FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 15 novembre 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughn—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue.
Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de la Corporation canadienne des retraités intéressés, du Independant Living Resource Centre, du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse, du Metro Non-Profit Housing Association, de la ville de Miramichi et de la Fédération canadienne de la nature.
Monsieur Mills, vous êtes le premier. Vous avez de cinq à sept minutes pour présenter vos remarques liminaires. Je vous prierais de vous en tenir au temps qui vous est imparti afin que nous puissions ensuite vous poser des questions. Vous avez la parole. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Leon Mills (président, Independant Living Resource Centre): Bonjour, monsieur le président et messieurs les membres du comité. Nous sommes heureux d'être ici.
• 0905
Nous représentons le Independant Living Resource Centre de
St-Jean, Terre-Neuve, qui fournit des services conçus par et pour
des personnes handicapées. L'ILRC est dirigé par un conseil
d'administration formé de membres élus; c'est un organisme à but
non lucratif à vocation générale, c'est-à-dire qu'il regroupe des
personnes ayant toutes sortes de handicaps et des membres de la
population en général.
En tant que membre de l'Association canadienne des centres de vie autonome, nous travaillons, avec 23 autres centres comme le nôtre établis ailleurs au pays, à favoriser l'autonomie des personnes ayant une déficience et à leur offrir des choix et des perspectives de vie autonome. Nous aspirons à ce que tous les citoyens aient une place au sein de la société, à éliminer les obstacles et à mettre fin à la discrimination qui empêche actuellement les personnes ayant un handicap de participer pleinement à la vie au Canada.
Nous sommes convaincus que nous devons tous, en tant qu'individus, avoir toute liberté pour prendre en charge la responsabilité des décisions qui touchent notre vie. Nous avons droit à une information claire et exacte, à l'expertise de nos amis et de nos voisins et aux structures d'entraide qui nous permettront de contribuer pleinement à la vie de notre milieu et de notre pays. La vie autonome représente un modèle rentable qui, tout en ayant l'appui de la collectivité et tout en ayant fait ses preuves, permet de réduire l'indépendance à l'égard de systèmes coûteux de traitement médical et de réadaptation.
En ce qui a trait aux transferts sociaux, nous estimons que la réduction des transferts faits aux provinces aux termes du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux continue d'être une source de pression dans notre province. Cette baisse de financement a entraîné la diminution et le gel de certains programmes et services sociaux, de sorte que beaucoup de personnes sont maintenues dans un état d'isolement, de pauvreté et d'exclusion.
Comme on l'a souvent dit, les mesures de réduction du déficit mises en oeuvre depuis quelques années l'ont été aux dépens de l'entraide collective. Cette façon d'agir affaiblit le pays et met en péril les valeurs fondamentales dont les Canadiens s'enorgueillissent. Il est encore temps de miser sur les citoyens de notre pays et de réaffirmer notre engagement à l'égard de l'équité, de l'égalité et de la justice.
Je cède maintenant la parole à Mary Ennis, l'une de nos membres.
Mme Mary Ennis (membre, Independant Living Resource Centre): Je suis membre de l'ILRC ainsi que directrice exécutive de la Coalition des personnes handicapées de Terre-Neuve et du Labrador, une section provinciale du Conseil des Canadiens avec déficience.
Nous vous mettons au défi, vous et le gouvernement du Canada, d'investir dans les capacités positives des personnes ayant une déficience pour qu'elles constituent un élément majeur de l'économie sociale. Nous vous incitons fortement à poursuivre les initiatives stratégiques en vue de mobiliser les talents et les compétences des Canadiens de tout le pays. Si elle dispose des appuis nécessaires, la population individuellement et collectivement est en mesure de contribuer à la politique sociale, à la recherche nécessaire et à la diffusion de pratiques exemplaires.
Nous félicitons le gouvernement fédéral d'encourager le civisme en continuant de soutenir l'Association canadienne des centres de vie autonome et le Conseil des Canadiens avec déficiences. Par le travail qu'ils accomplissent auprès des personnes handicapées, ces organismes et leurs sections provinciales constituent une bonne assise pour accroître la participation des personnes handicapées à tous les aspects de la vie collective. Cette participation améliore la vie économique et sociale de notre pays.
M. Leon Mills: En ce qui a trait aux engagements gouvernementaux, et comme le signale fort à propos le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées dans son rapport au Parlement intitulé À l'image de l'interdépendance: Les personnes handicapées, le Parlement, le gouvernement et la société, il est grand temps que le gouvernement agisse. Le gouvernement fédéral doit concrétiser son engagement à l'égard des personnes handicapées. Le message qui ressort des rapports, mémoires et enquêtes produits est clair. Il faut repérer et éliminer les barrières, il faut faciliter l'accès aux mesures de soutien à la vie de tous les jours et les adapter aux besoins de chacun, et il faut s'attaquer aux barrières dans les domaines de l'éducation et de l'emploi.
Mme Mary Ennis: Les dossiers des personnes handicapées sont appelés «horizontaux», parce qu'ils ont une incidence sur tous les ministères et à tous les niveaux. Il est essentiel de revoir les politiques de façon régulière pour déceler et éliminer les barrières afin de favoriser l'intégration des personnes handicapées. Il est recommandé d'établir un mécanisme de coordination à un niveau supérieur de gestion.
Nous demandons aussi au gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère des Finances, de prévoir dans le budget des ministères des fonds pour repérer les barrières et prendre les mesures pour les éliminer.
M. Leon Mills: Pour ce qui est des mesures pour faciliter la participation, nous soulignons qu'il faut trouver une façon de couvrir les coûts liés à un handicap qui se situe dans une perspective nationale, qui réponde aux besoins des intéressés, qui réduise la nécessité de contrôles et qui englobe les principes de la vie autonome.
Mme Mary Ennis: Les Canadiens avec une déficience ont souvent dû se déclarer inaptes au travail pour obtenir du soutien. Les accords actuels sur la main-d'oeuvre qu'ont signés les provinces n'aident que ceux qui ont droit à l'assurance-emploi et peuvent ainsi profiter des sommes consacrées à la formation. Le Fonds d'intégration a été créé pour mettre fin à cette exclusion, mais il arrive à échéance en mars 2000.
• 0910
La Loi sur l'équité en matière d'emploi n'a pas aidé les
Canadiens handicapés. Une stratégie exhaustive d'intégration des
personnes handicapées au marché du travail contribuerait à réduire
les coûts. Nous recommandons donc d'élaborer une stratégie de
marché du travail qui donne des emplois et l'accès aux ressources
découlant des accords signés par les provinces, ainsi que
l'élargissement du Fonds d'intégration.
M. Leon Mills: En conclusion, nous vous mettons au défi de privilégier les capacités positives de tous les citoyens, pour qu'ils puissent faire partie intégrante de la croissance économique et sociale de notre pays. Nous vous mettons au défi de vous concentrer sur les compétences et les capacités qui contribuent à la croissance économique et à la société canadienne. Nous vous mettons au défi de respecter les promesses faites et approuvées par le gouvernement en accordant les ressources nécessaires à leur réalisation. Nous vous mettons au défi de réitérer le rôle de chef de file que vous devez jouer pour soutenir le réseau des personnes handicapées de tout le pays au moyen d'initiatives dynamiques et stratégiques.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mills et madame Ennis.
Nous entendrons maintenant Mme Patricia McLellan, de la Corporation canadienne des retraités intéressés.
Mme Patricia McLellan (présidente sortante, Corporation canadienne des retraités intéressés): En fait, c'est Joan Lay qui prendra la parole.
Le président: Soyez la bienvenue.
Mme Joan Lay (présidente, Corporation canadienne des retraités intéressés): Merci beaucoup.
Dans mon exposé, je répondrai aux questions que vous nous aviez envoyées. Je vous ai fait parvenir une réponse par écrit. Je vais passer en revue certaines de ces réponses car, à mon avis, elles sont directement liées aux problèmes des aînés, surtout en ce qui a trait à la réforme fiscale et aux allégements fiscaux.
On entend dire dans tous les milieux que les Canadiens de la classe moyenne s'attendent à des abattements fiscaux, et c'est certainement le cas des retraités. Les pensions auxquelles ils ont cotisé pendant les années 60, 70 et 80 n'ont pas suivi la progression de l'inflation dissimulée, ni celle des taxes cachées ou évidentes.
L'impôt perçu sur les pensions de retraite est devenu une tumeur maligne rongeant les sommes qui devraient être affectées au logement, à l'alimentation et à la qualité de vie, toutes choses qui semblaient certaines pour ceux et celles qui ont cotisé à un régime d'épargne quelconque. La réalité est tout autre, et la situation se dégrade encore au moment où la conjoncture financière évolue.
Il nous paraît donc impératif de réexaminer le système fiscal et de tenir compte des taxes que les personnes maintenant âgées ont déjà payées pendant les 50 ans de leur vie active.
Les initiatives d'appui à l'enseignement postsecondaire et à la santé, telles que proposées par le gouvernement fédéral, n'ont pas ramené le niveau des subventions à celui des années 80. Nous nous inquiétons du sort des jeunes. Nous estimons que le gouvernement n'a pas su suivre l'évolution technologique actuelle. Ce qu'on appelle la consolidation de nos infrastructures sociales n'est en fait que la remise en place des fondements qu'on avait retirés au système d'origine. Nous ne réussissons donc pas à éponger les coûts alourdis de l'enseignement et des soins de santé.
Les salaires ont progressé de façon constante, et c'est sans doute normal car le matériel moderne a fait monter les coûts et il faut trouver l'argent pour les absorber. Par ailleurs, la plupart des étudiants n'ont bénéficié que d'allégements fiscaux minimes et le fait qu'ils fassent leurs premiers pas dans le monde du travail en traînant un lourd boulet de dettes nous paraît tout à fait injuste, compte tenu de l'économie en pleine expansion et du nombre d'entreprises réalisant des bénéfices importants pour elles et leurs actionnaires.
Pour ce qui est des priorités en matière d'investissements sociaux, qu'ils soient nouveaux ou renouvelés, à notre avis elles exigent une consultation de la population canadienne. C'est ainsi qu'on les établira, mais de façon aussi que les jeunes, les personnes d'âge moyen et les personnes âgées participent au débat, et non seulement les fonctionnaires et les universitaires. Il faut en effet que nous entendions une vaste gamme de citoyens disposés à reconnaître les besoins des autres et à les instruire dans des priorités réfléchies.
En matière de productivité, on pourrait croire que ces questions n'intéressent pas les aînés d'aujourd'hui; or, c'est le contraire, car les personnes âgées peuvent être très productives. L'un des problèmes, c'est qu'on ne leur permet pas de l'être. Le temps est venu pour le gouvernement d'agir dans ce domaine et de mettre à profit toute la connaissance et la productivité possible des aînés canadiens, de permettre aux personnes âgées de se sentir encore canadiens et encore partie intégrante de la vie canadienne.
• 0915
En dernier lieu, si l'on veut savoir comment le gouvernement
peut s'y prendre pour rehausser la productivité, il faut que l'on
se penche vraiment sur cette terre où nous vivons. Combien de temps
pourra-t-elle survivre à l'abattage des arbres, au rétrécissement
constant des terres arables et à la pollution grandissante et
dramatique de ses cours d'eau? Cela nous inquiète beaucoup, car
nous avons grandi pendant la période où ces pratiques se sont
amorcées. Malheureusement, elles se poursuivent à un rythme
accéléré.
Nous devons nous demander si nous pouvons survivre sans oxygène, sans aliments et sans eau ou est-ce que nous léguons tout cela à nos enfants, aux enfants de nos enfants et à leurs descendants?
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Nous entendrons maintenant les représentants du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse, Mmes Patricia Doyle-Bedwell et Stella Lord. Soyez les bienvenues.
Mme Patricia Doyle-Bedwell (présidente, Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse): Merci beaucoup. Merci de nous avoir invitées à témoigner aujourd'hui.
C'est, je crois, la quatrième ou la cinquième fois que nous témoignons devant votre comité pour préconiser la prise de décisions budgétaires qui ferait toute la différence dans la vie des femmes, surtout les femmes qui luttent pour rehausser ou maintenir leur niveau de vie, qui tentent de concilier carrière et responsabilités familiales ou qui sont marginalisées en raison de leurs antécédents ou condition—par exemple, leur situation familiale, leur handicap, leur race ou leur groupe culturel.
Notre mémoire contient des réponses détaillées aux questions précises que nous avait posées le comité. J'aimerais vous résumer les principaux points de ce mémoire et mettre en relief nos principales préoccupations.
En ce qui a trait à la préparation du budget, nous encourageons le comité et le ministère des Finances à mettre autant l'accent sur la politique sociale et l'élaboration d'une infrastructure sociale, incluant la justice sociale et des objectifs d'équité des sexes, que sur des objectifs purement économiques. Ceux qui défendent les femmes, les pauvres et les autres groupes marginalisés se sentent souvent exclus du processus budgétaire au moment où ça compte le plus, au début.
Nous aimerions que le comité permanent et le ministère des Finances ne consultent pas seulement des économistes, mais aussi des experts de la politique sociale et des services sociaux sur les questions touchant les femmes et les groupes marginalisés, et ce, à la toute première étape, au moment d'élaborer les différentes options budgétaires.
Nous notons que le Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées examine le marché du travail et d'autres questions d'ordre social. Nous aimerions que les questions soulevées par ce comité parlementaire soient mieux intégrées au processus budgétaire, et qu'elles figurent dans les documents d'information servant aux consultations.
Au sujet de la réforme fiscale et des allégements fiscaux, nous croyons que la réfection de l'infrastructure sociale est tout aussi importante, sinon plus, que la réduction des impôts. Toute réforme fiscale doit tenir compte des principes de la progressivité, de l'équité et de la capacité de payer. Toute réduction d'impôts éventuelle devrait avant tout profiter aux Canadiens dont le revenu est inférieur à la médiane. Nous recommandons donc le retour graduel à la pleine indexation du régime actuel d'impôt sur le revenu. En premier lieu, nous croyons que vous devriez mettre l'accent sur l'indexation des tranches d'imposition inférieures et intermédiaires.
La TPS/TVH est une taxe régressive qui ne tient pas compte de la capacité de payer. Elle inclut une taxe sur de nombreux biens de première nécessité. Elle impose un fardeau trop lourd aux familles à faible et moyen revenu. Elle peut par ailleurs empêcher le développement des petites entreprises.
Nous recommandons aux gouvernements fédéral et provinciaux d'envisager la réduction ou l'élimination de la taxe sur les produits de première nécessité et les articles qui ne sont pas des articles de luxe, notamment le mazout, les vêtements pour enfants, les aliments préparés et les produits sanitaires et d'hygiène essentiels.
En ce qui concerne l'infrastructure sociale, il est vraiment ironique que le gouvernement fédéral nous demande maintenant de choisir comment le gouvernement devrait dépenser les surplus budgétaires alors que la province de la Nouvelle-Écosse devra sans doute sabrer ses programmes en raison d'un déficit important.
• 0920
À notre avis, le déficit de la Nouvelle-Écosse a été créé en
partie par les coupures qu'effectue le gouvernement fédéral depuis
1996 dans les transferts en matière de programmes sociaux. Le
gouvernement fédéral doit rétablir, en dollars de 1999, tous les
fonds qu'il a coupés des transferts aux provinces dans le cadre du
Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux
depuis 1996. Le gouvernement fédéral doit par ailleurs s'assurer
que tous les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent
respecter les engagements qu'ils ont pris dans le cadre de
l'entente sur l'union sociale qui consiste à répondre aux besoins
des Canadiens, peu importe où ils résident au Canada.
Nous sommes donc préoccupés par une annonce récente du gouvernement fédéral selon laquelle le ministère des Finances propose d'adopter une approche d'allocation par habitant en ce qui a trait au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. À notre avis, cette proposition est régressive et pénalisera injustement les provinces les plus pauvres et les provinces de la région de l'Atlantique, notamment la Nouvelle-Écosse, dont la population est plus petite et où un pourcentage élevé de la population vit dans des collectivités rurales.
Peu importe la taille de la population, chaque province ou territoire devrait avoir une infrastructure sociale capable d'offrir les mêmes services et programmes sociaux. Le gouvernement doit reconnaître que les provinces pauvres ont une plus petite assiette fiscale et que les petites provinces ne peuvent profiter des économies d'échelle comme les provinces dont la population est plus importante, notamment l'Ontario, le Québec ou la Colombie-Britannique.
Dans ce contexte, nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que depuis l'élimination du RAPC et l'introduction du TCSPS, même si les nouveaux fonds des programmes fédéraux ont été limités dans le domaine de l'éducation postsecondaire et de la santé, très peu d'attention a été accordée à un appui additionnel pour les services sociaux.
Nous sommes donc très inquiets devant ce qui semble être une diminution de l'appui financier et moral envers les services sociaux au niveau fédéral. Les services sociaux comprennent entre autres les services de garde d'enfants subventionnés, les programmes pour aider les femmes victimes de violence, des programmes spéciaux de soins à domicile pour les personnes âgées à faible revenu, la protection des enfants et les services de santé mentale. Ce sont tous des domaines où les besoins sont complexes et ne cessent d'augmenter, et ils méritent une attention spéciale pour remettre en place une infrastructure sociale. Il est trop facile de tourner le dos et de blâmer les particuliers ou les familles pour les problèmes ou le manque de ressources. Les collectivités et les gouvernements doivent protéger les enfants et la jeunesse et aider les personnes vulnérables, peu importe leur âge ou la source de leurs problèmes.
Le gouvernement fédéral doit par ailleurs respecter sa responsabilité fiduciaire à l'égard des Premières nations et son engagement à mettre en oeuvre les recommandations du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, particulièrement pour ce qui est d'assurer un accès équitable à l'enseignement postsecondaire et de maintenir la santé et les soins de santé des Premières nations, qu'ils habitent ou non sur une réserve. Le gouvernement fédéral doit par ailleurs s'assurer que les Premières nations soient fiscalement responsables devant leur peuple et que lorsque l'autonomie gouvernementale est établie, comme c'est le cas en Nouvelle-Écosse, les hommes et les femmes sont traités de façon équitable.
Nous appuyons la prestation nationale pour enfants et son objectif qui consiste à aider les familles à faible revenu. Cependant, nous sommes troublés par le fait que le programme ait été élaboré d'une façon qui encourage les provinces à déduire cette prestation de l'aide sociale. On dit que c'est pour encourager les bénéficiaires, particulièrement les mères célibataires, à chercher de l'emploi. Nous estimons que cette politique est répréhensible, dans le contexte d'une préoccupation croissante envers la pauvreté des enfants et le bien-être de ces derniers. Nous sommes également préoccupés par le bien-être des parents, particulièrement des mères.
Nous sommes donc préoccupés par l'absence de fonds spécifiques pour les services de garde subventionnés, des programmes d'enseignement et d'amélioration des compétences et d'autres programmes de soutien transitoires qui pourraient aider et appuyer les chefs de famille monoparentale qui voudraient faire une transition vers le marché du travail sans augmenter le niveau de stress pour eux et leurs familles.
Les soi-disant programmes de préparation à l'emploi doivent avoir suffisamment de fonds et d'appui pour vraiment faire en sorte que les mères chefs de famille se retrouveront dans une situation plus avantageuse dans la nouvelle économie, tant sur le plan financier que pour ce qui est de leur santé et de leur bien-être, à court et à long terme.
La mondialisation de la production et la libéralisation des marchés et du commerce ont un impact différent sur des secteurs économiques spécifiques, les économies régionales, et les hommes et les femmes. Alors que certains y gagnent et d'autres y perdent, le Canada doit renouveler son engagement à être une société humanitaire, à réduire la pauvreté, aplanir les disparités entre les régions et les revenus, à assurer l'équité entre les divers groupes culturels dans la société et à faire progresser l'égalité des femmes.
En Nouvelle-Écosse, les pêches ont eu un impact négatif sur les femmes et leurs familles en raison de l'appauvrissement des stocks de poisson et, en partie, à cause des tendances à la mondialisation, des changements technologiques et des politiques gouvernementales en matière de pêche. La réponse du gouvernement pour aider les particuliers des collectivités côtières touchés par ces changements a par ailleurs été inadéquate, ou dans certains cas, a même empiré les choses. On pourrait faire des observations semblables au sujet de l'expérience des collectivités face au déclin d'autres secteurs traditionnels, notamment l'industrie du charbon et de l'acier.
• 0925
Bien que leurs voix ne soient pas souvent entendues dans des
tribunes publiques au sujet de ces questions, ce sont souvent les
femmes qui soutiennent tout le poids du stress de leurs familles et
de leurs collectivités. Nous entendons dire qu'il y a de plus en
plus de violence familiale et que les femmes ont de plus en plus de
problèmes de santé alors qu'elles tentent de joindre les deux bouts
sur le plan financier et de garder intactes leurs familles et leurs
collectivités. Les gouvernements doivent investir davantage dans
les programmes de développement économique communautaires des
collectivités rurales et côtières qui sont touchées par des
secteurs d'activité en déclin. Ils doivent par ailleurs s'assurer
que l'on réponde aux besoins des femmes et qu'on en tienne compte
lors de la conception, de l'élaboration et de l'exécution de ces
programmes.
À mesure que nous nous dirigeons vers une économie davantage basée sur les connaissances, sur l'information et d'autres technologies, nous devons également nous assurer que l'égalité des sexes est respectée et que les hommes et les femmes, peu importe leur origine culturelle et ethnique, ont des chances égales dans ces domaines. Bien qu'elles aient fait des progrès dans d'autres domaines, les femmes accusent toujours un retard important pour ce qui est de leur participation dans les sciences informatiques au niveau universitaire. Un encouragement financier pour que les jeunes femmes s'inscrivent dans des programmes de sciences informatiques au niveau universitaire aiderait peut-être à améliorer leur participation à ces programmes.
La productivité. Nous sommes heureuses que l'amélioration du niveau de vie des Canadiens soit à l'ordre du jour, car selon des données récentes, ces dernières années, le revenu des familles canadiennes à faible et moyen revenu est demeuré statique ou a baissé. Le PIB et le concept traditionnel de la croissance sont cependant des mesures inadéquates de la productivité car ils ne tiennent pas compte des coûts non économiques invisibles, de la valeur du travail non rémunéré, de la qualité de vie ou de la distribution de la richesse.
Si le gouvernement veut mettre l'accent sur une productivité accrue, il doit s'assurer que l'écart entre les riches et les pauvres diminuera et qu'en général la qualité de vie des hommes et des femmes au Canada s'améliorera. Une productivité accrue doit par ailleurs inclure des façons de réduire le stress et le manque de temps, particulièrement pour les parents qui ont un emploi. Il faut plus particulièrement permettre aux parents qui travaillent de trouver un juste équilibre entre leurs emplois et leurs responsabilités familiales. Les mesures ne doivent cependant pas mettre en danger la stabilité financière des familles ou les gains que les femmes ont réalisés sur les plans de l'égalité sur le marché du travail.
Nous croyons que le gouvernement doit trouver une façon équitable d'aider à la fois les pères et les mères à trouver un juste équilibre entre leurs rôles de parent et leurs emplois et leurs carrières. Un financement accru des services de garde de qualité aiderait certainement à améliorer la situation. Cependant, les employeurs doivent faire eux aussi leur part. Nous avons pensé à la possibilité d'offrir un incitatif fiscal aux employeurs qui ont des politiques progressistes et qui offrent des congés pour obligations familiales, des heures de travail flexibles et des services de garde sur les lieux de travail.
En terminant, nous exhortons le gouvernement fédéral à inscrire dans son budget de 2000-2001 un engagement renouvelé à mettre en oeuvre des programmes qui pourraient contribuer à faire de l'égalité des femmes une réalité et non pas seulement un rêve.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Doyle-Bedwell, et aussi madame Lord.
Nous entendrons maintenant Carol Charlebois, de la Metro Non- Profit Housing Association.
Mme Carol Charlebois (directrice exécutive, Metro Non-Profit Housing Association): Merci de m'avoir invitée à prendre la parole ce matin. Je m'appelle Carol Charlebois et je suis directrice exécutive de la Metro Non-Profit Housing Association.
La Metro Non-Profit Housing Association existe depuis une dizaine d'années. Nous avons deux principaux domaines d'activité: nous fournissons un logement subventionné à 44 personnes célibataires qui ont été des sans-abri ou qui risquent de le devenir, et nous exploitons aussi un centre d'aide au logement que les participants nomment affectueusement «Le café». Il est situé au coeur même d'un quartier comprenant les pires maisons de chambre de Halifax, et les gens viennent y faire un tour pour se tremper dans un environnement social positif. Ils reçoivent aussi de l'aide pour améliorer leur situation, pour chercher un autre logement, pour avoir accès aux ressources de santé, et pour divers problèmes de santé mentale et de toxicomanie.
Je voudrais parler de notre expérience en tant que travailleurs de première ligne. Nous n'avons pas eu le temps de faire beaucoup de recherche. Je puise dans notre expérience.
Nous sommes toutefois membres d'un certain nombre d'organisations. Nous sommes membres de la Creighton-Gerrish Development Association et de quatre organisations qui s'efforcent de promouvoir un projet de développement au coeur d'un quartier défavorisé de Halifax. J'en parlerai tout à l'heure. Nous sommes membres de l'Association du logement abordable de Nouvelle-Écosse, du Urban Core Support Network, qui est un groupe national, et du Halifax Homeless Network. Le printemps dernier, nous avons été les hôtes de la table ronde régionale sur les sans-abri, conjointement avec la SCHL.
• 0930
Notre philosophie est que le problème des sans-abri n'est pas
causé par les toxicomanies ou les maladies mentales. La solution au
problème des sans-abri, c'est de donner aux gens des abris. Au lieu
de dire que ce sont les toxicomanies et les maladies qui sont la
cause du problème, nous estimons que les gens sont incapables de
composer avec ces problèmes, de faire une utilisation constructive
des programmes de traitement, de poursuivre leurs études, ou de
chercher un emploi, quand ils sont logés dans un abri temporaire,
une chambre inférieure aux normes, parfois même le divan de leur
copain. Avoir un toit, c'est la première étape.
Nos propres locataires témoignent de cela. En 1997, nous avons recueilli des statistiques sur nos locataires actuels et nos anciens locataires. Il y en avait 64 au total. Nous avons constaté que lorsqu'ils sont venus nous demander un logement, 67 p. 100 d'entre eux étaient des assistés sociaux. En 1997, seulement 25 p. 100 de nos locataires étaient assistés sociaux et parmi ceux qui avaient déménagé, 28 p. 100 étaient encore prestataires de l'aide sociale.
Je vais maintenant lire une lettre d'un ex-locataire qui explique en quoi il a bénéficié de ce logement. Je lis:
-
Je suis alcoolique et toxicomane. J'ai atteint le fond du baril et
j'ai cessé de boire au printemps 1989. J'habitais dans une maison
de chambre. Il y avait souvent des rixes et des passages à tabac
dans les couloirs. Un résident a été arrêté pour avoir attaqué un
groupe d'enfants à coups de couteau et de chaîne. Un autre a été
arrêté pour trafic de stupéfiants. La cuisine était trop salle pour
s'y faire à manger. Je ne pouvais pas me permettre un meilleur
logement. Au printemps 1991, j'ai fait une dépression et j'ai été
hospitalisé. J'étais inemployable et sans abri.
Les travailleurs sociaux de l'hôpital l'ont dirigé vers le Metro Non-Profit Housing. Je poursuis la lecture de sa lettre.
-
Pour la première fois depuis longtemps, j'avais ma propre salle de
bains, une cuisine et un salon. La vie privée et la sécurité, c'est
tellement précieux quand on les redécouvre. Je n'avais plus à
m'inquiéter pour ma sécurité. Je n'étais pas constamment exposé aux
drogues, à l'alcool et à la violence. J'avais maintenant un port
d'attache où je pouvais ancrer ma vie. J'avais un endroit où je
pouvais guérir de ma maladie.
Il décrit ensuite les divers programmes dont il a pu bénéficier. Il s'est inscrit à des programmes de traitement, des programmes éducatifs, et à des programmes d'aide à l'emploi. Il a quitté notre logement il y a environ un an et il dirige maintenant sa propre boîte d'informatique. Il s'intéresse à ce que nous faisons. Il a offert de nous envoyer cette lettre, qu'il a signée de son nom.
Dans le cadre de notre travail, nous entrons en contact avec de nombreuses personnes qui souffrent de graves problèmes de logement. Les sans-abri, c'est un problème en Nouvelle-Écosse. Ce n'est pas seulement un problème à Toronto. C'est un problème qui prend différentes formes dans différentes régions du pays, et il y a des solutions différentes selon les régions.
À Halifax, le problème comprend des logements de beaucoup inférieurs aux normes. Nous avons fait une étude sur les maisons de chambre il y a quelques années et nous avons trouvé par exemple des cas où il n'y avait même pas de serrure à la porte des chambres ni à la porte d'entrée de l'immeuble, de sorte que n'importe qui, y compris des trafiquants de drogue et des toxicomanes, entraient dans l'immeuble et en sortaient comme si c'était un moulin.
L'autre problème à Halifax, c'est le taux d'inoccupation qui baisse rapidement. Il y a eu l'autre jour un article dans le Daily News dans lequel on citait un récent rapport de la SCHL. On disait qu'à Halifax, le secteur du logement connaissait une véritable fièvre. On disait que ce projet est payant pour l'industrie du logement et qu'à Halifax, l'activité sera concentrée sur les condominiums et les appartements de luxe. Cela veut dire qu'il y aura des pressions sur les actuels logements à loyer modéré. Les coûts augmentent. Cela rend également plus coûteux des projets comme le nôtre, dans la Creighton-Gerrish Development Association.
Je discerne deux domaines où le gouvernement fédéral doit agir si l'on veut s'attaquer au problème des sans-abri. Nous avons besoin de dépenses fédérales dans le domaine du logement, et je veux dire des dépenses importantes. De nombreuses propositions ont été faites au gouvernement, émanant de la Fédération des municipalités canadiennes, du Caucus des maires des grandes villes, de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, et du Toronto Disaster Relief Committee, et aussi de beaucoup de groupes du domaine du logement qui appuient la solution du un pour cent.
• 0935
Le message commun de toutes ces propositions, c'est qu'il faut
des dépenses considérables. Il faut injecter une somme de près de
2 milliards de dollars.
Une contribution fédérale de 50 millions de dollars dans le cadre du Programme d'aide à la remise en état des logements est quasiment une goutte d'eau dans la mer, compte tenu des énormes besoins.
L'intervention du gouvernement fédéral est nécessaire en Nouvelle-Écosse parce que notre province n'a pas les ressources voulues pour faire ce qu'il faut. Les tentatives non gouvernementales de s'attaquer au problème sont sans effet. J'ai parlé tout à l'heure de ce que nous faisons de concert avec la Creighton-Gerrish Development Association. Nous sommes très fiers de ce projet. Nous aurons bientôt un nouvel immeuble de 18 unités pour les personnes seules. Ce projet comprend aussi 52 unités de condominiums et des maisons pour les personnes à faible revenu. En tout, environ 70 unités.
Ce projet a commencé il y a près de 10 ans et il accapare beaucoup des ressources des organisations membres. Nous avons bénéficié d'une situation unique, c'est-à-dire que nous avons eu un professeur d'architecture de l'université locale qui a donné bénévolement beaucoup de son temps. On ne peut pas dicter cette générosité, et 70 unités en 10 ans, cela n'aide pas à régler le problème des sans-abri.
Un autre domaine où il faut agir, c'est la réparation de l'infrastructure sociale. En Nouvelle-Écosse, une personne seule assistée sociale considérée employable reçoit 349 $—et la plupart des gens sont considérés employables, à moins d'être vraiment très malades; l'analphabétisme ou d'autres problèmes d'employabilité ne sont pas pris en compte quand on juge que les gens sont employables. Sur ces 349 $, 225 $ sont consacrés au loyer et il reste donc 144 $ pour tout le reste. Depuis dix ans que je travaille dans ce domaine, j'ai vu ce taux baisser. C'était auparavant 560 $ et c'est aujourd'hui 349 $.
Au cours de ces années, le gouvernement fédéral a réduit ses dépenses et son rôle dans le domaine de la politique sociale. Cette baisse a engendré énormément de souffrances. Il y a des gens qui fréquentent nos cafés et nos centres d'aide au logement qui se qualifient eux-mêmes de personnes jetables.
On est d'accord pour que le gouvernement fédéral prenne des mesures dans ces domaines. Quand nous avons fait notre étude sur les maisons de chambre, nous avons consulté des gens du voisinage, et leur première réaction a été de dire qu'ils voulaient de meilleures conditions de logement pour les occupants de ces garnis. Il n'y avait pas d'hostilité envers ces locataires. Quand je parle à des gens qui ne sont pas du domaine, ils s'étonnent et trouvent déplorable que le taux d'aide pour une personne seule soit fixée à 349 $.
Des sondages montrent que l'itinérance est une question prioritaire pour la plupart des citoyens. Je vous demande donc de faire en sorte que le gouvernement fédéral engage à nouveau des dépenses importantes et dignes de ce nom dans ces deux domaines.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Charlebois.
Nous allons maintenant entendre le représentant de la ville de Miramichi, le maire, M. Rupert Bernard. Soyez le bienvenu.
M. Rupert Bernard (maire de Miramichi): Merci, monsieur le président. Merci de me donner l'occasion de comparaître au comité ce matin.
La ville de Miramichi, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, est sise sur les rives de la Miramichi, rivière connue mondialement pour la pêche au saumon. Elle compte environ 20 000 habitants et c'est la quatrième ville en importance de la province et c'est aussi la plus récente. Constituée en corporation le 1er janvier 1995, la ville de Miramichi a récemment fusionné 11 administrations locales—deux localités d'assez bonne taille, trois villages et six districts de services locaux.
Les deux anciennes villes, soit Chatham et Newcastle, ont plus de 100 ans. Les villages ont plus de 30 ans. Les districts de services locaux où l'on enregistre la croissance sont en grande partie dépourvus de services. Cette fusion des administrations locales constitue un important défi pour notre ville en matière d'infrastructure. La région de Miramichi et sa plus grande municipalité, la ville de Miramichi, n'ont jamais eu la vie bien facile. Leur économie reposant sur l'exploitation des ressources, notamment la foresterie, l'exploitation minière et la pêche, de même que la présence d'une grande installation militaire, la base des Forces armées canadiennes de Chatham, ainsi que les changements de la politique du gouvernement fédéral qui se désengage peu à peu, tout cela fait en sorte que notre économie est dans un état de changements continuels.
On a su remédier à la politique concernant les aéroports nationaux et à la fermeture de la base militaire de Chatham, qui ont fait perdre quelque 1 000 emplois. L'aéroport est toujours ouvert, et les emplois perdus à la suite de la fermeture de la base ont été remplacés par d'autres. Nous n'en sommes maintenant que plus forts. Le programme de dessaisissement des ports actuellement en cours est le plus récent défi auquel notre collectivité doit faire face.
• 0940
Heath Steele Mines a fermé la semaine dernière, privant ainsi
de leur gagne-pain 300 employés très bien rémunérés. Il n'y a plus
de minerai. Il n'y a pas grand-chose que nous puissions y faire,
sinon essayer d'aider ces gens à s'adapter et à retrouver du
travail.
Toutefois, je ne suis pas venu ce matin pour geindre et me plaindre de tout cela. Je voulais simplement le mentionner en passant. Les gens de Miramichi ont du coeur au ventre, et ils ont la persévérance de leurs ancêtres irlandais, écossais et acadiens et ils en partagent la vision. Nous avons relevé et sommes encore en train de relever un bon nombre de ces défis avec plus ou moins de succès.
Il y a une vision qui porte les gens de la région de Miramichi à continuer d'avancer. D'abord, nous sommes fermement convaincus que nous vivons dans l'un des meilleurs endroits au Canada, peut- être au monde, et nous voulons en partager avec d'autres la beauté naturelle, faire partager notre mode de vie convivial et notre sens particulier de l'histoire.
Deuxièmement, nous sommes tous rassemblés autour de la rivière Miramichi et nous voulons préserver nos patrimoines locaux particuliers qui sont au coeur même de notre mode de vie familial et de notre engagement communautaire.
Troisièmement, nous avons une économie d'exploitation des ressources forestières qui est de nature cyclique, et nous voulons revitaliser davantage cette économie grâce au tourisme, aux petites entreprises du secteur manufacturier, à l'agriculture et au secteur des services et du savoir afin que nos jeunes puissent rester chez nous.
La ville de Miramichi aborde le nouveau millénaire avec confiance, conscients que nous sommes de vivre dans le meilleur pays au monde. Nous aimerions enrichir encore davantage le Canada, et nous avons entrepris diverses initiatives à cette fin.
Ces initiatives constituent un nouveau plan municipal. C'est le tout premier plan municipal de la ville de Miramichi et il vise le développement et cherche à le favoriser. Une stratégie de développement riverain, supervisée par un comité consultatif d'une trentaine de membres, vient tout juste d'être mise au point. C'est un examen complet de la zone riveraine de 55 kilomètres de Miramichi et on a ainsi pu cerner de nombreuses possibilités de développement qui ont largement trait à notre patrimoine et à notre diversité culturelle. On a adopté un concept unique faisant de la ville un écomusée ou un musée sans mur.
Dans une stratégie des services de loisir, la ville de Miramichi reconnaît que les possibilités récréatives constituent une composante distincte et précieuse de notre vie communautaire. Cette initiative consistera à élaborer une stratégie communautaire complète et intégrée qui garantira un système juste, équitable et efficace qui répondra continuellement au plus grand nombre possible de besoins en matière de loisir.
Nous appuyons très fermement la proposition de la Fédération des municipalités canadiennes concernant un programme d'infrastructure pour assurer la qualité de vie de même que ses objectifs d'investissement—la proposition est jointe à notre mémoire. Dans le cadre de la proposition de programme d'infrastructure de la Fédération des municipalités canadiennes, les priorités de la ville de Miramichi sont l'évacuation des eaux usées et leur épuration, l'entretien et l'amélioration des routes municipales, des logements avec services abordables pour les personnes âgées, la revitalisation du centre-ville, la préservation du patrimoine, les installations récréatives et la protection de la nature et des zones écosensibles. Nous sommes très reconnaissants d'avoir pu bénéficier du précédent programme d'infrastructure réalisé par le Canada et le Nouveau-Brunswick et nous vous encourageons fermement à appuyer un nouveau programme d'infrastructure qui, nous le savons, serait très profitable à la ville de Miramichi et au Canada.
Pour conclure, j'aimerais mentionner à titre d'exemple qu'en vertu de la précédente entente sur l'infrastructure, nous avons pu mener à bien du côté nord un projet d'évacuation et d'épuration des eaux usées d'une valeur d'environ 15 millions de dollars. Grâce à ce soutien, on a doublé le taux d'utilisation de tous les usagers de la ville de Miramichi. Nous devons maintenant faire face à un problème tout aussi sérieux, soit celui que pose le système d'évacuation et d'épuration des eaux usées du côté sud, qui coûterait également 15 millions de dollars. Sans soutien du programme d'infrastructure, nous ne pouvons même pas envisager de remplacer l'ancienne infrastructure du côté sud. Je tiens à vous rappeler et à rappeler au comité que ces systèmes à Miramichi et dans de nombreuses autres municipalités ont été construits il y a 20 à 30 ans et grâce à une aide financière massive du gouvernement fédéral. Nous ne pouvons pas plus aujourd'hui remplacer ces systèmes que nous n'aurions pu les construire seuls il y a 20 à 30 ans.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le maire.
Nous allons maintenant entendre le représentant de la Fédération canadienne de la nature, M. Kevin McNamee, directeur, Campagne des milieux sauvages.
M. Kevin McNamee (directeur, Campagne des milieux sauvages, Fédération canadienne de la nature): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Je m'appelle Kevin McNamee. Je suis le directeur de la Campagne des milieux sauvages pour la Fédération canadienne de la nature à Ottawa.
• 0945
La Fédération est une organisation environnementale nationale
non gouvernementale. Une de nos priorités consiste à promouvoir
l'élargissement et la protection du réseau des parcs nationaux au
Canada dans l'intérêt des Canadiens, d'aujourd'hui et de demain.
Notre mémoire est schématisé dans le résumé qui, je crois, vous a été distribué. Je m'y reporterai. J'ai remis un mémoire plus détaillé à la greffière.
La Fédération demande instamment au gouvernement fédéral d'allouer des fonds pour la réalisation d'un engagement pris dans le discours du Trône et selon lequel:
-
Le gouvernement poursuivra l'élargissement du réseau des parcs
nationaux au Canada.
Voilà plus de 20 ans que le gouvernement fédéral a pris l'engagement d'élargir le réseau des parcs nationaux et de le compléter. Toutefois, à l'heure qu'il est, le Canada a encore besoin de 14 autres parcs nationaux pour respecter cet engagement.
Je vous prie de consulter la carte en couleurs à la page 3 de notre mémoire. Elle s'intitule «Completing Canada's National Park System». C'est le réseau des parcs nationaux dont il est question dans le discours du Trône. On répartit le Canada en 39 régions naturelles. Vous reconnaîtrez les Rocheuses, les surfaces en Prairies et les régions du Labrador. Le gouvernement fédéral vise à représenter chaque région naturelle par un parc national. Jusqu'à maintenant, 25 régions naturelles disposent d'au moins un parc national. Les régions en brun sont celles qui ne sont toujours pas représentées, il y en a 14. Les zones en rouge et en jaune sont des parcs nationaux potentiels.
Sur la diapositive suivante, on voit qu'on s'est engagé il y a longtemps à compléter le système, engagement pris par divers chefs politiques de différents partis, notamment Jean Chrétien, Lucien Bouchard, Jean Charest et Paul Martin. D'ailleurs, dans les deux derniers Livres rouges du Parti libéral on maintenait cet engagement à terminer le réseau d'ici l'an 2000.
Nous passons maintenant à la diapositive intitulée «Conservation et financement». Il s'agit des deux questions que nous aimerions porter à l'attention du comité. Tout d'abord, le Canada est en train de perdre rapidement la possibilité de protéger certaines aires naturelles d'importance nationale. Certains parcs nationaux potentiels sont tombés aux mains des promoteurs. D'autres risquent d'être utilisés pour l'exploitation forestière ou minière.
La deuxième question est celle du financement. Il n'existe pas de source de financement à long terme permettant d'assurer le développement de nouveaux parcs nationaux. Aujourd'hui, lorsque nous créons un nouveau parc national, habituellement, nous pillons les budgets des parcs existants pour financer les nouveaux parcs, ou nous devons faire des présentations séparées au Cabinet de façon constante. On se trouve ainsi à prendre en partie de l'argent des collectivités existantes qui ont déjà des parcs nationaux. L'ennui, c'est que le Canada est en train de négocier la création de nouveaux parcs nationaux avec d'autres gouvernements, les Autochtones et certaines localités sans prévoir de source de financement stable.
Si nous passons maintenant à la diapositive intitulée «Possibilités de nouveaux parcs», il y a deux questions que nous aimerions porter à l'attention du comité. Lorsque le Parlement a adopté le projet de loi prévoyant la création de la nouvelle agence Parcs Canada en 1998 lors de la dernière législature, il a créé un nouveau compte consacré aux parcs et sites historiques. Il s'agit d'un fonds permanent qui recevra des crédits parlementaires et des dons des Canadiens. Autrement dit, dorénavant, si nous versons de l'argent dans ce fonds, il restera là. Avant que cette agence ne soit établie—par exemple, l'année dernière—si Parcs Canada recevait de l'argent pour la création de nouveaux parcs, il devait le dépenser en deux mois. C'était une situation inacceptable. Maintenant, nous pouvons verser l'argent dans le fonds, le consacrer aux nouveaux parcs et il demeure dans ce fonds.
La deuxième possibilité, c'est que les perspectives sont bonnes pour au moins neuf nouveaux parcs nationaux et peut-être quatre aires nationales de conservation marine au cours des cinq prochaines années.
Nous demandons au comité de recommander que le gouvernement fédéral attribue 275 millions de dollars sur cinq ans pour les nouveaux parcs nationaux, les nouvelles aires nationales de conservation marine et pour compléter les programmes d'acquisition foncière pour les parcs nationaux des prairies et de la péninsule Bruce. De ce total, nous proposons qu'un montant de 175 millions de dollars soit versé au nouveau compte des parcs et sites historiques. Cet argent permettra d'assurer un financement stable pour planifier, négocier, acheter et développer ces nouveaux parcs. Cet argent sera investi dans les collectivités locales.
• 0950
La diapositive suivante vous présente les hypothèses utilisées
pour arriver à ce montant de 275 millions de dollars. Je ne vais
pas les détailler, mais je me contenterai d'indiquer que pour
arriver à ce chiffre, nous avons utilisé les estimations de coût
provenant du plan d'activités national de Parcs Canada.
J'ai indiqué que sur les 14 sites admissibles, nous estimons que les perspectives sont bonnes pour neuf d'entre eux. Les perspectives pour les autres, qui se trouvent principalement au Québec, sont très faibles pour l'instant.
Avec cette dernière diapositive sur les avantages des nouveaux parcs pour le Canada, je dirai en conclusion que nous estimons que les nouveaux parcs augmenteront la contribution économique du système actuel, que nous avons détaillé. Ils donneront aux générations présentes et à venir l'occasion de visiter, de connaître et d'appuyer le patrimoine naturel et culturel du Canada. Ils permettront d'assurer la protection permanente des écosystèmes boréaux, arctiques et des prairies. Ils permettront de s'assurer que nous cessons de piller les budgets des parcs nationaux existants. Ils permettront d'aider les peuples autochtones à protéger les terres qui ont soutenu leur mode de vie traditionnel. Ils offriront aux collectivités situées en bordure des parcs des avantages économiques et écologiques. Et enfin, ils permettront d'offrir plus de certitude à l'industrie qui saura enfin quelles sont les aires qui sont fermées au développement.
En conclusion, la Fédération canadienne de la nature demande au comité de recommander au Parlement d'investir dans la préservation de certaines des plus belles aires naturelles du pays, voire de la planète, qui sont toujours sans protection.
Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur McNamee.
Je vais suspendre la séance pendant deux minutes pour régler certaines questions techniques, puis nous passerons à la période de questions.
Le président: Je pense, monsieur le maire, que vous serez le seul à répondre aux questions. Tout le monde est parti.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. Voici comment cela fonctionne. Je vais donner la parole aux députés des deux côtés ici, et ils poseront une question, qu'ils adressent à un membre du groupe habituellement. S'ils ne l'adressent pas à un membre du groupe en particulier, quiconque le veut peut y répondre. Nous débuterons par M. Lunn. Ce sera un tour de cinq minutes.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Réf.): Merci, monsieur le président.
Je tiens tout d'abord à remercier tous les témoins de leur présence ici. Vos observations ont été très intéressantes et il ne fait aucun doute, d'après ce que j'ai entendu, que la majorité d'entre vous veut une plus grande consultation. J'ai l'impression que vous aimeriez que l'on rétablisse les paiements de transfert aux niveaux en vigueur avant les réductions qui ont été apportées au cours des dernières années afin que cet argent puisse être consacré aux programmes dont vous avez parlé.
J'aimerais répondre à Kevin de la Fédération canadienne de la nature. La ministre responsable de Parcs Canada était dans ma circonscription il y a quelques semaines et m'a indiqué que son objectif, et elle l'a d'ailleurs déclaré publiquement, était de créer plus de parcs que Jean Chrétien lorsqu'il était le ministre responsable. Je pense donc que ce sont des nouvelles encourageantes pour vous.
Je vais maintenant aborder quelque chose de tout à fait différent. C'est un sujet dont on entend beaucoup parler, et certains d'entre vous l'ont abordé brièvement. J'aimerais savoir... C'est un phénomène qui semble prendre de l'ampleur en Colombie- Britannique, d'où je viens, et j'aimerais savoir si c'est la même chose ici. Lorsque je vais dans les universités et même dans les collectivités, il y a des jeunes qui considèrent qu'on est en train d'étouffer leurs aspirations. Ils considèrent que le Canada ne leur offre pas les occasions de réaliser leurs rêves et ils se tournent donc ailleurs, pas simplement vers les États-Unis, mais vers l'étranger. C'est un phénomène qui semble prendre de l'ampleur.
• 1000
Ma crainte, c'est qu'il s'agit de nos candidats les plus
brillants, ceux qui représenteront la force économique de notre
pays d'ici une quinzaine d'années, les futurs PDG et entrepreneurs,
ceux qui vont influencer l'économie canadienne, qui vont créer des
emplois et la richesse qui sont si indispensables dans notre pays.
Nous n'en constaterons pas l'impact avant 15 ou 20 ans. Je n'ai pas
entendu beaucoup de gens parler de ces occasions ratées pour nos
jeunes. Est-ce un grave problème ici dans la région du Canada
atlantique?
C'est une question que j'adresse à tout le monde, monsieur le président.
Le président: Monsieur Mills et madame Ennis, vous avez la parole.
M. Leon Mills: C'est une question intéressante. Je suis heureux que vous l'ayez soulevée, en fait, parce que cela concerne aussi les questions de handicap. Les jeunes handicapés sont dans le même bateau que ceux qui ne sont pas handicapés, mais pour eux la situation est encore plus grave. Car les jeunes qui ne sont pas handicapés peuvent aller ailleurs et se voir offrir de meilleurs débouchés, mais les jeunes handicapés ne le peuvent pas. Ils sont vraiment bloqués et ont besoin d'un plus grand soutien.
Mais l'argument que vous avancez est tout à fait valable. Je sais que les Terre-Neuviens se sont toujours déplacés pour trouver de meilleurs débouchés économiques et de meilleures possibilités d'emploi. Nous y sommes habitués. Je suis sûr que c'est le cas pour de nombreux Canadiens de l'Est également. Mais ce phénomène s'est intensifié ces dernières années par suite du moratoire sur la morue à Terre-Neuve qui a entraîné une détérioration de la situation économique, ce qui a sérieusement perturbé notre identité culturelle et la façon dont nous fonctionnions depuis des centaines d'années. Et effectivement, nous sommes en train de perdre nos meilleurs éléments. Cela ne fait aucun doute, malgré tous ceux qui prétendent le contraire, à savoir que la fuite des cerveaux n'est pas un phénomène réel.
Je vous en donnerai un exemple. Je lisais un article à propos d'un jeune entrepreneur de St. John's—l'un de ces spécialistes en technologie de l'information—qui, après avoir terminé ses études il y a quelques années, ne s'est vu offrir aucune possibilité ici et est allé aux États-Unis. Cinq ans plus tard, il est maintenant le PDG d'une entreprise ayant un chiffre d'affaires de 50 millions de dollars. Il existe une foule d'exemples de ce genre. À Terre- Neuve, pratiquement tout le monde à qui on parle a un parent qui est tout aussi susceptible d'être allé s'installer en Corée ou au Japon que dans une autre région du pays ou aux États-Unis.
Donc, c'est assurément un grave problème. Comme vous l'avez dit, on en ressentira les effets dans 15 à 20 ans d'ici parce que ce sont eux qui joueront un rôle important dans la croissance économique du Canada à ce moment-là. Les collectivités rurales de Terre-Neuve sont tout simplement en train de disparaître et sont en train de devenir des collectivités de retraités parce que tous les jeunes, surtout ceux en âge de procréer, partent.
M. Gary Lunn: Je vous remercie.
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Madame Lord, suivie de M. McNamee.
M. Kevin McNamee: Désolé, comme je ne suis pas de la région Atlantique du Canada, je pense que Mme Lord devrait prendre la parole la première.
Mme Stella Lord (agente de planification et de développement, Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse): Notre organisation a des contacts avec des femmes qui travaillent et vivent dans des collectivités rurales de la Nouvelle-Écosse. Je dirais que la situation est très semblable à celle qui existe à Terre-Neuve, surtout aux alentours du Cap- Breton, et surtout dans les régions qui ont été les plus durement touchées par la crise que traverse l'industrie de la pêche. Les jeunes quittent ces collectivités. Ils ne veulent pas y rester.
En ce qui concerne la situation des femmes, beaucoup d'entre elles travaillaient dans de petites exploitations de pêche. À cause de la fermeture ou du ralentissement des activités de pêche, elles doivent maintenant se chercher de l'emploi rémunéré ailleurs. Parfois, le mieux qu'elles arrivent à obtenir sans formation dans les collectivités rurales, c'est un emploi qui paye 7,50 $ de l'heure. Donc une situation très stressante pour les femmes dans ces familles qui essaient de joindre les deux bouts. Dans bien des cas, elles sont maintenant le seul soutien de la famille. Nous connaissons des familles où l'homme reste à la maison parce qu'il ne peut pas travailler dans les pêcheries. On ne lui offre aucune formation, et tout l'argent est épuisé. On constate un accroissement de l'alcoolisme et de la violence familiale. Ce sont les cas dont nous font part bien des collectivités de la Nouvelle- Écosse.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur McNamee.
M. Kevin McNamee: Simplement pour donner un aperçu plus général de la situation, nous sommes beaucoup pressentis par des jeunes et des étudiants qui cherchent à travailler dans des aires protégées, dans des parcs nationaux et dans le domaine de la conservation de leur environnement. Lorsque le budget de Parcs Canada a été réduit de 25 p. 100 au cours des dernières années, certaines des victimes ont été les jeunes et les gens qui sont employés à temps plein dans ces parcs. L'entente récente concernant le Parc national Sirmilik, au Nunavut, a créé une bourse précisément pour aider à former les jeunes dans la région pour qu'ils soient aptes à l'emploi, parce que l'une des plaintes formulées, c'est que les gens qui obtiennent habituellement de l'emploi dans les parcs nationaux proviennent parfois du centre du Canada parce qu'on n'arrive pas à trouver de jeunes ailleurs.
• 1005
Nous aimerions recommander entre autres que l'on prévoie des
bourses pour aider à former des gens de la localité afin qu'ils
puissent travailler dans certaines de ces régions.
Le président: Monsieur Bernard.
M. Rupert Bernard: Je vous remercie, monsieur le président.
J'estime que les collectivités du Canada atlantique sont extrêmement débrouillardes. La présence fédérale au Canada atlantique a été considérablement réduite sur plusieurs années dans bien des collectivités de cette région, et des collectivités entières ont dû monopoliser leurs ressources et leur énergie simplement pour tâcher de se remettre d'aplomb après des années de compressions fédérales. J'utiliserai l'exemple de la fermeture de la base des forces canadiennes à Chatham. Pendant 14 ans, toute la collectivité a monopolisé ses énergies pour se battre contre cette décision. Nous avons finalement accepté cette décision et avons passé à autre chose, et en trois courtes années et demie, nous nous sommes remis de cette perte. S'il était possible de prévoir une certaine stabilité en matière de financement fédéral, je suis persuadé que les collectivités du Canada atlantique seraient en mesure de se façonner un avenir très solide.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Mills, puis M. Szabo.
M. Leon Mills: Il y a un problème qui revient toujours en ce qui concerne l'emploi des jeunes, handicapés ou non. Les employeurs disent vouloir des candidats qui ont de l'expérience, mais c'est toujours la même histoire. Il est impossible d'acquérir de l'expérience sans avoir travaillé. Que peut alors faire un jeune? À Terre-Neuve, surtout dans l'industrie de la technologie de l'information, nous sommes les chefs de file dans bien des domaines. Mais il n'en reste pas moins que beaucoup de jeunes doivent aller à l'étranger pour obtenir du travail, même s'il y a des emplois ici qui ne sont pas comblés parce que les employeurs veulent des gens qui ont de l'expérience.
Je pense que les employeurs sont quelque peu impatients ou encore ne visent pas tout à fait juste. Il leur faut revenir à certains des programmes qui existaient auparavant, comme les programmes d'apprentissage qui existaient pour les métiers. Bon nombre de jeunes les ont suivis. Dans les métiers, on commençait au bas de l'échelle avec un employeur, on recevait la formation et on avait l'occasion de se mettre au courant du système de l'employeur. Si un tel principe est appliqué au secteur de la TI ou à d'autres secteurs durant un certain nombre d'années, les employeurs finiront par obtenir les gens qu'ils cherchent. C'est une façon de fidéliser les employés tout en créant du travail pour les jeunes. À DRHC, on pourrait peut-être se pencher sur de telles possibilités pour régler une partie du problème tout au moins.
Pour ce qui est des programmes actuels dont Terre-Neuve et le gouvernement fédéral partagent les frais, bon nombre d'entre eux sont valables mais ne durent pas assez longtemps. Encore ici, ce ne sont que des programmes à court terme. Il faut envisager une durée de deux ou trois ans. Certains de ces programmes pourraient être jumelés à un programme d'apprentissage de manière à accroître progressivement la viabilité et le nombre de résultats positifs, ce qui créerait vraisemblablement des emplois de plus longue durée. À l'heure actuelle, cependant, les programmes sont tout simplement trop courts et, à cause du financement insuffisant, leurs résultats sont insatisfaisants.
Merci.
Le président: Merci.
Madame Doyle-Bedwell.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: De par l'autre fonction que j'exerce, à savoir celle de directrice du programme de l'année de transition au Collège Henson de l'Université Dalhousie, j'ai pu constater au cours des dernières années, pour répondre à votre question, que bon nombre de nos étudiants n'attendent que le moment propice pour nous quitter—et notre programme est axé sur les Canadiens africains et les étudiants des Premières nations, je vous le signale. L'an dernier, sur une classe de 22 étudiants, nous en avons perdu quatre. Ils sont partis se chercher du travail à Toronto.
Lorsque j'étais employée à l'École de droit de Dalhousie, bon nombre des étudiants que je fréquentais ont fini par quitter la province. Pour ma part, j'aimerais bien vivre au Cap-Breton, où vit d'ailleurs ma famille. Cependant, il n'y a pas d'emplois là-bas. Je ne retournerai donc pas au Cap-Breton de sitôt. Il y a donc lieu de parler d'une tendance, selon moi.
L'autre aspect qui risque de poser problème, c'est l'hiver, bien entendu. Je ne sais pas au juste quelles en seront les répercussions. Mais je suis certaine qu'elles ne seront pas bonnes. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a imposé des compressions au programme de travaux d'hiver, pour l'hiver qui vient, dans bon nombre de localités rurales. On risque donc de voir encore plus de gens plier bagages.
Il s'agit là de l'un de nos problèmes les plus importants, me semble-t-il. Même parmi les jeunes avec qui je travaille quotidiennement, il y en a qui envisagent de s'en aller ailleurs.
Le président: Merci.
Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.
• 1010
J'aimerais remercier tous ceux qui ont pris la parole d'avoir
respecté leurs engagements à l'égard de ceux qu'ils représentent en
faisant valoir les intérêts de leur région et en consacrant
également beaucoup d'importance aux questions d'envergure
nationale. Je vous remercie d'avoir su établir le lien entre des
questions qui touchent l'ensemble du Canada et celles qui touchent
plus particulièrement les Maritimes et Terre-Neuve.
J'aimerais demander à Patricia Doyle-Bedwell ce qu'elle pense d'un aspect dont on a beaucoup parlé l'an dernier—à savoir la récupération de la prestation nationale pour enfants dans le cadre du programme canadien de prestation fiscale pour enfants.
Selon de nombreuses informations dont nous disposons, les Canadiens qui effectuent la transition de l'aide sociale à la population active perdent effectivement du terrain sur le plan économique. Ils perdent l'assurance-médicaments et l'assurance dentaire, etc., et, somme toute, ils perdent du terrain.
Tout d'abord, si nous avons bien compris, ce sont les provinces qui choisissent. Il est plutôt vraisemblable, me semble- t-il, étant donné que les provinces qui ont choisi de ne pas récupérer mais plutôt de prolonger la prestation sont celles où les possibilités d'emplois sont très restreintes... et qui cherchent donc la meilleure façon de venir en aide à leur population. Si j'étais premier ministre provincial, j'en ferais probablement autant.
À supposer que serait éliminée la mesure de récupération en vigueur à l'heure actuelle, j'aimerais savoir s'il est nécessaire, d'après vous, de tenter de compenser la perte économique de toute personne qui effectue la transition du bien-être social à un emploi rémunéré.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Stella est prête à répondre.
Mme Stella Lord: Je pense que les deux provinces où il n'y a pas de récupération sont également celles où les taux de participation au régime du bien-être social ont été les moins élevés par le passé. Voilà un autre aspect dont il faut tenir compte.
Une formule serait utile, il me semble. Travailler, ça coûte quelque chose. Il faut de l'argent pour le transport, pour les vêtements, pour le café le matin, et pour le goûter. On peut évidemment apporter son «lunch» mais, il faut quand même acheter de quoi le faire.
Nous connaissons par exemple des cas de mères célibataires qui vivent à Spryfield et qui travaillent à Dartmouth, alors que le service de garde d'enfants subventionné le plus rapproché se trouve dans la partie sud de Halifax. Ça n'a pas de sens.
Je connais le cas d'une femme qui doit quitter la maison à 6 heures pour arriver au travail à 8 h 30 à cause de l'insuffisance des services de garde subventionnés. Il n'y en a qu'à certains endroits à Halifax. Le service de garde d'enfants n'est pas nécessairement tout proche.
Voilà donc certains aspects qu'il faut considérer. Il nous faut davantage d'infrastructures qui permettront aux femmes d'obtenir un emploi et il nous faut également une meilleure formation et de meilleures possibilités d'emplois. En Nouvelle- Écosse, les assistés sociaux bénéficient d'un régime d'assurance- médicaments, qui comporte une brève période de transition, d'une durée d'environ trois mois, je crois. Il faut allonger cette période. Certains autres avantages dont jouissent les prestataires de l'aide sociale doivent également être prolongés, d'au moins un an.
De plus, nous devons améliorer l'infrastructure d'emplois, des possibilités de formation, et les possibilités d'accès à l'enseignement supérieur. D'après ce que nous avons compris, toute personne ayant l'équivalent d'une douzième année, qu'il s'agisse ou non d'une femme célibataire, est considérée employable. On ne peut décrocher un très bon emploi avec une douzième année. Bon, c'est mieux que rien, mais ce n'est pas suffisant pour faire vivre une famille.
Il faut donc voir les deux côtés de la médaille.
M. Paul Szabo: Si j'ai bien compris donc, il existe un certain nombre de mesures de soutien qui, ensemble, permettraient de composer avec la baisse de revenu.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Permettez-moi d'ajouter quelque chose.
Comme je l'ai dit, je travaille pour le programme de l'année de transition et je dois m'occuper d'un grand nombre de mères célibataires qui retournent à l'école. Nos étudiants qui s'efforcent d'effectuer la transition vers l'école doivent notamment, dans certains cas, surmonter la difficulté—à laquelle Stella a d'ailleurs fait allusion—de devoir quitter la maison à 6 h 30 pour être en classe à 8 h 30. Ils doivent emmener leurs enfants de Spryfield au centre de garde subventionné du centre- ville et puis revenir par autobus à l'école. C'est là un processus très long et très lourd.
• 1015
Les services de garde de jour subventionnés, ce n'est pas
nécessairement aussi gratuit qu'on pourrait le penser. Mes
étudiants, par exemple, continuent de payer des frais
supplémentaires de 5 $ ou 6 $ par jour, et ils continuent de verser
130 $ par mois pour le service de garde de jour. Également, si
leurs enfants sont malades, ils doivent payer encore davantage
s'ils n'ont pas de l'aide de leur famille.
Je pense donc que la prestation nationale pour enfants permettrait largement d'assumer de tels coûts de transition, qu'il s'agisse de retour à l'école ou au travail.
Vous avez raison, il y a des coûts de transition. Lorsque les mères célibataires retournent au travail, elles perdent des avantages mais elles continuent d'avoir besoin d'un soutien additionnel. Pour se préparer à la transition, j'estime que la prestation pour enfants leur est nécessaire.
M. Paul Szabo: Une dernière question. Vous avez parlé de la prolongation du congé parental dans le cadre du régime d'assurance- emploi, dont il a été question dans le discours du Trône et dont a parlé le premier ministre.
Je me fais pour un instant l'avocat du diable en vous soulignant que les travailleurs autonomes ne seraient probablement pas d'accord puisqu'ils ne seraient pas admissibles, que les responsables des petites entreprises diraient peut-être que la chose n'est pas possible puisqu'ils ont trop peu d'employés et qu'ils ne peuvent se priver d'un employé pour si longtemps. Qu'auriez-vous donc à répondre aux personnes qui s'inquiètent de ne pas pouvoir participer à un tel programme?
Mme Patricia Doyle-Bedwell: Lorsqu'on a annoncé la prolongation du congé parental aux termes de l'AE, nous avons fait valoir que depuis les compressions à l'AE—je parle de compressions, même si les conditions d'admissibilité n'ont pas changé—un nombre moins grand de femmes est admissible. Ainsi, même s'il y a prolongation du congé parental, ce dont nous nous réjouissons...
Même si on parle de «congé parental», nous savons bien que ce sont surtout les femmes qui vont s'en prévaloir, même s'il est certainement possible de partager le congé avec l'autre parent.
Pour ce qui est des petites entreprises et des travailleurs autonomes, je crois pour ma part que les travailleurs autonomes devraient être admissibles. Je sais qu'ils ne sont pas admissibles à l'AE à l'heure actuelle.
Par rapport à l'autre aspect, je note tout d'abord que, lorsqu'on forme des gens en vue d'un emploi, dans le contexte de la petite entreprise, on crée notamment de l'emploi. Il me semble que les coûts ne dépassent pas les avantages à cet égard. Je comprends très bien que la prolongation du congé parental soit une bonne chose, mais nous avons constaté, par exemple, que certaines personnes n'ont pas été jugées admissibles à l'AE parce qu'il leur manquait huit heures de travail.
Je sais également que, dans le climat économique actuel, les employeurs ont tendance à ne pas appuyer les congés pour raisons familiales et autres choses de ce genre. Le gouvernement doit donc à cet égard adopter des mesures très concrètes d'appui aux hommes et aux femmes pour qui le congé parental est nécessaire, qu'il s'agisse d'un allégement fiscal ou d'un autre avantage, de manière à faire contrepoids à certaines réticences.
Pour ce qui est de la formation en vue d'occuper un nouvel emploi, le fait d'être embauché pendant six mois pour remplacer une femme qui prend un congé de maternité comporte des avantages. Dans bien des cas, dernièrement, la création d'emplois a rapport au remplacement de personnes en congé de maternité. Lorsqu'il est question de permettre à une mère de rester à la maison avec son enfant pour un an, je ne crois pas que les coûts dépassent les avantages.
Une voix: Il nous faut, je crois, adopter une perspective à long...
Le président: Merci beaucoup, monsieur Szabo.
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle (Halifax-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord remercier tous ceux qui ont pris la parole. Vous avez abordé un très grand nombre d'aspects fort importants que nous nous efforçons, mes collègues et moi, de faire valoir à la Chambre depuis un certain temps déjà.
Au nombre des questions très importantes que vous avez abordées, vous avez parlé de l'engagement à l'égard des personnes handicapées, de la suppression en mars 2000 du Fonds d'intégration—et justement, l'autre jour, un client que j'ai rencontré à mon bureau m'a manifesté ses inquiétudes à cet égard—et vous avez aussi parlé des parcs, des pensions et ainsi de suite.
Toutes ces questions semblent fort importantes et elles semblent toutes également correspondre à une exigence commune, à savoir celle de faire en sorte que le gouvernement fédéral accorde une aide financière considérable dans notre région pour que nous puissions les régler.
Il pourrait paraître à certaines personnes qu'un certain nombre de nos organisations se disputent des ressources financières. Pourtant, selon moi, elles ne sont pas en concurrence mais déploient plutôt un effort concerté pour réaliser leurs objectifs.
Beaucoup de ces dossiers comportent un coefficient de corrélation. Dès qu'on intervient, par exemple, dans le domaine du logement, il y a un effet sur l'emploi ou sur d'autres dossiers. Il y a vraiment un lien d'interdépendance.
• 1020
Il me semble que le gouvernement fédéral doit avoir une
approche très concertée pour s'attaquer à tous ces dossiers. Je me
demande si, en votre qualité de représentants d'organismes en
particulier, vous êtes aussi de cet avis ou si, d'après vous, il y
a des questions auxquelles il faudrait accorder la priorité par
rapport à d'autres? Il me semble que toutes les questions sur
lesquelles on s'est penché ici ont une certaine corrélation, et il
est important à mon avis de s'y attaquer dans cette optique, au
lieu de les prendre isolément. J'aimerais savoir ce que vous en
pensez.
Le président: Merci, monsieur Earle.
Monsieur McNamee.
M. Kevin McNamee: Il arrive trop souvent sans doute que, dès qu'il est question de mettre des terres en réserve ou de créer de nouveaux parcs nationaux, on considère qu'il s'agit d'une question liée au tourisme ou aux loisirs de plein air—on considère qu'il s'agit de mettre en réserve des terres pour l'élite de notre société. Pour revenir à ce que vous disiez, je tiens à insister tout particulièrement sur le fait que nous demandons un investissement dans le développement écologique, économique et social durable. Évidemment, cela ne permettra pas de guérir tous les maux d'une société donnée, mais j'inviterais le comité à y voir une façon d'investir dans les collectivités, dans les peuples autochtones et dans les jeunes. Je n'entrerai pas dans les détails, mais il y a suffisamment d'études et de documentation pour appuyer pareille démarche. Je vous inviterais à considérer qu'il s'agit non pas simplement de créer des réserves naturelles et de mettre ainsi à part certaines terres, mais bel et bien d'investir dans des projets qui peuvent profiter et qui profitent effectivement aux collectivités.
C'est ce que réclament les collectivités du Nord. Ce n'est pas Parcs Canada qui propose ces investissements. Il est important pour les collectivités du Nord de protéger le caribou qui est essentiel à la préservation de leur culture autochtone. C'est le caribou qui assure la subsistance des Autochtones des collectivités les plus isolées. La Nation innue demande notamment dans ses revendications territoriales la création d'un parc national dans la partie sud du Labrador afin de protéger les terres où les Innus chassent depuis des centaines de milliers d'années. La création d'un parc serait peut-être aussi pour eux l'occasion de participer à son exploitation, à sa gestion, etc. Je vous invite donc à considérer qu'il s'agit d'un investissement qui aura des retombées dans de nombreux domaines.
Le président: Les derniers à prendre la parole sur cette question seront Mme Doyle-Bedwell, puis M. Mills.
Mme Patricia Doyle-Bedwell: En ce qui concerne votre question sur la corrélation entre tous ces dossiers, monsieur Earle, l'acharnement du gouvernement fédéral à réduire le déficit a entraîné une diminution des transferts aux provinces, et ce sont les plus vulnérables qui ont été touchés. En Nouvelle-Écosse, où nous sommes aux prises avec un énorme déficit, nous verrons de nouvelles réductions à nos programmes.
Vous aurez constaté que, ces dernières années, les oeuvres de bienfaisance, les personnes handicapées, le programme de travaux d'hiver qui a pour objet de venir en aide aux travailleurs saisonniers dans les localités rurales, les soins de santé et les Autochtones ont tous été victimes de réductions budgétaires. Dans nos collectivités de la Nouvelle-Écosse, nous avons un taux de chômage de 90 p. 100. Si les personnes handicapées n'ont plus droit à des services de transport, l'argent que nous économiserons d'un côté devra être dépensé de l'autre.
Il faut que nous redevenions une société solidaire. Il s'agit d'avoir une vision, d'investir dans notre avenir, dans nos collectivités et dans nos gens. C'est cela qui doit être notre priorité.
Je sais que le déficit est important, et c'est un montant qui paraît inimaginable à l'homme de la rue, mais il faut redevenir une société solidaire. Les femmes et les autres groupes marginalisés sentent souvent les effets des réductions dès qu'elles sont faites. La Banque de Nouvelle-Écosse n'a pas subi de conséquences importantes quand elle a déménagé son centre de formation pour les préposés aux appels en Nouvelle-Écosse. Elle en a d'ailleurs récolté un bon profit.
Les banques ne comptent pas parmi les nécessiteux ni les vulnérables de notre société, mais ce sont précisément les nécessiteux et les vulnérables qui sont touchés. Je crois qu'il faut revenir à cette idée d'investir dans nos gens, d'investir dans le Canada. Voilà le lien qu'il convient de faire selon moi.
Le président: Merci.
Dernière observation, monsieur Mills.
M. Leon Mills: Je laisse à Mary le soin de répondre.
Le président: Madame Ennis.
Mme Mary Ennis: Merci, monsieur le président.
Merci, Leon.
Quand il s'agit des personnes handicapées, je crois que le plus important pour nous, ce sont sans doute les mesures de soutien pour les personnes handicapées. J'entends les gens parler sans cesse des besoins spéciaux de cette population. Je ne trouve rien de spécial à devoir dépenser 4 000 $ ou 5 000 $ tous les trois ans pour acheter un nouvel appareil auditif, et je ne trouve certainement rien de spécial à devoir dépenser 10 000 $ pour un fauteuil roulant. Nous avons besoin de ces aides. Elles n'ont rien de spécial. Ce n'est pas du superflu. Nous avons besoin de ces aides pour nous permettre de réaliser tout notre potentiel et de participer au développement socio-économique de notre pays.
Cela fait partie de nos droits en tant que citoyens. Nous ne voulons pas de programmes spéciaux. Nous n'aimons pas avoir à toujours déranger le gouvernement pour lui demander de créer tel ou tel programme ou d'élargir le Fonds d'intégration. Nous voulons être inclus d'office dans toutes les initiatives gouvernementales. Notre objectif ultime est d'être pleinement inclus.
Le président: Merci, monsieur Earle.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous pour vos témoignages.
J'aimerais commencer par le maire Bernard. Ma question concerne le programme fédéral d'infrastructure. Il s'agit de projets qui sont approuvés de façon ponctuelle. Certains s'inquiètent du fait que le financement se fasse ainsi par bourrées, qu'il semble être axé davantage sur le cycle électoral de quatre ans que sur les besoins réels des collectivités. Le Canada serait-il mieux servi par une formule permanente et constante de financement des travaux d'infrastructure plutôt que par un programme sporadique qui apparaît périodiquement, comme le monstre du Loch Ness, juste avant les élections?
M. Rupert Bernard: Merci, monsieur le président—ou devrais-je dire saint Nicolas?
Je crois que, si nous avions un programme durable de financement des travaux d'infrastructure, qui prévoirait peut-être moins d'argent au départ, mais qui s'étalerait sur des périodes bien plus longues, les municipalités pourraient mieux planifier leurs besoins en infrastructure.
Le caractère ponctuel du programme fait en sorte que les municipalités doivent élaborer des projets en vitesse. Or, pour qu'elle soit efficace, la planification doit se faire à long terme. Par conséquent, les projets qui sont réalisés ne sont peut-être pas toujours les plus prioritaires. La planification se fait plutôt de manière à pouvoir profiter de tel ou tel programme d'infrastructure. Je ne demanderais pas mieux que d'avoir un programme d'infrastructure durable, à plus long terme.
M. Scott Brison: Croyez-vous qu'il en résulterait sans doute de meilleurs investissements ou des projets d'une plus grande qualité?
M. Rupert Bernard: Ce serait effectivement le cas si j'en crois mon expérience. Si nous prenons Miramichi comme exemple, nous avons pour quelque 40 millions de dollars de travaux d'immobilisations relatifs à des ouvrages publics. Nous en réalisons deux ou trois par an, mais il en surgit invariablement deux ou trois autres. Au conseil, nous avons tendance à vouloir tirer chacun la couverture de notre côté, si vous voulez, pour ce qui est des projets à réaliser au cours de l'année, car les conseillers savent qu'ils n'ont qu'un temps limité pour faire avancer les projets qui leur tiennent à coeur. On pourrait donc aussi éliminer ces querelles intestines.
M. Scott Brison: Ma question suivante, monsieur le maire, concerne la prestation de services fédéraux. Quand le gouvernement précédent était au pouvoir, à l'époque où la base de Summerside a été fermée, on avait décidé que le nouveau centre de la TPS serait installé à Summerside. Le centre a très bien fonctionné comme point d'ancrage.
Que pensez-vous de l'idée que le gouvernement fédéral puisse faire une nouvelle répartition de la prestation des services, notamment pour ce qui est du traitement informatique? La distance n'étant plus un facteur dans le coût des télécommunications, ces emplois pourraient être n'importe où. Ils n'ont pas besoin d'être à Ottawa.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le président: C'était votre dernière question, monsieur Brison.
M. Rupert Bernard: Je suis tout à fait pour la décentralisation du gouvernement fédéral, bien entendu. Vous vous souviendrez peut-être que, quand la fermeture de la base des Forces canadiennes à Chatham était imminente, il était question d'y installer la direction générale des services de paie des Forces armées canadiennes. Le gouvernement qui est arrivé au pouvoir n'a pas retenu cette idée, mais a décidé en 1984 de ne pas fermer la base.
• 1030
Le succès que connaît aujourd'hui la base de Chatham depuis
qu'elle a été lancée sur sa nouvelle trajectoire est toutefois dû
en partie à l'arrivée à Miramichi du Centre canadien des armes à
feu. Ce sont là de bonnes initiatives.
Le président: Madame Lord.
Mme Stella Lord: En ce qui concerne la question sur l'infrastructure, je vous inviterais à penser aussi aux collectivités rurales, notamment à celles du Canada atlantique qui éprouvent de sérieux problèmes à cet égard. Pendant que vous y êtes, je vous inviterais à envisager aussi d'autres types d'infrastructures. Je songe ici aux soins aux enfants.
En ce qui a trait à la question de tout à l'heure au sujet de l'assurance-emploi, je crois que ce serait une bonne idée d'étendre la couverture de l'assurance-emploi, mais je crois que, d'après ce que j'ai lu, il n'y a que 52 p. 100 environ des mères qui travaillent et qui y seraient admissibles, et celles qui le seraient et qui prendraient l'année de congé seraient sans doute de familles à revenu moyen ou à revenu élevé.
Il faut penser à celles qui n'ont pas les moyens de profiter du prolongement des prestations de maternité de l'assurance-emploi. Il faut donc songer sérieusement à mettre en place un programme national de services de garde d'enfants, qui fait partie du plan d'action national en faveur des enfants. Pour ma part, j'estime que cet objectif est tombé au bas de la liste et qu'il faudrait le remettre au haut de la liste.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Merci, madame Lord.
Monsieur Mills, une dernière observation.
M. Leon Mills: Merci, monsieur le président.
Pour terminer, j'aimerais revenir sur beaucoup de ces commentaires. Vous pouvez parler de programmes fédéraux, de programmes à frais partagés pour l'emploi; de décentralisation du gouvernement en vue d'aider les régions, de réorganisation de l'assurance-emploi; etc., mais le dénominateur commun, je crois, de beaucoup de ces choses, c'est l'investissement dans les personnes, ce qu'on a souvent oublié ces dernières années. Les surplus et la reprise de l'économie aidant, je pense qu'il est temps que le gouvernement se remette à investir dans le tissu social de notre pays.
Vous parlez vous-même dans votre rapport, à la page 25 de la version anglaise, de la nécessité d'investir dans l'éducation et le capital humain. J'estime qu'il faudrait aller plus loin encore, car si l'on investit dans les gens et qu'on leur donne la possibilité de surmonter les obstacles auxquels ils se heurtent, beaucoup des autres problèmes connexes disparaissent d'eux-mêmes. Nous l'avons vu à maintes et maintes reprises. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on ne reconnaît pas ce fait et pourquoi on n'est pas prêt à investir de l'argent pour aider les gens au niveau individuel, au lieu d'investir dans des programmes tape-à-l'oeil ou dans des projets de création d'emplois artificiels, etc. Si nous aidons les gens à surmonter les obstacles auxquels ils se heurtent dans leur vie individuelle, nous aidons la société à surmonter les obstacles auxquels se heurtent tous ses membres.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mills.
Merci beaucoup, monsieur Brison.
Au nom du comité, je tiens à vous remercier sincèrement d'avoir apporté votre contribution à nos consultations prébudgétaires ici à Halifax.
Comme vous le savez sans doute, pendant que nous nous déplaçons d'un bout à l'autre du pays pour entendre les divers groupes et particuliers qui veulent exprimer leurs vues, les députés tiennent des assemblées publiques dans leur circonscription.
Vous êtes sans doute conscients des pressions qui s'exercent sur les ressources du gouvernement fédéral. Évidemment, nos ressources sont limitées. Nous avons effectivement un excédent, mais nous vivons à une époque où nous devons faire de nouveaux choix. Il nous faut aussi faire des choix intelligents quant à l'orientation qui nous permettra d'améliorer la qualité de vie des Canadiens. Voilà l'objectif fondamental qui guide notre comité: pouvoir faire les choix qui permettront effectivement d'améliorer le niveau de vie des Canadiens. Vous avez, bien entendu, apporté une contribution importante au débat, et nous vous en remercions sincèrement.
Je vais suspendre la séance pour cinq ou sept minutes. Nous reviendrons tout de suite.
Le président: Nous reprenons nos travaux, et je souhaite encore une fois la bienvenue à tous ceux qui sont ici ce matin.
Nous accueillons des représentants des organisations suivantes: l'Association pour l'éducation permanente dans les universités du Canada; le P.E.I. Action Canada Network; le MacKillop Centre for Social Justice; la Nova Scotia School Boards Association; la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants—section de la Nouvelle-Écosse; l'Atlantic Popular Education Network; l'Association of Nova Scotia University Teachers; et la Newfoundland and Labrador School Boards Association.
Certains d'entre vous le savent parce qu'ils ont déjà témoigné devant notre comité, mais vous avez entre cinq et sept minutes pour nous présenter votre exposé. Après, nous pourrons vous poser des questions.
Nous commencerons par M. Jim Sharpe, président, Comité des relations étrangères, Association pour l'éducation permanente dans les universités du Canada. Soyez le bienvenu.
M. Jim Sharpe (président, Comité des relations étrangères, Association pour l'éducation permanente dans les universités du Canada): Merci beaucoup. Je suis très heureux de pouvoir vous présenter cet exposé.
Pour ce qui est des cinq questions que vous avez posées dans votre invitation à présenter des mémoires, je voudrais me concentrer sur trois d'entre elles, à savoir: refaire l'infrastructure sociale, accroître la productivité et investir dans l'innovation.
Le groupe que je représente est un groupe national constitué de toutes les facultés d'éducation permanente des universités anglophones du Canada. Nous comptons plus de 50 membres. Nous existons depuis plus de 50 ans, si bien que nous avons une feuille de route impressionnante en raison de l'expansion des universités et du mouvement de l'éducation des adultes en général au Canada.
Je voudrais me concentrer principalement sur le rôle des universités—notamment de l'éducation universitaire permanente—dans la croissance de la nouvelle économie, sur la nécessité de prévoir des incitatifs fiscaux en guise d'encouragement, incitatifs que nous décrivons à la lumière des budgets précédents et du budget pour l'année à venir, et sur l'importance de ces incitatifs pour ce qui est d'augmenter la productivité, d'investir dans l'innovation et d'assurer le développement au Canada d'une industrie de l'éducation à distance de réputation mondiale.
Commençons par l'infrastructure sociale: depuis les réductions qui ont été apportées aux paiements de transfert en 1995, les universités canadiennes ont subi d'importantes coupures budgétaires. En fait, ces coupures remontent encore plus loin, puisque dès 1991 nous avons été témoins d'une importante baisse du nombre d'étudiants à temps partiel dans les universités canadiennes.
Cette baisse s'explique par deux facteurs: d'abord, le manque de fonds mis à la disposition des universités par les provinces, en raison de la réduction des transferts fédéraux, puis, facteur corrélatif, l'accroissement radical des frais de scolarité, qui ont doublé depuis 10 ans.
Les chiffres indiquent une baisse vraiment dramatique. En 1991-1992, les universités comptaient 313 000 étudiants à temps partiel. En 1998-1999, l'an dernier, elles n'en comptaient plus que 239 000, ce qui représente une baisse de plus de 28 p. 100. Les données préliminaires pour cette année, 1999, révèlent que le nombre d'étudiants de premier cycle est toujours à la baisse. Le rapport de Statistique Canada de novembre dernier attribuait cette baisse à la réduction du financement gouvernemental, qui se traduit par un éventail de cours plus restreint et par des frais de scolarité plus élevés.
L'importance des études à temps partiel s'explique par divers facteurs. L'étudiant à temps partiel est en mesure de cumuler ses obligations professionnelles et familiales, de même que ses études. Le coût de ses études est donc réparti sur une période plus longue, de sorte qu'elles deviennent plus abordables. Tant pour le travailleur que pour le milieu de travail, l'éducation permanente a un effet moins perturbateur, puisque le travailleur n'a pas à quitter son emploi pour étudier à plein temps. Si nous bâtissons une culture de l'éducation permanente et de l'éducation supérieure permanente, nous nous assurons un relèvement constant du niveau des compétences et des connaissances.
Un des principaux points d'appui à l'éducation universitaire réside dans le programme des prêts aux étudiants. Il a beaucoup été question de l'avenir du programme des prêts aux étudiants, et je suis sûr qu'il en sera encore beaucoup question à cette table.
Je tiens à attirer votre attention sur un aspect de ce programme dont il n'a pas beaucoup été question: les prêts destinés aux étudiants à temps partiel. Bien qu'il soit en place depuis 15 ans, le programme de prêts aux étudiants à temps partiel n'est presque pas utilisé parce qu'il ne comporte aucun avantage. L'étudiant à temps partiel qui obtient un prêt commence à payer des intérêts dès réception de son prêt. C'est pourquoi très peu d'étudiants demandent des prêts dans le cadre de ce programme.
• 1055
Il faut donc accorder une reconnaissance égale aux études à
temps partiel, pour qu'elles soient traitées de façon semblable aux
études à temps plein, et, pour que le soutien soit accordé sur la
même base, il faut assurer que l'intérêt sera payé pendant que
l'étudiant étudie.
En outre, il faut se servir plus amplement du fonds d'assurance-emploi. On a réalisé certains progrès pour l'utilisation de ce fonds, mais il devrait servir, de façon générale, au soutien à l'éducation et à l'acquisition de compétences, et plus particulièrement aux niveaux d'éducation les plus élevés.
Troisièmement, on peut accorder du soutien en améliorant le régime enregistré d'épargne-études, le REEE. Actuellement, ce régime prévoit très peu d'avantages en matière d'éducation permanente. Nous recommandons qu'il soit traité comme les REER. Autrement dit, il devrait être déductible au moment où les cotisations sont faites.
Ces programmes sont importants pour la croissance de la nouvelle économie. D'après tous les rapports, cette économie se fonde sur le savoir et les compétences. Les universités canadiennes sont essentielles pour transmettre ce savoir et ces connaissances. La meilleure façon de soutenir la nouvelle économie est d'accorder un soutien généralisé à la recherche, à l'innovation et à l'éducation permanente. C'est pourquoi nous demandons un réinvestissement important des excédents budgétaires dans l'enseignement supérieur.
Comment cet investissement peut-il s'effectuer? Premièrement, comme je l'ai déjà dit, il faut que les REEE soient traités de la même façon que les REER. Actuellement, on peut retirer de l'argent de son REER pour l'investir dans l'éducation permanente, mais cela réduit la valeur à long terme du régime parce que l'argent retiré n'accumule pas d'intérêts pour les fins de la retraite.
Le programme a été très innovateur pour les jeunes de moins de 18 ans en prévoyant des subventions pour les REEE; malheureusement, aucune subvention n'est prévu pour l'éducation permanente. Je pense qu'il faut que ces programmes soient traités de la même façon pour encourager les gens à investir dans l'éducation permanente. Il est très facile de communiquer aux étudiants réels ou potentiels l'information relative aux diverses mesures de soutien fiscal à l'éducation permanente. Je crois que nous devrions recourir à un système de bons d'études afin que tout le monde comprenne que chaque personne se fera appuyer en matière d'éducation permanente.
Cela est crucial pour accroître la productivité. Il y a une croissance considérable des technologies de l'information et des communications, ce qui influe sur les universités. Dans mon université comme dans toutes les autres, le nombre de cours et de programmes qui se servent du Web pour instruire et aider les étudiants du campus est en pleine croissance. Financer ces innovations devient très difficile avec les réductions des paiements de transfert et du financement provincial accordé aux établissements. La capacité de fournir la formation en ligne—la formation sur demande—va être un élément clé de la nouvelle économie du savoir.
Les universités doivent donc faire de grands investissements dans les programmes d'études et dans la technologie de l'information pour établir cette infrastructure. Ce que nous constatons déjà, c'est que les universités privées américaines, et même les universités internationales, augmentent le niveau de concurrence et viennent même au Canada offrir des programmes. Actuellement, le Canada est un leader mondial de l'éducation à distance, grâce à nos programmes, et de l'utilisation de la technologie des communications pour l'éducation à distance. Toutefois, ce leadership nécessite un financement important de la recherche en technologie des communications et en élaboration de programmes.
Je voudrais terminer en insistant sur l'élaboration d'un système d'éducation à distance de niveau international au Canada. En ce moment, les universités canadiennes sont des chefs de file pour ce qui est d'élaborer et d'appliquer la nouvelle technologie de l'information. Cependant, elles souffrent d'une carence de fonds considérable et d'une insuffisance de fonds d'investissement pour soutenir et encourager ces méthodes d'enseignement. Je demande donc au comité de recommander que ce type d'investissement soit considéré comme essentiel. Industrie Canada a eu quelques petits programmes, celui des didacticiens et celui des applications, mais ils représentent de très petits montants, et il faut des investissements beaucoup plus importants dans ce domaine.
Fournir cet accès à l'éducation est un élément clé de la nouvelle économie du savoir. C'est maintenant qu'il faut investir dans l'éducation permanente. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Sharpe.
Madame Boyd, vous représentez deux groupes?
Mme Mary Boyd (directrice, MacKillop Centre for Social Justice; présidente, P.E.I. Action Canada Network): Oui, mais je ne vais faire qu'un seul exposé au nom des deux organismes.
Le président: Cela est faisable. Nous avons donc Mme Boyd, qui va parler au nom du P.E.I. Action Canada Network et du MacKillop Centre for Social Justice. Bienvenue.
Mme Mary Boyd: Merci, monsieur le président. J'espère que vous ne lancez pas une nouvelle mode, celle de venir uniquement à Halifax et d'éviter de vous rendre dans les autres provinces. J'espère certainement qu'à l'avenir vous recommencerez à venir à l'Île-du-Prince-Édouard et dans les autres provinces pour entendre plus de groupes.
• 1100
S'il est une chose que nous tenons par-dessus tout à
transmettre au Comité des finances aujourd'hui, c'est que les
programmes sociaux méritent d'absorber la plus grande part des
excédents budgétaires. L'an dernier, nous avons déclaré qu'il
fallait 5 milliards de dollars annuellement pendant cinq ans pour
rétablir le système des soins de santé après la grande frayeur de
la dette et du déficit des dernières années, frayeur qui a réduit
le financement des soins de santé par le gouvernement fédéral à une
part de 10 p. 100 des coûts.
Bien que le budget de l'an dernier ait prévu de réinvestir certaines sommes dans le domaine de la santé, c'est bien loin d'être suffisant. Le budget de 1999-2000 a ramené les niveaux de financement à environ 12 p. 100, mais ils reculent de nouveau. En fait, le gouvernement fédéral doit faire passer sa part à 25 p. 100 du financement. Cela lui permettra de se considérer comme un associé des provinces, et il aura le droit d'exiger que les normes nationales de soins de santé soient respectées.
La compression du TCSPS a durement atteint les programmes de bien-être et l'enseignement supérieur. Les provinces ont dû sérieusement réduire le financement de l'aide sociale. Cela s'est produit dans presque toutes les provinces, et il en est résulté une augmentation de la pauvreté sous forme d'itinérance, d'insécurité, de désespoir, de peur et de faim, comme l'indiquent manifestement l'utilisation accrue des banques alimentaires et l'écart croissant entre les riches et les pauvres. À son tour, cet écart plus marqué affaiblit les collectivités, crée des tensions et mène à des conflits.
De plus, le recours à des programmes de travail obligatoire et le retrait du droit permanent à de l'aide en cas de chômage représentent des violations des droits de la personne. À l'Île-du- Prince-Édouard, le ministre de la Santé et des Services sociaux dit du programme de bien-être social que c'est une mesure temporaire et se vante du fait que le nombre de prestataires ait été réduit de 20 p. 100. Il semble que la volonté de comprimer est une maladie infectieuse et qu'une fois qu'on en est atteint, elle continue de sévir sans fin. C'est une habitude qu'il faut changer.
Les réductions à l'assurance-chômage ont également causé des préjudices. À l'Île-du-Prince-Édouard, qui a un grand nombre de travailleurs saisonniers—26 p. 100 de la main-d'oeuvre dans 12 secteurs économiques—les réductions ont eu une incidence incroyable. Nous avons les chiffres sur l'importance des compressions au cours de la première année, et, dans Cardigan, les prestataires ont subi des réductions de 24 p. 100 et de 21,5 millions de dollars. Au total, l'Île-du-Prince-Édouard, une petite province ayant une petite population, a été amputée de 62 millions de dollars.
Ces réductions ont été faites à une époque où nous avons des excédents, ce qui rend la chose encore plus difficile à comprendre. Pour le Canada entier, outre les réductions dont je parle, les dépenses de programmes fédérales sont passées de 16,6 p. 100 du PIB à 12 p. 100 sous la férule de M. Martin. De 1993-1994 à 2001, les dépenses de programmes auront diminué de 4,6 p. 100 du PIB.
Les charges fiscales fédérales ont augmenté de 1,4 p. 100 du PIB; ce sont donc les programmes sociaux qui ont le plus souffert. Cela peut être corrigé. Nous savons que l'argent est là pour le faire. Nous ne pouvons simplement pas accepter qu'il y ait un immense excédent du fonds d'assurance-emploi pendant que les travailleurs souffrent. Beaucoup d'entre eux n'ont même pas droit à l'AE, et ce sont eux qui en ont le plus besoin.
Ces dernières années, les réductions imposées aux programmes sociaux et à d'autres programmes ont entraîné une chute de 8 p. 100 des revenus des Canadiens des deux quintiles inférieurs. Cela représente une immense réduction de leur niveau de vie, pendant qu'une centaine de PDG de haut niveau et les 10 p. 100 les mieux rémunérés ont vu leur revenu augmenter considérablement.
En ce qui concerne l'impôt, bien que la grande entreprise s'affaire à propager plusieurs mythes en vue de faire réduire les impôts, la tranche de revenus qui a le plus besoin d'un dégrèvement, c'est le quintile inférieur, c'est-à-dire ces 40 p. 100 de contribuables qui ont subi une augmentation des charges fiscales de 43 p. 100. Les 20 p. 100 de revenus inférieurs ont payé plus d'impôts sur le revenu, bien que leurs revenus aient diminués. En fait, en pourcentage de l'ensemble de l'argent gagné, l'impôt a augmenté, passant de 2,6 p. 100 à 3,1 p. 100.
L'allégement fiscal devrait être accordé au moyen d'une augmentation du nombre de tranches d'imposition, ce qui permettrait la redistribution des revenus et réduirait l'écart entre les riches et les pauvres.
Il faut donc que, dans les perspectives budgétaires, les programmes sociaux aient la première place, suivis de l'allégement fiscal pour les faibles et moyens revenus.
Nous demandons également une augmentation de l'aide au développement étranger et l'annulation de la dette des 50 pays les plus démunis. Le Canada consacre actuellement moins de 0,3 p. 100 du PNB à l'aide au développement, et nous devons nous remettre sur la voie de l'objectif de Lester Pearson, soit 1 p. 100 du PNB.
• 1105
L'augmentation de la pauvreté chez les enfants est une
parfaite démonstration de la chute du niveau de vie des 40 p. 100
de revenus inférieurs. La prestation nationale pour les enfants
doit être versée à tous les démunis, y compris ceux qui reçoivent
de l'aide sociale. Il est tout à fait incroyable qu'on leur ait
refusé cette prestation.
En outre, il nous faut d'autres programmes pour nous aider à éliminer la pauvreté. Notre pays a besoin de plus d'emplois bien rémunérés pour éradiquer la pauvreté.
Je crois que la Canadian Ecumenical Jubilee Initiative a comparu devant vous. Elle vous a parlé du jubilé et de la nécessité de réduire l'écart entre les riches et les pauvres, de corriger les torts du passé. Nous appuyons ces principes de tout coeur.
Nous demandons également que l'on fasse quelque chose pour contrer les mythes qui prévalent et qui ne sont que des attaques à l'endroit des programmes sociaux lancées par la grande entreprise canadienne et ses influents alliés au sein des universités et des médias. Les Canadiens ne sont pas surimposés. Nous sommes juste en deçà de la moyenne de toute l'OCDE. L'impôt des sociétés est extrêmement concurrentiel comparativement à celui d'autres pays. En fait, à 27 p. 100, il est un des plus faibles parmi tous les pays industrialisés. Il n'y a pas d'exode des cerveaux au Canada. En fait, nous sommes les bénéficiaires de l'immigration. Le Canada est un des pays où il est le moins coûteux de faire des affaires.
Tout cela montre la nécessité de réinvestir l'excédent dans les programmes sociaux. Ce sont eux qui ont été amputés pour rembourser la dette et réduire le déficit, et les souffrances ont été énormes. Cela ne veut pas dire qu'il faille accorder des dégrèvements aux riches. Cela veut dire que les gens qui en ont le plus besoin devraient obtenir certaines compensations. Comme je l'ai déjà dit, les compressions continuent d'être faites dans de nombreux endroits, et il faut y mettre fin.
En dernier lieu, je rappelle que Oliver Wendell Holmes a déclaré que l'impôt est le prix de la civilisation. Je ne crois pas que les Canadiens éprouvent du ressentiment à l'idée de payer des impôts. Ils veulent que ces impôts servent à des programmes sociaux. Une fois de plus, l'ONU nous a reproché notre façon de traiter les démunis. Elle a précisément rappelé qu'il ne faut exiger de personne de faire du travail forcé ou obligatoire; pourtant, le programme de travail obligatoire est couramment utilisé au Canada. Elle a également déclaré le droit à la liberté et à la sécurité de chacun. Si l'on envisage les 40 p. 100 de la population les moins rémunérés, on constate que beaucoup de gens n'ont pas droit à la liberté et à la sécurité. Cela est très grave dans un pays aussi riche que le nôtre.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Boyd.
Nous entendrons maintenant Mme Margaret Forbes, présidente de la Nova Scotia School Boards Association. Bienvenue.
Mme Margaret A. Forbes (présidente, Nova Scotia School Boards Association): Merci. Je ne vais pas lire tout le mémoire. Nous pensions avoir dix minutes. Je suppose qu'il y aura des copies pour tout le monde. Nous avons apporté 25 copies.
Le président: Nous prendrons les dispositions nécessaires.
Mme Margaret Forbes: Très bien. Merci. Comme je l'ai dit dans le mémoire, la Nova Scotia School Boards Association représente sept conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse, ce qui inclut plus de 400 écoles et l'ensemble des élèves de la Nouvelle-Écosse.
Notre association a tenté de façon très active de déterminer le niveau de la pauvreté chez les enfants et les répercussions qu'a ce dernier sur le système d'éducation de notre province. Nous avons préparé un rapport dont les chiffres ne sont peut-être pas des plus exacts, mais qui reflètent bien ceux de Statistique Canada, à savoir que la Nouvelle-Écosse compte de 24 à 25 p. 100 d'élèves pauvres.
Malheureusement, nous n'avons pas apporté d'exemplaires de notre rapport aujourd'hui. J'avais dit à M. Brison et à M. Earle que j'aurais voulu que notre rapport soit également distribué aux députés. Nous aurions dû nous munir de certains exemplaires, pour nous assurer que vous l'obteniez. Si nous avons le nombre qu'il faut, nous les ferons parvenir aujourd'hui au comité.
Comme on le signale, l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, qui est notre organisme parent, publiait un document en mars 1997 intitulé «La pauvreté chez les élèves: vers une sensibilisation, une action et des connaissances accrues», en même temps qu'elle lançait des démarches auprès du gouvernement fédéral. Au même moment, notre association recevait de la part des éducateurs du système scolaire de l'information alarmante sur le nombre croissant d'enfants issus de familles pauvres et au sujet des effets préjudiciables qu'avait la pauvreté sur la capacité des enfants d'apprendre et de réussir à l'école.
Ces facteurs nous ont poussés à faire de la pauvreté chez les enfants une priorité. Nous vous ferons parvenir à coup sûr ce rapport.
• 1110
L'association des conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse,
qui existe pour aider les élèves de la province, a toujours cru
fermement que les jeunes d'aujourd'hui étaient l'avenir de notre
province et de notre pays. Nous devons tous lutter de façon
concertée contre la pauvreté, pour que ces enfants aient toutes les
chances auxquelles ils ont droit, pour que notre pays en entier en
profite.
Les résultats du sondage provincial sur la pauvreté chez les enfants ont permis à notre association de jouer un rôle dans le cadre d'autres initiatives concernant la pauvreté chez les enfants, notamment le Programme d'action national pour les enfants.
En effet, j'ai été la porte-parole des sept conseils membres de notre association lors des discussions sur cette question qui ont été menées au cours des derniers mois à l'échelle nationale, régionale—je parle de la région de l'Atlantique—provinciale et locale.
Notre association, qui est chapeautée par l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, s'intéresse à tous les enjeux fédéraux qui influent sur l'éducation, et c'est pourquoi nous souscrivons à la mise en oeuvre du Programme national pour les enfants, que vous connaissez certainement.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à accorder la priorité la plus haute aux grandes questions qui touchent les enfants et les jeunes, et nous l'exhortons à faire de l'élimination de la pauvreté chez les enfants le point central de son budget fédéral de l'an 2000.
Nous vous recommandons de doter de suffisamment d'argent le Programme d'action national pour les enfants. Vous savez que l'intervention précoce chez les enfants permettra de réduire vos dépenses des prochaines années. D'après le Dr Fraser Mustard, médecin et sommité dans le domaine des sciences sociales, le développement de la petite enfance est à la base non seulement du développement de la vision, par exemple, mais également du développement du quotient intellectuel, de la compréhension des mathématiques, du comportement émotionnel et de la santé.
Fraser Mustard signale également qu'aux États-Unis et en Europe, de même qu'au sein de l'UNICEF et de la Banque mondiale, on élabore des programmes ciblant les enfants d'âge préscolaire, pour reconnaître le fait que la clé du bien-être d'une société se trouve dans une population en santé.
June Alteen, mon homologue de Terre-Neuve, qui prendra la parole dans quelques instants, vous expliquera peut-être que l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires a entrepris une étude exhaustive qui avait été au départ subventionnée par Santé Canada pour la première phase, qui commençait en 1997. Nous avions cru, à tort, que toutes les phases de l'étude seraient subventionnées jusqu'à la fin. Toutefois, au moment même où nous nous apprêtions à lancer la deuxième phase, nous avons constaté que nous ne recevrions pas un sou.
Si vous connaissez le moindrement les associations de conseils scolaires, vous saurez qu'elles fonctionnent avec un budget très restreint. Ainsi, la seule façon pour notre association provinciale d'exister, c'est de prélever une taxe modeste auprès de chacun des conseils scolaires, en vue de contribuer à notre cause. Il en va de même pour les associations qui relèvent de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires.
À certains moments, les associations ont même eu du mal à payer leurs comptes de téléphone. Vous pouvez comprendre à quel point nous avons été déçus de constater que nous ne serions pas subventionnés pour la deuxième étape de notre étude. Nous attendons maintenant de savoir si nous allons être subventionnés pour la troisième phase de notre étude, qui, dans l'affirmative, pourra être lancée dès le 1er janvier.
Je préciserais que la deuxième phase de l'étude a été menée à bien avec moins que rien, étant donné que l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires est elle-même très pauvre. D'ailleurs, c'est pour cela que l'étude n'a pas été aussi poussée dans cette phase-là qu'elle aurait dû l'être. Mais nous avons pu la mener aussi loin que possible grâce à des gens très généreux qui nous ont offert leur temps gratuitement.
L'autre étape est des plus nécessaires, car non seulement elle servira à sensibiliser les collectivités prises individuellement, mais elle servira aussi à remettre l'enfant et le jeune au coeur du problème et à faire en sorte que les conseils scolaires prennent, chaque fois que c'est possible, les mesures nécessaires pour aider leur clientèle.
Le profil établi sera de plus utile pour les évaluations, pour préparer les moyens de pression et pour fixer des repères. Il aidera les conseils scolaires à établir leurs priorités en matière de finances et de programmes. Enfin, ce profil nous aidera à mobiliser les collectivités et, espérons-le, à les encourager à faire de leur mieux avec leur peu de moyens.
Notre association provinciale espère que le prochain budget fédéral annoncera un plan quinquennal d'investissements chez les enfants, mettra sur pied une agence fédérale-provinciale dont le seul mandat sera de s'assurer que l'on a bien atteint les objectifs du Programme d'action national pour les enfants, proposera des investissements substantiels—2 milliards de dollars de plus par année—et injectera immédiatement des fonds supplémentaires dans le programme national de prestations pour les enfants. Le budget fédéral doit également proposer la mise sur pied d'un système national d'éducation et de soins destinés à la petite enfance; coordonner les fonds supplémentaires qui serviront à l'élaboration de modèles intégrés de prestation de services destinés à répondre aux besoins des enfants à risque; financer une stratégie nationale de soins de qualité pour les enfants, afin que tous les enfants qui doivent être gardés à l'extérieur de leur foyer puissent avoir accès à des soins abordables dispensés par du personnel qualifié, dans un milieu sûr, stimulant et enrichissant; et, enfin, il devra aussi agir sur le front du logement abordable et de la création de bons emplois.
• 1115
Un mot au sujet du programme fédéral-provincial-municipal
d'infrastructure, dont nous avons pu profiter il y a deux ans,
pendant toute une année. Je crois qu'il n'est plus en vigueur cette
année-ci. Outre les grands problèmes de pauvreté chez les enfants,
notre association provinciale reconnaît que les fonds provenant
d'un programme d'infrastructure fédéral-provincial-municipal
pourraient servir à combler une multitude d'autres besoins. Dans
certaines provinces, les conseils scolaires ont pu prendre part au
programme d'infrastructure des trois paliers de gouvernement de
1994.
Non seulement ce projet a créé des milliers de nouveaux emplois, mais il a également été très bénéfique pour le milieu éducatif. Ainsi, on a pu installer de nouveaux toits et systèmes de chauffage et effectué des réparations dans les structures vieillissantes des bâtiments scolaires d'un bout à l'autre du pays. D'après le rapport de 1996 mentionné ici Taking Stock: A Review of the Canada Infrastructure Works Program, 413 970 000 $ prélevés dans le programme d'infrastructure ont servi à rénover les bâtiments scolaires.
Les écoles ont encore désespérément besoin d'être réparées, comme en conviendra sans doute June. Ainsi, dans bien des écoles, il faut faire des rénovations pour que le bâtiment ne nuise pas à l'environnement, il faut perfectionner la technologie et améliorer l'accès au bâtiment pour pouvoir tenir compte des besoins particuliers de certains élèves. Il faut aussi parfois remettre en état le bâtiment pour assurer une plus grande efficacité énergétique, ce qui devrait générer des économies qui dépasseront les coûts d'installation dans les trois ou quatre premières années. De plus, il y a d'autres travaux d'entretien, tels que des travaux de toiture, de remplacement de la chaudière, de briquetage ou de remplacement de fenêtres, qui ne peuvent être reportés à plus tard.
Vu l'ampleur des travaux, notre association exhorte le gouvernement fédéral à inclure les conseils scolaires dans tous les accords fédéraux-provinciaux-municipaux qui seront négociés dans le cadre d'un nouveau programme d'infrastructure.
D'après notre association, il est également essentiel que les élèves aient universellement accès à l'Internet et aux autres technologies informatisées. Pour plus de détails, veuillez vous reporter au rapport.
En outre, les diplômés du système scolaire public et d'établissements d'enseignement postsecondaire découvrent de façon accrue que les employeurs considèrent le bilinguisme comme un critère d'embauche ou un atout. Les conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse sont toujours inquiets du niveau de financement fourni par le gouvernement fédéral dans le but de soutenir l'enseignement de la langue de la minorité et l'enseignement de la langue seconde. En effet, c'est le programme des langues officielles et de l'éducation du ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse qui distribue aux conseils scolaires les sommes destinées à ces fins.
Le 2 mars dernier, l'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien, annonçait qu'elle augmentait de 70 millions de dollars par année, au cours des quatre prochaines années, le budget des programmes fédéraux de soutien aux langues officielles. Cet investissement représente une augmentation annuelle de 31 p. 100 et rehaussera d'autant le budget de ces programmes. Toutefois, ce qui nous inquiète, c'est que depuis cinq à dix ans, la plus grande partie de ce budget supplémentaire fourni par le gouvernement fédéral visait de nouveaux projets, de sorte qu'il a été extrêmement difficile de mener à bien les programmes qui étaient déjà lancés.
Même si, tout au long des années 80, le budget destiné au lancement de nouveaux programmes de français était plus imposant, les conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse n'ont pas été assez rapides et n'ont pas su profiter du budget supplémentaire pour lancer des programmes. Or, la demande est beaucoup plus grande dans les années 90 qu'elle ne l'a été dans les années 80, mais aujourd'hui la source monétaire s'est tarie quelque peu. Qui paie la note? Les conseils scolaires, bien évidemment. Or, ceux-ci ont été évidemment touchés par la diminution des paiements de transfert de la part du gouvernement fédéral et ont également été touchés par les difficultés que traversait leur propre province.
Les conseils scolaires font aujourd'hui de leur mieux pour lancer des programmes de français et pour soutenir ceux qui existent déjà. Nous faisons de notre mieux pour que tout continue, mais je tiens à signaler à quel point c'est difficile pour nous, étant donné le financement amoindri.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
Le président: Merci beaucoup, madame Forbes.
Nous passons maintenant à la Newfoundland and Labrador School Boards Association. Bienvenue à sa présidente, Mme June Alteen.
Mme June Alteen (présidente, Newfoundland and Labrador School Boards Association): Merci de m'accueillir aujourd'hui. Je suis très heureuse de comparaître au nom de la Newfoundland and Labrador School Boards Association, qui représente 11 conseils scolaires et 150 conseillers scolaires bénévoles qui assurent le suivi de quelque 400 établissements de notre province.
• 1120
Nous sommes heureux de pouvoir faire part au Comité permanent
des finances de nos préoccupations au sujet de cette consultation
prébudgétaire. Notre association représente le système
d'enseignement du jardin d'enfants jusqu'à la 12e année à Terre-
Neuve et au Labrador, et nous avons à coeur non seulement
d'instruire nos élèves, mais aussi d'assurer leur bien-être
physique tout en leur offrant un milieu enrichissant et spirituel.
En collaboration avec d'autres paliers de gouvernement et avec les
collectivités, nous voulons faire en sorte que nos enfants
jouissent d'un milieu éducatif et psychologique leur permettant de
s'épanouir, comme individus et comme membres de la société.
Je m'attarderai à la pauvreté chez les enfants de Terre-Neuve et du Labrador. Même si la réforme de l'éducation, l'économie, le chômage et, bien sûr, l'émigration de notre population prennent beaucoup de notre attention dans notre province, il faut avouer que la faim chez nos enfants a atteint des proportions critiques. Mon exposé mettra donc l'accent sur la pauvreté chez les enfants et l'incidence que cela peut avoir sur notre système d'enseignement.
Je voudrais vous faire part de certaines réflexions. J'imagine que tout au long des exposés que vous avez entendus on a fait allusion à la gravité du problème que constituait la pauvreté chez les enfants. Vous savez évidemment qu'il y a dix ans la Chambre des communes adoptait à l'unanimité une résolution visant à éliminer la pauvreté chez les enfants du Canada avant l'an 2000. Or, à la veille de cette date fatidique, nous n'avons certes pas atteint cet objectif.
Malheureusement, les enfants n'ont pas tous les mêmes chances non plus, particulièrement en ce qui a trait à la pauvreté et au niveau de vie. En 1996, les 20 p. 100 de Canadiens les plus riches touchaient 44,5 p. 100 du total des revenus tandis que la part des pauvres n'était que de 4,6 p. 100.
On estime que 21 p. 100 des enfants canadiens vivent dans la pauvreté. En 1996, nous établissions cette proportion à 26 p. 100 à Terre-Neuve et nous savons que d'ici à l'an 2000 plus du tiers des enfants de Terre-Neuve et du Labrador vivront dans la pauvreté. De nombreuses études confirment—et je sais que vous avez accès à ces données—que le revenu et la réussite économique ont un lien direct avec les résultats scolaires et ont une incidence sur la qualité de vie de ces jeunes pendant leur enfance et quand ils deviennent adultes.
Entre 15 et 30 p. 100 de tous les enfants ont énormément de difficulté à apprendre à lire et la plupart d'entre eux viennent de familles à faible revenu. Les jeunes de familles à faible revenu de Terre-Neuve et du Labrador ont de plus faibles niveaux d'alphabétisation que ceux du Québec et des provinces des Prairies, voire que ceux d'ailleurs au Canada. Nous savons qu'à Terre-Neuve et au Labrador les enfants d'âge scolaire de familles à faible revenu comptent parmi ceux qui lisent le moins au pays.
Je signale en passant que les garçons lisent moins bien que les filles—est-ce une coïncidence?—et que s'ils n'ont pas appris à lire à l'âge de neuf ans, il est peu probable qu'ils l'apprennent un jour. Par conséquent, nous accordons un diplôme à des enfants qui lisent mal et nous savons l'effet que cela a sur leurs études postsecondaires, si toutefois ils en font, et sur les expériences de toute leur vie par la suite.
Nos recherches révèlent que pour renverser ces tendances indésirables et lourdes, il faut une intervention précoce. À Terre- Neuve et au Labrador, nous avons une forte population autochtone, et les statistiques dans leur cas sont encore plus désastreuses.
Presque tous les résultats scolaires, dont l'apprentissage de la lecture, la désignation d'enfants en difficulté, les problèmes de discipline et de comportement, les années de scolarité, les résultats obtenus, etc., sont étroitement liés au revenu familial. La recherche réalisée par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants révèle que la pauvreté chez les enfants entraîne un certain nombre d'effets négatifs, et notamment le fait que la mauvaise alimentation nuit à la concentration et au développement. Nous savons cela. Nous connaissons toute l'importance—et j'ai écouté certains des témoins de la séance précédente—des soins de garde d'enfants inadéquats et de l'impact que cela a par la suite quand les enfants vont à l'école. Nous savons que la pauvreté chez les enfants détermine dans une grande mesure le comportement des enfants à l'école; on dira d'eux qu'ils ont un comportement difficile. Elle influence aussi la motivation à apprendre, l'analphabétisme, les résultats et l'abandon des études.
Dans le récent discours du Trône, le gouvernement fédéral s'est engagé à lutter contre la pauvreté chez les enfants. L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, dont a parlé mon collègue, accorde la priorité à ce problème.
Voici le document dont a parlé Margaret, Poverty Interventions Profile. Je vais vous le montrer, puisqu'il s'agit d'un document de travail que peuvent obtenir tous les conseils scolaires du pays. C'est un document qui permet aux conseils scolaires et aux éducateurs d'examiner plus particulièrement divers problèmes ou défis qui se posent à l'intérieur du système et qui propose des recommandations très concrètes, très précises, pour régler certains des problèmes liés à la pauvreté dans les écoles de tout le pays.
• 1125
Si j'en ai le temps, j'aimerais commenter certains des thèmes
auxquels le comité dit s'intéresser particulièrement. Nous appuyons
certainement l'idée de consultations préalables au budget. Bien
entendu, nous aimerions pouvoir infléchir davantage le processus
budgétaire. Si je suis la seule à représenter Terre-Neuve et le
Labrador, c'est que nous manquons de ressources et que la distance
est grande entre ici et l'île.
Nous souhaiterions voir des stratégies budgétaires à moyen et à long termes. Quant à l'allégement fiscal et à la réforme du régime fiscal, je peux me faire l'écho de Margaret et de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires. Nous croyons certainement que les particuliers, et surtout ceux qui se trouvent au bas de l'échelle, pourraient bénéficier grandement d'un allégement du fardeau fiscal.
Dans mon autre vie, je travaille dans une petite entreprise, comme la plupart de ceux qui sont ici; nous portons plus d'une casquette. Je sais que ceux qui réclament des réductions d'impôt se font toujours plus nombreux. De nombreux gens d'affaires vous diront qu'il est très important de réduire taxes et impôts. En tant que Canadienne, je suis convaincue que dans un pays aussi riche et merveilleux que le nôtre, nous devons veiller à ce que toute réduction de l'impôt sur le revenu profite à ceux qui en ont le plus besoin, et pas nécessairement à ceux qui sont déjà très à l'aise.
Quant à l'infrastructure sociale, je suis certainement favorable à des programmes préscolaires. Les enfants dans nos écoles ont faim. Nous devons trouver le moyen de les nourrir, en leur servant des petits-déjeuners et des déjeuners, et je sais qu'il existe déjà de nombreux programmes de ce genre. Ils donnent de bons résultats lorsqu'ils existent, mais ce ne sont pas toutes les écoles qui y ont accès. Ce ne sont pas tous les enfants de nos écoles qui y viennent le ventre plein ou qui peuvent obtenir un repas à l'école. Nous devons trouver une façon de nourrir les enfants du pays qui ont faim.
Nous devons éveiller notre conscience collective afin d'assurer la survie de l'infrastructure sociale dont tous les Canadiens sont si fiers. Nous sommes le seul pays du G-7 qui n'ait pas un ministère ou un portefeuille de l'Éducation, et, tout en sachant que le partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces impose certaines contraintes, il m'apparaît étonnant que nous ne reconnaissions pas à sa juste valeur l'importance de l'éducation pour la cohésion sociale. Nous devons reconnaître l'importance de l'éducation, et j'estime qu'il est nécessaire de créer un ministère de l'Éducation.
L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, et d'ailleurs la Newfoundland and Labrador School Boards Association, recommandent la création d'un organisme fédéral- provincial dont le seul mandat serait de veiller à la réalisation des objectifs du Programme d'action national pour les enfants. Nous devons augmenter la prestation nationale pour enfants et mieux coordonner l'utilisation des nouveaux crédits destinés à la mise en place de modèles intégrés de prestation de services afin de répondre aux besoins des enfants à risque. Nous savons que chaque dollar investi dans nos jeunes représente plusieurs dollars d'économies du fait d'interventions moins nombreuses et de dépenses moindres au stade ultérieur de leur vie, et nous devons financer une stratégie nationale de garde d'enfants de qualité.
Quant à l'économie... nous sommes certainement conscients de l'importance de STEM-Net et des ordinateurs dans les écoles. On a parlé de téléenseignement. Je viens d'une région rurale du pays. Nous savons quels défis doivent relever les habitants des régions rurales. Le téléenseignement est déjà une réalité dans notre province, et nous devons enrichir ces programmes et assurer le même accès à l'éducation pour nos enfants des régions rurales de Terre- Neuve et du Labrador, du Canada rural et des centres urbains.
Enfin, quant à la productivité et aux petites entreprises, nous apprécions grandement bon nombre des programmes que met en place le gouvernement. Toutefois, le rôle du gouvernement, c'est de créer un climat favorable à la création d'emplois et à l'expansion des petites entreprises. Comme vous le savez, trop souvent ces programmes sont compartimentés et encouragent les petites entreprises à mettre les gens dans des compartiments. Mais la vie n'est pas faite ainsi, et il est difficile d'avoir accès à des programmes qui s'accompagnent de critères très précis.
• 1130
En résumé, j'aimerais dire qu'à Terre-Neuve et au Labrador, et
d'ailleurs dans tout le pays, nous croyons que l'éducation est un
droit auquel doivent pouvoir prétendre tous nos enfants. Nous
savons que dans ce pays nous avons suffisamment de ressources pour
que tous nos enfants terminent leurs études et continuent
d'apprendre ensuite toute la vie durant.
Merci.
Le président: Merci, madame Alteen.
Nous recevons maintenant Mme Penny McCall Howard, de la section de la Nouvelle-Écosse de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.
Mme Penny McCall Howard (représentante de la Nouvelle-Écosse au Comité exécutif national, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants—section de la Nouvelle-Écosse): Merci. J'aimerais remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui, et plus particulièrement les membres du comité qui écoutent attentivement les témoins qui ont pris le temps de venir d'autres provinces pour témoigner ici.
Je représente les étudiants de nombreux établissements d'études postsecondaires de la Nouvelle-Écosse. À l'heure actuelle, nous ne représentons pas d'étudiants des collèges communautaires de la province, mais nous comptons parmi nos membres des étudiants de collèges communautaires dans d'autres provinces, de sorte que je me permettrai de dire quelques mots de leur expérience.
Nous avons apporté un très court mémoire. J'espère qu'il a été distribué à tous les membres du comité.
D'abord, j'aimerais commenter l'une des affirmations de la mise à jour économique et financière qui nous a été envoyée. On y dit: «Le redressement financier survenu depuis 1993-1994 est attribuable à la réduction des dépenses de programmes.» Il m'apparaît important de voir quelles ont été les répercussions de cette réduction des dépenses de programmes. J'aimerais parler de l'expérience des étudiants de la Nouvelle-Écosse, puis proposer quelques-unes de nos recommandations sur la voie à privilégier pour l'avenir.
D'abord, nous savons tous—et cela se reflète dans ce document—que l'investissement au titre de l'enseignement postsecondaire et de la recherche en proportion de l'économie est à son plus faible niveau en 30 ans. En général, les dépenses de programmes sont à leur plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale. En Nouvelle-Écosse, nos collèges et universités ont subi les plus importantes réductions au titre de l'enseignement postsecondaire de toute l'Amérique du Nord. L'enseignement postsecondaire en Nouvelle-Écosse a vu ses budgets réduits de 27,6 p. 100 depuis 1992-1993. Ce chiffre doit être comparé à un réinvestissement moyen de 24 p. 100 au titre de l'enseignement postsecondaire dans les États américains, où tous les États, sauf Hawaii ont augmenté le financement de l'éducation depuis 1992-1993. Si nous voulons parler d'exode des cerveaux et des raisons qui incitent certains étudiants à partir vers les États-Unis, je crois que la réponse tient à la priorité que le gouvernement accorde à l'éducation plutôt qu'au fardeau fiscal.
Les étudiants ont constaté une détérioration concrète de la qualité de l'enseignement que nous recevons dans nos collèges et universités, particulièrement en ce qui a trait à certains éléments bien concrets: la gamme de cours offerts, la taille des classes dans lesquelles nous étudions, l'accès aux membres du corps professoral. Une des mesures retenues est celle du nombre d'étudiants rapporté au nombre de professeurs, et ce ratio est en recul constant. En 1990-1991, il y avait en moyenne 16,5 étudiants équivalents temps plein pour chaque membre du corps professoral à temps plein, et cette proportion est passée à 19,5 étudiants pour chaque professeur en 1997-1998. J'étudie ici à Halifax et je sais que chaque année nous avons plus d'étudiants et, semble-t-il, moins de professeurs, à qui on demande d'en faire toujours plus.
Il y a eu une baisse de la qualité, mais il y a eu aussi un resserrement de l'accès. Les frais de scolarité ont augmenté en Nouvelle-Écosse de 117 p. 100 depuis 1991. Ils ont plus que doublé. Les étudiants de la Nouvelle-Écosse paient maintenant les frais de scolarité les plus élevés au Canada pour étudier à l'université, et je me suis laissé dire qu'ils sont même plus élevés que les frais dans la plupart des universités d'État aux États-Unis. Cela a provoqué une crise au niveau de l'accès. Les étudiants qui entrent en première année cette année et qui obtiendront une aide financière—environ 50 p. 100 du total—auront à la fin de leurs études une dette moyenne de 36 000 $. Ce sont les projections de la Commission de l'enseignement supérieur des provinces Maritimes. Parmi les étudiants des Maritimes dont le revenu du ménage est inférieur à 30 000 $, 52 p. 100 y réfléchissent à deux fois pour savoir s'ils doivent terminer leurs études malgré la dette qu'ils leur faudra accumuler pour ce faire. Le revenu du ménage est un facteur déterminant, puisque seulement 28 p. 100 des étudiants dont le revenu du ménage dépasse les 50 000 $ ont les mêmes craintes.
• 1135
Il est aussi important que le comité sache que seulement
16 p. 100 des étudiants de la Nouvelle-Écosse qui demandent une
aide financière—environ 50 p. 100 du nombre total
d'étudiants—auront accès aussi à une bourse d'études du
millénaire. Ainsi, même si la création de ce programme est bien
accueillie, il n'aura que peu d'incidence.
Le Nova Scotia Community College manque régulièrement de fonds et a été gravement touché par les réductions des fonds alloués à la formation par le biais de l'assurance-emploi et la fin des achats de places en bloc. Les dépenses par habitant relatives aux collèges communautaires sont moins de la moitié de la moyenne canadienne. Elles s'élèvent à 56 $ en Nouvelle-Écosse, contre 142 $ en moyenne dans le reste du pays. Par conséquent, il y a un énorme manque de places et de ressources.
L'an dernier, 17 000 étudiants ont présenté une demande au collège communautaire de la Nouvelle-Écosse, mais 7 000 seulement ont été acceptés. Il n'y avait pas de place pour les autres. Ceux qui n'ont pas été acceptés sont des étudiants qui veulent suivre une formation, perfectionner leurs compétences—nombre d'entre eux sont les participants à l'apprentissage continu dont nous parle continuellement le gouvernement fédéral—et se faire une place, mais il n'y a tout simplement ni place ni financement pour eux.
L'autre problème important auquel nous nous heurtons en Nouvelle-Écosse vient de l'énorme déficit du gouvernement à l'heure actuelle. Ce dernier a annoncé son intention de procéder à des coupures encore plus importantes pour combler son manque à gagner. Ici, en Nouvelle-Écosse, nous avons déjà connu des années de réductions et sommes terrifiés à l'idée de ce qui nous attend. C'est d'autant plus vexant qu'au même moment le gouvernement fédéral dispose d'un excédent de près de 12 milliards de dollars, mais nous ne connaissons pas le montant exact, car les données n'ont pas encore été publiées. Pour compenser cela, il faut absolument que le gouvernement réinvestisse dans les paiements de transfert de base pour nous permettre d'éviter la crise. Nous avons besoin de ces systèmes d'éducation pour appuyer notre économie sur des bases solides et offrir des possibilités aux jeunes Néo- Écossais.
Une étude effectuée récemment en Colombie-Britannique a révélé que pour chaque dollar investi dans l'enseignement postsecondaire, cela représente un gain de 4 $ pour l'économie. Selon les estimations de DRHC, en l'an 2000—c'est-à-dire dans moins de deux mois—45 p. 100 des nouveaux emplois exigeront une moyenne de 16 ans d'études, autrement dit trois ans d'études supérieures. Selon un sondage récent mené par la société Ekos, 55 p. 100 des Canadiens ont classé le réinvestissement social comme leur première priorité pour le budget fédéral, tandis que 19 p. 100 seulement d'entre eux ont fait état des réductions d'impôt.
Pour avoir une idée concrète des sommes en cause il suffit de voir les calculs faits dans le Livre brun intitulé La mise à jour économique et financière. Lorsqu'on voit les montants minimes qui seront alloués sous forme de réductions d'impôt pour les Canadiens—il y a notamment une somme de 178 $ pour 20 000 $ de revenu—les études ont révélé que cette somme sera largement compensée par l'augmentation des frais d'utilisation que les gens doivent payer pour les services de santé et d'éducation, car les frais augmentent et les programmes ne sont plus financés par un système public.
Or, 70 p. 100 de nos fonds alloués à l'enseignement postsecondaire viennent en dernier ressort des paiements de transfert fédéraux. En août, les premiers ministres provinciaux ont demandé ensemble une augmentation des transferts au titre de l'enseignement postsecondaire. Les provinces ont désespérément besoin de cet argent pour surmonter les disparités régionales entre elles et chez elles, afin de maintenir notre système d'éducation national et d'empêcher l'effondrement des établissements postsecondaires en Nouvelle-Écosse. Il est certainement possible de prendre ce genre de dispositions dans le budget de 1999-2000 qui sera consacré aux soins de santé, dans lesquels les gouvernements fédéral et provinciaux se sont engagés à réinvestir. À long terme, le gouvernement devrait établir des fonds distincts et réservés à l'enseignement postsecondaire et adopter une loi régissant ce secteur, en prévoyant des normes minima qui vont dans le même sens que celles de la Loi canadienne sur la santé.
Notre première recommandation porte donc sur le financement. Le gouvernement fédéral devrait réinvestir 3,7 milliards de dollars dans les paiements de transfert aux universités et collèges canadiens. C'est une petite partie des réductions imposées, qui ont atteint 7 milliards de dollars. Cette injection de fonds permettra aux établissements postsecondaires canadiens de faire face aux besoins socio-économiques de l'enseignement postsecondaire, et les universités canadiennes pourront remettre en état leur infrastructure et réduire progressivement les droits qu'elles perçoivent.
Dans nos recommandations visant l'aide aux étudiants, nous pensons que le gouvernement fédéral doit investir 1,2 million de dollars dans un système national de subventions. Les accords de partage de risque actuellement en cours de négociation avec les banques à charte nationales ne devraient pas être reconduits lorsque les accords actuels viendront à échéance en juillet 2000. Le gouvernement devrait garantir ces prêts. En outre, le gouvernement fédéral devrait renoncer aux vérifications de la solvabilité pour les prêts étudiants et annuler les modifications discriminatoires apportées à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Nous appuyons sans réserve les personnes qui ont pris toute la journée—celles qui se trouvent au fond de la salle—pour venir recommander une stratégie nationale sur la garde d'enfants. Il va sans dire que si l'on considère les remarques faites plus tôt au sujet des problèmes qu'ont les étudiants à temps partiel à vraiment participer au système d'enseignement, s'il faut rester chez soi et s'occuper des enfants parce que, en raison du prêt étudiant, on n'a pas les moyens de payer une garderie, on ne peut pas aller à l'école. Lorsqu'on parle d'apprentissage continu, avoir des enfants est une réalité pour bien des gens, et si nous voulons encourager ce genre de choses, il faut prendre des moyens très concrets pour s'attaquer au problème.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Juan Telez, qui représente l'Atlantic Popular Education Network.
M. Juan Telez (membre, Atlantic Popular Education Network): Merci beaucoup de me permettre de comparaître. Je représente aujourd'hui l'Atlantic Popular Education Network, mais je serai également le porte-parole du Canadian Community Economic Development Network et de l'Atlantic CED Institute.
Mon exposé portera sur les questions liées au développement économique et au renforcement des capacités communautaires.
Le développement économique communautaire est devenu une stratégie importante dans un contexte où le marché mondial réduit les pouvoirs de l'État-nation et où tous les travailleurs essaient de garder à jour et de perfectionner continuellement leurs compétences. Les jeunes font des pieds et des mains pour payer leurs études, lesquelles sont de plus en plus essentielles à leur bien-être économique, et les assistés sociaux ont de moins en moins de portes de sortie pour échapper au piège de la dépendance économique.
Dans ce contexte, les organismes de développement économique communautaire participent de façon importante, sur le plan socio- économique, à la revitalisation des collectivités qui traversent ces moments difficiles. Pour vous donner une idée, j'aimerais vous citer deux ou trois exemples de la façon dont les pratiques exemplaires de ces organismes contribuent au développement local. Par exemple, en 1987, les six premières associations de développement de Terre-Neuve ont créé la Great Northern Peninsula Development Corporation (Société de développement de la péninsule Great Northern) afin de renforcer la base économique de la région. En 1998, Northchip Limited a été créée grâce à cet organisme, ce qui a permis de créer 30 emplois directs et d'en améliorer 100 autres. Aujourd'hui, l'organisme brasse des affaires de 3 millions de dollars et est en bonne voie de devenir autonome du point de vue financier.
Un autre exemple que nous avons ici à Halifax est celui de la Halifax Resource Development Association, qui a été constituée en 1978 pour réduire les frais d'aide sociale ou de bien-être grâce à la création directe d'emplois réels. HRDA Enterprises a créé et géré une gamme d'entreprises qui employaient plus de 160 personnes en 1998. Sur ces 160 employés, 62 p. 100 vivaient de l'aide sociale au moment de leur recrutement. Les actifs de HRDA sont aujourd'hui de l'ordre de 3 millions de dollars. Une analyse de rentabilité indépendante a permis de conclure que cette entreprise rapporte près de 1,83 $ par dollar investi grâce aux deniers publics. Selon la même étude, on estime qu'au cours de cette période de deux ans la municipalité a pu économiser près de 3 millions de dollars dans son budget d'aide sociale tandis que la province et le gouvernement fédéral ont économisé 3 millions de plus.
Une autre expérience pratique dans ce domaine est celle de Development Isle Madame. En février 1995, Isle Madame a connu un déclin dramatique en raison de la crise très grave que traversait la pêche au poisson de fond. À l'époque, la société Development Isle Madame a été constituée et a entrepris certains projets. Au cours de la première année, elle a créé six emplois permanents et 12 emplois à court terme. La deuxième année, un centre d'appel bilingue a été mis sur pied, ce qui a permis de créer huit autres emplois permanents. D'ici à la fin de l'année, cette association de développement aura créé 460 emplois durables dans les secteurs de l'aquaculture, du tourisme, de la fabrication à petite échelle et de la technologie des communications de l'information.
Dans tous ces projets, DRHC a été très utile et d'une aide cruciale.
Je vais vous citer plusieurs exemples couronnés de succès dans ce domaine, comme l'Enterprise Center du comté de Hants, en Nouvelle-Écosse, ainsi que la Première nation La Ronge, en Saskatchewan, et l'histoire de Revelstoke, en Colombie-Britannique.
• 1145
J'aimerais parler brièvement du succès de RESO, organisme
chargé du renouveau social et économique dans la région du sud-
ouest de Montréal. Cet organisme a été mis sur pied en 1998, et
l'année suivante, il a constitué une importante coalition dont
faisaient partie 1 500 particuliers et 300 organismes travaillant
dans le secteur. RESO a créé un fonds de capital-risque
communautaire qui compte actuellement 5 millions de dollars, et sa
stratégie de développement est très globale et complète.
D'après ces expériences positives pour la mise en valeur d'économies et de collectivités locales, nous estimons qu'il faut accroître les possibilités d'investissement des secteurs public et privé dans le développement économique communautaire. Par exemple, chacun sait que le développement économique communautaire a des répercussions d'ordre socio-économique dans les collectivités qui ont été laissées pour compte par la restructuration économique et un déclin permanent. Nous savons également qu'il contribue de façon positive à l'accroissement des richesses communautaires et à des moyens d'existence intéressants. Nous savons que cela représente un bon rendement sur l'investissement des deniers publics, tout en créant des partenariats dans le cadre desquels les gouvernements aident les localités à développer leur capacité de relever leurs propres défis et de saisir les possibilités. Nous savons que cela créé un cadre réaliste qui permet aux habitants des localités en cause d'espérer que leur sort pourra s'améliorer, tant sur le plan personnel que sur le plan collectif, et que leur participation pourra servir à quelque chose.
C'est dans ce cadre que nous souhaitons recommander au gouvernement d'examiner trois façons d'investir et de distribuer les ressources afin de soutenir les activités de développement économique et communautaire et la création de capacités communautaires: premièrement, augmenter et garantir le financement des initiatives ou des stratégies de renforcement des capacités au niveau communautaire; deuxièmement, renforcer et soutenir le capital communautaire; et, troisièmement, redonner confiance aux gens.
Très brièvement, en Nouvelle-Écosse, DRHC a joué un rôle très utile dans les cas réussis de développement économique communautaire où les collectivités ont pris en main leurs propres affaires. Le ministère doit fournir les fonds et l'appui nécessaires pour favoriser ce processus de développement des capacités communautaires. Nous souhaitons voir augmenter les sommes allouées dans le budget fédéral à ce genre d'initiatives.
La création du capital communautaire est un élément fondamental au succès des initiatives de développement économique communautaire, et nous recommandons que le gouvernement fédéral adopte des politiques et débloque des fonds pour créer du capital communautaire destiné à des investissements dans l'infrastructure et des capitaux propres.
Enfin, redonner confiance aux gens est le facteur le plus important du développement économique communautaire. Il s'agit de permettre aux gens et de leur donner l'envie de participer à la planification et à la mise en place de mesures pour leur propre avenir. Nous voulons encourager le gouvernement fédéral à envisager d'accroître les fonds alloués à ce secteur.
J'aimerais dire également que je vous ai remis un document volumineux qui renferme des renseignements sur l'effet que les 10 autres projets entrepris au Canada ont eu sur le développement économique local. Je vous ai également remis le texte de mon exposé. Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Telez.
Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Chris Ferns, président de l'Association of Nova Scotia University Teachers. Je vous souhaite la bienvenue.
M. Chris Ferns (président, Association of Nova Scotia University Teachers): Merci. Notre organisme représente le corps enseignant d'un certain nombre d'universités de la Nouvelle-Écosse, et notamment le Nova Scotia College of Art and Design, l'Université Mount Saint Vincent, l'Université St. Francis Xavier, l'Université Sainte-Anne et le University College of Cape Breton.
Deux choses nous intéressent tout particulièrement en ce qui a trait à la politique gouvernementale de financement de l'enseignement universitaire, et nous aimerions en faire part au comité. Tout d'abord, nous souhaitons signaler le mémoire détaillé que l'Association canadienne des professeurs d'université a présenté au comité en septembre dernier, et nous tenons à dire que nous appuyons l'analyse et les recommandations qui s'y trouvent.
• 1150
Le mémoire de l'ACPU fait état de l'ampleur de la crise qui
touche l'enseignement supérieur au Canada, ainsi que de ses causes
fondamentales.
Pour faire face aux problèmes financiers du début des années 90, le gouvernement fédéral a imposé des réductions spectaculaires dans les paiements de transfert au titre de l'enseignement post- secondaire, de la santé et de l'aide sociale. En ce qui a trait à l'enseignement postsecondaire, nous estimons que depuis 1992 il y a eu une diminution totale d'environ 44 p. 100 des transferts fédéraux dans ce domaine.
Par habitant, ces paiements de transfert ont diminué, passant de 102 $ en 1992 à 54 $ en 1998, soit l'investissement le plus faible dans l'enseignement postsecondaire en plus de 30 ans. C'est une chose qu'a déjà signalée la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, sauf erreur. Nous nous inspirons manifestement des mêmes statistiques.
En conséquence, nous sommes aujourd'hui au bord d'une crise nationale. Tout d'abord, les frais de scolarité ont grimpé en flèche. Ils ont augmenté de 125 p. 100 au cours des neuf dernières années, et de ce fait l'endettement étudiant s'est considérablement accru, ce qui a des répercussions diverses. Nous partageons l'inquiétude de Jim Sharpe au sujet de l'incidence sur les inscriptions d'étudiants à temps partiel, dont le nombre diminue dans les universités. Il faut dire toutefois que cette diminution n'est pas visible dans tous les domaines. En fait, dans de nombreux domaines, les inscriptions sont restées stables ou ont même augmenté.
Ce qui a changé au cours de cette période, toutefois, c'est le nombre d'enseignants. On peut donc dire que même si le besoin d'enseignement postsecondaire est plus grand que jamais, la qualité de cet enseignement est de plus en plus remise en question par un ratio étudiant-professeur qui ne fait qu'empirer.
Pour vous raconter une petite histoire au sujet de l'université où je travaille, Mount Saint Vincent, nos inscriptions actuelles sont plus élevées que jamais, mais depuis cinq ans le corps enseignant a été réduit, passant de 165 à 140 professeurs. Il s'ensuit que non seulement les classes sont de plus en plus importantes, comme l'a dit Penny Howard, mais en outre nous sommes confrontés au problème de devoir choisir entre les programmes selon qu'ils seront maintenus ou disparaîtront. À l'heure actuelle, il y a une demande étudiante pour les études en chimie et en religion. D'ici à la fin de l'année, un de ces deux programmes aura disparu. La situation remet de plus en plus en cause la possibilité pour les étudiants de véritablement choisir leur domaine d'études, ainsi que les circonstances dans lesquelles ils vont étudier.
Il y a également un problème d'infrastructure. D'après un classement récent de plus de 100 bibliothèques universitaires au Canada et aux États-Unis, il ressort que depuis 1992 toutes les bibliothèques universitaires canadiennes, sauf une, ont perdu du terrain par rapport aux bibliothèques américaines. En outre, on peut voir que les dépenses du gouvernement fédéral dans la recherche universitaire restent également dangereusement faibles par rapport à celles de presque tous les autres pays industrialisés.
L'autre problème vient de ce que certains secteurs de l'enseignement supérieur exigent de plus en plus de ressources. Pour faciliter l'accès aux études supérieures, il importe d'investir dans l'éducation à distance, mais c'est un domaine extrêmement pointu, et les universités doivent y consacrer de plus en plus de ressources sans vraiment disposer des fonds nécessaires à cette fin.
Étant donné que les réductions du début de la décennie ont été justifiées principalement par les difficultés financières de l'époque, il est difficile de comprendre comment on peut justifier leur maintien, compte tenu de l'excédent budgétaire dont jouit actuellement le gouvernement fédéral.
Étant donné l'importance cruciale de l'enseignement postsecondaire comme moteur de croissance économique, qui forme les travailleurs éduqués essentiels au développement de l'économie de demain, qui sera axée sur l'information, nous recommandons que le gouvernement rétablisse les paiements de transfert aux provinces au niveau du début des années 90, ou, comme le recommande l'ACPU, qu'il crée un fonds pour l'enseignement postsecondaire afin de garantir que les universités canadiennes seront financées à un niveau qui leur permette de rester concurrentielles tant au niveau de l'enseignement qu'au niveau de la recherche. Cette deuxième solution nous paraît plus souhaitable, c'est-à-dire allouer des fonds destinés exclusivement à un certain secteur.
En second lieu, nous souhaitons signaler au comité que même si la crise est déjà assez grave au niveau national, on peut soutenir qu'elle est encore pire en Nouvelle-Écosse.
• 1155
Selon les résultats d'une étude récente sur le financement de
l'enseignement postsecondaire au Canada et aux États-Unis, publiée
par le Conseil des universités de l'Ontario, pour la période allant
de 1992-1993 à 1997-1998, les dépenses consacrées à l'enseignement
postsecondaire aux États-Unis ont en fait augmenté de 24,2 p. 100
en moyenne, tandis qu'en Nouvelle-Écosse elles ont diminué de plus
de 30 p. 100 au cours de la même période. Sur 10 provinces
canadiennes et 50 États américains, la Nouvelle-Écosse vient au
dernier rang. Même si les frais de scolarité des étudiants en
Nouvelle-Écosse sont les plus élevés au Canada, le traitement des
professeurs est nettement inférieur à la moyenne nationale. Ces
statistiques s'expliquent par le fait que les dépenses consacrées
par le gouvernement provincial à l'enseignement postsecondaire, par
étudiant, sont les plus faibles du pays.
Cela est dû en partie à la politique du gouvernement provincial et l'on ne peut pas y échapper. C'est dû en partie aux réductions des transferts fédéraux mais à cela s'ajoutent les conséquences de l'inégalité de la répartition du financement fédéral, lequel est calculé d'après la population d'une province et non pas d'après le nombre d'étudiants effectivement inscrits à l'université. Ainsi, des provinces comme la Nouvelle-Écosse se trouvent manifestement lésées car au total, elles accueillent plus d'étudiants qu'elles n'en perdent au profit des autres provinces. Nous signalons instamment aux membres du comité l'opportunité d'adopter une politique juste et équitable de sorte que le financement fédéral soit accordé suivant le nombre d'étudiants accueillis par la province de leur choix.
La combinaison de ces mesures aiderait grandement à résoudre la crise que traverse actuellement l'éducation postsecondaire au Canada, à l'échelle nationale comme au niveau provincial. Il nous faut veiller à l'amélioration des normes dans le domaine de l'éducation postsecondaire pour éviter leur effritement et nous devons nous assurer du plus grand accès possible à l'éducation. Pour l'heure, nous ne semblons pas nous acheminer vers cet objectif, au contraire.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Ferns.
Nous allons commencer par M. Gallaway.
M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas si c'est Mme Forbes ou Mme Alteen qui a parlé de l'existence d'un groupe de plus en plus important de lobbying pour l'obtention de réductions d'impôt, ou plutôt d'un allégement fiscal, car je crois que c'est l'expression qu'on a utilisée.
Conviendriez-vous qu'il est possible que ce ne soit pas effectivement un groupe de lobbying, mais en fait la population canadienne qui réclame cela?
Mme June Alteen: Assurément, j'en conviens. Je suis femme d'affaires et je siège également au conseil d'administration de notre chambre de commerce. Je reconnais que le milieu des affaires se soucie incontestablement d'allégements fiscaux et de baisses d'impôt. Vous dites que c'est la population canadienne qui s'en soucie, mais ce groupe constitue certainement une masse de gens pour qui la chose est importante.
Si l'on choisi d'offrir des allégements fiscaux, je recommande qu'on veille à ce que ce soit les gens qui en ont le plus besoin qui en profitent véritablement.
M. Roger Gallaway: Vous avez dit que vous étiez membre de la chambre de commerce et je vous demande à ce propos si le souci exprimé n'a peut-être rien à voir avec un groupe particulier mais vient d'un segment diversifié de la population canadienne qui réclame un allégement fiscal.
Mme June Alteen: Non, je n'affirmerais certainement pas cela. La raison pour laquelle je...
M. Roger Gallaway: Je ne vous demande pas de l'affirmer. Je vous demande si c'est possible.
Mme June Alteen: Bien sûr, tout est possible.
M. Roger Gallaway: D'accord. Dans ces conditions, la chambre de commerce réclame-t-elle une réduction de l'impôt des sociétés ou des particuliers?
Mme June Alteen: Récemment, notre chambre a participé à un examen à l'échelle de la province. À cette occasion, les arguments de la chambre concernaient une réduction de l'impôt des sociétés.
M. Roger Gallaway: Alors, serait-il possible que ceux qui réclament un programme national de garderie représentent un groupe de lobbying et ne soient pas représentatifs de la population canadienne?
Mme June Alteen: Je pense qu'ils représentent une couche importante de la population canadienne et ne constituent pas un groupe de lobbying selon votre définition.
M. Roger Gallaway: D'accord.
Est-il possible de calculer le nombre de Canadiens qui réclament un allégement fiscal par rapport au nombre de ceux qui demandent une stratégie nationale pour l'enfant? Ou une stratégie pour les garderies, je ne suis pas sûr de l'expression, j'en ai entendu plusieurs. En d'autres termes, est-il possible de déterminer quel groupe est le plus nombreux? Je vous pose la question.
Mme June Alteen: Si, en appliquant votre définition on constate qu'il n'existe pas de groupes de lobbying, comment pourrait-on savoir quel groupe est le plus nombreux?
Cela dit, je ne pense pas que la taille du groupe soit la chose importante; il importe peut-être de trouver le juste milieu compte tenu du message véhiculé par chacun des groupes.
M. Roger Gallaway: Je pense que c'est la chose importante: un juste milieu.
Cela dit, les contribuables qui versent des impôts ont-ils droit, selon vous, quand il y a un excédent... Pensez-vous que le gouvernement reçoit cet argent à seule fin de le dépenser ou pensez-vous qu'il peut le rendre aux contribuables grâce à des réductions d'impôt—en d'autres termes, faire en sorte qu'ils disposent d'un certain revenu discrétionnaire leur permettant de prendre les décisions qu'ils souhaitent.
Mme June Alteen: Je reconnais qu'il n'y a pas de cagnotte qui attend d'être répartie. Comme je suis dans les affaires, je vais ajouter ceci: quand nous demandons des réductions d'impôt, en l'occurrence pour les sociétés, ce n'est pas que nous nous attendions nécessairement à ce que cela aboutisse à une création d'emplois car la plupart des entreprises sont actuellement serrées au maximum et nous embauchons du personnel supplémentaire suivant les besoins et non pas parce que nous bénéficions de réductions d'impôt.
Cela dit, je conviens qu'un revenu discrétionnaire supplémentaire a pour vertu de stimuler grandement notre économie et nous en avons besoin. Toutefois, si ce revenu discrétionnaire revient uniquement à une petite couche de la population, les problèmes de pauvreté dont nous avons parlé ici aujourd'hui n'en seront pas allégés. Dans ce cas-là, la nécessité de dépenses supplémentaires au niveau des structures sociales qui viennent en aide aux pauvres n'en sera que plus grande.
M. Roger Gallaway: Il y a quelques années, on a adopté une loi, à l'Assemblée législative de Terre-Neuve et à Ottawa également, concernant les écoles de Terre-Neuve. Vous représentez les commissions scolaires...
Mme June Alteen: Je connais bien le dossier.
M. Roger Gallaway: Cette loi a-t-elle produit le résultat escompté? Autrement dit, les systèmes scolaires sont-ils plus efficaces, plus d'argent ayant été libéré?
Mme June Alteen: La réforme en matière d'éducation a permis de réduire le nombre d'écoles à Terre-Neuve et au Labrador et par conséquent leur administration est désormais plus efficace. Les économies réalisées n'ont pas encore été directement injectées dans le système d'éducation et il se peut qu'elles ne le soient pas car nos gouvernements, que ce soit le fédéral ou le provincial, comme les entreprises, parent au plus pressant et les économies réalisées ont servi à combler d'autres besoins.
Pour ce qui est de la qualité de l'instruction, il faut reconnaître que Terre-Neuve est une grosse province rurale. L'éducation manque de fonds à l'échelle du pays et nous devons sans cesse lutter pour obtenir des ressources supplémentaires afin de maintenir un niveau d'éducation approprié dans notre province.
M. Roger Gallaway: Madame Forbes, vous avez parlé des garderies qui sont sans danger et fonctionnent en vertu d'un permis. Que répondez-vous aux parents qui décident de faire appel à une garderie privée plutôt que publique? Par exemple, il se peut qu'il y ait des grands-parents à la retraite prêts à s'occuper de leurs petits enfants. Que leur dites-vous?
Mme Margaret Forbes: Je ne sais pas très bien comment les grands-parents sont considérés dans cette province mais assurément si quelqu'un veut ouvrir une garderie privée dans sa propre résidence, il ou elle doit respecter des normes. Il faut se procurer un permis et le nombre d'enfants accueillis est limité en tout temps. Même pour les garderies privées, il y a des normes à respecter quand cela est fait dans une maison particulière. Je ne sais pas ce que cela signifie pour les grands-parents mais je présume que les parents ont le souci de laisser leurs enfants entre les mains de quelqu'un qu'ils estiment compétent.
Je me souviens de nombreuses discussions à ce sujet lors des réunions organisées en vue du programme national pour les enfants, dans notre province et aussi dans les autres, et on y affirmait volontiers—et les statistiques prouvent—que l'ensemble des enfants profiteront à long terme de soins compétents, et notre pays y gagnera également.
C'est Santé Canada qui a financé les discussions portant sur le programme national pour les enfants. Vous voyez j'en suis sûre de quoi je parle. Personnellement, j'ai l'impression que Santé Canada espérait que chaque localité pourrait prendre en main ses affaires. Je ne sais pas si c'est réaliste mais je pense que plus on se penche sur la question et plus on aide les collectivités à s'acheminer précisément vers ce but, mieux nous nous en porterons à long terme.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
Monsieur Lunn.
M. Gary Lunn: Merci, monsieur le président. Je vais tâcher d'être bref pour que mes collègues aient le temps de poser leurs questions.
• 1205
Merci de votre exposé. Je voudrais aborder une question sur
laquelle j'aimerais m'attarder un peu plus. Je constate avec
satisfaction que les représentants d'établissements d'enseignement
sont représentés en nombre. On nous a parlé de la situation, de la
maternelle à l'enseignement postsecondaire, en passant par le cycle
secondaire, pour nous en exposer les problèmes.
Je tiens à préciser quelque chose. Je sais que Mary a dit clairement qu'il n'y avait pas d'exode des cerveaux. Je ne suis pas d'accord. D'autres Canadiens sont du même avis que moi et je suis certaine qu'il y en a qui pensent comme vous. Penny a évoqué une éventuelle modification à la Loi sur la faillite et la solvabilité pour tenir compte du cas des étudiants et je suis entièrement d'accord avec vous. Les étudiants subissent un préjudice en l'occurrence.
Je reconnais que nous éprouvons des difficultés de la maternelle à la 12e année. Je suis de la Colombie-Britannique. Notre système d'éducation exige des rénovations pressantes mais il y a des problèmes dans nos universités aussi. Et il y a d'autres problèmes ailleurs.
Notre jeunesse a besoin d'encouragement. Il nous faut leur offrir des programmes d'enseignement qui les incitent à rester au Canada et qui leur permettent de réaliser leurs rêves ici.
Permettez-moi de vous soumettre quelques suggestions précises pour l'instant. J'ai abordé le même sujet avec le premier groupe de témoins mais je ne leur ai pas parlé de mes suggestions. À la fin de leurs études, les étudiants qui ont une dette d'études intègrent la population active à un salaire très bas puisqu'ils ne font que commencer leur carrière. La dette qu'ils ont est comparativement élevée car, nous l'avons vu, ils doivent 30 000 $ et parfois plus. Pour inciter ces étudiants à rester au Canada pour y travailler, que penseriez-vous d'offrir à ceux qui travailleraient au Canada un crédit d'impôt représentant—disons 20 p. 100 de leur dette par année pendant cinq ans? Ainsi, grâce à un crédit d'impôt, la dette de l'étudiant serait totalement remise. Pour obtenir cette remise, il faudra que l'étudiant travaille car elle prendre la forme d'une déduction fiscale pendant les premières années de sa carrière. Cela devrait encourager les étudiants d'une part à intégrer la main- d'oeuvre active le plus tôt possible et d'autre part à rester au Canada. C'est une chose.
Permettez-moi de développer ma pensée. Certains témoins nous ont dit que nous devions veiller à faire en sorte que l'allégement fiscal vise les gens qui en ont le plus besoin. Manifestement, il s'agit donc des gens qui touchent un revenu de moyen à faible. Il ne faut pas perdre de vue—et j'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez—l'objectif premier de la mesure car nous ne voulons pas offrir d'allégement fiscal à ceux qui touchent des revenus élevés. Mais en fait, ce sont les impôts élevés qui les poussent...
Il y en a qui prétende, statistiques à l'appui, que l'exode des cerveaux n'existe pas. Je serais prêt à le reconnaître. Toutefois, nos plus brillants sujets, les meilleurs, les cadres de demain, les gens qui vont créer le moteur économique qui va pousser notre économie dans 10 ou 15 ans, s'en vont tous chez nos voisins du Sud pour y travailler dans les secteurs de la santé, des technologies et du génie. Cela m'inquiète vivement. On peut comprendre qu'ils quittent le Canada pour diverses raisons. À nous de trouver les moyens de les convaincre de rester.
Je soumets donc mes suggestions à Penny et à June pour qu'elles me disent ce qu'elles en pensent.
Mme Penny McCall Howard: Tout d'abord, à propos de l'exode des cerveaux vers les États-Unis, je vous réfère au rapport préparé par Développement des ressources humaines Canada et Statistique Canada, rapport qui signale que 3 450 des 300 000 diplômés universitaires canadiens sont partis vers les États-Unis dans les deux années suivant l'obtention de leurs diplômes en 1995. On constate que c'est une faible proportion du total. Sur ce nombre, 18 p. 100 sont revenus au Canada deux ans plus tard et la moitié de ceux qui sont restés aux États-Unis avaient l'intention de rentrer au pays tôt ou tard. Ainsi, les étudiants cherchent un peu partout les débouchés, surtout dans l'année qui suit l'obtention de leurs diplômes, mais dans l'ensemble, les expatriés veulent rentrer au Canada. Ils veulent vivre ici. Ils veulent travailler ici parce qu'ils sont conscients des avantages que cela offre.
Vous parlez d'un crédit d'impôt qui constituerait un incitatif à trouver du travail. Les statistiques démontrent qu'un diplômé qui a une dette de 25 000 $, ce qui est la moyenne, doit la rembourser à raison d'environ 400 $ par mois. Cela le pousse à chercher du travail. À mon avis, les étudiants ne manquent pas de motivation à vouloir rembourser leurs prêts. La difficulté vient de l'offre d'emplois. Nous allons constater une importante mutation démographique sur le plan des débouchés qui s'offrent aux diplômés d'universités.
• 1210
Je suis allée rencontrer l'Association des anciens de King's
College et au cours de la discussion, on a dit qu'il y avait toute
une génération de jeunes diplômés qui étaient forcés de retourner
vivre chez leurs parents s'ils voulaient honorer le remboursement
de leurs prêts. Ces jeunes ne peuvent pas voyager à l'extérieur de
la province pour chercher d'autres débouchés et ils sont endettés
envers la banque pendant environ 10 ans.
Selon nous, la meilleure solution serait de prévenir—empêcher l'accumulation de la dette tout simplement. J'ai fait référence à l'étude de Robert Allen portant sur la Colombie-Britannique car elle démontre que les gains supplémentaires, et dès lors les impôts versés, des diplômés universitaires épongent le coût de leur éducation universitaire et davantage. Aussi, ce n'est pas en imposant des frais de scolarité au départ que l'on couvre directement les coûts de l'éducation. Cette partie-là est déjà payée. Cela devient une entrave supplémentaire.
Je peux vous envoyer une copie de ce rapport. Il est fort intéressant. L'auteur se sert pour ses calculs des statistiques et des recettes fiscales.
Selon nous, un crédit d'impôt profiterait à ceux qui gagnent plus plutôt qu'à ceux qui ont du mal à rembourser leurs prêts. Cette mesure ne viendrait pas en aide à ceux qui en ont le plus besoin. Ce qu'il faut c'est un réinvestissement dans l'assiette et une baisse générale de ce que nous considérons comme une entrave initiale à l'accès, à savoir les frais de scolarité et les emprunts que les étudiants doivent faire pour les payer.
Le président: Madame Alteen, et ensuite M. Ferns.
Mme June Alteen: Merci, je serai brève.
À Terre-Neuve, l'exode des cerveaux ne se fait pas uniquement vers l'étranger mais vers la région continentale.
Votre suggestion d'offrir des crédits d'impôt me plaît assurément. Je ne sais pas ce que donnerait cette mesure au départ car bien entendu, quand les étudiants intègrent la population active, ils ne touchent pas grand-chose, mais on peut espérer que dans les années ultérieures, ils pourront se rattraper.
J'aime bien l'idée de relativiser les sommes remboursées par les étudiants suivant leurs salaires, etc. Cela peut peut-être aider à les convaincre de rester au Canada.
En ce qui concerne un allégement fiscal général pour tous les Canadiens, je conviens avec vous qu'il faut rappeler que cela doit viser tous les groupes. L'avantage est disproportionnellement élevé pour ceux dont les revenus sont particulièrement élevés. Tout comme les autres Canadiens, je souhaite des réductions d'impôt, mais si nous ne trouvons pas les moyens de subventionner les gagne-petit, l'écart ne peut que s'accentuer. Vous connaissez les statistiques concernant les salaires que touchent les mieux nantis et si nous n'agissons pas, la marginalisation et les disparités ne feront que s'accentuer.
Le président: Monsieur Ferns.
M. Chris Ferns: Selon moi, l'allégement fiscal est un problème. Une fois que l'on quitte l'université, il s'agit à vrai dire de réparer les dégâts. Un grand nombre d'étudiants sont affolés à l'idée de s'endetter à ce point. Il est révélateur de constater que les étudiants travaillent de plus en plus à temps partiel tout en poursuivant leurs études.
Depuis 10 ans, je constate qu'il y a de plus en plus de mes étudiants qui travaillent des heures de plus en plus longues et c'est alarmant. Si quelqu'un travaille 30 heures par semaine tout en étudiant à plein temps, le temps, l'énergie et la concentration leur font défaut pour profiter au maximum de leurs études. Sur ce plan, la qualité de l'éducation au Canada est compromise.
Le président: Merci.
Monsieur Earle.
M. Gordon Earle: Merci beaucoup.
Je tiens à remercier tous les témoins. Ils ont fait d'excellentes observations.
L'un des problèmes, comme on l'a dit, c'est la dette élevée qui attend les étudiants au terme de leurs études. J'étais à la Barbade, il y a quelques années de cela, où j'ai eu l'agréable surprise de constater que les frais de scolarité ont été abolis là- bas. Ce n'est pas un pays très riche, mais ça semble marcher.
J'aimerais qu'un membre de la table ronde me dise ce qu'il penserait d'une éducation gratuite au Canada. On investirait beaucoup dans nos étudiants au départ, et ceux-ci ne finiraient pas endettés.
• 1215
Deuxièmement, quelqu'un a dit quelques mots au sujet du Fonds
de dotation des bourses du millénaire, et j'aimerais savoir si vous
avez des suggestions relativement à ce fonds et s'il y a moyen de
mieux l'utiliser pour remédier à ce problème.
Le président: Merci, monsieur Earle.
Qui veut commencer?
Mme Penny McCall Howard: Je vous remercie d'avoir soulevé la question.
On trouve un exemple très intéressant en Irlande, qui a complètement éliminé les frais de scolarité pour les collèges et universités, il y a deux ans je crois, et a beaucoup investi dans son réseau d'éducation, particulièrement dans les collèges de l'Irlande rurale. D'après ce que j'en sais—mais je n'ai pas été là-bas—l'Irlande est maintenant devenue un chef de file dans ce qu'on appelle aujourd'hui la nouvelle économie, en matière de technologie et d'information et de production de matériel informatique, de logiciels, ce genre de choses, parce que le pays a engagé des deniers publics très importants pour renforcer l'accès à l'éducation et hausser le niveau général d'éducation et de compétence de tous les habitants de l'Irlande. Je crois savoir qu'il y a maintenant des gens qui quittent la vallée du silicon en Californie pour aller en Irlande. Je pense que c'est donc un très bon exemple.
Pour ce qui est d'exiger des frais de scolarité de nos étudiants, le Canada fait partie d'une minorité parmi les pays de l'OCDE. La majorité des pays industrialisés n'imposent pas de frais de scolarité pour l'éducation postsecondaire. Je cite encore l'exemple de ce rapport de Robert Allen en Colombie-Britannique, qui a démontré que les étudiants assument déjà le coût de leurs études étant donné qu'ils paient plus d'impôt grâce à la valeur ajoutée des salaires qu'ils touchent après leurs études postsecondaires. Les frais de scolarité constituent donc un obstacle supplémentaire.
Pour ce qui est du Fonds de dotation des bourses du millénaire, il est très rassurant de voir que le gros de l'argent prendra effectivement la forme de bourses qui seront versées dans le cadre des programmes d'aide aux étudiants des provinces. En Nouvelle-Écosse, 3 000 étudiants ont reçu des bourses. Il faut emprunter plus de 7 000 $, après quoi on est remboursé selon une échelle progressive, et ce sont les personnes qui ont eu à emprunter plus d'argent qui touchent les remboursements les plus élevés.
Le problème, c'est qu'il n'y a que 3 000 bourses. Il y a environ 20 000 étudiants qui reçoivent des prêts chaque année, et il est vrai que cette mesure permettra de réduire quelque peu la dette de ces étudiants, mais ça ne va pas aider tout le monde. Et le problème demeure donc entier. Notons aussi que ce programme se terminera dans 10 ans, et qu'il est administré par ce conseil d'administration privé, qui est simplement, d'après ce que j'en sais, la copie d'une bureaucratie dont nous n'avons pas besoin. Si l'on veut que cet argent soit employé utilement, il faut le donner directement aux étudiants et non à ce conseil d'administration.
Le président: Monsieur Sharpe.
M. Jim Sharpe: J'aimerais donner suite à ce qu'a dit Penny, en réponse à Gordon et à M. Lunn.
Pour ce qui est des crédits d'impôt, je pense que nous devons en discuter. Il existe aujourd'hui un ensemble de crédits d'impôt disparates pour l'éducation postsecondaire, tant pour les étudiants à temps partiel qu'à plein temps. Il est très difficile d'expliquer cela. Quand on examine la situation, on se dit qu'il serait probablement beaucoup plus efficient de régler le problème à la base au lieu de créer à gauche et à droite des crédits d'impôt et des bourses du millénaire qui sont, premièrement, très difficiles à comprendre et, deuxièmement, n'améliorent en rien la situation pour les étudiants eux-mêmes.
J'attire encore une fois votre attention sur les étudiants à temps partiel. On a annoncé que le programme des bourses du millénaire s'adressait aux étudiants à temps partiel aussi bien qu'à temps plein, ce dont je me réjouis. Dans les faits, ce programme sera administré par l'entremise du mécanisme des prêts aux étudiants, ce qui est probablement la façon la plus efficiente de l'administrer, mais étant donné que le système des prêts aux étudiants à temps partiel est tellement mal fait, et je parle de ceux qui font des demandes aujourd'hui, rares sont ceux qui vont en profiter.
Je crois donc que, pour régler le problème des frais de scolarité, il faut suivre l'exemple de l'Irlande et de la Barbade et mettre de l'avant un programme national de réduction des frais de scolarité, ce qui serait de loin le meilleur investissement que l'on pourrait faire dans l'éducation.
Le président: Merci beaucoup. Merci, monsieur Earle.
Madame Boyd, suivie ensuite de M. Brison.
Mme Mary Boyd: Je conviens que les jeunes doivent avoir accès à l'éducation supérieure, que ces études devraient être gratuites, mais je tiens à préciser que si l'on commence à réduire les impôts, on va alors limiter ce genre de possibilité, et voilà pourquoi j'ai dit dans mon exposé que le financement des programmes sociaux soit primer les réductions d'impôt, et cela comprend un accès plus généralisé à l'éducation.
• 1220
Je pense que nous devons être très prudents parce qu'une fois
qu'on commence à baisser les impôts, on va commencer à avoir moins
d'argent. Cela va sûrement drainer l'excédent budgétaire.
Je n'ai aucune pitié pour les PDG du Canada, les 10 premiers, qui gagnent tous plus de 10 millions de dollars par année, et les 100 premiers PDG du pays, dont la masse salariale a augmenté de plus de 56 p. 100, alors que la majorité des habitants de notre pays ont vu leur niveau de vie baisser à cause de la piètre qualité des emplois qui ont été créés et à cause des petits salaires.
Les statistiques démontrent très bien que lorsque les gouvernements investissent dans la création d'emplois, l'on peut créer quatre fois plus d'emplois que n'importe quelle réduction d'impôt. Il faut garder cela à l'esprit. Réduire les impôts n'est pas une bonne façon de stimuler l'économie et de créer des emplois, ce dont nous avons besoin pour financer nos programmes sociaux et cesser de nous endetter.
Je tiens également à dire qu'il est évident que ce sont les 20 p. 100 les plus pauvres de notre pays, et le groupe qui suit après, qui endurent le plus lourd fardeau fiscal. Dix-sept pour cent de leurs revenus va à l'impôt, alors que c'est 26 p. 100 pour la classe moyenne et 29 p. 100 pour ceux qui touchent les revenus les plus élevés. Ce n'est pas beaucoup d'impôts quand on considère les seuils; en proportion, les impôts payés par les petits salariés sont beaucoup plus élevés et créent beaucoup plus de misère parce que leurs salaires sont si faibles. Ce sont donc des éléments très importants.
De même, les impôts sur les entreprises au Canada sont parmi les plus faibles de l'OCDE—27 p. 100, qui est le taux d'imposition pour les entreprises.
C'est donc un petit groupe de personnes qui réclament des baisses d'impôt. Les sondages démontrent, si l'on pose la question, que la majorité des Canadiens préfèrent que l'on réinvestisse dans les programmes sociaux parce que c'est là que ça fait mal maintenant, et ça fait très mal.
Vous dites vous-mêmes que votre comité a pour mission de voir comment l'on pourrait rendre le Canada plus juste et comment l'on pourrait réduire les inégalités. Baisser les impôts pour les riches et autres incitatifs de ce genre ne rendent pas le Canada plus juste. Mais les étudiants ont besoin d'un coup de main, et bien sûr, les pauvres ont besoin d'un coup de main.
Oui, la productivité serait considérablement haussée si l'on avait un meilleur accès à l'éducation. Même si les salaires n'ont pas bougé depuis très longtemps partout au pays, la productivité a augmenté de 9 p. 100. On doit donc de l'argent à ces travailleurs à qui l'on verse de petits salaires. Ce sont eux qui créent la richesse dans notre pays, et chose certaine, un plus grand accès à l'éducation favorise la productivité.
Le président: Merci beaucoup, madame Boyd.
Monsieur Brison, une dernière question.
M. Scott Brison: Je vais faire quelques observations avant de poser ma question.
Pour ce qui est de l'exemple irlandais—je suis heureux qu'on l'ait mentionné—l'Irlande a combiné les investissements novateurs sur le plan social, particulièrement l'investissement dans l'éducation supérieure, et une politique fiscale dynamique et novatrice.
Pour réussir dans l'économie moderne, je crois que tout gouvernement doit harmoniser l'investissement dans le secteur social, particulièrement dans l'éducation, et la politique fiscale. Un gouvernement qui oublie les deux court à sa perte. En fait, nous avons le deuxième taux d'imposition le plus élevé pour l'entreprise au sein de l'OCDE. L'an dernier, c'était le troisième plus élevé, et nous sommes maintenant en deuxième place parce que l'Allemagne a allégé le fardeau fiscal de l'entreprise. Nous ne sommes maintenant précédés que par le Japon. C'est un fait.
Ma première question, relativement au financement de l'enseignement supérieur, a trait à la question des fonds de dotation aux États-Unis et aux universités privées, qui sont mieux en mesure de financer la recherche et de constituer ces fonds de dotation, et c'est partiellement attribuable à la fiscalité. Aux États-Unis, les particuliers peuvent faire don d'actions boursières au fonds de dotation sans que les gains en capital soient imposés.
Au Canada, l'impôt sur les gains en capital s'applique encore aux actions boursières dont l'on fait don aux oeuvres de bienfaisance. L'Université Western Ontario a soulevé la question lors de nos discussions la semaine dernière à Toronto, et elle a fait valoir que l'on pourrait faire beaucoup si l'on changeait, sur le plan comparatif, la façon dont nous imposons les contributions aux universités et autres organisations. J'ai aimé ce que vous avez dit à ce sujet.
M. Chris Ferns: Il y a plusieurs choses à dire à ce sujet. Oui, la fiscalité est différente aux États-Unis. Les façons dont l'on finance l'éducation postsecondaire dans ce pays ont également été marquées par une histoire et une culture très différentes.
Évidemment, il y a des avantages à faciliter le financement privé des universités. Il y a cependant une réserve importante qu'il ne faut pas perdre de vue, à savoir, qu'il faut être très prudent pour ce qui est des conditions qui régissent ce financement privé. On a des cas assez alarmants d'exemples de ce qui peut arriver lorsque la recherche qui était autrefois financée par le gouvernement est financée par des intérêts privés—par exemple, le cas de Nancy Olivieri de l'Université de Toronto, qui a émis des doutes sur un produit de recherche qui était financé par Apotex. Elle a perdu son emploi parce qu'elle a voulu agir d'une manière responsable. C'est dangereux.
Il faut reconnaître que, comme je l'ai dit, il y a toute une différence dans l'histoire du financement de l'éducation dans nos deux pays. On ne pourra jamais remplacer le financement public de l'enseignement supérieur, quoique le financement privé puisse être complémentaire.
Le président: Merci.
Monsieur Telez.
M. Juan Telez: Même si je vois bien l'importance d'un débat sur le financement public de l'enseignement supérieur ou structuré—c'est un débat pertinent—j'aimerais attirer votre attention sur le fait que même dans le cas de l'Irlande, dont on va parler encore très longtemps, il faut comprendre comme il faut ce qui marchait et ce qui ne marchait pas dans ce système...
À mon avis, il faut aussi investir beaucoup dans l'éducation des adultes et dans l'éducation non structurée, ce qui revient essentiellement à édifier des compétences au niveau communautaire de telle sorte que les gens, dans leur milieu, peuvent prendre en main leur propre destin. Surtout aujourd'hui, à cause des compressions, des privatisations et autres mesures que l'on voit depuis longtemps, les gens ont plus intérêt qu'avant à participer à l'économie et à la démocratie locale. Mais cela ne peut se faire sans une stratégie globale d'édification de compétences et de capacités.
Donc même s'il demeure très important de financer l'acquisition de compétences et de savoirs dans le système structuré, j'aimerais attirer votre attention également sur l'importance de l'édification des compétences au niveau communautaire, ce qui est de toute évidence un processus communautaire d'édification de capacités, et c'est également comme ça que l'on bâtit le capital communautaire et la confiance des gens.
Le président: Merci, monsieur Telez.
C'est au tour de M. Sharpe, après quoi M. Pillitteri posera la dernière question.
M. Jim Sharpe: Je vous remercie d'avoir soulevé la question des fonds de dotation.
En général, les fonds de dotation au Canada augmentent, probablement pas aussi vite que les fonds de dotation américains. Nous devons savoir aussi que si les établissements privés dits Ivy League attirent beaucoup d'attention aux États-Unis, plus de 80 p. 100 des étudiants américains fréquentent des universités d'État. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que la question des fonds de dotation n'est pas le principal enjeu là-bas; c'est le financement public qui va faire l'objet d'un grand débat. Donc même s'il serait utile d'apporter des modifications aux règles qui régissent les fonds de dotation, la situation du financement public de l'enseignement supérieur dans notre pays ne se compare en rien à celle des deux autres pays, et l'on a vu qu'en Irlande, l'éducation postsecondaire est désormais gratuite.
Le président: Merci, monsieur Sharpe.
M. Scott Brison: Et l'on y trouve aussi une stratégie dynamique en matière d'imposition des entreprises.
M. Jim Sharpe: Et de transferts de l'union économique.
Le président: Merci, monsieur Brison.
Monsieur Pillitteri.
M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais faire une petite observation sur les avantages que présente l'Irlande et au sujet des gens qui vivent là-bas et de ceux qui y investissent. Je pense qu'en Irlande, on a procédé de manière inverse: au cours des 12 dernières années, on a abaissé considérablement l'impôt sur les entreprises et l'impôt sur le revenu, et l'Irlande en a tellement profité qu'elle a décidé, il y a deux ans, de supprimer les frais de scolarité, et ce n'était pas l'inverse. Je pense que ça marché dans le sens inverse.
Permettez-moi de vous poser une question, monsieur Ferns. Vous avez dit que les paiements de transfert avaient diminué de 44 p. 100 au cous des quelques dernières années. Avez-vous tenu compte, monsieur, du transfert de points d'impôt aux provinces? Si vous tenez compte du transfert de points d'impôt et des transferts pécuniaires, il y a eu une augmentation de presque 2 p. 100.
M. Chris Ferns: Je cite le document de l'ACPU qui a déjà été remis au comité. Ces calculs sont basés sur la part allouée à l'éducation dans le bloc de l'éducation, des services de santé et du financement communautaire. Il est assez difficile de calculer le montant pour chaque volet, mais dans l'état des choses, on avait également un autre problème, à savoir que l'on a très peu de contrôle sur la façon dont les gouvernements provinciaux dépensent l'argent. Je retiens ce que vous dites, mais il y a diverses méthodes de calcul.
M. Gary Pillitteri: Mais, dans l'ensemble, quand on tient compte des transferts de points d'impôt et des transferts en espèces, on se retrouve avec une augmentation de presque 2 p. 100 du gouvernement fédéral vers le gouvernement provincial. Tout dépend comment la province dépense son argent.
Merci.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Roger Gallaway: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je dois rappeler aux gens qu'il s'agit ici d'une audience parlementaire. Même si nos règles sont très souples, la présence de pancartes à l'arrière de la salle n'est pas permise. Je vous demande simplement de faire respecter ce règlement, que l'on enlève ces pancartes et qu'on ne permette plus leur présence ici. Autrement, nous irons de ville en ville et notre salle d'audience ressemblera à la chambre d'un adolescent. Dans la tribune parlementaire, on n'a même pas le droit de porter un T-shirt avec un message dessus. Étant donné que le comité est un prolongement du Parlement, on ne peut pas permettre la présence de ces pancartes dans la salle.
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
Madame Boyd.
Mme Mary Boyd: Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur le président, les gens qui voulaient participer à vos travaux aujourd'hui n'ont pas eu l'occasion de se faire entendre, et c'est leur manière à eux d'intervenir. Si le Canada est un pays démocratique, lorsque vous quittez la Chambre des communes, vous pouvez sûrement autoriser, dans les hôtels, les édifices et les institutions du pays, les divers moyens que prennent les gens pour exprimer leurs préoccupations. Vous êtes ici pour savoir ce que les gens ont à vous dire. J'espère que vous ne ferez pas respecter de telles règles et que vous allez autoriser de plus en plus les moyens d'expression des gens qui viennent au comité, et rappelez- vous que même s'il s'agit d'une audience parlementaire, vous n'êtes pas à la Chambre.
J'aimerais ajouter quelque chose concernant l'impôt des sociétés. Les taux d'imposition dans ce domaine sont assez bas au Canada, mais notre pays est connu pour les nombreux dégrèvements et échappatoires accordés aux entreprises canadiennes. Je lirai une ou deux phrases tirées d'une étude faite en 1997 sur les coûts comparatifs des entreprises établies au Canada, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Italie et en Suède.
L'étude démontre que, de tous ces pays, le Canada offre le plus bas taux effectif d'impôt des sociétés—c'est-à-dire le taux réel après déduction des dégrèvements et des crédits d'impôt. Le taux canadien, qui est le cumul des impôts fédéraux et provinciaux, était de 27,4 p. 100. Le taux américain était de 40 p. 100—ce qui plaçait ce pays en cinquième position avec un taux presque 50 p. 100 plus élevé qu'au Canada. Le deuxième plus bas taux appartenait à la Suède, et même en Allemagne et en France, où le taux d'impôt des sociétés se trouvait à 60,5 p. 100 et 54 p. 100 respectivement, ces taux n'étaient quand même pas considérés comme étant non compétitifs.
Je ne comprends tout simplement pas pourquoi il faudrait réduire les taux d'impôt des sociétés ici, alors que nos taux sont parmi les meilleurs. Nous ne manquons pas de compétitivité en raison de nos taux d'imposition.
Je n'entends pas beaucoup parler ici de la conscience sociale et de ce qui arrive véritablement aux prestataires de l'aide sociale, de la pauvreté et des difficultés créées par la stagnation des salaires.
M. Roger Gallaway: Un rappel au Règlement.
Le président: Votre intervention doit porter sur le rappel au Règlement.
M. Roger Gallaway: Monsieur le président, j'ai présenté le rappel au Règlement. Je respecte les commentaires de Mme Boyd, mais il s'agit ici d'une tribune parlementaire et elle n'a pas le droit de répondre à un rappel au Règlement présenté ici. Son intervention est tout à fait irrecevable et je voudrais que les affiches partent.
Le président: Un instant. Au nom du comité, je voudrais remercier les membres de la table ronde d'avoir contribué au débat. Je prends note de votre rappel au Règlement et je vais m'en occuper.
Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, nous sommes en train de visiter différentes régions du pays afin d'être à l'écoute des Canadiens. J'aimerais dire officiellement, madame Boyd, que nous n'avons refusé à personne le droit de comparaître devant le comité dans n'importe quelle région du pays. Tous ceux qui ont voulu comparaître ont pu le faire.
Nous ne sommes pas ici pour parler des processus et tout cela. Nous voulons parler des questions de fond, et c'est ce que vous avez tous fait avec beaucoup d'éloquence. De toute évidence, vous avez ajouté de la valeur au débat concernant les priorités et les points de vue des Canadiens.
Nous allons réfléchir sur ce que vous avez dit dans vos exposés et nous allons certainement en tenir compte dans l'élaboration de notre rapport à l'intention du ministre des Finances, qui sera présenté à la Chambre des communes dans la semaine du 10 décembre.
Au nom du comité, merci beaucoup. Nous allons suspendre la séance pour revenir à 13 h 15.