FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FINANCE
COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 24 novembre 1999
Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): J'aimerais souhaiter la bienvenue à toutes les personnes présentes cet après-midi.
Messieurs et mesdames les membres, nous recevrons cet après-midi des représentants de la Saskatchewan Canola Growers Association; de la Saskatchewan Farm Support Review Committee; du Pro-West Rally Group; de la University of Regina Faculty Association, ainsi que de la Manitoba Farm Delegation. Nous aurons aussi le plaisir d'accueillir l'honorable Dwain Lingenfelter, qui donnera le coup d'envoi aux travaux.
Monsieur le ministre, bienvenue.
L'hon. Dwain Lingenfelter (ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, gouvernement de la Saskatchewan): Merci beaucoup.
J'aimerais tout d'abord souligner que je me réjouis que le Comité permanent des finances de la Chambre des communes nous visite à un moment si crucial. Cette visite en Saskatchewan arrive à point nommé pour de nombreuses raisons, dont le sujet que j'aborderai aujourd'hui au nom de la Farm Income Coalition n'est pas le moindre.
J'aimerais tout d'abord vous présenter Ray Hilderman, vice-président de la Saskatchewan Canola Growers Association; Harry Bastness, président du Saskatchewan Farm Support Review Committee; Ralph Rein, qui représente le Pro-West Rally Group. Je vois aussi dans l'auditoire Neil Hardy, le premier vice-président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities.
Neil, peut-être pourrais-tu t'approcher un peu plus pour répondre à d'éventuelles questions.
Tout d'abord, j'estime que notre présence aujourd'hui est très éloquente, parce que les fermiers des Prairies sont confrontés à une crise du revenu extrêmement grave, comme vous en avez tous entendu parler. Cette situation se produit périodiquement quand il y a des famines ou des inondations, ou des conditions météorologiques particulièrement mauvaises. Nous vivons dans une région où les températures varient entre 40 degrés au-dessus de zéro et 40 degrés au-dessous de zéro. Dès les premiers jours, les Premières nations qui ont colonisé ce pays ont dû composer avec un climat rigoureux.
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Cependant, le problème actuel n'est pas le résultat de
catastrophes naturelles ni d'autres difficultés auxquelles sont
habitués les fermiers des Prairies. Le déclin du revenu agricole
est le résultat des faibles prix des marchandises, un phénomène
très artificiel créé par les subventions monstres qu'ont octroyées
l'Europe et les États-Unis, nos principaux compétiteurs, et par
l'absence de subventions dans notre pays. En Europe, les
subventions pour le blé sont six fois plus importantes que celles
qui sont accordées au Canada; aux États-Unis, elles sont quatre
fois plus élevées.
Monsieur le président, je vais distribuer aux membres un tableau qui donne une explication graphique de la situation dans le Marché commun européen, où 56¢ de chaque dollar que reçoivent les fermiers pour leur blé proviennent du gouvernement national. Aux États-Unis, la proportion est de 38¢ pour un dollar; au Canada, le fermier reçoit 9¢ seulement du gouvernement national.
Je vais poser une question au comité: Pouvez-vous imaginer une autre industrie exportatrice canadienne—qu'il s'agisse de l'acier, de l'automobile ou du bois—qui survivrait plus de quelques semaines dans les marchés mondiaux si on lui disait, par exemple, d'exporter du gaz naturel aux États-Unis en acceptant d'emblée un manque à gagner de 30 p. 100 par rapport aux producteurs de gaz naturel américains? On pourrait faire le même raisonnement pour le bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique que l'on exporte au Japon: qu'arriverait-il si on disait aux marchands de bois que les producteurs américains obtiennent 30 p. 100 de plus et que les Européens obtiennent 50 p. 100 de plus, mais que les Canadiens doivent quand même les concurrencer, et qu'on leur souhaite la meilleure des chances? Aucune autre industrie de ce pays n'a reçu l'ordre de jouer selon de telles règles concurrentielles, à l'exception des céréaliculteurs de l'Ouest. C'est ce que je veux faire comprendre au comité aujourd'hui.
À l'évidence, nos fermiers—tous ceux qui sont ici et, j'en suis sûr, tous les autres—préféreraient tirer leurs revenus directement du marché, sans subvention. On ne demande pas un coup de main. Ce n'est pas ça l'idée. Mais nous ne pouvons pas concurrencer les fermiers des États-Unis et le ministère des Finances américain si on ne bénéficie pas du même genre de soutien financier de la part des contribuables canadiens, par le biais du fédéral.
J'ajouterai que le gouvernement fédéral est responsable des négociations des accords commerciaux internationaux. Il n'a pas réussi à faire adopter des règles commerciales adéquates au cours de la dernière série de négociations de l'Organisation mondiale du commerce, et nous n'aurons pas les moyens de nous offrir une autre série de rencontres de l'OMC si le Canada ne réussit pas à défendre efficacement les intérêts de l'industrie agricole des Prairies au chapitre de l'exportation, notamment dans le domaine des réductions des subventions. Il est hors de question que la Saskatchewan entérine des négociations de l'OMC qui n'aboutiraient pas à des avantages équilibrés pour toutes les composantes de l'industrie agricole canadienne.
Ne vous méprenez pas. Nous ne demandons pas que les autres fermiers acceptent une réduction de leurs revenus ou qu'ils renoncent aux avantages qu'ils ont acquis afin de ramener le revenu de tous les fermiers au moindre dénominateur commun. Ce n'est pas là l'objet de notre demande. Nous demandons que notre agriculture bénéficie du même degré de protection que celle que reçoivent les fermiers du Québec et de l'Ontario.
Si vous examinez les règles du jeu entre le Canada et les États-Unis dans les domaines du lait, de la crème, du fromage ou de la crème glacée, on peut dire qu'elles sont équitables. Les subventions versées aux États-Unis pour ces marchandises—des marchandises qui constituent la base de l'agriculture au Québec et en Ontario—sont les mêmes au Canada et aux États-Unis. Nous ne demandons pas d'abolir tous les mécanismes de protection. Nous voulons tout simplement que justice soit faite et que nos producteurs de céréales soient traités avec le même respect qu'ont demandé et reçu les autres fermiers du reste du Canada.
À notre avis, le gouvernement fédéral a choisi de réduire les programmes de subventions à l'agriculture sans s'être assuré auparavant que l'Europe et les États-Unis feraient la même chose. À mon avis, il n'en a pas toujours été ainsi: les règles du jeu n'ont pas toujours été inéquitables. Le gouvernement canadien a participé à la dernière série de négociations au nom de tous les fermiers, y compris sans doute les fermiers de la Saskatchewan. Les pays se sont entendus pour que tous les pays réduisent leurs subventions à l'exportation de grains. Et voilà que le gouvernement fédéral, une fois revenu au bercail, sabre effectivement dans les subventions. Il a réduit la subvention du Nid-de-Corbeau, et 320 millions de dollars se sont tout simplement envolés des poches des fermiers de la Saskatchewan. Ils ont aussi réduit le programme de protection du revenu de 80 millions pour les fermiers de la Saskatchewan. La productivité des chemins de fer n'est pas partagée, de sorte que les compagnies de chemin de fer gardent 100 millions de dollars qui, à notre avis, devraient être remis aux fermiers. Et notre gouvernement fédéral a mis fin au programme de paiements à double prix pour le blé, ce qui a lésé les fermiers de la Saskatchewan de 125 millions de dollars de subventions.
Le gouvernement fédéral a ensuite décidé de jeter un coup d'oeil à ce qui se passait en Europe et aux États-Unis, pour s'apercevoir qu'il n'y avait eu aucune réduction des subventions dans ces pays, qui sont nos concurrents directs. Attendez de voir de que fera l'administration Clinton lors des négociations de l'OMC qui auront lieu à Seattle la semaine prochaine. Comme ils l'ont annoncé le mois dernier, les États-Unis ont encore augmenté les subventions à l'agriculture de huit milliards de dollars, pour intensifier encore la compétition entre l'Europe et le Canada et pour bien faire comprendre aux Européens que les États-Unis s'amenaient à la table de négociation dans une position de pouvoir.
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Pendant ce temps, notre gouvernement fédéral annonce qu'il
réduit les subventions, qu'il souhaite bonne chance et les
meilleurs voeux aux fermiers de la Saskatchewan. Allez-y,
compétitionnez avec les autres pays, malgré un manque à gagner de
30 à 50 p. 100 sur le plan des revenus. Mais n'oubliez surtout pas
que, si vous achetez du matériel John Deere et des produits
chimiques, vous allez continuer de payer les mêmes taxes que les
autres consommateurs de la planète. Chers amis, cela ne peut tout
simplement pas fonctionner. C'est un cul de sac. Cela n'a jamais
fonctionné au Canada. C'est une joute de manipulations et on nous
dit de respecter les règles, des règles qui vont complètement à
l'encontre des intérêts des fermiers de la Saskatchewan. Il en
résulte un soutien diminué de l'agriculture au Canada, alors que
l'Europe et les États-Unis, je le répète, ont augmenté leurs
subventions.
Les fermiers de la Saskatchewan font face actuellement à des pertes de revenus qui atteignent le milliard de dollars pour les années 1998 et 1999. Les gens nous demandent comment nous avons obtenu ce chiffre de 1 milliard. Ils se demandent si nous l'avons inventé. Comment faites-vous vos calculs? Eh bien, le milliard de dollars représente l'écart entre la moyenne quinquennale, entre 1993 et 1997, et ce que le revenu agricole net sera en 1998 et 1999. Il est intéressant de remarquer que ce déficit de revenu équivaut exactement aux subventions qui ont été retirées—bien à l'avance, pour bien montrer qu'on était de bons garçons—, sans que le gouvernement voit si l'Europe et les États-Unis en faisaient autant.
Ainsi, les fermiers de la Saskatchewan font face à des pertes de revenu de 1 milliard de dollars pour les années 1998 et 1999. Le revenu net réalisé en 1998 était inférieur de 35 p. 100 environ par rapport à la moyenne quinquennale—entre 30 et 35 p. 100—et cette année nous nous attendons à un revenu agricole net pratiquement nul. Et, selon le Globe and Mail d'aujourd'hui, on prévoit que les prix du blé au Chicago Board of Trade se situeront encore sous les 3 $ en septembre prochain.
J'aimerais ajouter que, tant et aussi longtemps que des subventions seront versées en Europe et aux États-Unis, les prix mondiaux du grain continueront d'accuser de fortes baisses. Cela signifie que les céréaliculteurs de la Saskatchewan n'ont plus de choix. Ces chiffres tiennent compte des paiements d'assurance-récolte, du CSRN, de la protection du revenu agricole ou de l'ACRA. En règle générale, tous ces chiffres sont comptabilisés dans le revenu net, diminué du revenu de 48 millions de dollars pour les fermiers de la Saskatchewan cette année.
Lors d'un forum communautaire tenu récemment à Carlyle, j'ai participé à un panel réunissant des représentants d'autres organisations agricoles. J'ai eu l'occasion de répondre à beaucoup de questions. J'ai entendu les histoires de fermiers qui ont été forcés de quitter leurs terres, des histoires de dépression, d'appels répétés, et des pires encore, que je ne vous raconterai pas aujourd'hui.
Entre autres, j'ai parlé à un jeune fermier nommé Trevor Doty. Je lui ai demandé si je pouvais citer son histoire à cette réunion, et il a répondu qu'il serait très content si je pouvais la partager avec ce comité. Ce jeune fermier de la région de Carlyle a décrit lors de cette soirée—la salle était pleine à craquer; 350 personnes s'y entassaient, il y en avait même dans les rues—comment il se sentait après son retour à la maison le 28 octobre. Un s'était rendu à Ottawa pour se faire dire que le gouvernement fédéral n'offrirait aucune aide financière aux fermiers de la province. Je vais citer ce qu'il a dit lors de cette réunion:
-
Quand je suis revenu à la maison, après mon travail à l'extérieur
de la ferme, la première chose que j'ai faite a été de descendre le
drapeau canadien qui flottait au-dessus de notre ferme depuis aussi
longtemps que je peux me souvenir, et jamais je ne l'y remettrai.
Je suis certain que ce sentiment était partagé par toutes les personnes présentes cette soirée-là.
M. Doty a conclu sur une note positive cependant. Il nous a dit: «Faites en sorte que je sois fier de remettre le drapeau canadien. Montrez-nous que vous vous souciez de nous.» C'était un message très puissant, qui illustre que cette famille de fermiers n'est pas de celles qui n'aiment pas le Canada. Il s'agit d'un jeune fermier qui croit tellement à l'avenir du Canada que tous les jours un drapeau canadien a flotté au-dessus de sa ferme. Sa famille croyait énormément en ce pays. Il ne s'agit pas d'une jeune famille de fermiers qui quitte ou qui n'aime pas le Canada. Il nous livrait ses sentiments au sujet d'un gouvernement canadien qui l'a abandonné et qui ne fait plus rien pour servir ses besoins.
• 1425
Ce n'est pas quelqu'un qui a décidé qu'il ne voulait plus être
ici; c'est plutôt quelqu'un qui s'est senti abandonné, qui sent
qu'on lui a retiré certains des privilèges et des droits qui lui
revenaient historiquement par le truchement des subventions au
transport.
Croyez-moi, si vous venez visiter les régions rurales de la Saskatchewan et que vous assistez aux réunions dans les hôtels de ville, vous saurez vite que je n'invente pas cette histoire. C'est exactement ce qu'ils ressentent. C'est ce qu'ils croient.
Dans les sondages, de toutes les provinces canadiennes, la Saskatchewan a toujours été la plus en faveur de la Confédération et de l'existence de ce pays. Mais les Saskatchewannais se sentent aussi méprisés et qu'on ne les écoute pas à Ottawa. Je suis très fier d'être ici aujourd'hui pour parler en leur nom. Je suis aussi très fier que ce comité ait choisi de venir ici pour entendre ceux-là même qui vivent ces histoires et de s'attaquer à ce dossier.
Les pertes de revenus agricoles ne sont pas uniques à notre province, bien entendu. Nous exportons 4,2 milliards de dollars de produits primaires. En 1998, cela a représenté 38 p. 100 de tous les produits agricoles exportés par ce grand pays. Des dizaines de milliers d'emplois dans ce pays dépendent d'un secteur agricole fort, en Saskatchewan et dans l'ouest du Canada en général. Les fournisseurs d'intrants agricoles, l'industrie des services ainsi que le secteur des transports ont un rôle très important à jouer pour rendre notre économie et notre industrie agricole concurrentielles dans l'échiquier mondial.
Je suis revenu tard hier soir d'une journée passée à Vancouver, où j'ai rencontré le directeur général de la Société du port de Vancouver, le capitaine Norman Stark, de même que les membres syndiqués du ILWU et du syndicat des manutentionnaires céréaliers. Je peux vous assurer qu'ils sont tout à fait d'accord pour que l'on traite les producteurs de grains des Prairies sur le même plan que les autres industries. Ils feront circuler lors de leur réunion syndicale de la semaine prochaine à Vancouver des pétitions qui sont signées actuellement par des fermiers de la Saskatchewan. Ces pétitions seront signées par de nombreux syndiqués de la Colombie-Britannique. Les autorités du port savent très bien que, si les fermiers ne peuvent plus faire pousser de blé ici, ce sont les emplois des 800 hommes et femmes de Vancouver qui seront touchés directement. Il s'agit des 800 hommes et femmes qui exercent des activités de manutention du grain expédié par ce port. Par ailleurs, les terminaux céréaliers de Vancouver versent environ 6 millions de dollars de taxes au gouvernement local.
Ces difficultés ne disparaîtront pas d'eux-mêmes. J'ai l'intention de me rendre à Calgary la semaine prochaine pour demander aux compagnies pétrolières d'appuyer notre lutte, parce qu'elles font du forage sur les terres de la Saskatchewan et qu'elles comprennent la situation agricole. Nous allons expliquer à tous ceux qui veulent l'entendre, et à tous les médias qui voudront bien raconter notre histoire, que nous sommes traités différemment des autres industries en ce qui a trait à la concurrence mondiale.
Parmi les 3 000 personnes qui travaillent dans les terminaux de marchandises et de croisières à Vancouver, environ 800 exercent des fonctions qui sont liées à l'industrie céréalière. Cela représente environ 27 p. 100 du personnel. Le grain représente environ 20 p. 100 du volume de marchandises exportées qui transitent par le port de Vancouver, et environ 35 p. 100 de tous les produits expédiés par le port de Prince Rupert. C'est un enjeu important, énorme, non seulement pour la Saskatchewan, mais pour le reste du pays aussi.
En raison des répercussions importantes de cette situation, les chefs des organisations agricoles, conjointement avec les représentants des entreprises para-agricoles et des chefs du gouvernement de la province et des trois partis politiques, ont créé une coalition sans précédent pour défendre une même cause. Ils demandent de réinstaurer provisoirement les subventions que les fermiers des Prairies ont déjà reçues, en attendant que les autres pays commencent à diminuer leur soutien. Je le répète, les fermiers de la Saskatchewan ne veulent pas de prime; ils demandent tout simplement que l'on uniformise les règles du jeu. Jusqu'à ce que l'on ait atteint l'équité, cependant, nous insisterons pour que le gouvernement fédéral donne un appui financier à cette industrie.
L'agriculture dans l'ouest du Canada a grandement contribué, par maints sacrifices, à l'élimination du déficit fédéral. Il ne fait aucun doute que le gouvernement devait faire quelque chose pour abolir ce déficit. Le Canada a réduit la plupart des subventions versées aux fermiers en éliminant le programme du Nid-de-Corbeau et les programmes de protection du revenu pour équilibrer le budget fédéral. Il pensait, très naïvement, que si le Canada réduisait les subventions, ses voisins et ses amis du monde de la céréaliculture réduiraient aussi les leurs.
Le budget fédéral a maintenant atteint l'équilibre et on prévoit même un surplus de 95 milliards de dollars au cours des 5 prochaines années. Le gouvernement fédéral dispose maintenant d'une certaine souplesse. Je sais très bien qu'elle est précaire, et nous ne voulons pas revenir à un budget déficitaire. Nous demandons donc que notre gouvernement fédéral fasse un pas en avant et qu'il verse l'aide financière dont nos fermiers ont besoin durant cette difficile période de négociations commerciales. C'est ce qu'ont fait l'Union européenne et les États-Unis; je ne vois pas pourquoi nos céréaliculteurs de la Saskatchewan devraient s'attendre à moins.
Nous ne demandons pas plus que ce que les autres fermiers du monde ont obtenu. L'argument selon lequel nous sommes plus pauvres, que nous n'avons pas d'argent, ou que l'agriculture est moins importante au Canada qu'elle ne l'est en Europe ou aux États-Unis ne sera tout simplement pas accepté par les fermiers de la province.
• 1430
Les familles agricoles de la Saskatchewan, pour compenser les
pertes entraînées par la baisse des prix des marchandises, se sont
ralliées à la proposition d'éliminer le programme du Nid-de-Corbeau. Les
organisations qui ont appuyé la proposition ont cru
les élus quand ils leur ont dit que les autres pays réduiraient
aussi leurs subventions.
C'est une question de confiance. On leur a dit que, s'ils acceptaient les réductions, nos ministres fédéraux feraient en sorte que les appuis financiers des marchandises soient aussi éliminés dans d'autres pays. On a abusé de leur confiance—c'est peu dire—. Beaucoup de fermiers se sentent lésés. Ils s'attendent à quelque considération étant donné la contribution qu'ils ont faite pour permettre au gouvernement d'équilibrer le budget.
Nous avons besoin de l'appui du comité et qu'il fasse entendre nos demandes à Ottawa et dans d'autres parties du Canada, parce qu'il représente une pierre angulaire du Parlement.
Une fois encore, au nom de tous les producteurs de la province, j'aimerais dire à quel point nous apprécions votre visite ici.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.
J'aimerais aussi remercier M. Hilderman, M. Bastness et M. Rein.
Nous entendrons maintenant M. Paul Gingrich, président de la University of Regina Faculty Association. Bienvenue.
M. Paul Gingrich (président, University of Regina Faculty Association): Merci, monsieur le président et membres du comité.
Je suis président de la University of Regina Faculty Association pour l'année en cours. Nous utilisons habituellement l'acronyme URFA, que nous reprenons partout dans notre mémoire.
Je crois que vous avez un exemplaire du mémoire en main. Vous trouverez la traduction française à l'endos des pages.
Je suis accompagné par Patricia Fleming, notre directrice exécutive.
Nous représentons environ 800 professeurs et autres employés affiliés à l'Université de Regina. Il y a en outre trois collèges fédérés, le Luther College, le Campion College et le Saskatchewan Indian Federated College. S'il vous avez du temps, nous apprécierions beaucoup votre visite. Nous nous trouvons à quelques pas, sur la même rue.
La URFA est un syndicat constitué en vertu de la Trade Union Act de la province de la Saskatchewan; il représente les employés de l'Université. L'URFA fait aussi partie de l'ACPPU, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université.
Certains d'entre vous ont peut-être déjà reçu la visite de représentants de l'ACPPU la semaine dernière. Plusieurs membres se sont rendus sur la colline parlementaire pour parler de la nécessité d'augmenter les subventions du fédéral à l'éducation postsecondaire. Plus tôt cet automne, l'ACPPU a témoigné devant votre comité, sur le thème du budget fédéral 2000-2001.
Nous voulons tout d'abord souligner notre appui à ce mémoire. L'ACPPU recommande que le gouvernement fédéral prenne une décision en vue de la création d'un fonds à l'éducation qui permettrait d'augmenter le soutien financier à l'éducation postsecondaire. Pour faire un lien avec notre demande actuelle, il semble que l'ACPPU demande que le gouvernement fédéral consacre jusqu'à 0,5 p. 100 du produit intérieur brut à l'éducation postsecondaire, ce qui signifierait une augmentation de 2,7 milliards de dollars par année environ des subventions du fédéral pour ce secteur. Cette augmentation favoriserait certainement une meilleure accessibilité aux universités, ainsi qu'une plus grande qualité du système universitaire. Nous pourrions revenir au niveau de subventions de la fin des années 70.
L'URFA souscrit à ces recommandations et exhorte le gouvernement fédéral à les adopter.
Si vous me le permettez, je parlerai un petit peu de l'Université de Regina. J'ai joint un tableau à notre mémoire. Si on examine le tableau, on pourrait penser que nous avons obtenu une grosse augmentation en 1974-1975; cependant, comme nous avons reçu notre statut d'université pour la première fois en 1975, nous n'avions rien reçu auparavant, ou toutes les subventions empruntaient la route du nord, vers l'Université de la Saskatchewan.
Si vous regardez la ligne supérieure, vous constaterez que le niveau global des subventions fédérales réelles—corrigées en fonction de l'inflation—, a connu des hauts et des bas, mais qu'il était un peu moins élevé qu'à la fin des années 70, et qu'il n'a pas augmenté depuis. Par ailleurs, si vous examinez les causes de l'augmentation des revenus, vous verrez à la ligne inférieure qu'elle est due surtout aux frais d'inscription des étudiants. Ils ont payé de plus en plus cher pour recevoir de l'éducation, de sorte que les frais qu'on leur demande actuellement représente une bonne partie du budget total de l'université.
Pendant ce temps, le nombre d'étudiants à temps plein à l'Université de Regina a plus que doublé. Cependant, le nombre de professeurs à temps plein a diminué un peu. Dans un sens, je crois que l'Université a assez bien réussi à donner une éducation universitaire, mais il reste que le déclin des subventions menace réellement la qualité de cette éducation.
• 1435
Nous savons que l'éducation est de compétence provinciale,
mais nous pensons que la présence du fédéral est aussi nécessaire
au niveau de l'éducation postsecondaire. Le gouvernement y
participe déjà, ce dont nous lui sommes reconnaissants, en
finançant les trois conseils qui versent des subventions à la
recherche dans les universités. Nous nous réjouissons aussi de la
création du fonds des bourses du millénaire du Canada ainsi que des
initiatives de reconnaissance de l'excellence de la recherche. Dans
notre université, certaines initiatives spéciales ont vu le jour.
Le Saskatchewan Indian Federated College a reçu du financement du
gouvernement fédéral, bien entendu, et d'autres subventions visent
la recherche dans le domaine du pétrole.
Mais tous les problèmes ne sont pas réglés. En effet, si les subventions spéciales sont réellement précieuses, elles ne sont d'aucune utilité en ce qui a trait au fonctionnement de base des universités: le maintien des bibliothèques, l'achat de livres, le maintien et le fonctionnement des installations fixes, les salaires des professeurs, les services aux étudiants. C'est dans ces domaines que les universités ont le plus rationalisé au cours des dernières années, et l'Université de Regina ne fait pas exception. Dans certains secteurs, la baisse des subventions menace réellement la qualité de l'éducation universitaire.
En ce qui a trait à la présence du fédéral, j'estime qu'il faut reconnaître à tout le moins que les jeunes de la Saskatchewan sont très mobiles. Certains fréquentent l'université dans d'autres provinces, et nous savons maintenant que nombre de nos diplômés de l'Université de la Saskatchewan et de l'Université de Regina trouvent des emplois dans d'autres provinces. Ainsi, l'éducation universitaire que nous leur donnons ici bénéficie à l'ensemble du Canada, et nous estimons que les coûts de même que les responsabilités associés devraient être partagés entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Nous rencontrerons les ministres provinciaux au début de décembre. Nous demanderons alors au gouvernement provincial de faire en sorte que les fonds du fédéral qui sont voués à l'éducation postsecondaire se rendent à bon port.
En conclusion, j'ajouterai simplement que nous enjoignons le comité à recommander d'augmenter les transferts relatifs aux domaines de la santé et sociaux pour que le gouvernement fédéral donne un appui solide à l'éducation postsecondaire.
Au nom de l'URFA, j'aimerais remercier le comité qui nous a accueilli et qui nous a entendus ici aujourd'hui.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Gingrich.
De la Manitoba Farm Delegation, nous entendrons M. Andy Baker, représentant du Syndicat national des cultivateurs. Bienvenue.
M. Andy Baker (représentant, Manitoba Farm Income Delegation): Merci beaucoup.
Je suis accompagné aujourd'hui de Maxine Routledge. Elle fait partie du Manitoba Women's Institute, et elle exploite une entreprise agricole avec son époux, au nord-ouest de Brandon. Pour ma part, j'exploite une entreprise agricole au nord de Winnipeg.
Au nom de la Manitoba Farm Income Delegation, nous souhaitons remercier le comité de nous donner cette occasion de dire au gouvernement fédéral notre inquiétude en ce qui a trait à la gravité de la situation du revenu agricole.
Je souhaite tout d'abord souligner le bon travail du ministre de l'Agriculture de la Saskatchewan. Il a très bien dépeint les souffrances qu'endurent actuellement les fermiers. J'allais répéter une grande partie de ce qu'il a dit, de sorte que mon témoignage sera beaucoup plus court. Maxine le complétera. J'ai soumis cependant un mémoire complet; il a été distribué aux membres du comité.
Vous le savez déjà, une délégation du Manitoba, constituée de fermiers et de représentants des organisations agricoles et municipales et de tous les partis politiques provinciaux, a présenté notre cause au gouvernement fédéral les 28 et 29 octobre derniers. J'insiste pour souligner que, puisqu'on a réussi à rassembler toutes ces personnes et à obtenir leur consensus sur la gravité du problème, on devrait se lever et les écouter.
Nous avons le sentiment que la demande est très raisonnable: nous demandons que la subvention soit majorée de 300 millions de dollars pour nous permettre de faire face à la situation très grave du revenu agricole. Nous appuyons cette demande sur différents faits. Le problème découle avant tout de la situation du commerce mondial. On ne peut faire autrement que de qualifier de graves les problèmes auxquels sont confrontés les producteurs. De plus, les programmes de protection du revenu actuels sont tout simplement insuffisants compte tenu de l'étendue et de la nature du problème. Enfin, les réductions massives des subventions fédérales à l'agriculture dans les Prairies ont diminué la capacité des producteurs à résoudre leurs difficultés.
Il est important de dire que nous avons été extrêmement déçus de l'accueil que nous a réservé le ministre de l'Agriculture à Ottawa. Nous avons reçu comme un coup de fouet ses allégations à des «chiffres fantômes». Ces mots ont été très mal choisis et ils sont très réducteurs si on considère la situation que nous vivons.
Le ministre Vanclief a affirmé qu'il avait adopté une politique de la «ligne dure», et qu'il s'est prêt à ce que les fermiers quittent leurs fermes si les programmes actuels ne le permettent pas de résoudre leurs difficultés. C'est une position qui est indéfendable, étant donné la source et la nature de la crise et la réduction des subventions fédérales aux fermiers des Prairies.
• 1440
Nous avons grandement contribué à la réduction du déficit
fédéral. Nous pensons que nous avons maintenant droit aux bénéfices
des soi-disant dividendes budgétaires. L'agriculture des Prairies
et la vie même des familles agricoles devraient être prises en
compte.
Les producteurs manitobains sont aux prises avec une situation du revenu agricole extrêmement pénible. Selon les prévisions récentes, annoncées le 21 octobre par Agriculture et Agroalimentaire Canada, le revenu net total du Manitoba serait de 48 millions de dollars, une chute de 287 millions par rapport à la moyenne quinquennale précédente.
J'aimerais apporter des précisions sur les chiffres fantômes, aux dires du ministre Vanclief. Durant la réunion avec les premiers ministres, il a affirmé que nous ne courions plus vers un déficit du revenu net total en 1999 de 100 millions de dollars, comme le laissaient entendre les prévisions de juillet, mais que nous atteindrions plutôt des revenus de 200 millions de dollars, selon les prévisions du 21 octobre dernier.
Malheureusement, les chiffres alignés par le ministre Vanclief confondaient des pommes et des oranges. Les 200 millions de dollars correspondaient au revenu net réalisé, qui ne tient pas compte des chutes des stocks anticipées pour la récolte de 1999, une question de première importance cette année. Le Manitoba a mis l'accent sur le revenu net total, le plus important pour notre industrie, qui englobe les réductions des stocks de 1999. Pour illustrer la différence entre ces deux chiffres, on pourrait faire l'analogie suivante: les magasins Eaton ont enregistré un revenu net réalisé élevé en raison de la liquidation des stocks et de la baisse des dépenses en 1999. Cependant, pour avoir l'heure juste, il nous faudrait considérer le revenu net total. En fait, la compagnie est en faillite.
La situation du revenu agricole est beaucoup plus grave si on examine les chiffres selon les secteurs plutôt que les chiffres cumulés. Si on considère des données cumulées, les bons prix dans un secteur peuvent masquer les impacts négatifs dans un autre secteur. Le Manitoba a estimé que la valeur globale de la production de l'industrie céréalière baisserait de 350 millions de dollars environ en 1999.
Les programmes actuels de subventions agricoles ne suffisent pas pour contrer tous les impacts de la crise actuelle. Si les prix actuels se maintiennent, l'assurance récolte, même à des niveaux de 70 ou de 80 p. 100, ne pourra couvrir les coûts d'exploitation des producteurs. Trente pour cent des fermes manitobaines ont un solde du CSRN qui peut compléter le revenu agricole à moins de 11 p. 100 de la marge bénéficiaire brute, ce qui est beaucoup trop peu compte tenu des problèmes courants.
En principe, l'ACRA est un mécanisme de soutien pour de nombreux producteurs. Cependant, beaucoup ont connu des chutes importantes de leurs revenus et ne recevront pas d'aide en raison des lacunes dans la conception du programme lui-même.
Parce qu'on l'a mentionné auparavant, je ne parlerai pas des causes des problèmes ni des chiffres relatifs aux subventions dans d'autres pays, notamment aux États-Unis et en Europe. J'aimerais tout juste dire que, si ma ferme se trouvait à 70 milles au sud, pour les seules récoltes céréalières cette année—j'exploite une entreprise agricole avec mon frère et les céréales représentent la moitié environ de notre production—, j'obtiendrais un chèque de 81 000 $ canadiens du gouvernement américain. C'est autant de perdu pour ma ferme. Cela vous donne une idée des subventions contre lesquelles nous devons nous battre. Et je parle seulement des subventions américaines. Elles sont très basses si on les compare aux subventions européennes. Je voulais tout simplement donner un exemple plus personnel de ce qui se passe vraiment.
Je vais maintenant céder la parole à Maxine.
Mme Maxine Routledge (représentante, Manitoba Farm Income Delegation): Nous aimerions aussi insister sur le fait que, dans le budget fédéral de 1995, la réduction du déficit est devenue une priorité. La mise à mort du programme du Nid-de-Corbeau par le fédéral et les changements au système de mise en commun de la Commission canadienne du blé ont tout simplement fait tripler les coûts de transport que doivent payer nos producteurs. Ce même budget a aussi réduit de façon draconienne le programme de protection du revenu du fédéral et introduisait une formule de partage entre les provinces, au détriment du Manitoba et de la Saskatchewan. Les réductions des dépenses du fédéral ont eu des répercussions dans toutes les provinces, mais le Manitoba a subi l'équivalent de la baisse qu'ont connu toutes les provinces qui ne sont pas des Prairies.
Le dénouement de cette crise relève du fédéral. Son origine première découle des problèmes du commerce international, un domaine qui est de compétence fédérale uniquement. Les gouvernements fédéraux des autres pays, tels que les États-Unis et l'Union européenne, ont reconnu leur responsabilité. Le gouvernement fédéral a retiré 350 millions de dollars des programmes de protection du revenu et de subvention au transport manitobain depuis 1987. Le Manitoba demande que 300 millions de dollars au moins soient versés aux producteurs pour compenser la chute de leur revenu total net de 287 millions et la réduction disproportionnée des dépenses du fédéral au Manitoba par rapport aux provinces qui ne sont pas situées dans les Prairies.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.)): Merci, madame Routledge.
Nous entendrons maintenant M. Neil Hardy, vice-président de la Saskatchewan Association of Rural Municipalities. Bienvenue.
M. Neil Hardy (vice-président, Saskatchewan Association of Rural Municipalities): Je vous remercie beaucoup d'avoir permis à la Saskatchewan Association of Rural Municipalities de s'exprimer devant votre comité.
Nous représentons toutes les municipalités rurales de la Saskatchewan, elles sont 297, et représentons tous les producteurs de ces municipalités.
Je crois que notre vice-premier ministre a assez bien décrit la crise agricole en Saskatchewan. Je vais donc l'aborder brièvement. Je voudrais parler un peu de notre réseau routier, qui connaît également de nombreux problèmes.
La Saskatchewan est aux prises avec une crise qui aura des répercussions financières à long terme pendant de nombreuses années. J'estime que nous faisons tous partie d'un grand pays, que nous appelons le Canada. Et je crois que chacun de nous en Saskatchewan, ou enfin presque chacun de nous, est fier d'être canadien. Mais je suppose qu'en ce moment nous demandons aux Canadiens, par le biais du gouvernement fédéral, de nous venir en aide.
Lorsque le Québec était aux prises avec les inondations là-bas, ils leurs sont venus en aide—et nous sommes d'accord, parfaitement d'accord. Lorsque l'Ontario et le Québec ont eu la tempête de verglas, le Canada leur est venu en aide, ainsi que la Saskatchewan, et tout le Canada—comme il se doit. En ce moment nous savons également que l'Ontario et le Québec, lorsqu'il s'agit de voter—et on vote beaucoup à la Chambre des communes—sont dix-sept contre un. Mais ce qui est beaucoup plus important que tout cela, c'est que nous sommes canadiens et que nous sommes fiers de l'être. Alors ce que nous faisons, c'est que nous demandons au Canada de venir en aide à nos agriculteurs ici. C'est très, très important, car nous avons un grand pays, et ce n'est un grand pays que si nous nous serrons les coudes.
Je crois que c'est ça le Canada. La crise agricole ici en Saskatchewan n'épargne personne. Selon le rapport de septembre de Statistique Canada, de septembre 1998 à septembre 1999, la Saskatchewan a perdu 10 000 emplois dans le domaine agricole. Cela a un impact considérable dans une province comme la nôtre. Qu'arrivera-t-il l'an prochain? Et nous n'avons pas encore atteint le creux de la vague.
Nous avons en ce moment même des agriculteurs là-bas qui ne savent pas comment ils vont faire pour régler leurs factures. Il y en a qui quittent. Il y en a qui ont de gros problèmes familiaux, tout cela à cause du stress. Au nom de notre province et en tant que membres de l'association municipale, nous vous disons, à chacun de vous, que nous avons besoin de votre aide.
Notre agriculture traverse une crise, et la crise est due à deux choses. D'abord, nos frais de transport, car les taux du Nid-de-Corbeau ont augmenté d'environ un dollar le boisseau. C'est beaucoup pour les agriculteurs. Ça nous permettrait probablement de passer au travers. Parallèlement, nous sommes aux prises avec une chute des prix. Le vice-premier ministre vous a très bien expliqué comment la chute des prix nous touche.
Dans l'UE et aux États-Unis, les subventions sont presque illimitées. Chaque fois que je prends le journal, il semble qu'il y a une autre subvention. Ils arrivent à en faire une subvention verte. Nous avons rencontré des gens du ministère de la Justice il y a quelques jours, et il ont dit que la plupart n'étaient pas conformes, mais comment les contester? Je ne suis pas intéressé à les contester. Tout ce que je dis, c'est qu'il nous faut des règles du jeu équitables, et seul le Canada peut nous les donner. La province à elle seule ne peut le faire. Les municipalités ne peuvent le faire. C'est vous, les représentants de notre pays, qui devrez vous pencher sérieusement sur la recherche de moyens de nous aider.
Quarante pour cent de tous nos emplois en Saskatchewan sont liés à l'agriculture. C'est vous dire combien l'agriculture est importante pour la Saskatchewan.
Je crois que le vice-premier ministre a parlé des autres questions que je voulais aborder, alors je vais poursuivre. J'aimerais parler du deuxième point qui nous préoccupe, c'est-à-dire notre réseau routier et l'absence de fonds fédéraux pour nous aider. Je crois qu'en 1998-1999, aucun fonds n'a été alloué à la Saskatchewan pour le réseau routier qui relie les régions du Canada. Nous, dans les municipalités rurales, entretenons quelque 160 000 kilomètres de routes municipales. Il y a environ 26 000 kilomètres d'autoroute. Il y a consolidation des réseaux de silos, la perte d'un grand nombre de nos embranchements ferroviaires. Nos communautés locales disparaissent progressivement, ce qui signifie que les entreprises disparaissent avec elles et que les emplois disparaissent avec elles. Il nous faut parcourir des distances de plus en plus longues pour atteindre nos marchés.
• 1450
Je crois qu'il est juste de dire que notre réseau autoroutier
a aussi grandement besoin de réparations. Certains de nos réseaux
autoroutiers municipaux dans les régions rurales ne sont guerre
dans un meilleur état que notre réseau routier municipal.
Je sais qu'il y a des limites à ce que la province peut dépenser. Mais si l'on regarde ce que le gouvernement fédéral retire chaque année des taxes sur le carburant dans cette seule province—je crois que c'était 175 $ millions l'an dernier—de leur taxe de 10c. sur le carburant, et si l'on multiplie par les 10 années de 1988 à aujourd'hui, ils ont consacré 35 $ millions au réseau routier de la Saskatchewan; ce sont là des fonds fédéraux. Je crois qu'il y a moyen d'injecter plus d'argent, que ce soit par le biais d'un programme d'infrastructure—je sais qu'ils l'envisagent—que ce soit par le biais d'un programme du genre de celui que nous avions, le Programme canadien d'agro-infrastructure, ou que ce soit par quelque autre moyen.
Je ne peux parler au nom de la province, mais je suis certain qu'ils sont dans la même situation que nous. Il nous faut revoir nos moyens de livrer notre produit, et ce même dans le cadre de la consolidation des entreprises céréalières et de la perte de nos embranchements ferroviaires. Alors nous devrons le faire. Nous avons en effet besoin de fonds et nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral, qu'elle soit consacrée à l'agriculture, ou qu'elle soit consacrée au réseau routier. Je sais que la Saskatchewan a besoin d'une certaine aide.
Nos municipalités rurales ont consacré environ 100 000 $ à l'entretien de nos routes locales, mais la plupart d'entre elles ont été construites il y a 40 ans, et il y a 40 ans nous construisions les routes d'une façon très différente. Elles étaient conçues pour supporter des camions de trois tonnes, pas des semi-remorques et des super-B et tout le reste, et les poids lourds.
En tant que province, et surtout compte tenu des changements actuels et à venir dans le secteur du transport, il nous faut sérieusement examiner ce que sera notre programme d'infrastructure. Je crois que le juge Estey a reconnu les impacts sur les routes, et il a dit que le financement fédéral d'un réseau routier servant au transport de la céréale devrait être fourni, étant donné l'intérêt direct qu'a le gouvernement fédéral dans le transport et l'agriculture.
Selon le document d'analyse intitulé Saskatchewan Road Impact Analysis préparé en octobre 1999, il y a un mois, par la Urban Municipalities Association, la Rural Municipalities Association et le gouvernement de la Saskatchewan, la distance moyenne des trajets augmentera de 250 p. 100 au cours des trois prochaines année, compte tenu de l'abandon des lignes ferroviaires et de la consolidation des silos à ce jour. Et ce n'est là que ce que nous savons aujourd'hui. Les coûts additionnels associés à l'impact sur les routes se chiffrent déjà à 50 $ millions par année. L'analyse indique en outre que si le système de manutention de la céréale était consolidé pour atteindre sa taille optimale—et je ne suis pas certain de savoir ce que cela veut dire—les impacts sur les routes atteindraient probablement les 85 $ millions par année—additionnels, en sus de ce que nous faisons maintenant.
Certaines choses faites au niveau fédéral nous touchent ici, dans les régions rurales de la Saskatchewan. Je sais que la consolidation des silos se fera. Elle se fait partout au Canada, mais l'impact ici est énorme.
J'avais d'autres points, mais je crois que le vice-premier ministre les a très bien exprimés. J'aimerais simplement vous remercier d'avoir entendu les gens des municipalités rurales de la province de Saskatchewan.
Encore une fois, j'aimerais dire que nous croyons au Canada et que nous sommes fiers d'être canadiens, et nous savons que les Canadiens seront là pour nous lorsque nous en aurons besoin. J'aimerais donc que vous examiniez cela sérieusement.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hardy.
Nous passerons maintenant à la période de questions. Nous accueillerons M. Epp, M. Nystrom, M. Jones et M. Cullen. Ce sera une période de sept minutes.
M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président.
J'apprécie votre présence à tous. Je reconnais certains visages, car nous nous sommes rencontrés lorsque vous étiez à Ottawa et avons eu, je crois, une très bonne description de la situation en Saskatchewan, bien que nous la connaissions déjà dans une certaine mesure puisque nous sommes de l'Ouest.
J'ai une première question pour le ministre. Vous dites tous que vous avez besoin d'aide immédiatement. Je crois que nous reconnaissons tous que cette aide est nécessaire, ne serait-ce que pour passer au travers cette année. Vous réclamez également une solution à long terme, ce qui inclut notamment que le Canada adopte une position très ferme à la table des négociations commerciales. Je crois que c'est probablement là, si je ne m'abuse, votre principale priorité.
Je me demande seulement quelle forme cette aide devrait prendre. Songez-vous à un paiement à l'acre? Songez-vous à un paiement comme celui de l'ACRA, qui tient compte du rendement antérieur? Avez-vous des détails là-dessus, ou demandez-vous simplement que quelque chose soit fait?
M. Dwain Lingenfelter: La délégation qui s'est rendue à Ottawa demande un paiement à l'acre qui serait établi en fonction de la superficie cultivées à raison de 20 $ l'acre. Si l'on regarde la plupart des subventions payées par nos concurrents, les États-Unis et l'Europe, ce ne sont pas des programmes ciblés. Au Dakota du Nord, par exemple, les producteurs de blé dur reçoivent environ 8,70 $ le boisseau. Chaque boisseau est subventionné. C'est à ce genre ce concurrence que doivent faire face nos producteurs.
Cibler les producteurs qui subissent les plus importantes pertes et ensuite traiter tous les autres d'une façon différente ne constitue pas une règle du jeu équitable. Ce serait pénaliser les producteurs les plus efficaces.
Dans ce dossier, il faut adopter une approche commerciale et non une approche d'aide sociale. Il ne s'agit pas de consacrer des sommes d'argent pour tirer d'affaire quelques producteurs qui sont forcés d'abandonner leurs terres. Il s'agit d'un dossier commercial, ce qui est fondamentalement illustré dans ce graphique. Tous les agriculteurs d'Europe et des États-Unis reçoivent des subventions. Il ne s'agit pas de programmes ciblés selon lesquels ceux qui font beaucoup d'argent ne reçoivent pas de subvention et ceux qui perdent de l'argent en reçoivent. Si nous voulons avoir des règles du jeu équitables, c'est ainsi que les choses devront être.
Ce serait la même chose que pour le lait et les produits laitiers au Québec et en Ontario. Au Québec et en Ontario, le beurre est subventionné, tout comme le sont les oeufs et d'autres produits. Si l'on prend, par exemple, le lait, qui est un des principaux produits subventionnés dans l'est du Canada, 58 cents sur chaque dollar que fait un producteur de lait du Québec ou de l'Ontario provient d'une subvention. Aux États-Unis c'est 61 cents sur chaque dollar. Ce sont là les programmes en place, c'est-à-dire des offices de commercialisation qui protègent les agriculteurs. Vous ne contribuez peut-être pas par le biais de vos impôts, mais vous le faites par le biais de votre revenu disponible à l'épicerie, directement à l'agriculteur.
J'aimerais préciser que je ne préconise pas que nous ne soutenions pas nos agriculteurs du Québec et de l'Ontario. Ce que nous disons, c'est que lorsque nous faisons face à cette même concurrence en Saskatchewan, la réaction de notre gouvernement fédéral est de soutenir nos producteurs de céréales à raison de neuf cents alors que les Américains reçoivent 38 cents. Nous ne demandons rien d'autre que ce que reçoivent les autres industries au Canada. Nous ne demandons que l'égalité.
M. Ken Epp: Au cours des 20 à 25 dernières années la taille des fermes de la Saskatchewan a en fait doublé. Le nombre total d'agriculteurs est beaucoup moins élevé aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 25 ans. Ce phénomène est surtout dû au fait qu'un agriculteur achetait la ferme voisine lorsque son propriétaire se retirait, etc. Cette tendance est déjà en marche. Allons-nous pouvoir y mettre fin? Pourrons-nous empêcher les grandes exploitations commerciales de se développer? Si oui, comment allons-nous faire?
M. Dwain Lingenfelter: Si vous regardez les graphiques du nombre d'agriculteurs dans l'ouest du Canada, vous verrez que, bon an, mal an, il y a eu une diminution constante du nombre de fermes au cours des 40 dernières années. En Saskatchewan la moyenne est d'environ 1 000 fermes par année. Je crois qu'à une certaine époque nous en avions environ 120 000, et nous en avons maintenant environ 60 000. La disparition de 1 000 fermes par année a néanmoins pu être gérée. C'est difficile, et nous avons dû réorganiser nos collectivités rurales.
Mais ce dont nous parlons maintenant, compte tenu de la perte de revenus nets de 48 $ millions, ce n'est pas de la perte de 1 000 agriculteurs par année mais bien de 6 000, selon certaines estimations, et probablement de 20 000 agriculteurs au cours des prochaines années, ce qui contraste avec la moyenne qu'on a connu lorsque les subventions étaient en place.
Soyons réalistes. Il ne s'agit pas de diminuer ou d'augmenter le nombre de fermes. Il s'agit de sauver le tiers de notre communauté agricole, qui disparaîtra si notre gouvernement fédéral ne fait rien pour rendre les règles du jeu aussi équitables que ce qu'on peut voir à quelques kilomètres à peine de la frontière, au Montana et au Dakota du Nord.
Le président: Monsieur Hilderman, vouliez-vous parler?
M. Ray Hilderman (premier vice-président, Saskatchewan Canola Growers Association): Oui. Merci.
J'aimerais simplement parler un peu de l'augmentation de la taille des fermes. Les agriculteurs n'ont pas acquis plus de terres simplement parce qu'ils voulaient cultiver davantage. Depuis que j'ai commencé à exploiter, une grande partie de nos coûts ont décuplé. L'un des moyens que nous pouvions prendre pour contrer la diminution de nos revenus, c'était d'essayer d'acquérir de la terre et de diversifier nos récoltes, et nous avons continué de le faire.
Or, l'un des effets de l'augmentation de la taille des fermes, c'est que nous avons moins d'agriculteurs, moins d'enfants dans nos écoles donc moins d'écoles, moins d'entreprises dans nos collectivités, et moins de travailleurs.
Cette crise ne touche pas que les agriculteurs, et elle ne s'est pas produite du jour au lendemain. Mais nous en sommes au point où, le gouvernement fédéral ayant décidé de réduire le soutien aux agriculteurs du Canada beaucoup plus rapidement que dans les autres pays, compte tenu du coût élevé de nos intrants et de la faiblesse des prix, nous n'avons plus aucune marge de manoeuvre. Tant que nous n'aurons pas un filet de sécurité à long terme en place, le gouvernement fédéral doit nous payer pour cette différence.
Le président: Merci, monsieur Epp.
Monsieur Nystrom.
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.
J'aimerais poser quelques questions d'ordre général au ministre ou à quiconque dans la délégation voudra bien y répondre. Je crois que la question à laquelle personne ne peut répondre, monsieur le ministre, c'est de savoir pourquoi les Américains disent qu'ils sont tellement libres-échangistes dans l'ALENA, l'OMC, l'accord de libre-échange, etc., alors que nous avons des statistiques qui nous disent qu'ils versent d'énormes sommes d'argent pour soutenir leurs agriculteurs, ce que nous ne faisons pas, bien entendu.
L'autre point, c'est que j'aimerais que vous donniez au comité une idée de ce que pourraient être les conséquences humaines et économiques s'il n'y avait pas d'aide fédérale au-delà de ce qui est déjà prévu d'Ottawa au cours des quatre ou cinq prochaines années. Nous avons entendu parler de l'augmentation des suicides, du stress et des relations humaines conflictuelles. La chambre de commerce de Wynyard, par exemple, disait que tout le monde était touché par ce qui se passe aujourd'hui. Pourriez-vous nous donner une idée générale de ce qui selon vous se produira à cet égard?
Si quelqu'un d'autre veut intervenir, monsieur Rein par exemple, n'hésitez pas.
M. Dwain Lingenfelter: Permettez-moi d'être bref, car je crois que ce serait bien d'entendre d'autres producteurs.
Je trouve toujours intéressant que les grandes économies du monde, le Japon et les États-Unis, sont par définition libres-échangistes. Mais quand on y regarde de plus près, on constate que leurs frontières sont grandes ouvertes pour les produits qui sortent et très hermétiques pour tout ce qui entre. C'est une excellente stratégie, et c'est une excellente façon de bâtir une économie.
Si vous essayez d'exporter de l'huile de colza au Japon, c'est extrêmement difficile, mais il est relativement facile d'y exporter la graine de colza, parce que c'est évident qu'ils veulent les emplois. Leurs frontières sont ouvertes mais elles sont organisées de façon à créer des économies au Japon dans ces secteurs.
Au cours de la dernière ronde, notre gouvernement canadien, soit par dépit ou par déception, a littéralement sabré environ 650 $ millions dans les subventions à la province de la Saskatchewan. En toute justice, cependant, je pense qu'ils croyaient que les Américains et les Européens allaient probablement faire de même et réduire leurs subventions. Ce qui ne s'est pas produit. Historiquement, le niveau le plus élevé de subventions aux agriculteurs des États-Unis a été de 6,5 $ milliards; c'était après que nous avons dit que nous réduirions les subventions. Cette année seulement, les agriculteurs recevront 22,5 $ milliards. Et ce ne sont pas des dollars canadiens; ce sont des dollars américains, ce qui équivaudrait à 35 $ milliards en subventions aux agriculteurs. Ainsi, alors que les nôtres ont été réduites considérablement, les Américains ont augmenté les leurs pour concurrencer les Européens.
On entend nos ministres fédéraux dire «Comment pouvons-nous aller à l'OMC alors que nous venons d'augmenter les subventions? De quoi aurions-nous l'air?» Pourquoi ne disent-ils pas cela à M. Glickman, le ministre de l'Agriculture des États-Unis, qui vient d'obtenir 8 $ milliards de plus le mois dernier pour injecter dans l'agriculture alors qu'il dit aux Européens «Si nous devons jouer le jeu des subventions, nous serons là pour nos agriculteurs». C'est là le message que le gouvernement américain lance à ses agriculteurs: nous sommes là pour vous et nous ne vous laisserons pas tomber.
• 1505
Le message que nous livre notre gouvernement fédéral, l'air
désolé, c'est «Nous n'y pouvons rien» et «Pauvre de nous, nous ne
pouvons pas concurrencer les trésors des États-Unis et d'Europe».
Pourquoi un pays comme le Danemark, qui compte sept ou huit
millions de personnes, peut-il défendre ses agriculteurs, et
pourquoi ce grand et merveilleux pays, qui a toujours pris la
position de défendre les agriculteurs, change-t-il maintenant
d'avis et que le gouvernement fédéral dit que l'agriculture est
tellement peu importante que nous n'avons plus besoin de nous en
soucier?
Je crois que nous courons à la catastrophe. Si vous dites que le pourcentage de la production agricole par rapport au PIB est moindre—dans notre province il est à 14 p. 100—c'est comme dire que les pieux sous cet immeuble ne sont que 10 p. 100 de 14 p. 100 et ne sont donc pas très importants. Mais dans notre économie—et les Américains croient à leur économie—l'agriculture est fondamentale. Les Européens croient fermement que la nourriture et l'agriculture sont fondamentales dans leurs pays. Et dire aux Canadiens qu'en quelque sorte cela a peu d'importance et que nous n'insisterons pas constitue une très mauvaise politique publique.
Le président: Monsieur Hardy et monsieur Baker.
M. Neil Hardy: J'aimerais répondre à la question de Lorne d'une manière différente. Je crois que le vice-premier ministre a mis en place les subventions agricoles. Je voudrais simplement les examiner d'un point de vue local.
Selon les données de l'assurance-récolte, moins de 9 p. 100 de nos producteurs ont moins de 35 ans et plus de la moitié, presque 60 p. 100, de nos producteurs ont 60 ans ou plus. L'âge moyen de nos producteurs est actuellement de 58 ans. Ce que ces chiffres nous disent, en ce qui concerne la consolidation des fermes, c'est que bien des fermes ne peuvent plus croître. Ils ne peuvent même pas vraiment les exploiter. Ils sont au maximum. Nous nous retrouverons ici avec des terres qui ne peuvent même pas être exploitées. Il ne reste plus de jeunes gens ici; ils quittent les fermes. Et on ne bâtit pas des collectivités avec des vieux comme moi; elles se bâtissent avec des jeunes gens qui ont des familles, qui bâtissent des communautés et des entreprises. Nous n'avons pas cela.
Ce qu'il nous faut, et je crois que cela a été dit il y a un instant, c'est une stratégie à court terme pour nous permettre de passer au travers et une stratégie à long terme pour nous permettre de survivre pendant un certain nombre d'années. Je sais que les choses changeront, mais si l'on n'applique pas quelques-unes de ces mesures, notre province en souffrira grandement.
De nombreux agriculteurs vont commencer à partir, qu'ils le veuillent ou non, parce leur âge va simplement les éliminer. Nos communautés et nos villes et nos entreprises vont certainement souffrir de cette réaction. Nous avons grandement besoin de ramener les jeunes sur les fermes. Il nous faut une certaine forme d'aide ou de programme—je ne dis pas que ce doit être de l'assistance—qui les aidera à passer au travers dans les temps difficiles. Jusqu'à maintenant nous ne l'avons pas eu au cours des dernières années. Je crois qu'il est temps d'examiner sérieusement ce que pourrait être un programme gouvernemental raisonnable à long terme pour les producteurs. Si nous ne le faisons pas, les mesures ponctuelles ne suffiront que temporairement.
Le président: Merci, monsieur Hardy.
Monsieur Baker et ensuite monsieur Rein pour un dernier commentaire.
M. Andy Baker: Mes commentaires renvoient quelque peu à la question de M. Epp sur les fermes commerciales. Je crois que si le gouvernement fédéral veut ignorer la situation ici, ce serait le résultat de ce qui se produira. J'aimerais exprimer mes sentiments personnels et faire état de mon expérience sur la ferme.
Si nous permettons aux fermes commerciales de prendre la relève, elles ne rendent des comptes qu'à une personne, l'actionnaire. Si nous ne nous soucions pas outre mesure de notre ressource renouvelable, la terre que nous exploitons, alors prenons cette voie, et dans 20 ou 30 ans, lorsque les actionnaires dirons qu'ils veulent des profits, c'est la terre qui sera dilapidée et il n'en restera rien.
Nous avons engrangé la cent unième récolte sur notre ferme cette année. Je peux dire honnêtement que cette terre est plus productive aujourd'hui qu'elle ne l'était il y a 101 ans. Nous ne devons pas oublier que si nous voulons qu'elle soit aussi productive dans 101 ans, nous aurons besoin des agriculteurs qui sont là. Je ne permettrai certainement pas à mes fils d'exploiter la terre si la situation ne s'améliore pas. Je ne leur imposerais pas cela. Si mes fils ne sont pas sur la ferme, ce sera peut-être quelqu'un qui ne prendra pas soin de la ferme. À l'heure actuelle, il y a mon père, mon grand-père et mon arrière-grand-père à qui je dois rendre des comptes sur ma façon de gérer la terre. Nous ne devons pas oublier cela.
Le président: Merci.
Monsieur Rein, avez-vous un dernier commentaire?
M. Ralph Rein (Pro-West Rally Group): J'aimerais aborder quelques-uns des problèmes relativement à ce qui a été dit.
Il y a d'autres problèmes à l'horizon, et certains sont des problèmes existants. Par exemple, il y a dans notre région beaucoup de terres provenant du règlement des revendications territoriales des Autochtones qui ne sont pas exploitées parce que les agriculteurs n'ont pas les moyens de le faire. Et il n'y a pas que nous qui en souffrons; les Autochtones aussi en souffrent.
• 1510
Il est vraiment urgent de mettre de l'ordre dans notre
agriculture, parce que l'Union européenne prend de l'expansion. La
Hongrie est sur le point de s'y joindre. Quelque 75 p. 100 du
territoire de la Hongrie est à vocation agricole, et ils auront des
subventions. À l'heure actuelle ils sont deux fois plus efficaces
que nous dans l'ouest du Canada dans ce qu'ils peuvent produire. La
Pologne s'y joindra probablement, et Dieu nous vienne en aide si
l'Ukraine fait de même. Elle est l'ancien grenier de l'Europe.
Il nous faut notamment avoir davantage de valeur ajoutée, et cela n'est possible que si la situation dans l'agriculture est corrigée. Nous avons grand besoin de la valeur ajoutée. C'est la seule voie de l'avenir. Nous ne pouvons plus continuer à expédier tous nos produits à l'étranger. Il n'y a pas de marché, ou il n'y en aura plus.
Le président: Merci, monsieur Rein.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du panel.
Tout d'abord, monsieur Lingenfelter, je crois que vous, comme tous les autres, avez décrit la situation très clairement et de façon convaincante. Pour un député de Toronto, c'est parfois difficile de savoir de qui se passe, n'étant pas témoin du désarroi de ces nombreuses familles qui doivent prendre des décisions fort difficiles. Mais nous faisons des efforts.
Je sais que votre ministre de l'Agriculture est passé par là. Il y a perdu sa chemise, si l'on peut dire.
J'ai une question d'ordre technique et ensuite une question d'ordre politique pour vous, monsieur. La question technique est la suivante. Vous et bien d'autres nous ont parlé de l'impact négatif sur les prix du blé qu'ont provoqué ces importantes subventions aux États-Unis et en Europe. Dans la mesure où cela se produit, il s'agit clairement d'une subvention aux consommateurs, et non aux agriculteurs. De toute évidence, il ne s'agit pas d'un rapport à un contre un, mais si c'était le cas, il me semble que la solution serait fort simple: retirons-nous et les prix grimperont. Donc ce n'est manifestement pas si simple.
Quel est le rapport entre les subventions à l'échelle mondiale et l'effet négatif qu'elles ont sur les prix du blé?
M. Dwain Lingenfelter: Il n'y a pas là de science exacte, mais ce que nous savons, c'est qu'à mesure que les subventions augmentaient dans ces deux régions exportatrices, les États-Unis et l'Europe, le prix mondial des céréales le marché de Chicago baissait.
Je crois qu'il y a là une logique fort simple, selon laquelle si l'on paie d'importantes subventions en Europe en fonction du nombre de boisseaux produits pour l'exportation, on sèmera du blé sur des terres où on n'en sèmerait pas sans les subventions. De grandes superficies de terres en Europe et ailleurs aux États-Unis ont été converties au blé en raison de la présence des subventions. On a alors un marché artificiel, ce qui signifie qu'on produit en réalité davantage de céréales.
Dans notre situation, où il n'y a pas de subvention, vous pouvez imaginer les conséquences qui se produisent immédiatement lorsque les subventions font baisser les prix. Il n'y a pas d'impact économique sur les agriculteurs des États-Unis et d'Europe parce que leurs revenus sont maintenus, et plus ils produisent, plus ils reçoivent des subventions, alors qu'au Canada, de toute évidence, peu importe si vous produisez beaucoup de céréales ou peu de céréales, vous ne faites pas d'argent. Nous ne sommes tout simplement pas dans le même monde que nos concurrents.
J'ai oublié votre deuxième question.
M. Roy Cullen: J'y arrive. En tant que politicien de la Saskatchewan et moi-même étant un politicien de Toronto, vous pouvez peut-être répondre à la question que je vais vous poser.
Si le montant d'un milliard de dollars du gouvernement fédéral augmentait à 1,3 milliard, ou au montant que vous souhaitez, que dois-je dire à M. Knud Simonsen, qui est un de mes électeurs qui a monté une affaire avec son épouse, à partir de rien, et qui en a fait un fabricant de classe mondiale d'équipement utilisé dans les abattoirs? Il a pris un peu trop d'expansion et a fait quelques erreurs, et les banques ont coupé les vivres de l'entreprise multimillionnaire et il n'a plus rien.
Que dois-je dire à M. Lazzarino, un autre de mes électeurs? Lui et son épouse sont partis de rien et ont monté une entreprise de fabrication de chariots pour supermarché. Ils avaient un nouveau directeur des comptes, la banque a coupé les vivres, et lui et son épouse n'ont rien. Que dois-je leur dire si nous augmentons l'aide que nous avons déjà fournie aux agriculteurs de l'Ouest?
M. Dwain Lingenfelter: Ce que je dis aux gens à la chambre de commerce... La raison pour laquelle ils appuient cette subvention en général—et les chambres de commerce n'appuient pas généralement les subventions—c'est parce qu'ils disent que si le gouvernement fédéral subventionnait l'entreprise de votre ami à hauteur de 30 cents pour chaque dollar, et que c'est pour cela qu'il a fait faillite, alors nous dirions que c'est votre faute.
• 1515
La vérité est que si nous étions sur un pied d'égalité avec
les Européens et les Américains et que nous recevions ce genre de
sommes d'argent, et que des fermiers faisaient faillite, je serais
d'accord avec votre analogie. Mais ce n'est pas la raison pour
laquelle ils font faillite. Ils ne font pas faillite parce qu'ils
ne peuvent pas faire concurrence aux autres fermiers des États-Unis
ou de l'Europe. Ils font faillite parce qu'ils ne peuvent pas faire
concurrence aux trésoreries des États-Unis et de l'Europe.
L'analogie, bien que valide dans un sens, n'est pas valide dans l'ensemble, parce que votre homme d'affaires fait concurrence à un autre homme d'affaires qui n'est pas subventionné par l'État, et s'ils ne peuvent y arriver, ils ne peuvent y arriver. Nous comprenons tous ce genre de concurrence. Mais ce que nous ne pouvons comprendre, c'est la concurrence dont a fait état un délégué du syndicat du blé, Alan Balfour... Il cultive le long de la frontière américaine à Climax, en Saskatchewan. Il regarde de l'autre côté de la clôture chaque matin, parce que sa ferme se trouve le long de la frontière du Montana. Il utilise la même moissonneuse-batteuse John Deere, les mêmes engrais chimiques, et paie les mêmes taxes. La raison pour laquelle il va faire faillite, c'est parce que les fermiers de l'autre côté de la clôture obtiennent 30 p. 100 de plus pour leur produit, pas parce qu'ils sont plus concurrentiels, mais parce qu'ils tirent ce revenu des caisses du gouvernement américain. Pour moi, ce n'est pas une analogie du tout.
Ça n'a pas été difficile à expliquer à mes gens d'affaires qui ont posé exactement les mêmes questions il y a six mois. Ils sont maintenant entrés dans le jeu et disent que c'est un très bon point, qu'ils acceptent l'idée. C'est dans cette optique que nous venons ici pour plaider en faveur des subventions, ce qui va à l'encontre de la philosophie de la chambre de commerce d'une manière générale.
Une voix: Nous parlons de l'ensemble de l'industrie agricole.
M. Dwain Lingenfelter: J'aimerais faire un commentaire sur un autre point au sujet des ministres ou des gens à Toronto et à Vancouver qui ne comprennent pas. Le problème pour notre cause, c'est qu'il n'y a pas de raison pourquoi les gens à Toronto et à Montréal devraient comprendre cela, parce que ce n'est pas dans leur vocabulaire. Ce n'est pas dans les journaux. Ce n'est pas à la télé.
C'est une partie du dilemme qui nous occupe en tant que fermiers de l'Ouest canadien, et particulièrement en tant que fermiers des Prairies cultivant des céréales pour l'exportation: faire passer le message aux gens qui comptent dans d'autres parties du Canada. Et ça inclut tout le monde. Ça ne concerne pas seulement le ministre. Ça concerne tous ceux qui achètent du pain ou qui vont travailler chaque matin avec les meilleures intentions en tête et qui n'arrivent pas à comprendre ce dont nous parlons. C'est pourquoi nous avons invité M. Vanclief et le premier ministre en Saskatchewan... Lorsque M. Vanclief est venu la dernière fois, nous avons tous pris un engagement. Nous n'avons pas l'intention d'embarrasser le ministre ou de blesser le premier ministre. Ce n'est pas notre objectif.
M. Hermanson, M. Melenchuk, et notre premier ministre se réjouiraient de la visite de M. Chrétien, et nous le traiterions avec le plus grand respect, de manière qu'un processus éducatif puisse s'installer. Parce que nous croyons que si les gens connaissaient la situation, que les choses sont différentes par rapport à d'autres secteurs d'entreprises, ils finiraient par comprendre et diraient «Pour l'amour de Dieu, pourquoi ne pas l'avoir dit plus tôt? Nous vous aurions aidées.»
Je pense que M. Vanclief, dans son dernier voyage, pourrait dire qu'il a été traité avec respect, parce que nous n'avons aucune mauvaise intention, et nous avons laissé tomber toutes nos opinions politiques. Neil a été ministre dans le gouvernement conservateur. J'étais dans l'opposition et j'étais leader à la Chambre travaillant contre lui. Nous avons mis de côté nos opinions politiques pour venir ici aujourd'hui dire qu'il ne s'agit pas de politique.
M. Hermanson, chef du Saskatchewan Party, a mis de côté ses opinions politiques quelques jours après les élections et a déclaré: «Nous allons à Ottawa avec le chef du gouvernement de coalition et M. Melenchuk pour dire la même chose, parce que nous y croyons tellement fort.» C'est pourquoi il nous est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles notre message ne se rend pas jusqu'aux bonnes personnes. C'est pourquoi votre comité est si important pour nous.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: En réalité, j'avais deux questions totalement différentes, mais je vais changer de question, parce que vos arguments ont été très probants, comme ceux des témoins précédents.
Monsieur le ministre, je vous dirais qu'il ne s'agit en fait que de politique. Mais nous parlons de politique internationale.
Nous parlons de devenir un village global et une économie globale. On a souligné de façon assez éloquente ici que le Canada avait tendance à jouer les boy scouts. C'est une des raisons pour lesquelles nous apprécions notre rôle à l'échelle internationale, qu'il s'agisse d'agir à titre de gardiens de la paix ou d'aller dans les pays sous-développés. Nous n'annonçons pas que nous allons distribuer de l'argent sans le faire, comme le font parfois nos voisins du sud. Lorsque nous faisons une annonce, nous respectons nos promesses.
• 1520
Vous avez donné des arguments très probants. Je viens du sud
de l'Ontario. Mon comté est résolument urbain. Tout le monde dans
mon comté mange trois repas par jour. Nous avons beaucoup de
fermiers. Nous avons de petits cantons. Je parle de la région
Kitchener—Waterloo, pour ceux qui connaissent l'endroit. C'est un
style de vie, et j'accepte votre argument voulant qu'il y ait
beaucoup plus en jeu ici.
Nous retournons à l'OMC et nous leur expliquons que nous allons mettre fin aux subventions. Alors, on va où avec ça si on fait cet investissement maintenant?
Monsieur Rein, je pense que vous avez amené un élément vraiment important dans toute cette conversation, à savoir qu'il y a un problème immédiat et un problème à long terme. Lorsque vous parlez de valeur ajoutée, si dans sa sagesse le gouvernement arrive à éviter la crise, si le gouvernement arrive à résoudre ce problème, peu importe que ce soit avec l'aide de l'ACRA ou d'un autre mécanisme, où cela s'arrête-t-il? Où allons-nous? Si ces autres pays se joignent à l'organisation, allons-nous continuer à augmenter les subventions? Où cela va-t-il s'arrêter?
M. Ralph Rein: La question des subventions, que ce soit pour le blé, le charbon ou le bois, mène à un débat commercial international assez intéressant. Ayant moi-même travaillé avec Michael Wilson dans tout ce long processus, réunion après réunion à propos des politiques commerciales, de la possibilité d'éliminer les barrières entre les provinces, j'ai eu la chance de travailler avec certains des meilleurs du cabinet libéral, à discuter de subventions commerciales et de questions de distorsion du commerce.
Le fait est que cela s'arrêtera lorsque nous aurons obtenu des règles du jeu équitables et que les subventions commenceront à diminuer.
Nous devrions essayer de comprendre comment cela se passerait en Ontario. L'analogie que j'aime utiliser, parce que j'ai beaucoup d'amis qui travaillent dans l'industrie de l'automobile, est la suivante: que se passerait-il si demain une guerre commerciale éclatait et que les Européens disaient qu'ils allaient subventionner l'industrie de l'automobile, c'est-à-dire Mercedes-Benz, jusqu'à 50c. pour chaque dollar de revenu, et que les Américains répliquaient en disant qu'ils allaient égaler ces subventions et en donner autant? Est-ce que la réaction du gouvernement canadien serait de se demander s'il faut donner ou non une subvention à l'industrie automobile d'Oshawa? Pas un instant. Nous serions là. Je sais que nous le ferions parce qu'il le faudrait. Nous ne pourrions laisser tomber cette industrie.
Si IPSCO à Regina se faisait dire que les Américains ajoutent une taxe supplémentaire de 30 p. 100 sur l'importation d'acier aux États-Unis, une guerre commerciale éclaterait immédiatement avec les Américains afin de protéger notre industrie de l'acier.
Lorsque Bombardier a été traité injustement, sur un contrat au Brésil je crois, nous sommes intervenus. Nous sommes allés là-bas et leur avons dit «vous ne pouvez faire cela à une de nos entreprises parce que nous avons besoin de ces emplois». Nous avons fait ce que nous avions à faire, et je crois que nous avons bien fait.
Ce que nous ne pouvons comprendre, c'est que le Cabinet fédéral reste impassible quand nous arrivons avec des graphiques montrant comment nous ne sommes pas traités sur le même pied que n'importe quelle autre industrie.
Nous ne comprenons pas si c'est parce que nous présentons mal notre cause, parce que les gens ne la comprennent pas, ou si c'est parce qu'ils se fichent de nous. Un jeune fermier de Carlyle a simplement décidé, et j'espère qu'il se trompe, que le gouvernement fédéral lui avait laissé entendre qu'il n'avait pas besoin de lui.
Je viens de la Saskatchewan rurale, et quand nous allons à des pique-niques, à des barbecues ou à des soupers de fête, ou que nous allons dans les bars, beaucoup de fermiers et d'amis me regardent et disent: «Quand comprendrez-vous qu'ils s'en moquent? Quand cesserez-vous de vous frapper la tête contre les murs et comprendrez-vous que l'Ontario et le Québec se fichent pas mal de la Saskatchewan?».
C'est un point de vue partagé qui grandit à pas de géants et je souhaiterais que nous travaillions tous à nous en débarrasser, parce que je n'aime pas cette idée. J'aimerais essayer de les aider, d'abord, mais il y a aussi un autre point à l'ordre du jour, et il s'appelle le Canada.
Je voudrais donner un autre exemple. J'ai passé trois jours la semaine dernière à Fargo, dans le Dakota du Nord, avec 150 fermiers américains du Minnesota, du Dakota du Nord et du Dakota du Sud, 50 fermiers du Manitoba et 50 fermiers de la Saskatchewan. Certains de ces fermiers sont dans cette salle. Nous nous sommes divisés en petits groupes et avons discuté de certaines questions.
Il y a eu une longue discussion sur la manière dont les fermiers des États-Unis de la région des grandes plaines et du Canada sont simplement tenus à l'écart. On a beaucoup parlé de monnaie commune, et de ce que nous pourrions faire tous ensemble pour installer des usines, faire connaître nos produits, expédier vers le nord et vers le sud, et bâtir des routes. Il y avait beaucoup d'excitation dans l'air, parce qu'on a commencé à sentir que l'on pourrait avoir un plan d'action qui nous donnerait un certain contrôle de notre destinée.
J'aimerais que nous ayons ce même type de conversations stimulantes avec nos politiciens fédéraux afin de recréer cette excitation présente de nombreuses fois dans l'histoire de cette province, lorsque le chemin de fer a été bâti, lorsque nous avions une politique de transport nationale. Nous avons l'impression de ne plus avoir rien de tout ça aujourd'hui.
Le président: Merci, madame Redman.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones (Markham, PC): J'ai une question pour M. Baker.
Lorsque vous avez dit que votre récolte de blé était évaluée à 81 000 $US, quel était l'équivalent en dollars canadiens?
M. Andy Baker: Je suis désolé, je voulais dire 81 000 $CAN. Je croyais que c'est ce que j'avais dit.
M. Jim Jones: Très bien. Quel est l'équivalent de ce que vous obtenez du Canada?
M. Andy Baker: C'est ce que j'aurais obtenu. Je veux dire que ce que j'obtiens du Canada est maintenant compris dans mon prix, si on s'entend sur ces chiffres. C'est compris dans ce que j'obtiens maintenant.
M. Jim Jones: Donc, si on était aux États-Unis, vous auriez obtenu 81 000 $?
M. Andy Baker: Si je cultivais aux États-Unis, pour la même quantité de blé que je cultive sur ma ferme...
M. Jim Jones: Donc, qu'est-ce que ça vaut ici?
M. Dwain Lingenfelter: Si je peux clarifier ce qu'il dit, il a vendu sa récolte au Canada et a obtenu un certain montant. S'il avait pu vendre aux États-Unis et obtenir la subvention, il aurait eu 81 000 $ de plus.
M. Jim Jones: Je croyais que vous aviez voulu parler de ce que vous auriez obtenu si vous aviez cultivé votre blé aux États-Unis et l'aviez vendu.
M. Andy Baker: Non, je disais que si je prenais ma ferme telle qu'elle est aujourd'hui et que je la déménageais aux États-Unis, je recevrais ce chèque du gouvernement.
M. Jim Jones: Soit 81 000 $.
M. Andy Baker: Oui.
M. Jim Jones: Qu'obtenez-vous au Canada?
M. Andy Baker: Pour ma récolte?
M. Jim Jones: Oui, de la part du gouvernement. Est-ce 20 000 $? Qu'est-ce que ça vaut au Canada par rapport aux États-Unis?
M. Andy Baker: Tout ce que nous avons à faire c'est de prendre les chiffres utilisés sur cette feuille, 9 p. 100 au Canada et 38 p. 100 aux États-Unis. C'est de là que je tire mes chiffres. Donc, il vous faudrait ajouter un autre 9 p. 100, ou ce serait la différence entre le 9 p. 100 que j'obtiens ici et le 38 p. 100 qu'ils obtiennent aux États-Unis. Comprenez-vous comment j'ai obtenu ce résultat? J'ai pris la valeur totale de ma récolte ici et ajouté la différence, 27 p. 100 de plus, à cette valeur.
M. Jim Jones: J'essaie de comprendre. Si vous obtenez 81 000 $ aux États-Unis, vous obtiendriez 50 000 $...
M. Andy Baker: Non, je disais que j'obtiendrais 81 000 $ de plus aux États-Unis.
M. Jim Jones: De plus?
M. Andy Baker: Oui.
M. Jim Jones: Très bien.
Monsieur le ministre, vous avez dit, par exemple, que le lait bénéficiait d'une subvention de 24c., et que la volaille obtenait 4 cents. Est-ce versé par le gouvernement du Canada ou par les gouvernements du Québec et de l'Ontario?
M. Dwain Lingenfelter: Pour ce qui est du soutien agricole que nous avons ici, les chiffres proviennent de l'OCDE. Ce ne sont pas nos chiffres. Il s'agit de subventions qui sont évaluées et surveillées. Elles comprendraient tous les programmes dont bénéficient les fermiers.
Lorsque vous faites l'analyse par tête d'habitants—et je vous fournirai un tableau de la contribution des contribuables aux programmes agricoles provinciaux, parce qu'il s'agit là d'un autre tableau intéressant—nous avons de nombreux programmes en Saskatchewan, l'Ontario en a beaucoup et le Québec en a beaucoup. En Saskatchewan, par tête d'habitants, nos contribuables versent 300 $ par année pour les programmes agricoles. Donc, si on prend une famille de cinq personnes, trois enfants, le père et la mère, ces derniers verseraient 1 500 $ en taxes provinciales qui seraient dirigées vers ces fermiers. En Alberta, c'est 150 $ par tête d'habitants. Je crois qu'au Manitoba, c'est environ 150 $ par tête d'habitants. Puis ça diminue encore en Ontario et au Québec, où ils paient quelque chose comme environ 100 $ par tête d'habitants pour les programmes agricoles.
Donc prétendre que la Saskatchewan peut payer davantage et que nous devrions mettre plus d'argent dans ces programmes, c'est comme demander au gars qui meurt sur le bord de la route de se faire lui-même une transfusion de sang. Nous payons déjà le double des taxes de n'importe quelle autre province par tête d'habitants, parce que nous sommes une province agricole. Nous possédons 44 p. 100 de toutes les terres cultivées au pays. Nous exportons plus de 50 p. 100 de toutes les céréales exportées.
Donc, quand vous vous dites à vous-même que les règles du jeu ne sont pas équitables dans un certain secteur—c'est-à-dire les céréales d'exportation—et qu'en passant, 60 p. 100 de ces céréales proviennent d'une seule province et que cette province ne compte qu'un million d'habitants, et qu'il faudrait demander à ce million d'habitants de payer pour ce programme, ça ne fonctionne pas très bien.
M. Jim Jones: Monsieur le ministre, tout ce que j'essaie de savoir c'est si le 58 cents pour le lait est versé en guise de subvention par le gouvernement de l'Ontario ou par le gouvernement fédéral aux fermiers de l'Ontario.
M. Dwain Lingenfelter: La plupart de ces subventions sont le résultat d'offices de commercialisation, où les prix sont négociés et fixés. En tant que consommateur, ce n'est pas par vos taxes que vous contribuez à ces subventions, mais directement au comptoir par l'entremise de votre facture d'épicerie.
M. Jim Jones: Lorsque l'accord de libre-échange a été négocié, l'agriculture a-t-elle été à l'ordre du jour avec les États-Unis? Et sinon, pourquoi?
M. Andy Baker: Je ne l'ai pas ici, et je ne prétends pas connaître entièrement l'ALENA ou l'accord de libre-échange, même en ce qui a trait aux dernières négociations de l'Uruguay de l'OMC, mais ces sujets sont inclus dans ces deux accords commerciaux.
Il y a une chose que nos producteurs veulent savoir, en fait, et nous ont demandé de vérifier, c'est si oui ou non notre gouvernement fédéral a contesté, dans le cadre de l'accord de l'OMC et de l'ALENA, chaque clause dans laquelle les Américains ont investi leurs 22,5 milliards de dollars. Si notre gouvernement fédéral n'a rien contesté et que vous pouvez le prouver, ils vous demandent si vous avez un recours juridique pour remédier aux dommages financiers subis parce que notre gouvernement fédéral n'a rien remis en question?
Ce que vous devez également comprendre, c'est que ce regroupement d'associations professionnelles agricoles sait très exactement ce qu'il veut que nous fassions pour exercer des pressions sur le gouvernement fédéral, qui à son avis est insensible à certains enjeux commerciaux, parce que lorsque Bombardier a besoin d'appui, elle reçoit de l'aide et le gouvernement fédéral fait ce qu'il a à faire. Les associations ne disent pas que le gouvernement ne devrait pas aider Bombardier. Lorsque l'industrie automobile ou forestière, ou une autre, est traitée de façon injuste, le gouvernement fédéral en parle. Mais les associations demandent: Êtes-vous certains que le gouvernement fédéral fait tout ce qui est en son pouvoir en vertu des accords commerciaux pour protéger les producteurs de céréales de la Saskatchewan?
Nous avons entamé un processus d'examen des accords commerciaux. Des consultants ont été engagés pour découvrir si, à tous les niveaux de notre gouvernement fédéral et de notre ministère, il y a eu contestation dans le cadre de nos accords commerciaux. S'il n'y a pas eu contestation, je crois que c'est là un argument prouvant que des dommages financiers sont survenus parce que notre gouvernement fédéral n'a pas agi au nom des citoyens. Ce processus est donc en cours.
Une voix: Vous vous demandiez si l'agriculture était abordée dans l'ALENA. Ce que je sais à propos de l'ALENA, c'est que nous avons abandonné notre système de double prix du blé à cause de l'ALENA et que cet argent provenait des consommateurs.
Lorsqu'on se demande combien le producteur de l'Ontario obtient pour son lait comparativement au producteur américain, c'est pour démontrer qu'ils obtiennent la même chose et que, par conséquent, le producteur ontarien n'est pas dans un contexte concurrentiel qui avantage injustement le producteur américain. Voilà où nous mène cette question.
Dans notre cas, les États-Unis sont injustement subventionnés dans notre industrie. Peu importe que nos subventions soient ici et peu importe d'où elles viennent, les États-Unis sont injustement subventionnés comparativement à nous.
Une voix: J'aimerais formuler un commentaire. Selon moi, les Américains et le libre-échange, c'est comme le «dream team» au basketball. Lorsque cette équipe gagne 119 à 19, les Américains croient que c'est du vrai basketball, mais lorsque la partie est plus serrée, ils veulent changer les règles. Je crois que nous devons examiner de près nos accords avec les Américains. Si ce sont de véritables libres-échangistes, ils devraient alors être prêts à ouvrir leurs frontières selon les règles qu'ils appliquent eux-mêmes.
Une voix: À ce sujet, nous aussi nous voulons qu'ils jouent à règles égales, mais lorsque nous avons une certaine autorité ou sentons que nous devrions en avoir, ce n'est pas pour contrôler Washington ou Glickman, le secrétaire à l'agriculture, mais, croyez-moi, nous pensons que nous devrions avoir une certaine influence par l'entremise de nos politiciens et de notre gouvernement fédéral. Nous ne voulons pas, en tant que regroupement, blâmer les agriculteurs américains ou le gouvernement américain parce qu'il appuie ses agriculteurs. Ce que nous disons, aussi clairement et aussi distinctement que possible, c'est que nous espérons que notre gouvernement fédéral nous protège.
Le président: Merci.
Au nom du comité, je souhaite vous exprimer notre plus sincère gratitude pour vos excellentes interventions. Vous avez soulevé des questions très importantes. Par conséquent, nous sommes plus conscients des enjeux auxquels vous faites face. Cela nous servira beaucoup lorsque nous commencerons à rédiger notre rapport pour le ministre des Finances. Je suis certain que vos réflexions et vos idées seront reflétées dans ce rapport. Merci beaucoup.
Nous allons prendre une pause de 15 minutes.
Le président: Je vous souhaite à tous la bienvenue cet après-midi. Nous avons passé une journée très intéressante à Regina, au cours de laquelle nous avons entendu beaucoup d'excellents exposés sur les priorités pour le budget de 2000. Je suis persuadé que la séance de cet après-midi ne sera pas différente.
Sont avec nous des représentants de la Ville de Regina, de l'Association des syndicalistes retraités du Canada, de Community Action on Poverty, de Choices et de la Saskatchewan Chamber of Commerce.
Nous allons commencer par monsieur le maire Douglas Archer. Bienvenue.
M. Douglas R. Archer (maire de Regina): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bon après-midi, membres du comité. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue à Regina au nom des membres du conseil et des résidants de notre communauté.
Vous ne le savez peut-être pas, mais Regina est une zone métropolitaine d'un peu plus de 200 000 habitants et le foyer de plus de 6 400 compagnies. Notre communauté héberge également la législature provinciale, l'École de la Gendarmerie royale du Canada, son musée national, le cimetière national et le Saskatchewan Indian Federated College, le seul établissement collégial postsecondaire du monde appartenant à part entière à des Autochtones et contrôlé entièrement par eux.
En tant que maire de Regina depuis 11 ans, je connais et comprends pleinement les choix difficiles auxquels les élus sont confrontés pendant les délibérations touchant le budget. Je vais donc commencer dès maintenant mon exposé en raison des contraintes de temps.
• 1555
Nous savons tous que la loi exige que les municipalités
canadiennes fonctionnent avec un budget annuel équilibré.
Toutefois, lorsqu'il y a un manque à gagner, on doit choisir parmi
plusieurs demandes concurrentes à l'égard de l'entretien de
l'infrastructure. En termes simples, les infrastructures de
l'environnement et du transport sont en compétition et
l'insuffisance de fonds à long terme crée un déficit local dans une
infrastructure qui s'effrite.
À la ville de Regina, nous avons choisi d'accorder la priorité à l'infrastructure environnementale. Nous avons développé des réseaux d'aqueduc et d'égouts à la fine pointe de la technologie, dont le prix est établi à partir du coût complet et qui sont payés par les utilisateurs et non pas couverts par l'assiette de l'impôt. Comme nous sommes pratiquement la seule grande ville canadienne qui n'est pas située sur les rives d'un cours d'eau, la tâche a été plus difficile, mais cela nous a aussi obligés à faire la bonne chose.
Notre modèle de financement nous permet d'imputer des frais d'utilisation qui, en plus de couvrir les coûts d'exploitation, s'accumulent dans un fonds pour dépenses en capital qui permettra de payer de futurs agrandissements et améliorations. La table-ronde de la municipalité portant sur les gaz à effet de serre voit cet enjeu comme un objectif à long terme, mais a hésité à établir une échéance, ce qui donne à penser que de nombreuses municipalités ne sont pas prêtes à franchir cette étape importante et nécessaire, que pour notre part nous avons déjà franchie.
Voilà une partie des bonnes nouvelles. La mauvaise nouvelle est que, comme toutes les autres municipalités, nous n'avons pas été en mesure de financer tous les travaux de renouvellement de l'infrastructure. Alors que nous avons financé des projets respectueux de l'environnement, nous n'avons pas pu satisfaire à toutes nos obligations en matière de transport. Le programme Travaux d'infrastructure Canada, qui vient d'être complété, a été un véritable cadeau du ciel, car il nous a aidés d'une façon significative et tangible. Nous avons été capables d'accroître notre propre investissement dans les infrastructures routières à un niveau annuel de sept millions de dollars. Il faut cependant comparer ce chiffre à l'exigence annuelle estimée à 13 millions de dollars.
La vérité pure et simple est que la ville de Regina et d'autres municipalités ne peuvent soutenir leurs infrastructures sans un soutien financier à long terme des gouvernements fédéral et provincial. C'est pourquoi les municipalités d'un bout à l'autre du pays demandent au gouvernement fédéral de lancer un programme d'infrastructure axé sur la qualité de vie.
Je ne surestime pas l'importance du précédent programme d'infrastructure du gouvernement pour notre communauté. Nous avons reçu environ 10 millions de dollars des gouvernements fédéral et provincial, qui ont permis à la ville d'améliorer ses routes, ses systèmes de parcs et ses installations, ainsi que de planter des arbres. Je peux vous dire qu'à chaque occasion, nous avons été plus qu'heureux de reconnaître pleinement les mérites du gouvernement fédéral pour chaque dollar qu'il avait versé. Je crois fermement qu'un tel partenariat permet de reconnaître les mérites de chacun.
Ce programme a bénéficié aux communautés urbaines et rurales de tout le pays. Pour nombre de petites municipalités, ce programme établit une véritable unité parce que, dans beaucoup de cas, c'est la seule chance qu'elles ont de se consacrer à leurs propres priorités locales dans le cadre d'un partenariat avec les gouvernements fédéral et provincial.
Comme le temps file, je vais expliquer brièvement pourquoi trois domaines sont importants pour nous.
Premièrement, l'infrastructure environnementale. Comme je l'ai déjà mentionné, Regina a choisi de s'attaquer d'elle-même à ses problèmes environnementaux. Nous avons donné la priorité à des mesures qui sont efficaces au niveau économique, en plus de présenter des avantages du point de vue environnemental, dont je vais citer quelques exemples.
Nous avons préparé un rapport pilote sur les prochaines étapes à l'égard des émissions de CO2 qui décrit en détail les mesures que nous pouvons prendre pour protéger l'atmosphère. Nous avons mis sur pied un programme pluriannuel pour convertir les lampadaires de rue à la vapeur de sodium à haute pression, qui a réduit les émissions de la ville de 4 p. 100. Nous avons mis en oeuvre des programmes de carburants de remplacement pour les véhicules et autobus urbains appartenant à la ville et avons effectué des essais avec de l'éthanol, du propane et du gaz naturel. À ce jour, 90 véhicules de la ville ont été convertis au gaz naturel, et ce n'est qu'un début.
Nous avons adopté des mesures d'efficacité pour les réseaux d'aqueduc et les systèmes de traitement des eaux usées, qui ont réduit les émissions de 4 p. 100. Nous avons apporté des changements au réseau d'aqueduc, qui ont diminué les émissions d'encore 3 p. 100. Plus récemment, nous avons commencé à améliorer le rendement énergétique de sept édifices municipaux, à un coût de 2,5 millions de dollars. Les réductions de coûts sont estimées à 400 000 $ par année et les émissions seront coupées d'encore 4 p. 100.
Nous croyons que nous sommes des chefs de file au Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre et nous sommes prêts à poursuivre sur la voie de l'amélioration continue.
Pour ce qui est de l'infrastructure du transport, la ville de Regina ne peut subvenir à ses besoins en infrastructure de base. Sur nos 860 kilomètres de routes pavées, ce qui équivaut à peu près à la distance entre ici et Calgary, 26 p. 100 sont en mauvais ou très mauvais état.
• 1600
Les résidants de Regina se soucient du mauvais état des
routes. Dans les sondages d'opinion publique, ils disent toujours
que l'amélioration de l'entretien des routes est la priorité numéro
un de la ville.
Le manque de financement pour le renouvellement de l'infrastructure n'est pas un problème pour notre seule communauté. Des sondages nationaux montrent que c'est un problème pour des communautés de tout le Canada, un problème qui engendre d'importantes conséquences pour le gouvernement fédéral. Comme le dit le rapport de 1996 sur l'état de l'infrastructure municipale au Canada préparé par l'université McGill et la Fédération canadienne des municipalités, «si le Canada veut soutenir la concurrence sur les marchés internationaux, un renouvellement de l'infrastructure est nécessaire».
Toute nouvelle initiative fédérale doit permettre aux municipalités d'investir dans l'infrastructure de base. Aucune municipalité du pays ne peut projeter d'élargir les services existants ou de lancer de nouveaux programmes avant que ses besoins en financement pour l'infrastructure de base ne soient comblés.
Des améliorations au transport en commun sont également urgentes, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de protéger l'atmosphère. Mais le transport en commun est un autre secteur dans lequel nous avons été obligés de réduire les coûts et les services.
Pour ce qui est de l'infrastructure sociale, le manque de logements à prix abordable et le problème de l'itinérance dans les grandes municipalités ont eu pour résultat d'épouvantables injustices et préjudices pour des résidants de nombreuses communautés canadiennes. De toute évidence, un niveau élémentaire de justice économique est un droit aussi fondamental dans la société canadienne que notre Charte des droits et libertés.
Des mécanismes novateurs sont nécessaires pour encourager le secteur privé à offrir du financement pour la construction de logements destinés aux personnes à faible revenu. C'est probablement la mesure la plus cruciale à prendre dans ce domaine. Un grand nombre de propositions ont déjà été présentées par d'autres et les États-Unis ont une vaste expérience en cette matière, donc je ne m'étendrai pas là-dessus.
Je demande avec insistance aux membres du Comité permanent des finances d'adopter, dans le budget du nouveau millénaire, des programmes et des activités qui visent à soutenir le renouvellement de l'infrastructure. Je suggère en toute modestie que ces mesures budgétaires devraient donner aux administrations locales le choix et la souplesse nécessaires pour qu'elles puissent mettre en oeuvre l'option convenant à leurs priorités. Je souhaite recommander brièvement deux propositions touchant le budget, que vous voudrez peut-être examiner.
Un investissement dans la conservation de l'énergie et la protection de l'environnement est essentiel dans le budget du nouveau millénaire. Par habitant, le Canada arrive au deuxième rang mondial pour ce qui est des émissions de dioxyde de carbone. Il arrive également au deuxième rang en matière de production de déchets solides. Comme le Canada doit réduire ses émissions totales de gaz à effet de serre de plus de 180 millions de tonnes d'ici 2012 pour respecter ses engagements internationaux, des mesures doivent être prises au cours de cette année budgétaire.
Le conseil municipal de Regina croit que les municipalités et les autres niveaux de gouvernement peuvent et doivent montrer l'exemple en matière de réduction des émissions de dioxyde de carbone et de protection de l'atmosphère. Comme je l'ai dit plus tôt, notre ville a déjà pris un certain nombre de mesures internes qui ont réduit ou réduiront les émissions de dioxyde de carbone de 16 p. 100. Comme l'objectif est de 20 p. 100, nous avons fait un bon bout de chemin. Nous avons atteint 80 p. 100 de notre objectif.
Je veux dire par là qu'une option de financement pour l'infrastructure du transport devrait être offerte aux municipalités qui ont déjà démontré leur engagement envers l'environnement. Dans le cas de Regina et d'autres villes, peut-être, il faut maintenant équilibrer le renouvellement de l'infrastructure au moyen d'engagements sérieux envers le transport, l'amélioration des routes et le transport en commun. Nous ne serons tout simplement pas en mesure de participer à un programme d'infrastructure environnementale s'il s'agit d'une stratégie à sens unique. Nous avons déjà investi des capitaux dans l'environnement et obtenu un succès éprouvé, et nous devons maintenant nous attaquer au transport. Nous ne devrions pas être pénalisés parce que nous avons déjà fait ce que les gouvernements nationaux nous avaient demandé de faire.
En terminant, je souhaite remercier les membres du comité d'avoir inclus Regina dans leur itinéraire très chargé à travers le Canada. Je sais que vous avez eu une matinée bien remplie et que la journée se poursuivra de la même façon, et je suis heureux d'avoir eu la chance de vous parler au nom de la ville de Regina.
Le président: Merci, monsieur le maire. Nous avons grandement apprécié votre exposé.
M. Douglas Archer: Si vous le permettez, je vais aborder le sujet sous un autre angle, puisque je suis le président de la Trans-Canada #1 West Association.
Le président: Bien sûr. Allez-y.
M. Douglas Archer: D'accord. J'ai abrégé quelque peu cet exposé également, toujours en raison de la contrainte de temps.
Le président: Pour que ce soit bien clair pour tous, le maire parle maintenant au nom de la Trans-Canada #1 West Association, dont le témoignage est prévu pour la séance de 15 heures.
Allez-y.
M. Douglas Archer (président, Trans-Canada #1 West Association): Nous comprenons, en tant que membres de la Trans-Canada #1 West Association, que l'un des thèmes des audiences prébudgétaires est la productivité. Nous croyons que la détérioration de nos routes a un impact négatif sur la productivité du Canada, et plus particulièrement de l'ouest du Canada. Nous souhaitons remédier à l'état lamentable de la principale route du Canada, la route transcanadienne no 1.
Nous représentons les municipalités, les associations et les entreprises s'intéressant à la route transcanadienne no 1 et au bien-être économique des communautés vivant le long de cette route. L'un de nos objectifs est d'avoir une route transcanadienne élargie et améliorée entre l'Ontario et la Colombie-Britannique.
Les Prairies sont reconnues pour leurs vastes distances. Les routes sont le lien entre les communautés des Prairies et sont essentielles au transport des gens et des marchandises. Qu'il s'agisse de matières premières, de produits transformés ou de produits manufacturés, la région utilise la route transcanadienne pour son bien-être économique. Ce n'est pas seulement une route régionale ou locale. La route transcanadienne est notre seul lien routier avec l'économie nationale.
Comme le débit de circulation augmente, la route transcanadienne pourrait devenir moins sécuritaire dans les sections détériorées et non élargies. Si la route transcanadienne vient à être connue comme étant une route dangereuse, la circulation touristique et commerciale pourra rechercher des routes de rechange, vraisemblablement sur le réseau routier américain. Nous avons déjà été témoin de cela lorsque des véhicules commerciaux et privés se sont mis à passer par Niagara Falls, Windsor et Sault Ste. Marie plutôt que d'utiliser la route transcanadienne.
Les provinces des Prairies investissent dans la route transcanadienne. L'Alberta a élargi sa portion de la transcanadienne, à l'exception de la partie la plus à l'ouest du parc national de Banff. Le Manitoba va élargir de petites sections dans l'est et l'ouest de la province. Toutefois, en Saskatchewan, plus de 240 kilomètres doivent encore être élargis.
Avant le récent élargissement de 27 kilomètres, les derniers élargissements remontaient aux années 70 et 80. Depuis ce temps, le transport dans le sud des Prairies a énormément changé en raison du déclin du système de transport des céréales et de l'élimination du service ferroviaire pour passagers.
Le gouvernement de la Saskatchewan a annoncé un plan visant à élargir la transcanadienne sur 15 ans. Le Manitoba n'a pas précisé d'échéance pour l'achèvement de l'élargissement. Cette échéance et cette absence d'échéance sont vraiment inacceptables compte tenu du débit de circulation croissant, de l'augmentation du tourisme interne et international et de la diversification continue de l'économie des Prairies. Nous croyons que la tendance à détourner la circulation vers les routes américaines aura pour résultat des changements fondamentaux et irréversibles dans l'itinéraire de la circulation commerciale et récréative.
On a beaucoup parlé de nos routes vétustes et en décrépitude. L'état lamentable de nos routes n'est pas simplement un inconvénient. Pour les Canadiens, cette situation se traduit par des pertes de vies, des coûts plus élevés, une productivité amoindrie et même de la pollution superflue. Elle nuit à notre compétitivité en tant que pays. Il est maintenant temps d'agir pour le gouvernement.
Notre association croit que le système actuel d'accords bilatéraux sur les routes a engendré une distribution injuste des subventions fédérales et une approche décousue. Cette année, aucune province à l'ouest du Québec n'a reçu d'appui fédéral pour les routes, alors que la plus grande partie des routes nationales se trouvent en Ontario et dans les quatre provinces de l'Ouest.
Les accords de financement bilatéraux ont bien tenu compte des changements dans le réseau de transport, plus particulièrement dans les provinces maritimes. Cependant, aucun ajustement comparable n'a eu lieu lorsque le service ferroviaire national pour passagers a été éliminé dans le sud des Prairies, ni récemment lorsque la voie ferrée a été abandonnée. Ce qu'il nous faut, en tant que pays, c'est une stratégie nationale touchant les routes.
Aucun Canadien ne souhaite emprunter des routes qui ne sont pas sécuritaires, et je suis certain que c'est le cas de tous les membres du comité ici présents. Aucune entreprise n'est intéressée par des routes en désuétude qui accroissent les coûts et réduisent la productivité. Pour un vaste pays qui dépend beaucoup des exportations, des routes en mauvais état ne sont pas une option acceptable.
Un programme de quatre milliards de dollars sur cinq ans est une proposition raisonnable de partage des coûts avec les ressources provinciales. L'investissement fédéral ne représenterait qu'une petite portion des 25 milliards de dollars prévus en taxes sur le carburant qui seront perçues pendant cette même période de cinq ans.
En 1997, le Comité permanent des transports de la Chambre des communes a conclu, et je cite:
-
Un réseau routier efficace et compétitif est l'une des exigences
fondamentales d'une saine économie. On a démontré, hors de tout
doute, à quel point un système de transport routier sécuritaire et
compétitif est important pour le commerce et le tourisme.
Mais le Canada est l'un des seuls pays de l'ouest n'ayant pas de programme national sur les routes.
• 1610
De toute évidence, le réseau routier aux États-Unis est perçu
comme un outil économique. L'administration fédérale américaine
investira 217 milliards de dollars dans le domaine des transports
au cours des cinq prochaines années et, de ce montant, 175
milliards de dollars seront consacrés uniquement à la réfection du
réseau routier.
Quelles seront les répercussions pour le Canada? Qu'il s'agisse du transport de marchandises aux États-Unis ou des gens qui parcourent le continent américain, tous les utilisateurs du réseau routier américain y voient des avantages en termes de temps et de frais. Mais pour le Canada, cela se traduit par la perte de recettes touristiques et un manque à gagner dans les secteurs industriel et commercial, et que, même nos plus grands centres urbains font davantage fonction de villes périphériques d'un système à la remorque des États-Unis plutôt que de plaque tournante de l'activité économique générée par un réseau routier nord-américain. Si l'administration fédérale du Canada ne dégage pas des fonds pour améliorer notre réseau routier, le Canada ne disposera même pas d'autoroutes à quatre voies reliant le pays d'est en ouest et du nord au sud. Et que dire des effets préjudiciables sur les emplois et sur le bien-être économique de notre nation qu'entraînera le manque de financement du réseau routier national?
On prétend que le meilleur moment pour planter un arbre, c'était il y a 30 ans et que l'autre moment le meilleur serait maintenant. Les Canadiens n'ont pas les moyens de voir la productivité de leur nation décliner en raison de la dégradation de son réseau routier. C'est pourquoi il nous faut adopter maintenant un programme stratégique d'amélioration du réseau routier national.
Je vous remercie de nouveau de votre attention.
Le président: Merci beaucoup. Bon. Alors, je crois que c'est au tour de M. Archer, n'est-ce pas? Alors, à vous la parole.
M. Douglas Archer: Exact. En ce qui me concerne, j'ai un tout autre sujet de préoccupation.
Mme Joan Johannson (Action communautaire pour lutter contre la pauvreté): Je vous prie de m'excuser, monsieur, mais je dois partir à 14 h 30 pour mon vol de retour. Alors, auriez-vous l'obligeance de me laisser prendre la parole maintenant?
Le président: Je pense que tout est possible, je veux dire, allez-y.
Mme Joan Johannson: J'ai été en quelque sorte parachutée ici afin de défendre les intérêts de «Community Action for Poverty», un groupe d'action communautaire de lutte contre la pauvreté. Donc, je vous prie de bien vouloir m'excuser de prendre la parole ainsi, mais je dois m'en aller sans tarder après mon exposé.
Ce matin, j'ai parlé d'une glace sans tain à travers laquelle nous pouvons vous voir, mais vous ne pouvez pas nous voir. Cet après-midi, je veux vous parler de quelques-unes des personnes qui se trouvent derrière ce miroir et de ce qui les préoccupe. Des gens qui souffrent et des gens qui luttent désespérément avec, comme seul moyen, d'infimes ressources pour soulager leur souffrance.
La semaine dernière, je me trouvais à une réunion de «Community Action for Poverty». Il s'agit d'un mouvement de soutien et d'entraide qui représente près de 30 organismes et groupes communautaires. J'ai demandé aux personnes présentes à la réunion ce qu'elles voulaient que je dise au Comité [permanent] des finances. Et bien, le nombre de questions soulevées était en fait une répétition incessante de problèmes attribuables à la destruction des mesures de protection sociale.
En début de liste se trouve la sécurité du revenu et le logement, suivis de questions telles que la garde d'enfants, les soins infirmiers à domicile et le régime d'assurance-santé. Certains ont exprimé avec insistance leurs préoccupations à l'égard de la population autochtone. Nous n'avons pas présumé parler au nom des Autochtones, mais uniquement souhaité montrer que nous partageons leurs préoccupations et que nous sommes solidaires.
Le Comité [permanent] des finances s'est dit préoccupé par cinq enjeux, en commençant par la préparation du budget. Je suppose que le fait que je sois ici devant vous plutôt que ces trente personnes à la réunion révèle l'illogisme de la situation. Chacune de ces personnes présentes à cette réunion voulait proposer au Comité un thème de réflexion qui lui tenait particulièrement à coeur, mais nous nous sommes rendu compte que personne n'était au courant de la réunion. Or, même si elles avaient été informées suffisamment à l'avance de la tenue de la réunion en question, la plupart d'entre elles n'auraient pas pu venir à Regina pour y assister.
Chacune de ces trente personnes s'était fixé un objectif concernant la préparation du budget et, croyez-moi, aucun de ces objectifs ne s'appliquait à la réduction de la dette publique. Leurs objectifs portaient notamment sur la création d'une collectivité saine où chaque Canadien serait en mesure de satisfaire à ses besoins essentiels.
En deuxième lieu, il a été question de la réforme fiscale et de l'allégement des impôts. Au cours des années, j'ai entendu de nombreux spécialistes se prononcer sur des réformes possibles du régime fiscal, fussent-elles celles proposées par Neil Brooks d'Osgoode Hall Law School ou celles que l'on retrouve dans l'alternative budgétaire du groupe «Choices'», dont vous devriez bientôt entendre parler, je présume. On y fait état d'amples suggestions sur la manière d'améliorer l'équité du régime fiscal.
On ne devrait jamais se poser comme question «comment», on devrait au contraire toujours se demander «qui» ou, plus exactement, dans quelles mains se concentre la richesse au pays. Est-ce une mère d'enfants d'âge préscolaire qui assume les responsabilités les plus importantes ou si c'est plutôt un spéculateur de jour qui jouit des avantages qu'il tire d'une société influente? Ce n'est que lorsque nous aurons répondu à ces questions que nous pourrons commencer à poser les questions du comment. Malheureusement, je pense déjà connaître les réponses de ce gouvernement-ci qui se trouvent dans les budgets précédents.
• 1615
Troisièmement, il a été question de l'infrastructure sociale.
Tous, y compris les Nations Unies, savent bien que l'infrastructure
sociale du Canada a été détruite. Qu'il s'en trouve encore qui se
demandent quoi faire avec le surplus me stupéfait!
Citation d'un discours des Nations Unies en 1998:
-
Le Comité recommande que l'État partie
...c'est-à-dire le Canada...
-
envisage de rétablir un programme national qui, d'une part,
comportera des transferts de fonds spécifiques pour les besoins de
l'aide sociale et des services sociaux et qui, d'autre part,
inclura des droits universels
...et là je souligne droits universels...
-
et de normes nationales. Le programme comporterait un droit
d'application imposé par la loi pour assurer la prestation d'une
aide financière suffisante aux personnes qui en ont besoin, un
droit de choisir le travail de son choix, le droit d'en appeler et
un droit de passer en toute liberté d'un emploi à un autre.
Et cette déclaration n'aborde même pas le problème du vol de l'argent des chômeurs pris à même la caisse du Régime d'assurance-emploi.
Il y a deux autres décisions immorales dont il faut traiter. La caisse du Régime d'assurance-emploi est là pour aider financièrement les chômeurs, et les prestations pour enfants doivent être versées à chaque enfant. Alors, je vous en prie, revenons-en aux principes qui avaient guidé la création du programme d'allocations familiales, non pas aux principes qui prévalaient au XIXe siècle, alors que les familles étaient identifiées comme méritantes ou non méritantes.
Dimanche dernier, j'ai entendu la ministre du Développement des ressources humaines du Canada déclarer, aux bulletins de nouvelles de la CBC, qu'il nous fallait créer une structure sur laquelle pourraient prendre appui nos enfants et nos familles, à l'instar de ce que nous avons fait pour les aînés. Nous savons comment soulager les gens de leur misère. Zut! Nous l'avons fait. Donc, la vraie question, c'est de savoir si le gouvernement entend mettre sur pied cette structure à l'intention de nos enfants.
Parlons maintenant de la nouvelle économie qui signifie que les gens doivent travailler de plus en plus fort pour de moins en moins d'argent. La nouvelle économie, ça signifie qu'il y a de plus en plus de personnes qui vivent en dehors de la structure économique, mais qui regardent de l'extérieur ce qui se passe à l'intérieur de cette structure. Qui va assurer la protection du Canadien moyen dans cette nouvelle économie? Est-ce le gouvernement conçoit même ce rôle de protecteur comme étant le sien?
Auparavant, les églises et le mouvement ouvrier parlaient au nom du peuple et demandaient leur protection aux gouvernements qui donnaient suite à leurs demandes. C'est là la genèse de ces programmes. De nos jours, le gouvernement semble croire que son rôle consiste à s'en remettre à la main invisible du capitalisme, dont il s'attend à ce qu'elle fasse des miracles. Laissez-moi vous dire que cette main invisible tient un aspirateur dont le pouvoir de succion est tel que toute la richesse s'accumule vers le haut. Le gouvernement pratique l'attentisme et s'exclame que «ce n'est pas mon problème».
Vient ensuite la productivité. La croissance économique et la productivité accrue signifient que les riches s'enrichissent et que les pauvres s'appauvrissent. La croissance économique et la productivité accrue risquent d'entraîner la destruction de la planète. À l'instar des gens qui se trouvent derrière la glace, c'est-à-dire qui vivent en marge de la société, les idées et les concepts qui ne cadrent pas avec votre univers subissent le même sort.
Notre seul espoir consiste à avoir le courage d'envisager l'adoption d'autres concepts, d'autres modèles ou d'autres paradigmes, comme certains diraient, qui se démarqueront par leur hardiesse. Nous devons adopter des concepts qui favorisent la collectivité, qui incluent tous les citoyens, des concepts qui englobent une notion comme celle du bien commun et appliquer cette notion de bien commun à l'ensemble de la planète.
En dernier lieu, j'ai espoir qu'il subsiste un lien quelconque entre votre univers et le mien. J'ai espoir que nous parvenions à partager des aspirations communes, et que tous les Canadiens puissent, tant bien que mal, éprouver un sentiment d'appartenance envers le même pays.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, madame Johannson. Si vous êtes maintenant sur le point de partir, je vous souhaite un très bon voyage. Vous repartez?
Mme Joan Johannson: Oui, je pars dans dix minutes. Y a-t-il des questions avant mon départ?
Le président: Des questions? Monsieur Nystrom, peut-être avez-vous une question à poser?
M. Lorne Nystrom: D'une manière générale uniquement. Le secteur de Regina que je représente englobe le coeur, le noyau central de la ville. Nous faisons face à une foule de problèmes qui touchent les familles monoparentales et la pauvreté. Nous avons au centre-ville une banque d'alimentation et de nombreux Autochtones. Je suppose que cette situation au centre-ville de Winnipeg est très représentative de ce que vous voyez ailleurs au Manitoba.
Je me demande en fait s'il y a un programme en particulier que vous pourriez nous suggérer de recommander au ministre des Finances, un programme qui pourrait venir en aide à celles et à ceux qui vivent au centre de la ville. Vous avez mentionné un certain nombre de choses. Y a-t-il quelque chose qui serait d'abord la priorité principale, puis ce qui viendrait en deuxième lieu?
Mme Joan Johannson: Il faudrait d'abord rendre aux chômeurs l'argent prélevé dans la caisse du Régime d'assurance-emploi. Comme je l'ai dit ce matin, c'est aux chômeurs qu'il faut rendre cet argent dont ils ont besoin, ce n'est pas à l'État d'en profiter; cet argent appartient aux chômeurs, ce n'est pas le vôtre. Ce qui se produit, c'est que seuls 40 p. 100 des chômeurs reçoivent des prestations d'assurance-emploi, de sorte que le reste doit recourir à l'aide sociale pour subsister. Cette aide financière ne suffit toutefois pas à assurer la subsistance de quiconque en dépend. Donc, ces personnes doivent compter sur les banques d'alimentation pour pouvoir se nourrir.
Même une réalité tout simple au sujet des prestations pour enfants... Pourquoi avons-nous décidé que certains enfants et certaines famille, plutôt que d'autres, recevraient des prestations? Pouvez-vous dire à un enfant dans une famille: «Je suis désolée, mais ta maman et ton papa ne satisfont pas aux paramètres du programme qui permettent de déterminer l'admissibilité, donc pas d'argent pour vous»?
À l'époque où j'étais de la classe moyenne et pauvre et que j'élevais mes enfants, je recevais chaque mois par la poste un chèque d'allocations familiales. Personne ne venait frapper à ma porte pour me demander ce que je faisais, si je travaillais, si j'étais une bonne ou une mauvaise personne. Non, rien de cela; l'argent que je recevais, c'était pour mes enfants. Par conséquent, le rétablissement des prestations d'assurance-emploi aux chômeurs et le versement de prestations pour enfants aux enfants représentent mes deux priorités. Leur application permettrait de retrouver un peu de l'équilibre perdu en matière d'équité.
Le président: Madame Leung, très rapidement, je vous prie.
Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, lib.): Je tiens simplement à dire que la plupart d'entre nous ici comprenons ce que vous essayez de dire. Je suis de Vancouver et je travaille de très près avec des gens qui vivent dans la pauvreté, et j'oeuvre également dans le secteur est du centre-ville. Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression que nous vivons dans un monde à part. Au contraire, nous sommes ici afin de parler au nom de toutes celles et tous ceux que nous représentons.
Avant votre départ, je voudrais juste vous assurer de notre collaboration et que cette pensée vous accompagne en partant. Nous avons tous comme objectif de faire du Canada un endroit meilleur pour nos enfants.
Je vous remercie.
Mme Joan Johannson: Merci. J'espère que nous pourrons travailler ensemble, car c'est mon rêve que nous parvenions à collaborer.
Le président: Maintenant, revenons-en à l'horaire prévu. La parole est maintenant à M. Al Cerilli de l'Association des syndicalistes retraités du Canada.
M. Al Cerilli (chargé de mission pour le Conseil d'administration, Association des syndicalistes retraités du Canada): Merci, monsieur le président. Je tiens certainement à vous remercier de nous permettre d'assister à cette réunion-ci. Nous devons admettre, cependant, notre déception, parce que vous ne vous êtes pas arrêté au Manitoba. Au nom des 500 000 syndicalistes retraités que je représente de partout au Canada, j'en connais qui auraient bien aimé également vous parler.
Je vais donc consacrer cet exposé au thème de la famille traditionnelle, aux parents, aux grands-parents et à leurs petits-enfants, étant donné que le futur semble de moins en moins prometteur, comme vous pourrez en juger par nos propos.
Lors d'un exposé précédent devant les membres du Comité, l'Association vous avait demandé d'ordonner à l'administration fédérale d'établir les jalons d'une nouvelle orientation pour le Canada. Nous cherchions ainsi à engager la participation de tous les Canadiens pour assurer la protection de leur avenir à toutes les générations, surtout en cette Année internationale des personnes âgées, comme suite à la déclaration des Nations Unies. Aujourd'hui, c'est la date anniversaire de l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que de notre engagement à cet égard. Lorsque l'on m'a demandé de venir à Regina, je crois que c'était le moment idéal. C'est ainsi du moins que j'explique mon engagement à défendre la cause des enfants. Puissions-nous tirer quelque chose des cinq thèmes dont vous avez parlé en étendant leur portée jusqu'à la réalisation complète de leurs objectifs.
Un certain nombre de facteurs nous revenait constamment à l'esprit, nous les membres de l'Association des syndicalistes retraités du Canada, tandis que nous nous préparions à venir faire notre exposé pour démontrer que l'image du bonheur qu'affiche l'administration fédérale ne se reflète pas nécessairement dans la population. En fait, les choses sont pires pour ceux qui essaient d'économiser de peine et de misère avec un niveau de revenu qui se situe au-dessous ou tout juste au-dessus du seuil de la pauvreté. Nous craignons que la détérioration des conditions de vie de ces Canadiens et de leurs familles, en particulier les enfants, les confinera dans un état de pauvreté pendant des générations à venir. C'est pourquoi il nous faut agir sans délai.
Lors de l'avant-dernière réunion du Comité, nous avions invoqué le fait qu'il y a de moins en moins de personnes qui prennent part au régime de pensions de leur employeur. En fait, le taux de participation qui était de 45 p. 100 en 1993 est maintenant de 42 p. 100, ce qui va nous nuire, puisque les gens ne versent pas de cotisations au régime de pensions et que les travailleurs à temps partiel ne paient pas leur pleine part des cotisations au Régime de pensions du Canada. Voilà un sérieux problème qui nous laisse très inquiets face à l'avenir, car nous nous demandons où cela va nous entraîner.
• 1625
Depuis que l'administration fédérale s'efforce de démanteler
le gouvernement central fort et qu'elle cède secteur de compétence
après secteur de compétence aux administrations des provinces et
des territoires, le nombre de personnes pauvres ne cesse
d'augmenter autant chez les enfants, que chez les adultes et les
personnes âgées. Les chiffres sont renversants, et nous révèlent
qu'il existe plus de 500 banques alimentaires dans tout le Canada.
C'est une honte.
Le rapport publié par le Conseil national du bien-être social au printemps de 1998 décrit le profil de la pauvreté en 1996, en voici les faits saillants énumérés à la page 10:
-
L'une des statistiques sur la pauvreté publiées par Statistique
Canada porte sur le nombre de personnes pauvres ainsi que sur le
taux de pauvreté des personnes à titre individuel... En 1980, le
nombre de personnes vivant dans la pauvreté se situait légèrement
au-dessus de 3,6 millions... Plutôt que de s'améliorer, à la fin de
la récession... le taux de pauvreté a continué son ascension... En
1996, le nombre de personnes pauvres atteignait presque
5,2 millions et le taux de pauvreté se situait à 17,6 p. 100...
-
La pauvreté chez les enfants a culminé en 1984 après la récession
de 1980-1981 et a reculé durant le reste de la décennie. Après la
récession de 1990-1991, la tendance a semblé marquer une forte
remontée. En 1996, le nombre d'enfants pauvres était à son plus
haut niveau en 17 ans et atteignait près de 1,5 million d'enfants
[...]
... Dans notre dernier exposé, nous avons déclaré que ce chiffre était de 1,4 million, mais il s'agit du chiffre révisé que nous avons obtenu auprès de divers groupes, y compris Statistique Canada...
-
[...] et le taux de pauvreté se situait à 20,9 p. 100, soit le
taux le plus élevé en 17 ans [...]
-
Les pensions de retraite se sont améliorées [...] le nombre de
personnes âgées a chuté [...] depuis que les premières statistiques
sur la pauvreté ont été publiées au Canada en 1969 [...] Le nombre
de personnes âgées a chuté de 731 000 en 1980 à environ 655 000 en
1996.
Est-ce que vous réalisez la situation? Il y a toujours 655 000 personnes âgées qui vivent dans la pauvreté.
L'ASRC est d'opinion qu'à moins que l'on élimine le cycle de la pauvreté dans un délai raisonnable, une autre génération d'enfants sera perdue. Durant notre exposé devant le comité, le 21 octobre 1998 à Winnipeg, nous avons insisté sur le fait que les emplois au salaire minimum et à faible salaire, qu'ils soient à temps plein ou à temps partiel, n'aident en rien les 5,2 millions de membres de famille pauvre à améliorer leur revenu familial de toute provenance. Des emplois bien rémunérés et assortis d'avantages sociaux sont l'objectif à viser pour améliorer la santé des Canadiens et pour améliorer également la santé de l'économie, ce qui profitera à tous les Canadiens et contribuera à atténuer la tension mentale que les familles connaissent actuellement au sujet de l'incertitude liée à l'emploi.
Il y a quelques réunions de cela, j'ai mentionné que 47 p. 100 des Canadiens subissaient une tension mentale causée par les pressions qu'on leur imposait. Ce pourcentage a encore augmenté, monsieur le président. C'est vraiment malheureux.
Sur la population estimée à 3,6 millions de personnes âgées, les 655 000 personnes qui vivent actuellement dans la pauvreté pourraient voir leur situation s'améliorer si l'on augmentait le supplément de revenu garanti, le SRG de la Sécurité de la vieillesse en a) élevant le maximum du SRG par un ajout immédiat de 10 p. 100 simplement pour leur permettre d'effectuer un certain rattrapage qui serait suivi d'un autre 5 p. 100 au cours des deux prochaines années et b) en exemptant le premier 2 000 $ de revenu d'une autre source des calculs. Parce que cela réduit les prestations de SRG. Ensuite, on pourrait modifier le taux actuel de réduction du premier dollar pour les autres revenus jusqu'au dernier dollar. Vous trouverez une annexe à notre mémoire qui décrit ce projet.
J'aimerais ajouter que lors de nos exposés antérieurs, nous avons mentionné la reptation des tranches d'imposition et le régime fiscal équitable. Je pense que ces questions sont toujours d'actualité.
Notre mémoire comporte une autre annexe qui parle de la discrimination à l'égard des femmes divorcées ou séparées qui sont âgées de 60 à 64 ans et qui ne reçoivent pas d'indemnité de survivant. C'est un secteur que le comité devrait étudier. L'annexe jointe à notre mémoire est également de la plume de Murray Smith.
Les personnes âgées ont toujours un rôle à jouer dans la société qu'elles ont quittée pour permettre à votre génération de bien vivre et pour améliorer le niveau de vie des générations futures. C'est un objectif que de faire en sorte que notre environnement, les services sociaux et les niveaux de scolarité s'améliorent et que nous puissions jouir d'un système de santé qui ne repose pas sur les revenus de ceux qui ont le plus besoin de soins.
• 1630
Par ailleurs, dans le mémoire que nous avons déposé hier vous
trouverez une lettre de la Coalition pour la santé signée par des
dignitaires, notamment Allan Blakeney, ancien premier ministre de
la Saskatchewan, lançant un appel au premier ministre pour que
celui-ci empêche M. Klein de mettre en oeuvre ce système de soins
de santé à deux vitesses.
Je pense que le gouvernement fédéral devrait faire attention. Je vous préviens que si vous ne tenez pas compte de cette situation, les Canadiens vont souffrir énormément.
Afin que les générations futures puissent envisager leur retraite à l'abri des soucis et en ayant des revenus assurés, vous devez vous occuper de protéger et d'améliorer le régime actuel de sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti ainsi que les autres avantages connexes, le Régime de pensions du Canada, ainsi que le Régime des rentes du Québec et améliorer la législation sur les régimes de retraite du secteur privé pour les travailleurs et les retraités afin de ces derniers puissent bénéficier des surplus des caisses de retraite et qu'ils puissent être élus aux conseils d'administration des régimes de retraite par les membres de ces régimes.
Nous connaissons tous ces arguments. Le surplus a été accumulé grâce aux cotisations des travailleurs. Il est horrifiant de voir que nous nous accaparons et que les grandes sociétés s'accaparent des millions de dollars à même ces surplus et que ce ne sont pas les personnes pauvres qui en bénéficient. Voilà un autre secteur sur lequel devrait se pencher ce comité. Tout entraîne des dépenses. C'est pour cette raison que nous devons considérer les sources qui peuvent aider ces gens. Ces surplus des caisses de retraite n'appartiennent ni au gouvernement ni aux grandes sociétés. Ils appartiennent aux cotisants.
L'histoire nous apprend que depuis l'introduction des pensions de sécurité de la vieillesse par la Loi sur les pensions de mai 1926—et c'est J.S. Woodsworth qui l'avait annoncé à la Chambre des communes—ainsi que du RPC et du RRQ en 1966, la pauvreté a reculé parmi les personnes âgées. Mais aujourd'hui nous connaissons un cycle de chômage et de pauvreté et 5,2 millions de personnes sont ou sans travail ou sous-payées et elles ne cotisent pas à des fonds de retraite, c'est pourquoi nous ne tarderons pas à en subir les conséquences.
Les personnes âgées continuent d'aider la société à titre de bénévoles dans bien des domaines. Les plus récents rapports de Statistique Canada nous montrent qu'avec les compressions effectuées par les gouvernements dans les services sociaux et autres, la population vieillissante a besoin de structures de soutien plus fortes. Je peux affirmer que 26 p. 100 des personnes âgées de 55 ans et plus ont offert leurs services à des organismes bénévoles en 1997.
Avec les pressions que les empires financiers imposent au gouvernement, à la fois à l'échelle nationale et internationale, en vue d'accroître encore davantage le libre-échange à l'échelle mondiale, pour la signature d'ententes sur l'ouverture des frontières, pour favoriser la libre circulation des entreprises qui se relocalisent, pour que les transferts monétaires à l'échelle internationale ne soient pas imposés et également pour la signature d'ententes commerciales qui permettent à des corporations étrangères de poursuivre le gouvernement canadien parce qu'il a adopté des lois qui empêchent ces grandes sociétés d'utiliser des matières qui sont dangereuses pour l'environnement ainsi que pour avoir imposé des restrictions à l'exportation de l'eau canadienne, les Canadiens se demandent si leur système de soins de santé est menacé. Et s'il l'est, quelle est la protection offerte par l'assurance santé? Ces secteurs pourraient bien entraîner des coûts pour les Canadiens, des coûts qui n'ont pas encore été calculés, et ils se situent au premier plan des préoccupations des Canadiens.
Nous devons commencer par réinvestir dans la création d'emplois. Nous avons mentionné cet objectif devant vous auparavant en ce qui concerne l'infrastructure du pays. Non seulement l'infrastructure, mais également Via Rail pourrait créer des milliers d'emplois immédiatement. Le fait est qu'un grand nombre de ces infrastructures essentielles ont besoin d'être remplacées et il faut construire des installations modernes pour le traitement des eaux usées et de l'eau potable. Le gouvernement doit désigner des paiements de transfert à verser directement aux autres paliers de l'administration pour que ceux-ci les utilisent dans le renouvellement des infrastructures.
J'ai bien entendu ce que le maire a dit, mais laissez-moi vous dire qu'il y a 12 ans, pour réparer et entretenir les autoroutes, il en coûtait entre 8 et 10 milliards de dollars. Aujourd'hui, il en coûte près de 17 milliards. Chaque année, nous laissons de côté l'infrastructure, mais les coûts de nos usines de traitement de l'eau potable, des égouts et de tout le reste deviendra tout à fait exorbitant. Je pense que nous devons agir dès maintenant.
Je pense qu'il est utile de porter à l'attention de ce comité que la qualité des eaux de surface et souterraines du Canada est menacée. Son utilisation représente également une menace future pour la santé des Canadiens et cela contribuera à ajouter des coûts à notre système de soins de santé.
• 1635
La menace que constitue la privatisation de l'eau est une
autre préoccupation bien réelle. En finançant la réparation et la
reconstruction de notre infrastructure d'aqueduc et d'eau d'égout,
des dispositions doivent être mises en place à même la loi pour que
cette ressource demeure du domaine public, non seulement pour la
génération actuelle de jeunes Canadiens, mais pour toutes les
générations futures. Les provinces ne doivent pas pouvoir faire
cavalier seul et le gouvernement fédéral ne devrait pas non plus
être autorisé à protéger seul cette ressource.
Durant l'exposé de l'ASRC devant le comité, à Winnipeg le 21 octobre 1998, nous avons parlé de la nature de la richesse au Canada et des moyens qui pourraient être utilisés pour répartir de façon plus équitable les richesses dans notre pays. Afin que les jeunes Canadiens puissent profiter de cette richesse, le gouvernement fédéral doit dès maintenant établir des règles et des normes plutôt que de permettre aux provinces de fixer elles-mêmes le salaire minimum. Ce n'est pas parce que vous vous êtes dégagé du salaire minimum et des normes du travail que vous n'avez pas de rôle à jouer. Il y a des gens dans ce pays, comme Conrad Black, qui menacent tout le monde et qui disent au gouvernement qu'il devrait se débarrasser des syndicats et du salaire minimum. Si vous avez lu certains de ses discours, vous verrez qu'ils sont tout simplement effrayants. Nous ne pouvons tolérer ce genre d'attitude dans une démocratie.
L'économie de marché ne fonctionne pas bien pour tout le monde. Ceux qui n'ont pas de pouvoir de négociation sont laissés pour compte et continueront de le rester au moment de la retraite. Dans bien des cas, leurs enfants subiront le même sort. Est-ce que cette tendance vers le vide financier crée ou contribue à créer davantage de crimes violents, de haine, de mariages brisés, de violence conjugale, de violence à l'égard des enfants et de vie criminelle? Quel sera le prix à payer pour la société? Est-ce que notre démocratie est menacée? Est-ce que le Canada arrivera seulement à respecter son engagement pris devant les Nations Unies de mettre un terme à la pauvreté? Je ne le pense pas.
Monsieur le président, nombre de questions mériteraient que l'on s'y attaque, mais nous avons décidé de nous consacrer surtout à celle-ci qui est l'avenir de la famille traditionnelle: les parents, les grands-parents et leurs enfants.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Cerilli. J'aimerais également remercier M. Walker et M. Norheim.
Nous allons maintenant écouter le représentant de Cho!ces, M. George Harris.
M. George Harris (membre, Cho!ces: A Coalition for Social Justice): Merci.
Je suis heureux d'être ici à Regina pour deux raisons. La première est que, même si nous avons dû nous déplacer, c'est toujours agréable de revenir à Regina. Et la seconde est que j'ai grandi sur une ferme au Manitoba, et que c'était également agréable d'entendre toutes ces conversations sur l'agriculture ce matin. Je me sens comme chez moi, pas nécessairement avec tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, mais certainement avec la teneur de la discussion. C'a été certainement un sujet des plus intéressants.
Je n'ai que cinq minutes, aussi c'est difficile de savoir ce que l'on peut arriver à faire avec cinq minutes. J'ai apporté avec moi certains documents. Le premier est l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral et je vous en ai distribué quelques copies à titre d'information. Je veux seulement que vous puissiez le joindre au document que vous avez devant vous. Le deuxième document est une communication rédigée par Dr John Loxley de Cho!ces. Ce document fait une comparaison entre le budget du gouvernement fédéral pour 1999-2000 et notre alternative budgétaire. Si vous voulez prendre ces deux documents, ce serait intéressant.
J'ai décidé que qu'en cinq minutes, le mieux était de vous dire quelques mots au sujet du surplus et l'envisager seulement du point de vue de l'impôt. Cela ne signifie pas que les autres questions ne sont pas importantes, c'est simplement que mon temps est compté.
Donc, je parlerai tout d'abord du surplus, et j'aimerais mettre le mot entre guillemets. Dans la lettre que nous avons reçue comportait sous la rubrique de l'allégement fiscal et de la réforme de la fiscalité, une référence intéressante, en effet c'est l'allusion à l'excédent financier. Je suis très heureux d'avoir pu lire ce qualificatif, parce que nous nous trouvons maintenant dans une situation où nous avons éliminé le déficit sur le plan de la dette, mais il y a un tas d'autres déficits qui deviennent de pire en pire au sein de notre société. Nous pouvons parler de déficits sociaux et de toutes les choses qui se produisent dans le domaine des soins de santé, de l'enseignement et dans le soutien du revenu. Ces facteurs sont la cause de problèmes aigus et je voulais simplement vous en souligner un en particulier.
• 1640
Nous avons entendu parler également du déficit de
l'infrastructure. Cela vous a été mentionné la dernière fois lors
de vos réunions. À Winnipeg, je pense que beaucoup de gens ont
amené cette question et nous en avons encore entendu parler
aujourd'hui.
Du point de vue de l'environnement, toute cette question de l'environnement doit être envisagée avec beaucoup de sérieux. Nous ne pouvons pas continuer comme ça, et j'aimerais mettre ce sujet dans la même catégorie qu'une autre forme de déficit: nous pensons que nous pouvons nous en sauver aujourd'hui, mais tôt ou tard nous allons payer pour.
Nous pourrions continuer à examiner divers secteurs de déficit que nous sommes en train de créer dans notre pays. Nous nous sommes débarrassés du déficit sur le plan financier, mais nous avons créé certains problèmes sérieux dans d'autres domaines.
Je travaille dans une agence de service social appelée AIDS Shelter Coalition of Manitoba à Winnipeg. Nous voyons chaque jour la dévastation s'installer dans l'existence des gens, qu'il s'agisse de personnes devant vivre dans des maisons de chambres avec le VIH et le sida ou encore d'autres qui voient leur revenu érodé au point qu'elles ne peuvent plus subvenir à leurs besoins ou encore qui doivent faire appel aux banques alimentaires. Nous voyons tout cela. Je suis très conscient, chaque jour, des diverses formes de déficit que nous sommes en train de créer dans notre pays.
Pour ce qui est de l'impôt, je vous ai distribué un document qui a été préparé par Murray Dobbin du Centre canadien de politiques alternatives. Nous entendons beaucoup de choses horribles au sujet de l'impôt à l'heure actuelle, et tous désirent voir diminuer les impôts. La question qui est sur toutes les lèvres est que l'on souhaite voir une diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers.
Ce sujet me préoccupe beaucoup à deux égards. Premièrement, si vous diminuez l'impôt sur le revenu des particuliers, qui en profitera le plus? De toutes les personnes avec lesquelles je travaille sur une base quotidienne—et je vous parle de ceux que je rencontre dans mon lieu de travail, ces personnes qui ont été réduites à la pauvreté par suite d'une maladie—il y en a très peu qui profiteront d'une diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers.
L'aspect que j'aimerais mettre en lumière à ce sujet est le fait que lorsque vous envisagez une mesure comme une modification du régime fiscal, il pourrait être très intéressant de diviser la population en quintiles et de partir du sommet à la base en disant que cet allégement fiscal représentera 25 milliards de dollars. Par la suite, vous vous apercevez ou alors vous calculez exactement qui bénéficiera de ces 25 milliards de dollars dans toute la liste. Vous descendez d'un quintile à l'autre, puis vous présentez cela au public, en même temps que la proposition et voyez comment le public va réagir. Mais ce type d'allégement fiscal ne profitera certainement pas à un grand nombre de personnes qui ont été terriblement dévastées au cours des dernières années par suite des coupures gouvernementales.
Aussi je vous exhorte à jeter un coup d'oeil à la documentation que je vous ai distribuée et je vous dirai ma conclusion. En 1991, Statistique Canada a produit un rapport—je l'appelle le rapport Mimoto—et c'est à partir de ce rapport que nous avons examiné la situation actuelle en ce qui concerne la dette et le déficit dans ce pays. Dans ce rapport, on a déterminé que 6 p. 100 du problème de la dette et du déficit pouvait être attribué aux dépenses dans les programmes sociaux. Ce rapport a complètement disparu de la place publique. Il a été publié mais il n'a jamais reçu beaucoup d'attention. Il est certain, d'après es commentaires que j'ai lus, qu'il a été activement discrédité par le ministère des Finances.
• 1645
La même année, en 1991, il a été assez intéressant de
constater que le même ministère des Finances avait participé à des
discussions avec Revenu Canada concernant le mouvement de fonds à
l'extérieur du pays. Il y avait environ 2,2 milliards de dollars de
biens qui se déplaçaient vers les États-Unis, et cela a été fait en
franchise d'impôt. Une cause a été déposée devant la Cour fédérale
à ce sujet, et nous y sommes impliqués.
Je sais que le gouvernement ne peut faire de commentaire sur cette affaire parce qu'elle est devant les tribunaux. Toutefois, il a été plutôt intéressant de constater que d'une part un ministère avait très activement demandé que l'on fasse le silence sur la discussion autour du montant de la dette et du déficit qui était lié aux dépenses dans les programmes sociaux. Même si 6 p. 100 n'était pas le chiffre exact, même s'il s'agissait plutôt de 10 p. 100, et bien dans ce cas le fait est que les dépenses liées aux programmes sociaux n'étaient pas le principal coupable dans ce qui est arrivé en rapport avec notre dette et notre déficit.
J'aimerais que quelqu'un d'autre prenne le relais et qu'il fasse ce que j'appellerais un suivi sur cette question en effectuant une analyse aujourd'hui même pour voir qui a payé pour l'élimination du déficit. Je suis tout à fait convaincu que vous en viendriez à la conclusion que les gens qui ont contribué à éliminer le déficit n'étaient certainement pas ceux qui en étaient la cause. Il s'agit donc d'un problème d'équité important.
Je terminerai sur cette note, mais j'aimerais dire qu'il est important d'examiner très soigneusement qui bénéficiera des exemptions fiscales ou des réformes fiscales dont vous parlez. Toutes les suggestions que j'ai entendues jusqu'à maintenant profitaient aux personnes les plus riches de ce pays. Du point de vue d'un Canadien, je trouve tout à fait inacceptable que ce soit les personnes les plus riches qui soient celles qui bénéficient le plus de ces mesures.
Je vous quitte là-dessus et je suis persuadé qu'il y aura d'autres discussions sur le sujet.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Harris.
Nous allons maintenant entendre M. Norm Halldorson, président et M. Kelly Mitchell, vice-président, tous les deux du Comité des finances de la Chambre de commerce de la Saskatchewan.
M. Norm Halldorson (président, Comité des finances, Chambre de commerce de la Saskatchewan): Monsieur le président et chers députés, nous sommes très heureux d'avoir la possibilité de présenter un exposé devant votre comité au nom des membres de la Chambre de commerce de la Saskatchewan. Nos membres sont des personnes qui sont actives dans le milieu des affaires de toute provenance et de diverses tailles dans des localités de toute la province. Dans bien des cas, ce sont également des chefs de file dans leur collectivité et ils participent très activement aux programmes qui contribuent à fournir dans une certaine mesure les filets de sécurité sociale. Ils jouent aussi un rôle de premier plan dans la création d'emplois et leurs activités contribuent pour une large part à la sécurité et aux possibilités qui s'offrent à tous et chacun dans notre société.
Dans les minutes qui précèdent, j'ai trouvé les exposés de mes prédécesseurs très intéressants et je note la diversité des demandes que toute administration doit traiter. J'ai noté certaines d'entre elles pendant que j'écoutais y compris des éléments comme le filet de sécurité sociale, les infrastructures, la création d'emplois, la sécurité et les possibilités qui sont toutes des exigences tout à fait valables dans notre société.
J'aimerais jeter un peu de lumière sur un de ces thèmes et vous dire qu'une méthode durable et à long terme de répondre à toutes ces demandes consiste à avoir une économie saine et en pleine croissance. En effet, avec une économie saine et en pleine croissance, nous avons des possibilités d'emploi. Cette activité crée de la richesse. Les dépenses de cette richesse créent encore davantage de possibilités et c'est ainsi que l'on assure un flot assuré de recettes vers les gouvernements afin de financer ces programmes. Dans notre exposé, nous signalons que pour obtenir cette activité économique, il est à notre avis très nécessaire de mettre en oeuvre une réforme fiscale.
• 1650
Il est intéressant d'entendre les gens parler des réductions
d'impôt en se fondant sur le fait que le but de ces réductions
d'impôt est d'accroître la richesse de ceux qui sont déjà riches.
Nous aimerions suggérer que le but des réductions d'impôt est de
créer un milieu concurrentiel pour nos entreprises. Un grand nombre
d'entre elles sont de petites entreprises dont les gains se situent
à l'étape initiale de démarrage, et souvent sont bien inférieurs au
salaire minimum. Mais elles veulent avoir les mêmes possibilités
que les autres et évoluer au sein d'un marché où la concurrence se
situe à l'échelle mondiale et avoir des possibilités de développer
leur activité économique.
Si ces entreprises peuvent développer cette activité économique, et si les réductions d'impôt les aident à le faire, dans ce cas il nous semble que des réductions d'impôt sont essentielles pour stimuler la croissance économique afin d'assurer un financement durable pour toutes ces demandes plutôt que de les voir entrer en concurrence avec celles-ci.
Dans notre mémoire écrit, nous mentionnons que l'impôt sur le revenu des particuliers est trop élevé au Canada, nous abordons l'effet négatif que cela peut avoir sur l'activité économique ainsi que le fait que les tranches d'imposition doivent être remaniées. Afin d'illustrer ce point, nous avons trois tableaux dans notre mémoire. Nous avons pensé qu'un graphique permettrait de mettre les choses en perspective mieux que des mots.
Le premier tableau intitulé «Taxation in Canada» décrit de façon très simplifiée où se situe notre système d'imposition sur le revenu des particuliers actuellement. Sur l'axe vertical, à gauche, nous avons les taux d'imposition qui s'appliquent à diverses tranches de revenu. Sur l'axe horizontal, dans le bas, nous avons les tranches de revenu.
Nous pouvons voir que dans notre régime fiscal canadien, les contribuables ne paient pas d'impôt sur les premiers 7 000 $ de revenu environ, parce que ce montant est compensé par les exemptions personnelles et les crédits d'impôt. À partir de ce montant de 7 000 $ et plus jusqu'à environ 30 000 $, nous avons ce qu'il est convenu d'appeler le faible taux d'imposition. En moyenne, les impôts réunis du fédéral et du provincial au Canada se chiffrent à environ 27 p. 100 de cette tranche de revenu.
Une fois que les revenus d'un contribuable dépassent le niveau approximatif de 30 000 $, celui-ci passe à la tranche d'imposition moyenne qui s'étend de 30 000 $ jusqu'à 60 000 $ et les taux d'imposition réunis du fédéral et du provincial se chiffrent à environ 43 p. 100. Une fois que les revenus dépassent 60 000 $ et se situent au niveau supérieur, le taux d'imposition est d'environ 50 p. 100. Cela varie un peu selon la province, mais en moyenne il s'agit d'une bonne approximation.
Le deuxième tableau intitulé «Taxation in the United States» montre les impôts réunis du fédéral et de l'État chez nos voisins du sud. Leur système fiscal possède beaucoup de similitude avec le nôtre. Dans ce cas aussi, les taux d'imposition se situent sur l'axe vertical et les tranches de revenu à l'horizontale.
Il y a des similitudes au départ, et l'on voit que le premier 6 000 ou 7 000 $ de revenu est compensé par les crédits et que les faibles taux d'imposition s'appliquent jusqu'à environ 26 000 $ de revenu, donc la situation n'est pas tellement différente de notre niveau de 30 000 $. Mais vous pouvez constater que ces tranches d'imposition s'élèvent de façon beaucoup plus graduelle et qu'elles atteignent des niveaux beaucoup plus élevés de revenu. L'écart entre la tranche d'imposition la plus faible et la tranche moyenne se situe à 26 000 $. L'écart entre la tranche moyenne et la suivante se situe à 62 000 $. Ensuite elle se rend à 132 000 $ et elle n'atteint pas le niveau supérieur avant de se chiffrer à 283 000 $. C'est un système progressif, mais à un rythme beaucoup plus lent.
Je pense que le troisième graphique est celui qui illustre le mieux les embûches que doivent affronter les entreprises. Dans ce graphique intitulé «Comparison of Canadian and U.S. Tax Rates», nous avons pris les deux premiers graphiques et les avons superposés mais nous avons mis comme commun dénominateur des dollars américains. En faisant ceci, certaines choses deviennent très évidentes.
Notre système qui progresse très rapidement—et nous avons entendu d'autres témoins aujourd'hui dire que les tranches d'imposition devaient être remaniée—font en sorte que les gens franchissent très rapidement les tranches d'imposition et que l'on se retrouve au niveau supérieur avec des revenus qui correspondent à environ 40 000 $US. Je pense qu'au sein de l'économie mondiale on pourrait contester le fait qu'il ne s'agit pas d'un niveau particulièrement élevé de revenu pour inciter les preneurs de risque à investir leurs capitaux dans notre économie.
• 1655
Si vous examinez la différence qu'il y a entre la ligne rouge
sur le graphique dans le haut qui représente le taux d'imposition
canadien combiné et la ligne bleue qui est le taux d'imposition
combiné aux États-Unis, vous pouvez voir que l'écart constitue le
désavantage concurrentiel que nos entreprises et notre économie
dans son ensemble ont pour retenir les talents dans ce pays.
Ce pays pourrait à juste titre être fier de ses institutions d'enseignement et de l'éthique de sa population en matière de travail, mais nous entendons de plus en plu—et cela se répand dans toute notre économie—que nous investissons dans la formation de notre jeunesse talentueuse seulement pour les voir ensuite s'expatrier et apporter leur contribution professionnelle et payer leurs impôts durant toute leur vie dans d'autres régions.
Au nom des membres de la Chambre de commerce de la Saskatchewan, nous aimerions exhorter les membres de votre comité à envisager une réforme dans ce secteur en abaissant la tranche d'imposition à laquelle les augmentations s'appliquent, en essayant de réduire l'écart qu'il y a entre nous et nos principaux concurrents dans le sud et également en envisageant de modifier le montant de la tranche supérieure ou encore d'abaisser tous les taux d'imposition.
Il est certain que nous avons pu constater une plus grande sensibilisation à ce sujet dans un certain nombre de domaines, mais nous ne faisons pas cette proposition à titre de mesure qui viendrait en concurrence avec toutes ces autres demandes légitimes. Nous aimerions plutôt la voir comme une étape essentielle vers la solution qui consiste à nous doter d'une activité économique plus forte, une économie saine qui fournirait le financement permanent qui nous permettrait de combler tous les autres besoins qui ont été décrits par les autres témoins.
Je passe la parole à Kelly.
M. Kelly Mitchell (vice-président, Comité des finances, Chambre de commerce de la Saskatchewan): J'aimerais parler de l'impôt des sociétés. J'ai écouté un grand nombre de témoins et je réalise qu'effectivement il y a beaucoup de problèmes. Je n'envie pas la position de votre comité qui doit rétablir un équilibre entre les pressions sociales, le déficit, les pressions du déficit accumulé qui n'ont pas disparu et le fait que des personnes comme nous vous demandent des allégements fiscaux. Vous êtes attaqués sur tous les fronts, et je peux mesurer à quel point votre situation est difficile.
Je sais que la proposition que je vais déposer maintenant ne sera pas populaire, mais je la vois comme une solution potentielle à certains des problèmes financiers que vous avez.
J'aimerais proposer que le Canada adopte la même approche que l'Irlande. L'Irlande a décidé de réduire ses taux d'imposition pour les sociétés, ce qui n'est pas une décision très populaire. Mais le pays a ainsi stimulé son activité économique au point où actuellement le chômage est très bas et les surplus s'accumulent jusqu'au point où le problème réel en Irlande est qu'ils ne peuvent disposer de suffisamment de main-d'oeuvre spécialisée et que le prix des maisons monte en flèche.
Je pense que c'est de ce type de problème que nous avons besoin au Canada et non de ceux que nous avons, c'est-à-dire des sans-abri. Si nous avions de l'argent, si nous avions des emplois, si les gens payaient leurs impôts sur le revenu, si c'est ainsi que nous pouvions procéder, au moyen d'une réduction de l'impôt des sociétés, nous pourrions non seulement rattraper les États-Unis mais même les devancer, et je pense que le Canada aurait ainsi beaucoup à offrir.
Année après année, les Nations Unies nous accordent le titre du pays le plus favorable, celui dans lequel il fait bon vivre. C'est en raison de notre système d'enseignement, de la qualité de nos ressources et si nous pouvions avoir également l'activité économique, je pense qu'un grand nombre de nos autres problèmes seraient réglés.
J'aimerais entrer un peu dans le détail. J'ai ici un aperçu de la situation économique en Irlande et je vais vous lire certaines statistiques qui s'y trouvent.
De 1993 à 1998, le produit intérieur brut se chiffrait à 39 milliards de livres. Il se situe maintenant à plus de 57 milliards de livres. Leur taux de chômage se situait à 12 p. 100 et il est maintenant à 6 p. 100. Ils avaient un énorme déficit qu'ils accumulaient année après année, et maintenant ils sont en position d'excédent financier, année après année. Ils ont fait cela avec une seule mesure d'encouragement, qui a consisté à réduire l'impôt des sociétés jusqu'au point où ils sont devenus plus concurrentiels que tout autre pays européen. Cette mesure a contribué à stimuler suffisamment l'activité économique et maintenant il y a suffisamment de nouveaux contribuables pour éponger tous les problèmes, sauf que leur problème maintenant est qu'ils doivent trouver de la main-d'oeuvre spécialisée et des logements à bon prix. Ce sont les problèmes que nous aurions si nous vivions au sein d'une économie où tous ceux qui veulent travailler ont un emploi.
• 1700
À l'heure actuelle, nous avons une possibilité de le faire,
parce que nous avons un pays si populaire. Les gens veulent vivre
ici. Je pense que tout ce qui nous manque est quelques sièges
sociaux de grandes sociétés comme Bristol-Myers qui pourraient
déménager des États-Unis au Canada. C'est ce qui est en train de se
produire actuellement en Irlande. On ouvre des usines en Irlande,
et je pense que vous pourriez dire que leur climat politique n'est
certainement pas aussi stable que le nôtre en ce moment. S'ils
peuvent réussir à attirer ce type de croissance économique, je
pense que nous pouvons le faire aussi.
Merci.
Le président: Je vous remercie, monsieur Mitchell et monsieur Halldorson.
Deux organisations viennent de se joindre à nous. Il s'agit de la Saskatchewan School Trustees Association et de la Saskatchewan Urban Municipalities Association. Nous entendrons chacun de leurs représentants, puis il y aura une période de questions.
Je vais commencer par la Saskatchewan School Trustees Association, et son président, M. Gary Shaddock.
M. Gary Shaddock (président, Saskatchewan School Trustees Association): Je vous remercie beaucoup. Je me présente, je suis Gary Shaddock, le président de la Saskatchewan School Trustees Association et je suis accompagné de Craig Melvin, notre directeur exécutif.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de nous donner la possibilité de nous réunir avec vous cet après-midi et de vous présenter notre mémoire. Je sais que nous disposons de très peu de temps, aussi je vais réduire mon exposé afin que nous ayons le temps pour quelques questions.
C'est avec plaisir que nous accueillons cette occasion de partager notre avis sur les priorités actuelles, dans le cadre des consultations prébudgétaires du Comité permanent des finances de 1999. L'avenir social et économique du Canada, dans une économie du savoir, est directement lié à la capacité intellectuelle des enfants qui fréquentent nos écoles aujourd'hui. Les commissions scolaires de la Saskatchewan et de tout le Canada continuent de s'alarmer du nombre croissant d'enfants dont les capacités d'apprentissage sont limitées par des facteurs sociaux et des problèmes de santé qui débordent du cadre de l'école.
Notre intérêt pour la consultation est principalement axé sur le troisième thème, l'infrastructure sociale. Nous insistons néanmoins fortement pour que le gouvernement s'efforce en tout premier lieu de réformer l'infrastructure sociale, particulièrement en ce qu'elle touche les enfants. La place qu'occupera le Canada dans la nouvelle économie et une productivité accrue dépendent directement des investissements que nous consentirons pour le bien-être de nos enfants.
Il est particulièrement intéressant aujourd'hui de souligner que depuis que cette initiative a été mise de l'avant en 1989, il y a plus d'enfants qui vivent dans la pauvreté qu'en 1989. La Saskatchewan School Trustees Association a donné son ferme appui au Plan d'action national pour les enfants qu'ont présenté dernièrement le gouvernement du Canada, les provinces et les territoires. La santé et la sécurité matérielle des enfants doivent être une priorité pour le gouvernement du Canada ainsi que pour le Comité des finances dans ses consultations prébudgétaires.
Des enfants qui ont faim et qui vivent dans la crainte ne peuvent apprendre et n'apprendront pas tant qu'ils ne seront pas sustentés et qu'ils ne se sentiront pas en sécurité. C'est pourquoi dans un certain nombre des écoles de la province, nous avons démarré des programmes alimentaires de sorte que les enfants se sentent en sécurité et qu'ils démarrent leur journée scolaire avec l'estomac plein.
Il existe des liens très étroits entre l'environnement social des enfants et leur succès scolaire. Nous avons appris que l'objectif le plus bénéfique de nos démarches a été l'intervention précoce. La création d'un environnement sain et stimulant sur le plan social et intellectuel pour les enfants, avant qu'ils atteignent l'âge obligatoire de scolarisation, a le plus grand effet sur leur succès scolaire futur. La plupart des gens considèrent les plans d'intervention précoce comme un investissement. Il est impératif que les gouvernements agissent sans plus attendre. La recherche montre que pour chaque dollar investi, on économise plus de 7 $ au bout du compte.
Le défi spécifique que présentent les enfants vivant dans la pauvreté peut être relevé de différentes façons:
Premièrement, nous pensons que le Canada et les provinces doivent déclarer leur ferme appui au Plan d'action national pour l'enfance. Cet appui peut s'exprimer de deux façons, à la fois sur le plan de la communication et aussi sur le plan financier.
Deuxièmement, des mesures spéciales, un financement approprié et l'opportunité des objectifs de succès visés doivent être établis de concert avec le processus d'élaboration du budget cette année.
Troisièmement, les mesures envisagées devraient prévoir la direction et le contrôle local, à l'échelle de la communauté, du développement et de la prestation des programmes, et encourager la flexibilité dans la résolution des problèmes et des préoccupations locales.
Finalement, la participation du Canada à la prestation nationale pour enfants devrait être augmentée.
• 1705
Il n'y a pas, actuellement, de préoccupation plus importante
pour les Canadiens que le bien-être de nos enfants. Les enfants et
les jeunes sont notre avenir et il est de notre devoir de les
stimuler, de veiller à leur développement intellectuel et, ainsi,
d'assurer notre avenir social et économique collectif. Si nous
laissons tomber nos enfants aujourd'hui, c'est nous qui en
souffrirons en bout de ligne.
Au nom de tous les conseils scolaires de la Saskatchewan et des enfants que nous desservons, j'aimerais remercier le comité de nous avoir donné la possibilité de déposer notre mémoire.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre le président de la Saskatchewan Urban Municipalities Association, M. Mike Badham. Vous êtes le bienvenu.
M. Mike Badham (président, Saskatchewan Urban Municipalities Association): Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous accueillons avec plaisir cette possibilité de faire un exposé devant vous aujourd'hui. Notre association représente environ 500 municipalités, villes et villages de toute la Saskatchewan. Notre conseil représente environ les trois-quarts de la population totale de cette province ou près de 750 000 personnes.
Contrairement aux grandes villes de nos voisins des Prairies comme Calgary et Edmonton ou même Winnipeg, dont la population respective peut se comparer à la population urbaine totale de cette province, nous sommes disséminés dans le tissu de la province. C'est la raison pour laquelle nous apprécions le fait que votre comité ait décidé de s'arrêter en Saskatchewan dans le cadre des audiences publiques.
Comme les autres groupes que vous avez entendus aujourd'hui, j'aimerais insister sur la nécessité pour le gouvernement fédéral de nous fournir de l'aide en ce qui concerne le financement des infrastructures. Mais j'aimerais également aborder d'abord le soutien à une autre priorité en matière de financement, qui a trait à la crise du revenu des agriculteurs, une crise qui a également une incidence sur l'ensemble de la province. Dans les centres urbains, nous ne faisons peut-être pas l'expérience de cette crise du revenu des agriculteurs de façon aussi directe que la plupart des familles agricoles, mais cette incidence joue sur les villes de bien des façons.
S'il est vrai que nous sommes sur le point de perdre un grand nombre de nos familles agricoles qui sont au bord de la faillite, dans ce cas nous allons véritablement déchirer le tissu économique et social de cette province ainsi que le tissu d'une fédération fondée sur l'aide mutuelle en temps de crise. Même s'il n'y a pas de solution facile à la crise du revenu agricole, une première mesure pourrait être prise qui consisterait à admettre l'immédiateté et l'ampleur de ce problème. Nous espérons que votre comité partagera notre point de vue.
La SUMA est fière de faire partie de cette coalition au sein de la province. Nous avons participé à Ottawa et nous continuerons de faire partie de ce groupe dont vous entendrez parler continuellement à partir de cette province.
Tout comme les agriculteurs modernes ont besoin d'un équipement coûteux et de toutes sortes de nouvelles technologies, les communautés urbaines sont construites sur un réseau d'infrastructures essentielles qui est nécessaire pour soutenir le développement économique et social. La productivité qui est l'un des principaux thèmes du budget ne peut être encouragée sans le renouvellement de l'infrastructure municipale. Comme nous l'avons souligné de façon plus insistante dans les annexes au présent mémoire, nous sommes en retard au niveau de l'investissement dans plusieurs types d'installation de base, y compris le réseau d'aqueduc et les systèmes d'égout et les systèmes de transport urbain.
La nouvelle économie, qui figure parmi les autres thèmes de ces consultations, dépend également de l'infrastructure urbaine. L'autoroute de l'information tout comme celle en bitume a besoin d'investissements importants dans les installations de transmission qui circulent parmi les corridors des entreprises locales de service public. La nécessité de renouveler cette infrastructure dure figure également parmi les éléments importants pour développer notre infrastructure sociale, un autre de vos secteurs budgétaires.
Nos installations de soins de santé et nos établissements d'enseignement ont besoin de renouvellement mais nous ne devrions pas tenir pour acquis les services municipaux fondamentaux dont ils sont trop dépendants.
Toutes ces dépenses rendent de plus en plus difficile la mise en place d'une réforme fiscale et d'allégements fiscaux, et pourtant c'est un autre thème de votre budget. Les municipalités ont plus d'expérience que tous les autres paliers de gouvernement pour ce qui est de tenir la ligne dure au niveau des impôts, mais une partie du programme d'allégements fiscaux doit porter sur l'impôt foncier de même que sur d'autres types de réduction fiscale.
En Saskatchewan, nous nous efforçons depuis plus d'une décennie de réduire les taxes scolaires, mais la solution à l'échelle provinciale a été handicapée par les compressions dans les paiements de transfert du gouvernement fédéral.
Finalement, le processus d'établissement du budget dépend également du renouvellement de l'infrastructure. Les dépenses conflictuelles doivent être équilibrées, c'est certain, mais il faut également rétablir l'équilibre entre les trois paliers de gouvernement dans la supervision de la mise en oeuvre des programmes. Votre comité a déjà entendu de nombreux exposés sur les divers besoins en matière d'infrastructure de la part d'associations municipales en provenance d'autres provinces, de notre Fédération des municipalités canadiennes et d'autres membres de la fédération, y compris les villes.
• 1710
À titre d'introduction à nos arguments plus spécifiques et
d'exemples des besoins en matière d'infrastructure urbaine,
j'aimerais conclure en résumant brièvement notre position politique
au sein de la Saskatchewan Urban Municipalities Association.
Le partenariat entre les divers paliers de gouvernement est la base de cette nation même si les municipalités à titre de premier palier de gouvernement ne sont pas officiellement reconnues à titre d'entité autonome dans la constitution canadienne. Nous espérons voir ce partenariat en matière de financement de l'infrastructure se poursuivre aussi longtemps que l'eau circulera dans les conduites d'aqueduc et que les lampadaires illumineront nos rues. Nous pourrions également ajouter tant que les corbeaux continueront de voler, mais il y a une certaine sensibilité comme vous le savez dans cette province pour des expressions de ce genre.
Les municipalités urbaines de cette province, et de façon plus générale partout au Canada, ont subi de plus importantes réductions en matière de paiement de transfert de la part des paliers supérieurs du gouvernement que toute autre institution publique. Il en est résulté une pression croissante sur les contribuables au niveau de l'impôt foncier ainsi qu'un retard accumulé dans les besoins non comblés en matière d'infrastructure.
Nous collaborons avec la Fédération canadienne des municipalités depuis plus d'une décennie afin de nous assurer d'un engagement à long terme en vue de créer un programme tripartite de renouvellement de l'infrastructure. Le programme de travaux d'infrastructure Canada-Saskatchewan a créé plus de 6 000 emplois entre 1994 et 1998, ce qui s'est traduit par la réalisation de plus de 2 500 projets qui ont totalisé une valeur supérieure à 360 millions de dollars.
Même si nous sommes d'accord avec l'approche de qualité de vie prônée par la FCM en vue d'obtenir une définition plus large et plus souple des besoins d'infrastructure dans les collectivités de tout le Canada, les membres de la SUMA veulent s'assurer que les contributions du gouvernement fédéral seront également consacrées aux besoins de base de l'infrastructure qui sont davantage reliés à la protection de l'environnement, à la sécurité du public et au développement économique. Nous estimons que les dépenses annuelles continues des municipalités urbaines de la Saskatchewan pourraient se chiffrer à environ 300 $ par habitant, seulement pour les projets d'infrastructure de base. En se fondant sur un partage des coûts tripartite, pour satisfaire ces besoins il nous faudrait plus de 75 millions de dollars chaque année de la part de chacun des trois partenaires.
En 1999, la Saskatchewan a fait preuve de leadership en prenant un engagement dans le cadre d'un programme d'infrastructure municipal permanent dans l'espoir que le gouvernement fédéral s'alignerait à titre de troisième partenaire. La SUMA continue de chercher des partenaires à part égale, étant donné que les municipalités ont continué de contribuer pour plus de la moitié de la totalité des coûts des projets d'après le récent programme de travaux d'infrastructure Canada-Saskatchewan auquel j'ai fait référence plus tôt. Les municipalités désirent également être des partenaires à part égale dans la planification et la mise en oeuvre de critères flexibles dans le programme afin de s'assurer que les besoins locaux sont satisfaits.
Il y a une annexe à mon mémoire et vous aurez la possibilité je le sais de la consulter afin de prendre connaissance des besoins des centres urbains dans cette collectivité. Je souligne au passage que la Ville de Regina où je suis également un conseiller municipal a fait un exposé devant vous aujourd'hui afin de vous donner une idée des besoins d'un centre urbain. Nous avons également d'autres cités, villes et villages dans cette province et nous avons fait certains commentaires à leur sujet.
Le dernier commentaire que j'aimerais faire concerne les dernières notes dans l'annexe qui font référence aux besoins particuliers des communautés du nord. Comme nous représentons toutes les communautés de la province, nous voulons vous signaler qu'il y a des considérations particulières aussi parce que ces collectivités ont à affronter des coûts plus élevés et ont moins de contribuables pour les assumer que dans les collectivités du sud.
Nous vous remercions beaucoup de l'attention que vous nous avez accordée et nous sommes impatients de participer au reste des séances.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Badham.
Nous allons passer maintenant à la période de questions. J'accorde une période de dix minutes pour cette séance.
Monsieur Epp, suivi de monsieur Nystrom.
M. Ken Epp: Merci beaucoup.
Merci à tous de vous être présentés.
J'aimerais poser une question à ceux qui s'intéressent aux municipalités... aux administrations locales. Je n'ose pas les appeler infraprovinciales, mais dans le grand schéma d'organisation nous avons les paliers fédéral, provincial et puis municipal.
Je suis très impressionné du fait qu'aucun d'entre vous n'a mentionné—peut-être que c'est dans vos rapports, et je n'ai pas eu la chance de les lire en entier—quoi que ce soit au sujet de la caisse de l'assurance-emploi. Je ne sais pas si vous avez fait les calculs, mais si vous jetez un coup d'oeil sur le montant qui est prélevé dans les poches des contribuables, le plus gros de cette somme provient de l'impôt fédéral. Vient ensuite le montant consacré aux impôts des provinces et puis, le plus petit montant, dont la majorité provient des impôts fonciers est recueilli par les municipalités. Pourtant à partir de cette plus petite partie, les municipalités doivent quand même cotiser une forte somme à l'assurance-emploi. Si je me rappelle bien, ces montants se chiffrent à environ 156 $ par employé par année en trop payé actuellement.
• 1715
Je suis surpris qu'aucun d'entre vous n'ait soulevé cette
question, parce que ce programme siphonne de l'argent directement
de l'assiette de l'impôt foncier pour les mettre dans les coffres
du gouvernement fédéral. Cet argent n'est pas utilisé à des fins
d'assurance-emploi, mais il est pompé dans les recettes générales.
Est-ce que cette situation ne vous préoccupe pas ou encore est-ce
tout simplement parce que vous avez manqué de temps dans votre
grand schéma des priorités?
M. Douglas Archer: Vous soulevez la question dans un contexte qui pourrait suggérer que c'est un sujet de préoccupation pour les municipalités plus que pour quiconque. En réalité, c'est un problème pour les municipalités parce que nous sommes aussi des employeurs, et non seulement parce que nous sommes des administrations locales. Lorsque vous disposez de cinq minutes pour présenter un exposé, vous vous concentrez sur votre tâche principale. Notre tâche principale n'est pas de discuter de l'assurance-emploi, elle est plutôt de parler des besoins de nos municipalités qui dans le cas présent sont des problèmes d'infrastructure.
Cette question a certainement été soulevée dans notre municipalité. Nous avons donné notre appui aux préoccupations qui ont été exprimées et nous avons également appuyé la position selon laquelle nous désirons voir des améliorations apportées aux cotisations qui devraient être versées. Pour vous répondre, voici la position des municipalités à cet égard.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Excusez-moi. M. Badham voudrait faire un commentaire.
M. Mike Badham: Je suis certainement d'accord avec le maire Archer. Ce sujet figure à l'ordre du jour du Conseil d'administration de la SUMA cette fin de semaine, et nous avons l'intention d'adresser des lettres aux personnes concernées. Mais notre position est différente ici.
Je peux vous dire qu'il s'agit d'une préoccupation sérieuse pour les municipalités, non seulement au sujet des cotisations versées à titre d'employeur mais aussi en raison des effets que cette situation peut avoir sur les gens de notre communauté qui n'ont pas accès au fonds de l'assurance-emploi comme ils l'avaient par le passé. Nous avons certaines statistiques—je ne les ai pas avec moi pour le moment—selon lesquelles dans cette province, et particulièrement dans les grandes villes de Regina et Saskatoon, l'accès au fonds a diminué considérablement ces dernières années. C'est une préoccupation pour nos collectivités. Comme je l'ai déjà mentionné, nous allons discuter de cette question en fin de semaine et nous pourrions certainement fournir à ce comité, s'il le désire, notre position à cet égard.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Cerilli.
M. Al Cerilli: Merci. Je pense que c'est une très vaste question. Elle semble simple, mais en réalité elle comporte de multiples volets. J'ignore si la Fédération du Travail de la Saskatchewan et le Congrès du Travail du Canada ont été invités à cette séance aujourd'hui. Je sais que la Fédération du Travail du Manitoba n'a pas été invitée.
Étant donné que je viens de ce secteur et que je fais cet exposé, y compris les précédents, je suis sûr que vous avez déjà entendu le Congrès du Travail du Canada vous entretenir de la caisse de l'assurance-emploi. Je pense que la caisse de l'assurance-emploi existe, qu'elle a toujours existé, afin de pourvoir à la formation ou au recyclage des gens qui doivent traverser des périodes de chômage ou des périodes difficiles. La caisse est là non seulement pour profiter à la famille des chômeurs. À titre de retraité, je passe énormément de temps dans les écoles secondaires avec des jeunes qui n'ont aucune idée du genre de formation qu'ils auront, de la compagnie qui pourrait leur donner cette formation et qui leur donnera de la formation lorsqu'ils seront sur le marché du travail.
Nous avons un programme qui s'appelle les Workers of Tomorrow et qui porte sur la santé et la sécurité. Nous nous occupons également de formation et de leur expliquer quelles possibilités s'offrent à eux. Notre recommandation, à titre de retraités provenant du mouvement syndical, est que le gouvernement fédéral devrait s'asseoir et discuter avec les employeurs et le mouvement syndical afin de déterminer ce que l'on devrait faire au sujet des plaintes que nous entendons de la part du monde des affaires comme quoi il y a une pénurie de travailleurs qualifiés et toute cette histoire.
• 1720
Nous avons pris de 10 à 20 ans de retard dans le processus de
formation. Avant que je prenne ma retraite, il y a dix ans, lorsque
je devais m'asseoir à une table de négociation, il était
obligatoire de mettre à l'ordre du jour la question du recyclage
des travailleurs. Maintenant lorsque nous le faisons, on nous
traite de bolcheviques et de Dieu sait quoi.
Le fait est que la caisse de l'assurance-emploi existe et qu'elle est recueillie en vue d'un certain objectif. Je peux comprendre la position des municipalités. C'est dommage que leur représentant n'ait pas été présent lorsque j'ai fait mon exposé sur le renouvellement de l'infrastructure qui pourrait créer des emplois dans un contexte où les personnes pourraient recevoir de la formation dans divers corps de métier: menuiserie, soudage, malaxage du béton et ainsi de suite. C'est le genre de chose que j'aimerais voir se réaliser.
M. Ken Epp: Je vous remercie de votre réponse, mais mon temps file et j'ai d'autres questions, aussi je dois vous interrompre.
Je pense que nous sommes probablement tous d'accord ici pour constater que vous n'êtes pas favorable à l'assurance-emploi dans sa forme actuelle, parce que soit vous payez trop de cotisations et que ces cotisations devraient être réduites ou encore que les prestations devraient être augmentées. Certains d'entre vous affirment que les prestations devraient être augmentées—et je pense que vous vous reconnaissez—et les autres semblent d'accord avec cela dans cette province. C'est bien. Nous avons eu divers échos selon les régions.
J'aimerais aborder la question de la dette. Nous sommes réunis ici pour des consultations prébudgétaires. Nous parlons du plan du gouvernement pour gérer les affaires financières de ce pays. Nous avons une dette énorme. En réalité, depuis 1993, nous avons ajouté environ 100 milliards de dollars à la dette que nous avions à l'époque. Aucun d'entre vous n'a montré d'intérêt pour cette question—ou alors ne l'a fait figurer parmi ses priorités devrais-je plutôt dire—qui consiste à réduire la dette, à en rembourser une partie. Je trouve cela particulièrement intéressant de la part de personnes qui viennent d'un milieu qui ne désire pas voir la dette réduite.
Généralement, la conséquence de la dette c'est que l'on prélève de l'argent dans la poche des pauvres—et nous savons que ce gouvernement prélève 6 milliards de dollars en impôt sur le revenu auprès de personnes qui gagnent moins de 20 000 $ par année. Cet argent est ensuite transféré dans le paiement d'intérêt pour ceux qui disposent de plus d'argent qu'ils n'en ont besoin, et qui ont ainsi la possibilité d'acheter des Obligations d'épargne du Canada et autres obligations de ce genre. Donc je suis vraiment très surpris de voir que vous êtes en faveur du maintien de la dette et que vous appuyez le transfert de la richesse. Est-ce qu'aucun d'entre vous ne se préoccupe du fait que nous devrions peut-être régler le problème de la dette?
M. Norm Halldorson: Je vous remercie de votre commentaire et ce sujet fait partie de notre mémoire écrit. Nous reconnaissons que la réduction de la dette est une priorité. En effet dans notre mémoire nous disons notamment:
-
La réduction de la dette doit figurer parmi les priorités lors de
l'élaboration du budget du Canada. Les frais d'intérêt associés à
notre dette nationale nous privent de fonds qui pourraient servir
à la réduction des impôts, à des investissements et à des
programmes.
-
En utilisant les fonds excédentaires pour accélérer le rythme de
remboursement de la dette, nous pourrions disposer de sommes
additionnelles à la longue. La réduction des paiements d'intérêt
annuels pourrait nous permettre de disposer de fonds additionnels
dans l'avenir.
-
Il n'est pas juste de faire porter aux générations futures le
fardeau d'une dette qui a été contractée par les générations
actuelles.
Donc les membres de la Chambre de commerce de la Saskatchewan sont très conscients des problèmes que vous soulevez. Nous avons simplement essayé de nous limiter aux contraintes de temps dans nos commentaires précédents et nous n'avons pu aborder cette partie de notre mémoire.
M. Ken Epp: Merci. J'ai le même problème. Je manque aussi de temps.
Il y a bien d'autres sujets que j'aimerais aborder, mais mes dix minutes sont écoulées, madame la présidente.
M. Wes Norheim (représentant, Association des syndicalistes retraités du Canada): Soit dit en passant, monsieur Epp, la dette ne nous est pas étrangère en Saskatchewan non plus. À l'échelle provinciale nous avons aussi une dette à rembourser. Cette situation a handicapé notre capacité dans le secteur public à nous acquitter de certaines tâches que nous aurions assumées autrement si ce n'avait été de cette importante dette provinciale. Nous avons nos propres problèmes au niveau de la dette.
Donc ce sujet ne nous est pas étranger. Nous savons qu'il y a également une dette à l'échelle nationale, mais on voit toujours ce qui nous touche de plus près.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Monsieur Badham.
M. Mike Badham: J'aimerais faire un bref commentaire.
Nous aimerions suggérer que nos besoins d'infrastructure sont réellement ce que l'on pourrait qualifier de dette cachée. Il s'agit bien d'une dette, et les gens parlent des générations futures qui devront la rembourser. Nous aimerions en venir à ce sujet maintenant. D'où nos commentaires sur l'infrastructure d'un point de vue municipal ainsi que d'un point de vue de municipalités qui doivent équilibrer leur budget. C'est une obligation qui se reporte d'une année à l'autre.
M. George Harris: J'aimerais commenter brièvement. En ce qui concerne la dette, dans le cadre de notre alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, nous avons en réalité fait du très bon travail pour ce qui est de la gestion de la dette. Le problème que vous avez—et la raison pour laquelle notre organisation s'appelle Cho!ces—est que vous devez effectivement faire des choix parmi un ensemble de processus d'établissement du budget et ainsi de suite. C'est une partie du défi que doit relever le gouvernement.
• 1725
Comme d'autres l'ont mentionné, c'est une question très
difficile que d'établir un équilibre entre les divers besoins. Je
peux comprendre cela. Mais le problème qu'un grand nombre d'entre
nous ont avec la dette vient du fait que l'intérêt est presque
entièrement consacré à la dette et qu'on procède ainsi à un
découpage très précis de la société. Nous avons une approche très
caractérisée à cet égard. Chaque jour, je traite avec des gens qui
ont été mis de côté en raison de notre préoccupation globale avec
les objectifs financiers. Lorsque vous approchez les choses avec
cette attitude unidimensionnelle, sans préoccupation apparente—et
je dis bien apparente, parce qu'il se peut que certaines gens se
sentent préoccupés—par ce qui arrive aux personnes qui sont
dévastées, et bien dans ce cas je suis vraiment en désaccord avec
cette approche.
Notre alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral tient compte de la dette.
La présidente suppléante (Mme Karen Redman): Merci.
Avant que je permette à l'honorable Lorne Nystrom de poser sa question, si je n'empiète pas sur le temps de personne d'autre, j'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Mark Wartman, membre de l'Assemblée législative pour Regina—vallée de la Qu'Appelle qui s'est joint à nous après que nous ayons commencé la période de questions. Il voulait répondre à la question de M. Epp, et j'aimerais lui donner cette possibilité maintenant.
M. Mark Wartman (député de Regina—Qu'Appelle, Assemblée législative de la Saskatchewan): Je vous remercie beaucoup. Je suis très heureux d'avoir la possibilité de répondre à la question que vous venez de poser.
Vous avez posé deux questions qui à mon sens sont étroitement liées. La première concerne l'assurance-emploi, et la seconde parle de la dette. L'un des problèmes que nous avons lorsque nous nous concentrons sur la dette ou le déficit et que nous voulons consacrer toutes nos ressources à la résolution de ces problèmes, est que les gens qui se trouvent au bas de l'échelle souffrent réellement. Lorsque nous abordons cette question d'une perspective nationale, nous voyons une province qui a toujours été considérée comme une province pauvre et qui a souffert considérablement du fait que le gouvernement fédéral s'est concentré sur le déficit et la dette.
L'économie de la région de Regina a perdu plus de 46 millions de dollars en raison des changements qui ont été apportés à la structure des prestations du programme de l'assurance-emploi. J'ai été horrifié d'entendre le ministre fédéral Martin suggérer lors de notre réunion à Ottawa que notre assurance-emploi n'est somme toute qu'une source de revenu de plus pour le gouvernement fédéral. Je suis demeuré songeur et je me suis demandé au nom de qui il s'exprimait.
Pour ce qui est du deuxième volet, lorsque nous voyons de telles sommes puisées dans notre économie aux fins de l'assurance et, par ailleurs, lorsque vient le moment de parler du problème de l'agriculture, nous constatons une décision unilatérale qui fait en sorte que nous nous retrouvons au sein d'un marché avec lequel nous ne pouvons concurrencer puisqu'il y a un écart de 30 p. 100 dans les échanges commerciaux. Laissez-moi vous dire qu'en nous concentrant uniquement sur la dette, nous faisons erreur. Dans cette province, certains besoins doivent être satisfaits si nous voulons nous occuper des pauvres et si nous voulons réellement construire une économie. Nous ne pouvons nous concentrer uniquement sur le remboursement de la dette. Si nous adoptons cette approche, elle se révélera beaucoup trop coûteuse pour les gens qui sont au bas de l'échelle. Nous voulons que vous soyez de bons gérants, nous voulons rembourser la dette, mais pas à n'importe quel prix pour la population de cette province.
Le président: Merci, monsieur Wartman.
Monsieur Nystrom.
M. Lorne Nystrom: Je vous remercie, monsieur le président.
Je pense que George Harris a dit que finalement tout était une question de choix. Le ministre des Finances a déclaré qu'il prévoyait notamment un programme de dégrèvements fiscaux. Quel conseil avez-vous à nous donner, Wes Norheim, George Harris ou quiconque au sujet des choix qui s'offrent à nous pour ce qui est des réductions d'impôt? Il y a quelques années, nous avons beaucoup entendu parler de réduction et même d'annulation de la TPS. Un sondage réalisé il y a environ un mois révélait que le choix le plus populaire au sein du public canadien était les réductions d'impôt. Je pense que 55 p. 100 des gens voulaient que l'on élimine la TPS ou qu'on la réduise et les réductions d'impôt pour les particuliers arrivaient en deuxième place. Nous avons entendu très peu de commentaires sur cette question. Quels sont les choix qui s'offrent à nous au niveau des dégrèvements fiscaux et des réductions d'impôt aujourd'hui?
M. George Harris: Pour ce qui est des réductions d'impôt, encore une fois nous faisons déjà un choix lorsque nous ne mettons pas les réductions d'impôt en très haute priorité dans nos programmes. Nous ferions mieux de nous y attacher... J'entends cette réflexion de la part de diverses personnes. Certains membres de notre société sont imposés très lourdement. Ça ne fait aucun doute. Mais nous ne pouvons pas envisager cette question en disant que nous allons la régler par des mesures sans aucune distinction.
• 1730
Le problème avec les réductions de l'impôt sur le revenu des
particuliers effectuées sans aucune distinction est que vous allez
peut-être régler le problème des gens à revenu moyen, s'il est vrai
qu'ils ont un problème... Il est certain qu'étant donné les
compressions opérées par le gouvernement fédéral dans les services,
il est de plus en plus facile de justifier les gens à revenu moyen
de se plaindre comme quoi c'est vraiment honteux d'être imposé de
la sorte, mais voilà un autre sujet de discussion. En réglant le
problème des gens à revenu moyen, si véritablement le problème se
trouve là, vous allez en même temps accorder des avantages
faramineux aux gens qui se situent dans les échelons supérieurs.
J'ai trouvé l'exposé de la Chambre de commerce de la Saskatchewan intéressant, surtout lorsqu'ils ont expliqué que le problème se situait probablement au niveau des tranches d'imposition plutôt qu'au niveau des taux. Nous devrions étudier de plus près ce genre de suggestion. Certains taux d'imposition sur les revenus élevés entrent en jeu très tôt, par conséquent il serait certainement avisé d'aborder cette question.
Dans l'alternative budgétaire, nous manipulons dans une certaine mesure les tranches d'imposition et nous avons également ajouté quelques tranches nouvelles afin de donner une forme différente au fardeau fiscal.
La TPS est certainement un secteur qui aurait une incidence directe sans aucune distinction de contribuable, aussi c'est une option que nous devrions étudier sérieusement.
Le défi à relever maintenant, c'est la détermination de la tranche de revenu et si nous renonçons à ce revenu, et bien il faut commencer à étudier les possibilités qui s'offrent. Mais il y a beaucoup de travail à effectuer dans ce domaine.
M. Lorne Nystrom: Le plus gros de notre effort doit être consacré à soulager les gens qui se trouvent au bas de l'échelle des revenus au Canada; nous n'en sortons pas. Si une personne gagne 200 000 $ par année, bien franchement la TPS que cette personne paie sur l'achat d'un téléviseur ne la dérange pas beaucoup. Mais si la personne se situe dans la catégorie des revenus moyens ou inférieurs à la moyenne, où le salaire réel, la totalité du revenu disponible est consacrée au logement ou à la nourriture, dans tous ces secteurs vos décisions ont beaucoup plus d'impact.
Vous avez la capacité de déterminer quel est le pourcentage de TPS assumé par les gens qui se situent dans diverses tranches de revenu. Vous avez des recherchistes, vous pouvez trouver l'information. L'effort doit être consacré à aider les gens qui se situent au bas de notre échelle économique. Ceux qui se situent au sommet et qui gagnent plus de 100 000 $ vont survivre, je vous en passe un papier. Ce sont les gens à faible revenu qui me préoccupent.
Une voix: Si vous examinez l'objectif visé par une réduction d'impôt, qui pourrait être de permettre à nos entrepreneurs d'être plus concurrentiels dans un marché où la concurrence est très forte dans les juridictions voisines, vous devriez peut-être écouter les résultats de certains sondages que nous avons effectués dans la province de la Saskatchewan auprès de leur comité d'action provinciale sur l'économie et un autre sondage effectué par la Chambre de commerce. Le but de ce sondage était de savoir de la bouche des décideurs, de ceux qui décident s'ils vont risquer leur capital pour construire une usine en Saskatchewan ou au Canada plutôt qu'ailleurs, quels facteurs les influençaient le plus dans leur décision.
Donc, si nous envisageons un programme qui vise à stimuler l'économie en essayant d'obtenir plus d'activité économique dans la région, la réponse que nous avons obtenue a été que le facteur unique le plus important ayant une incidence sur la décision de placer des investissements dans des projets d'immobilisation à long terme afin de produire des emplois intéressants et une activité économique florissante était le taux d'imposition sur le revenu des particuliers.
Le président: Monsieur Cerilli.
M. Al Cerilli: J'aurais deux commentaires. Premièrement, je pense que nous savons tous que lorsqu'on offre un dollar à quelqu'un, c'est évident que la personne va le prendre. Notre expérience des négociations nous a enseigné que peu importe ce que l'on mettait sur la table et peu importe ce qui résultait des négociations, au bout du compte, le résultat final était le nombre de dollars en plus ou en moins. Lorsque nous parlons de la réforme de la TPS, je pense que vous voudrez peut-être l'étudier de plus près étant donné que vos décisions auront une incidence sur énormément de gens à revenu moyen.
Nous avons décidé de nous en tenir à la dette familiale, si vous préférez ainsi qu'à nos enfants, notre environnement et ainsi de suite tout ce qui pourrait entraîner la création d'emploi. Pour ce qui est des jeunes, c'est vraiment ce qui nous préoccupe le plus, autrement nous allons perdre une autre génération.
• 1735
La dette est une chose, et la réforme fiscale, ou la réduction
des impôts, en est une autre. Mais les gens sont ainsi. Nous sommes
tous faits de la même façon. Quand on nous offre un dollar, nous le
prenons. Mais est-ce que cela signifie vraiment que les autres
arguments invoqués par les témoins, qui touchent le stress familial
et l'incertitude du travail, n'en sont pas moins réels? Qu'arrive-t-il à
ces 5,5 millions de personnes qui vivent à ce niveau?
Cherchez-vous à obtenir un dollar en réduction d'impôt, alors qu'en
fait vous n'obtiendrez rien parce que le revenu est inexistant ou
qu'ils n'ont pas d'emploi?
La TPS pourrait être un domaine intéressant pour vous. Peut-être pourriez-vous chercher des moyens de réformer ce programme.
Le président: Monsieur Nystrom, allez-y.
M. Lorne Nystrom: Monsieur le maire ou monsieur Badham, pouvez-vous élaborer un peu sur les impacts de la crise agricole pour la ville de Regina ou les autres centres urbains de la province? Nous avons beaucoup entendu parler des répercussions de la crise agricole pour les fermes elles-mêmes, mais on sait qu'elles vont beaucoup plus loin.
M. Douglas Archer: Je suis sûr que Mike pourra mieux vous parler du contexte provincial dans son ensemble et des répercussions pour toutes les municipalités. Pour ma part, je peux vous parler de la condition avilissante que vivent ces propriétaires de fermes, parmi les plus riches du monde, tout autour de la ville de Regina. Ils se retrouvent dans une situation désespérante. Il est difficile de construire une collectivité et d'aller de l'avant alors qu'ils sont à toutes fins utiles réduits à mendier.
Je dis cela en reconnaissant toute la complexité de la question. Ce n'est pas une question facile. Si c'était le cas, quelqu'un aurait trouvé la solution voilà longtemps déjà. L'absence de solution reflète d'une certaine façon cette complexité.
Oui, cette crise a un impact considérable. Notre ville a connu une bonne croissance, et nous bénéficions d'une bonne situation de l'emploi, ce qui nous aide à tempérer certaines des répercussions. Mais je connais certaines entreprises—des concessionnaires automobiles et des vendeurs de machinerie, par exemple—qui subissent directement les répercussions négatives.
M. Mike Badham: Pour ce qui est du dernier commentaire du maire Archer, si on examine la situation individuelle des entreprises, nous possédons pour l'instant des données très parcellaires. Mais nous obtiendrons certainement des données plus complètes plus tard.
Dans les petites collectivités, certaines entreprises de fabrication de machinerie agricole, utilisée non seulement par les consommateurs de cette province mais aussi dans les régions agricoles des Prairies, connaissent des baisses, dans les secteur de la fabrication et de la vente aussi. Les agriculteurs ont moins d'argent consacrer à ces dépenses et, s'ils en ont, il ne va pas aux entreprises locales.
Nous pourrions calculer les impacts sur les entreprises ou les problèmes économiques qui découlent de cette crise, et vous pourriez ainsi obtenir des nombres réels, au dollar et au cent près. Mais il reste que de nombreuses collectivités subissent des morcellements sociaux. Tant les familles que les individus subissent des pressions. C'est ce qu'ont constaté les groupes et les organismes d'aide.
Je ferai maintenant une observation personnelle. D'une certaine façon, cette situation place les résidents des régions rurales de la Saskatchewan en position de défense par rapport aux urbains. Un gouffre se crée. Si vous examinez certains événements survenus récemment dans cette province, vous verrez de quoi je parle. Les gens sont en colère, et cherchent des façons de l'exprimer. On sent toute la colère gronder quand on entend les discussions révoltées au sujet des impôts fonciers, puis dans le domaine de l'éducation.
• 1740
Certaines conditions économiques provoquent un sentiment
généralisé de désarroi. Il n'est pas possible de les articuler
aussi bien ou d'en dresser la liste, mais les problèmes sociaux
sont bel et bien réels.
C'est difficile. Je n'ai pas été affecté aussi directement que d'autres personnes qui siègent au conseil d'administration de la SUMA, et qui s'impliquent dans les plus petites collectivités ou qui sont des entrepreneurs de la région. Je sais que les discussions se poursuivront à ce sujet, comme je l'ai mentionné lors d'une réunion du conseil d'administration la fin de semaine dernière.
Le président: Merci, monsieur Badham.
Merci, monsieur Nystrom.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins que nous avons entendus aujourd'hui.
J'aurais une question pour les maires et les autres personnes qui représentent les municipalités de la Saskatchewan. On sent un intérêt croissant envers un éventuel programme de partage des coûts des infrastructures. Hier à Vancouver, nous avons entendu quelques maires qui nous ont affirmé que, si les municipalités de la Colombie-Britannique ne participaient pas avec la province à l'établissement des priorités, il vaudrait mieux ne pas établir de programme d'infrastructure du tout.
Je ne sais pas quelle a été l'expérience des municipalités de la Saskatchewan en ce qui a trait à la collaboration avec la province pour l'établissement des priorités. Les maires de la Colombie-Britannique nous ont dit que l'année dernière, le combat a été un peu difficile. Je sais qu'en Ontario, ils doivent sans cesse lutter pour que la province accepte de collaborer avec les municipalités pour établir les priorités.
M. Wartman voudra peut-être aussi commenter ce sujet. Quelqu'un d'entre vous peut-il nous livrer ses commentaires à cet effet? Devrions-nous adopter la ligne dure et dire aux provinces que, si les municipalités ne participent pas, il n'y aura pas d'entente?
M. Mark Wartman: Eh bien, je vous recommande bien entendu d'agir ainsi. C'est la position qu'a adoptée notre municipalité depuis des années. Je siège en outre depuis onze ans au conseil de la Fédération canadienne des municipalités, et c'est la position que nous avons ardemment défendue.
Il arrive un moment où il faut trancher. Peut-être sont-ils un peu mieux nourris dans une région, mais je préférerais certainement avoir un dollar en main plutôt que de me gargariser avec la perspective d'en recevoir plus un peu plus tard. Nous serions dans une situation beaucoup trop difficile.
Il est temps que les municipalités prennent la place qui leur revient de plein droit devant les gouvernements provinciaux. On sent une vague de paternalisme et de colonialisme qui est très anachronique dans une société moderne. Il est temps d'aller beaucoup plus loin.
Je crois que nous exagérons. Les provinces ne perdront ni leurs prérogatives ni leur prestige, ni quoi que ce soit si elles développaient une relation plus mature avec les municipalités.
M. Mike Badham: En annexe de mon mémoire, j'indique que l'accès au financement devrait être beaucoup plus souple, et qu'il faut une planification et une participation des municipalités.
Dans notre examen du programme d'infrastructures Canada-Saskatchewan, nous avons vu à la deuxième étape que les municipalités de la Saskatchewan recevaient une grande partie des subventions versées et qu'elles participaient aux discussions et à la distribution.
L'année dernière, la Saskatchewan a élaboré un programme d'infrastructures en collaboration avec les municipalités, et nous avons participé à cet exercice. Il était limité—10 millions de dollars seulement dans la province—mais il a généré 16 millions de dollars additionnels de la part des municipalités. Les décisions relatives aux affectations des dépense émanaient presque exclusivement des municipalités. Les habitants de la Saskatchewan étaient très satisfaits des décisions prises.
À mon avis, le gouvernement de la Saskatchewan ne mettra pas de frein ni d'obstacle à un programme tripartite. En fait, si je m'appuie sur les discussions que j'ai eues avec le ministre des Affaires municipales, nous agirons de concert dans cette direction. Ce ministère entend favoriser notre autonomie et veut que l'argent aille dans les municipalités.
• 1745
Je crois que notre situation est assez saine. Tout comme les
autres provinces, bien que je ne puisse pas parler en leur nom, les
municipalités doivent participer et contribuer directement à
l'affectation des fonds aux projets.
Une voix: Je vous encourage à ajouter les écoles à la liste si nous voulons aborder la question des infrastructures dans ce pays.
Si la province, particulièrement la nôtre, vous dit que l'appui à une infrastructure municipale aidera à libérer la province et lui permettra d'aider l'infrastructure scolaire, je vous conseille de ne pas le croire. Cela n'a pas fonctionné la dernière fois.
Tout ce que vous ferez pour diriger les ressources vers les écoles nous aidera. Les écoles dans cette province—c'est difficile de parler pour les autres, mais je crois que les problèmes ne sont pas très différents ailleurs—tombent en ruine. Nous devons investir dans les écoles, cela ne fait aucun doute.
Le président: Monsieur Cerilli.
M. Al Cerilli: Merci.
Dans notre présentation, nous avons délibérément parlé de ces questions, dans les cinq minutes qui nous ont été allouées. Si vous examinez les infrastructures de ce pays, depuis le changement des politiques de financement du gouvernement fédéral, elles se sont détériorées encore plus, qu'il s'agisse des écoles, des ponts, des systèmes d'égout...
Une voix: Des bibliothèques.
M. Al Cerilli: ...des bibliothèques, tout. Le point central est donc ce que les familles attendent de leur collectivité. Et le Canada est une collectivité.
Je crois que ce qui se passe ici... nous entendons des commentaires de toutes les sources et particulièrement d'un chef syndical à la retraite, qui a vu tous ces points. Nous avons déjà négocié avec les personnes autour de la table ou leurs prédécesseurs. Le fait est que tout tombe en ruine.
Les investissements dans les infrastructures ont de nombreuses retombées. Ils créent de l'emploi et de bons contribuables. Ils renflouent les caisses de retraite, et il n'y aura pas d'impact sur les budgets de la santé et tout ce qui en découle. Ils nourrissent les familles et les enfants. Ils font vivre les communautés.
Les secteurs centraux de toutes les grandes villes canadiennes sont en détérioration continue. Pourquoi? Parce que d'autres personnes ont envahi les centres urbains. À Winnipeg, par exemple, les gens se sont éloignés des centres-villes. Nous essayons de pallier ce problème maintenant, mais l'action des trois échelons de gouvernement n'a pas encore été concentrée. C'est pourquoi nous proposons que le financement soit dédié aux systèmes d'égout si ce sont les égouts qui en ont besoin... notre eau n'est plus potable. Trente pour cent des eaux de surface et souterraines du Canada sont polluées. On n'a même pas encore sondé ces terrains.
Beaucoup de sites de décharge municipaux coulent et se déversent dans les systèmes d'approvisionnement en eaux souterraines, et nous empoisonnent. Nos lacs sont pollués. Nous cherchons 200 millions de dollars à Winnipeg pour financer une usine de traitement des eaux. Quand nous tirions notre eau du lac des Bois, c'était la meilleure du monde. Voilà 30 ans, nous pouvions aller y pêcher, quand mes enfants étaient petits. Nous prenions notre bateau et nous buvions l'eau du lac. Ce n'est plus possible. On en mourrait. Le système des trois gouvernements doit fonctionner et il faut le mettre en place.
C'est pourquoi je vous demande, à vous et à votre comité, d'établir une norme gouvernementale solide pour créer ce gouvernement triple.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.
Très rapidement, je veux poser une question au représentant de la Saskatchewan School Trustees Association.
Dans votre mémoire, vous donnez votre appui à l'augmentation de la Prestation nationale pour enfants. Pourtant, d'autres témoins nous ont affirmé que ce mécanisme ne convenait pas. Vous le savez sûrement, le gouvernement a consacré beaucoup d'argent à ce programme; il s'agissait d'un programme de soutien aux familles avec enfants. Je crois que dans toutes les provinces sauf deux, cet argent est prélevé du portefeuille de l'aide sociale et qu'il est réaffecté. Je me demande tout simplement si vous partagez les interrogations que nous avons entendues à l'effet que le programme n'est pas assez complet, qu'il ne prend pas en compte les besoins des enfants handicapés. Ou estimez-vous au contraire que ce mécanisme gouvernemental est efficace?
Une voix: Nous avons appris dans cette province que la plupart des programmes fédéraux pourraient endurer une certaine amélioration—l'ACRAIDA en est un autre exemple. À notre avis, ce mécanisme devrait permettre au gouvernement fédéral de diriger les ressources vers les familles qui, de l'avis de tous, sont probablement les plus dans le besoin. Si les maintien du programme et l'acheminement efficace du financement posent problème, il est clair qu'il faudra apporter les améliorations nécessaires.
Dans notre mémoire, nous affirmons que, dans la mesure du possible, le gouvernement fédéral doit diriger les ressources vers les enfants et les familles qui en ont le plus besoin. Si des améliorations sont nécessaires, alors faites-les. Assurez-vous de mettre en place un mécanisme d'acheminement des ressources.
Le président: Madame Leung.
Mme Sophia Leung: Merci, monsieur le président. À Vancouver et à Calgary, nous avons entendu beaucoup de commentaires et de questions sur les logements abordables, les logements sociaux.
J'aimerais commencer par le maire. Vous avez bel et bien dit que vous aviez reçu 18 millions de dollars du programme PAREL. Vous avez eu beaucoup de chance. Ce programme est-il encore en vigueur? Avez-vous trouvé un autre programme gouvernemental pour les logements abordables?
M. Douglas Archer: Ces 18 millions de dollars étaient du financement à long terme et je suis convaincu que c'était minime en comparaison avec ce que Calgary et Vancouver ont reçu—le même genre de financement.
Ce programme à nos yeux était excellent. Il a été vraiment utile dans notre contexte, un contexte particulier. Nous ne nous trouvons pas à Toronto où beaucoup de sans-abri sillonnent les rues, mais je peux vous dire que le taux d'inoccupation est maintenant de 1 p. 100 environ, ce qui signifie que nous devons faire tout en notre possible pour régler le problème du logement abordable. En effet, si des gens n'ont pas un revenu suffisant pour se trouver un logement, ils devront déménager, et ils devront aller vers d'autres endroits où ils pourront survivre dans la rue. Il faut vraiment trouver une solution à la crise du logement.
Le gouvernement fédéral pourrait prendre des mesures pour encourager et, à vrai dire, obliger les institutions financières à rendre le financement accessible pour les logements à faible coût. Il faudrait éliminer les risques injustifiés pour l'institution financière. Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais j'ai lu suffisamment à ce sujet pour savoir que des propositions circulent. On a fait de nombreuses expériences aux États-Unis. Je sais que dans certains États américains les banques doivent, pour obtenir une charte de l'État, dégager un certain pourcentage de leurs fonds pour les loyers des personnes à faible revenu. Il est possible de trouver des façons de protéger les investissements.
À titre d'exemple, je citerai la Banque Royale. Elle a consacré 100 millions de dollars à des prêts à des usines de transformation des aliments, je crois, dans la province. Le fédéral garantissait 10 p. 100 de cet investissement, en se fondant sur le principe que 90 p. 100 des prêts seraient remboursés et que, s'il fallait éventuellement demander aux banques de se retirer alors qu'elles ne le feraient pas normalement, il fallait garantir cette marge de 10 p. 100. On peut s'inspirer du même concept pour trouver des solutions aux logements sociaux et à l'établissement de cette marge. Plutôt que de demander au gouvernement de financer la totalité des logements, on peut chercher comment garantir cette marge, qui est à la source des risques. On aiderait ainsi les gens à se débrouiller tout seuls.
La pire chose que l'on pourrait faire serait de forcer des gens à se trouver dans un état de dépendance. Ils ne veulent pas se trouver dans cet état. Ils veulent une certaine dignité. De l'auto-respect. Je crois qu'il existe des modèles en place qui apportent des solutions au problème du logement. Ici, avec un taux d'inoccupation de 1 p. 100, nous avons besoin de logements.
Le président: Monsieur Harris.
M. George Harris: C'est un problème auquel je suis confronté dans mon travail auprès des habitants de Winnipeg qui sont séropositifs ou qui ont le SIDA; mais nous travaillons aussi avec une population beaucoup plus large de personnes à faible revenu, de personnes handicapées, etc., qui habitent à Winnipeg. C'est un problème assez grave à Winnipeg, où un nombre impressionnant de maisons de chambre ont vu le jour. On divise une maison en une demi-douzaine de chambres, et on y entasse les gens pour 200 $ par mois, en leur offrant un toit et des conditions sanitaires extrêmement mauvaises. Nous avons dû en faire fermer quelques-unes en raison de leur insalubrité. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.
• 1755
Le gouvernement a effectivement un rôle à jouer. Il est très
important que le gouvernement fédéral et d'autres paliers examinent
la situation.
J'abonde dans le sens du commentaire précédent. Demain matin, je participerai à une réunion avec la Coopérative de crédit Assiniboine de Winnipeg. Nous voulons entamer des discussions sur la possibilité d'engager la coopérative de crédit dans cette démarche.
J'apprécie cette question. Oui, le gouvernement a effectivement un rôle à jouer. On pourrait même dire un rôle combiné.
Mme Sophia Leung: J'ai une autre question, rapide.
À Vancouver, j'ai visité un endroit spécial, comme celui que vous venez de décrire, à l'intention des groupes marginaux, qui vivent beaucoup de problèmes. Le centre est financé par trois échelons, en plus du secteur privé. C'est pourquoi j'aimerais savoir ce que vous faites ici à cet égard.
Je présenterai ensuite cette personne... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... toute seule, et elle s'occupe avec deux autres membres du personnel de 87 personnes. Elle est vraiment exceptionnelle... nous en entendrons aussi parler. C'est très bien de vous entendre dire que vous travailler sur ce dossier. J'encourage d'autres partenaires du secteur privé à en faire autant. L'action du gouvernement est limitée. La communauté devrait s'impliquer.
Le président: Merci, madame Leung.
Monsieur Jones.
M. Jim Jones: Merci, monsieur le président.
[Note de la rédaction: difficultés techniques]... les problèmes auxquels nous faisons face, surtout... notre économie est vraiment florissante si on la compare à ce qu'elle était à la fin des années 80 et au début des années 90. En fait, au cours de huit des neuf dernières années, les États-Unis ont connu une croissance et un rendement économique sans pareils.
Ainsi, au début des années 90, le gouvernement élu en Ontario croyait que la façon de s'en sortir était de consacrer plus d'argent à l'aide sociale et à d'autres programmes. Au terme de la crise, la dette était passée de 40 milliards à plus de 100 milliards de dollars.
En 1995, nous avons élu Mike Harris en Ontario. Grâce à des réductions de l'impôt, il a réussi à créer 500 000 nouveaux emplois durant son mandat de 4 ans. Quatre cent mille personnes ne reçoivent plus d'aide sociale. Il a réduit le déficit. Quand le gouvernement de 1990 a pris le pouvoir, le déficit se situait à 1 milliard de dollars environ, et il augmentait chaque année de 12 millions de dollars. Il est maintenant revenu à 1,5 milliard de dollars, et il atteindra probablement l'équilibre cette année. Quatre-vingt-cinq pour cent des exportations de l'Ontario vont vers les États-Unis. Malgré les baisses d'impôt, les revenus de la province montent encore.
Je connais très bien ce qui s'est passé en Irlande et quelles ont été les suites. Pouvez-vous nous fournir une analyse de rentabilité qui démontre que, si nous réduisons les impôts personnels et les impôts des sociétés, nous pourrons créer de l'emploi? Je sais que la grande majorité des Canadiens veulent travailler. Si la grande majorité travaille, nous n'aurons plus besoin de tous ces programmes.
Nous avons deux choix. Nous pouvons continuer à financer des programmes ou nous pouvons emprunter la route de la création d'emplois. Quelle expérience, quelle analyse de rentabilité, pouvez-vous nous montrer pour appuyer cette réduction d'impôts?
M. Kelly Mitchell: Du côté des sociétés, nous pouvons nous inspirer de l'analyse de rentabilité réalisée en Irlande. C'est démontré. Nous avons ici leur revue économique, mais j'ai aussi celle de 1998, de 1997, de 1996 et de 1995. Vous pouvez constater que, quand les diminutions ont été mises en place, à quel point la croissance économique a été stimulée. Nous avons un modèle historique à suivre pour ce qui est des sociétés.
Sur le plan personnel, il faudrait examiner la situation en Ontario et la feuille de route de M. Harris, de même que les statistiques que vous venez de lire. À titre de membre de la Chambre de commerce de la Saskatchewan, je peux simplement vous dire que nous tentons actuellement de soumettre une proposition à cet égard à la province de la Saskatchewan.
Le président: Le maire a levé la main, de même que ce membre de l'auditoire.
M. Douglas Archer: La plupart des résidents de l'Ouest savent très bien que le développement du pays nécessitait la mise en place du programme du Nid-de-Corbeau, et qu'une industrie était créée en Ontario en contrepartie d'un tel programme qui soutenait le développement de l'Ouest.
Malheureusement, nous n'avons pas obtenu le même genre d'aide que l'Ontario, et cette province a reçu des avantages plus nombreux depuis. C'est la vie. La vie continue. Mais nous allons actuellement vers l'élimination de l'impôt des sociétés. Les entreprises d'ici ont obtenu une réduction de 33 p. 100 de leurs taux d'imposition. J'aimerais le dire avant tout. J'aimerais aussi ajouter que nous avons connu l'expérience dans cette province d'un gouvernement qui a été au pouvoir de 1982 à 1991, dont la popularité reposait en grande partie sur sa promesse de réduire les impôts. C'est ce qu'il a fait, et notre dette a atteint des niveaux faramineux. Nous devons par conséquent réduire les services, et ce n'est pas fini.
À mon sens, cet argument n'est pas linéaire. Il ne suffit pas de voir où se trouve le point d'équilibre et de calculer les résultats d'une réduction. On ne peut pas toujours aller directement du point A au point B. Ce n'est pas une situation linéaire. C'est un facteur, mais ce n'est pas le seul problème en cause.
M. Norm Halldorson: Il est clair qu'il existe un lien très direct entre la stimulation de l'activité économique et le fait de rendre l'environnement plus attrayant en réduisant les impôts. Il suffit de regarder nos voisins de l'Ouest, l'Alberta. On y a adopté délibérément un taux d'imposition peu élevé, et cela les a très bien desservis. La province de l'Alberta attire depuis beaucoup de richesses de la Saskatchewan.
Dans le mémoire que notre chambre a présenté au comité de révision de l'impôt de la province, nos membres donnent divers exemples de personnes qui ont quitté la Saskatchewan pour l'Alberta pour deux raisons principales. Des planificateurs financiers ont aligné les chiffres qui leur démontraient quels seraient les coûts de l'impôt s'ils vendaient leur entreprise, leurs fermes ou s'ils retiraient leurs économies de retraite. Les économies d'impôt étaient si considérables que ces gens pouvaient se permettre d'acheter une copropriété de luxe en Alberta et se trouver quand même plus à l'aise. L'autre raison importante est que la plupart de leurs enfant se trouvent déjà en Alberta, parce qu'ils étaient allés y chercher de l'emploi.
Nous pensons donc qu'il est absolument essentiel de créer un environnement concurrentiel. La Saskatchewan peut offrir de nombreux avantages à cet égard. Nos régions rurales offrent de nombreux avantages concurrentiels sur le plan mondial. Nous suggérons simplement d'abolir certaines barrières créées par des impôts élevés, qui inhibent l'activité économique. Il faut offrir des occasions d'emplois intéressantes. Comme vous l'avez dit, la plupart des gens sont beaucoup plus heureux s'ils ont un emploi intéressant, plutôt que de se trouver en chômage.
Sur le plan de l'économie mondiale, nous avons vu des exemples où les gouvernements étouffaient les entreprises et tentaient de fournir eux-mêmes tous les emplois, mais cela n'a pas fonctionné. Il suffit de penser à l'Union soviétique.
Les entreprises personnelles sont très prometteuses, et le capital est très mobile. Ce pays regorge de talents. Nous sommes à quelques pas seulement d'un rendement phénoménal: abolissons certains obstacles, pour attirer des capitaux de risque. Les décisions relatives au capital sont grandement influencées par le rendement escompté, et l'un de ces facteurs de rendement est directement tributaire du taux d'imposition et de la capacité d'employer les bonnes personnes dans l'entreprise. Si nos deux paliers de gouvernement confondus prélèvent des impôts qui sont de 10 à 15 p. 100 plus élevés que ceux payés par nos voisins du Sud, comment pourrons-nous retenir les personnes de talent? Comment pourrons-nous les convaincre de travailler au Canada plutôt que d'aller vers le Sud et de faire prospérer leur économie?
Le président: Deux remarques finales. Monsieur Harris et monsieur Norton.
M. George Harris: L'une des choses que nous avons apprises en travaillant sur des budgets différents est que, quel que soit le problème, il est toujours complexe. Très souvent, ce qui arrive n'est pas le résultat d'un seul facteur. Plusieurs facteurs sont en cause.
Quand je faisais des études supérieures en économie agricole, j'ai fait des analyse de régression pour tenter de déterminer la cause et les répercussions de différents facteurs. J'ai appris qu'il était extrêmement difficile de déterminer parfois quelle est la cause réelle. Tellement de facteurs entrent en ligne de compte.
Certaines personnes appuient les changements qui ont été entrepris en Ontario. Je ne le souhaite pas, mais j'ai très peur de ce qui pourrait arriver à de nombreux Ontariens pauvres quand le système capitaliste entrera dans une période de récession—parce que le système capitaliste est par essence un système d'expansion et de récession. Je crains que, lors de la prochaine récession, ces gens subiront une dévastation sans précédent.
Il est très intéressant de constater que le gouvernement Harris a été porté au pouvoir après la dernière récession en Ontario. Je veux tout simplement souligner que de nombreux facteurs doivent être considérés, et qu'il faut bien se garder d'analyser la situation sous l'angle d'un seul facteur. C'est souvent ce qui se passe dans les discussions politiques. Les personnes qui se trouvent du côté droit du spectre ou du côté gauche se concentrent sur un facteur ou un autre. Ces personnes sélectionnent les facteurs qui appuient leurs thèses. Je crois qu'il faut user de beaucoup de prudence devant cette approche.
Le président: C'est exact—aile droite, aile gauche, il faut deux ailes pour voler, monsieur Harris.
M. George Harris: Monsieur le président, vous avez trouvé le fondement idéologique. Voilà deux ou trois mois seulement, je discutais avec des amis de la chambre de commerce de la décision de la ville d'abolir l'impôt des sociétés. Et voilà que la chambre de commerce nous dit aujourd'hui qu'il suffirait tout simplement de faire comme l'Irlande. Je suis prêt à parier mon chèque de pension du mois prochain qu'une chambre de commerce quelque part en Irlande se plaint en disant que ce serait beaucoup mieux si l'Irlande était comme un autre pays
Cela n'arrête jamais. C'est là où il faut négocier, et il faut trouver le rendement raisonnable et les avantages que nous pouvons obtenir des impôts que nous payons. Nous sommes tous d'accord qu'il faut payer des impôts justes.
Le président: Vous pourrez peut-être réfuter l'argument de M. Cullen s'il vous pose une question.
Monsieur Cullen.
M. Roy Cullen: Je voulais tout simplement rassurer M. Harris sur le fait que certains d'entre nous ne sont pas si entichés du programme de votre frère ontarien.
M. George Harris: C'est mon oncle.
Une voix: Oncle Mike.
M. Roy Cullen: J'aimerais revenir, monsieur Halldorson, sur vos propos au sujet de l'Irlande. Je ne remets pas en question la nécessité de réduire les impôts. J'imagine que c'est tout simplement une question de temps.
Le sujet de l'Irlande a été discuté auparavant, mais n'est-il par vrai aussi que l'Irlande reçoit d'énormes subventions de l'Union européenne? Ma question en fait porte sur la pérennité de son plan si l'Irlande perdait tout à coup toutes ses subventions?
M. Kelly Mitchell: Je ne connais pas l'étendue de ces subventions, mais je peux cependant affirmer que leur balance des paiements est sur une pente très favorable. Le pourcentage de la dette par rapport au PIB a baissé de 25 p. 100 au cours des cinq dernières années. J'imagine que l'Irlande deviendra autosuffisante à un moment donné. Ce qui n'aurait pas été possible, bien entendu, sans un plan de sauvetage.
Comme j'ai la parole, j'aimerais citer l'exemple d'un de mes clients qui a vendu des restaurants à Scott's Hospitality Inc. et qui a obtenu 33 millions de dollars à l'issue de la transaction. Il possédait 177 restaurants au Canada, qui employaient environ 1 500 personnes. Il avait 33 ans. Il m'a dit: «Kelly, je ne peux pas me permettre de rester au Canada.» Je lui ai demandé pourquoi et il m'a répondu que l'impôt serait beaucoup trop élevé. Il m'a dit qu'il devait déménager à Hong Kong, où il paierait un taux d'imposition uniforme de 10 p. 100 sur son revenu. Il se trouve maintenant à Hong Kong, où il emploie je ne sais pas combien de personnes; il n'est plus au Canada.
• 1810
Les gens qui ont de l'argent déménagent, et plus ils ont
d'argent, plus il est facile pour eux de déménager.
Le président: Monsieur Cullen, avez-vous terminé?
M. Roy Cullen: Oui.
Le président: Monsieur Jones, c'est peut-être le bon moment de récapituler.
M. Jim Jones: Je dis tout simplement qu'il est vraiment triste que nous nous trouvions dans une situation prospère et que nous ne profitions pas de cette opportunité de réduire notre dette et de réduire nos impôts et, plus important encore, de rembourser notre dette et de nous mettre à danser enfin.
Hier nous étions à Vancouver. J'ai demandé au président de la UBC: Si nous vous donnons 2 milliards de dollars pour l'éducation, que feriez-vous différemment, hormis les travaux de base. Il m'a répondu qu'ils ne feraient rien de si différent.
La demande d'investissement dans l'éducation est insatiable, surtout dans un contexte économique axé sur la haute technologie, vers lequel nous nous dirigeons. Je demanderai à ce représentant du milieu de l'éducation s'il faut absolument suivre des méthodes traditionnelles, ou s'il existe des méthodes différentes, à des coûts différentiels, d'offrir une bonne éducation?
M. Gary Shaddock: Je donnerai deux réponses à cette question. Notre mémoire porte principalement sur l'aspect de l'entreprise éducationnelle vers laquelle nous nous dirigeons et à laquelle il faut trouver des solutions, et non sur l'aspect scolaire, dont vous parlez je crois dans votre question.
Nous demandons au gouvernement fédéral de donner du soutien aux provinces ou aux écoles, aux enfants et aux familles, pour que nous puissions diriger les subventions dont nous disposons actuellement directement vers le programme scolaire. Actuellement, nous devons prendre l'argent qui devrait être consacré aux programmes scolaires pour combler des besoins de santé et sociaux que les enfants traînent à l'école. C'est pourquoi nous demandons au comité, s'il a une influence sur le prochain budget, d'encourager le gouvernement à considérer ce versant de la montagne.
Pour répondre à votre question, je dirais que nous explorons dans cette province diverses méthodes de prestation des services d'éducation. Vous avez entendu parler aujourd'hui de ce qui se passe dans les régions rurales de la Saskatchewan, et sous certains aspects nous sommes forcés de considérer la technologie et divers moyens de donner l'éducation aux enfants. Nous le faisons cependant en collaboration avec la province, heureusement, avec les professeurs, etc., en notre qualité de conseils scolaires.
Bref, oui, nous faisons certaines choses différemment. Nous n'avons pas le choix dans certains cas. Nous devons créer de meilleurs partenariats avec les entreprises, avec les syndicats, etc., pour être sûrs de répondre aux besoins, non seulement pour les enfants, mais aussi pour les jeunes adultes. Nous pouvons utiliser les installations scolaires de différentes façons pour satisfaire aux besoins de recyclage et ce genre de choses.
Nous examinons la situation, mais nous avons besoin de soutien. Nous n'avons tout simplement pas les ressources suffisantes maintenant pour faire tout le travail, mais nous nous sommes formellement engagés à le faire.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Jones.
J'aimerais remercier chacun des témoins. Notre séjour a été très agréable. Premièrement, j'aimerais remercier les gens de la Saskatchewan et du Manitoba qui ont participé à ces travaux. Ce sont des contributions très importantes pour le comité des finances.
C'était le dernier arrêt de notre tournée du pays. Nous retournons à Ottawa, où nous entendrons d'autres personnes et d'autres organisations.
Aujourd'hui, nous avons beaucoup entendu parler des enjeux auxquels fait face le secteur de l'agriculture, et nous devons en être le plus conscients possible.
Pour résumer, j'aimerais récapituler les différentes difficultés auxquelles nous devrons trouver des solutions. Certaines personnes demandent des réductions d'impôt, que ce soit pour les personnes ou pour les sociétés. D'autres examinent la dette. D'autres encore s'inquiètent de la cohésion sociale du pays, notamment en ce qui a trait aux enfants qui vivent dans la pauvreté. On nous parle aussi de l'infrastructure, et certains défendent un programme central fort. Beaucoup nous ont parlé du programme de croissance, et considèrent la R-D comme un élément clé. D'autres demandent que l'on réinvestisse dans les programmes sociaux, ou s'inquiètent du gouffre croissant entre les riches et les pauvres. Certains veulent voir plus loin, et contemplent la réalité de l'économie nord-américaine, et à quel point nous devons nous ajuster. Nous avons aussi entendu parler un peu plus tôt aujourd'hui de la césure apparente entre les milieux rural et urbain.
• 1815
Si nous mettons tous ces sujets ensemble, il en ressort un
thème commun. À toutes fins utiles, nous cherchons tous à améliorer
le niveau de vie et la qualité de vie des Canadiens. Les gens
abordent cette question sous divers angles mais, à un niveau ou à
un autre, c'est de cela dont il est question.
C'est très encourageant, parce que je crois fermement qu'avant d'innover, il faut tout d'abord établir un terrain d'entent commun. Il ressort des discussions suffisamment de points communs pour que le Comité des finances puisse proposer un plan qui jouira d'un large appui partout au pays, de la part des Canadiens de toutes souches.
Puisque c'est notre dernier arrêt, j'aimerais aussi exprimer, au nom des membres du comité, ma plus sincère gratitude envers la greffière, les recherchistes, le personnel de soutien technique, les interprètes, ainsi que toutes les personnes qui nous rendent la vie beaucoup plus facile. À toutes ces personnes, je veux exprimer mes plus sincères remerciements.
La séance est levée.