Passer au contenu

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 1er décembre 1999

• 1807

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tous nos témoins ici ce soir.

J'aimerais prendre cette occasion pour souhaiter la bienvenue aux organisations suivantes: l'Alliance canadienne des associations étudiantes, la Fédération des contribuables canadiens, la Green Budget Coalition, la Marine Workers' Federation et également SUBBOR.

Plusieurs d'entre vous avez déjà comparu devant le Comité des finances; vous savez donc que vous avez entre cinq et sept minutes pour faire votre exposé, suite à quoi nous passerons aux questions.

Nous allons commencer avec l'Alliance canadienne des associations étudiantes, représentée par Jason Aebig, qui en est le directeur national.

Soyez le bienvenu.

M. Jason Aebig (directeur national, Alliance canadienne des associations étudiantes): Merci. Monsieur le président et membres du comité, mon nom est Jason Aebig et je suis le directeur national de l'Alliance canadienne des associations étudiantes. C'est pour moi un grand privilège de représenter 285 000 étudiants de niveau postsecondaire dans tout le pays, et je suis heureux de me présenter devant vous ce soir.

L'enseignement supérieur est un élément indispensable à la vigueur d'un pays et à la santé de son économie. Il est à la source d'une augmentation des revenus. Il est à l'origine d'une meilleure qualité de vie. Enfin, il jette les fondements du bien-être économique et social d'une société prospère.

C'est probablement pour cette raison que le gouvernement du Canada a choisi d'investir dans l'avenir des étudiants dans le cadre de son premier budget postdéficitaire.

Grâce à la mise en oeuvre de la Stratégie canadienne pour l'égalité des chances, en 1998, les étudiants du niveau postsecondaire et leurs familles ont reçu de l'aide au financement des études. La création d'une Subvention canadienne pour l'épargne-études, nouveau crédit d'impôt applicable à l'intérêt sur l'aide financière aux étudiants, ainsi que le lancement des Bourses d'études du millénaire, sont déjà d'importantes initiatives qui plaident en faveur du besoin d'investir dans l'avenir des étudiants et de l'enseignement supérieur. Par-dessus tout, ces initiatives ont mis en lumière les difficultés qu'éprouvaient les étudiants et leurs familles, aux prises avec une décennie marquée par l'augmentation des frais de scolarité.

Au cours des années 90, le financement public des activités de base a commencé à décliner considérablement dans les universités et les collèges du Canada. Ces établissements ont alors cherché des moyens de rationaliser leurs activités et d'augmenter leurs revenus pour combler le vide budgétaire laissé par les gouvernements. Parmi les mesures adoptées pour compenser les réductions du financement de base, elles ont privilégié l'augmentation des frais de scolarité et des frais afférents.

Durant l'année 1980-1981, les frais de scolarité représentaient, en moyenne, 8 p. 100 du revenu d'exploitation des universités du Canada. En 1996-1997, ce pourcentage a doublé pour atteindre 16 p. 100 au total. Au cours des cinq prochaines années, si la tendance se maintient, la contribution des étudiants de nombreux collèges et universités pourrait équivaloir à 30 p. 100 du budget de fonctionnement de leur établissement.

Pour remettre les choses en perspective, et pour illustrer la frustration des étudiants et de leurs familles, l'augmentation des frais de scolarité et des frais afférents est invariablement supérieure au taux d'inflation annuel. Entre 1993 et 1997, l'indice du prix des frais de scolarité a fait un bond de 43 p. 100, tandis que l'augmentation totale des prix à la consommation s'établissait à un maigre 6 p. 100. Durant la dernière décennie, les étudiants et leurs familles ont vu les coûts directs et indirects de l'enseignement postsecondaire augmenter de 126 p. 100, soit plus du double du niveau des coûts en vigueur voilà seulement neuf ans.

La hausse des frais d'études est passée des mains des gouvernements à celles des établissements d'enseignement qui, à leur tour, ont envoyé la facture aux étudiants et à leurs familles. Les établissements d'enseignement ont dû combler leur manque à gagner en augmentant les frais de scolarité et les frais afférents, ce qui a obligé les étudiants à faible revenu et leurs familles à s'endetter davantage pour accéder aux salles de classe.

• 1810

Selon Statistique Canada, le versement annuel moyen du prêt canadien aux étudiants a grimpé de 31 p. 100 entre 1990-1991 et 1996-1997. Durant la même période, le nombre d'emprunteurs a généralement fait un bond considérable, passant de 240 000 à environ 335 000 étudiants pour l'ensemble du pays. Pour les étudiants et leurs familles, la hausse vertigineuse de l'emprunt annuel devrait se traduire par un alourdissement de la dette, surtout lorsque les futurs diplômés, qui sont les emprunteurs d'aujourd'hui, commenceront à rembourser leurs prêts. Actuellement, le fardeau de la dette étudiante s'élève, en moyenne, à 19 000 $ au Canada, soit plus du double de son niveau en 1990-1991, alors qu'il se chiffrait uniquement à 9 000 $. Au-delà de cette moyenne, le fardeau de la dette atteint, pour certains étudiants du niveau postsecondaire, des sommes pouvant dépasser les 30 000 $.

Les étudiants et leurs familles ont vécu les années 90 comme une époque d'augmentation des coûts liés à l'éducation, des frais de scolarité et des frais afférents. Pour nombre d'établissements canadiens, l'augmentation des frais de scolarité est autant une réponse à la réduction du soutien de l'État qu'une tentative de relever quelques-uns des défis auxquels ils ont fait face. Trois de ces défis méritent qu'on leur accorde une attention particulière. Ils sont importants aux yeux des étudiants, car ils se rapportent à la qualité de l'enseignement postsecondaire.

Le premier défi est le renouvellement et le maintien en poste du corps professoral. Incapables de composer avec la baisse du financement des activités de base, les établissements d'enseignement postsecondaire ne parviennent plus à retenir des chercheurs, des professeurs et des chargés de cours compétents. Les membres compétents du corps professoral prennent leur retraite et ne sont pas remplacés. Les charges d'enseignement et les responsabilités administratives ont augmenté. Nombreux sont les membres du corps professoral qui ont quitté les établissements publics pour le secteur privé ou les États-Unis. Actuellement, le nombre de professeurs a baissé de 11 p. 100 dans les universités canadiennes, en comparaison de 1992. Depuis 1995, les salles de classe de notre pays ont perdu 2 300 professeurs et chargés de cours. Qui plus est, d'ici 2010, plus de 20 000 des 33 000 membres du corps professoral du pays auront quitté leur poste ou pris leur retraite.

Cependant, le nombre d'étudiants qui entreprennent des études postsecondaires est à la hausse. Ceci nous amène à parler du deuxième défi: faire face à l'augmentation du ratio étudiants-enseignants. Cet automne, les universités canadiennes ont enregistré leur plus forte augmentation d'inscriptions dans un an depuis 1991: il s'agit d'une augmentation totale de 5 p. 100, soit plus de 7 200 nouveaux étudiants de première année. Au Québec, cette augmentation s'est élevée à 6,6 p. 100. L'Alberta a enregistré une augmentation de 6,3 p. 100. L'Ontario voit ses cohortes doubler. Il s'agit de la plus forte hausse d'inscriptions universitaires en 30 ans.

Enfin, l'effritement des infrastructures universitaires et collégiales est un défi permanent. Le retardement des travaux d'entretien, le vieillissement de l'infrastructure matérielle et de l'équipement, les ordinateurs désuets et les édifices qui tombent en ruine sont autant de facteurs qui contribuent à la détérioration du milieu d'apprentissage et de vie sur de nombreux campus.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Excusez-moi. Pouvez-vous ralentir un peu, non pas parce que je ne vous comprends pas, mais parce qu'il y a des interprètes dans la cabine à l'arrière de la salle qui essaient de traduire tout ce que vous dites en français et qu'il y a de la fumée qui sort de la cabine.

Des voix: Ah, ah!

M. Jason Aebig: Pas de problème. Merci.

Le président: Ce n'est qu'un comité du gouvernement. On aime aller doucement.

Des voix: Ah, ah!

M. Jason Aebig: Ça va, merci, monsieur le président.

Pour la plupart des établissements d'enseignement postsecondaire au Canada, les coûts liés au retardement de l'entretien sont exorbitants. Citons Dalhousie, dont les frais d'entretien s'élèvent actuellement à 75 millions de dollars; Saint Mary's, dont les mêmes frais dépassent les 33 millions de dollars et l'Université de Calgary, qui retarde le paiement de frais d'entretien très élevés, soit de 85 millions de dollars.

Ces problèmes affectent les étudiants et leur capacité d'apprendre. Écartons tout malentendu: la baisse du financement des activités de base est au coeur du débat. Elle a entraîné le déclin rapide de la qualité et de l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire au Canada, à un moment de notre histoire où il n'a jamais importé autant.

C'est un enjeu d'une importance capitale, et les Canadiens s'entendent à ce sujet. Que ce soit les étudiants, les familles, les administrateurs, les ministres provinciaux des Finances et de l'Éducation ou les premiers ministres, tous les Canadiens s'entendent sur l'importance capitale de l'enseignement supérieur et sur la nécessité d'investir dans notre avenir. Cet enjeu fait l'unanimité. Il nous invite à passer à l'action. Nous espérons que les recommandations du comité refléteront ces préoccupations.

Je me présente devant vous ce soir pour encourager le comité à recommander au gouvernement fédéral d'augmenter de 2 milliards de dollars, pour chacune des deux prochaines années, sa part de transfert en faveur de l'éducation postsecondaire. En outre, le gouvernement devrait s'engager, à long terme, à échelonner l'augmentation des transferts dans ce domaine pour les années suivantes. Nous croyons sincèrement qu'un tel engagement permettra de résoudre les graves difficultés auxquelles les étudiants et leurs familles font face dans tout le pays. Dans une optique à long terme, ce financement permettra aux collèges et aux universités de disposer des ressources nécessaires pour s'assurer que le Canada demeure concurrentiel au sein de la nouvelle économie du savoir.

Votre défi est de taille. Choisir entre de nombreuses priorités, tout aussi légitimes les unes que les autres, ne sera sans doute pas chose facile. J'espère seulement avoir su faire la lumière et vous renseigner sur la question. J'espère avoir su communiquer l'importance de la survie de l'enseignement postsecondaire et l'importance de la jeunesse pour la prospérité du Canada.

Je vous remercie de m'avoir permis de comparaître devant vous ce soir.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Aebig.

Nous entendrons maintenant le directeur fédéral de la Fédération des contribuables canadiens, Walter Robinson.

M. Walter Robinson (directeur fédéral, Fédération des contribuables canadiens): Merci, monsieur le président, et je vous remercie encore une fois pour la première carte de Noël que nous avons reçue. Elle est arrivée à notre bureau aujourd'hui.

Une voix: C'est vous qui l'avez payée.

Des voix: Oh, oh!

M. Walter Robinson: Au nom de nos 80 000 membres, je vous remercie de me permettre encore une fois de comparaître devant vous.

Le président: Je vous signale, monsieur Robinson, qu'on ne l'a pas payée avec des fonds fédéraux.

M. Walter Robinson: Merci.

Je vous remercie de me permettre de comparaître encore une fois devant vous—après avoir entendu cette répartie, j'ai l'impression que nous sommes de vieux amis—pour vous faire part de nos idées au sujet du budget du millénaire.

• 1815

[Français]

Comme d'habitude, je ferai ma présentation en anglais, mais à la fin, j'essaierai de répondre à vos questions dans la langue de votre choix.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer par exprimer ma gratitude pour la diligence dont votre comité a fait preuve. Étant donné que la rentrée parlementaire s'est effectuée trois semaines plus tard que prévue, vous disposiez de moins de temps pour entendre les Canadiens. Cependant, les efforts que vous avez faits pour siéger trois fois par jour et entreprendre quand même une consultation nationale auprès des Canadiens sont louables.

Le budget du millénaire nous présente une occasion de refléter l'espoir et l'optimisme qui règnent à l'aube d'un nouveau siècle. Il n'est pas surprenant que nous croyions qu'un programme ambitieux et agressif de dégrèvements fiscaux et de réductions de la dette imposées par la loi soit essentiel à l'aube de ce nouveau siècle. Vous devez inclure comme priorité impérieuse dans votre rapport au ministre des Finances l'idée de laisser plus d'argent dans les poches des Canadiens afin qu'ils puissent être fiers de pouvoir mieux subvenir aux besoins de leurs enfants et assurer l'avenir de leurs familles.

Dans le peu de temps dont je dispose ce soir, permettez-moi de revoir les points saillants du mémoire que nous vous avons fait parvenir.

Pour commencer, nous continuons de souligner que votre stratégie financière doit s'appuyer sur trois piliers: les dégrèvements fiscaux, la réduction de la dette et une redéfinition du rôle du gouvernement.

En ce qui concerne les dégrèvements fiscaux, la toute première priorité est de mettre un terme à la dérive fiscale. Cette ponction fiscale discrète est comme un virus insidieux. Elle a amené un contribuable sur cinq sur les rôles d'imposition ou les a fait passer à une tranche d'imposition supérieure. Le rapport que vous avez envoyé au ministre des Finances en 1997 estimait en effet que 840 000 familles canadiennes à faible revenu—il ne s'agit pas de particuliers, mais de familles—avaient été poussées sur les rôles d'imposition à cause de la dérive fiscale. Le gouvernement se vante d'avoir enlevé 600 000 personnes des rôles d'imposition, mais cela ne tient pas compte du fait que d'après l'Institut Caledon, 3,5 millions de contribuables ont été lésés par la dérive fiscale, qui les a fait passer aux rôles d'imposition ou à une tranche d'imposition supérieure. S'il y a un élément au sujet duquel vous devez faire une recommandation, c'est celui-là.

Il y a consensus à l'échelle nationale en faveur d'une mesure pour remédier à cette situation, et l'incidence économique serait minime du point de vue des recettes pour le gouvernement. Le rétablissement de la pleine indexation dans le régime fiscal est une bonne idée tant sur le plan financier que sur le plan de la politique sociale. Et contrairement aux affirmations du gouvernement, les mesures prises dans le passé pour augmenter l'exemption personnelle de base n'ont pas atténué les effets de la dérive fiscale ressentis sous le gouvernement actuel, même si elles ont été bien accueillies. De plus, les évaluations faites par le ministère des Finances des effets et de l'incidence de la dérive fiscale ont été claires comme de l'encre. Je vous renvoie à la page 6 de notre mémoire. Ces évaluations contradictoires au sujet d'une question aussi critique ont pour seul résultat d'alimenter davantage le cynisme de la population face aux élus et aux institutions gouvernementales.

Le dossier du gouvernement en matière d'impôt nous cause également des préoccupations. Alors que l'activité économique a connu une croissance nominale de 27 p. 100 au cours des sept dernières années, le total des impôts perçus a augmenté de 36 p. 100. Ce tableau figure également dans notre mémoire. De plus, le fardeau de l'impôt sur le revenu des particuliers en proportion du PIB a augmenté de 14 p. 100 pendant cette même période, passant de 7,1 p. 100 du PIB à 8,1 p. 100 pour l'exercice financier 1999-2000.

En plus de recommander qu'on mette un terme à la dérive fiscale, nous recommandons l'élimination de la surtaxe de 5 p. 100 et une réduction généralisée de 10 p. 100 des impôts sur le revenu pour l'année d'imposition 2000. L'incidence financière totale des mesures que nous recommandons, dans une analyse à somme nulle, est de 8,91 milliards de dollars.

Passons maintenant au deuxième pilier que j'ai évoqué, à savoir une loi qui imposerait un calendrier de réduction de la dette. Comme nous l'exposions en détail dans notre mémoire, s'en tenir à un recul progressif du ratio d'endettement n'est pas suffisant, même si c'est un bon début. En effet l'État pourrait continuer à avoir des déficits équivalents à la moitié du taux de croissance économique, même avec un ratio d'endettement en diminution. Pour plus de détails là-dessus je vous renvoie à la page 13 de notre mémoire. Ce genre de démarche reviendrait par exemple à imaginer que vos augmentations de salaire se traduisent automatiquement par une diminution de votre dette sur carte de crédit.

Par ailleurs, le fait que le gouvernement se ménage une réserve pour imprévus, cela en plus des mesures de prudence contenues dans l'énoncé des politiques économiques, est certainement quelque chose d'intéressant, mais ça n'est pas suffisant. Il n'est pas raisonnable de demander à dix générations successives de contribuables de rembourser les excès de deux générations, la vôtre et la mienne. C'est une espèce d'évasion fiscale transmise de génération en génération.

Nous recommandons donc qu'un minimum de 7 milliards de dollars soient prévus à titre de poste de dépenses budgétaires à partir de l'exercice 2000-2001. En 2003-2004 cette somme devrait augmenter et rester fixée à un seuil minimum de 9 p. 100 de la recette fédérale annuelle prévue de l'impôt sur le revenu.

Nous proposons donc jusqu'ici près de 16 milliards de dollars aux titres des allégements d'impôt et du remboursement de la dette. Je vous renvois encore à notre mémoire, et vous verrai que d'après nous l'on pourrait encore économiser 12 milliards de dollars grâce à une réduction de la dépense et à des mesures d'économie permettant d'accroître les recettes, puisque nos recommandations ne visent en aucun cas à alourdir le budget. Les 4 milliards restant peuvent être financés à partir de l'excédent dégagé grâce à cette surimposition.

• 1820

Nous en arrivons maintenant au volet le plus important de votre stratégie budgétaire tel que nous la concevons—je vous encourage à bien l'écouter—à savoir la redéfinition du rôle de l'État. Alors que nous abordons le XX1e siècle nous devons revoir les priorités de la répartition de la recette fiscale. On a besoin de toute évidence de services sociaux, ainsi que d'infrastructures publiques qui doivent être le premier poste budgétaire de la liste. En même temps on doit revoir le traitement préférentiel de certaines grandes sociétés, l'opportunité de certaines dépenses somptuaires telles que la fête du millénaire, et les milliards de gaspillage, conséquence d'une mauvaise gestion, épinglés par trois vérificateurs généraux successifs. Se concentrer uniquement sur les excédents que l'on prévoit dégager laisse de côté la question très importante des priorités et de certaines dotations douteuses qui émargent encore au budget de 112 milliards de la dépense de programmes annuelle.

Pour conclure, rappelons que nos recommandations portent sur un réaménagement de 16 milliards de dollars qui seraient sans conséquence quant à la recette de l'État fédéral. Je rappellerais donc les éléments de notre programme:

Sur le plan fiscal, la suppression de la désindexation des tranches d'imposition, cela doit être votre première priorité. Mais les allégements fiscaux et la réduction de la dette sont en fait la partie facile de votre tâche. La partie la plus difficile concerne vos prévisions d'avenir. Les programmes sociaux tels que le RPC et l'assurance-maladie fonctionnent très franchement comme un système pyramidal. Le passif non capitalisé de ces deux programmes représente déjà pour le contribuable de demain un impôt de 2 billions de dollars. Les dispositions financières actuelles ne nous permettent pas de faire face à ce genre de fardeau fiscal. Il ne s'agit pas ici d'idéologie, mais tout simplement d'arithmétique actuarielle.

Si nous voulons faire face à nos obligations à l'égard des générations de nos parents et grands-parents, sans parler ici de nos enfants et de la possibilité qu'ils auront ou non de subvenir à nos besoins dans notre grand âge, nous devons concevoir les choses autrement.

Si l'on veut redéfinir le rôle de l'État, les élus doivent changer de modèle. Il ne suffit pas d'une planification à court terme, dans le bulletin d'informations du soir, où les grands titres de la presse nous informeraient en passant. Une planification à long terme doit aller au-delà des intérêts électoraux immédiats. C'est dire que vos délibérations doivent être empreintes d'un souci permanent de prendre en compte l'existence de générations à venir.

Comme le vérificateur général Denis Desautels l'a dit dans son rapport hier:

    Cela est particulièrement vrai aujourd'hui, et notamment en raison des tendances démographiques prévisibles et de leurs conséquences sur le plan des finances publiques [...] les décisions que nous prenons aujourd'hui définiront les choix dont disposeront les Canadiens non seulement demain, ou l'an prochain, mais dans plusieurs dizaines d'années. Ces décisions qui décident de cet héritage ne peuvent être laissées au hasard.

Effectivement, nous ne devons, vous ne devez rien laisser au hasard. Monsieur le président, permettez-moi de clore sur la même pensée qui avait été celle de ma conclusion déjà l'an dernier. Comme le dit un ancien proverbe chinois, ça n'est pas à coup d'impôts trop lourds que l'empire peut réaliser quoi que ce soit, mais grâce à une imposition modérée.

[Français]

Je vous remercie encore une fois de votre attention. J'attends vos questions avec impatience.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Walter Robinson.

Nous allons maintenant entendre les témoins de la Green Budget Coalition, Julie Gelfand, présidente, et directrice de la Fédération canadienne de la nature; ainsi que John Moffet, consultant pour Resource Futures International. Soyez les bienvenus.

[Français]

Mme Julie Gelfand (présidente, Coalition du Budget vert; directrice générale, Fédération canadienne de la nature): Bonsoir, mesdames et messieurs.

Je ferai également la majeure partie de ma présentation en anglais, mais je pourrai répondre à vos questions en français.

Je représente ici ce soir une coalition historique de groupes environnementaux. C'est la première fois que nous témoignons devant vous. La coalition rassemble 15 groupes environnementaux de toutes sortes, allant de Greenpeace, d'un côté, à Canards illimités, de l'autre.

[Traduction]

Je représente ce soir ici une coalition historique de groupes de défense de la nature et de l'environnement, groupes extrêmement divers puisque cela peut aller de Greenpeace, à l'un des extrêmes des éventails, à Ducks Unlimited à l'autre, avec tout ce que vous pouvez imaginer entre les deux. Nous avons parmi nos membres la David Suzuki Foundation, le Fonds mondial pour la nature, la Société canadienne pour la conservation de la nature; on peut dire que toutes les grandes associations du Canada de défense de la nature se sont retrouvées ici pour, pour la première fois, présenter un mémoire au ministre des Finances à propos du budget, par le canal de votre comité.

Je vais vous lire notre déclaration, et John et moi-même pourrons ensuite répondre à vos questions. Les années passées les organismes que je représente ici ce soir ont présenté séparément des mémoires au moment des consultations budgétaires. Un certain nombre de choses ont changé qui font que cette année nous sommes réunis sous ce même chapeau.

Il se trouve en effet que notre pays est en train de prendre du retard, par rapport aux autres nations, dans sa façon de faire face à ses obligations sur le plan environnemental tout en respectant ses engagements en matière de productivité, d'innovation et d'égalité sur le plan social. Nous ne protégeons pas notre environnement comme il convient, et nous ne savons pas saisir l'occasion que nous donnerait le budget de nous orienter sur le plan économique sur une voie qui permettrait d'assurer la prospérité des Canadiens au XXIe siècle.

• 1825

Dans notre mémoire nous demandons deux choses: tout d'abord un réinvestissement stratégique pluriannuel étagé permettant de protéger l'environnement canadien. Deuxièmement, et c'est peut-être plus intéressant, nous demandons une stratégie pluriannuelle de réforme du budget qui permette d'examiner les obstacles systémiques auxquels se heurtent les particuliers, les gouvernements et les entreprises dans leur processus de décision, c'est-à-dire une réforme qui tiendrait compte à la fois de la dimension environnementale et économique de l'action du gouvernement. J'aimerais donc me pencher sur ces questions l'une après l'autre.

La question d'abord du redéploiement des moyens financiers. Nous avons pendant des années eu à subir des compressions budgétaires fédérales dans les programmes de défense de l'environnement, parallèlement à des amputations importantes du budget des provinces, toutes mesures qui ont sérieusement entamé la capacité du Canada à protéger son environnement et la santé de ses habitants. Le Canada a l'habitude de se présenter comme un des pays les plus propres de la planète. De fait nous le sommes encore, mais nous perdons chaque jour du terrain dans ce domaine. Des organismes internationaux tels que la Commission nord-américaine de coopération environnementale, ainsi que l'OCDE, se plaignent d'une détérioration de la situation environnementale dans notre pays.

Nous avons un besoin urgent de préserver les espèces et les espaces qui sont représentatifs de notre pays. Il suffit de se rendre en Europe pour bien comprendre que ce qu'ils appellent là-bas une forêt n'est qu'une plaisanterie. Lorsque vous revenez ensuite au Canada vous comprenez à quel point nous avons une obligation, au regard des autres nations, de protéger nos vastes espaces de nature, car ce qu'on appelle ailleurs nature est pire que ce que vous appelleriez simplement un parc municipal. D'un point de vue mondial, le Canada doit protéger sa nature, ses grands espaces, qui commencent à disparaître sur le reste de la planète.

Il y a également le problème des sites contaminés qui n'ont pas été dépollués, et vous pouvez penser aux bassins bitumineux de Sydney, et il est urgent que nous répondions à cette menace directe qui pèse sur la santé des individus. Pensez à vos propres enfants, ou peut-être à vos petits-enfants, qui souffrent de plus en plus d'asthme, et chez lesquels le taux d'occurrence du cancer augmente. Tout cela est sans aucun doute une conséquence de la pollution de l'environnement.

Il est également urgent que nous améliorerions notre connaissance des moyens d'augmenter la productivité, et partant de notre capacité de le faire, en utilisant de façon plus efficace l'énergie et les ressources naturelles tout en polluant moins.

Certaines des mesures présentées dans notre mémoire sont conçues pour répondre à nos besoins les plus immédiats en matière de restauration et de protection de l'environnement canadien. Mais il ne s'agit pas pour nous de simplement demander de nouveaux crédits pour des programmes et dispositifs déjà en place.

Dans nos mémoires nous proposons un certain nombre de méthodes novatrices qui permettraient, collectivement, de mieux protéger l'environnement de notre pays. Il ne s'agit pas pour nous de vouloir un retour en arrière. Nous cherchons des façons novatrices, de nouvelles méthodes de coopération, qui nous doteraient de nouvelles connaissances et de nouveaux moyens de faire différemment ce que nous avons fait par le passé.

La deuxième partie de notre mémoire porte sur le redéploiement des moyens financiers. Nous proposons d'abord une réforme structurelle à long terme de nos politiques environnementales et économiques, afin que celles-ci se complètent plutôt que de se concurrencer. On vous parle toujours de la courbe d'arbitrage emploi/environnement. Nous croyons au contraire qu'en protégeant l'environnement nous allons stimuler la création d'emplois.

Certaines des mesures proposées sont une reformulation de la politique environnementale du Canada, qui porte sur les causes de cette incapacité à respecter la notion de durabilité, plutôt que sur le traitement des symptômes. Nombre de ces mesures proposées illustrent la possibilité d'aligner nos politiques d'emploi et de développement professionnel sur nos préoccupations environnementales. Ce faisant, nous nous sommes inspirés des conclusions d'études faites par l'OCDE et le ministère américain du Travail, entre autres, lesquels montrent que les politiques de protection de l'environnement avisées protègent l'emploi et ne lui nuisent pas, bien au contraire.

Plus fondamentalement, nos propositions se penchent sur la nécessité d'une réforme fiscale et budgétaire. En dépit de notre récente embellie économique, le Canada, comme beaucoup d'autres pays industriels, continue à se battre avec une multiplicité d'impératifs: la poursuite de la croissance économique, la réduction de l'endettement public, la réduction du chômage endémique régional, la protection de la santé des particuliers et de l'environnement.

De plus en plus dans le monde, des universitaires, des associations d'experts en réforme fiscale, des groupes de défense de l'environnement et des hommes politiques s'accordent pour dire qu'un budget vert serait une mesure de réforme qui permettrait de répondre à tous ces impératifs réunis. Il y a en vérité des tas d'études et de livres qui ont été rédigés sur des modèles de budget vert empruntés à divers pays, et sur la façon dont ce type de réforme stimule l'économie et la création d'emplois.

Il suffit de s'inspirer de ce qu'ont fait certains gouvernements étrangers qui ont décidé d'imposer la pollution, plutôt que l'emploi. Dans notre refus obstiné de jouer de la fiscalité pour promouvoir la défense de l'environnement, nous prenons du retard sur bon nombre de nos concurrents. Certains pays tels que le Japon, l'Allemagne, la Hollande, et la Scandinavie, ont commencé à comprendre comment certaines politiques fiscales et budgétaires découragent le travail, l'épargne et l'investissement. Voilà des gouvernements qui ont décidé de remédier à cet état de fait en déplaçant la fiscalité du pôle revenu et charges aux entreprises, vers une conception fondée sur l'impôt à la consommation, en y incluant une taxe à l'environnement.

• 1830

Ces efforts ont été applaudis par de nombreuses organisations internationales importantes telles que le World Business Council on Sustainable Development, dont sont membres certaines des transnationales les plus importantes au monde. Même ici au Canada, pas plus tard que la semaine dernière, le ministre des Finances de Colombie-Britannique, M. Paul Ramsey, a publié un document de travail sur une nouvelle façon de mettre l'impôt au service de l'environnement.

Le ministre y déclare notamment:

    L'exemple de plusieurs pays européens montre que l'on peut jouer de l'impôt pour protéger notre environnement, le dépolluer, et ce faisant créer de l'emploi, stimuler la compétitivité des entreprises et en même temps préserver la recette de l'État pour son action sociale.

Ceci me paraît idéal.

Au coeur de notre déposition, il y a le souci de trouver les moyens d'intégrer les considérations environnementales à une nouvelle conception du budget. Continuer à traiter cette protection de l'environnement comme une dimension distincte des autres priorités de notre société, est un jeu hautement risqué pour le Canada. Nous risquons d'y perdre cet environnement naturel dont dépend la santé de notre population. Nous risquons d'y perdre cette santé de la population dont dépendent aussi bien notre tourisme que notre réputation internationale. Nous risquons aussi de voir notre économie prendre du retard par rapport à celles qui voient tout le profit qu'elles peuvent retirer d'une gestion écologique de l'industrie.

Notre déposition est donc le début d'un processus de réforme à long terme. Au nom de tous mes collègues de Greenpeace à Ducks Unlimited, et des autres, je vous exhorte à bien étudier notre mémoire, en comprenant bien qu'un environnement sain est la base nécessaire d'une population saine, d'un avenir sain pour nos enfants, et d'une économie en bonne santé.

Merci. Thank you.

Le président: Merci beaucoup. C'est une coalition tout à fait impressionnante.

Nous allons maintenant passer la parole à la Fédération des travailleurs de construction navale, et en l'occurrence à M. Bob Chernecki, assistant du président, ainsi qu'à Les Holloway, directeur de la fédération; et enfin Richard Gauvin, président du Syndicat des travailleurs des industries Davie. Bienvenue, messieurs.

M. Bob Chernecki (adjoint du président, Syndicat des travailleurs unis de l'automobile): Merci. C'est important que nous puissions témoigner devant votre comité et nous vous remercions de nous avoir permis de le faire.

Je voudrais tout d'abord dire que le document le plus important que vous ayez reçu aujourd'hui, et vous en avez deux, est celui qui porte sur le processus que le Comité des finances pourrait utiliser, selon nous, pour examiner le prochain budget. Ce serait une façon pour vous d'aider notre industrie.

Notre syndicat compte à l'heure actuelle 238 000 membres. À une époque, l'industrie de la construction navale employait 10 000 ou 11 000 travailleurs. Il y en a maintenant moins de 4 000 d'un bout à l'autre du pays. Qu'est-ce que le Comité des finances et le gouvernement du Canada peuvent faire pour aider notre industrie?

Je tiens tout d'abord à préciser que le document ne propose pas qu'on fasse de cadeau à l'industrie. Il s'agirait selon nous plutôt de se débarrasser d'une anomalie qui existe maintenant dans la politique du Canada à l'égard des chantiers navals. Cette politique ne tient pas compte de ce qui se fait ailleurs dans le monde. Selon nous, cette politique n'aide pas les propriétaires et les constructeurs de navire à faire face à la concurrence des autres pays du monde.

Je voudrais que vous vous reportiez au document qui porte sur quatre questions. Je suis à la page 2 où il est question d'égalité des chances. Qu'est-ce que cela signifie au juste?

Si vous songez à ce qui se passe ailleurs dans le monde... à cet égard, je tiens à mentionner tout particulièrement le cas des États-Unis, notre principale associé commercial pour cette industrie importante. Ce secteur a reçu et reçoit encore l'aide du gouvernement des États-Unis. Ce qu'on a fait aux États-Unis, c'est de maintenir le principe des subventions pour l'industrie de la construction navale. C'est ce qu'on appelle d'habitude la Loi Jones, qui stipule que les navires doivent être construits et protégés aux États-Unis et qu'ils doivent être dotés d'équipages américains et battre pavillon américain.

• 1835

Il n'y a pas de mécanisme qui nous permette de percer sur le marché aux États-Unis. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral se contente de se reporter à l'ALENA. Inutile de vous rappeler ce que nous pensons de l'ALENA et de ce que cet accord a fait au Canada à notre avis.

On voulait au départ égaliser les chances. Les États-Unis ont adopté la Loi Jones dans le cadre de l'ALENA et nous avons maintenant des problèmes au Canada dans une industrie très importante. Nous avons des problèmes parce que le gouvernement refuse d'élaborer une politique appropriée.

Selon moi, ce qui ressort surtout de notre document, c'est qu'il englobe l'industrie de tout le pays. La plupart du temps, on félicite les syndicats, les gouvernements et l'industrie s'ils acceptent de se réunir pour discuter de la façon de résoudre les problèmes. Nous avons essayé de convaincre le gouvernement de nous donner au moins la chance d'exprimer nos opinions et de permettre à l'industrie et aux syndicats de mettre leurs arguments de l'avant.

Aux pages 2, 3 et 4 du document, nous expliquons ce que le Comité des finances pourrait faire pour aider l'industrie. Je ne sais pas que vous dire d'autre.

Je vous présente Terry O'Toole. Il est président d'une section locale à Saint Jean, au Nouveau-Brunswick. Son chantier n'a pas de travail à faire après Noël. Ce n'est pas parce que l'industrie ne se sert pas de technologie de pointe ou parce qu'elle ne s'est pas protégée et n'a pas planifié pour l'avenir. C'est à cause d'une politique qui est tout simplement insensée. Comparativement aux autres pays qui ont protégé leurs industries grâce à des subventions, le Canada est tout à fait en bas de la liste et les travailleurs en souffrent.

Je m'arrête là. Vous pourrez lire le document vous-mêmes.

Le deuxième document porte sur l'appui que nous avons reçu des chambres de commerce de toutes les provinces de l'Atlantique, du Québec et de la Colombie-Britannique et mentionne un rapport interne récent du gouvernement libéral au sujet de la construction navale. Je vous encourage à le lire. Cela explique bien, pour la première fois selon nous, ce qui manque dans notre industrie.

Je vais maintenant céder ma place à Les Holloway, président de la Fédération des travailleurs.

M. Les Holloway (directeur exécutif de la Fédération des travailleurs de construction navale): Je serai bref. J'ai déjà témoigné devant le comité et je vous remercie de m'avoir permis de revenir un deuxième fois. Je vous ai parlé en Nouvelle-Écosse, comme certains d'entre vous s'en souviennent sans doute.

Je tiens à bien signaler que je suis venu aujourd'hui à titre de membre d'une coalition de syndicats, la Fédération des travailleurs de construction navale et le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile. Philippe Tremblay, qui représente la Fédération de la métallurgie Inc., CSN, du Québec, fait aussi partie de la coalition, au même titre que les travailleurs de la côte Ouest. Le document que vous avez sous les yeux a l'appui général des syndicats, mais aussi des groupes d'employeurs, comme Bob Chernecki l'a signalé.

Je voudrais d'abord dissiper certains mythes. Certains auront peut-être du mal à croire qu'on trouve dans une frégate plus de 11 fois plus de dispositifs technologiques que dans les aéronefs commerciaux les plus modernes que nous construisions au Canada. Ce n'est donc pas une industrie sur son déclin. On ne peut pas dire que c'est une industrie désuète.

Plus de 75 p. 100 de toutes les marchandises transportées dans le monde finissent par être transportées par navire. Nous pourrions saisir de bonnes occasions commerciales au Canada si l'on écoutait ce que disent les intervenants de l'industrie qui considèrent que certains des problèmes actuels peuvent être résolus et que nous pourrions être concurrentiels sur la scène internationale. Il suffirait de commencer à discuter de certains de ces problèmes.

Je voudrais vous lire un document rédigé par un comité formé par les membres du caucus libéral fédéral de la région de l'Atlantique. Ce comité comprend quelques députés fédéraux et vous trouverez probablement ce qu'ils disent très intéressant. Si vous jeter un coup d'oeil au document intitulé «Atlantic Canada: Catching Tomorrow's Wave», vous y trouverez une partie sur la construction navale où l'on réclame la même chose que nous, soit une rencontre des intervenants et la mise au point d'une stratégie industrielle pour ce secteur.

• 1840

Je voudrais citer un seul passage de ce document. On y dit, dans le tout dernier paragraphe:

    Nous sommes bien d'accord qu'il est temps que le Canada adopte une politique nationale de la construction navale susceptible de créer un climat où nos chantiers navals pourront non seulement rester en affaires, mais pourront aussi rivaliser avec succès pour tenter de saisir les nouvelles occasions de construction navale tant à l'étranger qu'au Canada, parallèlement avec les projets d'exploitation pétrolière et gazière dans la région de l'Atlantique.

Ce rapport a été rédigé par des députés libéraux de la région de l'Atlantique qui habitent une région du pays où l'on connaît la valeur de l'industrie des chantiers navals.

On vous a déjà dit que Terry O'Toole de notre syndicat est ici aujourd'hui. Mon autre collègue vous parlera très brièvement des problèmes qui existent au Québec. Soit dit en passant, aucun de ces problèmes n'est la faute des travailleurs ou de l'industrie.

Au moment des négociations de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle, on nous a signalé que l'on discuterait à un moment donné des subventions accordées à l'industrie dans les autres pays du monde auxquels nous devons faire concurrence. Presque tous les autres pays du monde ont une politique de construction navale qui offre à l'industrie des subventions directes et des programmes de financement qui permettent aux chantiers navals étrangers de nous faire une concurrence injuste. Pendant que l'on négocie à l'OMC, il faut noter que le Royaume-Uni vient d'annoncer des subventions additionnelles pour son industrie et l'Allemagne aussi.

Nous ne demandons même pas des subventions. Nous voulons tout simplement une politique susceptible de créer un climat propice à notre industrie. Il s'agit d'une industrie à très forte composante technologique, une industrie d'avenir, une industrie tout à fait nécessaire pour qu'un pays comme le Canada puisse maintenir avec fierté sa tradition maritime. Cela n'est pas possible sans une industrie de la construction navale digne de ce nom.

J'aimerais maintenant m'en remettre à mon très bon ami, Philippe Tremblay, qui aurait également quelques mots à dire.

[Français]

M. Philippe Tremblay (porte-parole, Fédération de la métallurgie Inc., CSN): Je vais vous donner des exemples de ce qui se produit par rapport aux taxes et aux impôts qu'un chantier maritime peut rapporter quand ledit chantier ne fonctionne pas. Cela s'applique à tous les chantiers qui peuvent exister au Canada—à Québec, à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, à Vancouver ou en Ontario—, aux chantiers de la taille de ceux qui restent actuellement au Canada.

D'abord, il y a eu une rationalisation à laquelle tous les travailleurs ont largement contribué. Nous pensons qu'il y a maintenant de la place pour tous les chantiers qui restent et qu'il ne faut plus rationaliser. C'est pourquoi nous demandons une politique d'aide pour les chantiers qui ont survécu.

Les quatre grands chantiers que j'ai mentionnés, lorsqu'ils fonctionnent, le font avec, en moyenne, environ 1 600 travailleurs. La masse salariale correspondante est d'environ 65 millions de dollars par année, soit des revenus annuels en impôts pour le fédéral d'environ 8,7 millions de dollars, si on fonde le calcul sur un taux modeste d'imposition de 13,5 p. 100.

Ajoutons à cela les primes d'assurance-emploi payées par les travailleurs, qui rapportent 4,8 millions de dollars par année au gouvernement à un taux de 7,5 p. 100. Si on combine l'assurance-emploi aux impôts—au fédéral seulement—, cela donne une moyenne approximative de 70 millions de dollars de revenus pour le gouvernement fédéral sur cinq ans.

Il faut ajouter à cela, dans un secteur industriel, un facteur multiplicateur pour la création d'emplois indirects: sous-traitance, fournisseurs d'acier, etc. Ce facteur est de 1,5 pour chaque travailleur des chantiers maritimes.

Donc, quand les chantiers maritimes sont vides, cela signifie qu'il faut multiplier par presque deux le nombre des autres emplois perdus. Actuellement, il reste 80 emplois au Québec. Au mois de décembre, le chantier de Saint-Jean sera vide et à Vancouver, ça ne va pas trop bien non plus.

De plus, les emplois perdus dans les chantiers maritimes ne peuvent être transférés ailleurs au Canada car les tâches qu'ils comportent sont faites à l'étranger. Ce sont donc des pertes nettes pour le gouvernement canadien. Et vous devez ajouter à cela toutes les prestations d'assurance-emploi qu'il devra payer à tous ces chômeurs. Si on tient compte des taux d'assurance-emploi qui sont payés, tout cela coûte beaucoup plus cher que la mise en oeuvre d'une politique maritime agissante. Il existe une telle politique actuellement, mais nous soutenons qu'elle n'est pas opérante. Si elle l'était, les chantiers ne seraient pas vides.

• 1845

Tous les chantiers maritimes existant non seulement au Québec mais au Canada seront vides d'ici la période des fêtes. Il faut donc aller chercher des contrats à l'étranger. Nous prétendons et nous pouvons prouver par des données que les travailleurs ont fait leur part en changeant leurs conditions de travail et en augmentant leur flexibilité et leur productivité. Il faut maintenant une politique qui leur permette de concurrencer efficacement les pays étrangers. Une telle politique n'existe pas actuellement au Canada.

Je vous remercie.

[Traduction]

M. Bob Chernecki: Merci.

Un dernier commentaire, si vous me le permettez, monsieur le président, étant donné que, depuis quelques semaines, un débat fait rage à Terre-Neuve et au Labrador au sujet de l'insuffisance de traversiers. Vous avez peut-être eu connaissance du fait que des camionneurs avaient bloqué un pont puisqu'ils manifestaient pour protester contre leur incapacité de traverser et de transporter leurs marchandises. Or, voilà que, dans sa grande sagesse, le gouvernement a cru bon d'acheter un traversier à l'étranger. Voilà qui est tout à fait insensé. La décision a indigné les premiers ministres des provinces de l'Atlantique, comme elle nous a indignés. Le gouvernement aurait dû y réfléchir un tout petit peu. Nous aurions pu assumer les travaux, les répartir entre trois ou quatre provinces et construire le navire dans la région de l'Atlantique. Voilà qui n'a pas du tout de sens pour les Canadiens, et tout particulièrement pour ceux qui n'ont pas de travail après Noël.

Nous ne sommes pas ici pour demander la charité. Comme l'a souligné Les, il n'est pas question ici de remplacer une industrie polluante par une entreprise comme DaimlerChrysler ou Mercedes du jour au lendemain. Ce n'est pas ce que nous visons. Ce que nous tentons de faire valoir, c'est qu'il y a des possibilités sur le plan des prêts bancaires, du financement du capital, des modalités de crédit-bail ou des subventions aux créanciers de chantiers maritimes grâce auxquelles le comité et le gouvernement peuvent peser lourdement dans la balance ici au Canada de manière à ce que les gens, et notamment les jeunes, aient du travail à l'avenir. Et il s'agit d'emplois dans le secteur de la haute technologie.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

M. Philippe Tremblay: Permettez-moi d'ajouter quelque chose.

[Français]

Nous voulons simplement vous rappeler que nous sommes une coalition. C'est une première; tous les syndicats et les employeurs du Canada y sont réunis. Nous avons déposé récemment auprès du gouvernement fédéral, de M. Chrétien, des cartes d'appui comportant 150 000 signatures, au sujet desquelles nous n'avons pas eu d'échos. Il serait peut-être temps qu'il se passe quelque chose au Canada.

[Traduction]

Le président: Je le comprends tout à fait.

Nous allons passer maintenant à M. Gregory Vogt, président, et Mike Sommerville, agent financier principal, de la société SUBBOR. Nous vous souhaitons la bienvenue.

M. Gregory M. Vogt (président, Super Blue Box Recycling Corp. (SUBBOR)): Merci. Je m'appelle Gregory Vogt et je suis le président de Super Blue Box Recycling, société connue également sous l'appellation SUBBOR. Je suis accompagné de Mike Sommerville, également de SUBBOR.

Plus tôt, monsieur le président, vous nous avez dit d'être bien à l'aise. Dans cet esprit, nous allons tenter d'illustrer notre propos au moyen de quelques accessoires. C'est ce que mon jeune de 6 ans a l'habitude de faire à l'école et c'est lui qui m'a initié à cette technique.

Au cours de mon bref exposé, j'aimerais tenter de vous dire qui nous sommes et quelle est la technologie dont je souhaite vous parler. J'ai avec moi quelques petits objets qui vont m'être utiles et, même s'il est 18 h 45 et donc tard pour tout le monde, je pense que ce que j'ai à vous dire est passablement important.

D'entrée de jeu, donc, je vais m'efforcer de vous expliquer qui nous sommes en 60 secondes ou moins.

Tout d'abord, nous sommes une société canadienne. Nous existons depuis une quinzaine d'années et nous avons des projets dans le secteur de l'environnement et des projets de production énergétique. De plus, tous les principaux responsables de la société sont des ingénieurs professionnels. Comme vous le voyez, donc, nous sommes férus de technologie et de science et nous sommes du genre bâtisseur. Étant donné que nous sommes au dixième rang des producteurs d'énergie de l'Ontario, nous pouvons dire que nous faisons des choses concrètes, que nous avons déjà un certain poids.

Nous sommes également la plus importante entreprise de réduction des gaz à effet de serre au Canada. D'ailleurs, à ma connaissance, nous sommes également la plus importante entreprise de réduction de gaz à effet de serre en Amérique du Nord, et nous en sommes très fiers.

Enfin, notre entreprise a mis au point la technologie SUBBOR, ce qui m'amène à la prochaine partie de mon exposé, qui consiste à vous informer justement sur cette technologie.

C'est maintenant que je vais faire appel à mes accessoires.

J'ai prélevé ce matin ici et là dans des bureaux divers déchets provenant de la Colline parlementaire. Grâce à notre technologie, nous souhaitons fabriquer, à partir de ces déchets, un certain nombre de produits. Tout d'abord, des produits recyclables—en acier, en plastique, en papier—que nous pourrons revendre. Pour nous, les déchets sont donc une matière première.

• 1850

Nous souhaitons également fabriquer de la tourbe. Bon nombre de gens savent peut-être exactement de quoi il s'agit. En voici justement. Si vous avez fait du jardinage, vous êtes probablement tout à fait au courant. C'est ce que nous souhaitons fabriquer à partir des éléments constituants organiques des déchets. Le joli poinsettia que voici pousse dans une tourbe fabriquée à partir de résidus urbains. Si vous y touchez et si vous la soumettez aux divers tests scientifiques, vous constaterez qu'il s'agit d'un produit de première qualité, de toute aussi bonne qualité que la mousse de tourbière en vente dans le commerce. J'irais même jusqu'à dire que sa qualité est meilleure. Nous y avons fait pousser des tomates.

En dernier lieu, nous souhaiterions produire de l'électricité. Selon notre technologie, lorsque des bactéries anaérobies consomment la partie organique des déchets, il y a production de méthane. En effet, les bactéries ne peuvent s'attaquer à l'acier ou au plastique, mais elles peuvent certainement s'attaquer aux composantes organiques des déchets, par exemple à la tomate pourrie que vous avez jetée hier soir aux poubelles. Le méthane s'apparente au gaz naturel. Nous pouvons le transformer en électricité. Évidemment, l'électricité a une valeur marchande et peut servir à financer une bonne partie de ce que nous souhaitons faire.

Notre technologie ne fait appel ni à l'incinération ni à l'enfouissement. Nous sommes tout à fait en mesure d'éliminer ces deux bêtes noires de l'environnement. Trop beau pour être vrai, me direz-vous! Pourtant, notre technologie bénéficie de l'appui du Conseil national de recherches. Nous avons réalisé, en collaboration avec le Conseil, un programme de recherches d'une valeur de 2 millions de dollars. À l'heure actuelle, nous collaborons dans le cadre d'un projet avec le programme Partenariat technologique Canada. Industrie Canada; Environnement Canada; TEAM, à savoir les Mesures d'action précoce en technologie—voilà des initiatives, des organismes, des programmes du gouvernement fédéral... Et pourquoi, le gouvernement fédéral souhaite-t-il s'associer à nous? C'est parce que notre technologie peut permettre d'atteindre les objectifs énoncés à Kyoto. Seulement dans les grands centres métropolitains, nous pouvons remplir une part importante de notre engagement, possiblement jusqu'à concurrence de 50 p. 100.

Il s'agit d'une technologie autosuffisante sur le plan financier. Nous sommes justement en train de mettre la dernière main à un modèle commercial de cette technologie, à Guelph; c'est une première mondiale. Nous avons reçu 5 millions de dollars du gouvernement par le biais d'Industrie Canada, et avons nous-mêmes investi 15 millions de dollars. C'est de l'argent durement gagné que nous avons investi parce que nous voulons être les chefs de file nationaux dans le traitement des déchets urbains.

Cette installation ouvrira ses portes plus tard ce mois-ci, et nous verrons donc les résultats dans un proche avenir. Les Américains sont si enthousiastes que l'Environmental Protection Agency va effectuer sa propre évaluation indépendante de notre technologie, et ce sera la première fois que les étatsuniens prennent une telle initiative en pays étranger. Ils y ont investi eux aussi beaucoup d'argent. Nous avons donc également des appuis aux États-Unis. Il s'agit d'une technologie qui permet des économies aux municipalités.

Alors, pourquoi sommes-nous ici? C'est que nous avons besoin de votre leadership pour assurer la mise en oeuvre de la technologie SUBBOR. Pour imposer un changement, il faut surmonter beaucoup d'inertie. C'est la même chose dans tous les secteurs. Ainsi, pour assurer la mise en application d'une technologie qui nous permettra de respecter nos engagements de Kyoto, il nous faut du leadership.

Et comment votre comité est-il en mesure d'être utile? Dans notre mémoire, nous parlons d'un programme d'infrastructures remboursable. En effet, selon nous, tout programme d'infrastructures lié au secteur de l'entreprise doit être remboursable. Nous ne demandons pas la charité, comme certains ici présents le prétendent. Nous voulons même rembourser à des taux d'intérêt commerciaux. Les modalités proposées sont d'ailleurs bien décrites dans notre mémoire. C'est ce qu'il faut pour assurer des démarrages de la technologie qui nous intéresse un peu partout au pays.

Et que voulons-nous, plus précisément? Grâce au programme d'infrastructures remboursable proposé, nous souhaitons que vous incitiez les gouvernements municipaux, ceux qui, en définitive, doivent assurer la gestion des déchets, à sortir de l'âge de pierre. Que l'on cesse de simplement creuser des trous dans le sol pour y enfouir les déchets. Que l'on fasse appel à la haute technologie pour fabriquer des produits intéressants comme ceux que j'ai devant moi. Ainsi pourrons-nous respecter les objectifs de Kyoto, économiser l'argent des contribuables et agir comme chef de fil à l'échelle de la planète.

Pour prendre un exemple précis, à Toronto, à savoir la plus grande région métropolitaine du pays, on est sur le point de prendre des décisions concernant l'avenir des résidus urbains. Soyez donc nos porte-parole pour dire à Mel de prendre la bonne décision, de parler moins et d'agir davantage. Le défi de Kyoto, relevons-le donc à Toronto.

Aucune autre technologie ne permet mieux de relever le défi de Kyoto que la technologie SUBBOR. Ce sont des organismes gouvernementaux qui en disent autant. Le Canada agira vraiment comme chef de file s'il encourage les municipalités en leur proposant un programme d'infrastructures remboursable.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Je recommande à tous les membres du comité d'obtenir davantage de renseignements sur cette technologie fort intéressante.

• 1855

Passons maintenant à la période de questions et réponses. Monsieur Forseth, tout d'abord. Il s'agira, je crois, d'un tour de cinq minutes.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Je dois quitter la réunion très bientôt. Je n'aurai le temps que pour une seule question et je vais donc l'adresser à la Fédération canadiennes des contribuables.

À la page 18 de votre mémoire, vous énoncez quatre grandes recommandations. Avec elles, vous ratissez bien large: mettre un terme à l'effet de la non-indexation sur les taux d'imposition, supprimer la surtaxe de 5 p. 100, réduire l'impôt sur le revenu de 10 p. 100, et légiférer pour réduire la dette. Vous déclarez tout de même clairement que vous souhaitez en priorité l'élimination de l'effet de la non-indexation.

J'examinais la troisième recommandation, qui concerne les trois taux d'imposition: 17 p. 100, 26 p. 100 et 29 p. 100. Vous souhaitez tout simplement les réduire à 15 p. 100, 24 p. 100 et 27 p. 100. En formulant vos recommandations, pourquoi n'avez-vous pas préconisé un taux d'imposition unique? Pourquoi avez-vous estimé que ce n'était pas possible ou souhaitable?

M. Walter Robinson: Je vous remercie de votre question.

Pour ce qui est d'un taux d'imposition unique, je sais que le gouvernement de l'Alberta s'y prépare en dissociant son régime fiscal du régime fédéral. D'après nous, il faut tout d'abord réduire l'appétit fiscal des gouvernements avant d'aborder une discussion en profondeur de toute réforme fiscale.

Je vous suis reconnaissant, monsieur Forseth, d'avoir parlé d'un taux unique d'imposition et non pas d'un taux universel. En effet, avec un taux unique, on continue de prévoir des exemptions très généreuses pour les Canadiens dont les revenus sont les plus faibles et qui, de toute façon, ne devraient pas payer un sou d'impôt. En effet, nous continuons de percevoir quelque 7 milliards de dollars des quelque 6 millions de contribuables qui gagnent 30 000 $ ou moins et de recycler une bonne partie de cet argent à leur avantage, sous forme de prestations. D'après nous, ces gens-là ne devraient même pas faire l'objet d'une ponction fiscale.

Il faut dire qu'ici au Canada, il y a encore beaucoup de gens qui favorisent un régime d'impôt progressif. Pour en arriver à une réduction des impôts et à un taux d'imposition unique, il nous manque encore un certain nombre d'étapes dans l'évolution de l'opinion publique sur cette question.

Un taux d'imposition unique me semble souhaitable pour l'avenir. À mon avis, la chose est extrêmement souhaitable et permettrait aux Canadiens... Ce sont les provinces, me semble-t-il, qui vont les premières agir en ce sens pour éviter toute surenchère par rapport aux avantages fiscaux et à l'investissement. Comme d'habitude, c'est au palier fédéral que la modification se fera le plus tardivement.

M. Paul Forseth: Pour résumer donc, vous nous dites essentiellement qu'il s'agit d'un problème d'ordre politique fondé sur la compréhension et la perception des gens plutôt que sur la nécessité de prendre de sages décisions sur le plan administratif.

M. Walter Robinson: Il y aurait certainement lieu de définir la situation de la sorte. Il faut que les Canadiens soient convaincus des avantages d'un taux d'imposition unique.

Également, on soutient souvent que les réductions d'impôt avantagent les riches. Or, c'est justement le contraire que nous proposons dans notre mémoire, en accordant la première priorité à la non-indexation des taux d'imposition. Cela serait surtout avantageux pour les Canadiens à faible revenu et pour ceux de la tranche inférieure du revenu moyen.

Nous tentons de faire valoir que l'allégement fiscal est avantageux pour tous, de présenter une mesure qui permette au gouvernement de s'illustrer non seulement sur le plan de la politique budgétaire, mais aussi sur celui de la politique sociale. En fin de compte, peu nous importe à qui reviennent les mérites de l'allégement fiscal ou comment la chose est présentée par ceux qui pourraient vouloir en tirer du capital politique. Nous souhaitons tout simplement que des allégements soient consentis.

M. Paul Forseth: Merci.

Le président: Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Comme il y a plusieurs intervenants, je vais me limiter à la coalition qui plaide pour la construction navale.

Tout d'abord, avant de poser ma question, je voudrais simplement souligner, à l'intention des autres membres du comité, que la demande de la coalition comporte sept mesures. Les trois premières sont contenues dans un projet de loi privé que j'ai déposé en Chambre. Je l'ai déposé à nouveau cet automne, après l'avoir déjà fait en avril dernier. Le débat en deuxième lecture a duré une heure. Comme les débats de projets de loi privés se tiennent alternativement, le dernier débat sur ce projet de loi va coïncider avec l'annonce du prochain budget. En conséquence, je trouve que vos interventions tombent à point. Vous vous adressez au Comité des finances et mes questions vont porter sur les trois mesures qui concernent, à mon avis, le Comité des finances.

Une première mesure concerne l'exonération, pour les navires neufs construits par des chantiers navals canadiens, des règlements de Revenu Canada en vigueur en matière de crédit-bail. J'en connais la justification, mais j'aimerais laisser quelqu'un de la coalition l'expliquer.

• 1900

La deuxième mesure concerne également le ministère des Finances; c'est la création d'un crédit d'impôt remboursable. Je dis bien remboursable. J'aimerais vous donner l'occasion de l'expliquer également.

L'autre mesure concerne indirectement le Comité des finances puisque c'est le programme amélioré de financement des exportations et de garanties d'emprunts, similaire à celui qui existe aux États-Unis, qu'on appelle Titre XI. Actuellement, il existe un programme semblable à la SEE, qui dépend du ministère du Commerce international.

J'aimerais que vous nous expliquiez ces trois mesures qui sont contenues dans le projet de loi, les autres mesures concernant plutôt le Commerce international et d'autres instances.

C'est une question ouverte. Je cherche à vous allouer du temps pour vous expliquer.

[Traduction]

Le président: Monsieur Holloway, je vous prie de commencer.

M. Les Holloway: Je vais m'efforcer de répondre aux questions. Vous avez posé vos questions...

[Français]

M. Antoine Dubé: Ce sont les points a), b) et c).

[Traduction]

M. Les Holloway: Oui, je répondrai dans cet ordre et mes collègues interviendront s'ils le jugent opportun. La disposition «A» en est une qui est offerte à l'heure actuelle aux États-Unis. Nous parlons dans ce cas du programme relevant du titre XI. Il s'agit d'un programme visant 87,5 p. 100 du coût du navire sur une période de 25 ans. Cette possibilité est offerte à toute société qui souhaite faire construire un navire dans un chantier naval étatsunien, quel que soit son pays d'appartenance. Si la société souhaite faire construire un navire dans un chantier aux États-Unis, elle peut avoir accès au financement.

L'un des meilleurs exemples du fait qu'une telle mesure incite les armateurs à faire construire leurs navires aux États-Unis est celui de la société Secunda Marine, une société néo-écossaise, qui, en 1997, a fait construire deux navires d'approvisionnement dans un chantier naval du Mississippi. L'entreprise a eu accès au programme prévu au titre XI. Elle a donc eu accès à 87,5 p. 100 du financement de la construction des navires, étalé sur une période de 25 ans.

Et puis, comme si cela ne suffisait pas pour désavantager les chantiers maritimes canadiens, la société a importé le navire aux termes de l'ALENA, avec exonération du droit de 25 p. 100, ce qui constitue le seul rempart qui existe au Canada pour dissuader une société canadienne de faire construire un navire à l'étranger. Ainsi, à cause de l'ALENA, les États-Unis sont exemptés, comme s'il fallait en remettre. Ce type de montage financier exerce un effet de premier plan et bon nombre de pays offrent des avantages du genre. Le meilleur exemple à cet égard est celui des États-Unis.

Le prochain cas à trait à l'exclusion des navires nouvellement construits—c'est le «B»—dans des chantiers canadiens des dispositions actuelles de Revenu Canada en matière de crédit-bail. À l'heure actuelle, pour l'achat d'un navire, les modalités d'amortissement ne sont pas du tout défavorables.

Cependant, dans le domaine de la construction navale aujourd'hui, nous participons à un marché mondialisé et nous devons composer avec ces vérités. Or, c'est le crédit-bail qui s'avère le plus avantageux. Cependant, les dispositions pertinentes de notre régime fiscal sont nettement peu attrayantes pour les armateurs et il est donc tout à fait anti-économique de construire des navires au Canada.

Ainsi, selon nous il convient d'étudier la question pour déterminer s'il ne serait pas possible, au Canada, d'assouplir quelque peu la formule, de prévoir une exonération, de manière à englober le crédit-bail.

Pour ce qui est de l'application d'un crédit d'impôt remboursable aux armateurs canadiens qui s'engagent à faire construire, à faire transformer pour une nouvelle affectation ou à faire rénover substantiellement un navire dans un chantier naval canadien, le meilleur exemple—et c'est une réussite—en est celui d'un volet de la politique provinciale qui existe actuellement au Québec, à laquelle on attribue, tout au moins en partie, le fait que les constructeurs québécois ont réussi à conclure un certain nombre de marchés.

• 1905

Il nous semble donc qu'il convient d'étudier ce qui s'est fait au Québec et d'envisager une politique comparable pour l'ensemble du secteur, de manière à créer un environnement susceptible d'inciter les armateurs à faire construire leurs navires ici. C'est bien là ce que nous souhaitons.

Notre collègue Peter Cairns, de l'Association des constructeurs de navire, dit du présent document, comme nous le disons nous aussi, qu'il est sans incidence sur les recettes fiscales. Ainsi, selon nous, il n'impose pas du coût. Il ne s'agit pas ici de subventions; il s'agit d'établir une politique qui créerait des conditions favorables.

J'espère avoir pu, malgré les longueurs, répondre aux questions du député, mais...

[Français]

M. Antoine Dubé: Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Holloway.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et je voudrais remercier tous ceux qui ont pris la parole ici aujourd'hui.

J'ai une question qui s'adresse à MM. Vogt et Sommerville de SUBBOR. Dans le cadre de votre projet pilote de Guelph, des camions transportent des résidus urbains au digesteur, où vont être fabriqués les produits dont vous nous avez parlé.

J'ai eu l'occasion de voir votre opération à Vaughan, qui est proche d'un site d'enfouissement, et vous en avez une autre à Toronto. Pouvez-vous expliquer le plus simplement du monde au comité quelle quantité de méthane vous allez tirer—grâce à des tuyaux placés sous la décharge—et quelle quantité d'électricité vous allez pouvoir produire à partir des zones d'enfouissement. Vous pourriez peut-être nous chiffrer cela en unités de puissance ou en nombre de maisons chauffées. Êtes-vous en mesure de le faire?

Également, si j'ai bien compris votre technologie, illustrée par le projet de démonstration de Guelph, si toutes les grandes municipalités l'adoptait, nous pourrions éliminer complètement l'enfouissement sanitaire. Est-ce exact?

M. Gregory Vogt: C'est exact.

Pour revenir au premier volet de votre question, les deux installations dont vous parlez sont les deuxième et troisième en importance au monde pour ce qui est de la collecte de gaz à partir de sites d'enfouissement de déchets.

À l'heure actuelle, la plupart de nos déchets vont à la décharge. Les gaz que nous récupérons—à partir essentiellement de l'ensemble des déchets enfouis à Toronto au cours des 20 dernières années—produisent une puissance de 60 mégawatts. Voilà de quoi faire cuire tous les dindons de Pickering et de Newmarket, comme j'aime le dire. Cela correspond à l'approvisionnement en électricité d'un grand nombre de personnes et de ménages. Et voilà pourquoi nous sommes le dixième fournisseur d'énergie de la province.

La quantité annuelle de gaz se chiffre à 250 000 tonnes. C'est là une quantité très considérable de gaz qui provient des déchets et c'est pourquoi l'enfouissement des déchets a un effet si néfaste sur la production de gaz à effet de serre. Grâce à la nouvelle technologie, l'enfouissement est éliminé complètement. Il n'est plus nécessaire de se débarrasser des vidanges en les enfouissant dans le sol. Au lieu de cela, on les traite avec des digesteurs qui réussissent à digérer les déchets en 40 jours plutôt qu'en 100 ans. Puisque le processus de digestion en 40 jours est si rapide, il entraîne la production d'une quantité encore plus considérable de biogaz. Sur le plan environnemental, nous avons ainsi l'avantage non seulement d'une transformation rapide mais aussi de la production d'une quantité d'énergie électrique.

M. Roy Cullen: Une seule autre question, si vous me le permettez, monsieur le président.

L'usine de démonstration de Guelph fonctionne-t-elle en circuit totalement fermé de manière à n'entraîner aucun risque environnemental?

M. Gregory Vogt: Nous n'allons pas à la nappe phréatique. Rien ne va dans le sol. Rien ne va dans l'eau. Rien ne va dans l'air. Le seul effet sur l'environnement a rapport à la production d'électricité. En effet, les moteurs alimentés au gaz naturel ou au biogaz produisent alors des émanations qui sont à peu près comparables à celles d'un brûleur domestique alimenté au gaz naturel. Il s'agit d'une source d'électricité très propre qui peut se substituer à d'autres formes de production d'électricité.

M. Roy Cullen: Il importe de dire que les déchets sont soumis à une digestion biologique, et non pas, comme bien des gens le pensent, à une forme quelconque d'incinération. Ce n'est pas cela du tout. Il s'agit d'un processus biochimique ou de quelque chose du genre, n'est-ce pas?

M. Gregory Vogt: Tout à fait. Le processus est d'ordre biologique. Il dépend de bactéries qui existent dans la nature. Voilà pourquoi nous parlons de biogaz. Notre technologie s'est déjà vue attribuer l'accréditation EcoLogo de TerraChoice.

M. Roy Cullen: Quand aurez-vous en main les données d'évaluation du projet pilote de Guelph auquel s'intéresse également l'EPA, comme vous l'avez souligné?

M. Gregory Vogt: Nous disposerons de données préliminaires au cours du premier trimestre et des résultats définitifs ainsi que du rapport de l'EPA au cours du troisième trimestre de l'année qui vient, vraisemblablement. Il s'agit donc de la période allant de mars à septembre de l'an 2000.

• 1910

Le président: C'était votre dernière question. N'est-ce pas monsieur Cullen?

M. Roy Cullen: Merci.

Le président: Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais souligner tout d'abord que le commentaire, formulé plus tôt, selon lequel M. Lastman parlait davantage qu'il n'agissait n'a pas semblé offenser qui que ce soit ici, étant donné que nous avons parmi nous quatre députés de Toronto, comme vous le savez.

Une voix: Personne, en effet.

Le président: Personne!

Des voix: Oh, oh!

M. Gary Pillitteri: Permettez-moi de vous poser une question. Bien entendu, une certaine forme de recyclage a déjà eu lieu. J'aimerais bien comprendre. La collaboration des municipalités vous est nécessaire. Le programme des bacs verts a déjà permis le tri des déchets jusqu'à un certain point. Un tri additionnel est-il nécessaire? Ou prenez-vous les déchets directement des camions?

M. Gregory Vogt: C'est justement pourquoi nous avons cru bon de vous montrer ce sac. Nous pouvons accepter les déchets tels que vous les produisez dans la majorité des cas. Nous les acceptons sans tri préalable et ce sont des machines qui font tout le travail.

M. Gary Pillitteri: Êtes-vous également responsable des Programmes de bacs verts?

M. Gregory Vogt: Nous n'assurons pas l'exploitation du programme des bacs verts mais si la municipalité voulait nous faire désigner un centre de réception de bacs verts où nous pourrions accepter les deux types de déchets, cela ne poserait pas problème. D'une certaine manière, le volet amont de notre système est très semblable de sorte qu'il nous serait facile de fonctionner avec un programme intégré ou non intégré de collecte de bacs verts. Voilà qui ne pose nullement problème. D'ailleurs, c'est mon partenaire qui, en bonne partie, a assuré la mise au point du matériel d'exploitation des bacs verts.

M. Gary Pillitteri: Donc, si j'ai bien compris, le fait qu'une municipalité ait mis en oeuvre ou non un programme de bacs verts n'a aucune espèce d'importance. Votre système pourrait être appliqué dans un cas comme dans l'autre. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Gregory Vogt: Tout à fait. Notre système est complémentaire au système des bacs verts.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Le président: Merci, monsieur Pillitteri.

Nous passerons maintenant à M. Szabo, suivi de Mme Redman, après quoi nous passerons à M. Jones et nous reviendrons à M. Dubé.

M. Paul Szabo: Monsieur le président, j'aimerais vous dire que cet exposé est vraisemblablement le plus novateur qu'il m'ait été donné d'entendre depuis que je siège au Comité des finances.

Je vois des possibilités fort impressionnantes. Voilà qui risque de donner un sérieux coup de balai à l'environnement au Canada. Il s'agit d'une mesure qui pourrait nous permettre de respecter 50 p. 100 de l'engagement du Canada à Kyoto.

Il n'arrive pas souvent à notre comité d'avoir l'occasion de s'exprimer sur des questions qui ne traitent pas directement des finances. Il s'agit en effet d'une question d'ordre environnemental qui a pourtant des répercussions considérables sur le plan financier. Il semble d'ailleurs que le gouvernement du Canada appuie déjà l'initiative d'une façon importante par le truchement d'Industrie Canada et de ministères connexes.

J'espère bien que nous signalerons cette proposition tout particulièrement dans notre rapport, ne serait-ce que parce qu'elle nous donne une bouffée d'air frais, ce qui n'arrive pas souvent. J'aimerais bien que cette question figure dans le rapport étant donné, que selon moi, les Canadiens vont certainement appuyer une telle initiative à cause de ses répercussions sur le plan de l'environnement. La façon responsable d'encourager ce genre de projet, à mon avis... consiste à dire que nous souhaitons que les parties concernées s'y intéressent et que nous invitons les divers ministères à étudier la chose attentivement de manière à déterminer comment ils pourraient...

Je tiens à féliciter SUBBOR du caractère novateur de son exposé et, ce qui importe tout autant, d'une initiative qui, selon moi, est d'une grande importance et devrait faire partie de l'image de marque que le Canada se donne déjà partout dans le monde. Voilà une technologie éminemment exportable, monsieur le président et qui plus est, mis au point par une société canadienne. Il s'agit d'un potentiel que nous ne pouvons nous permettre de garder sous silence, compte tenu de son importance. J'espère donc que nous en aurons des échos dans le rapport.

J'ai une question pour M. Robinson. Pour que cette réunion avec lui en vaille la peine, il faut au moins que je lui pose une question.

Walter.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib): Vous pouvez sûrement l'appeler Walter maintenant.

M. Paul Szabo: Eh bien, monsieur Robinson.

Mme Karen Redman: Vous êtes-vous échangé des cartes de Noël?

M. Paul Szabo: Oui.

Je trouve que la non-indexation des tranches d'imposition est l'un des sujets de discussion les plus intéressants. Prenons un exemple simple.

• 1915

Disons que l'inflation au cours d'une année donnée est de 2 p. 100. Autrefois, un montant personnel de base aurait été indexé de 2 p. 100, ce qui représenterait environ 70 $ en crédit supplémentaire. Pour le contribuable canadien, cela signifierait un peu moins de 20 $ dans ses poches par année à cause de cette indexation. Donc vous avez une idée de l'ampleur de l'indexation du montant personnel de base.

Je me suis souvent demandé—et vous pourriez peut-être essayer de me l'expliquer—si nous devrions indexer les éléments constitutifs de l'impôt de manière à protéger le contribuable canadien des répercussions de l'inflation. Ce qui se passe dans le cas de toutes les dépenses que le gouvernement même encourt... parce qu'elles sont touchées par l'inflation également. Les salaires des fonctionnaires viennent d'augmenter de 2 p. 100. Nous avons une très importante masse salariale au sein du gouvernement canadien. Je pense que 75 p. 100 de nos coûts sont des coûts en matière de ressources humaines.

Si le gouvernement a un budget équilibré, comment peut-il rationaliser l'indexation sans prévoir une forme quelconque de compensation qui tienne compte de l'existence de son propre facteur naturel inflationniste?

M. Walter Robinson: Merci. Si vous me le permettez, monsieur le président, je répondrai à cette question.

Monsieur Szabo, c'est un plaisir de vous parler à nouveau.

Pour l'information des autres personnes ici présentes, M. Szabo et moi-même avons eu l'occasion de tenir des débats animés dans le cadre du présent comité.

J'aimerais également ajouter, monsieur Szabo, que votre livre intitulé The Child Poverty Solution, représente une contribution intéressante au débat sur la politique gouvernementale, et j'approuve un grand nombre de vos conclusions.

En ce qui concerne la question de la progression par tranches, c'est la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés lorsque nous avons eu l'indexation dans le système fiscal non seulement pour les crédits et seuils connexes concernant les contribuables mais aussi pour les dépenses gouvernementales tout au long des années 70. Si vous examinez dans notre exposé les faits cumulatifs, selon l'Institut Caledon, selon l'Institut C.D. Howe, et selon nous—et nous avons établi nos chiffres en collaboration avec les spécialistes de l'Institut C.D. Howe, et selon KPMG, la progression par tranches représente maintenant 10 millions de dollars d'impôt supplémentaire que les contribuables n'auraient pas à payer si les tranches de revenu avaient constamment été indexées. C'était nettement avant que votre gouvernement ne prenne le pouvoir, cela ne fait aucun doute.

Nous avons dit que si nous continuons simplement à rajuster les tranches et les dépenses en fonction de l'inflation, nous ne progressons pas. Nous nous trouvons simplement à mettre la barre de plus en plus haut. Ce que nous avons dit, c'est qu'effectivement il faut rétablir ce sentiment de bon sens financier pour le contribuable canadien—et ici encore, grâce à la convergence de politiques sociales et financières efficaces—mais en ce qui concerne les dépenses gouvernementales, le troisième pilier, comme nous l'avons souligné, les réductions d'impôt et la diminution de la dette—et je ne veux pas en minimiser l'importance—ne sont en fait qu'un exercice théorique, jusqu'à un certain point.

Ce que nous attendons du présent gouvernement, monsieur Szabo, c'est une redéfinition de son rôle. Dans son exposé économique de 1997, le ministre des Finances a dit qu'il voulait que les Canadiens participent à ce débat. Nous estimons que ce débat n'a pas eu lieu. En ce qui concerne cet excédent, nous ne tenons pas compte de la totalité de l'enveloppe budgétaire de 112 milliards de dollars du gouvernement.

Nous n'avons cessé de dire—et nous vous l'avons déjà indiqué par le passé—qu'il faut examiner les cas des sociétés ultra-subventionnées et les subventions industrielles. Il faut examiner les cas de chevauchement et de dédoublement entre les gouvernements fédéral et provinciaux.

Nous avons été déçus de constater que le gouvernement fédéral est revenu sur sa décision concernant les prestations proposées à l'intention des personnes âgées. Même si le montant de la récupération et la barre n'étaient pas suffisamment élevés, nous trouvions que c'était une façon de pallier à l'escalade des coûts de pension et de cibler les personnes ayant le plus besoin d'aide, c'est-à-dire de redéfinir la répartition des dépenses.

Je pense que c'est ainsi que je répondrais à votre question, monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Essentiellement, au lieu de donner au gouvernement une protection contre l'inflation, nous sommes en train de lui dire de trouver l'argent ailleurs.

M. Walter Robinson: Ce que nous sommes en train de dire au gouvernement, c'est que si vous croyez qu'il faut établir des priorités, comme nous l'avons indiqué, alors il faut établir la priorité parmi vos dépenses. Si vous estimez que les soins de santé sont d'une importance fondamentale, et c'est sans aucun doute ce que les sondages vous indiquent—ce sont effectivement certaines des mesures que vous avez prises dans le dernier budget—alors financez ce secteur à un taux supérieur au taux de l'inflation, si vous devez le faire, à même les enveloppes budgétaires existantes, sans compter d'autres secteurs.

M. Paul Szabo: Permettez-moi de vous dire que lorsque vous utilisez le montant de 10 milliards de dollars pour ce qui est d'un impact cumulatif de la progression par tranches...

M. Walter Robinson: C'est chaque année maintenant.

M. Paul Szabo: Je comprends.

Si j'examinais notre situation financière actuelle, en sachant que nous venons d'arriver à un stade post-déficit, si M. Mulroney n'avait pas procédé à la désindexation, le montant des déficits annuels aurait été nettement plus important depuis cette époque, de façon cumulative, pour ce qui est de son impact annuel sur la dette, et aujourd'hui, si l'objectif du gouvernement était effectivement de ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB et au bout du compte d'équilibrer le budget, il faudrait trouver d'autres moyens de compenser le coût de l'indexation pour pouvoir atteindre les objectifs visés.

• 1920

Vous affirmez que nous avons prélevé 10 milliards de dollars par année de plus auprès des contribuables, mais des milliards de dollars en prestations supplémentaires ont été distribués aux contribuables, que ce soit par le biais de la Prestation fiscale pour enfants du Canada ou par d'autres programmes qui ont été mis sur pied.

Quoi qu'il en soit, il n'y a qu'un seul contribuable. Si d'un côté vous donnez mais que vos objectifs sont d'équilibrer les livres pour prouver votre responsabilité financière, vous devez alors réduire certaines dépenses sociales ou d'autres avantages fiscaux que pourraient recevoir les Canadiens, tout comme l'élimination de la surtaxe de 3 p. 100. C'est une question d'équilibre.

L'essentiel n'est-il pas d'examiner notre situation et de déterminer ce que nous pouvons nous permettre de donner plutôt que ce que nous aimerions avoir sans tenir compte des conséquences?

M. Walter Robinson: Nous ne disons pas qu'il ne faut pas tenir compte des conséquences. Pour donner suite à l'hypothèse que vous avez avancée dans votre question, effectivement, si le gouvernement Mulroney n'avait pas procédé à une désindexation partielle et que nous nous acheminions vers ces déficits énormes, nous aurions constaté un consensus national à la fin des années 80 jusqu'au milieu des années 90 au sujet du déficit plutôt que le gâchis dont, sauf votre respect, vous avez hérité.

En ce qui concerne ce qui est essentiel, c'est ce qui est essentiel pour le contribuable canadien. Vous avez parlé des prestations que l'on redistribue. La progression par tranche a fait en sorte que ces prestations sont essentiellement devenues un plafond auquel les Canadiens à faible revenu se heurtent beaucoup plus vite. Une plus grande partie de leur revenu se trouve exposée à la croissance inflationniste. Puis intervient la disposition de récupération sur le crédit pour taxe pour les produits et services, sur la prestation fiscale pour enfants. C'est pourquoi je qualifie cette mesure de régressive et je dis qu'elle pénalise les Canadiens qui sont pauvres.

Pour revenir au résultat net, c'est que le revenu disponible des Canadiens diminue. Notre taux d'épargne est le plus bas des pays industrialisés, et 21c. de chaque dollar dépensé par la famille continuent d'être versés à l'impôt. Vous connaissez les chiffres. Vous nous avez entendus les citer. Vous les avez entendus citer par votre propre ministère, Statistique Canada. Voilà quel est le résultat net à nos yeux. Les Canadiens sont désespérés.

Comme nous l'avons indiqué à la page 12 de notre mémoire, votre ministre des Finances a parlé, de façon beaucoup plus éloquente que moi, des raisons pour lesquelles les Canadiens méritent de garder plus d'argent dans leurs poches.

M. Paul Szabo: Je vous remercie.

Le président: Madame Redman.

Mme Karen Redman: Je vous remercie, monsieur le président.

J'ai quelques questions, mais j'aimerais d'abord avoir un bref éclaircissement.

Je ne me souviens pas si c'est vous, monsieur Holloway, qui avez parlé d'un palier de gouvernement qui a acheté un traversier. De quel gouvernement s'agissait-il?

M. Les Holloway: Il y a toujours eu d'importants achats de navires au Canada. À cause des problèmes de capacité entre la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et le Labrador, on a eu besoin d'un nouveau traversier. Le gouvernement fédéral a procédé à l'achat d'un navire provenant de l'Europe.

Mme Karen Redman: Il s'agit donc du gouvernement fédéral plutôt que d'un gouvernement provincial.

M. Les Holloway: Oui, c'est un achat qui a été fait par le gouvernement fédéral. Compte tenu des problèmes que connaît l'industrie de la construction navale et des problèmes d'approvisionnement tel que celui-ci lorsqu'il s'agit d'achats importants et de la construction de navires, nous considérons qu'un tel navire devrait être construit au Canada. Ou du moins il devrait s'agir d'une location à court terme pour donner suite aux problèmes de capacité à court terme, avec l'objectif de concevoir et de bâtir un navire qui répond aux besoins de Terre-Neuve pendant une bonne partie du XXIe siècle. C'est à notre avis ce qui devrait se faire. Au lieu de cela, le gouvernement fédéral s'approvisionne en Europe.

Mme Karen Redman: Je comprends votre argument. Vous l'avez présenté très clairement. Je n'avais simplement pas entendu s'il s'agissait du gouvernement fédéral ou d'un gouvernement provincial.

M. Les Holloway: Il s'agit du gouvernement fédéral.

Mme Karen Redman: C'est l'éclaircissement que je voulais obtenir.

Madame Gelfand, nous avons entendu des exposés vraiment convaincants. Nous avons entendu à Vancouver un exposé de la mairesse Beth Johnson. Je pense qu'elle venait de Surrey. Elle parlait du programme d'infrastructure. C'est un programme qui a été mentionné dans le discours du Trône. Ce programme a reçu beaucoup d'appui de la part de la Fédération canadienne des municipalités.

La mairesse Johnson proposait que nous examinions certaines mesures d'encouragement à l'intention des collectivités qui veulent prendre des mesures écologiques. Elle parlait de développement durable concernant le transport en commun et des collectivités qui examinent des moyens de se débarrasser des émissions de gaz à effet de serre et de concrétiser certains des engagements que nous avons pris à l'échelle internationale lors de la conférence de Kyoto.

Je me demandais si vous pouviez nous donner votre réaction au nom de votre organisation.

• 1925

Mme Julie Gelfand: Bien sûr.

Nous sommes au courant des deux autres mémoires à caractère environnemental qui vous ont été présentés. L'un émanait de la Fédération canadienne des municipalités et l'autre de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.

Nous avons continué d'assurer le dialogue avec la Fédération canadienne des municipalités. Nous avons voulu qu'elle collabore à notre mémoire mais comme elle représente un secteur tellement différent de la société, les municipalités proprement dites, elle estimait qu'il serait préférable qu'elle prépare un mémoire séparé. Notre groupe en fait appuie entièrement le mémoire que vous a présenté la Fédération canadienne des municipalités, et je suis sûre qu'elle appuie le nôtre également.

Nous appuierions tous ces programmes d'infrastructure écologique qui encouragent le recours accru au transport en commun, ou à un traitement accru des eaux usées qui permettrait de se débarrasser d'un autre type de déchet et de régler ce problème parce que le Canada déverse une grande quantité d'eaux d'égout brutes directement dans les lacs, les rivières et les océans, comme vous le savez. Donc, nous serions très favorables à un programme d'infrastructure communautaire de nature écologique. Pour nous, cela ferait partie du virage écologique du budget du millénaire.

Mme Karen Redman: En fait, je pense avoir vu un diagramme dans votre mémoire qui porte sur cet aspect.

J'aimerais simplement faire de la publicité pour la région d'où je viens, c'est-à-dire la région de Waterloo où est née l'idée de la boîte bleue.

Si je promets de poser une question très courte et que M. Robinson promet de fournir une réponse très courte, puis-je poser une autre question?

Le président: Oui.

Mme Karen Redman: Je vous remercie.

Vous traduisez une attitude et une conviction que j'ai eu l'occasion de constater dans ma collectivité. Mais j'ai aussi dans ma collectivité le projet Ploughshares. Le Comité central Mennonite est aussi très actif dans ma collectivité, tout comme MEDA, l'Association Mennonite qui s'occupe du développement. Hier soir, nous avons entendu des arguments et des plaidoyers vraiment convaincants quant à la nécessité de respecter notre engagement à investir 7 p. 100 du PIB dans le développement international, car il s'agit d'un engagement que le Canada a pris à l'échelle internationale. Nous avons pris des engagements en ce qui concerne les questions de reproduction. Je crois que nous avons prévu 50 millions de dollars à cet égard, mais que notre engagement était de 200 millions de dollars, donc nous sommes loin du compte en ce qui concerne une initiative que nous avons déclaré, à l'échelle internationale, être une priorité pour les Canadiens.

Dans votre mémoire, vous dites qu'il faut repenser les priorités ministérielles pour aider à redéfinir le gouvernement. Je me demande simplement où nous en tenons compte, à votre avis. J'estime qu'il s'agit d'un besoin vraiment pressant. Que nous l'exprimions constamment ou jamais, cela fait partie de l'identité canadienne.

Le président: Je vous remercie pour votre brève question, madame Redman.

M. Walter Robinson: Pour répondre à la question de Mme Redman par votre intermédiaire, monsieur le président, nous ne prétendons pas représenter le point de vue de tous les Canadiens. Nous représentons le point de vue de 80 000 partisans, et le mémoire que je vous présente traduit ces points de vue que nous avons recueillis grâce à un sondage national effectué auprès d'eux.

En ce qui concerne nos engagements internationaux, le Canada doit défendre son engagement ou son absence d'engagement envers ces ententes par le biais de nos institutions multilatérales. Par ailleurs, je suis tout à fait conscient que nous présentons un point de vue. Vous-même, en tant que député, et membre de ce comité, vous devez représenter ce que vous estimez être un juste milieu parmi les différentes opinions exprimées ici. Tout ce que je peux faire, c'est défendre notre position, aussi bruyamment et passionnément que je le peux, parce que nous estimons que c'est dans l'intérêt de nos partisans et, nous l'espérons, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Le président: Je vous remercie, madame Redman.

Monsieur Vogt, comme vous le savez sans doute, M. Jones et moi-même représentons un secteur de la région York. M. Jones est vraiment en train de se demander pourquoi votre lumière s'est éteinte. Le méthane produit par votre sac d'ordures est-il venu à manquer?

Des voix: Oh, oh!

M. Gregory Vogt: Votre greffier m'a demandé de...

Le président: Je plaisante.

Vous avez la parole, monsieur Jones.

M. Gregory Vogt: Ce n'est pas une réserve inépuisable.

M. Jim Jones (Markham, PC): Je vous remercie, monsieur le président.

Ma première question s'adresse à la Fédération des contribuables canadiens. Dans votre mémoire, vous parlez d'un échéancier pour la réduction de la dette. Quel serait un échéancier raisonnable pour la réduction de la dette, en années, et pourquoi croyez-vous que le gouvernement hésite à mettre en oeuvre un tel échéancier ou à légiférer à cet égard?

M. Walter Robinson: Je répondrai d'abord à la deuxième partie de votre question.

Pour nous, le problème ici est un problème d'incohérence jusqu'à un certain point. Je ne veux pas me perdre en conjectures sur les motifs du ministre des Finances ou de ceux du gouvernement, parce qu'il y a des jours où nous applaudissons le ministre des Finances et il y a d'autres jours où nous le poussons dans une autre direction. Cependant, nous trouvons incohérent que le présent gouvernement et le présent ministre des Finances, avec tout le respect que je leur doit, avaient un objectif bien défini pour chaque année en matière de réduction du déficit: cette objectif devait être de tant, qu'il pleuve ou qu'il vente, pour reprendre la fameuse expression utilisée par le ministre des Finances, Paul Martin.

• 1930

Comme je l'ai indiqué dans notre mémoire, nous sommes partisans de montants fixes ou établis par la loi, comme nous l'avons constaté en Alberta, au Manitoba et dans d'autres provinces qui s'occupent maintenant de la dette, et ce, indépendamment de l'allégeance politique. Comme je vous l'ai indiqué, il est possible, mathématiquement, d'afficher un déficit qui correspond à la moitié de la croissance économique tout en réduisant le rapport dette-PIB, et je crois que personne ne veut que nous revenions à ce scénario.

Pour revenir à la première partie de votre question, nous avons accumulé une bonne partie de ce déficit en 28 ans, et je pèse mes mots lorsque je dis que demander aux Canadiens de le payer sur 10, 70, 80, 100 ou 120 ans équivaut à de la fraude fiscale intergénérationnelle. Une dette est simplement une obligation pour les contribuables de demain. L'institut C.D. Howe a indiqué que des générations successives de contribuables auront un fardeau fiscal plus élevé résultant d'un passif non capitalisé dans les soins de santé, les pensions, du vieillissement des baby boomers et de la croissance constante des dépenses gouvernementales.

Il m'est impossible de vous donner des chiffres. C'est à vous d'en décider. Mais dans le cas de montants de plus de 3 milliards de dollars par année ou, si on opte pour le facteur de prudence de 7 milliards de dollars d'ici cinq ans, nous estimons qu'un pourcentage d'environ 9 p. 100 ou plus des recettes fiscales perçues à même le revenu des particuliers vous permettrait d'atteindre votre objectif, puisque vos recettes devraient augmenter, dans environ 60 à 70 ans. Ce serait réaliste. Bien sûr on aimerait s'en débarrasser tout de suite, mais financièrement, c'est impossible.

M. Jim Jones: Je vous remercie.

J'aimerais poser quelques questions au représentant de l'industrie de la construction navale. En ce qui concerne le traversier dont vous avez parlé, pouvez-vous me donner une idée du nombre d'heures-personnes qu'il aurait fallu pour construire ce traversier?

La deuxième question concerne les règles du jeu équitables, dont vous avez parlé dans votre mémoire. Je connais un peu le chantier de Saint John. Je sais qu'à un stade vous aviez soumissionné 50 ou 65 appels d'offres que vous avez toutes perdues. Si les règles du jeu étaient équitables, quel serait votre niveau d'activité?

M. Les Holloway: Je vais tâcher de répondre à la deuxième question en premier. C'est une estimation que je ne crois pas être en mesure de faire. Je répondrais en disant que nous avons reconnu au Canada que nous devrons désormais jouer un rôle dans l'économie planétaire. Au moyen d'accords comme l'ALENA, nous reconnaissons au Canada que nous devons commercer avec d'autres pays et négocier et signer des accords avec d'autres pays, et nous continuons à travailler en ce sens. Si tel est le cas, il est probablement juste de dire alors que tout ce que nous voulons, c'est d'avoir des règles du jeu équitables.

C'est le fondement de notre document de politique. Tous les autres pays au monde ont une politique, et parce qu'ils ont des politiques, ils construisent des navires. Les États-Unis se débrouillent très bien. Les programmes qu'ils ont mis sur pied fonctionnent très bien, et ils ont de très bons taux particuliers. En ce qui concerne le financement en vertu du titre XI, par exemple, il n'y a pratiquement aucun défaut de paiement, et il a permis à leur chantier naval de décrocher des contrats représentant des milliards de dollars. Le chantier du Mississippi construira deux navires de croisière, les premiers navires de croisière à être construits aux États-Unis en plus de 30 ans. C'est grâce à des programmes de financement de ce genre qui leur permettent de rivaliser avec des pays comme l'Italie qui s'est spécialisé dans le marché du navire de croisière.

Il s'agit de trouver des moyens novateurs de créer des débouchés ici. C'est pourquoi nous demandons que les règles soient équitables pour tout le monde. Nous pourrons alors bâtir nos propres créneaux. Nous devons exercer une concurrence vigoureuse sur les marchés internationaux. Mais pour ce faire nous devons jouer selon les mêmes règles du jeu, et nous n'en sommes pas là.

En ce qui concerne l'autre aspect que vous avez soulevé à propos du traversier et du nombre d'heures-personnes, je céderai la parole à mes collègues du Québec. Pour ceux qui l'ignorent, ils ont construit le traversier Joey Smallwood, qui fait la navette de la Nouvelle-Écosse à Terre-Neuve, et ils ont probablement une meilleure idée des nombres en question. Cela produirait une activité assez importante dans une industrie très désespérée.

[Français]

M. Richard Gauvin (président, Syndicat des travailleurs des industries Davie): De combien d'heures parle-t-on? On parle peut-être de quelques millions d'heures. Je vous dirai que l'aspect le plus important de toute cette démarche que nous avons entreprise conjointement est l'atteinte d'un certain niveau de compétitivité, ce qui est difficile comparativement à l'ensemble des chantiers maritimes. Les démarches qu'on fait actuellement pour obtenir du travail ne visent pas nécessairement à ce que nous soyons le meilleur chantier au monde.

• 1935

Il se construit un certain nombre de navires chaque année de par le monde; on parle de 1 500 navires. Ces navires se divisent en trois catégories: les navires de 5 000 à 40 000 tonnes; les navires de 40 000 à 75 000 tonnes; et les navires de 75 000 tonnes, qui sortent de certains chantiers très spécialisés. Certains chantiers maritimes, ceux du Japon et de la Corée, emploient de 14 000 à 15 000 personnes. Ce n'est pas à ceux-là que nous devons faire concurrence pour survivre. Il ne s'agit pas nécessairement d'être le premier, mais de se situer dans le bon créneau. Ce qui est important, c'est de savoir sur quel plan on cherche à être concurrentiels.

Il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte. Ce peut être, par exemple, la superficie de nos chantiers maritimes, la taille de nos pièces d'équipement ou la grosseur des modules de construction pour construire l'ensemble de ces bateaux. Il en va ainsi à la grandeur du Canada dans les chantiers maritimes. Donc, il y a certains créneaux qu'on peut viser pour atteindre une certaine compétitivité.

Aujourd'hui, dans la plupart des chantiers, tant celui de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, que ceux de Colombie-Britannique ou de Nouvelle-Écosse, on a fait certaines modifications; on a modernisé l'équipement au cours des sept ou huit dernières années. On a une main-d'oeuvre efficace tant au Québec qu'au Nouveau-Brunswick et en Colombie-Britannique. Tous ces chantiers peuvent très facilement se comparer à ceux du reste du monde sous ces aspects. Pensons seulement à ce que le Québec a fait au chantier maritime MIL Davie en modernisant la plateforme Spirit of Columbus, qui est un projet extraordinaire. Pensons aux contrats des Amethysts qui sont faits en Corée pour le compte du Brésil et dont la conception technologique a été faite à ce chantier.

Ce que je veux dire par là, c'est que sous certains aspects, nous sommes au même niveau que tous les autres et que la qualité de ce qui sort de nos chantiers est absolument comparable.

Je me servirai d'un exemple bien simple et clair pour illustrer mon propos. Si tu dois courir le cent mètres et que ton concurrent part avec une avance de 30 mètres, il est probable que tu n'arriveras pas en même temps que lui. Il a de bonnes chances d'arriver premier. C'est un peu ce à quoi nous pensons quand nous proposons une politique maritime.

Je vous donnerai un autre exemple qui a un impact extrêmement important. Chez nous, au Québec, à la Davie, on a maintenu, entre 1987 et 1993, une moyenne annuelle d'environ 2 700 emplois qui généraient une masse salariale de 125 millions de dollars. Cela générait directement dans la région des activités économiques de 40 millions de dollars. MM. Tremblay et Holloway parlaient tout à l'heure de retombées plus importantes que la seule création d'emplois directs, soit celles des emplois indirects.

Or, il est clair que cela génère aussi des revenus pour les gouvernements provinciaux. C'est pourquoi nous allons de l'avant avec notre proposition. J'aurai l'occasion, la semaine prochaine, de faire une présentation à cet effet au Comité de l'industrie. Je vous dirai que tous les problèmes sociaux qui en découlent ont un coût que nous sommes malheureusement incapables de quantifier noir sur blanc pour pouvoir vous en faire prendre conscience.

Chez nous, nous avons vécu des suicides, des conflits familiaux, des divorces et des problèmes financiers. Nous sommes passés par toute cette gamme de difficultés. Aujourd'hui, nous sommes 80 travailleurs dans ce chantier. À Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, je crois qu'il n'y a plus rien à partir de décembre. C'est ainsi un peu partout dans l'ensemble du Canada.

C'est donc une source d'emplois très importante. On a une qualité de main-d'oeuvre exceptionnelle. On a une technologie très avancée. Les systèmes de conception des navires sont très bons; on n'en trouve pas de pareils ailleurs dans le monde. C'est une expertise très importante et, à mon avis, il faudrait faire tous les efforts nécessaires pour que cette industrie survive.

Le président: Merci. Monsieur Jones, avez-vous une autre question?

[Traduction]

M. Jim Jones: Oui.

Quel serait le contenu canadien d'un navire? Et enfin, vous avez indiqué que vous allez comparaître devant le Comité de l'industrie la semaine prochaine, et je fais partie du Comité de l'industrie. Il serait très utile si vous pouviez faire une analyse de... j'allais dire le chantier de Saint John, mais il pourrait s'agir d'autres chantiers aussi, en fonction des critères où vous dites avoir besoin d'aide. Si vous pouviez reprendre les 55 ou 65 appels d'offres et nous indiquer que si vous aviez certaines de ces choses, votre soumission aurait peut-être été retenue, cela nous serait très utile pour nous indiquer certaines des contraintes qui entravent votre industrie.

• 1940

Personnellement, j'estime que la crise que traverse l'industrie de la construction navale, lorsque vous examinez les quelques millions d'heures-personnes qui pourraient être utilisées dans la construction d'un navire, est aussi sérieuse que la crise que traverse l'industrie agricole et la crise qui commence à poindre dans l'industrie culturelle, l'industrie des périodiques. J'ai reçu ses représentants dans mon bureau, et probablement que vous avez reçu plusieurs de ces représentants dans vos bureaux, au cours des derniers jours. La situation est grave dans ces secteurs aussi.

Je sais qu'aux États-Unis ils ont la Loi Jones. Peut-être devons-nous...

M. Roy Cullen: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Jim Jones: Non, mais nous devons trouver un moyen d'aider nos gens, tout comme les Américains aident les leurs.

Je n'ai plus de questions.

Le président: Très bien dit, monsieur Jones.

[Français]

Monsieur Dubé, avez-vous une autre question?

M. Antoine Dubé: Oui. J'en ai même cinq.

[Traduction]

Le président: Monsieur Holloway.

M. Les Holloway: Il y a la question du contenu canadien.

J'aimerais d'abord faire une autre observation. Si jamais le Canada réussit à obtenir 1 p. 100 du marché global, chaque chantier naval du pays serait en mesure de fonctionner à plein rendement. En outre, cela veut dire que pour chaque travailleur de chantier naval, d'après les statistiques qu'on vient de vous montrer, entre 2,5 et 3 emplois sont créés dans le secteur des approvisionnements et des services à travers le pays. À titre d'exemple, le programme des frégates qu'on a établi dans la cale sèche de Saint John et au chantier naval Davie à Québec a créé des emplois jusqu'à la Colombie-Britannique, en passant par les provinces des Prairies.

Donc, tout ce qu'il nous faut, c'est 1 p. 100. Nous n'envisageons pas et ne préconisons pas une politique qui va faire de nous le plus important pays au monde en matière de construction navale, mais il résultera de notre politique de nombreux emplois bien rémunérés.

En ce qui concerne cette question du contenu canadien, il faut dire que la construction navale est très exigeante en main-d'oeuvre. J'aimerais vous donner quelques statistiques. Notre syndicat, le Syndicat national des travailleurs et travailleuses de l'automobile du Canada, a effectué une analyse sectorielle de presque chaque industrie au Canada. Le PIB par travailleur dans le secteur de la construction navale est de 84 000 $. Ce chiffre dépasse la moyenne canadienne de 68 p. 100.

La productivité de la main-d'oeuvre a augmenté de 46 p. 100. Je ne peux pas défendre ces chiffres moi-même, mais je sais qui peut le faire—c'est Jim Stanford, qui a collaboré beaucoup à la rédaction de ce document. La productivité est à la hausse et le PIB par travailleur est important, dépassant la moyenne de 68 p. 100, comme je l'ai dit tantôt.

Il s'agit donc d'un moteur économique très stable et très exigeant en main-d'oeuvre pour un bon nombre de collectivités côtières qui ont un besoin urgent de ce genre d'activité.

Le président: Merci, monsieur Holloway. Je tiens à signaler que M. Stanford comparaîtra devant notre comité demain. On pourra peut-être lui poser cette question à ce moment-là. Merci.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: Premièrement, j'ai une question concernant le 1 p. 100. À fin de la dernière guerre, le Canada était parmi les 10 plus grands propriétaires de bateaux. Il avait une flotte et c'était vraiment un pays important à cet égard. Le pays est bordé par trois océans et contient la plus longue voie navigable intérieure qui est près du plus grand marché, en passant par les Grands Lacs, celui des États-Unis. Depuis ce temps, graduellement, la Marine et la construction navale ont perdu de l'importance.

Concurremment, il s'est produit un autre phénomène. Des armateurs canadiens ont fait construire leurs bateaux ailleurs. Dans certains cas, ils battent pavillon étranger. Pourquoi? Pour des raisons fiscales. Il existe dans le monde des paradis fiscaux.

Le Canada ne veut pas subventionner ses chantiers maritimes, bien que tous les autres pays subventionnent leur construction navale, à l'exception peut-être des États-Unis qui, eux, appliquent des mesures protectionnistes.

Encore pis, nous avons la politique fiscale la plus rigoureuse à l'endroit des chantiers navals. J'ai fait le tour de certains pays. Certains d'entre eux exemptent leurs chantiers navals d'impôts. Ils les exemptent d'impôts en plus de les subventionner. Il faudra faire quelque chose à cet égard dans les négociations de l'OMC. Votre collègue M. Pettigrew a dit qu'il essaierait de faire quelque chose. C'est important.

Ceux qui parlent contre la construction navale disent que c'est une activité qui est en déclin. Vous venez de nous parler des avantages technologiques, mais étant donné que vous êtes des syndicats de travailleurs, j'aimerais que vous nous parliez, à propos de la productivité, du taux horaire en le comparant à celui d'autres pays, pour voir si le Canada est si chérant, comme on dirait en bon québécois.

Troisièmement, pensez-vous que si la construction navale était incluse dans l'ALENA, cela aurait quelque conséquence pour les chantiers navals canadiens?

• 1945

Finalement, j'ai inclus dans mon projet de loi privé les mesures qui sont préconisées conjointement par les trois syndicats, ce qui est une première au Canada, ainsi que par les patrons. Je les ai reprises et incluses dans un projet de loi privé que j'ai déposé. Je dois dire que je sens des réticences du côté libéral. Il y a 100 députés qui ont signé mon projet de loi, mais il n'y avait pas un seul libéral parmi eux, évidemment.

Sans vouloir faire de politique partisane, je vous demanderais si vous croyez qu'il suffise que le projet soit celui d'un député de l'opposition pour que la majorité libérale veuille le bloquer.

M. Philippe Tremblay: En ce qui concerne les taux horaires, je dirai que nous avons dû récemment, étant donné que le chantier maritime du Québec était en difficultés financières, faire une démarche à travers le monde entier pour tenter de trouver des acheteurs. Quand tu veux trouver des acheteurs, il faut que tu aies un bon produit à vendre. Cela s'applique à tous les chantiers canadiens, tant à celui de Saint-Jean qu'à celui de Vancouver.

On a comparé nos taux horaires et ceux de l'Allemagne, de la France, de la Finlande, du Japon et même de la Corée. On peut vous dire que le coût d'une heure/homme travaillée dans les chantiers maritimes du Canada varie entre 40 $ et 55 $, en tenant compte des avantages sociaux, des coûts indirects, de l'administration, etc. Partout ailleurs dans le monde, ce coût se situe aux alentours de 100 $. Donc, si le taux horaire n'est pas en cause, il ne s'agit pas d'un problème de productivité.

Nos taux horaires sont à peu près équivalents à ceux de la Corée, sauf qu'en Corée, on soumissionne à perte et, à la fin de l'année, le gouvernement efface la dette des sociétés parce que ce sont des sociétés d'État. On ne pourra jamais leur faire concurrence; c'est totalement impossible. Ce n'est pas une question de taux horaire. Le taux horaire de là-bas équivaut au nôtre. La productivité n'est pas plus grande. Ce sont les subventions déguisées qui nous empêchent de leur faire concurrence.

Quand à votre question sur l'ALENA, c'est évident que s'il n'y avait pas le Jones Act et l'ALENA, on pourrait aussi vendre ou fabriquer des bateaux qui feraient du transport aux États-Unis. Actuellement, l'ALENA empêche cela parce que les chantiers maritimes n'y sont pas inclus.

Les États-Unis sont tellement protectionnistes qu'un bateau qui fait du transport, du cabotage aux États-Unis doit être construit aux États-Unis. Il doit battre pavillon américain. Il ne peut être enregistré ailleurs. Il faut qu'il soit fabriqué sur place et son personnel marin doit être américain.

Si on avait fait partie du libre-échange et s'il n'y avait pas eu ces lois protectionnistes concernant les chantiers maritimes, on pourrait faire des appels d'offres pour la construction de bateaux américains, ce qu'on ne peut pas faire actuellement. Même si on avait les meilleurs prix du monde, on ne pourrait le faire. La seule chose qu'il est possible de faire, c'est de la sous-traitance.

Quant à votre dernière question, à savoir si le fait que vous soyez dans l'opposition va nuire au projet de loi privé, nous espérons que ce ne sera pas le cas.

Contrairement à ce qui s'est toujours passé, alors qu'individuellement. chaque centrale syndicale ou chaque province avait tenté à chaque époque des démarches auprès du gouvernement en place pour obtenir une politique maritime, pour une fois, on s'est réunis et on a tenté de le faire collectivement.

On sait en effet que quand le gouvernement vote des lois pour venir en aide aux industries, le rôle de l'opposition est souvent de les critiquer. C'est pourquoi on s'est dit cette fois que si on travaillait avec tous les partis de l'opposition et qu'on les mettait d'accord sur un projet de loi, le parti au pouvoir ne pourrait plus avoir d'objections. Et comme personne n'allait le critiquer, ce serait vu comme une action positive.

Comme on sait que M. Martin pouvait avoir des intérêts particuliers dans les chantiers maritimes et qu'il pouvait ne pas vouloir se sentir en conflit d'intérêts, on a fait en sorte que l'opposition soit d'accord sur notre projet. Si l'opposition est d'accord sur notre projet, j'imagine que le gouvernement devra aller de l'avant. Il n'y aura pas de critiques et il sera félicité.

[Traduction]

Le président: M. Dubé fait une blague. Il sait qu'on ne fonctionne pas de cette façon.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé: C'est parfait.

Le président: C'est tout? Avez-vous une autre question?

M. Antoine Dubé: J'en aurais plusieurs autres, mais je vais terminer en exhortant mes collègues de retenir ce point. Tous les premiers ministres provinciaux, libéraux inclus, à une conférence tenue à Québec au cours de cette année, ont été d'accord sur ces demandes. C'était une résolution du congrès libéral d'il y a deux ans provenant des militants. Plusieurs députés, que je ne nommerai pas aujourd'hui, ont voté à ce moment-là en faveur d'une politique maritime. Tout ce que j'ai à vous dire, c'est d'être conséquents et en accord avec tout ce monde-là.

• 1950

Il y a toutefois un problème, et c'est peut-être la dernière question que je poserai. Ici, un chantier maritime représente beaucoup d'employés. À Lévis, dans le bon temps, il y avait 3 000 travailleurs, plus leurs familles, plus tous les gens que les retombées économiques attiraient, ce qui représentait peut-être 10 000 personnes. Dans ma circonscription, je n'ai pas le choix: je dois m'en occuper. Mais comme c'est localisé à un endroit précis, comme c'est le cas à Saint-Jean ou à Vancouver, cela pose un problème. Il y a peut-être huit ou dix députés qui se sentent plus préoccupés par cela politiquement, alors que finalement, la cause...

Je termine en vous demandant ce qui arriverait si vous fermiez tout. Quelles conséquences cela aurait-il? Par exemple, lorsqu'un bateau s'échouerait dans le fleuve—il y en a eu deux dans la région de Québec dernièrement—, qu'arriverait-il s'il n'y avait plus de chantier capable de le réparer? Quelles en seraient les conséquences? Selon un scénario pessimiste, vous fermez tout, déclarez faillite et abandonnez la place. Le pays qui touche à trois océans, qui a la plus longue voie navigable au monde n'aurait personne capable de réparer les bateaux.

M. Philippe Tremblay: Il faudra les remorquer jusqu'en Europe. Ils vont les remorquer jusqu'en Corée pour les faire réparer s'il n'y a pas de chantiers au Canada. Que voulez-vous que je vous dise? Cela causera des désastres écologiques.

[Traduction]

Le président: Monsieur Holloway.

M. Les Holloway: Monsieur le président, très brièvement, j'aimerais faire quelques observations.

Quant à la question des trois côtes, je suis plutôt d'accord avec cela. J'aimerais, toutefois, ajouter un autre élément. Que fait notre pays lorsqu'il dépend de la construction navale pour soutenir notre souveraineté en tant que nation, pour soutenir notre défense, non seulement pour construire nos frégates mais aussi pour assurer que ces navires sont en bon état en cas de conflit éventuel? Si notre pays ne soutient pas la construction navale aujourd'hui, ce secteur ne sera pas là lorsqu'on en aura vraiment besoin. Si on veut vraiment soutenir notre souveraineté en tant que nation, il nous faut une industrie de construction navale.

L'autre chose—et c'est surtout ce qu'on cherche à obtenir de ce comité—est notre idée de tenir un débat dans le cadre d'un forum national dirigé par le gouvernement fédéral qui nous permettra de reconnaître qu'il existe de graves problèmes à l'intérieur de notre secteur. Les intervenants rassemblés grâce à ce forum pourraient, par la suite, préconiser les mesures à prendre pour résoudre certains de ces problèmes. Voilà ce qu'on veut. On ne dit pas qu'on serait en mesure de fournir toutes les réponses. On sait que le gouvernement en profitera pour soulever d'autres questions qu'il faut examiner à la lumière des solutions proposées, mais nous croyons qu'il est important d'entamer un tel débat. Nous croyons qu'un tel débat donnerait naissance à une politique pour soutenir l'industrie.

N'oubliez pas que nous comparaissons devant vous parce que nous n'arrivons pas à entamer un tel débat. On parle aux équipes de la Ligue nationale de hockey, aux joueurs de la Ligue nationale de hockey, aux millionnaires, mais nous représentons des milliers de travailleurs de chantier naval et nous voulons avoir ce débat. On s'en fiche si les solutions sont assez évidentes: on pourra discuter de n'importe quelle solution qui vous semble bonne. Il faut donner aux intervenants la possibilité de s'asseoir avec nous et de dire, écoutez, il existe des problèmes dans le secteur. Qu'est-ce qu'on peut faire, si on peut faire quelque chose, pour résoudre le problème? Nous disons qu'il existe des solutions. Il existe des solutions aux problèmes, mais nous n'arrivons même pas à convoquer le gouvernement fédéral à une réunion, il ne veut pas.

Nous demandons donc au comité de dire, au nom de notre industrie, que le gouvernement a l'occasion de faire quelque chose qui aura une incidence positive sur beaucoup de régions du pays qui doivent encourager l'activité économique. Voilà la portée principale de nos remarques.

Le président: Merci, monsieur Holloway.

Monsieur Robinson.

M. Walter Robinson: Je tiens à dire aux fins du compte rendu, monsieur le président, que M. Holloway soulève à juste titre la question des priorités. Le gouvernement et le conseil des ministres ne doivent pas envisager la possibilité de renflouer ces millionnaires âgés de 22 ans qui jouent au hockey, ni leurs patrons plus âgés mais tout aussi riches. Il faut plutôt s'occuper de toutes les priorités dont on a parlé ce soir, qui sont beaucoup plus importantes pour la population.

Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Le président: Merci.

Avez-vous une autre question, monsieur Jones?

M. Jim Jones: J'ai deux petites questions, dont une pour Jason.

On exige beaucoup de notre système d'éducation, Jason. Compte tenu de cela et de nos ressources financières limitées, comment peut-on dispenser ce service de façon différente?

M. Jason Aebig: Si vous faites allusion à l'augmentation du nombre des inscriptions...

M. Jim Jones: Je parle uniquement des ressources financières. Vous dites qu'il vous faut plus d'argent pour faire construire des installations et pour embaucher des professeurs, et que le coût par étudiant est élevé. Plutôt que de continuer à augmenter le financement, existe-t-il d'autres solutions de rechange?

• 1955

M. Jason Aebig: La question est excellente. Malheureusement, c'est le transfert lui-même qui constitue une des méthodes principales de venir en aide aux gens comme moi, qui se trouvent à la base du système. Avec l'introduction du nouveau modèle en 1995, les possibilités d'intervention de la part du gouvernement fédéral dans certaines des questions dont j'ai parlé ont été très compromises.

Par contre, je dirais que le gouvernement fédéral a certainement le mandat de jouer un rôle de leadership auprès des provinces pour les encourager à promouvoir la vision présentée dans le discours du Trône. On a vu le gouvernement fédéral jouer ce rôle dans le domaine de la santé l'année dernière. Il l'a fait malgré le transfert, malgré les ambiguïtés et malgré la perte d'imputabilité, parce qu'il a jugé qu'il s'agissait d'une priorité nationale. À mon avis, le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership auprès des premiers ministres provinciaux et les ministre des Finances, selon les modalités du transfert sous sa forme actuelle.

M. Jim Jones: J'ai une dernière question à poser.

J'ai bien aimé votre exposé, Gregory. Combien de tonnes de déchets peuvent être traités par jour par une usine de recyclage?

M. Gregory Vogt: La moyenne annuelle commerciale est de 100 000 tonnes ou plus. Cela représente une ville avec une population d'environ 100 000 habitants, car chaque résident de ce pays produit environ une tonne de déchets par année. Cela vous donne une idée. Cela équivaut à quelques centaines de tonnes par jour.

M. Jim Jones: Quel est le volume quotidien reçu par l'usine de Keele Valley?

M. Gregory Vogt: À l'heure actuelle, l'usine de Keele Valley reçoit presque 800 tonnes par jour, parfois beaucoup plus.

Le président: Merci, monsieur Jones.

Je tiens à vous remercier tous au nom du comité. Si nous avons dépassé l'heure—et je m'empresse d'ajouter que cela n'entraîne pas une augmentation de la taxe, ce qui fera plaisir à M. Robinson—c'est parce que nous avons trouvé vos témoignages très intéressants. Nous avons examiné des questions primordiales comme celle des impôts, de l'environnement et de sa technologie, de la construction navale et de l'éducation.

Nous vous remercions beaucoup de nous les avoir signalés. Vous défendez bien vos positions, ce qui ne facilite pas notre tâche, car il nous faut établir les priorités et nous ne pouvons pas tout faire. Il faut les examiner toutes, et ensuite faire nos choix.

Cependant, le comité a un critère essentiel: toutes nos décisions visent à améliorer le niveau de vie des Canadiens. C'est ce critère qui guide nos choix. Tous les arguments que nous avons entendus ce soir cadrent bien avec cet objectif. Je vous remercie donc de votre contribution très valable.

C'est la semaine prochaine—vendredi le 10 décembre, j'espère—que nous allons présenter notre rapport au ministre des Finances.

Au nom du comité, merci encore une fois.

La séance est levée.