CIMM Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 1er mai 2001
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues. Vous paraissez remarquablement en forme pour des gens qui sont arrivés à l'hôtel à 1 heure du matin après une journée très chargée à Vancouver, en Colombie-Britannique.
Bienvenue à Winnipeg au Manitoba. Nous avons une journée très remplie, ce matin et cet après-midi. C'est un plaisir pour le comité d'être ici à Winnipeg et au Manitoba. Nous entendons beaucoup parler de votre accord Canada-Manitoba de même que des excellents groupes qui, depuis de nombreuses années, s'occupent très activement de questions liées à l'immigration et aux réfugiés dans cette superbe ville et province.
Je tiens donc à vous remercier d'avance de prendre le temps de nous faire part de votre sagesse et de votre expérience. Nous avons la tâche très importante de présenter la prochaine loi sur l'immigration et les réfugiés qui, nous l'espérons, servira le pays, tout comme la dernière l'a fait, pendant 20 ou 25 ans. Je vous souhaite donc la bienvenue et je vous remercie du temps, de l'intérêt, et du très bon travail que vous faites au nom des Canadiens.
• 0840
Je crois que vous avez remis vos exposés au greffier. Le
comité a vos exposés. Je vous demanderais de prendre cinq à sept
minutes pour nous en faire un résumé, de manière à ce que les
membres du comité puissent vous poser des questions sur votre
mémoire ou vos suggestions, recommandations et expériences. Je vous
demanderais de respecter ces limites, dans la mesure du possible,
de façon que nous puissions avoir un échange d'idées positif et
constructif.
Pour commencer, ce matin, nous recevons Zaifman Associates; l'Association du Barreau du Manitoba, Section de l'immigration; la Coalition for a Fair and Just Immigration Policy; le Conseil des Canadiens avec déficiences; et le Conseil manitobain de la citoyenneté.
Je crois, monsieur Zaifman, que vous parlerez en votre nom, et en celui de l'Association du Barreau du Manitoba et de la Coalition.
M. Kenneth Zaifman (président, Zaifman Associates): C'est exact.
Le président: Merci beaucoup, Ken. Bienvenue.
M. Kenneth Zaifman: Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler ce matin.
Nous avons pensé qu'il serait peut-être plus simple que les trois groupes ne fassent qu'un exposé. Nous espérons que nous n'aurons pas à utiliser tout notre temps et que nous pourrons avancer.
J'ai plusieurs points à soulever. Certains concernent en particulier le projet de loi et d'autres s'inscrivent dans un contexte plus vaste. Je tiens à faire diverses recommandations précises sur les dispositions du projet de loi relatives aux parrainages de la catégorie «regroupement familial».
La loi dispose qu'un citoyen canadien ou un résident permanent peut parrainer des membres de sa famille. À mon avis, cela ne comprend pas le fait qu'un groupe de résidents permanents ou de citoyens canadiens peut parrainer un membre de la catégorie «regroupement familial». Autrement dit, la loi ne permet pas les parrainages conjoints. Cela était en fait permis, non pas aux termes de règlements, mais aux termes des lignes directrices il y a quelques années et cela a été supprimé des lignes directrices par le ministère. En effet, les enfants de mêmes parents pouvaient coparrainer leurs parents et signer les mêmes genres d'engagements de sorte qu'ils étaient responsables conjointement et individuellement du parrainage de leurs parents. La responsabilité financière serait donc élargie pour le parrainage des parents. Cela n'étend pas la définition de «regroupement familial» pour ce qui est de déterminer qui a le droit de parrainer. Cela ne fait que permettre aux enfants de mêmes parents de coparrainer.
Si j'avais le choix, j'irais même encore plus loin que cela. J'inclurais une disposition semblable à celle applicable aux parrainages de réfugiés. Dans leur cas, si un parrain désire parrainer un membre de la catégorie «regroupement familial» et peut se trouver un coparrain qui n'est peut-être ni son frère ni sa soeur mais qui est disposé à assumer la responsabilité financière du parrainage d'un membre de cette catégorie, il peut le faire.
L'engagement d'aide est une obligation légale. C'est la même chose qu'aller à la banque et obtenir un prêt. C'est ce genre de processus. Je crois qu'en augmentant, dans la loi, les catégories de personnes admissibles au parrainage, vous élargirez la base de ceux qui peuvent se qualifier, vous répartirez le fardeau financier entre les membres des familles, et tout le monde y trouvera son compte dans les circonstances.
J'aimerais également évoquer le fait que le projet de loi parle, dans les objectifs, d'un traitement efficace. D'après ce que je peux voir, il n'existe dans le texte de loi aucune autre disposition qui exige du ministre qu'il fasse rapport à la Chambre au sujet du temps de traitement. Donc, aux termes du projet de loi, le ministre est tenu de faire rapport sur les niveaux, mais pas sur le temps de traitement.
• 0845
Pensez à ce que cela veut dire. Nous savons qu'il existe soit
une liste d'attente ou un arriéré à l'échelle mondiale, quel que
soit le terme que vous choisissiez pour le décrire. Toutes les
données n'ont rien de scientifique; cela varie de mission en
mission, de pays en pays, et d'époque en époque. Mais rien, dans le
projet de loi, n'oblige le ministre à faire rapport au Parlement
sur la nature du traitement.
Un traitement efficace sans mandat législatif ne veut rien dire. Si le Parlement ne peut pas obliger le ministre à traiter les demandes efficacement, alors, cela n'a en réalité aucun effet. Encore une fois, je préférerais, et c'est un peu étirer les choses, faire figurer des délais de traitement dans le texte de loi. Il s'agirait de lignes directrices que le ministre serait obligé de respecter, et il ou elle devrait rendre compte au Parlement des raisons pour lesquelles elles ne peuvent pas l'être.
Le traitement des demandes constitue l'un de nos plus grands problèmes, et à défaut de le régler dans le cadre législatif, cela devient un recours administratif, dont l'application peut ne pas être égale.
J'aimerais dire un dernier mot au sujet de la catégorie «regroupement familial». La définition d'une personne à charge a été élargie par rapport à la loi existante, mais elle ne va pas aussi loin que dans la loi précédente, où une personne à charge, définie comme une personne seule et célibataire, sans égard à l'âge, pouvait être considérée comme un membre de la catégorie «regroupement familial». Cela créait certaines anomalies et des personnes à charge célibataires de 46 ans pouvaient être admises au Canada. À mon avis, cependant, c'est un reflet plus fidèle de la catégorie «regroupement familial».
En liant l'état de personne à charge aux études, on élimine la capacité de connaître une expérience de travail et de retourner aux études après un certain âge. Pensez à vos propres expériences familiales. Vous êtes un reflet de la société canadienne. Certaines personnes à charge sont indépendantes. Certains de vos enfants peuvent dépendre de vous depuis leur plus jeune âge. Certains d'entre eux retournent aux études, se joignent à la population active, retournent, et peuvent toujours dépendre de vous, d'une façon ou d'une autre. Pourtant, nous essayons de créer artificiellement un âge au-delà duquel les gens ne devraient pas être inclus dans la catégorie «regroupement familial». Je crois que c'est artificiel et que cela crée beaucoup de problèmes.
À mon avis, les personnes seules, célibataires au moment de la demande, quel que soit leur âge, devraient être incluses dans la définition de la catégorie «regroupement familial». Cela accroîtra peut-être le nombre de personnes pouvant être incluses dans cette catégorie et cela posera peut-être des problèmes d'établissement, mais je crois que c'est une façon très claire et non équivoque de traiter de la question des personnes à charge.
Vous avez reçu de nombreux mémoires de la part de l'Association du Barreau canadien sur des questions liées aux demandes d'autorisation, au contrôle judiciaire, à toute la gamme de questions soulevées par ce projet de loi, et je n'ai pas l'intention de les évoquer. On vous en a parlé à Vancouver et on va vous en parler encore plus à Toronto.
Permettez-moi un instant de vous parler de l'héritage que ce projet de loi est censé léguer. Son libellé ne crée pas un cadre favorable à l'édification d'une nation. Ce projet de loi a été rédigé par des bureaucrates. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas fait du bon travail, mais rien, dans ce projet de loi, ne nous permet de dire qu'il s'agit là de l'héritage que nous voulons léguer à la prochaine génération d'immigrants. Tout ce qu'il fait, c'est appeler les étrangers des résidents permanents.
Je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi on a constamment maintenu cette terminologie dans les diverses versions de la loi. C'est peut-être davantage une question d'optique, mais je trouve que cette désignation donne une saveur différente à la loi. Regardons les objectifs. Que veut-on faire avec ce texte de loi? Nous sommes soumis à de fortes pressions pour ce qui est des gens qui veulent venir au Canada, mais la Loi sur l'immigration, en définitive, devrait nous permettre d'édifier la nation, et non pas consister uniquement à déterminer qui est admissible et qui ne l'est pas.
• 0850
Il est très difficile pour moi de savoir ce que ce projet de
loi entend faire, parce qu'il sera examiné par d'autres ministres
et d'autres législatures. Nous avons donc aujourd'hui l'occasion de
parler de l'avenir de ce pays.
Nous pouvons regarder l'expérience que nous avons connue quand nous avons construit le Canada, et en particulier le Manitoba, qui a été essentiellement édifié par les immigrants qui sont venus ici. Winnipeg et le Manitoba sont très particuliers dans le contexte canadien. Nous avons besoin de plus d'immigrants et nous en voulons plus. Le gouvernement provincial s'est engagé à accepter plus d'immigrants. Nous avons l'accord Canada-Manitoba pour le faire.
Mais rien dans ce projet de loi ne nous montre la voie à suivre. Si vous le lisez avec un peu de recul, je crois que vous conviendrez avec moi que les objectifs de ce projet de loi sont trop limités. On n'y tient pas compte de notre point de vue historique et des avantages pouvant découler de l'immigration.
Cela ne changera pas la façon dont le projet de loi influera sur la sélection des immigrants. Une grande partie de celle-ci est faite par règlement, et c'est là un des problèmes.
En votre qualité de députés, vous avez là l'occasion de traiter de ces plus vastes questions. Je crois qu'on l'oublie dans la discussion. On reste braqués sur la question de savoir s'il devrait y avoir une disposition thème, un examen ou un droit d'appel. Ce sont toutes là des choses très importantes, mais ce n'est pas l'héritage qui devrait être légué à ce comité. Nous le verrons dans cinq ou dix ans d'ici, quand certains d'entre vous seront peut-être à la retraite et que vous repenserez à ce texte de loi. Que voulez-vous accomplir? J'ai l'impression que l'accent a toujours été mis sur des dispositions précises, et que personne n'a le temps de voir ce que nous voulons vraiment réaliser et comment nous voulons le faire. Vous avez cette possibilité. Le ministre applique et administre la loi, mais vous l'écrivez.
Je vais m'en tenir à cela—vous riez.
Le président: Non. J'ai juste dit que nous aimerions le faire. Nous allons essayer d'écrire ce projet de loi.
M. Kenneth Zaifman: Très bien.
Je vais en rester là parce que je sais qu'il y a d'autres présentateurs qui vont peut-être vous poser des questions. Je sais que vous avez une journée chargée. Je voulais faire valoir ces arguments précis.
Le président: Merci, Kenneth.
Nous accueillons du Conseil des Canadiens avec déficiences, Laurie Beachell, qui est la coordonnatrice nationale. Je vous souhaite la bienvenue.
Mme Laurie Beachell (coordonnatrice nationale, Conseil des Canadiens avec déficiences): Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui.
Le Conseil des Canadiens avec déficiences est une association nationale qui défend les droits des personnes avec déficiences. Il représente des gens qui souffrent d'une déficience visuelle, d'une déficience auditive ou d'un handicap moteur, et des gens à qui l'on a donné l'étiquette de déficients mentaux ou qui se définissent eux-mêmes comme des survivants des établissements psychiatriques. Huit organisations provinciales et six autres organisations nationales en sont membres. Essentiellement, nous surveillons les initiatives et les lois fédérales qui ont un impact sur les personnes avec déficiences. Nous existons depuis 25 ans. Notre bureau national est ici à Winnipeg. L'organisation a vu le jour dans l'ouest du Canada et est devenue nationale au début des années 80.
Le CCD s'intéresse depuis longtemps à la Loi sur l'immigration dont un élément le préoccupe depuis longtemps. Je vais vous parler aujourd'hui d'un aspect spécifique de la loi qui inquiète notre organisation, et il s'agit de la discrimination qui existe dans la loi et qui peut empêcher l'immigration de personnes avec déficiences au Canada.
Des amendements présentés au projet de loi corrigeraient ce problème pour les réfugiés et pour la réunification des familles. Il s'agit des lignes directrices sur le fardeau excessif. On peut déterminer que des personnes sont interdites de territoire d'après une évaluation selon laquelle elles constitueraient un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé du Canada.
Nous attirons depuis longtemps l'attention du gouvernement sur cet article de la loi. Des changements ont été apportés en 1992 à la loi. Ils n'ont jamais été promulgués. La loi demeure.
Nous sommes présentement devant la Cour fédérale pour une affaire appelée Chesters, dans laquelle on a refusé l'immigration au Canada à une femme atteinte de sclérose en plaques. Son mari est un citoyen canadien. Il travaillait en Grande-Bretagne. Il est revenu au Canada pour y travailler. Elle a présenté sa demande d'immigration au Canada. Elle a été refusée parce qu'elle souffre de sclérose en plaques et se sert d'un fauteuil roulant. Ils ont depuis quitté le Canada pour l'Allemagne pour y travailler. Elle est professeure d'université et enseigne à plein temps, et elle ne peut immigrer au Canada.
• 0855
Notre loi actuelle empêcherait quelqu'un comme Stephen Hawking
de devenir un citoyen canadien. Notre loi actuelle est
discriminatoire envers les personnes avec déficiences. Notre loi
actuelle comporte une attitude stéréotypée envers les gens avec
déficiences qui dit qu'ils ne contribuent pas à la société et sont
un fardeau pour elle. Notre loi suprême au Canada, la Charte des
droits et libertés, interdit la discrimination fondée sur une
incapacité physique ou mentale, et pourtant, la Loi sur
l'immigration continue d'être discriminatoire à cet égard. Le CCD
a attiré l'attention du gouvernement là-dessus à de nombreuses
occasions. On nous prête une oreille sympathique, mais on ne fait
pas grand-chose.
Nous sommes heureux de l'amendement qui supprime la clause du fardeau excessif dans le cas des réfugiés et des réunifications de familles, mais il ne va pas assez loin. Cette restriction devrait être supprimée pour toute personne immigrant au Canada.
Notre loi semble se fonder sur une attitude disant que les personnes avec déficiences ne contribuent pas à la société, qu'elles ne sont que des profiteurs. Elle est fondée sur une attitude qui dit que les personnes avec déficiences ne contribueront pas à notre société et que nous ne pouvons assumer le fardeau qu'elles représenteront pour les soins de santé. C'est illogique, à mon avis, de procéder de cette manière quand notre charte interdit la discrimination pour raison d'incapacité.
Il se peut que bien des gens qui immigrent au Canada constituent un fardeau pour nos services sociaux et de santé pour diverses raisons médicales qui sont découvertes plus tard. Il se peut qu'un important homme d'affaires doive subir un quadruple pontage au bout de cinq mois ou de cinq ans.
Qu'est-ce qu'un fardeau excessif? Comment le déterminez-vous? Quelle formation donne-t-on aux gens sur le terrain pour s'assurer que les attitudes stéréotypées traditionnelles ne servent pas à déterminer qui peut ou ne peut pas venir au Canada?
Pendant des années, nous avons entendu le Comité central mennonite et d'autres raconter, dans le cas des réfugiés en particulier, comment des membres d'une famille avaient dû décider si oui ou non ils laisseraient des gens derrière eux. Nous avons entendu des histoires de membres d'une famille choisissant de mettre fin aux jours d'une personne pour que le reste de la famille puisse venir au Canada. Ces situations sont dramatiques et graves. Nous pensons que, comme pays, il s'agit là de quelque chose que nous ne devrions pas imposer à des gens.
J'aimerais vous lire un extrait du «document de fond no 4» de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, où l'on parle du changement, dans le projet de loi, qui supprimerait le fardeau excessif dans le cas des réfugiés et de la réunion des familles. À la fin, on y dit ceci:
-
On estime que les conséquences financières qu'entraîneront
pour les provinces et les territoires ces exemptions relatives au
fardeau excessif seront relativement légères. On continuera
d'évaluer les personnes qui sont exemptes de l'application des
critères du fardeau excessif, en fonction des critères relatifs à
la santé et la sécurité publiques.
Si le fardeau va être léger pour le regroupement familial et pour les réfugiés, pourquoi continuer à maintenir en vigueur l'interdiction actuelle à l'égard d'autres personnes? Pourquoi continuer à interdire à des gens comme Stephen Hawking d'émigrer au Canada?
La modification est positive mais elle ne va pas assez loin. Le Conseil des Canadiens avec déficiences demande à obtenir la qualité d'intervenant devant la Cour fédérale dans l'affaire Chesters. J'ai apporté à votre intention quelques coupures de journaux qui décrivent essentiellement l'affaire Chesters qui sera vraisemblablement entendue par la Cour fédérale cet automne.
Voilà essentiellement ce qui nous préoccupe. Nous estimons que la loi est discriminatoire. Elle se fonde sur des attitudes stéréotypées envers les gens avec déficiences ce qui n'est pas compatible avec nos lois actuelles au Canada, et nous aimerions que les modifications aient une plus vaste portée qu'à l'heure actuelle.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Laurie.
Le Conseil manitobain de citoyenneté va comparaître devant nous en la personne de Janis Nickel. Janis je vous souhaite la bienvenue.
Mme Janis Nickel (Conseil manitobain de la citoyenneté): Merci.
Je suis un travailleur de première ligne au Centre international. Je m'occupe essentiellement des revendicateurs du statut de réfugié mais aussi d'autres personnes qui sont en désarroi pour des raisons d'immigration. J'écoute des récits à faire dresser les cheveux sur la tête, qui forcent des gens à s'enfuir de leur pays et à chercher refuge au Canada, et j'agis pour leur compte de bien des façons.
• 0900
D'une manière générale, je crains que le projet de loi ne
représente un cauchemar juridique pour les personnes qui demandent
asile. Je ne sais pas au juste comment les revendicateurs vont s'y
retrouver dans ce dédale administratif que sont la recevabilité, la
revendication du statut de réfugié, la décision relative au risque
avant le renvoi, les sursis d'exécution d'une mesure de renvoi, les
demandes présentées à la Cour fédérale, etc. N'étant pas avocate,
cela ne m'avantage pas, et mes clients vont avoir beaucoup de mal.
Je voudrais cependant me borner à vous exposer quelques points.
Premièrement, j'aimerais vous parler du paragraphe 30(2) qui dit ceci:
-
(2) L'enfant mineur qui se trouve au Canada est autorisé à y
étudier au niveau préscolaire, au primaire et au secondaire à
l'exception de celui du résident temporaire non autorisé à y
exercer une activité professionnelle ou à y étudier.
Nombreux sont les cas ou un résident temporaire—c'est-à-dire les revendicateurs du statut de réfugié et autres—ne sont peut-être pas autorisés à exercer une activité professionnelle ou à étudier au Canada. Si, par exemple, le père ou la mère a un problème médical ou se trouve sous le coup d'une ordonnance de renvoi non exécutable, il ou elle n'obtiendra pas d'autorisation de travail et, par conséquent l'enfant mineur n'aura pas accès à l'éducation.
Le projet de loi fait aussi mention de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant qui, en l'occurrence se lit comme suit:
-
Les États parties reconnaissent le droit de l'enfant à
l'éducation et [...] rendront, en particulier, l'éducation au
niveau primaire obligatoire et offerte gratuitement à tous.
Au Manitoba et dans d'autres provinces, les études sont obligatoires à compter de l'âge de sept ans. C'est en réalité un délit de ne pas envoyer un enfant à l'école, ce qu'est en train de faire le gouvernement fédéral. Même notre Constitution canadienne déclare que l'éducation relève des provinces et que celles-ci doivent décider si les enfants doivent ou non aller à l'école, et non le gouvernement fédéral. Par conséquent, j'aimerais que l'on retire du bill le membre de phrase «à l'exception de celui du résident temporaire».
Deuxièmement, j'aimerais parler de la question de la recevabilité.
Le paragraphe 101(1) stipule:
-
101.(1) La demande est irrecevable si
-
la demande d'asile a fait l'objet d'un rejet antérieur par la
Commission;
Comme j'écoute ce qu'on me raconte, je vais vous faire un récit pour vous montrer à quel point cette disposition peut faire du tort en particulier aux femmes. C'est un exemple qui se trouve dans mes dossiers.
Un homme, une femme et un enfant sont venus au Canada pour revendiquer le statut de réfugié pour motif de persécution du revendicateur pour des raisons d'ordre politique. La revendication a été entendue dans une des grandes villes. Le revendicateur s'était mis en rapport avec un avocat de son propre groupe culturel—un homme, j'ajouterais—qui avait son propre programme politique. La revendication a été rejetée et après que tous les recours aient été épuisés, ils ont été expulsés aux États-Unis, d'où ils étaient entrés au Canada.
Ils sont revenus en l'espace de 90 jours cette fois à Winnipeg et ils ont présenté une autre revendication. Il y avait très peu de renseignements nouveaux. Une fois la revendication déposée, la revendicatrice est venue me voir—toute seule. Vu le temps qu'elle avait passé au Canada et aux États-Unis, elle savait maintenant l'anglais. Avec difficulté, elle m'a confié la raison pour laquelle son mari avait été la cible d'un personnage militaire en particulier, lequel était un homme qui la désirait. L'ayant éconduit, et son mariage ultérieur au revendicateur, avait mis le militaire en question hors de lui. Les avances qu'il lui avait faites étaient culturellement inacceptables et elle n'avait pas osé en parler à son actuel mari. Après avoir fait arrêter son mari, le militaire était venu à leur domicile avec ses collègues, et tous avaient violé la femme.
Sa situation s'était aggravée du fait que l'auteur du viol avait répandu le bruit qu'il l'avait violée et même les parents de son conjoint savaient que c'était une femme sans honneur. Elle interceptait tout le courrier en provenance de sa belle-famille et vivait dans un état de peur perpétuelle.
Je l'ai écoutée et je lui ai conseillé d'aller faire son récit à la Commission du statut de réfugié. Je me rappelle encore ses paroles: «si le je dis à mon mari, il va me quitter, et que vais-je devenir dans ce pays qui m'est inconnu avec mes enfants?»
J'ai consulté leur avocat, qui cette fois était un homme compétent qui a conseillé de diviser les revendications. Ainsi elle a pu faire son récit. Les membres de la famille par la suite ont été reconnus comme des réfugiés au sens de la Convention—et j'ignore si elle a jamais raconté la chose à son mari.
• 0905
En vertu du projet de loi C-11, cette personne n'aurait pas pu
renvoyer sa revendication à la Commission du statut de réfugié. Ces
gens-là auraient dû rester aux États-Unis pendant six mois, au lieu
de trois, et cette issue n'aurait peut-être pas été réalisable.
S'ils avaient réussi à revenir, ils auraient peut-être essayé d'obtenir l'évaluation des risques avant le renvoi, mais l'alinéa a) du paragraphe 113 déclare:
-
(a) le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments
de preuve suvenus depuis le rejet ou qui n'étaient alors pas
normalement accessibles;
La preuve présentée par la revendicatrice n'était pas survenue après le rejet et était tout à fait accessible à ce moment-là. Par conséquent, la personne en question aurait été renvoyée dans son pays à l'homme qui l'avait violé et qui était encore en mesure de la persécuter, elle et son mari. D'autre part, il aurait été possible que son mari la laisse ou que sa belle-famille la tue.
Peut-être que quelques bons arguments juridiques auraient pu leur permettre qu'un délégué du ministre examine les risques. J'ai une longue expérience en matière de demandes pour des raisons humanitaires, qui font l'objet d'une évaluation par les représentants du ministre de l'immigration qui, à quelques exceptions près, ne manifestent aucun sentiment humanitaire ou de commisération, et en outre par les agents de décision dans le cadre de la révision des revendications refusées, qui rejettent environ 98 p. 100 de tous les cas. Je ne m'attendrai guère à une issue positive de la part de ces décideurs.
En outre, l'article 114 stipule pour ceux qui sont reconnus en vertu de l'évaluation des risques, une décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l'asile. Si elle a le même effet, je me demande pourquoi il est nécessaire d'avoir un organisme pour procéder à cette détermination, quand la Commission du statut de réfugié est beaucoup plus compétente pour le faire que, je le répète, les représentants du ministre.
Je propose que tous les revendicateurs du statut de réfugié soient recevables et que toutes questions de recevabilité soient évaluées par la Commission du statut de réfugié.
Un troisième point assez bref sur la question de l'exécution. L'article 117 se lit comme suit
-
117.(1) commet une infraction quiconque sciemment organise l'entrée
au Canada d'une ou plusieurs personnes non munies de
documents—passeport, visa ou autre—requis par la présente loi.
Suit une liste de peines qui peuvent aller jusqu'à 10 ans d'emprisonnement ou une amende de 500 000 $, ou les deux.
Notre organisme se met régulièrement en rapport avec les intéressés et travaillent avec des organismes aux États-Unis ou dans d'autres pays pour organiser l'arrivée des revendicateurs du statut de réfugié à la frontière. Nous envoyons même des véhicules pour aller les chercher. Vais-je être arrêtée parce que je fais mon travail et va-t-on m'imposer une amende de 500 000 $?
Je conseille fortement que les personnes qui agissent au nom d'organisations à but non lucratif ou pour des motifs humanitaires ne soient pas visées par cet article.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Janis.
Merci à vous tous de vos excellents mémoires et des questions réfléchies que vous nous avez posées ainsi que de vos suggestions.
Notre comité a la chance de compter trois députés du Manitoba, de part et d'autre de la Chambre. Nous nous réjouissons que Inky, Judy et Anita fassent partie de notre comité. Ils ont fait un excellent travail pour le compte du Canada et de votre province.
Nous allons passer aux questions et nous commencerons avec Inky pour un tour de cinq minutes.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci monsieur le président, et bonjour à tous nos témoins. Merci d'être venus comparaître devant nous ce matin.
Le président a donné un décompte exact des députés de toute cette province et tout est parfaitement équilibré—nous sommes bien chanceux du côté multiculturel de la province également, en commençant avec les établissements français et métis de même que tous les pionniers européens qui sont arrivés ici. En fait, j'ai la chance de venir d'une collectivité, une circonscription, qui célèbre le Festival national ukrainien du Canada, si je peux faire une pub pour les gens de chez nous.
• 0910
Je conviens que notre histoire reflète les politiques
d'immigration de notre pays. Il ne fait aucun doute que notre
avenir sera enrichi et aussi façonné par la façon dont le pays
perçoit l'immigration et la politique qu'il établit.
J'imagine que le truc pour être sûr d'attirer la bonne sorte de gens au Canada, est de concilier les questions de sécurité avec une politique de la porte ouverte. Peut-être que l'accent mis par les médias sur les récits peu flatteurs sont à l'origine en partie de cette pression et peut-être que certaines dispositions de la mesure le sont aussi. Je sais qu'il y a des passages, comme vous le dites où le ton est peut-être négatif—comme la façon où à l'occasion il qualifie les résidents permanents d'étrangers.
Mais l'objectif visé par le gouvernement est 1 p. 100 de la population. Je me demande si cet objectif sera jamais atteint avec ce genre de mesure. Si vous deviez caractériser ce projet de loi, diriez-vous qu'il est favorable ou défavorable à l'immigration? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le président: Nous allons commencer avec vous, Ken.
M. Kenneth Zaifman: Comme il s'agit d'un projet, il est difficile de le décrire comme étant pour ou contre l'immigration. La question est de savoir s'il atteindra les objectifs énoncés dans la mesure.
Le projet de loi comprend deux parties. Il y a la disposition concernant l'exécution et on a beaucoup insisté là-dessus. Que ce fut à tort ou à raison, il donne évidemment matière à discussion. L'accent placé sur l'exécution, à mon avis, ne correspond pas à l'accent qu'on a mis sur la sélection des immigrants. Je préférerais aborder cet aspect-là: comment peut-on améliorer cette sélection pour atteindre les objectifs? Mais, en toute chose, il faut connaître l'objectif.
Si l'objectif est de sélectionner un groupe d'immigrants composé de la catégorie du regroupement familial, des ouvriers qualifiés, des hommes d'affaires et des réfugiés, à mon avis ces objectifs ne sont pas clairement énoncés dans ce projet de loi. Nous avons toujours évité d'employer l'un des mots les plus difficiles en droit d'immigration, qui est le mot contingent.
Nous avons des lignes directrices, des objectifs et toutes les descriptions linguistiques concevables de ce qui en réalité pourraient être qualifiés de système de contingentement—et pourtant ce n'est pas le système actuel et il ne devrait pas l'être. Mais si l'on veut atteindre un objectif de 1 p. 100, sur quelle période va-t-on l'atteindre, voilà la question qui se pose. À mon avis le projet de loi devrait être un peu plus clair lorsqu'il énonce ces objectifs.
Par exemple, si l'on veut faire venir des membres de la catégorie regroupement familial, si l'on veut faciliter la chose, dans ce cas à mon avis pourquoi n'éliminerions-nous pas certains des obstacles à l'inclusion dans la catégorie regroupement familial. Cela revient à ma suggestion au sujet de la définition d'une personne à charge. Si l'on veut encourager les ouvriers qualifiés à venir au Canada, il faut mettre sur pied un cadre législatif qui permette à leurs demandes d'être examinées rapidement.
Quand les gens prennent des décisions d'ordre économique, ils ne vont pas attendre deux ou trois ans. Le projet de loi n'en parle pas. Selon moi, un projet de loi devrait non seulement fixer les objectifs relativement à la sélection des immigrants mais également la durée des formalités d'examen. Cela obligera le ministre à s'adresser au Conseil du Trésor et à obtenir les ressources voulues.
Si l'idée est d'éliminer l'accumulation des demandes ou la liste d'attente, le projet de loi n'y parviendra pas. En fait, de l'avis général on va allonger la liste d'attente parce que le système en vigueur actuellement n'est pas un système de sélection mais d'exclusion. Les immigrants ne sont pas sélectionnés pour être admis mais pour être exclus. Une liste des professions accessible aux immigrants veut que si l'on ne figure pas sur cette liste, on en est exclu.
L'un des avantages de cette formule est de faciliter en quelque sorte le système de détermination du statut de réfugié. Si l'on élimine ce processus et qu'on se mette en réalité à sélectionner des gens—ce qui à mon avis est la façon appropriée de s'y prendre—il faut consacrer des ressources à cette sélection.
Donc, pour répondre précisément à votre question, je dirais que le projet de loi en soi ne règle pas vraiment la question d'une façon négative ou positive. Ce sont les règlements qui le feront. Mais tout dépend de l'objectif. Je suis partisan de la responsabilisation.
Le président: Merci, Ken.
Laurie et Janis.
M. Laurie Beachell: Je ne peux donner mon avis que sur un point en particulier. Je dirais que, avec ce projet de loi, on s'engage dans la voie qui consiste à éliminer certaines pratiques discriminatoires envers les personnes avec déficiences mais à mon avis, il ne va pas suffisamment loin.
Il ne supprime la discrimination qu'à l'égard de certaines personnes. Les autres continuent à en être victimes soit à l'étranger ou lorsqu'ils arrivent au Canada. Ce qui se produit dans le cas de bien des gens franchement, c'est qu'ils se voient refuser le statut d'immigrant à leur arrivée au Canada. C'est seulement lorsqu'un cas devient suffisamment visible qu'un permis ministériel est accordé.
Nous sommes d'avis en réalité que les permis ministériels sont un abus de pouvoir et un moyen d'éviter d'avoir à modifier la loi pour la rendre conforme à la Charte. Les gens qui parviennent à donner une visibilité suffisante à leur cas obtiennent un permis ministériel. Mais cela exige la participation d'organisations communautaires, des médias etc. Nous préférerions certes que la discrimination soit éliminée dans la loi.
Le président: Janis.
Mme Janis Nickel: Je ne peux exprimer une opinion que sur la partie du projet de loi qui se rapporte aux revendicateurs du statut de réfugié.
D'abord, il va leur être de plus en plus difficile d'entrer même au Canada. On met l'accent sur la criminalité des revendicateurs et on les exclut du système de protection des réfugiés. J'ai aussi signalé le dédale juridique qu'ils doivent franchir lorsqu'ils arrivent au Canada.
Quelques aspects du système de détermination du statut de réfugié représentent une amélioration par rapport à l'ancien système mais seulement pour les rares personnes qui peuvent en réalité y avoir accès. Je crois qu'environ de 36 000 à 40 000 revendicateurs du statut de réfugié viennent au Canada chaque année. Donc cela va être un cauchemar juridique pour des gens comme moi.
Le président: Merci.
Nous allons donner la parole à Anita.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.
Le président: C'est agréable d'être ici à Winnipeg.
Mme Anita Neville: Merci de le dire.
Je vous remercie de tous les exposés que vous nous avez présentés ce matin.
Monsieur Zaifman, vous et moi avons eu un long entretien au sujet du projet de loi avant cette audience. Je suis au courant du travail des autres organisations. Vos initiatives représentent un apport significatif à cette collectivité.
J'ai été frappée par vos remarques au sujet du manque de vision du projet de loi. Pendant que vous aviez la parole, je suis allée relire l'article 3 pour savoir comment on pourrait améliorer la vision de ce projet de loi. J'ai signalé hier que, à l'alinéa 3(1)b), je voulais qu'on ajoute le mot «multiculturel» ainsi que «fédéral et bilingue». Mais ces améliorations ne vont pas aussi loin que vous le souhaiteriez.
J'aimerais savoir ce que vous aimeriez qu'on ajoute. Pourriez-vous également développer un peu l'idée du parrainage mixte—soit plusieurs membres de la famille ou groupes qui font venir des familles ou des réfugiés.
Pouvez-vous nous donner davantage d'explications sur le sujet?
M. Kenneth Zaifman: Permettez-moi de répondre d'abord à la deuxième question.
À l'heure actuelle, afin de pouvoir parrainer un membre de leur famille, les citoyens canadiens ou les résidents permanents doivent signer un engagement d'aide. Ils doivent satisfaire à des exigences financières assez sévères. Pour l'instant, je n'aborderai pas la question de savoir si ces exigences sont convenables.
Si les parrains satisfont aux exigences financières, ils peuvent parrainer un membre de la catégorie de la famille. Mais un seul des enfants peut parrainer ses parents.
Jadis, il existait une disposition permettant le coparrainage, selon laquelle un frère et une soeur, ou deux enfants, pouvaient conjointement parrainer leur famille. Les deux devaient remplir un engagement d'aide. Il s'agissait d'une procédure administrative; ce n'était pas prévu par le règlement à l'époque.
Mais cette disposition a été éliminée. Le règlement sur le parrainage a été modifié. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi on a fait cela.
• 0920
Je crois que le projet de loi devrait permettre le
coparrainage par des enfants d'une même famille. Quand on y pense,
c'est tout à fait logique. Ils assument tous les responsabilités
financières. Ce n'est pas différent de tout autre engagement. Si
quelqu'un veut acheter une maison et qu'il n'a pas les fonds
nécessaires, le prêt peut être cosigné. Le cosignataire ne doit pas
nécessairement être un frère ou une soeur. Il s'agit d'une question
d'obligation financière. Je crois que nous devrions essayer
d'assouplir les conditions selon lesquelles des personnes peuvent
parrainer des membres de la catégorie de la famille tout en gardant
à l'esprit un point très important, c'est-à-dire que le parrainage
implique une obligation.
Lorsqu'on élargit le bassin des personnes admissibles au parrainage—sans vouloir faire fi de l'expérience de M. McCallum—, mais on étale le risque. Plus grand est le nombre de personnes qui signent un engagement d'aide, plus il y est vraisembable que, advenant le cas où l'une d'elles ne puisse plus respecter ses obligations, une autre prenne le relais.
À mon avis, le ministère de l'Immigration ne devrait pas s'occuper du tout de parrainage. Je crois que, si une personne veut parrainer un parent, elle devrait pouvoir s'adresser à une institution financière pour signer un engagement—qui ne serait aucunement différent de tout autre engagement concernant une transaction financière. Quand on y pense, c'est en fait ce qu'est l'engagement d'aide; c'est une obligation financière, une obligation de subvenir aux besoins d'un parent.
Quand un citoyen canadien ou un résident permanent parraine un parent avec une autre personne qui est prête à assumer la responsabilité financière si ce dernier n'est plus en mesure de le faire—je considère que c'est très similaire à un groupe qui parraine des réfugiés. Ce type de parrainage est prévu par la loi, alors pourquoi les membres de la catégorie de la famille devraient-ils être désavantagés par rapport aux réfugiés? Quand on y pense, c'est la même chose.
Il est beaucoup plus difficile de répondre à la première question que vous avez posée. Comme je l'ai dit, le projet de loi est en fait un plan. En le lisant, je ne cerne pas ses objectifs et je ne perçois pas non plus la force et l'importance de l'immigration dans le développement de notre pays. Je considère ce projet de loi comme une réponse très technique aux événements récents, et, à plusieurs égards, c'est ce qu'il devrait être.
L'immigration est la pierre angulaire de notre pays, mais le projet de loi n'en témoigne pas. Il ne reflète pas la contribution passée et future des immigrants au développement du Canada.
Si j'avais à énoncer les objectifs, je citerais très clairement non seulement ceux du projet de loi, mais aussi ceux de l'immigration. C'est un sentiment viscéral, et nous le savons.
La première ligne du projet de loi se lit comme suit: «Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger». J'ajouterais dans ce titre le mot «importance». J'indiquerais très clairement l'importance fondamentale de l'immigration pour le Canada. Le projet de loi porte non seulement sur l'immigration, mais aussi sur la création d'une nation. Je ne crois pas que nous devrions avoir peur de le dire.
Nous ne devrions pas non plus avoir peur d'y inclure ce que nous savons, ce que notre propre expérience nous a appris. Quiconque dans l'avenir examinera ce projet de loi pourrait y voir un autre objectif que celui qui était visé.
Certaines personnes vont ergoter sur des points précis, mais c'est très difficile d'ergoter à propos d'une vaste vision. Avec un peu de temps, et peut-être une bonne bouteille de vin, je pourrais moi-même rédiger quelque chose.
Le président: Si vous voulez commencer cette fin de semaine, ce serait très bien.
M. Kenneth Zaifman: D'accord, je crois que le bar de l'hôtel ouvre dans environ une demi-heure, alors je vais peut-être me mettre à la tâche.
Le président: Nous allons travailler très fort d'ici vendredi. Nous écouterons les témoignages de nombreuses personnes partout au pays. Jusqu'à maintenant, vous avez exprimé ce que bien des gens ont dit. De toute évidence, il nous incombe d'étudier le projet de loi en fonction de toutes ces observations.
Je cède maintenant la parole à une députée du Manitoba, Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous souhaite la bienvenue à Winnipeg. Je ne sais pas si on vous l'a dit, d'autant plus que vous arrivez de Vancouver, mais Winnipeg est la capitale multiculturelle du Canada. Je ne crois pas que Toronto ni Vancouver, malgré leur population, peuvent se vanter d'avoir une population aussi diversifiée qui respecte depuis toujours les différences. Bienvenue encore.
Le président: Merci.
Mme Judy Wasylycia-Leis: J'ai trois questions à poser à chacun des témoins—et je sais que je ne dispose que de cinq minutes ou moins.
Le président: Trois questions à chaque témoin?
Mme Judy Wasylycia-Leis: Non, une question à chacun d'eux.
Le président: Ah bon, ça va.
Mme Judy Wasylycia-Leis: La première question s'adresse...
Le président: Ken, vous devez comprendre que la députée n'a que cinq minutes pour poser ses questions et obtenir les réponses. Vos réponses sont très complètes, ce qui est excellent, mais elles sont longues.
Allez-y.
Mme Judy Wasylycia-Leis: La première question s'adresse à Ken. Il a soulevé une question importante que nous avons entendue à maintes reprises au cours des audiences sur ce projet de loi. Quel est l'objet de cette mesure législative? Est-ce de présenter une vision de l'avenir du Canada ou de protéger le Canada des éléments inquiétants du monde?
Selon bien des gens, le projet de loi vise à protéger le Canada du reste du monde plutôt qu'à maintenir notre tradition, c'est-à-dire ouvrir nos frontières aux personnes dans le besoin et réunir les familles.
J'aimerais bien que vous commentiez davantage ce sujet, mais ma question précise est la suivante: pourquoi la loi ne permettrait-elle pas le parrainage non seulement d'un membre de la famille, mais aussi d'amis, si ceux-ci sont admissibles en vertu de la loi? Cela a déjà été proposé par d'autres. Puisque la responsabilité d'assurer l'aide financière et de respecter les obligations prévues par la loi incombe au parrain, existe-t-il un inconvénient à emprunter cette voie?
Je vais poser toutes mes questions rapidement, et peut-être que le président voudra bien m'accorder quelques minutes de plus.
Laurie, la question du fardeau excessif sur le système de soins de santé a été soulevée à de nombreuses reprises en comité, et il existe beaucoup de préoccupations à propos de la façon dont la disposition à cet égard a été rédigée et du fait qu'elle ouvre la voie à des décisions subjectives.
Deux propositions d'amendement ont été suggérées. L'une est de simplement indiquer que les réfugiés ne seront pas jugés inadmissibles en raison de besoins médicaux excessifs. L'autre consiste à ajouter à l'alinéa 38(1)c) un énoncé du genre «prendre en compte toutes les circonstances que vit la personne et la contribution qu'elle apporte». J'ai donc besoin de conseils à propos d'un amendement.
Janis a travaillé très fort aux premières lignes, et elle est un des exemples qui m'ont incitée à poser une question au cours des audiences à Ottawa sur la protection accordée par le projet de loi aux personnes qui prennent des risques en aidant des réfugiés à venir au Canada. Je n'ai toujours pas eu de réponse à cette question de la part du gouvernement ni de représentants du ministère. Je crois que nous devons savoir si des personnes comme Janis seront protégées si elles aident des réfugiés à venir au pays. Je demande donc à Janis de me donner une proposition précise d'amendement.
Je crois que vous avez dit que nous devrions modifier l'article 117. Pouvez-vous me donner des explications sur cet article afin que nous puissions examiner un amendement précis? Dites-moi pourquoi le ministère nous a affirmé que des personnes comme vous ne devraient pas s'en faire, que cet article ne vous touchera pas, car il vise seulement les personnes qui utilisent le système illégalement pour entrer au Canada et qui ne sont pas de véritables réfugiés.
Le président: Merci. Commençons par Janis à propos de la troisième question.
Mme Janis Nickel: Pourquoi ne pas commencer par une autre personne? Je dois chercher quelque chose—ou voulez-vous attendre que l'aie trouvée?
Le président: Il n'y a pas de problème.
Laurie, qu'en est-il du fardeau excessif?
Mme Laurie Beachell: Comme je l'ai dit, les changements concernant les réfugiés et la réunification des familles sont favorables, mais ils ne sont tout simplement pas suffisants. Nous croyons aussi que, même si le projet de loi précise qu'il faut tenir compte d'autres circonstances que vit la personne, le stéréotype négatif à l'égard des handicaps est tellement présent que, à moins que l'on intègre des dispositions précises pour s'assurer que les agents d'immigration dans d'autres pays n'entretiennent pas de vieux préjugés, que le manuel médical est utilisé et que, grâce à la formation que les agents reçoivent, ils ne perçoivent plus les personnes ayant un handicap comme des gens qui n'apportent aucune contribution...
• 0930
Hélas, beaucoup de stéréotypes existent toujours dans notre
société. Plus de la moitié des plaintes adressées à la Commission
des droits de la personne au pays portent encore sur la
discrimination en raison d'un handicap. La moitié des personnes qui
portent plainte au Canada font toujours l'objet quotidiennement de
discrimination au sein de notre société même si cela est contre la
loi.
Nous croyons donc que le stéréotype négatif est très présent et que, à moins que des initiatives très positives ne soient entreprises, et non pas seulement des modifications visant à préciser que toutes les circonstances seront prises en compte, mais aussi la mise en place de programmes de formation à l'intention des agents d'immigration, d'énoncés de vision soulignant que les personnes ayant un handicap apportent une contribution, etc...
Cette mentalité négative continue d'exister dans notre société. En effet, nous plaçons les personnes handicapées dans des établissements et nous les excluons du marché du travail et du système de transport partout au Canada.
Les choses ont changé au Canada. Il y a eu des améliorations. Le Canada est perçu comme un chef de file en matière de politiques sur les personnes handicapées, mais il est en train de perdre ce statut. Honnêtement, un grand nombre de Canadiens ayant un handicap estiment qu'ils ne sont pas des citoyens à part entière, car la loi les empêche de... S'ils n'étaient pas nés ici, ils n'auraient pas pu immigrer au Canada. Nous sous-estimons les citoyens canadiens handicapés, car la loi continue de les dévaloriser.
Le président: Merci, Laurie. Je cède la parole à Ken à propos de la question supplémentaire sur le parrainage.
M. Kenneth Zaifman: Votre suggestion n'entraîne aucun inconvénient. La seule incidence selon moi serait l'augmentation du nombre de membres de la catégorie de la famille admissibles à immigrer au Canada. En accroissant la capacité de parrainer un membre de la famille, on augmente probablement le nombre de membres de la catégorie de la famille qui seraient parrainés. Selon moi, cela accroîtrait la responsabilité des personnes qui parrainent un membre de leur famille et le nombre de personnes prêtes à aider des gens à parrainer des membres de leur famille.
Je répète qu'il s'agit d'un engagement financier. Cela n'a pas grand-chose à voir avec la Loi sur l'immigration. Si vous adoptez ce point de vue, vous pouvez classer le parrainage dans une autre catégorie, et je n'y vois aucun inconvénient.
Le président: Merci.
Janis, la parole est à vous.
Mme Janis Nickel: L'article que j'ai cité était l'article 117, et il y en a un autre, le 118, qui se lit comme suit:
-
118.(1) Commet une infraction quiconque sciemment organise l'entrée
au Canada d'une ou plusieurs personnes par fraude, tromperie,
enlèvement ou menaces ou usage de la force ou de toute autre forme
de coercition.
Et on pourrait ajouter «par gain financier».
L'article 118 est acceptable, mais l'article 117 pourrait en fait être éliminé.
Mme Judy Wasylycia-Leis: N'avait-il pas été recommandé de supprimer l'article 117?
Mme Janis Nickel: Ou de le remplacer par un autre similaire à l'article 118, qui énonce les façons de faire entrer des gens au Canada... Nous parlons de ceux qui font du trafic de personnes. Les particuliers ou les organismes qui aident des réfugiés ne devraient pas être assujettis à cet article.
Très brièvement, vous avez aussi expliqué pourquoi ces particuliers et ces organismes ne devraient pas être considérés comme des criminels. J'ai récemment collaboré avec l'INS pour faire entrer un demandeur au Canada, un enfant de dix ans qui avait été incarcéré aux États-Unis pendant trois mois pour avoir demandé le statut de réfugié. J'ai facilité son arrivée au Canada.
Le président: Merci.
Yolande, vous avez droit à une question.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Je voudrais d'abord faire un commentaire au sujet du parrainage. Le point que vous avez soulevé, monsieur, est extrêmement important. Je suis tout de même un peu étonnée parce que des gens viennent me voir à mon bureau à ce sujet. Ça se fait couramment au Québec.
• 0935
J'ai l'impression que dans ce cas,
c'est
peut-être une question de réglementation sous la
juridiction provinciale plutôt que sous la juridiction
fédérale. Comme vous le savez, chaque province a des
ententes avec le gouvernement fédéral, et
ces ententes ne comportent
pas toutes les mêmes dispositions. Je
vous suggère donc d'aller voir de ce
côté-là. Merci.
[Traduction]
Le président: Allez-y, Ken.
M. Kenneth Zaifman: Vous faites valoir un bon point, mais je pense qu'au Québec, il existe un accord d'immigration légèrement différent. Le parrainage de résidents permanents relève de la compétence du gouvernement fédéral. Au Manitoba, il existe un programme de candidats, qui n'est pas un programme de parrainage, qui aide à la sélection d'immigrants qualifiés ou d'immigrants du milieu des affaires. C'est donc légèrement différent. Je crois que le Québec possède son propre système d'immigration.
[Français]
Mme Yolande Thibeault: Je sais pertinemment que ça se fait au Québec de façon assez régulière. C'est pour ça que je me pose moi-même la question.
[Traduction]
Le président: Vous voudrez peut-être demander à l'administration. Vous devez comprendre que les programmes de candidats varient d'une province à l'autre. Celui du Manitoba diffère un peu de ceux du Québec et de la Colombie-Britannique. Je crois que cela nous ramène à la question de Ken: quelle devrait être la vision du gouvernement fédéral? Les gouvernements provinciaux collaborent ensemble à la concrétisation de cette vision.
Madeleine, la parole est à vous.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur Ken, la plupart des points que vous avez soulevés dans votre intervention ont été mentionnés par plusieurs de nos témoins. Vous savez que, selon la loi, les gens qui reçoivent de l'aide sociale ne peuvent pas parrainer. Croyez-vous que le fait d'envisager le coparrainage comme moyen de faciliter la venue des proches pour ces gens qui vivent des situations financières difficiles pourrait aider? Le parrainage, en tout cas selon ma vision, comprend bien sûr le soutien économique, mais il comprend également le soutien psychosocial qui, quant à moi, est tout aussi important lorsqu'il s'agit de favoriser l'intégration des nouveaux venus.
Monsieur Beachell, j'ai été très sensible à votre présentation. Je crois effectivement que la discrimination est une chose inacceptable quand on sait que nous sommes tous des handicapés en devenir. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que les personnes handicapées ne sont pas un moins pour notre société. Elles nous permettent de centrer nos propres valeurs et ça, c'est fondamental pour une société.
Je vous remercie de votre intervention parce que, de mémoire, il me semble que je n'ai rien entendu sur ce sujet-là. Je pense qu'on va se pencher très sérieusement sur vos recommandations.
Madame Janis, est-ce que vous êtes vraiment sérieuse quand vous dites qu'il y a des enfants qui sont privés d'aller à l'école primaire et secondaire parce que leurs parents sont quelque part dans les limbes? J'avoue que, si c'est le cas, ça me renverse. Je suis sûre que je ne suis pas la seule à être renversée.
[Traduction]
Le président: Commençons, Ken, par la question concernant l'aide sociale et le parrainage.
M. Kenneth Zaifman: Le parrainage comporte plusieurs éléments. Il englobe l'accueil de l'immigrant au Canada et l'obligation qu'a la famille de fournir une aide que je qualifie de non financière. Mais afin de pouvoir parrainer un membre de la famille, le parrain doit posséder un revenu qui ne doit pas s'établir en dessous du seuil de faible revenu. Si nous pouvions alléger cette exigence, la famille pourrait ainsi se concentrer sur ce qui est essentiel, s'intégrer à la société. Mais pour cela, il faut que les membres de la famille puissent venir au Canada, sinon c'est impossible. Le coparrainage et l'accroissement de la capacité des gens à parrainer des membres de leur famille seraient une solution.
Le président: Janis, pouvez-vous répondre à la question de la scolarisation.
Mme Janis Nickel: Oui, cela se produit en effet. À l'heure actuelle, tous les enfants des demandeurs du statut de réfugié doivent détenir une autorisation d'étude, dont ils doivent faire la demande. Il peut s'écouler de trois à six mois entre l'arrivée d'une famille au Canada et le moment à partir duquel elle peut faire la demande d'une telle autorisation.
Le projet de loi est censé modifier cette règle en précisant que tous les enfants ont le droit d'aller à l'école. Mais, encore une fois, les enfants des demandeurs du statut de réfugié sont exclus, et on pourrait leur refuser l'accès au système scolaire pendant une longue période.
Le président: Merci.
Les deux John ont droit à une dernière question. Monsieur Herron, vous pouvez commencer.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Vous avez soulevé une préoccupation potentielle à propos des groupes qui, en faisant venir des réfugiés au Canada pour des motifs humanitaires, peuvent en fait réussir à sauver des personnes du danger. J'aimerais donner l'exemple de l'ambassadeur Taylor, qui a fait venir des Américains après le départ du chah en Iran. L'ambassadeur a-t-il enfreint la loi dans ces circonstances particulières? C'est peut-être un exemple extrême, mais c'est celui-là qui m'est venu en tête.
Je crois que vous avez soulevé un point très pertinent. Nous voulons vous remercier pour votre recommandation.
Un élément de l'exposé de Mme Nickel me préoccupe... Quand on lit l'ensemble du projet de loi, on espère que, face à une situation émouvante comme celle que vous avez donnée en exemple, les dispositions d'ordre humanitaire et celles concernant la compassion s'appliqueront. Mais vous n'avez pas vraiment beaucoup confiance en ce mécanisme. Devrait-il même s'appliquer ou être remplacé par un système d'appel plus vaste au sein de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié?
Mme Janis Nickel: D'après mon expérience, j'ai l'impression que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est mieux en mesure que le ministère de l'Immigration de s'occuper des cas comportant des raisons humanitaires.
Le projet de loi ne précise pas qui va s'occuper de ces révisions des revendications refusées, des décisions relatives à l'évaluation du risque. Il semble que le ministère de l'Immigration disposerait d'un groupe semblable à la Commission des réfugiés, ce qui semble être un dédoublement. Ce n'est pas clair, mais d'après mon expérience, lorsque le ministère de l'Immigration prend des décisions sur des cas comportant des raisons humanitaires, elles sont en général négatives.
Le président: Je suis désolé, John. Merci.
La loi est sans équivoque, l'évaluation des risques avant renvoi relèvera du ministère de l'Immigration et non de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous avons entendu ces observations déjà et c'est le genre de choses dont nous tenons compte. Je crois que l'intention de la mesure législative c'est que l'évaluation des risques avant renvoi sera faite par le ministère de l'Immigration et non pas par la commission.
Dernière question, monsieur McCallum.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Je suis d'accord en général avec tout ce que j'ai entendu. Je ne pense pas que les enfants réfugiés devraient le droit de fréquenter l'école. Une chose semblable a été soulevée hier en ce qui a trait à l'accessibilité des prêts aux étudiants. La question est semblable lorsqu'ils sont un peu plus vieux.
Je n'aime pas l'expression utilisée en Anglais «foreign national». Si on pouvait renforcer les objectifs de la loi, ce serait bien. Je conviens aussi que la ministre devrait faire rapport sur le délai de traitement des demandes, parce que c'est crucial. Je vous demande de quelle façon cela pourrait se faire. Faudrait-il modifier la loi ou en traiter dans le Règlement? Comment y parviendrait-on?
M. Kenneth Zaifman: Je crois que cela devrait se trouver dans la loi parce que la ministre est tenue de faire rapport sur les niveaux. Elle doit faire rapport sur l'émission des permis ministériels.
• 0945
Une disposition prévoit que, dans son rapport à la Chambre,
elle devrait inclure un relevé du délai de traitement des demandes
pour toutes les catégories, pas seulement globalement, mais par
bureau des visas, par pays et par catégorie de sorte qu'il soit au
moins possible d'établir le délai de traitement des demandes. À
l'heure actuelle, on obtient cette information de façon anecdotique
et en demandant au gestionnaire du programme du bureau des visas
quel est le délai de traitement d'une demande de résidence
permanente. On vous répond 24 mois, à Manille et 36 mois dans le
cas de Hong Kong. Des rapports devraient être préparés de manière
à déterminer si l'objectif visé dans la loi, en l'occurrence le
traitement rapide, est atteint. Je crois que c'est une exigence en
matière de rapport qui pourrait être ajoutée. Cette exigence
devrait se trouver dans la loi, pas dans le Règlement Le ministre
devrait être tenue de faire rapport.
Le président: Je vous remercie, Ken, Laurie et Janis, de vos mémoires, de vos idées et de vos recommandations. Je pense que vous avez su nous toucher en lançant un appel pour une vision, une certaine égalité, pour que nous réfléchissions à ce qu'il devrait en être exactement de ce projet de loi. Merci beaucoup de vos interventions.
Nous allons maintenant passer rapidement à notre deuxième groupe de témoins: le Business Council of Manitoba, le Collège universitaire de Saint-Boniface, l'Association du Barreau canadien, le Conseil nation indo-canadien et le Winnipeg Refugee Education Committee. Auriez-vous l'amabilité de venir nous rejoindre à la table, s'il vous plaît.
Je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. Je sais qu'un organisme a plus qu'un représentant, mais je demanderais à une personne de chaque organisme de parler entre cinq et sept minutes et de nous donner un aperçu de leur mémoire. Cela nous laissera assez de temps aux membres du comité pour poser des questions. Nous vous savons gré des efforts que vous avez déployés pour venir nous faire part de vos points de vue sur cette importante mesure législative.
Nous allons commencer avec le Business Council of Manitoba qui est représenté par Jim Carr et Arthur Mauro. Qui parlera?
M. Jim Carr (président-directeur général, Business Council of Manitoba): Je vais le faire, monsieur le président.
Le président: Bienvenue, Jim.
M. Jim Carr: Merci beaucoup.
Premièrement, j'aimerais présenter mon collègue M. Arthur Mauro, un citoyen manitobain de premier plan, chancelier de l'Université du Manitoba et ancien président et président-directeur général de Groupe Investors. Canadian de marque, il a dirigé les travaux du Business Council relativement au dossier de l'immigration.
Permettez-moi aussi de saluer en passant Judy Wasylycia-Leis avec qui j'ai partagé une banquette à l'Assemblée législative du Manitoba pendant un certain nombre d'années. Bonjour Judy. Nous ne nous entendions pas sur tout, mais nous avons su maintenir des liens étroits. J'aimerais aussi dire bonjour à ma propre députée, Anita Neville, de la circonscription de Winnipeg-Centre-Sud.
Monsieur le président, bienvenue au Manitoba.
• 0950
Le Business Council of Manitoba regroupe 55 présidents-directeurs
généraux d'entreprises manitobaines renommées. Il a vu
le jour il y a seulement trois ans. Notre première tâche consistait
à repérer les questions qui revêtaient le plus d'importance pour
les chefs d'entreprises. Nous n'avons pas mis beaucoup de temps à
nous entendre pour dire que l'immigration était d'une importance
primordiale.
Vous avez peut-être remarqué que les immigrants ne viennent pas en masse au Manitoba en provenance de Kelowna et de la vallée de l'Okanagan. Ils le devraient, mais ils n'arrivent pas encore à le comprendre. Notre taux de natalité ne nous permet pas de remplacer notre population. Traditionnellement, nous croyons avoir peuplé les Prairies à partir de tous les coins de la planète. Parce que nous croyons que c'était notre passé, nous savons que c'est aussi notre avenir.
Nous sommes donc aux prises avec un défi de taille: rédiger une politique d'immigration nationale qui tient compte d'un large éventail d'intérêts régionaux. Nous savons qu'il y a au Canada des régions disposant de communautés déjà établies qui attirent les immigrants comme des aimants. Ils vont en masse à Toronto, Montréal et Vancouver.
Le Manitoba offre également, selon nous, un cadre accueillant pour les nouveaux Canadiens. C'est notre tradition et nous avons établi une diversité et une tolérance dans le sol des Prairies qui n'a son pareil nulle part ailleurs sur le continent.
Je ne suis pas le seul à penser ainsi. Dans le cadre de son étude, le Business Council a parrainé une conférence de concert avec la Canada West Foundation et le Conseil pour l'Unité canadienne. Il y a à peine un an une conférence nationale sur l'immigration, Pioneers 2000 s'est déroulée à Winnipeg. Dans le cadre de la recherche et des documents préalables destinés à ce groupe de spécialistes internationaux, nationaux et locaux provenant des secteurs publics et privés, nous avons commandé un sondage au groupe Angus-Reid.
Les résultats ont été surprenants. À l'échelle de l'Amérique du Nord, les attitudes envers l'immigration, la diversité ethnique et la tolérance étaient beaucoup plus positives qu'on aurait pu le penser. Ce qui aurait dû ne pas surprendre Judy et Anita, c'est que la région la plus tolérante dans toute l'Amérique du Nord était la Saskatchewan et le Manitoba.
Bien sûr cela était doux à nos oreilles—parce que, lorsque votre point de vue est très anecdotique, il est bon de savoir que les données et la recherche viennent corroborer vos croyances.
Nous nous sommes donc donné pour tâche de tenter de trouver le meilleur moyen d'étancher la soif du Manitoba en matière d'immigration dans le contexte d'une politique d'immigration nationale.
Premièrement, nous voulons reconnaître que l'objectif de 1 p. 100 de la population que s'est fixé le gouvernement constitue un minimum pour nous. Compte tenu d'une population de 30 millions, cela représente 300 000 immigrants chaque année. Nous sommes bien loin de ce total. Pourquoi pas?
La réponse c'est que nous sommes embourbés dans la paperasserie administrative. Le goulot est confiné dans les bureaux à l'étranger et le ministère a été affamé. Lorsque vous affamez le ministère de l'Immigration, c'est la nation elle-même que vous affamez—de son potentiel, de ses habitants ou de son capital humain. Mais si vous nourrissez le ministère, vous nourrissez et bâtissez alors la nation.
Nous considérons l'immigration comme la sève de notre avenir. Notre tissu national en dépend. Nous devons considérer l'immigration comme la seule façon de combattre la concurrence internationale de plus en plus grande pour attirer les gens.
Il y a actuellement dans le monde 250 millions de personnes qui ne vivent pas dans leur pays natal. La concurrence en vue de s'accaparer les meilleurs travailleurs, les plus brillants et les plus compétents se fait de plus en plus vive. Ils peuvent aller en Australie, aux États-Unis, en Europe de l'Ouest. Ces pays ont des politiques plus progressistes que la nôtre, car ils ont compris que la croissance économique passe par ce bassin de capital humain.
Si vous demandiez à divers chefs d'entreprises manitobaines ce qui nuit au potentiel de croissance économique de la province, ils vous répondraient que c'est la pénurie de travailleurs qualifiés. Nous ne réaliserons pas notre plein potentiel si les lieux de travail sont vides. Ces travailleurs viendront des mêmes endroits qu'auparavant.
Que proposons-nous? Vous me pardonnerez de ne pas vous parler comme tel des articles du projet de loi. Nous sommes beaucoup plus intéressés à vous expliquer le raisonnement d'un groupe de gens d'affaires du Manitoba, d'une province qui fait bon accueil aux immigrants et qui en veut encore plus.
À notre avis, il faudrait renégocier l'entente d'immigration intervenue entre le Canada et le Manitoba et élargir considérablement la catégorie des candidats d'une province. Le Manitoba n'accueille que 2 p. 100 environ des immigrants au Canada, alors qu'il représente 3,6 ou 3,7 p. 100 de la population canadienne. Nous estimons qu'une pareille situation ne reflète pas la réalité.
Nous aimerions accueillir l'équivalent au moins de notre représentation au sein de la population nationale, ce qui signifierait doubler l'immigration totale, qui atteindrait alors 10 000 personnes par année environ.
• 0955
Nous croyons qu'il y a moyen pour le gouvernement du Canada de
céder la juridiction à la province du Manitoba sans compromettre
l'intégrité du système. Il faudrait que le gouvernement du Canada
continue d'exercer le contrôle sur les examens de santé, la
criminalité, la pertinence de faire venir ces personnes au Canada.
Par contre, on devrait laisser au gouvernement du Manitoba, de
concert avec les groupes d'employeurs, les ONG et ceux qui se
chargent d'aider les immigrants à s'établir le soin d'aller à
l'étranger vanter le Manitoba comme place d'accueil.
Monsieur le président, nous avons pour théorie que, s'il existe un ensemble de compétences qui garantit la réussite probable d'une personne et une collectivité accueillante où s'établir à son arrivée, l'immigrant demeurera sur place. Nous avons la preuve que, dans le cadre du programme des candidats de province, lorsque les gens s'établissent dans une collectivité où ils sont bien accueillis et où un emploi les attend, ils y demeurent et continueront d'y demeurer. Nous souhaitons accueillir plus d'immigrants et nous souhaitons en accueillir une diversité qui témoigne de la diversité de notre culture et de notre société.
J'ignore si j'ai épuisé le temps qui m'a été alloué, mais voilà l'essentiel de notre raisonnement. Nous souhaitons examiner de nouveaux moyens d'encourager ceux qui immigrent au Canada à venir s'établir au Manitoba, où il y a des emplois. Nous avons le plus bas taux de chômage du pays. Notre attitude à l'égard de la diversité en est une de tolérance et de progrès. Nous souhaitons accueillir plus d'immigrants, et nous vous demandons de nous aider à le faire.
Monsieur le président, c'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Vous m'avez convaincu. Je viens m'établir chez vous. C'est un très bon exposé, Jim.
Nous allons maintenant céder la parole à Paul Ruest, qui parle au nom du Collège universitaire de Saint-Boniface.
[Français]
M. Paul Ruest (recteur, Collège universitaire de Saint-Boniface): Monsieur le président, nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part de notre point de vue au sujet de l'immigration. J'ai remis une copie de notre mémoire à M. Lahaie et une copie également à nos interprètes pour faciliter leur tâche, qui n'est pas toujours facile.
Ma présentation va porter sur un aspect de la question de l'immigration. Cela ne veut pas dire que les autres éléments ne sont pas importants, mais nous voulons nous pencher sur un aspect en particulier. Il s'agit de la question des étudiants étrangers au Canada.
Le Collège universitaire de Saint-Boniface est une université de langue française au Manitoba. Notre établissement a pour mission d'offrir à la population francophone du Manitoba, ainsi qu'à toute autre personne qui veut s'en prévaloir, une éducation postsecondaire en français.
Notre établissement est reconnu par les autorités provinciales et les employeurs comme un établissement provincial formant de la main-d'oeuvre bilingue au Manitoba.
Nos diplômés sont tous bilingues et un certain nombre d'entre eux parlent une troisième langue, le plus souvent l'espagnol, une denrée rare pour le Manitoba.
Le nombre de diplômés que nous formons ne suffit pas à combler tous les postes au Manitoba qui exigent une connaissance des deux langues officielles du Canada.
Nous avons présentement du mal à recruter au Manitoba suffisamment d'étudiants et d'étudiantes pour nos programmes de formation en administration des affaires, en santé, en éducation et surtout en nouvelles technologies afin de répondre aux besoins de services en français dans ces domaines.
À titre d'exemple, nous prévoyons d'ici peu une importante pénurie d'enseignants et d'enseignantes pour les écoles francophones et les écoles d'immersion française de notre province, un phénomène qui se fera sentir partout au Canada. Les besoins en personnes formées dans ces domaines dépassent les capacités démographiques de la population francophone du Manitoba.
Depuis quelques années, notre établissement recrute des étudiants internationaux, surtout en provenance de pays francophones. Ces étudiants choisissent de poursuivre leurs études chez nous à cause de la qualité de la formation et de la possibilité que nous leur offrons d'apprendre l'anglais tout en poursuivant leurs études dans leur langue maternelle, le français.
En retour, la présence de ces étudiants et étudiantes est un précieux atout pour notre milieu collégial. Il est cependant bien évident qu'après quelques années d'études, certains de ces étudiants et étudiantes sont intéressés à demeurer au Canada. On ne saurait trouver des candidats plus aptes à répondre aux besoins exigeants de leur pays d'adoption. Leur période d'études au Canada les prépare fort bien à s'intégrer au sein de notre société et à y contribuer de façon on ne saurait plus positive.
• 1000
Le projet de loi devrait faire ressortir l'importance
des étudiants étrangers et appuyer les établissements
d'enseignement dans leurs démarches de recrutement.
Nous applaudissons les mesures proposées permettant
aux étudiants étrangers de demander le statut de
résidant permanent sans avoir à quitter le Canada.
Il ne faudrait cependant pas que cette possibilité
vienne alourdir ou allonger le processus déjà long
prévu initialement pour l'obtention du permis de séjour
comme étudiant. Au contraire, il faudrait plutôt
s'efforcer d'assouplir le processus d'obtention du
permis de séjour en évitant d'imposer des exigences
qui découragent le recrutement d'étudiants étrangers.
D'autre part, il y aurait lieu de s'inspirer de la pratique australienne, qui permet aux étudiants étrangers de demander le statut de résidant permanent à la fin de leur programme d'études tout en leur accordant une reconnaissance supplémentaire à titre de diplômés d'un établissement d'enseignement australien. Cette pratique a permis à l'Australie d'attirer plusieurs de ces diplômés dans la catégorie d'immigrants indépendants.
Les études à l'étranger doivent être abordables aux étudiants qui ont accès à des ressources financières modestes. La possibilité d'occuper un emploi à temps partiel hors campus constitue une façon de permettre aux étudiants étrangers de poursuivre leurs études chez nous. En plus de les aider financièrement, il s'agit pour eux d'une excellente façon de s'intégrer au milieu des Canadiens. Plusieurs autres pays permettent le travail à temps partiel, et nous savons que cette mesure leur a donné un avantage important dans leurs efforts de recrutement d'étudiants à l'étranger.
Compte tenu que le Canada est un pays démocratique, il a avantage à mettre en place un régime qui encouragera l'immigration de jeunes personnes formées adéquatement pour répondre à nos besoins et capables de s'intégrer facilement au sein de notre société. Les étudiants étrangers qui fréquentent nos établissements d'enseignement répondent particulièrement bien à ces exigences. À l'instar d'autres pays, nous devons profiter pleinement de ce que nos étudiants étrangers sont en mesure de nous offrir. La nouvelle loi devrait promouvoir et soutenir cette orientation et proposer les mesures nécessaires pour en assurer une réalisation efficace.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, Paul.
[Traduction]
La parole est maintenant à David Davis, de l'Association du Barreau canadien.
M. David H. Davis (membre, Association du Barreau canadien): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. J'aurais simplement deux points très brefs à faire valoir.
Tout d'abord, en ce qui concerne le délestage du pouvoir de réglementation, j'aimerais attirer l'attention des membres du comité sur le paragraphe 25(1) du projet de loi à l'étude. L'ABC s'inquiète de l'exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel lorsqu'il existe des circonstances d'ordre humanitaire. Actuellement, dans la loi en vigueur, quiconque se trouve au Canada peut demander le statut de résident permanent pour des raisons d'ordre humanitaire, demande qui sera, à un certain moment donné, examinée par le ministre de l'Immigration. Le libellé actuel de l'alinéa 26a) fait tiquer l'ABC. Il énonce en effet les critères qui servent à déterminer les circonstances dans lesquelles on pourrait tenir compte de tout ou d'une partie des raisons invoquées. Donc, la différence tient au fait que l'on pourrait déposer une demande pour des motifs d'ordre humanitaire et que cette demande ne serait pas forcément examinée par le ministre de l'Immigration.
La question préoccupe au plus haut point l'ABC parce qu'il faudrait que tous y aient droit s'ils ne répondent pas aux critères exacts de sélection, mais qu'il existe des motifs impérieux dans leur cas. Ils ont peut-être connu des difficultés durant leur séjour au Canada—une période de séjour illégal—, mais il pourrait exister de très bonnes raisons de passer outre à ce séjour illégal ou il pourrait être dans le meilleur intérêt de l'enfant d'accorder le statut, question qui manifestement est au coeur des préoccupations dans le droit jurisprudentiel des dernières années et qu'on a tenté d'inclure dans la loi. Toutefois, le libellé est permissif. Il faudrait que ce soit obligatoire. Il faudrait que le ministre examine ce genre de demandes. Voilà pour le premier point.
Mon second point concerne l'article 190 du projet de loi à l'étude. Il y est question des dispositions transitoires durant le passage de la loi actuelle au projet de loi à l'étude, lorsqu'il aura été adopté. On peut lire à cet article:
-
La présente loi s'applique, dès l'entrée en vigueur du présent
article, aux demandes et procédures présentées ou instruites, ainsi
qu'aux autres questions soulevées, dans le cadre de l'ancienne loi
avant son entrée en vigueur et pour lesquelles aucune décision n'a
été prise.
Le problème que nous entrevoyons dans ce cas-ci, c'est que, si quelqu'un a interjeté appel aujourd'hui, par exemple auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugiés—je sais que l'ABC est venu témoigner au sujet des droits d'appel des résidents permanents, de sorte que je ne vais pas m'y attarder—et que le projet de loi entre en vigueur en septembre sans que cet appel ait été jugé, ce que dit cette disposition, c'est que le projet de loi C-11 s'appliquera.
• 1005
Il conviendrait davantage—et c'est ce que nous proposons—que
toute question dont a déjà été saisi Citoyenneté et Immigration
Canada devrait être jugée en fonction de la loi qui était en
vigueur à ce moment-là. Il faudrait fixer une échéance. Nous
proposons que, si une demande a été déposée avant l'entrée en
vigueur de la nouvelle loi, il faudrait qu'elle soit examinée en
vertu de l'ancienne loi.
M. Al Chopra, porte-parole du Conseil national indo-canadien, a un point à faire valoir.
M. Al Chopra (membre, Conseil national indo-canadien): Bonjour, monsieur le président.
Tout d'abord, j'aimerais accueillir...
Le président: Je vous remercie de nous l'avoir présenté, David. Je crois qu'il était le témoin suivant.
Monsieur Chopra, je vous souhaite la bienvenue.
M. Al Chopra: Je vous souhaite la bienvenue dans notre accueillante province, monsieur.
Les visas de visiteur et les visas d'étudiant, particulièrement en ce qui concerne les Indiens, sont extrêmement préoccupants. Rien n'a changé dans la loi depuis 30 ans. Permettez-moi d'illustrer mon propos. Un de nos aînés se mourrait. Son dernier souhait était de voir sa fille une dernière fois—qu'elle vienne lui rendre visite au Canada. Il était citoyen canadien et il a envoyé tous les documents. Le visa a été refusé à sa fille. Cet homme, qui avait une entreprise à Winnipeg, s'est rendu au bureau local et il était même disposé à déposer une caution de 100 000 $. Pourtant, la demande de visa a été refusée pour la deuxième fois.
La première fois que vous vous rendez à ce bureau, vous versez 125 $. La deuxième fois, le visa de visiteur est refusé, mais il faut encore verser 125 $. La troisième fois, il faut demander l'aide de son député. Vous savez, il est très difficile de faire cela. Vous ne pouvez pas demander au ministre de vous délivrer un permis ministériel. Chaque député consacre entre 60 et 70 p. 100 de son temps... Il a gaspillé son temps, à mon avis, simplement pour en arriver là.
Enfin, le monsieur est mort. Le père est mort et, enfin, nous avons obtenu le permis ministériel qui a coûté un autre montant de 250 ou de 300 $.
Voici ce que je demande, monsieur. S'ils ne sont pas satisfaits, ils devraient pouvoir envoyer la demande au bureau local—aux gestionnaires là-bas—ou ici. Il faut qu'ils aient leur mot à dire. Nous sommes satisfaits... Nous sommes personnellement disposés à déposer une caution; il faudrait délivrer le visa.
L'autre exemple, monsieur, est le milliard de dollars investi dans les visas d'étudiant que chaque étudiant qui vient de l'étranger... de pays asiatiques, particulièrement de Hong Kong ou de l'Inde. Ils apportent avec eux presque 20 000 ou 25 000 $ et, lorsqu'ils retournent chez eux, ils agissent immanquablement comme des ambassadeurs du Canada.
J'aimerais vous en donner un exemple probant. Un des ambassadeurs du Pakistan a étudié au Nouveau-Brunswick. Il a pu conclure 10 marchés avec le Nouveau-Brunswick parce qu'il avait étudié là-bas, monsieur. Quand ces gens viennent de l'étranger pour étudier, le milliard de dollars investi... Nous prenons du retard par rapport à des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Ce que je vous demande, c'est... Il est très difficile d'obtenir un visa d'étudiant ou un visa de visiteur, par exemple pour assister à un mariage.
L'an dernier, à nouveau, un visa de visiteur a été refusé à un oncle qui souhaitait assister au mariage de sa nièce. Ils ont été traités comme des citoyens de deuxième et de troisième ordres. Je vous demande, monsieur le président, comment vous vous sentiriez si on refusait à votre soeur ou à votre frère un visa de visiteur pour assister au mariage de votre fils—après avoir vécu ici pendant 30 ans, après que vous leur ayez fourni tous les documents? Les gens sont même prêts à fournir une caution.
Enfin, il faut avoir un permis ministériel. Combien de fois faut-il un permis ministériel pour obtenir un visa? Pourquoi ne proposez-vous pas qu'un système quelconque soit mis en place...? Au Canada, actuellement, il n'y a pas de procédure d'appel. Si l'agent refuse, c'est non. Qui va changer cela? Le ministre peut le faire.
Ce que je vous demande, c'est, s'ils ne sont pas satisfaits, qu'ils s'adressent au moins au bureau local. Il faut que les gestionnaires aient leur mot à dire. S'ils sont satisfaits, ils devraient pouvoir venir ici, moyennant une caution, pour visiter leurs parents, leurs proches—lorsqu'il y a une urgence dans la famille, un décès ou un mariage.
• 1010
C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président. Je
suis désolé, mais la question suscite beaucoup d'émotion chez moi.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.
Le président: C'est nous qui vous remercions, Al, d'avoir pris la peine de venir nous donner votre opinion et de nous avoir exposé ces cas.
Je crois pouvoir parler au nom de mes collègues quand je dis que chacun d'entre nous, dans son bureau de circonscription, a reçu des demandes comme celles dont vous avez parlé de différentes régions du monde. Nous avons déjà entendu ces doléances et, manifestement, nous sommes à la recherche de moyens qui nous permettraient de faciliter l'entrée des membres de la famille au pays. Je vous remercie beaucoup de votre participation.
M. Al Chopra: Je demande qu'avant qu'ils décident d'enfreindre la loi, on traite leurs demandes là-bas. Il faudrait les expulser. Actuellement, celui qui enfreint la loi pour entrer au Canada a plus de droits que moi, en tant que citoyen canadien.
Le président: C'est là l'autre moitié de l'équation dont il faut s'occuper.
C'est maintenant au tour du Winnipeg Refugee Education Committee, représenté aujourd'hui par Louise Simbandumwe et Hla Win. Soyez les bienvenues.
Mme Louise Simbandumwe (membre, Winnipeg Refugee Education Committee): Je sais que vous avez demandé qu'il n'y ait qu'un seul témoin de notre organisme, mais nous n'avons qu'un exposé oral à faire et il repose sur l'expérience que nous avons vécue en tant qu'ex-réfugiées. Nous essaierons de ne pas dépasser la limite de cinq minutes, mais nous espérons que...
Le président: Si vous souhaitez le faire ensemble, vous pouvez vous partager le temps. Je n'y vois pas d'objection.
Mme Louise Simbandumwe: D'accord. Je vous remercie.
Mme Hla Win (membre, Winnipeg Refugee Education Committee): Bonjour. Je m'appelle Hla Win.
Le Winnipeg Refugee Education Network, appelé le WREN, est un nouveau groupe composé de bénévoles qui se consacrent à mieux sensibiliser la population aux droits des réfugiés et à des questions connexes. Nous en sommes membres, et nous sommes également d'ex-réfugiées qui ont trouvé asile au Canada après avoir quitté leur pays pour se protéger d'atteintes massives aux droits de la personne.
Je suis moi-même une réfugiée birmane qui a immigré au Canada avec sa famille en 1997. Nous appuyons fermement la réaction au projet de loi C-11 présentée par Amnistie Internationale et par le Conseil canadien pour les réfugiés. Dans le présent exposé, nous allons mettre en valeur plusieurs préoccupations qui ont un rapport direct avec l'expérience que nous avons vécue en tant que réfugiées.
Tout d'abord, sur le plan de la réunification des familles, nous nous réjouissons des changements positifs, par exemple de l'idée de relever l'âge limite des enfants à charge qui passerait de 19 à 22 ans. Toutefois, nous ne croyons pas que le projet de loi va assez loin pour faciliter la réunification des familles déchirées par des circonstances indépendantes de leur volonté. Comme l'a fait valoir le Conseil canadien pour les réfugiés, nous estimons qu'il faudrait inclure dans la loi des mesures musclées en vue de favoriser la réunification des familles, plutôt que de les inclure dans le règlement. Nous sommes également conscientes de plusieurs situations où les familles séparées durant leur fuite pour se protéger de violations des droits de la personne ont été empêchées de retrouver leurs proches au Canada.
Le président: Excusez-moi, Hla. Si vous lisez un texte, pourriez-vous aller un peu moins vite? Nos interprètes font de leur mieux—en fait, ils font un travail fantastique—, mais il faudra ralentir un peu pour qu'ils puissent nous traduire ce que vous dites. Je vous remercie.
Mme Hla Win: D'accord.
Pour ce qui est de la réunification de la famille, il nous a été impossible de réunir les membres des familles qui avaient immigré au Canada. Dans mon cas, par exemple, il a été impossible à mon frère, qui a immigré en France en tant que réfugié, d'au moins rendre visite à notre famille au Canada. À trois reprises au moins, on lui a refusé un visa de visiteur. À tout le moins, il faudrait que les fonctionnaires de l'immigration fassent preuve de plus de souplesse dans la délivrance des visas de visiteur pour les membres de la famille. Nous croyons aussi qu'il faudrait que la loi permette le parrainage des frères et soeurs.
Ensuite, nous sommes préoccupés par la sélection des membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous estimons qu'il faudrait les choisir en fonction de leurs compétences et de leur expertise professionnelles, plutôt que de leurs relations politiques. Il faudrait que le processus de sélection des membres de la Commission soit ouvert et transparent, car le projet de loi C-11 propose qu'un seul commissaire puisse entendre la cause d'un revendicateur du statut de réfugié. Il est alors d'autant plus important d'avoir des personnes compétentes en place. Plusieurs revendicateurs du statut de réfugié font partie de WREN, et nous espérons qu'ils auront droit à une audience éclairée et impartiale lorsqu'ils se présenteront devant la Commission.
Mme Louise Simbandumwe: Je m'appelle Louise Simbandumwe. Je suis une ex-réfugiée du Burundi. Ma famille est venue au Canada en 1978. Nous sommes devenus des réfugiés à la suite de massacres survenus au Burundi en 1972.
Un des points qui me préoccupe vivement, de même que d'autres membres de notre groupe, est la façon dont a été annoncé le projet de loi. On a semblé beaucoup insister sur la ligne dure prise à l'égard des criminels et sur la fermeture de la porte arrière.
Le ton donne l'impression que le Canada est obligé de se protéger contre une vague de criminels, de terroristes, de trafiquants de personnes et d'immigrants illégaux. En tant qu'immigrants, cela nous donne l'impression de ne pas être les bienvenus et crée chez nous un sentiment d'aliénation. Des déclarations comme celle-là renforcent les stéréotypes et les attitudes racistes à l'égard des immigrants. Nous préférerions qu'on souligne les bienfaits de l'immigration, comme la contribution des immigrants à l'économie canadienne, et qu'on mette l'accent sur les obligations internationales du Canada aux termes desquelles il faut protéger les réfugiés.
• 1015
Nous sommes aussi d'accord avec Amnistie Internationale pour
sire que la définition de trafic de personnes est trop large et
qu'elle pourrait empêcher des personnes bien intentionnées de
sauver des vies. Dans la famille de ma mère, seules ma mère et sa
soeur, parmi les six frères et soeurs, ont survécu. Ma tante a
survécu parce que des missionnaires du Burundi l'ont fait sortir en
cachette. Ils étaient parmi les rares personnes qui ont vraiment
fait ce qu'il fallait et tenté de sauver des vies. Ils ont payé
quelqu'un pour l'aider à franchir les frontières, et elle a fini
par aboutir au Danemark, sans documents en règle. On ne me fera
jamais croire que les personnes qui l'ont aidée et que celle qui
l'a guidée à travers la forêt pourraient être des trafiquants.
Toutefois, selon ce que j'ai vu de la définition de trafic de
personnes, il semble qu'elles relèveraient de cette catégorie.
Enfin, il y a le risque de torture. Comme d'autres membres d'Amnistie Internationale, je travaille très fort à la campagne qu'a lancée Amnistie cette année en vue de faire cesser la torture, et l'offre d'un refuge est un élément clé du plan en six points visant à faire cesser cette pratique. Comme ultime moyen de protéger des personnes susceptibles d'être soumises à de la torture, il faut que le Canada leur offre le refuge, et je crains que le projet de loi ne permette parfois que ces personnes soient renvoyées dans une situation où elles pourraient être victimes de torture. Nous avons la conviction qu'il faut déployer tous les efforts possibles en vue de prévenir de pareilles éventualités.
Quand je parle de notre immigration au Canada, j'en parle souvent comme si nous avions gagné la loterie. En venant ici, nous avons laissé là-bas de nombreuses personnes qui se trouvaient dans exactement la même situation que nous. Nous avons simplement eu la chance incroyable de pouvoir débarquer ici. Étant donné l'instabilité de la situation, le danger qu'il y aurait à retourner au Burundi, je ne crois pas que cela devrait être. Je parlais à ma mère, ce matin, au sujet de ce qui était arrivé à certaines autres familles qui se trouvaient pas mal dans la même situation que nous, mais qui n'avaient pas eu la chance d'émigrer au Canada. Elle m'a raconté l'histoire d'une famille, comptant à peu près le même nombre de membres, qui a fini essentiellement par être ballottée de la Tanzanie au Rwanda jusqu'au Burundi sur une période de 20 ans. Toute la famille a été tuée en 1994, durant l'attaque menée à Goma, au Zaïre. Les membres ont tous été brûlés vifs. Il aurait pu s'agir de ma famille. Je ne crois pas qu'il faille s'en remettre au sort quand on sait ce qui les attend.
D'après ce que j'ai lu du projet de loi et des positions d'Amnistie et du CCR à son sujet, je ne pense pas qu'il fasse grand-chose pour prévenir ce genre de situation. J'ai l'impression qu'il laisse agir le hasard. Je pense qu'il continuera d'y avoir des goulots d'étranglement de centaines de milliers de gens qui, dans le fond, s'ils parviennent à venir au Canada ont de la chance, plutôt que de devoir passer par un processus de détermination sur l'ampleur du danger qui les guette et d'être autorisés à venir en vertu d'une loi internationale avec laquelle nous sommes tous d'accord.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Louise, de nous avoir fait part de ces expériences.
C'est enfin le tour de David Matas, qui parle en son nom propre.
M. David Matas (présentation individuelle): Merci.
Certains d'entre vous se rappellent peut-être que j'ai témoigné devant ce comité au nom de B'nai Brith, au sujet des crimes de guerre.
Le président: Je me disais bien que je vous avais vu quelque part, David.
M. David Matas: Oui.
Le président: C'était à propos du projet de loi sur la citoyenneté, je crois.
M. David Matas: Et aussi du projet de loi C-11.
Le président: Comment avez-vous réussi à venir témoigner une deuxième fois, David?
M. David Matas: J'allais justement dire que c'est un honneur d'être invité ne serait-ce qu'une fois. L'être deux fois, après que vous m'ayez déjà entendu, est un honneur d'autant plus grand.
Le président: Merci, David.
M. David Matas: Cette fois, je veux parler de ma propre expérience du droit des réfugiés, en tant qu'avocat d'un cabinet privé. J'ai rédigé un mémoire de 47 pages, que j'ai remis au comité et qui renferme 23 recommandations différentes. Inutile de dire que je ne passerai pas au travers en cinq minutes.
Le président: J'ai passé la nuit dernière à le lire, à partir d'une heure du matin lorsque nous sommes rentrés, David, les 47 pages.
M. David Matas: Je ne doute pas que vous ayez bien dormi après.
Le président: En effet.
M. David Matas: Ce qui m'inquiète, en deux mots, c'est la complexité du système que propose le projet de loi. Il prévoit cinq examens différents des risques. À mon avis, il ne devrait y en avoir qu'un. Ils varient beaucoup sur le plan de l'équité. Il y a six catégories différentes de gens qui ne subissent pas le moindre examen des risques, en dépit de l'existence de ces cinq examens des risques. Selon moi, tout le monde devrait subir un examen des risques. Il y a des gens dont le projet de loi permet le renvoi dans leur pays, même à la torture ou à la mort certaine, alors qu'il a été déterminé qu'ils sont en danger lors de l'examen des risques. À mon avis, personne ne devrait être renvoyé, et le projet de loi devrait le dire. Personne ne devrait être renvoyé à la torture ou à la mort.
J'ai essayé de recenser les étapes du système, et j'en ai trouvé 15—et ça, c'est avant même d'arriver devant le tribunal pour l'examen judiciaire. À mon avis, pour la détermination du statut de réfugié, il ne devrait y avoir qu'une étape d'examen des risques, et non pas 15. En particulier, je ne crois pas qu'il devrait y avoir détermination de l'admissibilité. Nulle part ailleurs dans le système judiciaire il n'est prévu de procès pour déterminer s'il doit y avoir ou non procès—il y a procès, un point c'est tout. Les tribunaux ont leurs propres moyens d'empêcher les abus. Je dirais que tout le monde devrait être admissible.
Je ne pense pas non plus qu'il devrait y avoir d'évaluation des risques avant le renvoi. S'il y a de nouvelles preuves ou des changements dans les preuves, une demande de réouverture du dossier pourrait tout simplement être déposée devant la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je suis heureux de constater qu'il y a un processus d'appel, qui n'existait pas avec l'ancien régime, et il devrait, c'est sûr, être maintenu. Si nous avions une évaluation des risques, en plus de l'appel, ce devrait être assez.
Lucienne Robillard, lorsqu'elle a lancé l'initiative de réforme, a parlé de la loi actuelle comme d'une «mosaïque complexe de dispositions législatives sans cohérence ni transparence». C'est ce qui, à l'époque, l'a motivée à lancer le processus qui a donné lieu au projet de loi C-11. Maintenant que nous examinons la formulation du projet de loi C-11, cet objectif semble avoir depuis longtemps disparu et, en fait, cette phrase «une mosaïque complexe de dispositions législatives sans cohérence ni transparence» pourrait très bien s'appliquer au système actuel. Je dirais que ce qu'il nous faut, c'est un système plus simple, plus équitable, plus directement conforme aux normes internationales qui empêchent le renvoi de réfugiés à la torture ou à la mort.
Aussi, je me soucie du système de réfugiés à l'étranger, qui à mon avis devrait être intégré à celui d'ici. À ce que j'ai compris, Tim Wichert doit en parler dans la prochaine heure, alors je n'en dirai pas plus là-dessus. Voilà en gros le point de vue que je voulais vous présenter ce matin.
Le président: Merci. Comme d'habitude, David, votre avis est très apprécié. Merci d'avoir porté ces questions à notre attention à titre personnel.
Nous allons maintenant passer aux questions, et nous commencerons avec Inky.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. Je tiens d'abord à souhaiter la bienvenue à tous nos témoins aujourd'hui. Merci d'avoir pris le temps de venir ici.
Il n'y a aucun doute que l'immigration fait intégralement partie de l'histoire de notre pays. L'avenir de notre pays dépendra des politiques que nous formulerons aujourd'hui. Comme vous le savez, un nouveau projet de loi s'est longuement fait attendre. La question est de savoir si nous allons faire les choses comme il faut pour lancer le bateau dans la bonne direction?
Le Manitoba a toujours eu une situation unique dans cette confédération. Je suis d'accord avec vous, Jim, nous avons besoin de l'immigration. Elle nous est indispensable. Je le dis constamment, où que j'aille au pays: le Manitoba a besoin de l'immigration. En fait, le président et moi sommes tous deux immigrants. Certaines personnes, hier, qui se faisaient les avocats du diable, ont soutenu que le Canada n'a pas besoin d'immigration, et quelqu'un a même parlé, je crois, de quotas. C'est un terme qui n'est pas politiquement acceptable de nos jours. Peut-être pouvez-vous préciser quels sont les besoins du milieu des affaires de cette province. Tout accord conclu avec le gouvernement fédéral se rapporte généralement à des chiffres. Alors peut-être pourriez-vous en parler.
• 1025
Monsieur Mauro, les étudiants étrangers font partie intégrante
d'une vaste industrie dans notre pays. La plupart des gens ne
réalisent pas qu'ils amènent des milliards de dollars dans notre
économie. Peut-être pourriez-vous dire si, selon vous, il est
nécessaire d'établir un système de quotas en matière de placement
des étudiants étrangers au pays.
M. Arthur Mauro (représentant, Business Council of Manitoba): Je vais d'abord répondre à la question sur les étudiants.
Je ne pense pas qu'il devrait y avoir un système de quotas pour les étudiants. J'ajouterais que, selon moi, les étudiants qui fréquentent nos universités canadiennes ne présentent pas seulement qu'un avantage économique. Très franchement, c'est pour moi un facteur très secondaire. Nous avons le devoir d'éduquer les gens qui, après, retourneront dans leur pays. Nous avons un nombre phénoménal d'étudiants post-universitaires qui font des travaux de recherche à notre faculté d'agriculture, et nous espérons qu'ils ne resteront pas au Canada mais retourneront chez eux et que nous pourrons les aider.
Nous apportons donc une contribution au monde entier dans nos établissements d'enseignement postsecondaire du Canada. Les gens que nous laissons entrer nous apportent leur contribution. Beaucoup d'entre eux restent, puis ils contribuent à l'évolution de notre société.
À propos des besoins, ici, je pense qu'il y a un besoin énorme qui n'est pas comblé dans des secteurs particuliers, particulièrement celui de la confection et, nous l'avons vu, dans le domaine des soins infirmiers, et nous pourrions en nommer d'autres. Par exemple, dans les secteurs comme la fabrication de meubles, nos compagnies sont désespérément à la recherche d'aide. Nous savons qu'il y a des gens à l'étranger qui voudraient venir ici.
C'est donc que les besoins du Manitoba sont très réels. Les preuves en sont faites. Les accords entre la province et le gouvernement fédéral ont été conclus, mais il nous faut encore la coopération du système pour parvenir à faire venir des gens au Manitoba. Nous trouvons que lorsqu'ils viennent ici, ils s'intègrent à notre société et y restent, et ce sont de bons citoyens.
De mon point de vue, étant fils d'immigrants, les seuls critères devraient être une bonne santé et une bonne personnalité. Autrement, je ne pense pas que nous serions très nombreux aujourd'hui ici. Je trouve tragique que nous n'ayons pas encore réussi à atteindre le niveau de 1913, c'est-à-dire 400 000 immigrants. Pensez aux répercussions par habitant de cette politique sur l'immigration et de la politique de Laurier. Il paraît que l'Ouest serait inhabité sans cette politique. Nous avons besoin de faire preuve de la même imagination de nos jours, et de la même capacité de prendre des risques pour attirer des gens dans ce pays, particulièrement dans notre province.
M. Inky Mark: Le projet de loi parle des résidents permanents comme de ressortissants étrangers, ce qui a suscité beaucoup de débats. Là encore, c'est une question de statut. Quel statut a-t-on réellement lorsqu'on a titre de résident permanent?
L'une des suggestions de l'un de nos propres collègues est que, peut-être, nous devrions avoir un titre de résident permanent et un titre de résident non permanent. Lorsqu'on est permanent, on a un certain statut.
Est-ce que vous pourriez commenter toute cette question de statut permanent et les changements que le projet de loi entraînerait?
Le président: David Matas puis David Davis.
M. David Matas: Eh bien, c'est un terme péjoratif que celui de ressortissant étranger, et à ce que j'ai compris, il en a longuement été discuté lors des audiences de ce comité. Je ne ferais que répéter ces préoccupations. Il serait préférable de ne pas utiliser un terme comme celui-là. En fait, il crée un écart entre ces gens et nous, en disant qu'ils sont différents, qu'ils sont autres, qu'ils sont étrangers. Si nous essayons d'intégrer ces gens et de dire qu'ils sont des nôtres, ce n'est pas la façon d'y parvenir.
Le président: Monsieur Davis.
M. David Davis: Je ne ferai qu'ajouter qu'il y a une connotation émotive négative au terme «ressortissant étranger». Je sais que vous l'avez entendu à de nombreuses reprises déjà. Pourquoi ne pas garder le terme «résident permanent», ou «immigrant reçu»?
Le président: Est-ce qu'il y a d'autres commentaires à ce sujet en particulier? S'il n'y en a pas, nous allons avancer rapidement. Avant que je quitte le fauteuil, John McCallum a une autre question à poser.
M. John McCallum: Je crois qu'Anita en a.
Le président: Je veux bien.
Anita, vous avez la parole.
Mme Anita Neville: Merci, monsieur le président. J'ai beaucoup de questions à poser, et j'essaierai de faire comme Judy lors de la dernière ronde et d'en poser autant que possible.
Avant cela, j'aimerais faire une observation personnelle. Je tiens à vous dire à quel point je suis fière de siéger ici, en tant que Manitobaine, et d'entendre la diversité des points de vue qui sont présentés—par exemple, la communauté qui appuie activement l'immigration à des fins économiques, à des fins humanitaires, et des efforts que cette communauté déploie pour contribuer à la réinstallation.
Nous sommes venus de Vancouver hier, où nous avons entendu divers points de vue, mais aussi de nombreuses présentations qui n'étaient pas favorables à l'accueil ou à l'intégration des immigrants dans notre pays. C'est pourquoi être ici aujourd'hui, pour représenter le Manitoba, à entendre la diversité des opinions exposées aujourd'hui me remplit d'orgueil, et je tiens à en remercier tout le monde.
Ceci dit, j'ai effectivement des questions et des commentaires à formuler.
M. Mauro et Jim, récemment John McCallum et moi-même étions en tournée avec le ministre, dans plusieurs pays de l'Asie. Nous sommes allés visiter plusieurs postes. Souvent, nous avons entendu citer le programme provincial du Manitoba cité comme modèle de ce qui peut et devrait être fait pour recruter des immigrants pour ici.
À ce que j'ai compris, les nombres ont été augmentés. Le Manitoba sait faire preuve de créativité et de flexibilité dans ses activités de recrutement. Je pense particulièrement au recrutement pour ici des infirmières des Philippines avec la tenue des examens d'accréditation là-bas. J'aimerais savoir ce que, selon vous, le Manitoba pourrait faire d'autre en partenariat avec le gouvernement fédéral et sur le plan de la recherche de partenariats.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Pendant cette tournée, nous avons rencontré beaucoup de gens qui venaient au Canada. Nous avons discuté avec des groupes de, souvent, 20 ou 30 personnes et, je pense, la plupart d'entre eux allaient à Toronto. Certains allaient à Vancouver, un ou deux à Calgary, et peut-être trois ou quatre au Manitoba. J'ai fait tout un cinéma lorsqu'ils ont dit qu'ils venaient au Manitoba. D'ailleurs, lors d'une journée portes ouvertes de notre bureau, vendredi dernier, nous avons eu la visite de quelqu'un que j'avais rencontré en Corée. Un de mes collaborateurs, qui est ici aujourd'hui, les aide à s'installer et à trouver de l'emploi. Nous vous demanderons peut-être de l'aide.
Il nous faut trouver le moyen de faire la promotion du Manitoba. Lorsqu'ils ont dit qu'ils allaient à Toronto, j'ai eu envie de leur dire—avec tout le respect que je dois aux gens de Toronto—«pourquoi aller dans ce trou noir? Venez ici, où vous serez entourés, aimés et encouragés».
Le président: Tout le monde adore détester Toronto. Je ne suis pas de Toronto non plus, mais pauvre John.
Mme Anita Neville: Eh bien, ce n'est pas si mal, mais il faudrait qu'ils en sachent plus sur la Manitoba, monsieur le président. Il s'y passe beaucoup de choses.
Le président: Nous allons à Toronto demain, alors ceux d'entre vous qui nous regardez de Toronto pourrez prendre votre revanche.
Mme Anita Neville: Mais il y a beaucoup à dire sur le Manitoba, et j'aimerais entendre des commentaires là-dessus.
À David Davis, David Matas et à la jeune femme qui représente cette nouvelle organisation, l'un des amendements...
Je sais, David Davis, vous avez parlé de la question du «peut» par opposition au «doit». Mais ce que je propose de mettre de l'avant, en vertu de l'accès au système de détermination du statut de réfugié, est une clarification de l'amendement à la politique, de l'intention de la politique, pour exclure les réfugiés de dispositions de l'article 42. J'aimerais présenter une recommandation, relativement à l'article 42 pour que, là où on lit «emportent, sauf pour le résident permanent», qu'on ajoute «ou une personne protégée, est admissible pour motifs». J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.
• 1035
À l'article 26, sur la révision pour des raisons d'ordre
humanitaire, qui est l'une des plus importantes mesures de
protection du système, j'aimerais supprimer à l'article 26 «et dans
le cas d'attributions déléguées au titre du paragraphe 6(2), à
l'article 25», pour que le paragraphe dise seulement «les cas dans
lesquels il peut être tenu compte de tout ou partie des
circonstances visées à l'article 24».
David Matas, vous avez dit avoir présenté beaucoup, beaucoup de recommandations. Quelles sont, de ces recommandations, les deux plus importantes?
Le président: Toutes ces questions doivent recevoir réponse en cinq minutes. Elle a pris cinq minutes pour poser les questions, alors il vous reste à chacun deux secondes pour y répondre. Non, non, je plaisante.
Jim.
M. Jim Carr: Monsieur le président, permettez-moi de vous présenter mes excuses, parce que M. Mauro et moi devrons partir après cette réponse pour aller à une autre réunion.
Très rapidement, madame Neville, la première chose à faire est d'augmenter les chiffres. Si vous regardez le plafond fixé dans l'entente négociée et les applications en vertu de cette entente, vous verrez un facteur de 6, 7 ou 8. C'est simple, la renégociation du plafond est la première chose à faire.
La deuxième chose est de faire, dans les postes à l'étranger, la promotion du Manitoba et de ce que la province à offrir.
Troisièmement, nous pensons qu'il y a un avantage concurrentiel inhérent à l'accréditation. S'il est plus facile pour les professionnels de pratiquer leur profession quelque part plutôt qu'ailleurs, ils seront plus tentés de venir ici. Beaucoup trop de nos professions sont des chasses gardées. Il est temps d'ouvrir les portes et d'appliquer des pressions dans ces organisations pour qu'elles soient plus intégrées. C'est la troisième chose.
La quatrième est notre suggestion de créer un conseil de l'immigration du Manitoba pour refléter les intérêts de la communauté entière, du secteur public, des employés et des ONG. Alors l'effort de recrutement sera un effort collectif, et ne visera pas seulement un secteur de notre communauté. Si nous faisons tout cela, nous augmenterons de beaucoup les chances du Manitoba.
Je vous remercie de votre attention, monsieur le président. Je regrette, mais je dois partir.
Le président: Merci beaucoup. Vous êtes d'excellents ambassadeurs du Manitoba et de Winnipeg. Je vous remercie tous deux.
David Davis, au sujet du «peut» par rapport à «doit». Je pense que la question a été posée à propos de...
M. David Davis: Oui, l'alinéa 26c), dont Mme Neville a parlé.
Ce serait certainement une amélioration à cette loi, parce que je sais que le comité doit entreprendre très bientôt l'étude article par article, dès la semaine prochaine je pense. C'est pourquoi je voulais, en préface de mes commentaires, parler tout de suite des dispositions individuelles.
Il est important qu'il soit clair pour les personnes qui demandent une révision pour des raisons d'ordre humanitaire que leur demande sera, sous une certaine forme, examinée par le ministre. Alors que je pense que les termes...
Quelle est exactement la formulation que vous proposez, Mme Neville?
Mme Anita Neville: J'ai suggéré de supprimer, à l'article 26, «et, dans le cas d'attributions déléguées au titre du paragraphe 6(2), à l'article 25».
M. David Davis: C'est cela; tout enlever.
Mme Anita Neville: Oui.
M. David Davis: Merci.
Le président: C'est une bonne suggestion, Anita. Je vous remercie de cette observation.
Je crois, David, que la question vous a été posée.
M. David Matas: Quelles sont les trois plus grandes priorités de mes 23 recommandations?
Eh bien, bien entendu, j'aimerais qu'elles soient toutes appliquées, mais si je devais en choisir une seule, ce serait d'interdire la suppression de la mention de torture ou de mort. En aucun cas il ne faut enlever cela. Si j'avais à choisir deux recommandations, la deuxième serait une évaluation des risques dans tous les cas—pas seulement dans certains, mais tous les cas. Si je pouvais en choisir trois, la troisième serait d'accroître l'équité du système de détermination du statut de réfugié au bureau des visas; Tim Wichert vous en parlera plus longuement. Mais je les maintiens toutes.
Le président: Nous aussi, peut-être. Peut-être qu'il en passera plus que trois. Ce n'est pas une loterie. Ce sont de bonnes idées, et le travail de notre comité consiste de toute évidence à examiner ces idées, à les mettre de l'avant et à voir si le gouvernement et le ministre les acceptent et d'essayer d'améliorer le projet de loi. Alors je vous remercie.
Louise, avez-vous quelque chose à dire au sujet de... Non ? D'accord.
Nous laissons maintenant la parole à Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
Anita a tout dit lorsqu'elle a décrit le rôle que le Manitoba a joué dans la création d'une politique d'immigration accueillante: une tolérance qui transparaisse dans tous les aspects de notre société. C'est vraiment l'enjeu qu'il nous faut examiner, avec les témoins de ce matin.
Louise Simbandumwe l'a dit lorsqu'elle a parlé du ton du projet de loi, par opposition à n'importe quelle mesure spécifique, ce ton étant celui d'une préoccupation exagérée pour l'application de la loi et la protection, qui tire sur le préjugé.
Étant donné ce que nous voyons au Manitoba, et c'est représentatif de l'ensemble de la population, quel préjugé encourageons-nous avec ce projet de loi, qui sont ces gens, et pourquoi faisons-nous cela, alors qu'en fait tout le monde ce matin dit que si nous voulons être concurrentiels à l'échelle mondiale aux yeux des immigrants et des réfugiés, il nous faut avoir une politique d'accueil? Cela veut dire composer avec les obstacles aux réfugiés, avec l'exemple spécifique que Louise, David et d'autres ont donné.
• 1040
Nous ne devons pas seulement nous concentrer sur la classe
économique et l'ensemble de compétences, mais vraiment penser à la
réunification des familles et au parrainage, aux programmes
d'installation, à la reconnaissance des titres de compétence
étrangers, toute cette gamme de facteurs qui rendent le pays et la
province plus attrayants aux yeux de ces gens.
J'ai une autre chose à dire, monsieur le président. Tout le monde devrait savoir que le nombre d'habitants au Manitoba a augmenté récemment. Cependant, cette augmentation est intégralement attribuable au programme de désignation provinciale ou aux parrainages privés et de l'église, et non pas à notre cadre législatif. C'est ce que nous espérons changer avec ce projet de loi.
Est-il possible d'amender le projet de loi en ce sens? Permettez-moi de poser une autre question, plutôt théorique. Est-ce qu'avec ce projet de loi, notre situation ne sera pas pire qu'elle ne l'est maintenant, sur le plan de ces objectifs généraux?
La question s'adresse à quiconque veut y répondre.
Le président: Pourquoi ne pas essayer?
Louise, vous avez des commentaires?
Mme Louise Simbandumwe: Je ne suis pas sûre que ce soit pire, parce que je ne sais pas exactement ce que ça donnera.
Lorsque je pense à parrainer des parents... Ils sont dans une situation où la famille s'est scindée; la moitié est au Rwanda, la moitié au Burundi, et ceux qui sont au Burundi vivent une situation que je qualifierais de semblable à celle de réfugié, même s'ils ne sont pas des réfugiés, techniquement parlant...
Lorsque je regarde mon cas, moi qui essaie aussi de parrainer deux femmes qui sont actuellement à Nairobi—elles ont plus ou moins mon âge, et j'éprouve beaucoup d'empathie pour leur situation, parce que ce pourrait tout aussi bien être la mienne—je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans le projet de loi pour faciliter le processus de parrainage des réfugiés. Pendant ce temps-là, je sais que la vie de ces femmes est en péril, je suis assez certaine qu'elles risquent d'être violées et attaquées, même dans les camps de réfugiés.
Je n'en dirai pas plus.
Le président: Paul Ruest, avez-vous des commentaires?
M. Paul Ruest: Non, je dois partir, monsieur.
Le président: D'accord.
David.
M. David Matas: Eh bien, de toute évidence, ce que Louise a dit est juste. Il faudra attendre de voir comment ça se passera.
Cependant, si je prends un peu de recul et je regarde le tout rien que comme un texte législatif, et à la lumière de ce que j'ai entendu de diverses déclarations, je conclus que le fait que cette loi nous rende plus ou moins accueillants, comme pays, dépend de la composante du système d'immigration que l'on observe. Sur le plan économique, c'est mieux; mais du côté humanitaire, c'est pire, et c'est cela qui m'inquiète.
Le président: D'accord.
Excusez-moi, oui.
Mme Louise Simbandumwe: Très rapidement, une dernière chose qui m'inquiète, c'est que beaucoup est laissé aux règlements au lieu d'être intégré à la loi, en particulier ses aspects plus humanitaires.
C'est sûr que ça n'a pas la même force. Il est beaucoup plus facile d'y changer quelque chose sans attirer l'attention du public. Voilà donc autre chose pour quoi j'interviendrai, pour que certains éléments qu'Amnistie internationale et le CCR ont déclaré être assez positifs soient intégrés à la loi plutôt que d'être laissés aux règlements.
Le président: Merci.
David.
M. David Davis: Merci. J'aimerais mettre prévenir le comité que, lorsque l'étude article par article commencera, la semaine prochaine, il ne devrait pas se presser d'en finir.
Il s'agit ici d'une révision d'envergure d'un texte de loi sur lequel aucun groupe ne s'est penché depuis plus de 20 ans. Vous ne voudriez pas prendre de décisions hâtives en y intégrant des dispositions qui pourraient avoir des effets négatifs, dont les intervenants de ce matin nous ont donné des exemples, de même que ceux d'hier à Vancouver et ceux que vous entendrez à Toronto.
Donc, lorsque vous procéderez à l'étude article par article, tenez compte des commentaires de chacun et ne pressez pas trop les choses. C'est un texte important; vous ne devez pas perdre de vue la vision que le Canada devrait tenter de réaliser: l'inclusion plutôt que l'exclusion.
Le président: Permettez-moi de commenter ceci avant de quitter le fauteuil et de passer à d'autres questions.
Un nouveau projet de loi sur l'immigration est à l'étude depuis quatre ou cinq ans, ou même plus. Cela fait déjà quatre ou cinq ans que notre gouvernement s'est engagé à adopter une nouvelle loi plus moderne. Voilà déjà plusieurs années que le sujet revient sur le tapis par intermittence. Le projet de loi C-11 n'est que la plus récente version. Il découle en bonne partie des interventions.
Oui, nous espérons commencer l'étude article par article la semaine prochaine. Nous entendrons des exposés magistraux de 154 Canadiens et, d'ici là, nous en aurons entendu encore plus. Nous n'avons aucune intention de nous presser, parce que nous voulons être sûrs de bien faire les choses. Nous voulons nous assurer que la vision est valable, que la loi est bonne et que les droits sont respectés. Je ne doute pas que cette démarche soit longue. Nous prendrons tout le temps qu'il faudra.
J'ai confiance que lorsque nous nous attaquerons à la tâche fastidieuse de l'étude article par article, nos attachés de recherche et tous les autres qui sont ici veilleront à nous rappeler certaines des choses que vous avez dit, David, Louise, Hla et David, pour que nous puissions en capturer l'essentiel. Nous prendrons tout le temps qu'il nous faudra, mais je peux vous dire que le pays a besoin d'une nouvelle Loi sur l'immigration, et nous sommes déterminés à combler ce besoin. Nous ne la mettrons plus en sommeil, comme cela a été fait depuis quelques années. Ce n'était qu'un commentaire, si vous permettez.
Lorsque nous passerons aux questions, vous pouvez...
M. John Herron: Je voudrais faire un rappel au Règlement.
Le président: Oui.
M. John Herron: Ce n'est pas une question. C'était au sujet de l'allusion particulière à l'à propos de l'étude article par article du projet de loi. J'aimerais mentionner que, puisque nous allons entendre une quantité de témoins, même aussi tard que vendredi, nous aimerions avoir le temps de préparer des amendements que nous pourrions vouloir proposer lors de l'étude article par article. Nous sommes peut-être trop pressés d'entamer cette étude et nous aimerions avoir un délai législatif—au moins le début de la semaine prochaine—pour formuler nos amendements de façon à tirer le meilleur parti des présentations de cette semaine, particulièrement celles que nous devons entendre vendredi.
Merci, monsieur le président.
Le président: Oui. Je suis d'accord que nous avons tous besoin de temps, et jusqu'ici ce comité a très bien travaillé, et de façon non partisane. Je veux m'assurer, si nous pouvons atteindre un consensus au comité, que nous puissions aller en ce sens. Oui, du temps sera prévu pendant tout le déroulement du processus. Je ne suis pas sûr que nous terminerons l'étude article par article la semaine prochaine. Nous pourrions, en fait, prendre aussi la semaine suivante, mais nous devrons prendre le temps qu'il faudra pour nous assurer de bien faire les choses.
Ceci dit, je vais maintenant laisser la parole à Madeleine. Quelle était votre question?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
Même si certains de nos témoins ont dû quitter, je vais me permettre de faire un court commentaire sur leurs présentations. À mon avis, en ce qui concerne les besoins en matière d'immigration, le plaidoyer de M. Carr a tranché de façon très heureuse avec ce qu'on a entendu hier. Ils ont toutefois besoin d'une immigration qui réponde aux besoins du Manitoba et je peux comprendre cela.
Dans le contexte d'un pays riche et privilégié à maints égards, j'aurais aimé leur poser la question suivante, que je vous laisse à vous, qui êtes du Manitoba: en ce qui a trait à l'accueil des immigrants, avez-vous de la place pour des gens qui sont moins privilégiés, qui n'ont pas de doctorat, qui n'ont pas de baccalauréat, qui ont dû faire face à des situations difficiles? J'imagine qu'un jour ou l'autre, j'aurai des réponses à cet égard.
Monsieur Davis, vous êtes là. Je suis chanceuse. Dans votre exposé, vous faites référence à l'article 190 pour vous y opposer. Ai-je bien compris? Si j'ai bien compris, j'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi. Si j'ai mal compris, eh bien, vous me direz alors que j'ai mal compris, et je serai mieux informée après.
[Traduction]
M. David Davis: Les mots qui posent un problème dans l'article 190 sont «présentés ou instruites». Ce que nous proposons, c'est que seules les demandes qui ont été faites au ministère après l'entrée en vigueur du projet de loi C-11 soient régies par le projet de loi C-11, et non pas les dossiers déjà à l'étude. Par exemple, si j'avais demander à parrainer la venue de mon père de l'étranger maintenant. Faisons l'hypothèse que si ce texte est fait loi dans les six prochains mois, ce processus de parrainage se poursuivra après sont entrée en vigueur. Disons qu'il y ait dans le passé de mon père quelque chose à quoi s'applique négativement l'un des articles de cette nouvelle loi—sur le plan des procédures, bien sûr. Je parle de procédures et non pas d'aspects de fond, parce que d'après la jurisprudence, s'il y a des changements de fond dans la loi qui touche un processus en cours, l'intéressé aura l'avantage de n'être soumis qu'aux aspects positifs de la nouvelle loi. Je parle de questions de procédure, notamment de droits d'appel, et je sais que vous avez entendu beaucoup de choses de mes collègues de Vancouver hier, au sujet des droits d'appel.
• 1050
En vertu de ce projet de loi, si un processus est en cours à
ce moment-là, les immigrants seront régis par le projet de loi C-11. Nous
pensons qu'il ne devrait s'appliquer qu'aux dossiers qui
ont été ouverts après l'adoption du projet de loi C-11. Est-ce que
cela...?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'aurais peut-être un commentaire à faire à l'égard du vôtre. Si je comprends bien, vous craignez que la loi présentement à l'étude nuise à certaines personnes qui seraient déjà engagées dans le processus. Est-ce bien cela?
[Traduction]
M. David Davis: C'est bien cela.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. John McCallum): Merci, Madeleine.
En théorie, nous sommes censés avoir terminé, mais nous allons faire encore deux tours.
J'aimerais rapidement faire un commentaire, directement en rapport à ce que Louise disait. Je pense que ce que plusieurs personnes ont dit est vrai, que les règlements ont une très grande portée et que, en théorie du moins, les règlements pourraient neutraliser certains éléments centraux du projet de loi. Ce que je suggère c'est que, lorsque sera venu le moment de faire l'étude article par article, je proposerai un amendement dont le but serait de confirmer l'intention du gouvernement de nous assurer que toutes les questions touchant les droits et libertés fondamentaux et les principes de base ne seraient pas l'objet de changement par le biais des règlements.
Cela ne répond pas à tous vos soucis, mais je pense que ça réglerait un problème que plusieurs personnes ont soulevé.
John Herron.
M. John Herron: Oui. L'ordre d'idée que j'aimerais peut-être suivre, avec les questions, est que tout d'abord, je voudrais reprendre les observations de Louise, que le parti qui a proposé ce projet de loi est celui de Laurier, de Mike Pearson et de Pierre Trudeau. C'est un parti qui a toujours été très favorable à l'immigration. Cependant, le bémol des observations sur la criminalité a, réellement, a faussé l'orientation du débat et le but que devrait viser ce texte de loi, alors je reprends vos commentaires.
La question que j'aimerais poser à M. Davis se rapporte à son commentaire sur l'article 190, au sujet des demandes ou des appels qui sont, disons, en attente actuellement, pour lesquels nous devrions appliquer la loi actuelle plutôt que la nouvelle loi. C'est presque dire que la vieille voiture est mieux que la nouvelle. Est-ce que vous dites qu'on ne perd plus qu'on ne gagne avec ce texte de loi?
M. David Davis: Si vous parlez des droits d'appel des résidents permanents, absolument. Si vous parlez des droits d'appel des réfugiés, oui. Si vous parlez des droits d'appel et de l'accès aux tribunaux fédéraux pour les refus de visa à l'étranger, sans le moindre doute.
M. John Herron: Le Parti conservateur provincial doit proposer un amendement à l'article 25 visant à ce que toutes les demandes soient entendues et que l'attention voulue soit portée aux considérations humanitaires. Je tenais à ce que l'ABC le sache.
M. David Davis: Je vous remercie.
M. John Herron: J'ai terminé, monsieur le président.
Le vice-président (M. John McCallum): Merci.
[Français]
Yolande, avez-vous des commentaires ou des questions? Dans ce cas,
[Traduction]
Je tiens à tous vous remercier au nom du comité. C'est vrai, je suis coupable d'habiter maintenant Toronto, mais j'ai quand même vécu quatre ans au Manitoba.
J'aimerais suggérer aux membres du comité de régler leur note d'hôtel avant de revenir pour la reprise de la séance à 13 h, et d'apporter leurs bagages avec eux ici.
Merci beaucoup, la séance est levée. Non, elle n'est pas levée.
Une voix: Non, il y en a une autre.
Le vice-président (M. John McCallum): Bien sûr. Je vous fais mes excuses. Nous avons une autre présentation, mais je remercie ceux qui ont déjà présenté la leur.
Le vice-président (M. John McCallum): J'aimerais demander aux membres de revenir. J'ai été un peu trop pressé, je pensais que c'était l'heure du déjeuner. Le temps file lorsqu'on a du plaisir.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos nouveaux témoins: Shirley Matile, de l'Association des ingénieurs et des géoscientifiques professionnels du Manitoba; Tim Wichert, du Comité central mennonite; et Marty Dolin, du Conseil multiconfessionnel d'aide à l'établissement des immigrants au Manitoba. Je présenterai les autres au fur et à mesure.
Je demande à chacun de vous de faire une déclaration préliminaire de cinq minutes, en commençant avec Shirley Matile.
Mme Shirley Matile (directrice des admissions, Association des ingénieurs et géoscientifiques professionnels du Manitoba): Bonjour, monsieur le président et messieurs et mesdames membres du comité.
Je m'appelle Shirley Matile. Je suis directrice des admissions à l'Association des ingénieurs et géoscientifiques professionnels du Manitoba, l'APEGM, qui est l'organe de réglementation créé en vertu d'une loi provinciale dont le mandat est de réglementer les pratiques appliquées dans les domaines du génie et des sciences de la terre au Manitoba. L'association a actuellement plus de 3 700 membres, dont environ 460, ou 12 p. 100, ont acquis leur formation hors du Canada. Nous traitons 400 à 500 demandes de licence chaque année. Sur ce nombre, 30 ou 40 proviennent de demandeurs qui ont étudié à l'étranger.
L'APEGM, qui a été créée en 1920, a 81 années d'expérience de la formulation de normes visant l'admission dans la profession d'ingénieur et l'évaluation des compétences de personnes qui souhaitent obtenir une licence en fonction de ces normes. Les normes sont mises à jour régulièrement pour assurer la protection du public, tout en reconnaissant la portée continuellement changeante de notre profession. Les mêmes normes sont imposées à tous les demandeurs, et nous octroyons des licences à tous les demandeurs qui répondent aux normes.
Je suis ici aujourd'hui pour appuyer les représentations faites à Ottawa par la Coalition of Regulatory-Related Agencies, la CORA, et le Conseil canadien des ingénieurs professionnels, le CCPE. Nous pensons, nous aussi, que certains changements qui ont été proposés pourraient, sans que ce soit le but visé, nuire à des immigrants qui souhaitent exercer des professions autoréglementées comme la nôtre. Nous craignons que le projet de loi C-11 et ses règlements puissent provoquer la rupture d'un lien vital de communication entre notre profession et des immigrants potentiels, tant par l'élimination de la profession comme critère de sélection de l'immigration pour les travailleurs spécialisés qu'avec le renvoi des immigrants professionnels à des organes d'évaluation des compétences mandatées par les provinces. Pour les professions réglementées comme la nôtre, si la profession n'est plus un critère de sélection, le projet de loi C-11 devrait exiger des immigrants qu'ils communiquent directement avec l'organe de réglementation appropriée avant de prendre une décision en matière d'immigration. Ainsi ces gens auraient-ils les renseignements dont ils ont besoin sur la pratique des professions qui sont réglementées au Canada.
Nous sommes aussi inquiets de la proposition de création d'organismes d'évaluation des compétences mandatés par les provinces. Ces organismes ne sont ni capables, ni légalement habilités à évaluer les compétences en vue de l'octroi d'autorisations d'exercer, et elles pourraient très bien nuire au pouvoir législatif des professions de s'autoréglementer. J'ai personnellement été témoin de la détresse, de la confusion et, souvent, de la colère de douzaines d'ingénieurs immigrants qui ont versé de l'argent durement gagné aux organes d'évaluation des compétences rien que pour se faire dire qu'ils ne répondent toujours pas aux exigences de l'association. Le fait d'orienter des immigrants munis de compétences dans des professions qui sont réglementées au Canada vers des organes d'évaluation des compétences ne fera qu'ajouter à leur confusion et à leurs déceptions.
• 1105
J'aimerais vous parler de l'expérience, au Manitoba, de la
certification professionnelle. Il y a une dizaine d'années, le
gouvernement du Manitoba a répondu aux préoccupations exprimées par
des professionnels immigrants en créant un groupe de travail sur
les titres de compétences des immigrants. Le rapport qu'a présenté
ce groupe en 1991 recommandait la création d'un réseau d'évaluation
des titres de compétence et des aptitudes pour régler tous les
problèmes liés à la reconnaissance des titres de compétence dans
tous les métiers et professions. En réponse à ce rapport, le
gouvernement a créé la Direction des diplômes et des immigrants et
du marché du travail. Cette Direction a vite compris que c'était
une tâche impossible que de faire double emploi à l'organe de
réglementation ou d'agir parallèlement à lui. Reconnaissant les
années d'expertise et l'autorité légale de la profession, elle a
commencé à collaborer avec les organes de réglementation dans le
cadre d'une relation qui a été réellement fructueuse, non seulement
pour le gouvernement et les autorités de réglementation mais,
facteur beaucoup plus important, pour les immigrants qui ont
maintenant un organe central au Manitoba dont ils peuvent obtenir
des renseignements sur les exigences professionnelles. Comme la
Direction subventionne les immigrants dans leur quête
d'autorisation d'exercer leur profession, nous pensons que cela a
aidé à accroître le nombre d'ingénieurs professionnels immigrants
au Manitoba.
Nous partageons la préoccupation du CCPE et des CORA au sujet de l'hypothèse que les immigrants qui pratiquaient une profession dans leur pays d'origine seront satisfaits d'exercer des métiers connexes s'ils ne sont pas autorisés à exercer au Canada. L'APEGM, avec les autres autorités de réglementation provinciales de la profession d'ingénieur, travaillent avec diligence pour créer des normes, et non pas des obstacles, visant la pratique de la profession d'ingénieur au Canada. Nous veillons à ce que nos normes ne visent pas seulement à protéger le public mais qu'elles soient également applicables à tous les demandeurs. En fait, la Commission des droits de la personne a reconnu l'équité du processus d'admission de l'APEGM à deux occasions distinctes au cours des dernières années. De telles épreuves démontrent cependant que, pour beaucoup d'immigrants, la pratique d'un métier connexe n'est pas une solution acceptable. Je peux vous assurer que, d'après mon expérience, les ingénieurs immigrants veulent réellement être des ingénieurs au Canada.
Pour terminer, l'APEGM se joint au CCPE et aux CORA pour demander que le paragraphe 3(3) du projet de loi C-11 soit amendé de manière à comporter une référence directe aux autorités de réglementation provinciales ou territoriales. Nous demandons en outre que le projet de loi C-11, dans ses règlements, reconnaisse explicitement l'expertise et l'autorité réglementaire des organes de réglementation existants à l'égard de l'évaluation des compétences professionnelles de tous ceux qui demandent d'être admis dans les professions au Canada, et que de la circonspection soit exercée dans les recommandations visant l'utilisation des organes de reconnaissance des titres de compétence mandatés par les provinces.
Je vous remercie de votre attention.
Le vice-président (M. John McCallum): Merci beaucoup.
Je laisserai maintenant la parole à Timothy Wichert, du Comité central mennonite.
M. Timothy Wichert (coordonnateur du Programme canadien pour les réfugiés, Comité central mennonite): Merci, monsieur McCallum. Le Comité central mennonite est heureux d'avoir cette occasion de commenter le projet de loi C-11.
Nous nous intéressons à la question de l'immigration et des réfugiés depuis la création de notre comité, en 1920. En 1979, le CCM a été la première organisation nationale à conclure un accord-cadre avec le gouvernement en vue de faciliter le parrainage d'initiative privée des réfugiés. Au cours des 20 dernières années, nous estimons avoir aidé plus de 10 000 réfugiés, au coût pour nos églises d'environ 50 millions de dollars. La nouvelle loi qui se rapporte à ces questions nous intéresse donc évidemment, et nous préoccupe.
Dans nos recommandations écrites, que vous avez reçues, nous avons exposé six questions spécifiques. J'aimerais me concentrer sur deux d'entre elles. Tout d'abord, le projet de loi C-11 n'améliore pas le traitement des réfugiés à l'étranger. Sans amélioration importante, les réfugiés à l'étranger continueront de vouloir venir présenter au Canada leurs demandes d'asile. Deuxièmement, il doit y avoir un meilleur équilibre entre un soi-disant engagement à sévir et à exclure des gens pour des activités passées et la nécessité de faire preuve de compassion, d'offrir des chances de nouveau départ, et aussi de permettre à des familles de rester unies.
Je vous donne un exemple en rapport avec ces deux questions. Une église mennonite de l'Ontario a présenté une demande de parrainage d'un réfugié du Soudan, M. Ashien He, qui avait fait l'objet de persécutions dans son pays en raison de sa chrétienté et de son appui à l'opposition politique du sud du Soudan. Il a rencontré un agent canadien de l'immigration qui a décidé qu'il ne pouvait venir au Canada. Il était inadmissible en raison de ses liens avec l'opposition politique, le Mouvement populaire de libération du Soudan. En raison de certaines activités de l'organisme, il était réputé un terroriste. Rien ne laissait croire qu'il avait participé à des actes de violence. Il a été jugé coupable par association. Nous étions perplexes.
• 1110
Le gouvernement du Canada n'a jamais dit que le Mouvement de
libération ou l'Armée populaire de libération du Soudan étaient des
groupes terroristes. En fait, les Affaires extérieures travaillent
activement avec eux en tant que partie légitime aux pourparlers de
paix. Le MCC connaissait M. Ashien comme un être bon et généreux
qui chante dans la chorale de l'église et qui travaille fort pour
arriver. Nous l'avons donc aidé à obtenir un contrôle judiciaire de
son cas. Nous avons soutenu que l'agent d'immigration avait lancé
un filet trop large. Ce n'était pas un terroriste. Il n'avait pas
participé à des activités terroristes.
Il a obtenu une nouvelle audience, mais l'affaire avait pris entre temps une nouvelle tournure. Son fils et son épouse de fait s'étaient enfuis du Soudan et avaient demandé, de l'Égypte, à immigrer au Canada. Ils ont été admis et ils se sont installés à Edmonton durant l'été de 1999. Nous avons présenté cette information au bureau des visas là-bas en arguant qu'il s'agissait d'une raison impérieuse qui primait sur le fait qu'il soit ou non terroriste. Sa demande a à nouveau été rejetée.
Nous avons demandé à obtenir copie de son dossier pour voir sur quoi achoppait le ministère de l'Immigration. Nous l'avons reçue un an plus tard. Voici ce que nous avons appris. Tout d'abord, six personnes au moins au sein du gouvernement tentaient de monter un dossier contre lui et, pourtant, quand il a demandé que quelqu'un soit présent à son entrevue simplement pour avoir de l'appui moral, on a refusé sa demande.
Ensuite, l'agent d'immigration qui a pris la décision dans son dossier avait ceci à dire dans un courrier électronique envoyé à l'administration centrale de l'Immigration à Ottawa, avant l'entrevue:
-
Vous nous conseillez de communiquer avec vous avant la prochaine
entrevue afin de monter un dossier solide justifiant le refus.
Veuillez m'informer par courrier électronique de toutes suggestions
que vous pourriez avoir concernant la préparation du dossier.
Un agent de l'immigration préparait le dossier de refus avant même l'entrevue.
En troisième lieu, au sujet de la question que nous avons soulevée, soit les liens familiaux au Canada et les raisons d'ordre humanitaire, un des courriels échangés entre les agents d'immigration dit:
-
À moins que la personne n'ait demandé une décision R 21, ne la lui
donnez pas. À moins d'en avoir fait la demande auprès de
l'organisme, il ne peut pas prétendre, lors du contrôle judiciaire,
qu'on a rejeté sa demande.
Voilà qui met bien en valeur le danger d'inclure certaines choses dans les règlements, car on nous dit que le règlement prévoit justement le contraire, soit qu'un examen pour des raisons d'ordre humanitaire est automatiquement déclenché quand il existe des liens familiaux irréfutables.
Où préféreriez-vous faire une revendication du statut de réfugié? Sans amélioration sensible de ce système à l'étranger, les réfugiés chercheront des moyens de venir au Canada pour présenter leur demande d'asile. Au Canada, ils ont accès à un tribunal plutôt indépendant, à des décisions beaucoup plus équitables, à un processus plus rapide et à un nouveau processus projeté de révision. De plus, ils peuvent demander conseil et se faire aider par un avocat ou un conseiller.
Notre mémoire comporte plusieurs recommandations visant à améliorer le processus. Ne vous contentez pas de faire des retouches. Apportez des améliorations concrètes. Par exemple, vous pourriez prévoir à la partie 2 un nouveau service de la Section de protection des réfugiés qui se prononcerait au sujet des revendications du statut de réfugié présentées à l'étranger. Vous pourriez prévoir un contrôle des décisions prises à l'étranger par la nouvelle Section d'appel ou encore la Section d'appel de l'immigration.
Par ailleurs, les motifs de sécurité sont beaucoup trop généraux et mal définis et il faudrait mieux définir des expressions comme «subversion» et «terrorisme». Actuellement, ils sont utilisés arbitrairement pour exclure trop de gens. Tous les membres actuels et passés du Congrès national africain de l'Afrique du Sud pourraient être réputés inadmissibles au Canada parce qu'ils sont encore aujourd'hui des terroristes, y compris Nelson Mandela. Il faut prévoir dans la loi des limites rigoureuses pour empêcher les agents d'immigration de lancer de trop grands filets, avec pleins pouvoirs discrétionnaires. Il faudrait limiter la définition de terrorisme aux actes décrits dans les conventions des Nations Unies, par exemple le détournement d'avion, la prise d'otage et les bombardements.
M. Ashien persiste à vouloir venir au Canada. Cinq ans plus tard, nous essayons toujours.
Toutefois, cette affaire illustre les lacunes du projet de loi C-11. Elle fait ressortir la raison pour laquelle des améliorations sensibles s'imposent dans le traitement des réfugiés à l'étranger et la raison pour laquelle une terminologie floue et trop générale destinée à durcir le ton et à empêcher l'entrée de personnes au Canada est sévère. Si le projet de loi n'est pas changé, il continuera de fermer nos portes à des réfugiés authentiques qui sont travailleurs et qui cherchent à recommencer leur vie avec leur famille. Il faudrait que ce soit une priorité.
Le vice-président (M. John McCallum): Monsieur Wichert, je vous remercie beaucoup.
Nous entendrons maintenant M. Marty Dolin, du Manitoba Interfaith Immmigration Council. Monsieur Dolin, soyez le bienvenu.
M. Marty Dolin (directeur général, Manitoba Interfaith Immigration Council): Monsieur le président, je vous remercie beaucoup.
J'aimerais simplement revenir sur un commentaire et une question qu'a posée Anita Neville tout à l'heure, au sujet d'une vision. Art Mauro a entre autres mentionné que, d'après sir Wilfrid Laurier, le XXe siècle appartenait au Canada. Une de ses hypothèses était que le 31 décembre 2000, le pays compterait 100 millions d'habitants. C'est faux.
L'une des pierres angulaires de toute loi d'immigration est la population optimale dont a besoin le Canada pour atteindre son meilleur niveau de productivité et avoir le meilleur contexte social et économique en tant qu'État souverain. Il faut selon moi que ce débat ait lieu quelque part. J'ignore si votre comité est la tribune qui convient.
Mon hypothèse de départ vient d'une certitude manitobaine que Jim Carr a fort bien énoncée. Nous avons besoin de plus de gens dans cette province. Nous avons besoin de plus de riches. Nous avons besoin de gens qui feront des enfants qui iront à l'université, qui obtiendront leurs diplômes et qui bâtiront la province. La meilleure façon de les conserver à la ferme, au Manitoba, est de les laisser avoir des liens familiaux et des emplois. Le projet de loi pose de graves problèmes à cet égard, à mon avis.
J'étais moi aussi engagé dans le parrainage de réfugiés, comme le Comité central mennonite. Le Manitoba Interfaith Immigration Council le fait depuis 1945 environ. Nos origines ne remontent pas à 1920.
L'alinéa 14(2)c) me tracasse beaucoup, tout comme il inquiète de nombreux organismes confessionnels qui parrainent des gens. La disposition permet l'établissement de contingents et de limites quant au nombre de visas émis. Quand on est manitobain et qu'on affirme avoir besoin de plus de gens dans la province, pourquoi voudrait-on imposer des plafonds et des limites? Une question connexe, pourquoi y a-t-il un plafond imposé au programme des candidats d'une province? Si des employeurs de cette province souhaitent faire venir ici des gens qui ont des compétences qu'ils ne peuvent trouver au Canada et qu'ils ont des emplois à leur offrir, pourquoi y aurait-il des limites? Ce serait autolimitatif s'il n'y avait pas d'emploi pour les gens qui ont ces compétences particulières. Ils ne les feraient pas venir ici. Cette disposition me tracasse, et j'estime qu'il faudrait la retrancher du projet de loi. Il ne devrait pas y avoir de plafond, particulièrement en ce qui concerne le parrainage privé.
Cela m'amène au paragraphe 12(2), en rapport avec le regroupement familial.
J'aimerais vous situer quelque peu en contexte. En 1992, le règlement d'application de la Loi sur l'immigration a été changé. Jusque là, vous pouviez parrainer l'immigration de frères, de soeurs, de nièces, de neveux et ainsi de suite. Le ministre d'alors, M. Valcourt, a modifié la loi.
Aux environs de 1993 ou 1994, une étude a été menée à Peel, en Ontario, étude qui s'est depuis lors avérée au mieux ambiguë et au pire tout à fait fausse. On était en effet venu à la conclusion que 14 p. 100 des personnes parrainées par un membre de la famille étaient des parasites pour employer un terme que tout le monde connaît. Les gens revenaient sur leur décision de parrainer des proches pour lesquels ils avaient signé. On sait aujourd'hui que c'est faux. Par exemple, il fallait signer que l'on parrainerait la personne pendant 10 ans. Si la personne parrainée devenait pour une journée bénéficiaire de l'assistance sociale, de l'assurance-chômage ou de toute autre forme d'aide sociale, on estimait que le parrainage était un échec. C'est tout à fait faux. J'ai parlé aux gens de Peel.
Simultanément, j'ai fait ma petite étude à Winnipeg. J'ai appelé Russ Simmonds, directeur de l'aide sociale, pour lui demander combien de parrainages ratés nous avions à Winnipeg par rapport au nombre d'assistés sociaux. À ce moment-là, soit durant la même période où a été effectuée l'étude de Peel, le nombre de bénéficiaires de l'assistance sociale à Winnipeg était de 13 700. Le nombre de parrainages ratés était—comptez-les bien—de 11, soit 0,0029 p. 100, ce qui est certes loin des 14 p. 100 de Peel.
La réalité—il en a été question ici, et Ken Zaifman a effleuré la question—, c'est que, lorsque les personnes signent une entente contractuelle exécutoire avec le gouvernement, il n'y a pas de repli sur l'assistance sociale ou sur toute autre forme d'appui pour les immigrés parrainés par un membre de la famille.
Un point qui me tracasse, c'est que, quand Sergio Marchi était ministre, il a extrapolé que, d'après l'étude de Peel, cela signifierait 300 000 personnes et X millions de dollars. J'ai ensuite entendu Mme Robillard dire la même chose et, récemment, soit au cours des six derniers mois, j'ai entendu la ministre actuelle, Elinor Caplan, citer à nouveau l'étude de Peel. J'aimerais souligner à votre comité que, si un examen était fait des résultats de cette étude, on constaterait qu'ils sont faux. Les résultats sont inexacts et, assurément, d'après mes contacts à Winnipeg, on ne peut faire une extrapolation et les appliquer au reste du Canada.
• 1120
En réalité, nous avons besoin de plus de gens dans ce pays. Je
proposerais fort simplement que soit modifié le paragraphe 12(2) de
manière à ouvrir nos portes plus grandes. Je soulignerai également
l'existence d'une étude nationale commandée par Mme Robillard et
intitulée «Au-delà des chiffres». Les résultats ont été publiés en
1997. On a entre autres signalé, au sujet de la capacité de faire
entrer des immigrants au Canada, qu'il était possible de régler le
problème du parrainage par des membres de la famille simplement en
incluant une disposition qui permet l'immigration de personnes à
l'égard desquelles un Canadien est disposé à prendre un engagement
de parrainage exécutoire à long terme, point final. Il n'y est même
pas question de liens familiaux. Si je voulais parrainer mon ami,
que j'étais disposé à signer un contrat et que j'avais les moyens
de le faire, voilà la recommandation que l'on faisait.
Il faudrait certes permettre aux gens de parrainer leurs frères, soeurs, neveux et nièces. Dans mon travail où nous aidons également les gens à s'établir, nous constatons un grand nombre de problèmes posés par les familles élargies dont des membres sont absents. Votre cousin ou votre frère vous manque; vous êtes inquiet à son sujet, comme Louise l'a très nettement souligné, parce qu'il est réfugié quelque part, dans des circonstances très dangereuses, et qu'on ne peut le faire venir au Canada. Selon moi, il faudrait modifier le paragraphe 12(2) et dire: «La sélection d'un étranger en tant que membre de la catégorie de la famille s'effectue par la signature d'une entente d'aide offerte par un citoyen canadien ou un résident permanent», point final, comme l'a recommandé le Comité d'examen de l'immigration qui a fait une tournée au Canada en vue d'entendre les nombreux témoins. Selon lui, c'est ainsi qu'il faudrait procéder, obliger ceux qui font venir leurs proches ici à s'engager à les soutenir, de sorte que le Canada n'a pas à s'inquiéter du fardeau financier.
Il s'agit-là selon moi d'un des plus importants enjeux dont auront probablement à traiter la plupart d'entre vous qui êtes des députés en milieu urbain, soit des gens qui viennent vous demander pourquoi ils ne peuvent pas faire venir leur frère, leur soeur, leur nièce ou leur neveu—qui se trouve en situation périlleuse. Avant 1992, ils pouvaient le faire, et je crois que le projet de loi à l'étude est rétrograde à cet égard. Il ne tient même pas compte de ce qu'a recommandé le comité d'examen ou des résultats obtenus avant 1992.
Voilà qui met fin à mon exposé.
Le vice-président (M. John McCallum): Monsieur Dolin, je vous remercie beaucoup.
[Français]
Nous passons maintenant aux représentants de l'École technique et professionnelle. Monsieur Dandeneau et madame Pelletier, soyez les bienvenus.
M. David Dandeneau (directeur, Bureau de soutien au développement, École technique et professionnelle): Je vous remercie.
Notre présentation sera très brève. Je suis directeur du Bureau de soutien au développement à l'École technique et professionnelle, un petit collège communautaire situé sous le même toit que le Collège universitaire de Saint-Boniface. Je suis responsable du recrutement des étudiants internationaux et de tout le recrutement des étudiants en général. Marjolaine Pelletier travaille avec moi sur le dossier international. Nous allons donc nous partager la présentation.
L'École technique et professionnelle de Saint-Boniface a pour mission d'offrir une éducation postsecondaire en français à la population francophone du Manitoba et à toute autre personne qui veut se prévaloir de cette éducation. Notre établissement est reconnu par le gouvernement provincial comme étant l'établissement qui forme une main-d'oeuvre bilingue pour le Manitoba. Au collège communautaire, nous offrons divers programmes de deux ans qui mènent au diplôme.
Mme Marjolaine Pelletier (responsable du dossier international, École technique et professionnelle): De plus en plus, notre population d'étudiants internationaux augmente. Ces étudiants proviennent de pays francophones partout au monde. Ils viennent chez nous afin de pouvoir combler des postes qui exigent une connaissance des deux langues officielles du Canada. Ils choisissent de poursuivre leurs études chez nous à cause de la possibilité que nous leur offrons d'étudier en français et d'apprendre l'anglais.
Après quelques années d'études, certains de ces étudiants s'intéressent à demeurer au Canada. On ne saurait trouver des candidats mieux préparés à répondre aux exigences de leur pays d'adoption.
M. David Dandeneau: Le projet de loi semble accorder peu de place à l'importance qu'ont les étudiants étrangers pour le Canada ainsi qu'à l'objectif visant à faciliter le recrutement d'étudiants par les établissements d'enseignement postsecondaire. Il faudrait que les changements qui seront apportés à la loi facilitent l'entrée d'étudiants étrangers en raison des avantages d'ordre pédagogique, économique et culturel que ces étudiants apportent au Canada.
• 1125
Tout récemment, j'ai été approché par la compagnie
Great-West Life Assurance qui vient de fusionner
avec la London Life Insurance Company ou
d'acheter cette compagnie, je
crois. Ils ont une pénurie grave
d'employés bilingues. Nous avons beau recruter des
personnes provenant du
bassin de la francophonie et même des écoles
d'immersion du Manitoba, nous n'arrivons pas à
répondre à
la demande. Nous sommes donc obligés de tenter de
recruter des personnes à l'international. Même à ça,
nous ne sommes pas convaincus
qu'avec... Nous disons souvent que nous avons de
la difficulté à attirer ou à faciliter
l'entrée des étudiants internationaux pour qu'ils
viennent étudier chez
nous.
Mme Marjolaine Pelletier: Puisque nos droits de scolarité pour les étudiants internationaux sont très élevés, il serait très souhaitable que ceux-ci puissent avoir un emploi à temps partiel à l'extérieur du campus pendant leurs études ou leurs vacances. Habituellement, nous leur accorderions entre 15 et 20 heures par semaine. En plus de faciliter leur intégration à la société canadienne du Manitoba, ceci aiderait à combler la pénurie de ressources humaines dans certains secteurs de l'économie manitobaine.
Les étudiants qui viennent ici veulent apprendre l'anglais. La meilleure façon pour eux de faire cet apprentissage-là, c'est de travailler dans des entreprises anglophones. Lorsqu'ils y travaillent, ils apprennent la culture et la langue. C'est aussi une façon pour eux de payer leurs études. Les étudiants étrangers ne sont pas différents de nos étudiants, qui doivent souvent payer leurs propres études. Ils sont souvent à la charge de leurs parents. Ils se sentent mal parce qu'ils doivent accepter l'argent de leurs parents pour venir ici. Ils apprécieraient pouvoir leur offrir un peu d'aide afin d'alléger ce fardeau-là.
M. David Dandeneau: Les gouvernements ou le public canadien doivent en payer une partie. Souvent, des programmes d'intégration sont mis en place pour ces nouveaux immigrants. Cette intégration est déjà faite sans qu'il en coûte quoi que ce soit au public canadien, parce que les étudiants payent eux-mêmes leurs droits de scolarité. Par le fait même qu'ils ont séjourné ici, ils sont carrément intégrés dans la société canadienne.
Nous sommes donc complètement d'accord sur la position de l'AUCC concernant les étudiants internationaux. Je cite un extrait de son rapport:
-
Ils apportent énormément à l'entreprise universitaire
et ils portent en eux une ouverture sur le monde qui
profite à nos classes et campus canadiens. Les
étudiants internationaux participent également à la
vitalité économique des universités canadiennes et des
communautés dans lesquelles ils s'établissent. À
longue échéance, les anciens étudiants internationaux
ayant fréquenté un établissement canadien deviennent à
l'étranger d'importants représentants—pour ne pas dire
ambassadeurs—du Canada, de ses valeurs et de son
commerce.
Je vous remercie beaucoup.
Le vice-président (M. John McCallum): Je vous remercie beaucoup.
On a eu une présentation semblable hier à Vancouver. Personnellement, je suis tout à fait en faveur des mesures qui facilitent l'entrée des étudiants étrangers. Je pense que c'est bon non seulement sur le plan économique, mais aussi sur les plans social et culturel.
[Traduction]
Je vous remercie énormément.
Nous cédons maintenant la parole à M. Singh, de la Dynamic Sikh Cultural and Senior society.
M. Kewal Singh (Dynamic Sikh Cultural and Senior Society Inc.): Je vous remercie.
J'ai entendu Donald et mes amis dire tant de choses, il y a tant de pays où couvent des conflits non déclarés qui ont fait fuir les gens vers des pays où ils peuvent obtenir asile. Malheureusement, nous constatons depuis longtemps que les personnes engagées dans des activités en rapport avec les droits de la personne se voient refuser la chance de s'établir et essuient des refus répétés quand elles demandent des visas, voire qu'on refuse de leur remettre un formulaire de demande de visa.
• 1130
Je demanderais donc à votre comité permanent d'essayer de
changer des expressions comme celles dont il a été question, par
exemple, le mot «terroriste». La terminologie employée dans le
projet de loi à l'étude est très floue. Il faudrait la préciser. Il
faudrait voir les faits avec bienveillance. Ceux qui cherchent à
faire respecter les droits de la personne ne devraient pas être
qualifiés de terroristes. Il y a également d'autres points que nous
aimerions voir modifiés, comme l'exclusion d'office de personnes
jugées coupables de crimes à l'étranger. Cela permettrait de mettre
en place un processus pour les demandeurs d'asile qui ont été
déclarés coupables de crimes graves. Il faudrait que l'évaluation
des risques soit faite par un comité puissant comme la Commission
du statut de réfugié, plutôt que par Citoyenneté et Immigration
Canada, parce que ces membres ont plus de privilèges.
Comme nous le savons, le gouvernement du Canada respecte pleinement la convention des Nations Unies interdisant la torture qui interdit aussi de refouler dans son pays quiconque s'exposerait à d'autres actes de torture, quoi qu'il ait fait dans le passé. Il faut donc respecter de pareils engagements dans toutes les lois que nous adoptons.
On accordera une attention spéciale aux gens d'affaires, ainsi qu'aux étudiants, parce que ces personnes qui viennent essayer de s'établir ici travaillent fort pour bien vivre. Comme l'a dit Marty Dolin, on a dit que 14 p. 100 d'entre eux étaient des assistés sociaux, ce qui est faux. De nombreuses études, de nombreux organismes, ont prouvé que ces personnes sont de bons citoyens.
Il faudrait affecter la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à la fourniture de consultations spéciales pour ceux qui présentent des demandes répétées. Il s'agit-là d'une vive préoccupation. Nous proposons d'abolir l'exigence qui veut que l'on obtienne la permission de comparaître devant la Cour fédérale pour obtenir la révision judiciaire d'une demande de visa rejetée et ainsi de suite. Il faudrait publier un rapport annuel au sujet de toutes ces affaires, pour que les gens sachent ce qui se passe.
Je vous remercie.
Le vice-président (M. John McCallum): Je vous remercie beaucoup.
[Français]
Nous aurons maintenant une période de questions.
[Traduction]
Inky, voulez-vous être le premier?
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Soyez les bienvenus, et je vous remercie de vous être donné la peine de venir.
Je conviens facilement avec vous qu'il faut que nous décidions de l'orientation que va prendre notre pays pour ce qui est de l'immigration. Il faut aussi que nous ayons une idée des nombres. Le gouvernement affirme que la cible est de 1 p. 100, mais, à ce rythme-là, où en serons-nous dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans? C'est une question très importante qui a été soulevée, ce matin.
Je suis allé en Chine le mois dernier. Après avoir eu la chance de m'entretenir avec de nombreux agents de consulat et d'agents d'immigration, je conçois le dilemme comme étant qu'on essaye de bien faire son travail en ayant les ressources, la main-d'oeuvre et les outils voulus, qu'on essaye de frapper un juste équilibre entre la sécurité des frontières et la libre circulation des personnes, de sorte que le Canada est perçu comme un pays humanitaire. De nombreuses personnes dans le monde souhaitent venir ici. C'est un fait. Il n'est pas facile de maintenir l'équilibre entre les deux. Dès que nous donnons à ceux qui voient l'exécution des lois plus d'outils, ceux qui défendent les réfugiés de ce côté-ci se plaignent et disent que nous serrons trop la vis. Cependant, pour l'instant, je vais me tenir loin de ce débat.
Je vais vous demander de nous parler de toute la question de l'appui et de l'intégration dans la société canadienne. Durant l'année qui se termine, le Danemark a adopté une loi d'intégration qui traite de l'intégration des réfugiés et de l'appui social et financier entre autres auxquels ils ont droit. Vous pouvez peut-être répondre à la question de savoir si notre gouvernement actuel fait du bon travail dans ce domaine? Quelle est votre opinion personnelle au sujet de l'intégration?
M. Marty Dolin: Voilà une question intéressante.
Vous demandez à savoir si nous faisons du bon travail sur le plan de l'établissement des réfugiés. Je vous répondrai que les ONG qui ont des contrats avec le gouvernement en font de plus en plus dans le cadre d'accords fédéraux-provinciaux. Les provinces commencent à être actives dans ce domaine. Au Manitoba, nous avons une approche très positive par rapport à l'Europe. En fait, moi et d'autres Canadiens avons été invités à montrer aux Européens comment faire participer les gens, comment parvenir à faire travailler et à intégrer dans la société des réfugiés dans des endroits comme la Hollande, où ils pourrissent dans des centres de réfugiés pendant des années. Nous faisons de l'excellent travail.
• 1135
Le côté négatif, c'est que très souvent le gouvernement du
Canada nous considère comme ses employés et, parce qu'il tient les
cordons de la bourse, il pense qu'il peut nous dire comment faire
notre travail en tant qu'ONG. Je suis certain que c'est le cas du
MCC et du Conseil multiconfessionnel. Cela créé de graves
problèmes, car nous avons notre personnel, nous sommes des
professionnels dans notre domaine et nous savons ce que nous
faisons, mais très souvent nous travaillons contre le gouvernement,
qui nous dit comment, selon lui, nous devrions travailler et
effectuer nos recherches au lieu d'écouter notre expérience. Les
consultations ont donc tendance à être unilatérales, mais je crois
que cela constitue un problème de nature législative plutôt que
bureaucratique.
M. Timothy Wichert: Monsieur Mark, il y a vingt ans, quand nous avons signé un accord avec le gouvernement en matière de parrainage, nous ne lui avons pas demandé de subventions. Nous voulions apporter l'aide nous-mêmes. C'est ce que voulaient nos églises. Elles voulaient amasser les fonds pour aider les réfugiés à venir au Canada, à s'y intégrer et à s'y établir. Il y a vingt ans, en l'espace de deux ans, nous avons fait venir—partout au pays, non seulement les Mennonites—environ 60 000 immigrants de l'Asie du Sud-Est. Environ la moitié d'entre eux ont été parrainés par le secteur privé. Aujourd'hui, le nombre d'immigrants se situe aux alentours de 3 000. Ce sont là les frustrations auxquelles nos groupes privés sont confrontés. Cinq ans plus tard, nous tentons d'amener une personne au Canada. Nous sommes prêts à accomplir notre tâche. Nous demandons au gouvernement de bien vouloir accomplir la sienne, c'est-à-dire traiter les demandes. Pour ce qui est de l'intégration des immigrants, nous nous en chargerons par l'entremise du parrainage privé.
En ce qui concerne les chiffres dont vous avez parlé au début, le débat porte habituellement sur les demandes effectuées au Canada. Ceux qui demandent l'asile une fois au Canada arrivent dans des bateaux rouillés après avoir traversé la frontière américaine. Au cours des dernières années, leur nombre s'est élevé à 25 000 en moyenne. L'an dernier, il a grimpé à environ 35 000. Parallèlement, ces huit dernières années, le nombre de demandes de statut de réfugié traitées à l'étranger est passé de 14 000 à 7 000. C'est comme mettre la pièce à côté du trou. Les quotas relatifs au traitement des demandes à l'étranger ont été abaissés, même si les facteurs qui poussent les gens à venir ici existent toujours. Une personne désespérée est prête à tout. Elle est déterminée à se rendre dans un pays sûr. C'est ce qu'elle fait. Si nous ne pouvons pas traiter sa demande à l'étranger, elle viendra ici par d'autres moyens.
C'est pourquoi nous demandons que le processus de traitement à l'étranger soit amélioré, par l'ajout de ressources si nécessaire, afin qu'il soit viable.
M. David Dandeneau: Je ne peux que parler de ma propre expérience. En 1980, mon épouse et moi-même avons parrainé par l'entremise de notre paroisse une famille laotienne. Nous avions deux enfants et nous attendions des jumeaux. Notre maison était passablement grande, et c'est pourquoi notre paroisse nous a demandé si nous pouvions accueillir ou parrainer la famille chez nous. Il s'agissait d'une mère avec sept enfants. Nous avons hésité au début, car il s'agissait d'une grande responsabilité, mais nous n'avons jamais regretté notre choix. Nous avons beaucoup appris, et cette expérience m'a montré qu'il n'en a presque rien coûté au gouvernement. C'est nous qui avons assuré le soutien. Nous en avons appris beaucoup sur la culture de ces immigrants. Ils nous ont aidés quand les jumeaux sont nés. La mère nous envoyait de la nourriture par l'entremise de ses filles, et nous avons appris à connaître une toute nouvelle culture et une nouvelle cuisine.
Depuis ce temps, je suis tout à fait d'accord pour que mes impôts servent à l'intégration d'immigrants comme eux, car depuis lors, ils ont probablement redonné au gouvernement dix fois la somme que ce dernier a déboursée, car ils ont tous un emploi, des voitures, des maisons et des familles. Ils ont grandement contribué à notre société. En raison de cette expérience, je serais certes prêt à payer davantage d'impôts pour encourager le gouvernement canadien à ouvrir ses frontières aux immigrants.
Le vice-président (M. John McCallum): Je vous remercie beaucoup.
Puisque nous sommes au Manitoba, nous pourrions donner la priorité à...
Pardon.
[Français]
Mme Marjolaine Pelletier: Je voudrais ajouter que c'est ce type d'expérience qui enrichit nos étudiants au niveau collégial. Nos étudiants canadiens ont autant avantage à côtoyer les étudiants internationaux que les étudiants internationaux ont avantage à côtoyer les étudiants canadiens, et même plus. Il acquièrent une culture et une ouverture sur le monde. Ils connaissent une culture générale qui est indispensable et qu'on ne peut pas négliger. On ne peut pas dire non à nos étudiants canadiens. Je pense que c'est un enrichissement des deux côtés, surtout pour nos étudiants canadiens.
Le vice-président (M. John McCallum): J'allais donner la priorité au Manitoba, mais Yolande indique qu'elle a un point à soulever.
Mme Yolande Thibeault: Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais bien m'adresser à Mme Pelletier et à M. Dandeneau au sujet du problème qu'ils nous ont soumis ce matin et des étudiants étrangers.
D'abord, je vous remercie tous d'être venus dialoguer avec nous ce matin. Vous êtes le deuxième groupe à nous parler des étudiants étrangers ce matin. Mme Dalphond-Guiral et moi, au cours d'une petite pause, avons un peu déploré le fait que M. Ruest ait dû partir avant qu'on puisse lui parler.
Il me semble que le problème que vous nous soumettez est beaucoup plus profond que ça. Qu'est-ce qui fait que vous devez combler vos classes par des étudiants étrangers? Je ne veux pas dire que je suis contre les étudiants étrangers, mais j'ai peur qu'il y ait un manque d'étudiants francophones au Manitoba. Si tel est le cas, je pense qu'il faut se pencher sur la chose.
Nous parlons d'immigration ici ce matin, bien sûr. Est-ce qu'Immigration Canada et le gouvernement fédéral ne pourraient pas faire quelque chose pour aider les provinces autres que le Québec à attirer des immigrants de pays francophones?
M. David Dandeneau: Je pense que vous avez raison de signaler que nous avons des problèmes en termes de notre bassin de population franco-manitobain. On pourrait se satisfaire de 500 étudiants et dire qu'on est une petite université, un petit collège communautaire. Mais c'est injuste dans un sens pour les Franco-Manitobains parce qu'une certaine masse critique est nécessaire.
Même si on avait 300 étudiants et qu'on se satisferait de cela, je pense qu'on ne devrait pas négliger l'ouverture sur le monde. Je pense que nous sommes privilégiés d'être dans une situation minoritaire. Je dis que nous sommes privilégiés parce qu'on fonctionne dans les deux langues et que ça nous permet de lutter et de vraiment connaître nos valeurs fondamentales, de savoir qui on est et pourquoi on lutte pour notre langue et notre culture. Cela nous donne une certaine sensibilité que la majorité n'a peut-être pas vis-à-vis des étudiants ou des gens qui viennent d'ailleurs.
Les étudiants que nous recrutons, que ce soit de la France, de l'Afrique, du Sénégal, du Mali ou d'ailleurs, nous disent que nous sommes très accueillants, que nous comprenons rapidement et que nous sommes très sensibles. Je pense que c'est en raison de notre expérience de minoritaires. Je pense que c'est un atout et que ça fait en sorte que l'intégration est plus facile. C'est une porte d'ouverture sur le monde pour nos étudiants du Manitoba.
Mme Marjolaine Pelletier: Je ne crois pas qu'il faille négliger le fait que beaucoup d'étudiants viennent de pays où ils ont souffert. Par rapport à ces pays, le Canada est un pays très riche et nous sommes en mesure d'offrir à ces gens une expérience autre que celle qu'ils connaissent. Ils arrivent ici pleins d'espoir. Dans la mesure où ils peuvent retourner dans leur pays, ils le font, mais ils se voient souvent dans l'obligation de faire une demande en vue de rester ici.
Je pense qu'il faut faire appel à la générosité des Canadiens et ouvrir nos portes à ces gens-là. On ouvre nos institutions et notre société à ces gens-là.
Mme Yolande Thibeault: Je comprends toutes les raisons que vous me donnez. J'ai peur de vous avoir donné l'impression que j'étais contre le fait que vous avez des étudiants étrangers. Ce n'est pas du tout le cas. Bien au contraire, je souhaiterais qu'il y en ait davantage partout au Canada. C'est le monde qui s'ouvre à nous, entre autres, et parmi ces candidats, il y a possiblement des gens qui peuvent nous aider, nous, à développer nos connaissances.
Ma préoccupation n'est pas les étudiants étrangers. Ma préoccupation est la santé de la francophonie au Manitoba. C'est ce que je voulais dire.
M. David Dandeneau: Ça va bien. Il y a 20 ans, notre population étudiante était d'environ 300; elle est maintenant de presque 1 000. On veut la doubler et on a le potentiel de le faire. Donc, je crois que ça va très bien de ce côté-là. Chaque étudiant que nous recrutons, même dans les écoles d'immersion, peut créer un foyer dans lequel les francophones vont se multiplier, et on va avoir une population grandissante. Dans mon cas, certaines personnes de ma parenté ne parlaient pratiquement pas le français, mais leurs enfants sont allés à l'école d'immersion. Aujourd'hui, mes enfants et les leurs se côtoient et se parlent en français. Je me dis qu'on se rattrape quelque part.
[Traduction]
Le vice-président (M. John McCallum): Je demande à mes collègues qui n'ont pas encore pris la parole d'essayer d'être concis et aux témoins d'essayer de donner des réponses brèves, sinon il nous restera très peu de temps pour le déjeuner avant de reprendre à 1 heure. Judy, vous avez la parole.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je vais m'en tenir à quatre questions rapides. Premièrement, j'aimerais obtenir des éclaircissements de la part de M. Singh. Je crois qu'il a laissé entendre que, parfois, en fonction de notre histoire, nous avons tendance à généraliser... et que, par conséquent, des gens sont considérés coupables jusqu'à preuve du contraire. C'est une attitude qui s'infiltre dans le système. Nous l'observons en ce qui concerne les visas de visiteur. J'aimerais savoir comment nous pouvons mettre fin à cette discrimination subtile inhérente à notre système.
Marty a formulé une très bonne suggestion, c'est-à-dire instaurer un système selon lequel le parrain—d'un membre de la famille—assume la responsabilité afin que nous puissions ouvrir davantage nos frontières. Le Manitoba pourrait ainsi attirer beaucoup plus d'immigrants en raison du lien familial, et le gouvernement aurait donc à assurer peu de soutien. Pourquoi ne faisons-nous pas cela à une époque à laquelle le gouvernement reconnaît la nécessité d'accueillir des immigrants? Le même système pourrait-il s'appliquer dans le cas des demandeurs de visas de visiteur? Le caractère sélectif et subjectif du processus d'attribution des visas de visiteur nous préoccupe beaucoup. Le genre de responsabilité assumée par les parrains pourrait-il s'appliquer dans le cas des demandeurs de visas de visiteur?
Tim, je crois que vous avez réitéré ce que de nombreuses personnes ont exprimé à propos de la nécessité de remanier les dispositions du projet de loi relatives aux réfugiés. Il semble que nous devons apporter beaucoup de changements. Si vous aviez un ou deux conseils à nous donner, quels seraient-ils?
Shirley, je comprends ce que vous dites à propos de la nécessité de tenir compte de l'autorité qu'exercent les organes de réglementation dans chaque province en ce qui concerne les titres de compétence étrangers, mais il a été signalé que certaines de ces institutions entretiennent des préjugés. Nous avons tendance à fermer nos frontières à des personnes qui ont des intérêts, des carrières, de la formation et une éducation légitimes. Nous perdons ces personnes, car elles sont acceptées aux États-Unis et dans d'autres pays, qui font preuve de beaucoup plus de dynamisme pour s'approprier les meilleurs professionnels de la santé du monde. Ne devrait-on pas reconnaître davantage les titres de compétence étrangers partout au Canada? Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à cet égard?
Le vice-président (M. John McCallum): Chaque personne dispose au plus de 30 secondes pour répondre.
M. Kewal Singh: Je crois que les bureaux à l'étranger doivent vérifier les titres de compétence des personnes qui demandent un visa.
J'ai été témoin du cas d'un homme, originaire de l'Inde, qui a fait la demande d'un visa depuis le Royaume-Uni, où il détient le droit d'asile là-bas. Il était le ministre des Affaires étrangères de son pays. Depuis les 20 dernières années, on refuse de lui accorder un visa en raison de pressions exercées par un pays démocratique.
Quel type de démocratie avons-nous au Canada? Nous refusons d'accorder des visas aux personnes qui défendent les droits de la personne au sein d'un groupe, qu'il soit politique, social ou économique. Je crois qu'il appartient au gouvernement du Canada ainsi qu'aux bureaux à l'étranger de les accueillir ici, car nous vivons dans une démocratie. Et cela se produit au Canada.
De nombreux résidents de ma région n'ont pas pu obtenir de visa, car ils sont des militants politiques. Je crois que nous devrions avoir de solides lois qui protègent ces militants et leurs droits. Ils devraient être libres de venir ici et de s'adresser à la communauté internationale.
M. Marty Dolin: Judy m'a posé deux questions, alors j'aurai peut-être besoin de 60 secondes.
Elle m'a premièrement demandé pourquoi nous n'accueillons pas davantage d'immigrants. J'ai l'impression que les bureaucrates ont glissé furtivement l'alinéa 14(2)c) dans le projet de loi. Il semble qu'au ministère, les fonctionnaires se perçoivent comme des protecteurs chargés de nous protéger des immigrants. Ainsi, ils restreignent le nombre d'immigrants qui veulent faire partie de notre société. Le gouvernement semble avoir pour politique d'en accueillir davantage afin d'atteindre le seuil de 1 p. 100, soit 300 000 personnes au moins.
Je crois donc qu'il existe des entraves au sein du ministère. Selon moi, cela crée un problème qui s'aggravera si l'on continue d'avoir recours davantage au règlement qu'à la loi. Voilà la réponse à la première question.
La deuxième question porte sur les visas de visiteur. Pourquoi posent-ils un tel problème? Je crois que Tim l'a expliqué dans une certaine mesure. C'est parce que les gens n'ont pas accès à l'étranger à un processus de demande du statut de réfugié équivalent à celui d'ici. Les agents d'immigration à l'étranger craignent que des gens demandent des visas de visiteur afin de pouvoir revendiquer le statut de réfugié au Canada, car ils savent qu'ils traiteront avec une entité administrative raisonnable, soit la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, plutôt qu'avec un agent d'immigration à l'étranger qui décide de l'acceptation ou du rejet de leur demande selon ses caprices.
Les deux systèmes ne sont donc pas égaux. Je crois que cela constitue l'un des problèmes, particulièrement à Islamabad, à Riyad et à Damas. À New Delhi par exemple, certaines personnes veulent venir ici en visite ou assister à un mariage et se voient refuser un visa. Pourquoi? Parce qu'un agent d'immigration craint que ces personnes demandent ultérieurement le statut de réfugié. Si le système à l'étranger était équivalent à celui d'ici, il n'y aurait pas de problème. Mais c'est comme ça.
M. Timothy Wichert: Je crois que tout processus adéquat repose sur une audience équitable et un système d'appel sérieux.
Premièrement, il faudrait créer... [Note de la rédaction: difficultés techniques]... à la Section de la protection des réfugiés dans la deuxième partie du projet de loi pour déterminer les demandes de statut de réfugié à l'étranger.
Deuxièmement, il faudrait assurer un système d'appel sérieux et un examen des décisions rendues à l'étranger soit par la Section d'appel des réfugiés soit par la Section d'appel de l'immigration.
Troisièmement, il faudrait préciser les définitions, en particulier celles sur la sécurité. Je crois que c'est ce qu'il y a de plus simple à faire.
Mme Shirley Matile: Il ne fait aucun doute que la réglementation des professions relève de la compétence des provinces.
Je crois que travailler avec un gouvernement provincial, comme nous le faisons ici au Manitoba, contribue à faire en sorte que les organes de réglementation rendent des comptes aux entités provinciales.
• 1155
En ce qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, la plupart
des organes de réglementation provinciaux sont chapeautés par un
organisme national qui a été créé pour assurer ou tenter d'assurer
l'uniformité des normes à l'échelle du pays. Certes, le
gouvernement fédéral pourrait jouer un rôle en collaborant avec ces
organismes nationaux afin de veiller à ce que les normes soient
aussi transparentes et équitables que possible.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Puis-je ajouter une précision?
Le vice-président (M. John McCallum): Non, je suis désolé. Vous prendrez la parole plus tard, car nous avons beaucoup de retard.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur le président, je vais répondre à vos attentes. Ayant été malheureusement absente pendant les trois premières présentations, je ne peux pas faire de commentaires sur ce qui a été dit et faire part de ma vision des choses. Quant à la présentation de M. Dandeneau et de Mme Pelletier, elle rejoint, comme quelqu'un l'a déjà dit, ce que nous avons entendu à Vancouver hier. Nous partageons, bien sûr, vos préoccupations et nous allons nous assurer que dans la loi, il y ait, quelque part, une indication claire de l'intention du législateur de favoriser cette vision et cette approche. Je suis gentille, n'est-ce pas?
Le vice-président (M. John McCallum): Excellent. Y a-t-il des commentaires?
[Traduction]
Anita, vous avez la parole.
Mme Anita Neville: Je vous remercie, monsieur le président. J'ai beaucoup de questions, mais je vais me concentrer sur une seule. Permettez-moi seulement de dire qu'à l'instar de Judy, la réglementation des professions me préoccupe. J'ai fait partie d'une profession, en tant que membre non actif, et je me préoccupe des attentes de nombreux immigrants à l'égard de la possibilité qu'ils auront de travailler dans leur domaine. Il faut donner de meilleurs renseignements à l'étranger, mais je crois que davantage de souplesse est nécessaire au sein d'un certain nombre de professions sans toutefois compromettre les normes.
Ma question s'adresse à M. Wichert et à M. Dolin. Nous avons beaucoup entendu parler de la distinction entre la catégorie de la famille et les catégories de la composante à caractère économique. On nous a avertis que si l'on ouvrait la catégorie de la famille, nous irions fortement vers un système semblable au système américain avec ses arriérés, ses listes d'attente et que sais-je encore et nous reviendrions aussi loin qu'il y a 20 ans. J'aimerais savoir comment, tous les deux, vous mettriez en balance le besoin d'inclusivité—faire croître le désir de la famille de se retrouver, de s'épauler et d'augmenter le nombre d'immigrants—et le besoin très pressant, comme nous l'a signalé le Manitoba Business Council, et beaucoup d'autres, d'immigrants de la composante à caractère économique. Et je ne dis pas qu'il y a chevauchement entre les deux. Mais c'est un véritable problème.
M. Marty Dolin: Eh bien, pour répondre à votre question, je ne suis pas trop certain de ce qu'est le problème. J'étais à Minneapolis la semaine dernière. Tout semblait baigner dans l'huile. Je ne pense pas que la politique américaine pose un problème. Du point de vue économique, tout semble bien se passer. Je pense que la réalité c'est qu'avant 1992 tout allait bien également. Ce problème a été signalé en 1913 lorsque nous avons fait entrer des gens pour coloniser les prairies; tout allait bien.
Je pense que le problème se sont les pressions exercées sur le système. Ce que je suggère, et je crois que Kenneth Zaifman l'a aussi suggéré très nettement, c'est qu'en obligeant par l'entremise d'un contrat les membres de la famille à prendre leurs responsabilités, la société canadienne ne se verrait pas imposer un fardeau. Ce n'est qu'un avantage. Vous avez davantage de gens qui achètent des maisons, qui démarrent des entreprises, qui créent des emplois, qui achètent des meubles, qui font des achats, qui paient des taxes. Je vois dans toutes ces choses un avantage. Je crois que Sir Wilfrid Laurier avait raison et je crois qu'il est temps que nous nous rattrapions.
M. Timothy Wichert: Un des problèmes qui se pose en ce qui a trait au parrainage des réfugiés, c'est que probablement la moitié des demandes proviennent de membres de la famille qui se trouvent ici, qui disent vouloir obtenir de l'aide pour leur frère, leur soeur, leurs parents ou une personne qui techniquement n'entre pas dans la catégorie de la famille—plus particulièrement les frères et les soeurs. Ils attendent qu'une décision soit rendue en ce qui a trait à leur demande de revendication du statut de réfugié. Nous essayons toutefois de les aider parce qu'il s'agit fondamentalement du seul processus. Si la catégorie de la famille était élargie de manière à inclure les frères et les soeurs, par exemple, de n'importe quel âge, ou d'autres proches de la famille, nous pourrions dégager un plus grand nombre de parrainages.
• 1200
Mais l'autre chose que nous remarquons en ce qui a trait aux
réfugiés parrainés par le secteur privé ce sont les personnes qui
aident à élargir l'éventail ce qui a trait à leurs compétences.
Nous avons un large éventail, à partir de professionnels jusqu'aux
manoeuvres. J'estime qu'ils peuvent tous apporter leur contribution
dans leur domaine particulier, dans leur secteur particulier. Mais
lorsque nous parlons de parrainage de réfugiés, nous avons toute la
gamme des compétences.
Le vice-président (M. John McCallum): Comme vous n'aviez qu'une seule question et que Judy en avait quatre, allez-y.
Mme Anita Neville: Si je vous comprends bien, ceux qui ne sont pas admissibles parce qu'ils ne satisfont pas aux critères de la catégorie de la famille empruntent la filière des réfugiés pour essayer de réunir les familles. C'est ce que vous dites?
M. Timothy Wichert: C'est ce que nous constatons, tout à fait.
Mme Anita Neville: D'accord. Merci.
Le vice-président (M. John McCallum): J'aimerais faire une observation au sujet surtout de ce qu'a dit Marty Dolin. J'ajoute ce qu'on pourrait appeler un «oui, mais».
Il y a quelques jours j'ai lu dans le Toronto Star un article où l'on disait que le Canada avait besoin de laisser entrer plus d'immigrants—on peut pardonner aux gens de Winnipeg qui ne l'ont peut-être pas lu. Mais j'ai posé la question pour la forme: devrions-nous au Canada, au début du XX1e siècle, reprendre la politique de Clifford Sifton de la fin du XIXe siècle pour augmenter le nombre d'immigrants? La réponse était un oui avec réserves.
Je ne souscris pas entièrement à ce que vous dites. Premièrement, pour parler comme un économiste, vous ne parviendrez jamais à obtenir un consensus en ce qui a trait à l'optimum de population. Le point qu'a fait ressortir Anita, c'est que si nous n'imposions aucune limite à l'entrée des frères et soeurs, dans certains des pays d'où proviennent un grand nombre d'immigrants, il pourrait y en avoir six et nous serions submergés. Il serait facile d'atteindre 300 000 et on ne pourrait accueillir d'immigrants de la composante à caractère économique ou encore nous nous retrouverions avec des listes d'attente de 20 ans à l'instar des Américains.
Il n'est pas vrai de dire qu'il n'y a que des avantages. Ces gens peuvent très bien venir ici et être productifs, mais nous avons des problèmes de saturation au niveau de la circulation routière à Vancouver et Toronto. La croissance démographique a son bon côté, mais nous devons mettre en place l'infrastructure. Il se pourrait que cela ne pose pas de problème à Winnipeg, mais je peux vous dire qu'il n'en va pas de même à Montréal, à Toronto et à Vancouver et ce sont dans ces villes que la plupart des immigrants s'installent.
Donc, en matière d'immigration, je ne suis pas très libéral. Je crois que nous devrions accueillir davantage d'immigrants, pas moins, mais on ne peut ouvrir sans limite le pays aux arrivées massives sans que cela cause d'importants problèmes d'infrastructure et sans surcharger le système.
Fondamentalement—c'est mon dernier point et je pourrais le formuler comme une question—comme je viens tout juste de Vancouver, les attitudes à Winnipeg se démarquent très souvent de celles affichées là-bas, Vancouver est resserrée entre la mer et les montagnes, et il y a une limite à ce que ses habitants perçoivent comme étant une croissance démographique permissible, étant donné la saturation en ce qui a trait à la circulation, l'environnement et ainsi de suite tandis qu'ici vous voulez de toute évidence plus d'immigrants, comme beaucoup l'ont dit à tout le moins.
Comme nous ne pouvons obliger les immigrants à rester dans une ville en particulier, le Manitoba et le Canada doivent trouver une façon d'inciter ces immigrants à ne pas s'installer en grand nombre dans les trois principales villes, mais à s'étaler plus uniformément dans tout le pays. Je ne suis pas convaincu qu'il y a une réponse facile à cette question.
M. Marty Dolin: Si vous me permettez de répondre, je ne crois pas que quiconque ait proposé une immigration illimitée. Ce dont nous parlions, c'est d'étendre la catégorie de la famille afin de laisser entrer les personnes qui ont des liens ici. Des suggestions ont été faites plus particulièrement en ce qui a trait à une régionalisation.
Nous avons des accords fédéraux-provinciaux en Colombie-Britannique, au Manitoba et au Québec. Si le Québec semble en mesure de fixer des critères différents pour répondre à ses propres besoins, nous pourrions aussi faire de même au Manitoba, une province, comme vous l'avez signalé, qui pourrait être différente de Vancouver et de Toronto. Nous avons des besoins différents qui pourraient être satisfaits ici. Par exemple, nous avons envoyé des gens associés à la Société franco-manitobaine au Maroc dans le but de ramener au Manitoba des francophones qui viendraient ici, s'intégreraient à la communauté francophone et contribueraient à la société. Vous pouvez concevoir des programmes par l'entremise d'accords provinciaux, avec l'appui fédéral, dans ce projet de loi.
Ce que je veux ajouter, c'est que nous ne parlons pas seulement des immigrants aujourd'hui qui arrivent ici en courant, qu'ils soient parrainés par la famille ou que sais-je encore.
Deux de mes enfants ont obtenu leur diplôme universitaire il y a environ quatre ou cinq ans, dont un à l'Université de Winnipeg et l'autre à l'Université de Montréal. J'ai constaté, à la collation des grades, que ceux qui méritent les prix en sciences, ne sont pas des jeunes Smith ou Jones. Il s'agit de la deuxième génération de ces personnes qui sont venues ici, très souvent dans le cadre du programme «Femmes en détresse» ou du programme des veuves de guerre. Elles ont eu des enfants très motivés à s'instruire et qui contribuent de façon significative à notre société.
• 1205
Par conséquent, si nous voulons voir grandir cette société, je
crois que vous conviendrez comme moi qu'en principe la population
actuelle ne suffit pas à répondre aux besoins ici au Manitoba et je
crois—et il se peut que nous divergions d'opinion là-dessus—au
Canada, à l'échelle nationale, tant du point de vue économique que
social. Peu importe le nombre optimal sur lequel nous nous
entendons, peu importe ce que nous faisons à l'heure actuelle dans
cette mesure législative, cela n'est pas particulièrement utile.
Peu importe ce que nous faisons maintenant, cela ne suffit pas.
C'est le point que je voulais faire ressortir.
Le vice-président (M. John McCallum): Je suis d'accord avec la dernière observation et là-dessus, je rappelle à mes collègues que, après vérification, nous sommes censés retourner dans environ 55 minutes.
J'aimerais remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de venir s'entretenir avec nous aujourd'hui.
La séance est levée.