Passer au contenu
;

SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document







CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 28 mai 2009

[Enregistrement électronique]

(1235)

[Traduction]

    Je précise d'abord que le président se joindra à nous d'ici une demi-heure, espérons-nous. D'ici là, je vais présider la séance. Je m'appelle Mario Silva, et je suis vice-président du comité. Je souhaite la bienvenue aux deux témoins.
    Avant toute chose, je voudrais connaître l'avis du comité sur un point et voir si un accord est possible. Il s'agit de Yessika Morales, qui séjourne au Canada. M. Marston pourrait expliquer la situation et voir si un consensus se dégage parmi les membres du comité.
    Monsieur Marston, à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Le père de cette jeune femme était un militant colombien qui a été tué par les paramilitaires. Elle fait une tournée au Canada. Étant donné que le comité a adopté la motion prévoyant une étude sur la Colombie, il nous a semblé qu'il serait intéressant pour lui qu'elle puisse prendre la parole pendant 20 minutes et répondre aux questions à la fin de la séance.
    Il est vrai que c'est imprévu. J'ai été mis au courant de sa visite seulement à 16 heures hier. Elle donne en ce moment une interview au Toronto Star et elle pourra sans doute être parmi nous d'ici une demi-heure. Si nous pouvions l'entendre à la fin de la séance, je vous en serais reconnaissant.
    Merci.
    Les membres du comité sont-ils d'accord?
    Monsieur le président, s'agit-il d'une vingtaine de minutes ou d'une intervention de 20 minutes suivie de questions? Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour les témoins qui sont déjà là.
    Je n'ai pas d'exigence particulière.
    Nous avons déjà deux témoins. Leur audition nous prendra peut-être une heure. Si telle est la volonté du comité, nous pourrions réserver la dernière demi-heure pour que Mme Morales fasse une intervention d'environ cinq minutes, après quoi les députés lui poseraient des questions. D'accord?
    D'accord. Nous entendrons donc ce nouveau témoin.
    Mme Morales est-elle présente, monsieur Marston? Elle est ici et vous irez la chercher?
    Elle est dans l'édifice. Notre personnel l'amènera ici. Elle a déjà un représentant sur place.
    D'accord, merci beaucoup.
    Merci.
    Nous allons donc commencer.
    Bienvenue au comité. Qui interviendra d'abord? Ce sera Mme Lamarche pour commencer.
    Merci et bienvenue.

[Français]

    Je remercie les membres du comité de leur attention et je les félicite pour cette heureuse initiative du sous-comité consistant à mettre en évidence l'importance de cette nouvelle procédure du Conseil des droits de l'homme, qui s'appelle en français l'EPU, l'Examen périodique universel. Il m'arrivera à moi-même de prononcer l'acronyme UPR plutôt que EPU, et je m'en excuse auprès des traducteurs.
    J'ai pris connaissance de l'excellente présentation que mon collègue et ami le secrétaire général d'Amnistie internationale, Alex Neve, a faite mardi, et je prendrai grand soin de ne pas répéter ses propos, auxquels je souscris totalement.
    Les remarques qui suivent se concentreront sur les implications nationales de la procédure de l'Examen périodique universel. Après avoir offert quelques précisions concernant le mécanisme lui-même, j'aborderai la question centrale des difficultés constatées au titre du suivi de la mise en oeuvre des droits de la personne sur le plan national, pour ensuite conclure avec quelques recommandations.
    Je ferai un bref rappel concernant l'Examen périodique universel — EPU — du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Le point 5e) de la résolution 60/251 adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 2006 décrit l'EPU comme un exercice d'évaluation du respect par les États membres des Nations Unies de leurs engagements en matière de droits de la personne. Il ajoute que cet examen sera mené dans un esprit de coopération et de dialogue, et qu'il sera fondé sur des informations objectives et fiables.
    Selon moi, il est très important de garder à l'esprit que ce nouvel exercice mené par les pairs ne se substitue pas au travail de contrôle exercé par les organes indépendants et experts des traités, mais bien plutôt qu'il le complémente. C'est un rappel important, car l'évaluation indépendante et périodique des organes de traité ne laisse pas à l'État partie le choix des recommandations ou de la Feuille de route qu'il entend suivre alors que l'EPU le consacre maître de cette Feuille de route, et ce, jusqu'au prochain examen périodique.
    À ce point de l'expérimentation de l'EPU, il me semble prudent d'affirmer que toute évaluation du mécanisme lui-même est prématurée. Reconnaissons toutefois qu'il a le mérite de convier l'ensemble de la communauté internationale à l'exercice, tant à titre d'évalués que d'évaluateurs.
    Dans les faits, l'examen du rapport canadien auquel s'est livré le Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme était largement fondé sur la compilation produite par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies. On ne peut donc pas prétendre à la surprise lors de la lecture du rapport du groupe de travail qui fait suite à cet examen. On ne peut pas non plus se déclarer surpris de la participation très active des organisations de la société civile à l'exercice, société civile qui, à vrai dire, est elle-même devenue experte en matière de droit international des droits de la personne.
    Je ne veux pas ici dresser de nouveau la liste des points saillants issus des 68 recommandations qui sont contenues dans le rapport du groupe de travail, sinon pour dire qu'il faut en convenir: certaines questions sont devenues pressantes et lancinantes.
    Le Canada ne peut donc prétendre être appelé à de nouvelles réflexions à la suite de ces exercices. Ce qui distingue l'EPU, c'est plutôt « qui parle » que « ce dont on parle ». En effet, le Canada est ici interpellé par ses pairs et le suivi de cette interpellation sera aussi interprété et géré par la communauté internationale.
    Les questions structurantes que je souhaite soulever devant vous aujourd'hui comportent vraiment l'enjeu de la réalisation des droits de la personne sur le plan national, et de l'exigence de coopération avec la société civile dans cet exercice.
    Il faut bien reconnaître qu'au Canada, les rapports avec les Nations Unies évoluent sur des autoroutes parallèles. D'une part, les ministères et agences fédérales, provinciales et territoriales, et le célèbre mais néanmoins obscur Sous-comité des droits internationaux de la personne fait son travail et achemine ses communications aux Nations Unies.
(1240)
    D'autre part, on a une société civile qui, disons-le encore une fois, accède plus facilement de nos jours aux institutions des Nations Unies qu'elle n'accède au gouvernement canadien lui-même, lorsqu'il s'agit de débattre des enjeux de la réalisation des droits de la personne au Canada.
    Cela dure depuis si longtemps qu'il arrive qu'on ait peine à garder son sérieux, et ce n'est pas une difficulté qui soit exclusive à la venue ou à l'arrivée de l'EPU dans le paysage du Conseil des droits de l'homme. C'est un peu comme un jeu du chat et de la souris à deux niveaux.
    Au premier niveau, le comité fédéral-provincial-territorial des droits de la personne sert de courroie de transmission aux informations destinées au rapport canadien. Ensuite, Patrimoine canadien procède à l'édition de ce rapport et a — il faut bien le dire — la fâcheuse habitude de consulter la société civile a posteriori et non a priori. Cela n'a pas failli dans le cas du rapport du Groupe de travail du Conseil des droits de l'homme. Effectivement, la société civile a été convoquée en avril, plutôt qu'avant l'acheminement du rapport canadien au Conseil des droits de l'homme.
    Je répète qu'on peut s'interroger sur cette situation dans la mesure où on savait, vu l'origine du rapport du groupe de travail, qu'il n'y aurait pas de grandes nouveautés et qu'essentiellement, il s'agissait de soumettre à l'appréciation des pairs des informations déjà colligées et des recommandations déjà acheminées par les organes experts et indépendants de contrôle de traité. C'est la première zone de malaise.
    Le Canada est une fédération de type dualiste. Chez nous, les instruments des droits de la personne ne font pas automatiquement partie du droit interne. C'est la deuxième zone de malaise. Toutefois, les évolutions du droit international, du droit des gens, ne permettent plus au gouvernement canadien de recourir à cette théorie comme on court un peu vers un refuge. À vrai dire, c'est un refuge à deux portes. D'une part, les provinces et territoires expriment leurs préférences à l'égard des engagements internationaux auxquels ils choisissent d'accéder et, d'autre part, rejettent la balle du côté du gouvernement fédéral pour dire qu'ils n'ont pas à expliquer pourquoi ils ne se sont pas conformés aux engagements internationaux du Canada. Le cas d'école le plus classique en l'espèce est le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, où la partie de ping-pong entre les niveaux de gouvernement atteint des sommets totalement contreproductifs.
    Cette zone d'ombre que l'on dit particulière au fédéralisme canadien a beaucoup de conséquences, qui sont illustrées dans les recommandations du groupe de travail. Pensons, notamment, à la levée des réserves en ce qui concerne la Convention internationale des droits de l'enfant. Pensons à la Convention des Nations Unies sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui n'a pas été ratifiée, au protocole se rapportant à la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à la récente Convention relative aux droits des personnes handicapées ou, encore, à la Convention de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux.
    Chacun de ces enjeux soulève des questions liées aux champs de compétence fédéraux, provinciaux et territoriaux. Visiblement, on n'a pas trouvé les voies de communication qui permettent de mettre le Canada au diapason des standards internationaux contemporains en matière de droits de la personne. « Nous consultons », dit le gouvernement fédéral. Voilà une affirmation que l'on entend depuis fort longtemps et qui évolue dans la même zone d'opacité que celle du début des années 1990. C'était donc la deuxième zone de problème.
(1245)
    Avant de vous soumettre quelques recommandations, je vais aborder une dernière question. Elle est liée au suivi de l'Examen périodique universel, ou EPU, que le gouvernement nous annonce dans son éventuelle Feuille de route. Nous devrions pouvoir prendre connaissance de ce suivi la semaine prochaine. Ce que nous ne savons pas, toutefois, c'est si la Feuille de route donnera au mécanisme de suivi un caractère de permanence ou si, au contraire, nous allons encore nous retrouver à recueillir des propositions ad hoc ou des propositions énoncées aujourd'hui qui ne seront toutefois reprises que lors du prochain Examen périodique universel. Ce serait extrêmement malheureux.
     Bref, quel usage fera-t-on de la Feuille de route? Par ailleurs, comment le gouvernement canadien utilisera-t-il la Feuille de route face aux autres organes experts et indépendants, en ce qui concerne le contrôle des traités qu'il a ratifiés? Bref, la Feuille de route fera-t-elle en sorte que tout le monde soit en attente d'ici à ce qu'ait lieu le prochain Examen périodique universel?
    Nos recommandations se concentrent sur deux questions, toutes deux issues du même principe. Il s'agit d'abord de l'urgence de promouvoir un dialogue ouvert, logique et permanent en matière de droits de la personne au Canada. Ce modèle de dialogue veillerait, d'une part, à évaluer l'état des droits de la personne et, d'autre part, à rechercher des consensus concernant la ratification et la promotion des nouvelles normes en matière de droits de la personne. Or c'est un secret de polichinelle: ce type de procédure ne peut voir le jour qu'au prix d'un leadership politique affirmé et d'une affirmation profonde de sa foi à l'égard du droit international en matière de droits de la personne. Ce n'est pas évident, d'autant plus que ce leadership doit s'exprimer non seulement de manière transversale, mais aussi à plusieurs niveaux, c'est-à-dire à l'échelle aussi bien fédérale que provinciale ou territoriale.
    Qu'attend-on donc pour poser deux gestes qui s'imposent à l'intelligence des institutions canadiennes? D'abord, comme le secrétaire général d'Amnistie Internationale l'a mentionné mardi, il s'agirait de convoquer cette conférence sur le leadership des ministres, aussi bien fédéral que provinciaux, responsables des droits de la personne. Il faudrait ensuite ouvrir ce mystérieux comité fédéral-provincial-territorial des droits de la personne et le transformer en un comité consultatif permanent et démocratique où les experts — et j'insiste sur ce terme — de la société civile seraient consultés non pas au besoin, mais de façon permanente. Ça éviterait des imbroglios choquants. Par exemple, on ne sait toujours pas précisément pourquoi le Canada tarde à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. On pourrait citer bien d'autres exemples, dont le célèbre cas de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.
    Bref, cet espace ouvert changerait la donne pour ce qui est de la compréhension des droits de la personne. Ça ne pourrait que faciliter un dialogue constructif, plutôt que défensif, dans ce domaine. Ce souhait, je le répète, ne saurait faire l'économie des obligations des provinces et territoires, et ça s'applique au Québec, au même titre qu'aux autres provinces et territoires. La pratique quasi secrète consistant à confier les rapports destinés aux Nations Unies aux commissions provinciales des droits de la personne, lesquels reçoivent un imprimatur ministériel avant de prendre le chemin de Patrimoine canadien, doit cesser. Ce nécessaire dialogue doit aussi être ouvert, sur le plan provincial et territorial. En d'autres mots, on doit cesser d'autoriser ou de tolérer que les autres ordres de gouvernement nous renvoient au gouvernement fédéral lorsque ça les arrange.
    Sans doute le gouvernement sera-t-il tenté de s'engager à développer des indicateurs de rendement qui lui permettront de mieux gérer son prochain rapport destiné au prochain Examen périodique universel.
(1250)
    Les indicateurs sont utiles, mais ils ne remplacent pas le dialogue politique. De plus, ils sont par essence limités. Ils ne se substituent pas à l'exigence de concrétisation des droits de la personne.
     En conclusion, l'EPU apporte du nouveau, un peu de nouveau. Néanmoins, consolons-nous, au moins il relance le dialogue sur la question de savoir comment garder à l'ordre du jour permanent les enjeux liés aux droits de la personne au Canada.
    Merci, professeur Lamarche. J'ai complètement oublié de mentionner que, parce que nous avons seulement une heure de réunion, il vaut mieux limiter le temps d'intervention de tous les témoins à 10 minutes, si possible. Merci.

[Traduction]

    Samira Ahmed, à vous, maintenant.
    Merci.
    La Coalition canadienne pour les droits des enfants se félicite de pouvoir aborder avec vous la question de l'application par le Canada des accords internationaux sur les droits de la personne.
     Je m'appelle Samira Ahmed et je suis une étudiante membre du conseil de la Coalition. Je remplace aujourd'hui la présidente, Kathy Vandergrift, qui se trouve à Vancouver pour y parler des droits de l'enfant. J'étudie en droit à l'Université d'Ottawa et je m'intéresse aux droits internationaux de la personne.
    Lorsque le Canada a été nommé au Conseil des droits de l'homme, il s'est engagé à respecter les normes les plus rigoureuses de promotion et de protection des droits de la personne. Je vous invite à jeter un coup d'oeil à l'examen récent du Canada dans le cadre de l'examen périodique universel.
    Plus de 50 ONG canadiennes ont fait valoir leurs préoccupations autour d'un thème commun: le non-respect des normes minimums. D'autres membres de l'ONU, des quatre coins du monde, ont exprimé des préoccupations semblables au sujet de l'application élémentaire des traités sur les droits de la personne au Canada. Plus de 88 recommandations ont été faites au Canada, dont beaucoup portaient sur l'application générale de tous les accords sur les droits de la personne. On aurait pu croire que, devant ces résultats, le gouvernement serait embarrassé et se serait occupé d'améliorer la situation. Après l'examen, il y a eu une seule journée de consultations auprès des ONG canadiennes, mais il ne s'agissait pas tout à fait de consultations, puisque rien n'a été proposé pour améliorer la situation.
    La société civile a réitéré ce qu'elle avait déjà dit par le passé: le Canada doit mettre en place un système efficace, transparent et responsable pour honorer ses obligations aux termes des traités internationaux sur les droits de la personne. L'expérience des droits de l'enfant illustre bien les besoins en amélioration. Le Canada a été un chef de file dans l'élaboration de la Convention relative aux droits de l'enfant, dont nous célébrons le 20e anniversaire cet automne.
    Le Canada devait présenter son troisième rapport sur l'application de cette convention en janvier 2009. Il accuse du retard, puisque le rapport n'a pas encore été présenté. La société civile n'a pas été consultée, alors que la convention l'exige. Le plus important, c'est qu'il n'y a eu aucun rapport sur les 45 recommandations et plus que le Canada a reçues au deuxième examen, en 2003. Cela, malgré l'étude menée pendant trois ans par le Comité sénatorial des droits de la personne, et un excellent rapport, Les enfants: des citoyens sans voix, qui réclamait des améliorations majeures dans la façon dont le Canada fait respecter les droits des enfants. Nous espérons que votre comité recommandera dès maintenant des améliorations précises sur le plan du respect des droits des enfants et étudiera ensuite de plus près les droits des enfants pour donner un exemple, étant donné le 20e anniversaire prochain de la convention et le troisième rapport du Canada sur sa mise en oeuvre.
    La Coalition canadienne pour les droits des enfants voudrait soumettre à votre examen quatre propositions. La première est une réforme structurelle: réformer ou remplacer le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne auprès de l'entité de haut niveau chargée de faire respecter et d'observer les obligations en matière de droits de la personne et d'en faire rapport. Il est évident, d'après le processus d'examen périodique universel que la structure actuelle ne fonctionne pas. Le Comité sénatorial des droits de la personne a tiré la même conclusion dans son rapport de 2007, Les enfants: des citoyens sans voix. La réponse du gouvernement disait que ce comité ne prenait pas au sérieux sa responsabilité de faire respecter les droits des enfants.
    Permettez-moi de relater l'expérience de la Coalition avec ce comité. En 2008, nous lui avons écrit pour demander simplement ce qu'il avait fait des 45 recommandations reçues en 2003. Il nous semblait logique que ce soit le point de départ pour la rédaction du troisième examen de la mise en oeuvre de la Convention. La réponse? Il ne nous a rien dit. Il a refusé de nous rencontrer. C'était en 2008. C'est maintenant la fin de mai 2009. Nous n'avons toujours pas le troisième rapport sur la mise en oeuvre de la Convention, qui devait être produit en janvier. Pis encore, la société civile n'a aucunement été consultée. Nous ne connaissons toujours pas le sort réservé aux recommandations de 2003, dont la plupart étaient une répétition de celles de 1995. Cela ne sert très bien ni les enfants du Canada, ni les parlementaires.
    Un comité qui se réunit rarement, en secret, et refuse de dire à quiconque ce qu'il a fait ou de rencontrer ceux qui sont touchés par ses décisions ne correspond en rien à ce que sont les droits de la personne et un bon gouvernement. Si on élimine le secret en exigeant des rapports publics réguliers, tout le système sera transformé. Cela devrait commencer par des réponses publiques aux recommandations reçues des organes de l'ONU dans l'année suivant leur réception.
    Notre deuxième recommandation propose une réforme de la nature et de la qualité des rapports. Les rapports sur la mise en oeuvre doivent s'appuyer sur les résultats obtenus pour tous ceux qui sont visés par les accords sur les droits de la personne. Actuellement, les rapports dressent la liste des programmes gouvernementaux, mais ils disent fort peu de choses sur la situation des personnes que ces programmes sont censés aider.
(1255)
    Permettez-moi de donner un exemple. La seule initiative visant les enfants qui soit citée dans le rapport du Canada aux fins de l'EPU est la Prestation nationale pour enfants. La description du programme est fort belle, mais en décembre, le mois où le rapport a été remis à l'EPU, le Conseil national du bien-être social a publié un rapport très détaillé sur ce que les gens, y compris les enfants, obtiennent vraiment des programmes de l'État, et sa conclusion dépeint une situation fort différente. La situation de plupart des familles qui touchent l'assistance sociale, qu'elles soient composées de deux parents et de deux enfants ou d'un parent et d'un enfant, est pire qu'il y a 10 ans. Le rapport parle d'un grand recul dans la lutte contre la pauvreté chez les enfants.
    Vous avez besoin de cette information, vous avez besoin de connaître l'impact des programmes et politiques sur les enfants, vous avez besoin de connaître la vérité sur la situation des Canadiens. Voilà ce que peuvent donner des rapports conçus en fonction des droits. Les fonctionnaires persistent à dire que le problème, c'est le fédéralisme. Selon moi, des rapports fondés sur les résultats pour les personnes pourraient être un élément de solution, car ils donneraient une information utile sur les résultats obtenus pour les bénéficiaires visés ou les problèmes à résoudre. Vous pourriez évaluer les programmes pour voir s'ils sont bénéfiques pour les personnes visées et apporter des rajustements au besoin.
    Il appartient au gouvernement fédéral d'appliquer au Canada les accords sur les droits de la personne. L'un des moyens efficaces qu'il peut employer sans empiéter sur les compétences provinciales, ce sont les rapports sur la situation réelle des Canadiens, dans tout le Canada, relativement à toutes les questions abordées dans les accords sur les droits de la personne.
    Troisième recommandation: adopter un modèle d'amélioration constante pour observer et appliquer les accords internationaux. Un modèle d'apprentissage et d'amélioration continus est préférable à l'approche actuelle, qui est la présentation d'un rapport au ton défensif qui, tous les cinq ans, revient sur les mêmes questions. Et ce rapport suppose fort peu de consultations auprès des jeunes ou des organisations de la société civile qui travaillent avec les enfants. Lorsque nous nous occupons continuellement de l'application, nous mettons en commun, dans nos discussions, de l'information et des stratégies pour apporter des améliorations.
    Un modèle d'amélioration constante comprendrait des approches d'intervention précoce et plus axées sur la prévention, ce qui cadre bien avec la promotion des droits de la personne. Ainsi, la Convention relative aux droits de l'enfant demande explicitement la coopération entre gouvernement et organisations non gouvernementales pour faire respecter les droits des enfants. Une stratégie d'amélioration constante et axée sur la coopération serait plus efficace et moins axée sur l'affrontement que l'approche actuelle, qui amène à débattre de questions identiques ou semblables au comité de l'ONU tous les cinq ans.
    Dernière recommandation: utiliser les droits des enfants pour faire une étude de cas. Le Canada et le comité ont la possibilité d'apporter des améliorations dans le rapport actuel sur l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il s'agit également d'une occasion stratégique, puisque ce sera à l'automne le 20e anniversaire de la Convention.
    Le Canada se présente comme un chef de file dans le domaine des droits des enfants, mais il est à la traîne derrière d'autres pays dans l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant. La Coalition canadienne pour les droits des enfants exhorte le comité à accorder une attention spéciale aux droits des enfants après son étude générale des droits de la personne.
    J'ai ici une fiche documentaire sommaire sur les 45 recommandations remises au gouvernement du Canada en 2003. Elles se subdivisent en 10 domaines clés et pourraient apporter de grands changements dans l'intérêt des jeunes Canadiens. Si le Canada veut demeurer un chef de file au plan international en matière de droits des enfants, il doit examiner son propre bilan dans ces 10 domaines. Un examen plus attentif du troisième rapport par le comité serait une bonne occasion de comprendre l'interface entre les pratiques qui ont cours au Canada et les accords internationaux sur les droits de la personne. La Coalition se réjouit de la possibilité de collaborer avec vous afin d'améliorer la façon dont le Canada s'acquitte de ses obligations internationales à l'égard des droits de la personne, d'abord dans l'intérêt des enfants et ensuite pour préserver la réputation de notre pays.
    Merci.
(1300)
    Merci beaucoup.
    Comme il ne nous reste qu'environ une demi-heure, les membres seraient-ils d'accord pour qu'il y ait seulement une série de questions et que chaque intervenant se limite à cinq minutes?
    Monsieur Kennedy.

[Français]

[Traduction]

    J'ai une question semblable à poser aux deux témoins. Le problème sous-jacent, selon moi, c'est que les discussions sur les droits deviennent rapidement éthérées et sans lien avec la réalité concrète. Mme Lamarche préconise un dialogue ouvert, et vous souhaitez une amélioration constante et pertinente pour remplacer le... Ce sont des moyens lourds, et il est facile de ne pas prendre le processus au sérieux. Je ne veux pas dire que cela vaut pour ce comité-ci ou le gouvernement, mais on dirait que tout cela se perd dans l'abstrait. Qu'ont fait les autres pays pour donner un tour plus concret aux discussions sur les droits?
    Voici un exemple concret. Pendant 13 ans, j'ai dirigé des banques d'alimentation. Des enfants et des familles n'avaient pas de quoi manger, sans que ce soit de leur faute. Il n'y a pas de prise de conscience viscérale que ce problème existe dans notre pays. Pourtant, pas la peine d'aller très loin dans la liste des droits pour remarquer des droits fondamentaux à la sécurité qui devraient être acquis, comme l'alimentation, le logement, etc.
    D'autres pays ont-ils mieux réussi à rendre les discussions pertinentes et à tenir un dialogue ouvert?
    En passant, madame Ahmed, je vous prie de transmettre mes salutations à Mme Vandergrift. Nous avons travaillé ensemble à Edmonton il y a des années.
    Quelqu'un a-t-il réussi à arracher le débat aux comités et aux rapports et à le situer là où la population le souhaite?
(1305)
    Merci de votre question.
    Deux exemples me viennent à l'esprit. Le premier est celui du Brésil. Ce pays a un processus constant auquel participent toujours des institutions et des représentants de la société civile. Il n'y a donc pas de précipitation dans les six mois précédant la production d'un rapport, qu'il s'agisse d'un comité d'experts ou, comme maintenant, de la procédure du Conseil des droits de l'homme. Il y a des discussions suivies, et nous sommes toujours prêts à tirer des conclusions. Cela ne veut pas dire que nous n'avons jamais rien à célébrer. Le Brésil n'est pas un petit pays, et c'est une fédération. Il est donc intéressant à cet égard.
    L'autre exemple est celui de l'Afrique du Sud. Elle a un ensemble d'institutions des droits de la personne et de réseaux de la société civile qui travaillent en permanence. Au bout de la démarche, les représentants de deux parties s'entendent pour dire qu'ils sont d'accord ou en désaccord. Pas besoin d'être à Genève pour avoir une « confrontation », après quoi on rentre pour s'occuper d'un autre ensemble de droits de la personne. L'idée de permanence et de continuité est étroitement liée au sens réel de la consultation et de la responsabilisation.
    Le gouvernement du Canada a toujours essayé de faire croire que, dès qu'un rapport a été transmis à la société civile, celle-ci a été consultée. Pour qu'il y ait consultation, il faut être informé des enjeux et des faits et parvenir ensemble à des conclusions. La responsabilité envers le Parlement, c'est aussi la responsabilité envers la société civile. Il existe des cas où la consultation marche bien et ne coûte pas cher. L'idée, c'est d'ouvrir l'institution et de mettre le processus en place.
    Merci.
    Madame Ahmed, vous auriez quelque chose à ajouter?
    D'autres pays ont mis en place un commissaire chargé des enfants au niveau fédéral pour aider à observer l'application des droits des enfants. Cela permet un plus grand dialogue avec les enfants et l'intégration des droits au programme scolaire pour que les enfants en soient plus conscients. Ils peuvent signaler des problèmes et savoir qu'ils peuvent s'adresser à quelqu'un en cas de problème. Avoir quelqu'un qui est toujours là pour permettre de modifier le processus peut favoriser la responsabilisation et le dialogue. Des pays comme le Royaume-Uni ont implanté ce système.
    Merci beaucoup.
    Nous sommes à court de temps pour cette question. Merci.
    Madame Thi Lac.

[Français]

    Merci, mesdames, d'être parmi nous en ce début d'après-midi. Vos exposés ont été intéressants. Je vais commencer par vous poser une question.
    Vous avez parlé de traités qu'il serait important que le gouvernement signe, entre autres le traité contre la torture. Ne croyez-vous pas que présentement, le gouvernement erre? En plus de ne pas signer certains traités importants, on en est rendu à avoir des traités qui ont déjà été signés par le Canada, mais qui ne sont plus respectés.
    Prenons le cas d'Omar Khadr, on sait qu'il était un enfant soldat. Le Canada est signataire de l'entente sur les enfants soldats. En plus de ne pas respecter ce traité, on voit également qu'il conteste devant les tribunaux les jugements rendus et qu'il ne respecte pas non plus les motions qui ont été adoptées par le Parlement à ce sujet.
    Je voulais vous entendre parler de ce sujet. Comment peut-on contrer cela? En plus de ne pas signer de nouveaux traités, on en est rendu à ne pas respecter ceux dont on est signataire.
    Le cas du Protocole optionnel à la Convention contre la torture est un peu déroutant. Rarement aura-t-on vu un dossier d'abord habité par la rumeur et, subséquemment, par la logique, parce qu'on ne sait pas précisément pourquoi, nous dit-on, certaines provinces s'objecteraient, notamment, aux exigences liées à l'inspection des prisons. C'est une situation très inconfortable sur le plan démocratique parce qu'on ne sait pas. Si on savait, peut-être se rendrait-on à certaines des réserves exprimées par certaines provinces, mais on ne sait pas. La confusion défie et la logique et les engagements internationaux du Canada, ce qui en soi est un échec et un affront à la promotion des droits de la personne.
    À l'égard des traités ratifiés, les protocoles à la Convention internationale des droits de l'enfant et la convention elle-même constituent de bons exemples. Je n'ai pas la recette magique qui insufflerait un respect plus important des conventions des droits de la personne au gouvernement canadien, mais retenons ceci. N'est-ce pas la preuve qu'il faut à la fois accorder toute l'attention requise à ce nouvel outil qu'est l'Examen périodique universel, mais aussi au suivi des traités ratifiés? C'est donc un complément d'outil et non une substitution d'outil. En bon optimiste, on peut espérer que deux voies de contrôle plutôt qu'une faciliteront du moins le dialogue quant aux violations liées aux traités existants, dialogues qui sont toutefois de différentes natures. Dans le cas de l'Examen périodique universel, le Canada dialogue avec la communauté internationale des États. Dans le cas, par exemple, de la Convention des droits de l'enfant, il s'agit d'un comité d'experts indépendant. Il faut donc miser sur ce nouveau cumul pour espérer un plus haut taux de conformité.
    Vous avez raison, madame la députée, de dire que depuis quelque temps, nous n'avons pas enregistré des gains très étincelants au Canada à ce chapitre.
(1310)
    Selon vous, est-ce une question de pouvoir ou de volonté politique, présentement?
    Je pense qu'on ne peut pas dissocier la volonté politique des outils disponibles. Nous sommes devant la venue d'un nouvel outil. Toutefois, cette feuille de route du gouvernement canadien ne pourra pas faire l'économie de respecter ses engagements convenus ou pris par traité. Donc, il ne faudra pas perdre de vue les mécanismes de suivi et de contrôle prévus par les instruments ratifiés. L'idée du dialogue permanent n'est pas une nouvelle exigence, c'est une exigence accrue, parce qu'il y a encore plus de moyens mis à la disposition des États et de la société civile pour assurer le respect des engagements du Canada.
    Vous avez parlé d'une conférence des provinces, de la nation québécoise et des territoires qui pourrait avoir lieu afin d'élaborer un certain dialogue permanent en vue de faire pression.
    Croyez-vous que cet outil pourrait servir pour les provinces, les territoires et la nation québécoise à faire pression sur le gouvernement fédéral afin de mettre en place un outil permanent pour le respect des droits des enfants?
    Il existe des outils permanents qu'on ne peut pas décrire si on est à l'extérieur du système, dont le célèbre comité fédéral-provincial-territorial. À vrai dire, actuellement, la permanence ou le regard constant sur les engagements internationaux du Canada est assuré par une institution que forment les commissions des droits de la personne qui servent de relais auprès des ministères de la Justice respectifs. C'est un mécanisme extrêmement opaque, fondé sur une certaine compréhension des droits de la personne. Cette compréhension fait que les gouvernements ne sont redevables qu'à leur propre Parlement et non pas à la société civile. Il y a un fondement à cette opacité. L'idée de la conférence — et nous sommes nombreux à partager le besoin que se tienne une telle conférence fédérale-provinciale-territoriale —, est de partager un nouveau leadership, mais aussi une nouvelle proposition selon laquelle les droits de la personne au Canada n'appartiennent pas exclusivement à des organismes institutionnels experts. Ces derniers sont eux-mêmes soumis, au bout du compte, à l'appréciation politique des Parlements et législatures puisque — on sait bien comment cela fonctionne — la partie provinciale d'un rapport canadien reçoit toujours d'abord l'aval du ou de la ministre responsable. Tout le parcours est fait — ce n'est pas très heureux de dire dans le plus grand secret, mais certainement pas dans le plus grand partage — en ce sens qu'il n'y a aucune information qui est transmise à la société civile.
    L'idée de cette conférence, c'est la recherche d'un nouvel engagement et d'une affirmation d'un principe ouvert, c'est-à-dire que les droits de la personne ne sont pas tout à fait une matière de relations internationales comme les autres. Il s'agit du système nerveux central de la communauté internationale. Conséquemment, le leadership doit favoriser l'ouverture dans le dialogue. Il ne s'agit pas de quelques dossiers mineurs de relations internationales. Les droits de la personne appartiennent aux personnes. Ce ne sont pas les parlementaires qui, bien que souverains, sont les seuls détenteurs des droits de la personne; ce sont les personnes.
(1315)

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Marston, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de m'adresser aux témoins, je signale que je vais remettre à la prochaine séance la motion dont j'ai donné avis, étant donné les changements apportés pour accueillir une invitée colombienne.
    Merci de votre témoignage. Je suis très heureux d'entendre le point de vue de la société civile.
    Nous avons remarqué que le processus était très ancré dans la bureaucratie gouvernementale. On pourrait presque dire qu'il y est enfermé. Si dévoué les bureaucrates soient-ils, ils ont des comptes à rendre à leurs maîtres politiques, qui qu'ils soient, et je vois là un problème.
    Vos deux témoignages correspondent très bien à celui que nous a livré l'autre jour M. Neve, d'Amnistie internationale.
    À propos du témoignage de mardi, je dois dire en toute justice que les bureaucrates qui ont comparu ont semblé très ouverts à une modification du processus. Vous auriez dû entendre cela, mais ils s'excusaient de n'avoir pas pu, faute de temps, consulter la société civile autant qu'ils estimaient devoir le faire. Par souci de justice envers eux, il est important de le dire.
    Comme il s'agit d'un nouveau processus, il y a encore place pour des changements et des rajustements. Il a été proposé par exemple de réunir les premiers ministres, les ministres des territoires, etc. Les droits de la personne au Canada n'ont pas été abordés de cette façon depuis 1988. C'est donc une très bonne idée que j'apprécie.
    Croyez-vous que le processus actuel a été lourdement politisé ou que cette impression d'enfermement tient au fait qu'il s'agit d'un nouveau processus pour la bureaucratie?
    Merci.
    Puis-je citer quelques lignes du rapport du groupe de travail? Il s'agit du neuvième paragraphe:
Le Canada estime que la participation de la société civile est un aspect important du processus d'EPU et a pris note du mécontentement des représentants de la société civile au sujet de la nature et du moment des consultations sur l'EPU. Il est déterminé à faire participer la société civile et entend tenir d'autres consultations après l'EPU.
    Il me semble que, dans votre question, il y a deux aspects à considérer. D'abord, qu'est-il advenu du premier rapport du processus d'EPU? Je peux concevoir qu'il y a eu un changement pour la bureaucratie, mais pas qu'il y a eu une grande surprise. Étant donné la structure du rapport, le gros de l'information venait d'évaluations antérieures du comité des experts de l'ONU. Il n'y avait donc dans le rapport absolument rien de neuf, aucune façon d'aborder différemment les atteintes aux droits de la personne ni la lenteur des progrès dont il était question.
    Quant à la question des délais, il faut la considérer avec prudence. Je le dis en toute déférence, car il est vrai que ce n'est pas un travail facile de mobiliser tout le monde pour produire un rapport destiné à l'ONU. Ce qu'il y a de vraiment neuf dans le processus, c'est la formule, le forum, l'évaluation du rapport, non le contenu. Je prends donc l'argument des délais avec un grain de sel.
    Quoi qu'il en soit, il faut se tourner vers l'avenir. J'ai lu ici que quelque chose de magnifique allait se produire, qu'on retirerait du neuf de l'expérience de l'EPU. Mais avant de retourner à l'EPU, nous devrons faire d'autres rapports, en respectant les délais, concernant les traités sur les droits de la personne. Il y a des chances pour que, dans six mois, nous ne parlions plus de l'EPU; nous soulèverons les mêmes points à propos du système classique de rapports et nous déplorerons que les consultations soient en retard ou sans valeur.
    Ce sont des questions, mais je ne crois pas que la formule de l'EPU explique tout, en ce qui concerne la responsabilisation et les consultations.
    Pour ce qui est de la dépolitisation du processus d'EPU, le Canada a été un promoteur fervent et très utile de ce mécanisme. L'un des solides arguments de base, c'était que le processus serait dépolitisé. Pour l'instant, nous ne sommes pas très certains qu'il le soit complètement ni qu'il soit moins politisé que l'ancienne Commission des droits de l'homme. Nous savons cependant que la plupart des États membres semblent participer au processus, avec un succès variable, et j'estime pour ma part qu'il y a lieu de s'en réjouir.
    Le fait que le Conseil des droits de l'homme utilise l'EPU pour que les règles soient les mêmes pour tous est très bien, mais cela ne veut pas dire que nous sommes en mesure de mieux comprendre ce que veut dire la promotion des droits de la personne au niveau national, dans le cas du Canada.
    Ce sont deux façons différentes d'aborder l'expérience de l'EPU.
(1320)
    Monsieur le président, le temps tire à sa fin. Je vais céder la place au prochain député, puisque nous avons convenu de passer à autre chose à 13 h 30.
    Nous allons donc donner la parole aux conservateurs. Monsieur Sweet, je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Une précision, madame Lamarche. C'est peut-être un peu à cause de l'interprétation, non pas qu'elle n'ait pas été bonne, mais étant donné la rapidité de votre débit, je n'ai pas très bien compris une ou deux phrases.
    Vous avez dit que les autres ordres de gouvernement vous renvoient toujours au gouvernement fédéral. Vous souvenez-vous d'avoir dit cela? Que vouliez-vous laisser entendre par là? Avez-vous fait des démarches auprès des gouvernements provinciaux ou territoriaux, ou même des municipalités pour vous faire renvoyer au niveau fédéral?
    Soit dit en passant, vos titres disent seulement: professeur titulaire, section de common law. Pourriez-vous donner de l'information sur l'organisation que vous représentez?
    Merci.
    Je suis arrivée à l'Université d'Ottawa il y a trois ans. Auparavant, j'enseignais à l'Université de Montréal. Je me suis intéressée aux organisations de la société civile — j'ai l'impression que cela fait une éternité —, à ces questions de participation à l'ONU et de droits de la personne.
    Sauf votre respect, je vais tirer mon exemple du Québec. Il a été la première province canadienne à décider de se présenter à Genève et à faire connaître l'expérience d'un dialogue constructif sur l'observation des traités des droits de la personne. Il a été la première, mais ce n'est plus le cas. D'autres provinces ont décidé de participer dans le cadre de la délégation fédérale. L'expérience de l'EPU se passe de commentaires. Le Québec, qui s'occupe de nombreux champs de compétence liés à l'application des droits de la personne, n'a pas consulté sa propre société civile avant l'EPU, ce qui doit être moins complexe que consulter des représentants de tout le Canada.
    La société civile, à commencer par la Ligue des droits et libertés du Québec, a dû insister pour obtenir une réunion après février, au moment où la délégation est rentrée de Genève. Au fond, des documents montrent que le Québec a pour position qu'il n'a de comptes à rendre qu'à l'Assemblée nationale, et il reprend à son compte les décisions fédérales sur le suivi de l'EPU. Voilà qui est éloquent. C'est un cas, mais je sais que d'autres provinces adopteraient la même position. Lorsque cela leur convient, les provinces et territoires s'en remettent au gouvernement fédéral pour ne pas s'occuper de questions de droits de la personne. Rien de nouveau sous le soleil; c'est ce que constatent ceux d'entre nous qui s'occupent de ce genre de processus depuis 20 ans.
    Il faut arrêter de se lancer la balle. À Genève, le gouvernement fédéral ne manque de dire, et il a raison, qu'il s'agit d'un champ de compétence provinciale. Lorsqu'elles rentrent, les provinces disent qu'il s'agit du pouvoir de conclure des traités, que le gouvernement fédéral représente l'État et qu'elles ne peuvent pas faire grand-chose au niveau provincial. Sur le plan théorique, c'est indéfendable. Sur le plan politique, ce n'est pas précisément productif.
    Comment faire évoluer la situation? Il faut commencer par la direction et un niveau différent de compétence, une conception commune de la responsabilité et la promotion de la consultation sur les droits de la personne. Autrement, au prochain rapport à produire à Genève, les deux parties se renverront encore la balle; tout le monde est responsable, mais personne n'est responsable lorsqu'il s'agit des droits de l'enfant, de la torture, des droits civils.
(1325)
    Vous avez donc fait des démarches auprès du gouvernement provincial par le passé, pas expressément au sujet de l'EPU, et on vous a répondu qu'il n'y aurait pas de consultations parce que ce n'était pas leur responsabilité, mais celle du gouvernement fédéral.
    Je dirais que le Québec a la même conception que le gouvernement fédéral de l'obligation de consulter, c'est-à-dire des consultations à peu près vides de sens.
    Vous avez lu le témoignage de M. Neve. Avez-vous lu également celui des représentants du gouvernement? Je leur ai posé des questions précisément sur un nouveau processus qui allait être élaboré. Je leur ai demandé s'il y aurait un nouveau processus, s'il y aurait des comptes à rendre, s'il y aurait des repères précis. Qu'avez-vous pensé de ce témoignage? Vous en avez déjà dit quelques mots, mais livrez-moi le fond de votre pensée sans aucun maquillage.
    J'ignore quel sera le plan fédéral. Je me demande ce que cela veut dire. Nous pouvons avoir des raisons de croire qu'il y aura une tentation bien normale d'opter pour des points de repère: voici où nous en sommes; où en serons-nous dans quatre ans? Les indicateurs ont leur limite. Il faudra s'assurer qu'ils sont conçus en fonction des droits de la personne.
    Ce n'est pas simplement de la gestion axée sur les résultats. Les droits de la personne sont en cause. Toute une série de questions va probablement surgir lorsque nous pourrons comprendre en quoi consiste le plan fédéral. Mais je crains de ne pas avoir de grands secrets à révéler à ce sujet.
    Madame Ahmed, vous avez parlé d'un commissaire chargé des enfants. Pourriez-vous nommer quelques pays qui en ont un? Leur rôle ressemble-t-il à celui de l'ombudsman qui intervient dans des cas individuels ou même dans un domaine général de la politique?
    Le rôle est double. Le commissaire examine des cas précis qui servent d'exemple de... Désolée, je recommence.
    D'abord, quelques pays. Il y a le Royaume-Uni, la Norvège et la Nouvelle-Zélande. J'en omets quelques-uns, car la liste est longue. Une quinzaine de pays ont des protecteurs fédéraux qui sont des commissaires chargés des enfants. Ils exercent une surveillance et s'assurent qu'on tient compte des enfants dans toutes les décisions qui les touchent, y compris en matière législative. Ils doivent aussi se saisir de cas particuliers qui illustrent des problèmes graves pour les enfants. Un exemple courant serait une collectivité autochtone qui n'a pas d'école élémentaire. Voilà un cas qu'un commissaire canadien utiliserait pour montrer que tous les enfants des différents milieux ne sont pas sur un pied d'égalité.
    Le commissaire ne se limite pas à des cas particuliers. Il s'occupe aussi de politique.
     Les pays dont vous parlez, ont-ils des infrastructures semblables au niveau municipal, comme les sociétés d'aide à l'enfance, etc.?
    Je le crois, oui.
    Le commissaire fait-il partie de la bureaucratie gouvernementale? Vous dites qu'il intervient même au stade de la rédaction des lois pour voir si elles tiennent compte des droits et de la sécurité des enfants?
(1330)
    Le commissaire doit être une instance indépendante, il doit être à une certaine distance du gouvernement, mais il doit aussi donner ses conseils sur différentes décisions. Le mieux que je puisse proposer, c'est de vous procurer une documentation qui décrit brièvement les fonctions précises d'un commissaire. Je vous la communiquerai plus tard, selon ce que la commission dira, car ce n'est pas tout à fait mon champ de compétence.
    Très bien.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, monsieur Sweet.
    Merci aux deux témoins.
    Pour ce qui est des mémoires, je vous invite à les présenter au greffier du comité. Il les fera distribuer à tous les députés, qui pourront les consulter.
    Comme il est 13 h 30, nous allons maintenant donner congé aux témoins, que nous remercions, pour appeler le prochain témoin.
    Peut-être pourrions-nous suspendre la séance pour permettre au témoin de prendre place.
    Merci.
(1330)

(1330)
    Le président: Très bien. La séance reprend.
    Comme nous en avons convenu tout à l'heure, nous accueillons Yessica Hoyos Morales, qui est une avocate et une militante des droits de la personne en Colombie. Elle nous parlera de questions qui préoccupent son pays.
    Il y a un bref exposé liminaire. Je crois comprendre que Mme Hoyos Morales ne parle aucune de nos langues officielles et s'exprimera par l'entremise d'une interprète. Il faudra faire le plus rapidement possible dans les circonstances. Nous n'avons qu'une demi-heure. Ce n'est pas facile.
    Je suis persuadé que Mme Morales a des choses très importantes à nous dire, mais il serait utile de respecter les temps de parole. Lorsque nous passerons aux questions, les députés auront cinq minutes. Cette fois-ci, je serai plus impitoyable que par le passé pour faire respecter la limite de cinq minutes. Tenez-vous-le pour dit et préparez vos questions maintenant.
    Trêve de préambules, nous vous souhaitons la bienvenue, madame Morales.
    Je vous en prie.
    Bonjour. Je vous remercie de m'accueillir et de bien vouloir écouter ce que j'ai à dire. Je vais essayer d'être brève, même si j'ai bien des choses à dire.
    Je me présente: Yessika Hoyos Morales, fille de Jorge Darío Hoyos Franco, syndicaliste qui a été assassiné en 2001. Mon père est l'un des 2 709 syndicalistes qui ont été tués de 1986 à nos jours. Cette année, il y a déjà 16 syndicalistes qui ont subi le même sort.
    Les meurtres ne sont pas le seul problème. Il y a aussi l'impunité dont jouissent les meurtriers. Selon les données du bureau du procureur général, jusqu'en janvier dernier, il n'y a eu enquête que sur 816 de ces meurtres.
    En Colombie, il n'y a pas que les syndicalistes qui soient assassinés. Beaucoup de militants des droits de la personne, de journalistes et de membres d'organisations sociales sont également tués. Entre juillet 2002 et 2007, il y a eu 1 112 exécutions extrajudiciaires.
    Le gouvernement colombien est profondément impliqué dans les activités des paramilitaires. Jorge Noguera, ancien directeur du service de la sécurité nationale en Colombie, qui est chargé du renseignement, fait l'objet d'une enquête du bureau du procureur à cause de ses liens avec les paramilitaires.
    M. Jorge Visbal Martelo, qui a été ambassadeur de la Colombie au Canada jusqu'il y a deux ans, fait l'objet d'une enquête du bureau du procureur pour la même raison.
    Le gouvernement colombien est mêlé à d'autres activités illégales, comme la mise sur écoute des téléphones des militants des droits de la personne, des journalistes, des membres du parti d'opposition et même des juges à la Cour suprême, et des trois plus grandes organisations syndicales de la Colombie.
(1335)
    Je termine en disant qu'il y a beaucoup d'atteintes aux droits de la personne dans mon pays. Je vous remercie de m'avoir donné la parole, car ce sont d'habitude d'autres voix qui se font entendre à des tribunes comme celle-ci.
    Je vous suis très reconnaissante de m'avoir écoutée, car il y a des violations vraiment graves des droits de la personne en Colombie.
    Merci.
    Passons au premier député. Je rappelle à ceux qui posent des questions, qu'il faut interpréter aussi bien les questions que les réponses. Je vous invite à être le plus brefs possible.
(1340)
    Merci, monsieur le président.
    Merci à Yessika Morales de sa présence et de son intervention.
    Je voudrais connaître le point de vue du témoin non seulement sur la société civile, mais aussi sur la population colombienne en général. Je sais qu'il existe toujours de graves problèmes de violation des droits de la personne, à cause aussi bien des paramilitaires que des FARC, qu'il y a également la guerre civile et le narcotrafic, qui joue un rôle majeur dans les difficultés du pays. Ce n'est certainement pas le président Uribe qui a créé ces problèmes. Ils existaient avant son élection.
    J'ai discuté avec bien des gens sur le terrain, en Colombie. Selon eux, il y a de graves violations des droits, mais la situation s'est quelque peu améliorée, pas sur tous les plans, il est vrai. Il y a encore de très graves problèmes. Plus expressément, vous avez parlé des syndicats et des assassinats, ce qui est déplorable et même horrible, mais certains éléments de la collectivité et de la société ont instauré un certain niveau de sécurité.
    Je voudrais connaître votre évaluation de la situation. Par exemple, les jeunes Colombiens ont-ils l'impression que la situation s'est aggravée? Depuis que votre père a été pris en otage, en 2001, croyez-vous que la situation a empiré? Est-elle stable? S'est-elle améliorée?
Mme Yessika Hoyos Morales[Traduction de l'interprétation]:
    En Colombie, la situation s'est aggravée sur le plan de la sécurité. Les chiffres le prouvent.
    L'an dernier, en 2008, il y a eu 112 exécutions extrajudiciaires qu'on appelle des « faux positifs ». Ce ne sont pas les paramilitaires ni les guérilleros qui tuent nos jeunes, mais l'armée colombienne.
    J'ignore si vous en avez entendu parler, mais on a découvert et prouvé récemment que les militaires appellent des jeunes, leur offrent des emplois et les amènent ailleurs, à l'intérieur du pays. Ils leur font porter des vêtements de guérilleros, leur disent de courir et les tuent.
    L'an dernier, je suis allé à la réunion de l'OEA, à Medellin. Il y a dix ans, je me souviens, on ne pouvait pas se promener dans la rue. On craignait pour sa vie à cause de toute l'activité de narcotrafic dirigée par Pablo Escobar. Aujourd'hui, on peut se promener dans le centre-ville. Il y a une foule de gens. Ce n'était pas comme ça il y a dix ans.
    Uribe a maintenant un taux d'approbation de 80 p. 100, et il a été le premier président depuis longtemps qui ait été élu au premier tour. Comment pouvez-vous dire que la situation a empiré, alors que sa popularité est si grande et que les gens avec qui j'ai parlé disent qu'ils se sentent un peu plus en sécurité dans la rue, alors qu'ils n'avaient pas la même impression il y a dix ans?
(1345)
Mme Yessika Hoyos Morales [Traduction de l'interprétation]:
    Je peux vous dire que c'est une fausse sécurité, car la sécurité ne s'est pas améliorée en Colombie, et les données sur la criminalité ne témoignent d'aucune amélioration. Vous dites que, à Medellin, les gens se promènent dans les rues, mais il y a beaucoup de crainte, probablement autant qu'ailleurs.
    La plupart des collectivités ont très peur dans toutes les villes de la Colombie et à différents endroits. Surtout les jeunes. Ainsi, très récemment, les Black Eagles, le nouveau groupe paramilitaire de la Colombie, a fait des menaces, disant que les jeunes qui se trouvaient dans la rue après 10 heures du soir seraient tués, tout comme les travailleuses du sexe, les homosexuels et les personnalités du mouvement social. Les médias ont inventé des nouvelles, prétendant que le pays était plus en sécurité.
    Quant à la popularité du président, je ne crois pas que ce soit vrai. Allez dans les zones rurales et les comités, et vous verrez qu'il n'est pas aussi populaire que vous seriez porté à le croire.
    Madame Thi Lac, je vous en prie.

[Français]

    Merci, madame Morales, d'être aujourd'hui parmi nous. J'ai eu la chance de vous rencontrer lors de la réunion de notre caucus plus tôt cette semaine. Je tenais à vous souligner que vous faites preuve d'un très grand courage. On sait que vous pourriez vous-même être victime de représailles.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Je veux également faire suite à la question de mon collègue qui disait que le pays était plus sûr. Vous étiez sur le point de dire qu'il y a davantage d'intimidation, ce qui fait que les gens sont plus craintifs, restent à la maison et vivent dans la peur. Cela crée actuellement un faux sentiment de sécurité dans votre pays.

[Traduction]

Mme Yessika Hoyos Morales [Traduction de l'interprétation]:
    Oui, je crois que l'une des grandes raisons est la peur. Par ailleurs, je crois aussi que le gouvernement et les médias manipulent les chiffres. Il est peut-être vrai que, dans certains cas, il y a moins d'homicides, mais ce n'est pas vrai pour les syndicalistes, par exemple. Parallèlement, il y a une forte augmentation du nombre de disparitions forcées, d'exécutions extrajudiciaires et de cas de torture. Je le répète, je crois que le gouvernement manipule les données.
    Tout récemment, même au niveau du service de la sécurité nationale... Je répète qu'il a été prouvé qu'on file des juges de la Cour suprême, d'autres responsables importants et les députés de l'opposition et qu'on met leur téléphone sur écoute. Il ne semble pas que cela témoigne d'une grande sécurité en Colombie.
(1350)

[Français]

    J'ai une dernière question.
    Vous savez que le Canada veut présentement ratifier une entente de libre-échange avec la Colombie. Je suis députée d'une circonscription où il y a un programme d'accueil pour les réfugiés de la Colombie, où un fort taux de Colombiens se sont installés, bien qu'il s'agisse d'une circonscription rurale. Je suis très au courant du fait que beaucoup de vos concitoyens ont dû quitter le pays de façon involontaire et fuir la Colombie, pour s'installer dans ma belle circonscription.
    Effectivement, il me semble que de ratifier ce genre d'entente, c'est comme si le gouvernement « parlait des deux côtés de la bouche ». D'une part, il dit qu'il reconnaît et accueille ici, au Québec et au Canada, terres d'accueil, les personnes dont les droits de la personne ne sont pas respectés en Colombie. D'autre part, il accepte de faire du commerce avec un pays qui ne respecte pas les droits de la personne.
    J'ai déposé une motion ici, en comité. Ne croyez-vous pas qu'il est justement très urgent que nous nous penchions sur cette question?

[Traduction]

Mme Yessika Hoyos Morales [Traduction de l'interprétation]:
    Oui, je respecte le Canada et je suis persuadé que le gouvernement du Canada est largement respecté parce qu'on sait qu'il respecte les droits de la personne. Toutefois, si le Canada ratifie cet accord avec la Colombie, il va appuyer un régime qui viole les droits de la personne.
    Je vous invite tous à venir en Colombie pour observer de vos propres yeux ce qui s'y passe. On tue des milliers de jeunes. On assassine des défenseurs des droits de la personne.
    Je suis ici sans mon père, parce qu'il a été tué. Bien d'autres jeunes ont perdu leurs parents, leurs frères, leurs soeurs il n'y a pas si longtemps — sous le gouvernement actuel, il y a quelques années — simplement parce qu'ils voulaient bâtir une Colombie meilleure. Je ne suis pas la seule à vous le dire. C'est le point de vue d'un grand nombre d'organisations des droits de la personne, de militants des droits de la personne, d'organisations autochtones et de paysans.
    Les Colombiens s'opposent aussi à cet accord pour la même raison.
    Très bien. Avant de céder la parole à M. Marston, je signale que je ne tiendrai pas compte de l'heure prévue pour la fin de la séance tant que tous les députés n'auront pas posé leurs questions.
    Monsieur Marston, à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous suis très reconnaissant de la position que vous venez de prendre, et je remercie le comité d'avoir accepté d'entendre le témoin.
    Vous n'êtes pas nécessairement au courant, mais en 2008, le Comité du commerce international des Communes a dit que nous ne devrions pas signer d'accord avec la Colombie avant d'avoir examiné son bilan en matière de droits de la personne. Vous savez certainement que le Congrès américain a également bloqué un accord. M. Obama a dit qu'il ne bougerait pas tant qu'il n'y aurait pas une nette amélioration de la situation sur le plan des droits de la personne.
    D'une certaine façon, en signant ce projet d'accord avec la Colombie, le Canada a peut-être aidé à mettre en lumière certains des problèmes. En 1996-1997, j'ai rencontré un Colombien qui a été l'un des occupants de l'usine de Coca-Cola. Il est rentré en Colombie et, deux semaines plus tard, on le faisait descendre d'un autobus et on le tuait par balle sous les yeux de sa famille. Nous sommes nombreux ici à éprouver une grande sympathie pour votre cause.
    Quelle a été votre réaction lorsque vous avez appris qu'un projet d'accord avait été signé avec le Canada?
    Voici ma deuxième question, très personnelle, mais je crois que c'est la raison d'être de votre visite au Canada. Si le mandat du président est renouvelé, serez-vous en sécurité lorsque vous rentrerez en Colombie?
(1355)
Mme Yessika Hoyos Morales [Traduction de l'interprétation]:
    Lorsque j'ai appris qu'il était possible que le Canada signe un accord commercial avec la Colombie, j'ai ressenti une grande peine.
    J'ai toujours eu une profonde admiration pour le Canada. Le Canada est un pays pacificateur qui est connu dans le monde entier pour son respect des droits de la personne. Il existe de nombreux circuits de coopération avec la Colombie, notamment votre participation au G24. Ce groupe a également insisté auprès de la Colombie pour qu'elle respecte les recommandations internationales sur le plan des droits de la personne.
    C'est pour moi un sujet de préoccupation. C'est comme si vous tourniez le dos aux Colombiens. Si vous signez cet accord, vous manifesterez votre appui à un gouvernement qui viole les droits de la personne.
    Quant à ma vie personnelle, j'ai été menacée bien des fois. Au Colectivo de Abogados, nous avons reçu récemment des menaces de mort.
    Le président Álvaro Uribe a dit publiquement que j'étais une ennemie de mon pays lorsque je décrivais ce qui s'y passe. Je dirai seulement que je ne suis pas une ennemie de mon pays. Au contraire, si j'agis comme je le fais, c'est parce que je l'aime. J'aime la Colombie. J'aime ma patrie.
    C'est parce que j'aime ma patrie que je suis venue vous adresser la parole.
     Monsieur Sweet, s'il vous plaît.
    Monsieur le président, je dirai d'abord que Mme Morales est animée d'une grande passion que bien des raisons justifient, dont l'une des plus importantes est qu'elle a perdu son père.
    D'abord, madame Morales, au nom du comité, je vous présente mes plus profondes condoléances.
    Je n'ai pas de question précise à poser, mais je dirai ceci. Au cours de la séance, nous examinons l'EPU. La moitié des pays de l'ONU ont été étudiés jusqu'à maintenant. L'autre moitié est à venir. Dans tous les pays, des manquements aux droits de la personne seront signalés, à mon avis. Je vous dirai qu'un fort pourcentage de ces pays ont tout de même des échanges commerciaux entre eux.
    L'idée qu'on approuve les faiblesses de l'autre si on fait du commerce avec lui pourrait être menée très loin. Si nous nous engageons dans cette voie, toute l'idée de commerce avec un pays...
    Je comprends les sentiments exprimés ici. Je comprends la lutte pour les droits de la personne. Nous faisons tous partie du comité parce que nous sommes profondément attachés aux droits de la personne, mais je dois vous dire, au comité, au témoin et au président, que l'idée selon laquelle notre pays se rabaisserait par des gestes qui, selon nous, auraient pour effet de susciter une certaine action en faveur d'un meilleur respect des droits de la personne est une idée que je ne pourrais pas tolérer devant le comité. Ce n'est certainement pas la motivation du gouvernement, au contraire.
(1400)
    Pourrait-on traduire pour le témoin?
    Mme Victoria Giraldo (interprète): C'est déjà fait.
    Le président: Dans ce cas, y a-t-il une réponse?
Mme Yessika Hoyos Morales [Traduction de l'interprétation]:
    Je comprends ce que vous dites, et je comprends que vous ne souhaitiez pas interrompre les échanges entre les deux pays. Ce commerce a toujours existé et continuera probablement, mais le commerce est-il plus important que des vies humaines? À quel moment peut-on dire que c'est le cas? L'enjeu, c'est la vie des peuples autochtones, des syndicalistes et de beaucoup d'autres Colombiens.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous les membres du comité de leur patience, car ils ont accepté de rester un peu plus tard que d'habitude, et merci de leur souplesse, car ils ont accepté de rencontrer le témoin.
    Je tiens plus particulièrement à dire au témoin, Mme Morales, que nous lui sommes très reconnaissants de sa comparution. Merci également à son interprète.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU