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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 008 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 24 mars 2009

[Enregistrement électronique]

(1235)

[Français]

    Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Aujourd'hui, le 24 mars 2009, nous tenons notre huitième séance.

[Traduction]

    Nous accueillons aujourd'hui deux témoins. Avant de vous les présenter, je voudrais souligner, à l'intention des membres du comité, que la présente réunion est télédiffusée. Normalement, il nous est difficile d'avoir une réunion télédiffusée, et dans cette période d'une heure trente, nous n'avons pas la priorité sur les comités complets. En conséquence, la réunion de jeudi ne durera qu'une heure, et elle commencera à 13 heures plutôt qu'à 12 h 30 pour obtenir que le témoignage de notre prochain témoin soit télédiffusé. Toutefois, aujourd'hui la réunion durera une heure trente et elle sera télédiffusée.
    Nous avons deux témoins très distingués: Fakhteh Luna Zamani, qui est présidente de l'Association de défense des prisonniers politiques azerbaïdjanais en Iran; et Ahmad Batebi, qui est porte-parole de Human Rights Activists en Iran.
    Mme Zamani a présenté un document qui, je crois, a été distribué à chacun d'entre vous. Il était traduit. Je suppose qu'il y a une carte qui accompagne également ce document, et que l'on est en train de faire circuler.
    M. Batebi nous a également apporté un rapport. Malheureusement, nous l'avons contacté relativement tard. Il a également eu certaines difficultés à passer des États-Unis au Canada et, en conséquence, nous n'avons pas été en mesure de faire traduire son document dans les deux langues officielles. Le greffier n'est pas autorisé, en vertu de nos règles, à le distribuer, mais nous allons le faire traduire le plus rapidement possible. Toutefois, il est accessible pour les membres du comité qui désireraient le consulter.
    Il y a une autre question sur laquelle j'aimerais attirer l'attention de tout le monde; M. Batebi s'attendait à avoir un interprète. Nous avons essayé d'en mettre un à sa disposition. Malheureusement, le greffier m'informait que la personne en question ne s'est pas présentée. Cela crée un petit problème. Je pense que nous allons y faire face en parlant simplement très lentement. Mme Zamani a offert son aide s'il y avait des problèmes de traduction; cela vous semble-il raisonnable?
    Ceci dit, j'invite nos témoins à commencer leur exposé.
    Madame Zamani, peut-être pourriez-vous commencer. Merci.
    Distingués députés de la Chambre des communes, mesdames et messieurs, au moment où la plupart des adolescents au Canada se préparent pour leurs vacances estivales, Mohammad-Reza Avaz-Pour, un Iranien azerbaïdjanais âgé de seulement 17 ans, commencera bientôt à purger sa sentence de 15 mois d'emprisonnement. Ce jeune activiste a l'habitude de la détention, de l'emprisonnement et de la torture. Depuis l'âge de 13 ans, il a été arrêté et torturé de manière répétée simplement pour avoir affirmé, dans un geste non violent, que sa langue maternelle ne mourrait pas.
    Cinq activistes universitaires, Huseyin Huseyni, Asghar Akbarzade, Ardashir Karimi, Behruz Alizade, et le journaliste Rahim Ghulami, ont été condamnés à cinq ans d'emprisonnement par la cour révolutionnaire iranienne le 2 février 2009 simplement pour avoir fait la promotion de leurs droits linguistiques. Ces procès n'ont pas été rendus publics et ont eu lieu sans l'assistance d'un avocat. Ces gens ont été accusés d'avoir créé des groupes illégaux avec l'intention de miner la sécurité nationale.
    Ces activistes seront envoyés loin de leur foyer dans des prisons dangereuses réparties partout au pays. Cet exil les privera de la visite de leur famille, interrompra la circulation de l'information au sujet de leur état et de leur bien-être fondamental et les coupera du monde extérieur. Il pourrait sembler ironique de dire que leurs familles ont de la chance, mais au moins elles sauront où se trouvent leurs êtres chers. Le 11 juin 2008, les pires craintes d'une famille se sont matérialisées. Vingt jours après l'arrestation de Ferhad Mohseni par des agents du renseignement iranien, son corps torturé a été remis à sa famille pour qu'il soit enterré immédiatement. Il était âgé de 25 ans.
    Pendant que le programme d'enrichissement de l'uranium de l'Iran continue d'être au centre de l'attention internationale, la situation des droits de la personne en Iran continue de se dégrader. Bien que les activités de divers mouvements étudiants et de défense des droits des femmes, ainsi que le cas individuel de journalistes, d'écrivains, d'universitaires et de défenseurs des droits de la personne soient un peu connus dans le monde extérieur, ce n'est pas le cas, regrettablement, de la situation des communautés minoritaires non persanes. Les Azerbaïdjanais et d'autres groupes ethniques non persans constituent la population invisible de l'Iran. Depuis plus de 80 ans, toutes les minorités non persanes d'Iran ont été victimes de graves violations des droits de la personne. Elles ont été victimes de discrimination raciale, d'assimilation forcée et de suppression de leur langue et de leur culture à la fois sous l'empire des Pahlavi et sous celui des gouvernements islamiques.
    Cependant, à titre de personne d'origine azerbaïdjanaise, je suis ici pour vous parler de cette communauté particulière. Cette communauté minoritaire pourrait très bien être une majorité numérique, mais elle est gardée en situation minoritaire en termes d'accès au pouvoir et aux ressources. Dès ma tendre enfance, j'ai été exposée à la discrimination raciale à l'endroit du groupe ethnique dans lequel je suis née.
    Lorsque j'étais écolière, je n'avais pas le droit de parler ma langue maternelle, le turc azerbaïdjanais. Je n'ai jamais vu de manuels rédigés dans ma langue. On ne m'a jamais appris à lire et à écrire ma langue et on ne m'a jamais enseigné ma culture et mon histoire, étant donné que la seule langue officielle, le persan ou farsi, nous était imposée. On nous obligeait à apprendre la langue persane, l'histoire persane et la culture persane en tant qu'identité commune de tous les Iraniens.
    J'ai vu mon groupe ethnique être insulté de manière systématique et ouverte à la radio, à la télévision et dans la presse nationale dirigée par l'État. Même à l'heure actuelle, mon peuple est dépeint comme inférieur au plan intellectuel et il est déshumanisé en l'assimilant à l'âne et au cafard.
    Nous sommes toujours victimes de discrimination raciale en Iran. On continue de bannir toutes les langues non persanes. Les groupes ethniques, en particulier les Turcs et les Sémites, sont déshumanisés. Les régimes iraniens ont été la plus grande menace aux droits de la personne pour les Azerbaïdjanais en Iran. Parallèlement à la répression interne par le gouvernement, la lutte des Azerbaïdjanais est inconnue de la communauté internationale et demeure invisible aux yeux des médias occidentaux comme la BBC, et les sources de radiodiffusion européennes en persan. Même les militants des droits de la personne iraniens omettent souvent de parler des Azerbaïdjanais et des autres minorités lorsqu'ils parlent des violations des droits de la personne en Iran.
(1240)
    Il y a environ trois ans, après avoir entendu parler d'arrestations massives dans la région azerbaïdjanaise de l'Iran et devant l'indifférence totale des groupes de défense des droits de la personne à l'égard de la situation des Azerbaïdjanais, j'en suis venue à la conclusion que je devais défendre cette cause. Tout de suite, j'ai pu voir les effets de la répression et de l'assimilation forcée auxquelles les Azerbaïdjanais ont été exposés au cours du dernier siècle. Moi-même ainsi que d'autres qui ont parlé des droits des Azerbaïdjanais avons régulièrement été dénoncés comme des traîtres et des séparatistes et avons été victimes d'insultes et de menaces, non seulement de la part de membres des groupes persans dominants, mais également de la part de certains membres assimilés et persanisés de communautés minoritaires.
    Depuis le soulèvement de mai 2006 survenu dans la région azerbaïdjanaise de l'Iran, les militants azerbaïdjanais ont été durement réprimés. Beaucoup sont en prison, certains manquent à l'appel et, comme je l'ai dit auparavant, certains ont été tués. Ceux d'entre nous qui avons la chance de vivre dans des sociétés où nous jouissons de tous les droits politiques peuvent tendre la main pour aider ceux qui ont moins de chance. Nous demandons à la communauté internationale d'être consciente de la situation en Iran et d'agir au nom de ceux qui n'ont pas de voix.
    Lorsque je demande à des militants ou aux membres des familles qui ont perdu des êtres chers ou dont l'un des leurs est en prison s'ils ont un message, ils me demandent de parler de leur lutte pour la liberté d'expression, la démocratie et les droits de la personne. Mais pour eux, en tant qu'Azerbaïdjanais, la lutte s'étend également à l'élimination de la discrimination raciale et au droit de conserver leur langue et leur culture. Leur message peut se résumer dans ces quelques mots de Daw Aung San Suu Kyi, la leader birmane emprisonnée: « S'il vous plaît, utilisez votre liberté pour promouvoir la nôtre ».
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup à vous également. C'était très concis.
    Apparemment l'interprète est en route. Je crois comprendre, monsieur Batebi, que vous êtes à l'aise pour faire votre exposé, mais qu'un interprète serait utile pour les questions qu'on pourrait vous poser, est-ce exact?
(1245)
    [Le témoin parle en persan.]
    Je vais traduire pour lui. Il va essayer de faire un exposé très court et il se concentrera sur les données statistiques, et je vais traduire pour lui du mieux que je peux; comme je l'ai dit, le persan est ma deuxième langue.
    Allez-y. Merci.
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    En mon nom personnel et au nom des autres défenseurs des droits de la personne en Iran, j'aimerais remercier le comité et le gouvernement canadien de s'intéresser aux questions de droits de la personne en Iran sans tenir compte des conséquences politiques de cette question.
    En Iran, les droits de la personne sont violés systématiquement par le gouvernement. Le problème n'est pas seulement la violation des droits de la personne, mais les lois qui permettent cette violation constituent également un problème énorme. Étant donné que le système judiciaire iranien utilise les lois de la charia et les règles islamiques, la violation des droits de la personne est enchâssée dans la loi et dans la constitution.
    Je vais donner un exposé fondé sur les données statistiques que j'ai concernant les violations qui ont eu lieu l'an dernier. Tout cela se trouve dans le domaine de la liberté d'expression. Avec la fermeture des journaux de l'opposition, l'Iran avait le taux le plus élevé de violations l'année dernière. Des millions de sites Web...
    On vient à ma rescousse.
(1250)
    On ne m'a pas donné le bon numéro de pièce.
    Eh bien, si vous êtes prêt, nous pouvons commencer.
    Veuillez continuer.
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Le rapport que je vous présente ici n'est pas un rapport complet parce que nous n'avons pas suffisamment d'observateurs pour nous informer de la situation dans les différents cas. Et il s'agit ici uniquement des cas pour lesquels nous avons déjà fait enquête et constaté la véracité. Même cette information limitée qui nous est disponible peut vous donner une idée du nombre de violations des droits de la personne en Iran. L'Iran a un taux élevé à cet égard.
    Malheureusement, je n'ai pas eu suffisamment de temps pour préparer un rapport complet, parce qu'on m'a informé il y a seulement trois jours que je pourrais présenter ce cas. Par conséquent, le rapport est limité. Mais j'ai essayé d'inclure les tableaux statistiques de sorte que la question soit très claire.
    La première partie du rapport parle des médias, surtout des publications. De nombreux journalistes et reporters ont perdu leur emploi ou ont été expulsés d'Iran.
    Il y a toujours des rapports du centre de sécurité nationale — qui est au plus haut niveau pour ce qui est des questions de sécurité — de sorte que toutes les nouvelles ne seront pas communiquées au public, comme les questions liées aux violations des droits de la personne ou à l'énergie nucléaire. D'autres personnes ont manifesté leur intérêt à ce qui concerne l'énergie nucléaire, mais on dit que la question devrait être centrée surtout sur les questions économiques plutôt que sur la question nucléaire.
    J'ai maintenant des données statistiques à vous communiquer. Premièrement, parlons de la fermeture des journaux. Au cours de la dernière année, il y a eu 29 cas de fermeture de journaux. Il y a eu 16 cas de congédiement de journalistes, 26 cas de journalistes qui ont subi un procès, 73 cas de journalistes qui ont été convoqués devant la cour ou cités à comparaître, 21 cas des journalistes qui ont été jugés et trouvés coupables et 17 cas de journalistes et de reporters qui ont été arrêtés.
    Passons maintenant à une autre question, à savoir celle des étudiants. Il y a eu un très grand nombre d'arrestations chez les étudiants, surtout chez les activistes. J'utilise un cas très connu à titre d'exemple. Dans une des grandes universités, un des hauts dirigeants de l'université a commis du harcèlement sexuel à l'endroit d'une jeune fille. Avant la conclusion finale de cette agression, un étudiant a ouvert la barrière, est entré dans la pièce et a empêché cet homme d'aller aussi loin qu'il le voulait. La scène a été filmée, mais les étudiants n'ont pas été autorisés à montrer ce film. Le résultat a été que l'homme qui a commis l'agression a obtenu un meilleur poste. Les étudiants qui ont exposé la situation ont été forcés de quitter l'université.
    J'ai plus de 10 autres cas que je peux vous donner.
    Maintenant, nous parlons toujours des étudiants. Le nombre de cas où ces derniers ont été convoqués devant la cour ou cités à comparaître s'élève à 139. Le nombre d'étudiants qui ont été remis en liberté sous cautionnement était de 66; 77 étudiants ont été jugés et condamnés; 234 se sont vu refuser le droit à l'éducation. Il y a eu 215 arrestations. Pour ce qui est des journaux étudiants, 64 ont été fermés. Le...[ Note de la rédaction: inaudible] comité expulsés est de 13, mais le nombre pour le comité de sécurité est 563.
(1255)
    En ce qui concerne la liberté des femmes, j'ai une autre section. Elles font l'objet de discrimination. Des dizaines de milliers d'incidents sont survenus. La question principale, c'est qu'elles sont forcées de se couvrir de la façon dont le gouvernement veut qu'elles se couvrent. Nous n'avons pas d'informations exactes concernant ces questions. Par conséquent, je n'ai pas de données statistiques à ce sujet. Dans la plupart des cas, elles seront détenues en prison pendant un court laps de temps.
    Pour toutes les femmes militantes qui ont été actives dans différentes questions sociales et les organisations non gouvernementales de femmes qui sont très actives en ce qui concerne l'égalité et la liberté, il y a des organisations. Parmi les dirigeantes de ces groupes, 25 ont été convoquées devant la cour ou citées à comparaître, 40 ont été jugées et trouvées coupables, et 40 ont été arrêtées et leur cas se trouve maintenant devant les tribunaux.
    Passons maintenant au mouvement syndical. En raison de la crise économique, de nombreux travailleurs ont perdu leur emploi en Iran. Malheureusement, à cause du manque de temps, je ne peux pas entrer dans les détails, mais j'aimerais vous présenter des données statistiques à cet égard. Plus de 11 000 personnes ont été licenciées. Vingt-six dirigeants syndicaux ont été jugés et condamnés, 38 ont été convoqués devant la cour ou cités à comparaître et 84 personnes ont été arrêtées pour une courte période de temps.
    Parlons maintenant des minorités religieuses. Il s'agit malheureusement de la pire situation parce qu'elles font l'objet de tant de discrimination. Il s'agit principalement des bahá'íe et des chrétiens. Laissez-moi encore une fois présenter des données statistiques plutôt que des descriptions.
    Parmi les bahá'ís, 42 personnes ont été arrêtées l'an dernier. Il y a eu 31 cas d'attaque et d'agression touchant leur foyer. Vingt-cinq familles bahá'íes ont été citées à comparaître ou ont été convoquées devant la cour et dans 11 cas, la peine de mort a été prononcée.
(1300)
    Vingt-cinq chrétiens ont été arrêtés.
    Parmi les musulmans, il y a, comme vous le savez, deux groupes principaux: les sunnites et chiites. Cent trente-neuf sunnites ont été arrêtés.
    L'autre cas concerne les derviches. J'ignore si vous êtes au courant de cette question ou non. Derviche s'applique aux Soufis. Cent trois Soufis ont été arrêtés et 19 d'entre eux ont été jugés et condamnés à mort.
    Dans la dernière partie de mon exposé, j'aimerais dire quelques mots au sujet de l'exécution et de la peine capitale en Iran. Amnistie Internationale a signalé 346 cas d'exécution, mais notre chiffre est légèrement inférieur à cela. D'après nos enquêtes, nous avons 278 cas. Il y a eu 30 exécutions chez des personnes âgées de moins de 18 ans. Il y a huit personnes qui attendent en prison d'être exécutées. De toute évidence, le chiffre pourrait être supérieur à cela, mais ce sont les cas sur lesquels nous avons pu faire enquête, et mon exposé est fondé là-dessus.
    Je vous suis reconnaissant d'avoir écouté mon exposé et si vous voulez quelque chose par écrit, je pourrai vous le faire parvenir.
(1305)
    Je remercie énormément nos deux témoins.
    Nous avons suffisamment de temps pour deux tours de questions, ce qui n'est pas toujours possible au sein de notre comité. Je suggère donc que nous commencions par nos interventions habituelles de sept minutes. Nous pourrons faire preuve d'un peu de souplesse si des problèmes de traduction surviennent. J'espère qu'ensuite nous serons en mesure de tenir un autre tour de questions et réponses de sept minutes, ce qui donnera amplement de temps à tout le monde pour interroger nos témoins.
    Nous commençons habituellement par les libéraux. Monsieur Silva.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais d'abord remercier nos deux témoins de leurs excellents exposés. Nous, les membres du Comité des droits de la personne, sommes très préoccupés par ce qui se passe en Iran.
    Avant de poser ma question, j'aimerais formuler quelques remarques. Nous avons entendu maintes et maintes fois diverses organisations de défense des droits de la personne et divers membres de la diaspora iranienne se plaindre des épouvantables atrocités en matière de droits de la personne commises en Iran, telles que l'arrestation et la détention de journalistes, de syndicalistes et d'étudiants, le fait de priver certaines personnes de leur langue et de leur éducation, et la persécution des minorités religieuses de foi bahá'íe ou chrétienne. De plus, nous avons à maintes reprises entendu les propos et observé les actes d'un gouvernement extrêmement génocidaire qui souhaite exterminer les juifs du monde entier et détruire l'État d'Israël. Ces problèmes préoccupent beaucoup les Canadiens et exigent que la communauté internationale s'interroge sérieusement sur les mesures à prendre pour améliorer la situation en Iran.
    Nous savons également que des minorités linguistiques sont persécutées en Iran. Nous avons parlé de la communauté azerbaïdjanaise qui a communiqué avec nous et nous sommes très inquiets à son sujet. Nous savons que la communauté baloutchi fait également l'objet de persécutions non seulement en Iran, mais aussi au Pakistan. Au Pakistan, ses membres sont privés des droits linguistiques et culturels auxquels toute personne a droit.
    Nous sommes très préoccupés par cette situation et nous aimerions beaucoup vous poser les questions que vos témoignages ont soulevées concernant les cas d'arrestation et de détention de dirigeants syndicaux et de journalistes. Il y a eu, évidemment, l'assassinat en Iran d'une de nos journalistes canadiennes. Des enfants mineurs ont été exécutés là-bas pour des motifs tels que leur orientation sexuelle. Deux jeunes ont été exécutés en Iran. Nous savons également que les gais et les lesbiennes sont régulièrement persécutés en Iran.
    Compte tenu de ces réalités, j'aimerais que vous nous indiquiez les gestes concrets que le comité pourrait poser et qui, selon vous, permettraient de faire progresser ces questions en matière de droits de la personne et de convaincre la communauté internationale de prêter oreille aux atrocités qui ont lieu dans ce pays. Nous devons avoir des objectifs clairs et le sentiment que notre communauté ne ferme pas les yeux sur ces réalités. Nous constatons que des droits de la personne ont été violés de façon flagrante et nous avons le devoir d'agir, mais nous avons également besoin de votre soutien. Et, nous vous remercions sincèrement de tout ce que vous faites déjà dans le domaine des droits de la personne.
    Monsieur le président, pour accélérer le processus, nous pourrions peut-être entendre d'abord Fakhteh et ensuite, pendant que le traducteur parle à Ahmad, il pourrait répondre en deuxième, si cela facilite les choses.
(1310)
    Oui, je vous remercie beaucoup. Cette séance constitue une première étape dans les efforts que nous déployons pour attirer l'attention sur la question des minorités, particulièrement les minorités ethniques, dont j'essaie principalement de m'occuper.
    Vous avez mentionné que c'était déjà un pas dans la bonne direction. Nous aimerions également avoir davantage d'occasions d'attirer l'attention des autres députés sur la question des minorités. Comme vous le savez peut-être, les minorités ethniques sont particulièrement laissées pour compte, comme je l'ai d'ailleurs indiqué dans mon allocution, parce qu'elles constituent un sujet très délicat tant pour le gouvernement que pour les groupes de l'opposition à l'extérieur du pays. Comme je l'ai fait remarquer au Congrès américain, je n'ai pas été attaquée par des membres du gouvernement iranien, mais bel et bien par des membres des groupes de l'opposition résidant à l'extérieur de l'Iran, contre qui la police a dû intervenir.
    Vous avez fait référence aux cas de Baloutches. J'ai essayé de m'occuper de certaines affaires après avoir entendu quelques rapports très alarmants de groupes de défense des droits de la personne baloutches. Un des activistes a été exécuté l'an dernier, et son frère a été condamné à cinq ans d'emprisonnement. J'ai été invitée à parler devant le Parlement européen au sujet de la communauté baloutche. Ils m'ont invitée à traiter de tous les cas de façon générale, mais malheureusement, en raison d'un manque de ressources, nous nous occupons principalement des Azerbaïdjanais.
    Selon ce que les Baloutches m'ont dit, le gouvernement nomme un juge spécial pour statuer sur ces cas. Ils soutirent des confessions en soumettant les prisonniers à de terribles tortures, et ces derniers sont jugés dans leurs cellules en 10 à 15 minutes, sans pouvoir se prévaloir des services d'un procureur ou d'un avocat de la défense. Simplement en raison de la situation particulière des Baloutches, le juge se présente, pose quelques questions à un pauvre bougre qui s'est fait torturer, puis le condamne à mort. Il y a des centaines de Baloutches qui attendent d'être exécutés.
    Malheureusement, comme je l'ai mentionné plus tôt, après presque un siècle de discrimination, les minorités ethniques sont incapables de s'organiser au pays et ont de la difficulté à obtenir des ressources de l'extérieur.
    J'ai entendu parler de centaines de cas de Baloutches que la communauté internationale ne connaît pas. Les groupes de défense des droits de la personne de Téhéran l'informent des cas qui se présentent dans les régions centrales, ce qui est fort bien; malheureusement, nous n'entendons pas beaucoup parler des groupes ethniques comme les Baloutches ou les Azerbaïdjanais.
    Notre but premier est de faire connaître cette situation, car nous croyons que, pour l'instant, il n'en est pas suffisamment question. Plus on tiendra de réunions et de séances pour en arriver à une résolution, plus grandes seront les chances des minorités ethniques.
(1315)
    Monsieur Batebi, vouliez-vous intervenir également?
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion de témoigner.
    Ensuite, j'aimerais faire remarquer que toutes les activités de défense des droits de la personne auront un effet sur la situation en Iran. Ce pays réagit habituellement aux mesures prises à cet égard à l'étranger. Pendant mon incarcération, j'ai remarqué que je subissais beaucoup moins de pression de la part des gardes pendant les périodes où intervenait un groupe de défense des droits de la personne de l'extérieur de l'Iran.
    J'aimerais porter à votre attention trois facteurs qui, je crois, pourraient avoir une influence sur la situation en Iran. Il y a les conférences internationales sur les droits de la personne internationaux, au cours desquelles des représentants de l'Iran sont invités à exprimer leur point de vue. Elles auront un effet considérable. Il y a également le fait que des comités des Nations Unies se sont dit inquiets des violations des droits de la personne. Bien sûr, il faudrait également offrir du soutien aux activistes iraniens qui s'occupent des questions, sociales ou autres, qui ont un lien avec les droits de la personne.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

    Monsieur Bigras, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    D'abord, bienvenue au sous-comité. Votre présence ici est particulière, surtout lorsqu'on considère que la Constitution iranienne est censée garantir un certain nombre de droits dont, entre autres, un droit linguistique et un droit culturel. Je pense que le combat que vous menez est non seulement le vôtre, mais aussi celui de toutes les minorités, qu'il s'agisse des Kurdes, des Baloutches ou des Arabes. Donc, votre combat est le combat de toutes ces minorités ethniques qui croient qu'il faut respecter les droits essentiels: le droit à une culture, à une éducation et à une langue maternelle propre.
    Dans votre déclaration, vous avez bien sûr utilisé le mot « assimilation », mais jusqu'à maintenant, je ne vous ai pas entendu parler de génocide. Pourtant, certains prétendent, entre autres, qu'il y en aurait eu, dans certaines provinces... J'ai lu le titre suivant quelque part: « Génocide des Azerbaïdjanais à Khodjali ».
    Estimez-vous que ce qui se produit actuellement dans certaines provinces peut constituer un génocide?
(1320)

[Traduction]

    Madame Zamani, je vous prie.
    Pourriez-vous répéter le nom?
    Khojaly.
    Khojaly, oui.
    Il y a la république d'Azerbaïdjan, où vivent huit millions d'habitants. C'est dans le Nord de l'Iran, comme l'indique la carte que je vous ai remise. Cependant, la majorité des autres Azerbaïdjanais vivent en Iran. Le génocide de Khojaly dont vous avez parlé s'est produit dans la région de Karabakh, en Azerbaïdjan.
    Pour ce qui est du génocide culturel, oui, vous avez raison. Ce qui s'est passé en Iran peut être qualifié de génocide culturel.

[Français]

    Pouvez-vous nous parler du tribunal moral international? Je pense qu'un tel tribunal a été créé en 2002. On l'appelle le Tribunal de Paris et il a été créé par le Comité de poursuite des crimes internationaux. Estimez-vous que ce type de tribunal a donné des résultats jusqu'à maintenant?

[Traduction]

    Ma constitution concerne les droits de la personne en Iran. J'ai entendu parler de Khojaly. C'est un problème qui se pose à l'extérieur de l'Iran, un conflit qui oppose les Arméniens et les Azerbaïdjanais à l'extérieur de l'Azerbaïdjan.
    Cela me ramène à notre principale question. Il existe toujours une certaine confusion concernant le pays de l'Azerbaïdjan et les Azerbaïdjanais iraniens. Les faits dont vous parlez se sont produits dans le Karabakh, une région du pays de l'Azerbaïdjan.

[Français]

    Si je ne m'abuse, ce tribunal moral international enquête sur le régime iranien. Est-ce que je me trompe?

[Traduction]

    Oui, c'est exact. Ce n'est pas en Iran, mais un tribunal examine le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.

[Français]

    Pour être plus concret, pourriez-vous nous dire quelle mesure vous attendez? On peut lire les rapports d'Amnistie internationale, mais qu'attendez-vous concrètement du Canada? Quelle mesure attendez-vous de la part du Canada dans le cadre de la problématique que vous nous présentez aujourd'hui? Avez-vous une mesure concrète à nous présenter?

[Traduction]

    Chaque année, je participe à une série de réunions, mentionnant la résolution annuelle adoptée par les Nations Unies contre l'Iran concernant les questions de droits de la personne dans ce pays. On y traite des minorités ethniques, mais pas en longueur. Il faudrait qu'une partie de cette résolution porte explicitement sur les groupes ethniques. Chaque année, chaque pays dépose un rapport, où il n'est pas question des minorités ethniques. Nous aimerions que l'on adopte une résolution très claire à ce sujet — c'est possible —, mais on peut voir qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous aimerions concentrer nos efforts sur la sensibilisation et le génocide culturel — un génocide linguistique qui dure depuis 80 ans en Iran. Les minorités ethniques ont besoin du soutien international pour faire connaître cette situation, et nous faisons appel au soutien des divers gouvernements, dont celui du Canada.
    Mon organisation, installée au Canada, travaille sans relâche depuis trois ans dans ce dossier, mais nous disposons de ressources très limitées. Nous demandons au gouvernement canadien de nous accorder des ressources pour pouvoir en faire davantage. Nous aimerions qu'il adopte une résolution ou offre une autre forme d'aide pour sensibiliser la population canadienne et la communauté internationale à cet égard.
    Je vais participer à la conférence de Durban sur le racisme. Ce qui se passe en Iran est un type très grave de racisme et d'assimilation systématique. Mais malheureusement, la communauté internationale n'est pas au courant, et c'est la première fois depuis les dernières années que des affaires connaissent un certain retentissement.
(1325)

[Français]

    Croyez-vous qu'un tribunal international devrait étudier la situation?

[Traduction]

    Ce serait merveilleux. Dans la situation actuelle, les minorités ethniques de l'Iran et les Azerbaïdjanais se réjouiraient d'une telle démarche. Depuis 1945, l'Azerbaïdjan est le théâtre d'un génocide après que la région autonome eût été attaquée par le régime Pahlavi; les victimes se comptent pas milliers.
    Le fait de bannir une langue dans la région constitue un génocide culturel. Si la situation pouvait être portée devant le tribunal, nous nous estimerions comblés. Mais ce que j'essaie de dire pour l'instant, c'est que lorsque je me présente aux Nations Unies, on me prend toujours pour une Azerbaïdjanaise de l'Azerbaïdjan. Le monde ignore encore qu'il y a des millions d'Azerbaïdjanais en Iran. Aux Nations Unies, nous aimerions avoir une chance de nous exprimer.
    J'ai parlé avec des membres de la mission canadienne aux Nations Unies. Je les ai remerciés, car ils ont organisé certaines des réunions que j'ai eues aux Affaires étrangères. Je retourne aux Nations Unies, à Genève, forte de l'appui de ces gens, qui ont à tout le moins contribué à établir des liens pour faire connaître cette affaire. Tout ce que le gouvernement canadien pourrait faire pour attirer l'attention des Nations Unis sur cette situation serait bien accueilli par notre organisation et les groupes ethniques en Iran.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous avons commencé à prendre un léger retard au cours des deux derniers tours. Je vais donc aller directement à M. Marston, après quoi nous verrons si les deux témoins doivent intervenir.
    La parole est donc à M. Marston.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier chacun de nos témoins de comparaître aujourd'hui. Et le fait que l'interprète soit arrivé en retard ne cause absolument aucun problème.
    Je suis, comme nous tous probablement, troublé par ce que nous entendons. Une bonne partie de cette information n'a rien de nouveau. Certains témoins nous ont déjà fait part de situations similaires. Le racisme — car c'est bien de cela dont il est question ici — est une arme que les régimes totalitaires utilisent souvent pour garder le contrôle, surtout s'ils se trouvent eux-mêmes en situation minoritaire. Il semble qu'en Iran, le gouvernement se soit servi du racisme pour fragmenter la société et la garder sous sa coupe.
    Je suis désolé si je vais trop vite.
     Non, c'est parfait.
    D'accord.
    D'après ce que nous ont dit les témoins précédents, nous croyons comprendre qu'environ 30 p. 100 de la population du pays contrôle l'autre 70 p. 100. J'ai interrogé un autre témoin au sujet de l'impact d'Internet sur la dissidence, qui augmente au pays. Ce mouvement fait l'objet de répression, comme c'est le cas pour les journaux et les journalistes. Ce témoin semblait penser que tout allait très bien de ce côté.
    Je suis heureux d'entendre que vous allez à Genève pour vous adresser au Conseil des droits de l'homme. Avez-vous remarqué si les Nations Unies ont une certaine incidence, si ses déclarations avaient un impact quelconque en Iran?
    Comme je l'ai mentionné, j'ai commencé il n'y a même pas trois ans, il y a plus de deux ans et demi, en fait.
    Aux Nations Unies, nous bénéficions du soutien d'un groupe de procédures spéciales du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme dans des cas individuels. Ce groupe nous a offert un appui solide dans les affaires de violation des droits de la personne contre des minorités ethniques que nous avons portées à son attention. Nous n'avons toutefois pas eu accès au reste des Nations Unies, en raison des ressources limitées que nous disposons — mon organisation, d'autres groupes des minorités ethniques et des activistes de défense des droits de la personne. C'est une grosse question pour un nombre aussi restreint de personnes et d'organisations.
    De façon générale, j'ai pris part à un forum sur les minorités et j'ai eu le temps d'y prendre la parole. À part cette intervention, nous n'avons pas eu l'occasion de nous faire entendre. Nous travaillons en ce sens. Je vais participer à une conférence en Allemagne afin de soulever la question du racisme, mais là se limitent nos interventions .
    En fait, je comptais retourner m'adresser à la mission canadienne, à Joe Hinton et à d'autres membres, pour voir s'ils nous aideraient à obtenir un siège qui nous permettrait d'avoir le droit de parole à l'assemblée générale et à d'autres tribunes. Nous pourrions obtenir davantage d'attention si le gouvernement canadien était prêt à nous appuyer et à nous orienter. Nous ne disposons que de ressources minimales pour nous occuper du dossier. Nous voudrions d'abord sensibiliser la communauté internationale, puis voir ce que nous pourrions faire ensuite.
(1330)
    Merci.
    Monsieur Batebi, je crois qu'il faudrait faire savoir à ceux qui, à la maison, ont pris le temps d'écouter la présente séance, qu'en tant qu'activiste étudiant, vous avez été emprisonné pendant neuf ans. Je tenais à saluer le courage qu'il faut pour continuer à être un dissident après tout ce temps.
    Lors de nos séances, notre comité entend souvent les mots « torture » et « mauvais traitements ». Les conditions de vie en prison sont souvent décrites de façon très générale. Je ne veux pas m'immiscer dans votre vie privée, mais pourriez-vous nous décrire un peu ce que c'est que de vivre au quotidien dans une prison iranienne? Il me semble que la torture et les exécutions soient systémiques dans ce pays.
    Pourriez-vous commenter? Sachez que vous pouvez aussi vous abstenir si vous préférez.
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Comme vous l'avez fait remarquer, les sévices sont systémiques et conçus pour l'être. Le gouvernement poursuit trois objectifs.
    D'abord, il voudrait obtenir de l'information sur les futurs plans des divers groupes activistes, qu'il s'agisse d'étudiants, de travailleurs ou de membres d'autres associations.
    Il y a ensuite la torture. Le gouvernement doit exercer des pressions pour dissuader les dissidents de poursuivre leurs activités. Il faut également que le peuple sache ce qu'il va lui arriver s'il participe à ce genre d'activités. Cela s'est produit lorsque j'étais en prison, et je dois dire que cela se produit encore maintenant.
    Si vous êtes intéressé, je pourrais peut-être vous remettre de la documentation à ce sujet. Je peux toutefois vous parler de la torture dont j'ai fait l'objet.
    J'ai été enfermé pendant 17 mois, seul dans une pièce minuscule, qui n'était rien de plus qu'une salle de bain. Cette situation a entraîné des problèmes de santé. Mes geôliers m'ont conduit deux fois à l'exécution. Une fois, j'étais accompagné d'autres prisonniers. Évidemment, je n'ai pas été exécuté. Je me tenais au milieu, avec un homme à ma gauche et un autre à ma droite. Ils nous ont bandé les yeux et nous ont obligés à nous tenir debout sur une chaise comme s'ils allaient nous pendre. Ils ont légèrement repoussé mon bandeau pour que je puisse voir ce qui arrivait aux deux autres. C'était des gens détenus dans de petites cellules à côté de la mienne. J'ai assisté leur exécution.
    Une fois, ils m'ont empêché de dormir pendant 72 heures. Ils m'ont infligé des coupures et ont mis du sel sur mes plaies. Si vous le voulez, je peux vous le montrer. Si vous voulez des détails, dites-le-moi.
(1335)
    Je vous pose la question parce que la « Hollywoodisation » de la torture prédispose certains d'entre nous à avoir une certaine idée de ce que c'est. Or, la torture peut être de nature beaucoup plus psychologique. C'est ce que j'espérais faire ressortir. Je vous remercie de nous avoir fait part de votre expérience.
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Merci.
    Monsieur Sweet.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Mon collègue est allé dans le même sens que moi, en parlant à mon collègue à côté de moi et en mentionnant la détermination extraordinaire et indomptable dont ont fait preuve nos deux témoins et, bien sûr, tous ceux qui comme eux, en Iran, sont constamment soumis à de pareils traitements. Nous vous félicitons d'être venus témoigner aujourd'hui et de continuer de prendre des risques pour que les autres puissent vivre libres.
    Monsieur le président, j'ai déjà été à Yad Vashem, en Israël, où l'on trouve une chronologie de l'Holocauste. Ce qui m'inquiète vraiment dans les témoignages entendus aujourd'hui et précédemment, c'est que tous les éléments précurseurs de cet Holocauste sont en train de se mettre en place en Iran: l'arrestation de personnes sous de fausses accusations, l'élimination de la liberté de presse et, bien sûr, la démonisation très troublante de certaines cultures par l'entremise de la presse, qui est contrôlée par l'État. Je crois que c'est de plus en plus évident avec chaque témoignage que nous entendons.
    Même si j'ai peu de temps à ma disposition, je voudrais poser une question qui s'adresse particulièrement à vous, madame Zamani, parce que c'est un aspect qui m'est peu familier. Vous avez dit que dans les efforts que vous déployez pour défendre les droits de la personne, vous avez été attaquée par certains groupes de l'opposition. Pourriez-vous nous expliquer un peu la dynamique de ce problème, qui représente un défi de plus à relever pour sensibiliser le monde à la situation en Iran?
(1340)
    Oui, et ce n'est pas la seule fois. Chaque fois que je parle, je suis nerveuse. Il m'arrive de regarder le public...
    Et je ne suis pas la seule. Tous ceux qui essaient de soulever des questions relatives aux minorités ethniques vous diront que les groupes d'opposition sont souvent plus sévères. Je le signale toujours au cours de mes rencontres. Je vais même jusqu'à dire que j'ignore qui est le pire, le gouvernement iranien ou l'opposition.
    On a du mal à le croire, surtout aux États-Unis, où on pense que ces gens sont des défenseurs des droits de la personne ou des militants pour la démocratie. Certains s'en sont même pris à moi personnellement au Congrès américain, notamment le directeur d'un groupe démocratique. Je leur ai ouvert les yeux. J'ai essayé d'expliquer aux membres du Congrès que nous ne savions pas qui, du gouvernement ou de l'opposition, était le pire. Ils ne m'ont pas cru avant de le voir de leurs propres yeux.
    Le gouvernement précédent considérait les Perses comme des Aryens. Évidemment, les Turcs azerbaïdjanais et les Sémites ne sont pas des Aryens. On a continué à penser ainsi après la chute de la dynastie Pahlavi. On nous considère comme des étrangers et des envahisseurs, et pas du tout comme des Iraniens. Tant que nous ne nous assimilerons pas et ne deviendrons pas des Perses, ou persanisés, nous serons marginalisés. En revanche, si nous acceptons de nous conformer, nous serons intégrés à la société et aurons accès au pouvoir.
    En Iran, même si le gouvernement est maintenant un gouvernement islamique qui n'est pas censé tenir compte de l'aspect racial — sa priorité étant de mettre en oeuvre les lois de l'Islam —, il est très ironique qu'on ait toujours la même ligne de pensée et que le racisme soit encore aussi présent. Récemment, par exemple, on a imprimé des billets sur lesquels il était inscrit que le Prophète avait dit que les Perses connaîtraient la gloire et que les autres seraient marginalisés.
    Les journaux dirigés par l'État censurent tout. Tout est vérifié rigoureusement. Pourtant, on y a déjà publié une caricature d'une coquerelle azerbaïdjanaise qui ne comprenait pas le persan. En plus, on y indiquait 10 façons d'exterminer les coquerelles. C'est très insultant et très dérangeant.
    En outre, encore aujourd'hui, il est très courant d'entendre des blagues à propos des Azerbaïdjanais qu'on compare à des ânes. Je n'accepte pas ce genre de blagues au Canada. Parfois, certains Iraniens me demandent pourquoi cela me dérange... J'essaie de dire aux gens que le racisme est implanté dans notre société, et que c'est très malheureux. Les minorités sont attaquées, mais au fond, c'est toute la société qui a un problème social, et nous devons absolument y remédier. En plus, il y a encore beaucoup de gens qui ne le voient pas.
(1345)
    C'est ce à quoi nous sommes confrontés. Je vis au Canada depuis 12 ans, alors je me considère comme une Canadienne. Je suis en sécurité ici, et je me porte bien. Mais depuis que je fais ce travail, je constate l'ampleur du problème. Je pense que beaucoup de membres de ma communauté sont paralysés. Lorsqu'ils se font attaquer par ces groupes, ils sont paralysés. Je ne comprends pas, puisqu'on m'a enseigné ici de défendre mes droits en tant qu'immigrante.
    Je suis acceptée ici et je fais partie de cette société. Mais là où je suis née, si je garde mon identité de Turque azerbaïdjanaise, ou si je revendique mes droits linguistiques ou les mêmes droits que tous les autres, c'est-à-dire des Perses... Je ne peux rien contre eux. Il y a plein de merveilleux groupes ethniques, mais malheureusement, ils ne sont pas tolérés. C'est la plus grande difficulté à laquelle nous devons faire face. Et je peux maintenant comprendre pourquoi ma communauté a peur d'aborder ces questions.
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?
    Vous avez dépassé votre temps de parole de 20 secondes.
    Si vous me le permettez, j'aimerais terminer en demandant à notre gentil greffier d'assurer un suivi auprès de Mme Zamani. J'aimerais obtenir une liste des groupes d'opposition qui font de l'obstruction et empêchent la publication des nouvelles, car si cela représente un autre obstacle, nous devrions nous pencher là-dessus, puis l'indiquer clairement dans notre futur rapport.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Monsieur Cotler, vous êtes le suivant.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais adresser une question à M. Batebi. Ce sera la même pour Mme Zamani. Si j'ai le temps, je poserai une deuxième question.
    Monsieur Batebi, il y a 10 ans, alors que vous étiez dirigeant du mouvement étudiant, votre photo a fait la une du magazine The Economist. Sur cette photo, vous brandissiez le chandail taché de sang d'un autre protestant. Cette photo a fait le tour du monde et est devenue en quelque sorte le symbole du sort des étudiants en Iran et, surtout, de la situation des droits de la personne dans ce pays. On vous a condamné à mort. Vous avez passé neuf ans en prison. Heureusement, vous avez fui et vous avez obtenu le statut de réfugié aux États-Unis il y a un peu moins d'un an.
    Voici donc ma question. Dans l'état actuel des choses, selon vous, est-ce que la situation a empiré en ce qui a trait aux droits de la personne en Iran, pas seulement par rapport aux étudiants, mais en général? Quelles sont les tendances? Si la situation s'est aggravée, y a-t-il des groupes qui sont particulièrement visés? Voilà ma question.
    Madame Zamani, vous avez dit qu'un soulèvement était survenu il y a trois ans, mais encore là, cela fait maintenant 12 ans que vous avez quitté votre pays. À votre connaissance, la situation concernant les droits de la personne en Iran a-t-elle empiré? Si oui, pourquoi?
    Nous allons commencer par M. Batebi.
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier pour cette question.
    Je peux vous assurer que la situation ne cesse de s'envenimer. Je suis sûr que Mme Zamani sera d'accord avec moi.
    La principale raison, c'est qu'il y a 10 ans, la situation du gouvernement était différente, lorsque M. Khatami, un réformateur, était à la tête du pays. Même si ce gouvernement n'a pas accompli grand chose, au moins, la discussion était présente. Comme vous le savez, à cette époque, c'est l'exécution qui m'attendait. Mais grâce à lui, je n'ai pas été exécuté. Aujourd'hui, je serais certainement mort.
    Je peux vous donner des statistiques sur les activités des groupes syndicaux, des groupes étudiants et autres groupes sociaux qui ont milité pour la liberté. Vous verrez que c'était mieux avant. Les sociétés sont censées s'améliorer avec le temps. Toutefois, ici, ce n'est pas le cas.
    Je dois prendre deux minutes pour vous mettre en contexte. Je suis désolé, mais je pense que c'est nécessaire que vous le sachiez.
(1350)
    L'Iran est le seul pays musulman qui abrite des Chiites. Par conséquent, sa définition de l'Islam est différente de celle du reste du monde.
    La philosophie veut que le Messie fasse son apparition et vienne sauver le monde. Par conséquent, les dirigeants chiites croient qu'ils doivent créer l'atmosphère propice à sa venue. Pour que justice soit rendue, la situation devrait devenir si désespérée que la nécessité du Messie serait justifiée. Il y a donc une partie de la population qui est adepte de cette croyance. L'autre groupe croit qu'on est censé ne rien faire et attendre la venue du Messie.
    Le président actuel, M. Ahmadinejad, est sous l'influence du premier groupe. Par conséquent, son gouvernement ne craint aucunement de violer les droits de la personne ou les libertés.
    Vous pouvez douter de ce que je viens dire parce que cela n'a aucun sens, mais si vous poussez vos recherches à propos du clergé en Iran, vous découvrirez qu'une société appelée Hojjatieh adopte cette mentalité.
    À mon avis, cette approche est une sorte d'anarchie. Comme vous l'avez vu par le passé, les actions du président Ahmadinejad visent à nier l'Holocauste ou à manquer de respect à l'égard de la liberté ou des femmes iraniennes. Tout cela est fondé sur la philosophie selon laquelle il faut renverser la situation et créer une masse afin de nous préparer à la venue du Messie.
(1355)
    Bien entendu, on adopte également une approche différente en ce qui concerne l'application des lois et des règlements du système judiciaire. Le clergé fait sa propre interprétation. Si un membre du clergé est au pouvoir, il interprète tout à sa façon, et ce, même dans son propre intérêt.
    Il peut être ironique de constater que même certains membres du clergé qui n'appartiennent pas à ce groupe peuvent interpréter différemment la religion. Par exemple, certains membres bien connus en Iran ont dit que les baha'ís devraient être considérés comme des citoyens normaux.
    Par conséquent, il y a quelques groupes qui se font harceler plus que d'autres. Tout d'abord, en Iran, il y a les baha'ís et les chrétiens, et surtout les musulmans qui se sont convertis au christianisme. Il y a ensuite ceux qui n'adoptent pas la même ligne de pensée que l'administration, ceux qui ont reçu une bonne éducation à l'extérieur ou les écrivains. Enfin, il y a les femmes iraniennes, soit un groupe assez important. Celles-ci sont victimes de harcèlement, et on les empêche de mener leurs activités sociales ou autres.
    Tout d'abord, je tiens à m'excuser pour les exemples que je m'apprête à vous donner. Ils portent sur les problèmes auxquels les femmes doivent faire face en Iran. Mes excuses s'adressent particulièrement aux femmes.
    En Iran, selon cette croyance, si quelqu'un tue un homme, il doit payer un certain montant d'argent. C'est la même chose pour les femmes. Et évidemment, si quelqu'un perd un membre, le montant à verser est différent. Les montants varient selon les différents crimes.
(1400)
    Je suis désolé de m'exprimer ainsi, mais je dois le faire.
    Le montant qui doit être versé pour le meurtre d'une femme n'est pas exactement le même que pour le meurtre d'un homme. Si un homme ne peut plus avoir de vie sexuelle active après avoir été victime d'un crime, l'auteur du crime doit verser le même montant que pour le meurtre d'une femme. Autrement dit, la vie d'une femme ne vaut pas plus que la virilité d'un homme. J'espère que c'est clair. Si les femmes essayaient de faire changer cette loi, elles se retrouveraient dans le pétrin et possiblement en prison.
    Je n'ai plus rien d'autre à ajouter. Merci beaucoup.
    Merci. Nous vous avons accordé beaucoup plus de temps, car c'était évidemment très intéressant.
    Je vois qu'il est 13 h 53. Monsieur Hiebert peut donc poser ses questions.
    Merci, monsieur le président. Je n'aurai pas besoin de sept minutes, mais j'aimerais poser quelques questions.
    Merci encore d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Craignez-vous que votre témoignage d'aujourd'hui compromette votre sécurité et celle de vos amis ou de votre famille?
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Malheureusement, oui. Les membres de ma famille courent un grand risque, mais ils m'ont déjà dit que c'était le prix à payer pour avoir la liberté.
    Habitent-ils en Iran?
M. Ahmad Batebi (Interprétation):
    Je suis le seul à l'extérieur de l'Iran. Toute ma famille vit là-bas.
    Madame Zamani.
    Oui, je suis inquiète pour ma sécurité et celle de mes frères et soeurs, mais je n'ai pas beaucoup de temps pour vous en parler. La plupart de mes frères et soeurs sont heureusement ici au Canada. Mes parents sont de retour chez eux, et on les arrête constamment pour les interroger. Il est arrivé à quelques reprises, même lorsque les amis de mon père travaillaient au ministère du renseignement, que d'autres militants se fassent interroger. Ils venaient tout me raconter. Quelquefois, ils avaient peur de me le dire. Pas pour des raisons politiques, mais plutôt parce que mon père était propriétaire d'une terre après la révolution islamique, il a presque été exécuté pour en avoir hérité.
    Ma réponse devrait englober ces deux questions.
    Il se cachait au Kordestan au début de la résolution. C'était à l'époque où les rebelles kurdes avaient le contrôle du Sejan. Heureusement, il n'a pas été capturé immédiatement après la révolution. Il aurait certainement été tué. Par contre, on nous a confisqué tout ce que nous avions, y compris mes jouets.
    Je vis au Canada depuis presque 20 ans. C'est quelque chose que j'ai laissé derrière moi, mais encore aujourd'hui, je lutte contre le gouvernement iranien. Mon mari a également été emprisonné alors qu'il était adolescent pour avoir eu quelques livres en sa possession. Il a été torturé. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles je fais ce que je fais.
    Je subis la terreur de ce gouvernement depuis ma tendre enfance. Mon père l'a également vécue, avec le gouvernement précédent, en revendiquant ses droits linguistiques. C'est donc une situation à laquelle je fais face depuis que je suis toute petite.
    Lorsqu'on a arrêté mon père pour l'interroger, il a dit: « Vous avez pris tout ce que j'ai. Vous m'avez presque exécuté. J'ai purgé une peine en prison pour avoir hérité d'une terre. Que pouvez-vous faire de plus? » Mon père est maintenant assez âgé. On l'a menacé. Nos conversations téléphoniques sont même toujours sur écoute.
    Toutefois, nous devons agir comme il le faut. C'est ce qu'on m'a enseigné, et c'est ce que je fais.
(1405)
    Nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Nous avons entendu plusieurs témoins, et j'ai eu l'impression que certaines minorités en Iran étaient protégées en vertu de la Constitution iranienne et d'autres pas. Toutefois, vous nous dites que, malgré cette protection, ce n'est pas vraiment ce qui passe en réalité. Est-ce exact?
    Absolument. La plupart de ces militants azerbaïdjanais se sont fait arrêter, emprisonner, torturer, kidnapper et tuer pour avoir seulement réclamé la mise en oeuvre de la Constitution. Les militants doivent respecter les lois très injustes du gouvernement iranien. Leur mouvement est entièrement pacifique et aucunement violent.
    La première chose qu'ils réclament, c'est évidemment l'application de la Constitution. Une simple demande, comme dans le cas d'Abbas Lisani, peut vous faire emprisonner. Il a purgé plusieurs mois pour avoir invoqué les articles 15 et 19 de la Constitution iranienne.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Hiebert.
    Merci à nos témoins. Puisque notre temps est écoulé, permettez-moi simplement de remercier nos deux témoins d'avoir accepté de comparaître, et ce, en dépit des risques auxquels ils s'exposent.
    Merci à tous.
    Merci.
    La séance est levée.
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