ne sont découverts que lors du verdict.
Les juges peuvent interpréter les preuves comme ils le veulent et décider du verdict. Ils s'appuient quelquefois sur des dispositions très imprécises connues sous le nom de « connaissance du juge ».
L'usage de la torture est répandu et vise principalement à obtenir des renseignements avant l'accusation officielle. Les mauvais traitements infligés sous forme de punition judiciaire, comme les coups de fouet ou l'amputation de membres sont monnaie courante.
L'impunité pour violations aux droits de la personne est pratiquement absolue. Les préoccupations d'Amnistie remontent au tout début de la République islamique, surtout en 1988 lors de l'exécution de milliers de prisonniers politiques pour vider les prisons. Ces prisonniers avaient été arrêtés durant les premières années de l'instauration de la République islamique. Bien sûr, dans le cas de Zahra Kazemi, bien que nous avons vu quelques progrès du moins au niveau des accusations contre des fonctionnaires de bas niveau, une seule personne a subi un procès et a été jugée non coupable.
Je voudrais souligner les recommandations présentées par mon collègue, M. Stork, qu'il est très important que le Canada... Car beaucoup de citoyens canadiens d'origine iranienne courent le risque quand ils retournent là-bas pour visiter leurs familles qu'ils aident financièrement, de rencontrer les mêmes difficultés que Mme Kazemi.
Il est important que le Parlement ainsi que le gouvernement prennent des mesures d'action énergiques en leur nom pour forcer les autorités iraniennes à rendre compte de la situation de ces personnes et pour s'assurer que ces dernières ont accès à des responsables consulaires. Les autorités iraniennes disent souvent que parce que ce sont des Iraniens ou que ces personnes ont la double citoyenneté, elles ne reconnaissent pas la citoyenneté canadienne. Je pense qu'il est important que vous fassiez des pressions. Le peu de progrès que nous avons vu dans l'affaire Kazemi a été le fait des pressions exercées sur les autorités iraniennes par cette Chambre et par le gouvernement. Il est absolument important de continuer dans cette voie.
Pour ce qui est de la liberté d'expression, la situation s'étend et s'aggrave. Cela touche non seulement les journaux et les journalistes, mais cela touche également les ONG et quiconque cherche à avoir accès de manière régulière à Internet. Les autorités exercent un contrôle sévère sur Internet. Il y a des lois en préparation qui, lorsqu'elles prendront effet, limiteront encore davantage l'utilisation d'Internet. Je reviendrai sur cette question dans quelques minutes.
En ce qui concerne la peine de mort, je veux simplement dire que l'an dernier, Amnistie Internationale a recensé 346 exécutions dont huit touchant des jeunes. Un autre jeune a été exécuté cette année, en janvier. C'est un problème majeur. En fait, cela va à l'encontre des obligations internationales de l'Iran, et c'est une situation que l'on doit dénoncer vigoureusement.
En ce qui concerne les prisonniers politiques passibles de la peine de mort, ils sont souvent accusés d'être des « ennemis de Dieu ». Par conséquent, il est très difficile pour ces personnes de se défendre.
Sur la question des minorités religieuses, je pense qu'il est important de noter que toutes les minorités religieuses, même celles qui sont acceptées en vertu de la constitution iranienne, font face à une répression qui prend divers visages. Cela dépend du contexte et de la situation, mais les chrétiens, les juifs, les zoroastriens et les minorités religieuses non reconnues, comme la communauté baha'ie, font l'objet de différentes forme de répression, et peut-être même de persécution dans certaines circonstances. Il s'agit d'un problème persistant qu'il faut régler.
Concernant la question des minorités ethniques, je veux simplement dire ici que la discrimination étendue ne s'arrête pas à la simple répression politique, mais qu'elle se répercute également au niveau de l'éducation, de l'accès aux services gouvernementaux, des conditions de vie et du logement pour les pauvres, etc. La discrimination réelle couvre toute l'étendue des préoccupations en matière de droits de la personne.
En ce qui concerne les droits fondamentaux des femmes, c'est un secteur qui a connu certains progrès au cours des dernières années du fait que les femmes cherchent activement à améliorer leurs droits. Malheureusement, il y a eu un recul sous le régime du président actuel, mais les femmes continuent de se battre pour défendre leurs droits. C'est un domaine important pour Amnistie Internationale et je pense qu'il devrait s'agir d'un domaine important pour le gouvernement canadien qui devrait faire tout ce qu'il peut pour appuyer les activistes sur le terrain et inciter l'Iran à respecter ses obligations internationales. Nous devons reconnaître en même temps que de nombreux activistes qui quittent l'Iran et qui parlent de leur situation risquent, à leur retour au pays, d'être arrêtés ou de perdre leurs privilèges de voyager. Ce sont des mesures qui ont été prises par les autorités iraniennes.
Je veux parler brièvement de l'arrestation de membres de la famille de membres de la People's Mojahedin Organization of Iran. Je pense que de nombreux membres du comité ont été informés par la communauté iranienne vivant ici au Canada de la question des membres de l'organisation qui vivent dans le camp d'Ashraf. En janvier dernier, des membres de leurs familles en Iran, surtout des femmes âgées entre 60 et 85 ans, ont tenté de sortir d'Iran pour leur rendre visite en Irak. Elles ont été arrêtées, détenues et sont actuellement emprisonnées. C'est la menace qui se poursuit. Je connais des cas de réfugiés potentiels, de personnes qui ont eu un lien avec la People's Mojahedin Organization of Iran et qui cherchent à obtenir le statut de réfugié au Canada. Cette question continue de préoccuper Amnistie Internationale. Ce ne sont pas toutes les personnes qui font une demande de statut de réfugié en provenance d'Iran qui sont à risque, mais c'est clair que la situation est en train de s'aggraver en ce moment et qu'il faut faire très attention dans ce genre de cas.
Cela met un terme à mon exposé.
Pour ce qui est des recommandations, je n'ai pas besoin d'en parler; je me limiterai à répéter celles de M. Stork.
Merci beaucoup, monsieur Rimstad.
Je remercie tous nos témoins.
Avant de passer aux questions, j'aimerais parler de quelques points de régie interne. Si je veux le faire maintenant, c'est que, comme il arrive souvent, nous pourrions être pressés par le temps et je ne voudrais pas interrompre les discussions pour parler de questions administratives.
La réunion de jeudi sera une réunion d'une heure, et non pas d'une heure et demie, parce que nous n'avons pas de témoins. Je propose que nous examinions la liste des témoins et que nous essayions d'élaborer une certaine structure pour les gens qui vont venir témoigner. Cela nous donnera l'occasion d'étudier la motion de M. Marston.
Je veux également dire que nous avons reçu des déclarations de M. Rimstad et de M. Stork. Celle de M. Stork a été distribuée. Celle de M. Rimstad sera traduite et distribuée. Espérons que vous l'aurez d'ici jeudi. Nous nous en excusons, mais nos règles nous interdisent de procéder autrement.
Troisièmement, je voulais assurer M. Tarek Hassan qu'il est le bienvenu ici. À un niveau plus personnel, Tarek est un vieil ami à moi. Nous disions plus tôt que nous nous connaissons depuis le milieu des années 1980, époque où nous étions tous les deux étudiants à l'Université Carleton. Évidemment, vous connaissez tous les merveilleux liens qui découlent du fait d'avoir été étudiant et diplômé de l'Université Carleton. Il n'est pas nécessaire d'en dire plus.
Enfin, je veux parler des limites de temps. Plutôt que le tour habituel de sept minutes suivi des tours de cinq minutes, nous avons suffisamment de temps pour que tous les membres du comité puissent obtenir une intervention de sept minutes. Je propose que nous le fassions dans l'ordre habituel, c'est-à-dire Parti libéral, Bloc québécois, NPD, Parti conservateur, Parti libéral, Parti conservateur. Cela donnera sept minutes à chacun.
J'invite maintenant le député libéral à commencer.
Merci, monsieur le président.
Je veux également exprimer mes remerciements aux trois témoins de leurs exposés complets qui ont respecté le temps prévu. Ce n'était pas facile à faire, mais cela a été fait de manière très efficace.
Ma première question pourrait s'adresser principalement à M. Stork, mais d'autres pourraient y répondre. Il a parlé de cette question expressément, bien que d'autres en aient parlé également.
Étant donné l'exclusion des organismes et des mécanismes de surveillance internationaux, qu'il s'agisse des Nations Unies, des ONG internationales qui défendent les droits de la personne, comme Human Rights Watch, y a-t-il en Iran des mécanismes efficaces pour exposer et, peut-être, corriger les violations des droits de l'homme? Y a-t-il une quelconque possibilité qu'il y ait une certaine mesure de sensibilisation du public à l'égard des droits de l'homme par l'intermédiaire d'établissements comme le système judiciaire, les groupes de la société civile, les groupes de femmes, le milieu universitaire ou les médias, ou autre chose du genre en Iran?
C'est une bonne question. Je pense que je dois me montrer un peu vague dans ma réponse à cet égard. Je pense que nous avons une société civile très active en Iran sur de nombreux fronts. Il y en a très peu qui se sont reconnues comme des organismes de défense des droits de la personne sous une forme organisée. Mme Ebadi est une des rares personnes à l'avoir fait. En tant que lauréate du prix Nobel, elle a joui d'une certaine immunité, mais elle a également été la cible de critiques. Mais je pense qu'elle jouit également d'un certain degré de protection attribuable à sa renommée internationale.
Elle ne ménage aucun effort pour faire connaître ses préoccupations personnelles au sujet des droits des enfants, qui a été le point de départ de ses préoccupations au sujet des droits de la personne en général, prenant la défense de la communauté baha’ie, par exemple, ainsi que celle de très nombreuses personnes qui ont été dans la mire du gouvernement ou qui ont été arrêtées.
Je pense qu'il y a un degré assez élevé de sensibilisation, particulièrement dans la classe politique. Je dois également dire que du fait que nous sommes exclus du pays, nous avons tendance à avoir un point de vue très centré sur Téhéran. Dans la mesure où les mêmes activités de la société civile, particulièrement les activités axées sur les droits de l'homme, ont lieu dans d'autres parties du pays, la région qui a la plus grande visibilité est probablement la région kurde. Nous savons qu'il y a de l'activisme dans cette région, mais chaque fois que vous êtes devant une situation qui fait intervenir une minorité ethnique — et surtout une minorité ethnique comme celle des Kurdes qui a été liée à diverses époques à des mouvements séparatistes et ainsi de suite —, la justification de la suppression du point de vue de la sécurité est extrêmement forte.
Je ne suis pas sûr de pouvoir ajouter autre chose. Parce que nous ne pouvons pas entrer dans le pays, nous dépendons beaucoup des rapports que nous font parvenir des gens à l'intérieur du pays par Internet, par téléphone et par d'autres moyens de communication.
Je veux simplement poser une courte question à M. Genser.
J'aimerais pousser un peu plus loin la question de savoir ce qui peut être fait depuis l'extérieur du pays. En tant qu'Américain, le président Obama a annoncé une politique d'établissement de liens avec l'Iran — le bâton et la carotte, pour utiliser une métaphore connue.
Que pensez-vous que l'on puisse parvenir à faire avec cette politique d'établissement de liens?
Je pense que le président Obama a raison de parler ainsi, en ce sens qu'il reconnaît qu'il faudra du temps pour établir des liens avec l'Iran.
Les États-Unis et l'Iran ont une longue histoire commune et il y a beaucoup de ressentiment au sein de la population iranienne au sujet du rôle des États-Unis en Iran, remontant au renversement de M. Mossadegh jusqu'au retrait de l'appui au Chah qui a pavé la voie au régime actuel.
Je pense qu'il y a entre le peuple iranien et le peuple américain des amitiés fortes, respectueuses et de longue date, alors, en fait, c'est une question d'avoir de plus en plus de ce genre d'échanges de personne à personne et de laisser nos gouvernements — nous l'espérons — commencer à régler les problèmes petit à petit.
Je suis tout à fait d'accord avec le point de vue de M. Stork qui dit qu'il est vraiment important que le gouvernement du Canada continue de soulever les préoccupations en matière de droits de la personne non seulement en Iran, mais également de manière plus large, parce que l'Iran affirme, à tort, je pense, qu'elle est injustement ciblée. Je pense qu'il est également important de travailler de manière multilatérale. Il est important qu'il n'y ait pas qu'une poignée de voix qui s'élèvent contre ces abus; il est beaucoup plus difficile pour le gouvernement iranien d'ignorer les critiques lorsqu'elles fusent de toutes parts.
Pour revenir à votre question, je pense que le président Obama aborde les discussions de manière prudente; il y a toute une série de questions bilatérales entre l'Iran et les États-Unis, les droits de la personne n'étant qu'une de ces questions. Mais de toute évidence, la question nucléaire, le rôle de l'Iran en Irak et en Afghanistan, le rôle de l'Iran au Moyen-Orient plus vaste, au Liban et dans les territoires palestiniens, sont toutes des questions qui devront être abordées à un moment donné ou à un autre. Mais il y a beaucoup de changements aux États-Unis entraînés par la crise économique. Les choses sont en effervescence en Iran à cause des élections de juin prochain. Reste à voir comment la situation évoluera.
Alors, il y a beaucoup de pièces en mouvement et je pense qu'il faudra un certain temps. Je pense que c'est la raison pour laquelle une approche prudente dans l'établissement de liens est sensée. Je pense que nous n'avons pas d'autre choix que de persévérer, et plus nous pourrons avoir de contacts de personne à personne, mieux ce sera.
[Français]
Je commencerai en m'excusant. Je devrai partir avant la fin des travaux du comité parce que je dois prendre la parole à la Chambre à 14 heures. Ce n'est pas par désintérêt envers ce que vous pouvez apporter à notre comité, soyez-en certains.
Monsieur Genser, vous avez identifié les principaux types de persécution qui sévissaient en Iran, et votre exposé a été très complet.
Monsieur Stork, la capacité de vulgarisation que vous avez démontrée est étonnante et je vous en remercie parce que je suis nouvellement arrivée au comité. Étant néophyte, sous plusieurs aspects, en ce qui a trait à la situation en Iran, j'ai été étonnée de pouvoir comprendre votre exposé.
Monsieur Rimstad, vous avez parlé du traitement arbitraire et de la situation politique. Malgré le fait que vous ayez parlé en dernier et malgré la quantité d'information qu'on avait obtenue des gens qui vous ont précédé, rien n'a altéré la qualité de votre présentation.
Je veux vous remercier tous les trois. Je suis honorée de m'entretenir avec de grands défenseurs des droits humains. On n'en aura jamais trop.
Ma première question s'adressera à vous, monsieur Genser. Vous avez parlé de l'impunité dont le gouvernement irakien bénéficie. J'aimerais que vous précisiez votre pensée, s'il-vous-plaît.
[Traduction]
Je pense qu'il y a de nombreux problèmes en matière de droits de la personne en Iran, mais un des problèmes qui apparaît avec le temps lorsqu'on laisse un régime autoritaire violer les droits de la personne de manière systématique et généralisée pendant des périodes de temps prolongées, c'est que les personnes qui commettent ces abus, lorsqu'elles n'ont pas à rendre compte de leurs gestes, finissent par croire qu'elles sont au-dessus des lois et qu'elles peuvent commettre ces crimes de manière continue sans crainte de représailles.
Ce qui débute par l'obéissance à des ordres portant atteinte aux droits de la personne se transforme en sentiment qu'elles n'ont même plus besoin d'ordres pour commettre ces abus parce que les gens vont détourner le regard. Lorsque les auteurs des crimes commis au nom de la République islamique ne font pas l'objet d'une arrestation, ou d'une enquête, ou d'une poursuite, alors, un climat de peur s'installe au sein de la population et la situation devient très difficile.
[Français]
Merci beaucoup.
Monsieur Rimstad, vous avez parlé d'améliorations apportées à la condition des femmes en Iran. Aujourd'hui, deux jours après la Journée internationale de la femme, j'aimerais savoir en quoi elles consistent.
Monsieur Stork, sur les plans bilatéral et multilatéral, quels États ont exprimé une préoccupation face à la situation des droits de la personne, et en quoi ont-ils contribué à améliorer cette situation?
[Traduction]
Je ne veux pas donner au comité l'impression que la situation des droits de la femme est excellente en Iran. Je ne faisais que remarquer que depuis la révolution islamique, le nombre de femmes s'est accru dans les universités, par exemple. Certaines lois, surtout celles qui sont discriminatoires, ont été modifiées — elles restent discriminatoires, mais ont été améliorées. Et je voudrais faire particulièrement ressortir toute la bravoure dont font preuve les femmes activistes en continuant d'exercer des pressions sur le gouvernement et sur les autorités, ainsi que sur les hommes en général, pour obtenir de nouveaux droits.
La situation des droits de la femme en Iran est encore loin d'être exemplaire, mais le mouvement de la femme a toujours lieu d'espérer tant qu'il y a des possibilités d'améliorations. Par exemple, une campagne de signature de pétition est en cours pour récolter un million de signatures afin de faire éliminer d'autres lois discriminatoires. Dans un contexte comme celui de l'Iran, c'est une démarche extrêmement brave qu'ont prise les femmes activistes. Il n'en demeure pas mois que celles qui dirigent cette sont arrêtées et brimées de diverses façons.
Je ne veux donc pas donner l'illusion que la situation est bonne, sans non plus faire fi des améliorations qui ont été apportées.
[Français]
[Traduction]
Pour répondre à votre excellente question, je ferai remarquer que dans la liste des coparrains de la résolution que le Canada a présentée à l'Assemblée générale en novembre 2007, il est difficile de trouver un État d'Afrique, ou, en fait, de la région du Moyen-Orient. Je crois qu'il en ira de même pour la liste des États ayant droit de vote.
Cette situation témoigne d'un phénomène répandu, celui de l'intense politisation des questions des droits de la personne, particulièrement dans des forums comme les Nations Unies, un organisme constitué d'États dont les intérêts tendent à déterminer les questions qui sont examinées ainsi que l'appui que ces questions récolteront de la part des autres États. Pour être franc, plusieurs parties, sinon toutes, peuvent être blâmées pour avoir contribué à cette politisation. Voilà pourquoi, dans mon exposé, j'ai recommandé qu'un pays comme le Canada, lorsqu'il traite de la question des droits de la personne dans le monde, mais particulièrement dans le Moyen-Orient, cherche à contribuer à la dépolitisation de la question.
[Français]
Lorsque j'ai vu le nom de Mme Ebadi en recevant la documentation aujourd'hui, j'ai pensé au témoignage qu'a livré cette personne formidable devant notre comité. C'était, à mon avis, un jour mémorable. Ce que j'entends par là, c'est que lorsque l'on est assis face à une personne que l'on peut regarder dans les yeux, connaissant son expérience et ce qu'elle vit actuellement...
J'ai passé six mois en Arabie saoudite, en 1979, et j'ai été témoins, dans une certaine mesure, de certains des châtiments qui y étaient infligés. En fait, par pur hasard, je suis passé un jour à proximité d'une exécution, dans le stationnement d'une mosquée. Quand on entend que l'on exécute des jeunes, on ne peut s'empêcher de frissonner. C'est l'une des choses que l'on préférerait croire impossibles dans notre monde.
Il y a un point qui me préoccupe et dont il a été question dans les débats de notre comité. Vous avez indiqué que l'examen périodique était une possibilité qui s'offrirait, et je me pose des questions depuis un certain temps à ce sujet. L'examen périodique du Canada n'a, bien sûr, pas du tout la même portée que celui dont fait l'objet l'Iran. Je ne laisse rien entendre d'aussi ridicule. Mais comme les pratiques du Canada ont déjà été remises en question — notamment en ce qui concerne le fait que nous n'avons pas signé l'OPCAT, les droits et les revendications territoriales des Autochtones, la question de la violence des hommes, particulièrement à l'égard des femmes, et d'autres questions de cette nature —, croyez-vous que le Canada traite avec des pays comme l'Iran alors que sa réputation et son autorité morale sont, dans une certaine mesure, entachées?
Lorsqu'il s'agit de légitimiser les mécanismes internationaux, je crois qu'il importe que le Canada se prête à un examen et qu'il prenne des mesures pour donner suite à ce processus d'examen et de recommandations afin d'améliorer les droits de la personne au pays.
Amnistie Internationale n'a pas de parti pris politique, abordant toujours la question du point de vue des droits de la personne, comme le fait Human Rights Watch, et examinant tous les pays. Comme vous le savez peut-être, notre organisme a présenté des observations sur l'examen périodique du Canada, faisant part de ses préoccupations et formulant des recommandations sur la manière dont les problèmes pourraient être résolus.
Les pays comme l'Iran ont vite fait, pour des raisons légitimes ou non, de faire ressortir les incohérences qui apparaissent parfois dans les mécanismes internationaux d'examen et d'évaluation des autres pays. C'est l'un des problèmes qui se posent, et je conviens avec M. Stork que ces mécanismes devraient être dépolitisés. Le Conseil des droits de l'homme a été mis sur pied justement pour régler les problèmes que posait l'ancien comité, qui avant des tendances trop politiques. Malheureusement, du moins jusqu'à maintenant, il semble que le Conseil suive le même chemin. C'est donc à la communauté internationale et à tous les pays d'exercer des pressions l'un sur l'autre pour s'éloigner des questions politiques, à défaut de quoi les problèmes de droits de la personne ne seront pas résolus.
Si je peux ajouter quelque chose sur un tout autre sujet, nous entendons dire à l'occasion que l'utilisation d'Internet constitue presque une bouée de sauvetage pour certaines personnes dans des pays où il n'existe pas moyens de communication sûrs.
Savez-vous quels sont les moyens dont le gouvernement iranien dispose pour espionner, identifier et arrêter ceux qui bloguent ou qui sont connectés à Internet?
Je ne suis pas sûr de pouvoir bien vous répondre, simplement parce que je ne connais pas la réponse précise; nous savons cependant que, particulièrement pour les jeunes qui sont arrêtés pour avoir exercé leurs droits à la liberté de parole, la communication a eu lieu sur Internet, généralement sur un blog. J'ai dit dans mon exposé que certains de ces jeunes finissent par quitter l'Iran plutôt que de s'exposer à de longues peines d'emprisonnement. En fait, il semble qu'on les laisse tout simplement quitter le pays. Ce serait pour le gouvernement une sorte de valve de sécurité: il laisserait ces jeunes partir en pensant qu'ils représenteront une menace moins grande à l'étranger qu'au pays.
Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute qu'un grand nombre de ceux qui sont arrêtés et qui ont des ennuis exerçaient leurs droits sur Internet. Et nous parlons ici d'une société où l'on a accès à une technologie relativement avancée d'un côté comme de l'autre — tant de ceux qui utilisent Internet pour diffuser de l'information sur les violations des droits de la personne, des analyses politiques et d'autres renseignements, que du gouvernement.
Mais à dire vrai, d'après ce que je comprends, même si cette société utilise couramment les ordinateurs et Internet, c'est généralement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la politique ou les droits de la personne; il s'agit de simples citoyens qui utilisent l'informatique à des fins tout à fait anodines ou même pour l'éducation religieuse.
Je suppose que ce n'étaient que des voeux pieux de ma part, alors. Nous avions entendu dire, lors de témoignages précédents, que 70 p. 100 de la société était plus avant-gardiste que les 30 p. 100 qui détiennent actuellement le pouvoir, et qu'Internet pourrait permettre aux jeunes de s'exprimer et d'agir à un niveau supérieur.
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'avoir pris le temps de venir témoigner et de vous investir dans les recherches de notre comité.
J'aimerais vous lire une partie du témoignage qu'a livré Mme Shirin Ebadi il y a un an et quatre jours et obtenir votre opinion éclairée sur la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
Répondant à une question, elle a dit ce qui suit:
Les gens qui forment le gouvernement iranien ne sont pas tous pareils. Il y a ceux qui sont en faveur de la réforme et ceux en faveur de l'intégrisme islamique. Il y a plein de choses qui se produisent en Iran sur lesquelles le peuple, de même que certains de ces réformistes, ne sont pas d'accord. C'est très facile à voir, même dans les journaux publiés en Iran. Dans le cas particulier de Mme Kazemi, le groupe réformiste nous a beaucoup aidés afin que justice soit rendue.
Évidemment, les choses ne se sont pas déroulées comme prévu.
Par conséquent, quand vous parlez des violations des droits de la personne en Iran, non seulement le peuple est heureux, mais aussi le groupe réformiste, parce qu'ils critiquent également le régime. Ils dénoncent ces actes franchement et ouvertement dans les journaux d'Iran. Comme on n'a pas beaucoup de liberté de parole, on s'exprime autrement.
Vous avez parlé de l'effritement des droits de la personne et de l'augmentation des infractions après l'arrivée au pouvoir d'Ahmadinejad. Les propos de Mme Ebadi sont-ils toujours d'actualité aujourd'hui? Parmi les prisonniers, retrouve-t-on certains citoyens favorables à la réforme maintenant emprisonnés par le régime?
Je crois que ce qu'elle a dit est aussi valide aujourd'hui qu'il y a un an et quatre jours.
Pour répondre à la première question, lorsque vous avez demandé ce qu'il en était du système judiciaire en particulier, j'ai négligé de dire que c'est une institution où gravitent les réformistes. Ce n'est pas une institution réformiste, mais je crois qu'on y trouve certaines des personnes auxquelles Mme Ebadi faisait allusion.
Je crois que l'arrivée au pouvoir du président Ahmadinejad, en 2005, constitue un point tournant. J'entends par là que c'est avant cette élection que l'affaire Kazemi a progressé. Il y a eu une sorte d'évolution dans cette direction.
Mais c'est certainement toujours le cas aujourd'hui.
Est-ce que ces éléments réformistes sont plus nombreux aujourd'hui, proportionnellement parlant? Je ne saurais dire.
J'ajouterais qu'il ne faudrait pas oublier, bien sûr, que la doctrine sur la suprématie du pouvoir religieux — qui s'appelle en farsi velayat-e faqih — continue de s'appliquer en Iran, et que le chef suprême, Ali Khamenei, détient l'autorité ultime.
Il ne fait aucun doute que l'élection d'Ahmadinejad, en 2005, a fait évoluer le discours public du gouvernement. Cependant, en raison de la suprématie du pouvoir religieux et du Conseil des gardiens, je crois que dans sa forme actuelle, ce gouvernement n'a qu'une capacité limitée d'apporter des réformes. Je conviens que, comme l'a fait remarquer Mme Ebadi, les membres du gouvernement ne constituent pas un bloc uniforme et qu'on y trouve des réformateurs qui veulent en faire plus et repousser les frontières.
Ceci dit, même si M. Khatami était reconduit à la présidence, je crois que nous avons constaté que les efforts de réforme qu'il a déployés lors de son premier mandat ont été substantiellement réduits par le chef suprême et le Conseil des gardiens, qui sont en fait ceux qui détiennent le pouvoir.
Même si je suis parfaitement d'accord avec les propos de Mme Ebadi, nous n'avons encore rien vu qui montre que, dans les faits, les réformateurs peuvent apporter plus que des changements minimes, alors que c'est, à mon avis, ce que veulent tous les gens ici présents, de nombreuses personnes et la population iranienne, qui compte un grand nombre de jeunes — c'est-à-dire transcender la portée des débats actuels et offrir de toutes nouvelles libertés au peuple iranien.
J'aimerais poser une dernière question, après quoi je laisserai la parole à d'autres.
Vous avez proposé, et, bien sûr, cela revient à ce que Mme Ebadi a dit, de faire des déclarations publiques non seulement ici, en comité parlementaire, mais également aux Nations Unies et à d'autres forums.
L'idée de prendre des sanctions provoque toujours de chauds débats, mais pourriez vous nous donner une idée du genre de sanctions que notre pays, notre gouvernement, pourrait appliquer pour punir le régime — coupable, bien sûr, de ces infractions en matière de droit de la personne — sans toutefois faire souffrir le peuple iranien lui-même?
C'est extrêmement difficile, comme l'a montré notre expérience antérieure. De toute évidence, vous voulez imposer des sanctions qui seraient bien pensées, des mesures ciblées visant expressément des personnes ou des institutions, mais pas des segments entiers de la population et certainement pas l'ensemble de la société.
Bien franchement, je ne connais pas suffisamment les démarches que le gouvernement a entreprises pour obliger les personnes suspectées d'avoir un lien avec la mort de Mme Kazemi en détention de rendre des comptes. Mais c'est le genre de mesures que j'envisagerais.
C'est une question que nous, à Human Rights Watch, n'avons pas eu à traiter parce que les sanctions qui ont été imposées à l'Iran n'avaient rien à voir avec les droits de la personne. Elles avaient toutes trait à des questions qui ne relevaient pas de notre compétence.
J'ajouterais qu'Amnistie Internationale ne prend pas position concernant les sanctions imposées, sauf dans des affaires très précises qui ont trait à la vente d'armes dans certains contextes.
Quant aux mesures efficaces que l'on pourrait prendre à l'échelle internationale, je proposerais de déposer des accusations contre les personnes s'il existe suffisamment de preuves montrant qu'elles ont commis des violations des droits de la personne et permettant de les poursuivre en justice.
Le Canada étant membre de la Cour pénale internationale, il dispose de certains mécanismes qui lui permettraient de déposer ces accusations. On pourrait certainement restreindre la capacité de ces personnes de voyager. En outre, si les accusations étaient suffisamment graves, on ferait clairement comprendre aux autres personnes impliquées qu'elles auront à répondre de leurs actes.
Merci.
J'aimerais remercier les témoins de comparaître devant le comité.
Je tiens à réitérer que le comité se préoccupe des exécutions, des tortures commises en Iran, du manque de liberté d'expression, des restrictions, certainement de la persécution des minorités religieuses et, bien sûr, de l'incitation au génocide. Je trouve que certaines des suggestions de Jared sont excellentes.
Je voudrais m'assurer de les avoir bien comprises, puis discuter un peu plus de ce que nous pouvons faire. Il a notamment été question d'aborder le sujet avec le Conseil des droits de l'homme, et je crois que c'est une démarche qui a du bon. Je sais que nous nous sommes déjà adressés au conseil à ce sujet. Il a également été proposé d'envoyer un rapporteur spécial de ce conseil afin de mener enquête.
L'autre suggestion concernait l'incitation au génocide. Le Canada a des lois à ce sujet; il existe également des lois internationales concernant ceux qui essaient d'inciter les autres au génocide contre un certain groupe de personnes. Il ne fait aucun doute qu'actuellement, l'Iran s'en prend aux Juifs et à Israël. Vous avez indiqué que notre premier ministre, notre gouvernement, devrait faire une déclaration publique à cet égard. Serait-ce dans le but de faire adopter une résolution à l'Assemblée générale? Par quelles voies diplomatiques pourrions-nous passer? De quelle manière pourrions-nous intervenir davantage dans ce dossier?
Il existe différentes options possibles, certaines faciles, d'autres difficiles, pour se donner des chances de réussir.
La Convention sur le génocide a été adoptée en 1948. Tous les États signataires ont l'obligation de prendre des mesures pour prévenir différents crimes prévus par cette convention, notamment l'incitation au génocide, et d'agir en conséquence. Depuis 1948, il n'y a eu qu'une seule plainte interétatique déposée devant la Cour internationale de Justice, et c'était dans le cas de la Bosnie contre la Yougoslavie. Cela a pris beaucoup de temps avant que le tribunal ne soit saisi de l'affaire, et au bout du compte, le jugement rendu était plutôt mitigé.
Mais comme nous savons que de nombreux génocides ont été perpétrés entre 1948 et aujourd'hui, l'inaction abjecte des pays parties à la Convention sur le génocide face aux États qui conspirent pour planifier des génocides, qui incitent au génocide ou qui en commettent eux-mêmes, etc., est le fruit d'un héritage peu reluisant de notre propre histoire.
Il y a une chose facile que le Canada pourrait essayer de faire unilatéralement, parce que les gouvernements iranien et canadien sont signataires de la convention et que conformément à l'article 9 de cette même convention, un État peut déposer une plainte contre un autre devant un tribunal, en l'occurrence pour incitation au génocide. Ce serait facile à faire.
Par contre, ce qui serait très difficile, et probablement impossible à faire, mais néanmoins justifié d'un point de vue moral, serait de saisir le Conseil de sécurité des Nations Unies, en vertu d'une résolution du chapitre VII, pour qu'il dénonce la situation en Iran et l'incitation au génocide de ce pays devant la Cour pénale internationale, afin que cette dernière lance une enquête et éventuellement des poursuites. Cela aurait pour effet d'engager la responsabilité criminelle des personnes impliquées dans les activités d'incitation au génocide. Je pense toutefois qu'il y a peu de chances que cela aboutisse étant donné les vétos au Conseil de sécurité et la complexité de la situation.
Ensuite, entre ces deux extrêmes, il y a les efforts multilatéraux que l'on peut déployer devant le Conseil des droits de la personne, à l'Assemblée générale, pour inclure dans la résolution de cette même assemblée la notion d'incitation au génocide. Cela peut néanmoins poser problème au niveau multilatéral. Étant donné le grand nombre d'États qui n'ont cessé de voter contre la résolution sur l'Iran, cela risque d'être intenable politiquement parlant. Mais ça se situe au niveau multilatéral et, comme je l'ai dit, ce n'est ni trop facile ni trop compliqué à faire.
Malheureusement, je dois être le premier à faire une déclaration devant la Chambre aujourd'hui, à 14 heures. Je vais donc vous quitter.
Je vous remercie beaucoup, monsieur Silva.
Je tiens à souligner, et cela intéressera le professeur Cotler et M. Sweet, qu'il nous restera probablement du temps pour poser des questions supplémentaires après, car nous sommes allés plus vite que prévu.
Monsieur Hiebert.
Merci, monsieur le président.
Merci aussi à vous tous d'être ici aujourd'hui.
Des témoins ont mentionné plus tôt que les changements dans la société iranienne étaient tels que les purs et durs, ceux qui sont au pouvoir en ce moment, essayent de convaincre la jeune génération du bien-fondé de leurs positions extrémistes, dans une tentative désespérée pour les rallier à leur cause.
J'aimerais savoir comment vous voyez l'avenir de l'Iran. J'ai rencontré des représentants iraniens ces dernières années, qui nous ont dit que la nouvelle génération était davantage favorable au respect des droits de la personne, à la démocratie et aux relations internationales.
Sommes-nous en train d'assister aux derniers soubresauts d'un gouvernement dictatorial qui s'accroche au pouvoir, et y a-t-il un espoir à l'horizon? Comment voyez-vous l'évolution de la situation au cours des prochaines années?
C'est comme essayer de prédire l'avenir en lisant dans une boule de cristal. Je pense que ceux d'entre nous qui travaillons dans le domaine des droits de la personne sommes toujours... Je parle pour moi. Nous faisons ce métier parce que nous avons l'espoir, dans une certaine mesure, de faire avancer les choses dans la bonne direction. Personnellement, je ne connais pas assez l'Iran pour porter un jugement là-dessus.
L'une des raisons de croire que ce pourrait être vrai est que le simple fait d'effectuer un sondage pour mesurer ce type de tendances serait extrêmement difficile aujourd'hui en Iran. Parmi les gens arrêtés et condamnés pour de prétendus crimes d'État, il y en a qui ont essayé de sonder la population pour connaître ses opinions politiques. Toutefois, dans mon mémoire, je laisse entendre que le degré d'activisme que l'on retrouve sur les campus, parmi les jeunes de cette catégorie, par exemple, est très encourageant. On le remarque également chez les travailleurs, qui se mobilisent et s'organisent pour faire avancer leurs propres revendications auprès de l'État, de leurs employeurs, etc.
Je crois donc qu'il y a bien sûr des raisons de se réjouir, mais en même temps, un changement de gouvernement n'est pas la même chose qu'un sondage pour savoir qui est en faveur de certaines idées ou valeurs plutôt que d'autres, parce que nous parlons d'un gouvernement qui... Comme l'a appris avec regret M. Khatami quand il était président, nous parlons d'un système extrêmement enraciné, de sorte que même si 70 p. 100 de la population dans son ensemble — et pas seulement les jeunes — est en faveur d'une certaine approche, cela ne se reflétera pas nécessairement dans le gouvernement, parce que la responsabilité de ce dernier face au vote populaire, entre autres, est extrêmement limitée.
J'aimerais ajouter, pour compléter ce que vient de dire M. Stork, qu'il existe beaucoup de signaux nous permettant d'entrevoir des perspectives positives. Je ne dis pas cela seulement parce que je suis un avocat spécialisé en droit de la personne et quelqu'un d'optimiste, mais aussi parce que les technologies ont leur effet.
Je parle à des Iraniens très régulièrement. Ces gens ont maintenant accès à Internet, à la télévision par satellite, à la radio, dont les émissions sont diffusées en persan depuis l'extérieur du pays, ainsi qu'au téléphone cellulaire. Des images d'une dizaine de personnes pendues à une intersection, prises au moyen d'un téléphone cellulaire, ont été diffusées la même journée, en l'espace de quelques heures. Elles ont été envoyées par message texte à un groupe de protection des droits de la personne puis diffusées sur Internet. Toutes ces choses compliquent de plus en plus l'emprise que veut garder la République islamique sur l'information et le contrôle que celle-ci entend exercer sur sa propre population.
Les tendances ne lui sont donc pas du tout favorables, et cela sans parler des effets néfastes sur l'économie. Ce pays peut avoir une capacité incroyable de production pétrolière, mais sa capacité de raffinage est très limitée. Il doit acheter du carburant à l'étranger. Avec la baisse des prix du brut, l'économie subit des pressions grandissantes. Ceux aux prises avec de graves problèmes économiques exercent des pressions auprès du gouvernement pour qu'il entreprenne des réformes et se rallie à la communauté internationale.
À mon avis, toutes ces choses sont le signe d'un avenir meilleur. La République islamique et son Guide suprême essaient, bien sûr, de décourager par tous les moyens possibles les gens déterminés qui veulent que des mesures soient prises pour changer la situation dans leur pays.
Je pense que c'est la bataille qui se livre actuellement en Iran, mais je crois aussi, comme nous l'avons vu avec d'autres dictatures au cours de l'histoire, que c'est une bataille perdue d'avance. Je ne suis pas plus capable que quiconque de lire dans la boule de cristal; je ne peux donc dire combien de temps cela prendra, mais beaucoup d'indices me portent à croire qu'il sera de plus en plus difficile, pour le Guide suprême et la République islamique, de garder le contrôle.
Monsieur Rimstad, avant de répondre, vous avez dit qu'il y avait eu une augmentation des arrestations ou des cas de violations des droits de la personne en prévision des élections de juin 2009. Y a-t-il une chance que ces élections amènent un changement de pouvoir? Dans quel état se trouve l'opposition?
D'après la manière dont le système fonctionne, beaucoup de membres de l'opposition seront exclus du processus parce qu'ils ne satisferont pas aux critères que le Conseil des...
Oui, le Conseil des gardiens; je pensais aux aînés.
Le Conseil des gardiens approuve toutes les candidatures. Donc, normalement, très rares sont les membres véritables de l'opposition capables de participer aux élections.
Il est également important de noter qu'Ahmadinejad a gagné les élections parce que les gens l'appuyaient pour ses convictions religieuses et politiques, nécessairement, mais il y avait aussi beaucoup de ressentiment à l'égard du gouvernement précédent, qui s'était montré incapable de régler des problèmes fondamentaux de la vie quotidienne en Iran. Globalement, la situation des gens — emplois, etc. — était mauvaise. Cet homme est un populiste. Il attire les gens en utilisant cette rhétorique, et de ce point de vue, il a réussi.
Je crois que l'un des défis auxquels la communauté internationale devra faire face et attention est que toute action qu'elle entreprendra contre l'Iran ne sera pas seulement interprétée par les dirigeants politiques; la population aussi aura son avis sur la question. Dans certains cas, lorsque les critiques de la communauté internationale à l'endroit de l'Iran seront jugées injustes ou que l'Iran sera stigmatisé, les gens risqueront de se rallier davantage derrière leur gouvernement, parce qu'ils considéreront qu'ils sont tous dans le même bateau. Voilà pourquoi la communauté internationale devra faire preuve de prudence dans sa manière d'aborder le problème au cours des mois à venir.
Il est certain qu'en ce moment toutes les strates du pouvoir en Iran, à commencer par le Guide suprême, comprennent que la situation... il y a du mécontentement. Je pense que la répression accrue en est le reflet. Ils essaient de museler tous ceux qui diffusent des messages au grand public, notamment par Internet.
L'autre facteur dont il faut tenir compte, c'est qu'il y a encore énormément de gens qui vivent dans les régions rurales et qui n'ont pas accès à tous ces moyens modernes. Le manque d'information et le fait qu'ils sont sous la coupe des dirigeants locaux les empêchent de participer à la vie politique du pays de la même manière que ceux qui habitent dans des agglomérations comme Téhéran. C'est donc très complexe.
Une dernière question.
Un témoin a également laissé entendre que les critiques de pays autres que le Canada pourraient se révéler utiles, même celles venant de petits États, parce que l'Iran se préoccupe beaucoup de sa réputation internationale. Je me demande donc s'il existe actuellement des pays considérés comme des défenseurs de l'Iran et de ses politiques.
Eh bien, il vous suffit de regarder le résultat des votes à l'Assemblée générale, par exemple, sur une résolution parrainée par le Canada, puis de faire un parallèle avec le résultat des votes au sein d'instances comme le Conseil des droits de la personne, pour voir que oui: il y a une sorte de solidarité entre les États totalitaires, dirions-nous, une solidarité entre les oppresseurs.
Vous savez, il y a une multitude d'aspirants, dont beaucoup de pays qui se définissent comme étant eux-mêmes islamiques; il y a également l'Organisation de la Conférence islamique, l'OCI, par exemple. Je doute que vous trouviez un État membre de l'OCI qui ait jamais appuyé une résolution comme celle du Canada ou qui ait manqué d'exprimer son soutien au gouvernement iranien dans des votes du genre, par exemple...
Je citerais, par exemple, les membres du G-77. Je veux parler des pays en développement, du Tiers-Monde, de l'Afrique en général.
Ce n'est pas que ces pays cautionnent nécessairement les violations des droits de la personne perpétrées en Iran, c'est qu'ils considèrent l'Occident, et en particulier les membres permanents du Conseil de sécurité, un peu comme des gens qui ont leurs têtes de Turcs préférées. Donc, le débat se transforme souvent en une lutte des puissants contre les faibles. Ces pays agissent par solidarité.
Prenons par exemple l'Afrique du Sud, qui dans son histoire récente a fait énormément en faveur de la réconciliation nationale après l'apartheid; pourtant, l'aide que ce pays a pu accorder à d'autres peuples opprimés depuis qu'il s'est libéré de l'apartheid est franchement pitoyable. Il a soutenu la junte birmane, au Myanmar. Il a accordé son soutien au président Mugabe, au Zimbabwe. Et c'est à cause de cet alliage. Je comprends le raisonnement, mais je ne saisis pas du tout l'approche.
L'argument que défendent ces États est que l'Occident a mis certains pays au ban des nations de manière injustifiée à cause de leur comportement répréhensible, et cela tient en partie à un passé colonialiste-oppresseur contre lequel il faut s'insurger, pas nécessairement en défendant les abus commis par le régime en question, mais parce que tout le système est vicié et qu'il ne peut être soutenu.
Je pense que c'est ce qui est arrivé avec beaucoup de pays. J'ai parlé à de nombreux ambassadeurs qui ont voté contre la résolution sur l'Iran. Ils reconnaissent que la situation dans ce pays est atroce, au plan des droits de la personne, mais ils ne veulent pas appuyer les pays occidentaux dans leur démarche parce qu'ils considèrent qu'ils ne sont pas aussi puissants au sein des Nations Unies et que ce n'est pas une approche raisonnable.
Merci.
J'ai décidé d'accorder environ cinq minutes de plus que ce qui était prévu pour la période de questions; cela nous laisse juste assez de temps pour que M. Cotler pose rapidement ses questions.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais d'abord prendre 20 secondes pour souligner la présence de David Kilgour, ancien ministre et député, qui s'est beaucoup investi dans ces dossiers lorsqu'il était au Parlement. Il continue d'ailleurs de le faire, et je tenais à lui souhaiter la bienvenue parmi nous aujourd'hui.
Ma question s'adresse à vous, monsieur Genser, car elle m'a été inspirée par votre témoignage. Trouvez-vous quelque peu anormal que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait adopté des résolutions et pris des sanctions à l'égard de l'Iran, parce que ce pays travaille à l'enrichissement de l'uranium et qu'on craint qu'il devienne une puissance nucléaire, ce que l'Iran a lui-même démenti, et que certains citoyens de ce pays aient réclamé, à juste titre, le droit de l'Iran, comme n'importe quel autre pays, de développer un programme nucléaire civil à des fins pacifiques, mais qu'il n'y ait aucune sanction pour la répression massive qui sévit dans ce pays et les violations des droits de la personne dont nous avons abondamment entendu parler aujourd'hui, ni aucune sanction contre l'incitation au génocide approuvée par l'État, ce qui est en soi une violation de la Convention sur le génocide?
Est-ce que cela est quelque peu éclipsé par les sanctions concernant la question nucléaire? Le dossier nucléaire iranien présente un vrai danger, à mon avis, parce que ce pays viole les droits de la personne et est engagé dans une dynamique d'incitation au génocide.
Ainsi, ne sommes-nous pas en train d'édulcorer le problème des violations des droits, entre autres, pour nous concentrer sur la question nucléaire?
Monsieur Cotler, il m'est extrêmement difficile de répondre à cette question. Le cours que j'enseigne à la Faculté de droit de l'Université de Pennsylvanie porte sur le Conseil de sécurité des Nations Unies, et c'est une question que mes étudiants me servent toutes les semaines.
Je pense que nous avons eu les mêmes problèmes avec la Corée du Nord, qui n'aspire pas à devenir une puissance nucléaire, parce qu'elle l'est déjà, et qui est parmi les pays ayant le pire bilan dans le monde aujourd'hui au chapitre des droits de la personne et de l'assistance humanitaire.
L'argument qu'on a défendu pendant des décennies au sujet de la Corée du Nord, et dernièrement à propos de l'Iran, est que la communauté internationale ne devrait pas soulever des questions d'ordre humanitaire et concernant les droits de la personne parce que cela pourrait faire dévier les négociations sur ces enjeux nucléaires importants, ou les faire échouer.
À mon humble avis, la communauté internationale et les gouvernements sont capables de faire plus qu'une chose à la fois, qui ressemble davantage à ce que nous avons vu dans le cadre du processus d'Helsinki lorsqu'ils ont réussi à discuter avec l'ancienne Union soviétique des questions nucléaires, des questions économiques et des droits de la personne en même temps. Mais je considère que c'est normal de poser cette question étant donné la gravité des exactions commises par le gouvernement iranien contre son propre peuple et la manière dont tout ceci est balayé sous le tapis dans une large mesure par la communauté internationale, qui se concentre presque exclusivement sur le dossier nucléaire.
Évidemment, c'est compréhensible, mais ça ne devrait pas empêcher la communauté internationale de trouver des moyens d'alléger les souffrances du peuple iranien. Je pense que si vous posiez la question à un Iranien moyen qui, comme vous l'avez dit, est pour l'utilisation du nucléaire à des fins civiles et revendique ce droit pour lui-même et pour son peuple, et bien vous verriez que cet Iranien moyen, par exemple, qui aspire à être libre, comme la plupart de ses concitoyens, ne pense pas au développement de l'énergie nucléaire. Ce qui le préoccupe, ce sont les punitions auxquelles les femmes s'exposent si elles ne portent pas de foulard. Ce qui les préoccupe, c'est la possibilité d'exprimer des points de vue différents de ceux de leur gouvernement sans risquer de se faire torturer ou tuer sommairement, sans aucune forme de justice.
Voilà ce qui préoccupe les Iraniens, d'après ce qu'ils me disent; ce n'est pas la question nucléaire.
Bien sûr, nous devons nous attaquer aux deux problèmes, mais vous avez raison de mentionner qu'il y a un décalage énorme, au sein de la communauté internationale, entre l'attention qui est portée au dossier nucléaire et celle que l'on accorde aux droits de la personne.
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