CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le lundi 30 avril 2001
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, collègues, mesdames et messieurs. Permettez tout d'abord que je dise que c'est un privilège et un plaisir pour nous d'être ici à Vancouver, en Colombie-Britannique. Je m'étais attendu à ce qu'il fasse un tout petit plus chaud, étant donné qu'il a fait si frais dans l'Est, mais il est néanmoins bon d'être ici.
Je souhaite remercier les habitants de la Colombie-Britannique d'avoir une province si accueillante à l'égard des immigrants et des réfugiés. Comme vous le savez, le Parlement et le comité sont saisis du projet de loi C-11, et nous aimerions profiter de l'occasion qui nous est ici donnée pour remercier à l'avance tous ceux et celles qui interviendront auprès de nous. Nous avons lancé le processus il y a quelques semaines et nous espérons boucler dans la semaine notre périple à travers le pays. J'ose espérer que nous pourrons entreprendre dès la semaine prochaine notre étude article par article du projet de loi.
Je sais qu'il y a eu des départs et des interruptions—nous étions censés venir ici il y a quelque temps de cela, alors je tiens à vous remercier de votre patience. Nous voilà enfin ici et nous sommes très désireux d'entendre vos opinions, vos suggestions et vos recommandations en vue de l'amélioration du projet de loi et de l'élaboration d'une politique en matière d'immigration qui, nous l'espérons et nous le croyons, sera la meilleure que le pays ait jamais vue. Je sais que notre actuelle politique a assez bien servi le pays, mais en ce nouveau siècle, et face à la nouvelle dynamique et aux nouveaux défis, non seulement pour notre pays mais pour le monde entier, le Canada croit que le moment est venu de mettre en place une nouvelle loi en matière d'immigration et de réfugiés, et c'est là la raison d'être du projet de loi C-11. Nous envisageons avec plaisir votre participation et vos interventions.
Nous avons reçu la plupart de vos mémoires, à l'exception de celui de MOSAIC, qui nous est parvenu tout juste ce matin. Nous vous demandons de ne pas lire vos textes, mais de nous en faire un survol et, ce qui est plus important, de nous exposer certaines de vos recommandations. Ce que je me propose de faire c'est d'inviter chaque groupe prévu pour entre 9 h et 10 h à prendre cinq à six minutes, et vous devez savoir que je m'efforce d'être un président très généreux.
Nous aimerions avoir l'occasion de vous poser des questions au sujet de vos mémoires, et je demanderais par conséquent à chacun d'entre vous de nous en faire le résumé et de nous exposer certaines de vos recommandations. Nous avons vos mémoires et certains d'entre nous les avons déjà lus. Nous demandons qu'on nous les fournisse à l'avance afin que nous puissions les faire traduire, et ils l'ont tous été, exception faite de celui de MOSAIC, que nous ferons traduire sous peu. Je sais que vous avez tous des résumés, et je vous demanderai de vous en tenir chacun à cinq minutes, afin que nous puissions ensuite passer aux questions.
Ayant donc établi les règles de base, nous allons commencer.
Entre 9 et 10 heures, nous allons entendre la West Coast Women's Legal Education Action Fund, et Jennifer Khor et Judith Lee sont ici. Pour le groupe MOSAIC, nous avons Elizabeth Briemberg et Chilwin Cheng. Pour S.U.C.E.S.S., nous entendrons Mason Loh et Lilian To. La West Coast Domestic Workers' Association est ici représentée par Tami Friesen et Cynthia Javier. L'Association canadienne des commissions de police est représentée par Florence Wong et Beth Nielsen, tandis que le Lower Mainland Sustainable Population Group nous envoie Dan Murray.
• 0905
Commençons donc par le West Coast Women's Legal Education and
Action Fund, avec Jennifer Khor et Judith Lee. Qui va parcourir le
mémoire avec nous?
Mme Jennifer Khor (coprésidente, Comité du droit et de la liaison gouvernementale, West Coast Women's Legal Education and Action Fund): C'est moi.
Le président: Très bien. Merci, Jennifer.
Mme Jennifer Khor: Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs. Le West Coast LEAF vous remercie de l'occasion qui nous est ici donnée de discuter du projet de loi C-11.
Je m'appelle Jennifer Khor et je suis coprésidente du Comité du droit et de la liaison gouvernementale pour le West Coast LEAF. Je suis accompagnée de l'autre coprésidente, Judith Lee.
Le West Coast LEAF est la branche britannico-colombienne du Fonds d'éducation et d'action juridiques pour les femmes, ou FEAJ. Le FEAJ est une organisation à but non lucratif et à charte fédérale qui a été créée en 1985 dans le but d'obtenir pour les femmes canadiennes les droits à l'égalité garantis dans la Charte. À cette fin, le FEAJ s'occupe de la défense de causes types, de recherche sur l'égalité, de promotion de la réforme du droit et d'éducation juridique publique.
Notre texte exprime l'opinion de West Coast LEAF et a été passé en revue par le Conseil national du FEAJ. Notre mémoire se limite à une analyse des demandes de statut de résident permanent sur la base de motifs humanitaires dans le contexte du projet de loi dont vous êtes saisis.
En plus de rédiger son propre mémoire, West Coast LEAF a participé à la préparation du mémoire soumis par l'Association nationale de la femme et du droit et plusieurs autres organisations, et qui fait une analyse exhaustive du projet de loi C-11 du point de vue des deux sexes. Nous croyons comprendre que le comité va entendre l'ANFD lors d'une future réunion et nous nous limiterons donc aujourd'hui au mémoire de West Coast LEAF.
Nous allons aujourd'hui nous concentrer sur trois aspects que nous soulevons dans notre mémoire: premièrement, la nécessité d'inclure dans la loi une définition de «motifs humanitaires»; deuxièmement, la nécessité d'insérer dans les règlements une liste non exhaustive de facteurs pouvant être utilisés dans l'évaluation des demandes d'ordre humanitaire; et, troisièmement, le besoin de faire en sorte que l'autosuffisance financière n'entre pas en ligne de compte dans les demandes de résidence permanente pour des motifs humanitaires.
Nous commençons par la reconnaissance que les demandes fondées sur des motifs humanitaires et de compassion permettent à des femmes qui, autrement, ne se verraient pas forcément accorder le statut de résident permanent, d'obtenir le droit d'établissement. Les demandes pour motifs humanitaires reconnaissent que dans certaines situations les valeurs du Canada en matière de considérations humanitaires l'emportent sur l'application stricte des catégories d'immigrant établies.
Le pouvoir d'accorder le statut de résident permanent pour des motifs humanitaire est discrétionnaire. Nous savons tous que les agents d'immigration sont guidés par un manuel de politique. Étant donné ce pouvoir très discrétionnaire, il est difficile d'assurer l'uniformité dans l'évaluation des demandes pour motifs humanitaires. D'autre part, l'absence dans le projet de loi d'une définition des motifs humanitaires pouvant être invoqués signifie qu'il n'y a aucune reconnaissance dans la loi de la nécessité d'accorder le droit d'établissement à certains groupes particuliers, comme par exemple les femmes qui fuient des situations de violence conjugale ou les personnes qui sont parrainées.
West Coast LEAF propose que l'article 25 du projet de loi prévoie comme motif, aux côtés de l'intérêt supérieur de l'enfant, la violence faite contre les femmes, et que les circonstances socio-économiques des femmes soient considérées comme une considération importante lors de l'examen de motifs humanitaires.
Nous recommandons que soit insérée dans le projet de loi une définition des motifs humanitaires et de compassion et une définition reconnaissant comme considérations premières en vue de l'octroi du statut de résident permanent: (a) la menace de violence; (b) la réhabilitation de victimes de trafic; et (c) l'intérêt supérieur de tout enfant touché. Nous recommandons que les obligations internationales du Canada soient spécifiquement reconnues dans cette définition.
Nous vous soumettons par ailleurs que les facteurs devant être considérés dans toute décision pour motif humanitaire devraient être énumérés dans une liste non exhaustive figurant dans les règlements. L'insertion de ces facteurs dans les règlements mènera à une plus grande transparence et à une plus grande imputabilité quant au processus décisionnel.
Nous estimons que la liste devrait inclure les facteurs suivants: la menace à la sûreté et à la sécurité personnelles et la sécurité d'une victime d'un acte de violence survenu au Canada ou à l'étranger; l'intérêt supérieur de tout enfant; l'objectif du regroupement familial; et la protection des personnes trafiquées ou amenées subrepticement au Canada sous la menace de torts physiques, émotifs ou financiers ou sous de faux prétextes.
• 0910
En ce qui concerne l'exigence d'autosuffisance, les femmes ne
posséderont peut-être pas l'expérience de travail requise pour
satisfaire les exigences d'ordre financier, ou alors occuperont
peut-être des emplois peu spécialisés et mal rémunérés tels
qu'elles ne seront pas admissibles. Une femme peut avoir des
responsabilités familiales qui l'empêchent de satisfaire le critère
d'autosuffisance. Aucune de ces circonstances ne devrait empêcher
une femme d'atteindre l'autosuffisance à l'avenir.
Le refus de tenir compte de ces facteurs signifie que les femmes pourraient se voir refuser le droit d'établissement même si leur situation mériterait, autrement, une réaction humanitaire. Dans le cas particulier de situations de violence faite contre les femmes et de trafic de femmes, l'exigence en matière d'autosuffisance est tout à fait contraire aux valeurs humanitaires et de compassion.
Souvent, c'est le facteur même qui justifierait un secours humanitaire, par exemple abus ou trafic, qui empêche une femme d'être financièrement autosuffisante. Nous vous soumettons par conséquent que l'autosuffisance financière ne devrait pas être un facteur intervenant dans l'examen des demandes pour motifs humanitaires, ni dans l'évaluation du degré d'établissement, ni dans la détermination de l'admissibilité. Les règlements devraient clairement éliminer cette exigence.
Nous demandons que le comité renvoie notre mémoire aux rédacteurs législatifs pour examen. De nombreux groupes ont exprimé des préoccupations quant à la réduction continue des droits d'appel et des garanties procédurales dans le projet de loi C-11, et l'intégration de définitions et de facteurs humanitaires et de compassion ferait beaucoup pour assurer aux demandeurs une audition équitable.
Nous accueillerons avec plaisir toutes les questions que vous aurez relativement à notre mémoire.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Jennifer, pour votre présentation et pour votre résumé, si je puis dire. Je suis certain que nous aurons des questions.
Nous allons maintenant passer au groupe MOSAIC, avec Elizabeth et Chilwin.
Mme Elizabeth Briemberg (présidente, Conseil d'administration, MOSAIC): Bonjour, et merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs, de nous avoir invités à cette séance.
Je m'appelle Elizabeth Briemberg. Je suis présidente du Conseil d'administration de MOSAIC, et mon collègue, Chilwin Cheng, est vice-président du Conseil d'administration.
MOSAIC est une organisation très importante à Vancouver depuis 1972. Il s'agit d'une organisation multiculturelle et multilingue sans but lucratif dont l'objet est d'aider les immigrants et les réfugiés à s'établir, et elle offre des services linguistiques, d'aide à l'établissement, d'emploi, etc.
Nous sommes très heureux de pouvoir aujourd'hui nous soumettre notre mémoire. Nous regrettons qu'il arrive un petit peu tard, mais j'ose espérer que cela ne causera pas de difficultés au comité.
Nous aimons certains aspects du projet de loi C-11, auquel nous applaudissons, même si certaines choses se trouvent dans les règlements, ce qui nous soucie quelque peu. Nous allons procéder de la façon suivante: je vais vous entretenir brièvement de certains aspects après quoi Chilwin Cheng enchaînera.
Nous croyons que certaines dispositions du projet de loi imposeront un fardeau injuste et inutile aux réfugiés en particulier. Premièrement, le projet de loi impose aux réfugiés des exigences d'identification et de vérification de sécurité inutiles, exigences qui leur imposeront un réel fardeau financier. Vous constaterez dans notre mémoire que nombre de nos préoccupations concernent le bien-être des réfugiés et des immigrants lorsqu'ils arrivent dans notre pays, car c'est cela qui intéresse notre organisation.
Deuxièmement, en vertu du projet de loi, la viabilité économique et sociale à l'étranger d'un demandeur de statut de réfugié est pertinente dans l'examen de sa demande. Nous ne pensons pas qu'il devrait en être ainsi. D'autre part, le projet de loi crée des normes et des procédures différentes pour les demandes de statut de réfugié faites à l'étranger et au Canada.
Enfin, le projet de loi crée un système dans le cadre duquel la plupart des politiques et processus touchant la façon dont les réfugiés verront leurs demandes examinées et tranchées seront fixés par voie de règlements et de politiques administratives, situation qui nous inquiète sérieusement.
• 0915
Parlant des problèmes d'identification, Citoyenneté et
Immigration Canada convient que les réfugiés doivent souvent fuir
leur pays sans documents d'identité. Cela est particulièrement vrai
dans le cas des réfugiés de la plupart des pays désintégrés, où les
systèmes étatiques se sont écroulés et il est impossible pour les
intéressés d'obtenir ces papiers. Nous trouvons que cela ne devrait
aucunement être un obstacle à l'acceptation de ces personnes dans
notre pays. En fait, il conviendrait d'aller plus loin encore.
L'article 106 devrait être éliminé afin que l'absence de papiers ne
puisse pas intervenir dans la détermination de la crédibilité d'un
demandeur d'asile.
Nous aimerions qu'on accorde aux réfugiés dès leur arrivée au Canada le droit de s'y établir. Si des irrégularités ressortent des vérifications de sécurité et d'identité, le projet de loi renferme des dispositions qui s'appliqueraient. Les réfugiés, parce qu'ils n'ont souvent pas dans ce pays de statut approprié, vivent des difficultés incroyables lorsqu'ils cherchent à s'établir et à se trouver un emploi. Nous traitons sans cesse avec des réfugiés qui n'ont tout simplement pas d'assise à partir de laquelle nous puissions travailler avec eux pour assurer leur bon établissement. Tant de choses sont paralysées dans le système qu'ils ont de la difficulté à s'établir. Nous avons à ce sujet de profondes convictions.
Je vais maintenant céder la parole à M. Cheng, qui va traiter de certaines des autres questions qui nous préoccupent.
M. Chilwin Cheng (vice-président, Conseil d'administration, MOSAIC): Merci beaucoup de nous avoir donné l'occasion de nous entretenir avec vous.
Une chose que j'aimerais ajouter au sujet de cette question d'identification, est qu'en vertu des lois provinciales en matière de services sociaux, les revendicateurs de statut de réfugié n'ont droit qu'à une aide de pénibilité et non pas à toute la gamme des prestations offertes en vertu du régime de services sociaux. Je reconnais qu'il s'agit là d'un problème provincial, mais il y a dans toutes ces questions des interactions entre les gouvernements provinciaux et fédéral. Sans statut, nombre de ces personnes ne peuvent pas obtenir les genres de prestations auxquelles elles auraient autrement droit, pas plus qu'elles ne peuvent obtenir de formation professionnelle ou autres avantages du genre. Ce statut est plus qu'un simple bout de papier. C'est un facteur réel dans leur quotidien.
Je suis également venu ici pour vous parler des considérations économiques dont nous traitons dans notre mémoire. La plupart d'entre elles se trouvent à la partie 5, page 10, paragraphe 25. Je n'entends pas examiner tout cela dans le détail, mais vous pourrez peut-être lire avec moi. La question est que les considérations économiques ne devraient jouer aucun rôle dans la décision si une personne est réfugié au sens de la Convention et donc admissible au Canada. La difficulté est que l'article 39 du projet de loi dit qu'un «étranger non résident permanent» peut être rejeté pour des motifs financiers. Selon les définitions données dans le projet de loi, l'expression «étranger non résident» englobe les réfugiés, et un étranger non résident peut être déclaré inadmissible s'il doit compter sur des services sociaux.
La difficulté, bien sûr, est que les demandeurs sont aujourd'hui pris entre deux chaises. Ils ne peuvent obtenir de réels services sociaux ou un emploi que lorsqu'ils obtiennent le statut de réfugié, mais ils ne peuvent pas obtenir le statut de réfugié parce qu'ils ne peuvent bien sûr pas travailler.
Le libellé par trop inclusif de l'article 39 englobe indûment les réfugiés. Par ailleurs, il y a dissonance entre les articles 30 et 39 du projet de loi. L'article 38 rend inadmissible l'étranger non résident permanent susceptible d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. L'article 38 libère de cette contrainte les réfugiés au sens de la Convention, mais notez qu'il n'y est pas question des demandeurs de statut de réfugié. Il n'y est pas question de statut autre que celui de réfugié au sens de la Convention. Bien qu'il y ait une reconnaissance de la nécessité de prévoir une certaine marge quant aux services sociaux et de santé, il n'y a à l'article 39 aucune exemption pour raisons financières, de telle sorte que les services sociaux et de santé peuvent être exemptés mais non la capacité de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.
MOSAIC soumet que si cet article demeure, et les réfugiés au sens de la Convention et les demandeurs de statut de réfugié au sens de la Convention devraient être exemptés de l'article 39, faute de quoi tout l'article devrait être carrément supprimé.
Il y a également une autre difficulté, celle-ci à l'article 106. Excusez-moi, mais j'aimerais faire un instant marche arrière. La difficulté est que les réfugiés se trouvant à l'étranger sont assujettis à la partie 1 du projet de loi, qui les soumet à toutes les restrictions qui sont en place en matière de statut social, de considérations financières et autres choses du genre, mais qui ne s'appliquent pas aux réfugiés qui font une demande au Canada.
• 0920
Tout d'abord, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, les
considérations d'ordre économique devraient être sans objet.
Deuxièmement, une fois que le réfugié constate qu'il y a une distinction et qu'il y a possibilité de traitement préférentiel pour pouvoir venir au Canada, cela crée des incitations pour les gens de choisir un moyen de parvenir au Canada qui s'inscrit peut-être en dehors de la loi.
Non seulement ils auront l'avantage de conseils juridiques, de logements subventionnés par le Canada et de services de soins et d'appui, par rapport à ce qui est offert dans les pays qu'ils quittent, mais cela les incitera à se rendre au Canada par ce biais. Et c'est ainsi qu'ils seront avilis.
Nous vous soumettons que les demandes de statut de réfugié faites à l'extérieur et à l'intérieur du territoire canadien devraient être traitées de la même façon et que les considérations financières ne devraient pas entrer en ligne de compte.
Enfin, si ces changements sont apportés, MOSAIC vous soumet que la loi reflétera plus justement les motifs humanitaires et de compassion que le pays doit, en vertu du droit international, défendre. Il n'y a aucune raison, en vertu du droit international, de donner à des facteurs économiques un quelconque poids dans le projet de loi. Ce serait se plier à la volonté des moins généreux de notre société qui considèrent les réfugiés comme des parasites. Ils ne le sont pas. MOSAIC les considère comme de réelles sources de vitalité pour nos collectivités.
Je vais m'arrêter là et vous renvoyer au restant de mon mémoire écrit relativement à l'identification et à certaines autres questions que nous avons soulevées.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer au groupe S.U.C.C.E.S.S. Accueillons donc Mason Loh et Lilian To.
M. Mason Loh (ancien président, S.U.C.C.E.S.S.): Honorable président, mesdames et messieurs, je m'appelle Mason Loh, et je représente S.U.C.C.E.S.S. Je suis ici accompagné de Lilian To, notre directrice exécutive.
S.U.C.C.E.S.S. est un acronyme correspondant à la United Chinese Community Enrichment Services Society. Le groupe a été fondé il y a 28 ans et nous sommes l'une des plus grosses organisations communautaires et de services sociaux au Canada. Notre mandat est d'aider les néo-Canadiens à surmonter les obstacles linguistiques et culturels et à devenir des membres de la société canadienne qui soient indépendants, qui y participent et qui y contribuent. Nous comptons plus de 190 000 membres enregistrés, 300 employés professionnels et 12 bureaux dans les basses terres du Fraser. L'an dernier, nous avons servi plus de 300 000 clients.
Pour ce qui est du projet de loi C-11, nous sommes dans l'ensemble plutôt encouragés par la détermination du gouvernement à réformer et à améliorer les lois et les politiques canadiennes en matière d'immigration et de protection des réfugiés. De façon plus précise, nous accueillons favorablement les dispositions du projet de loi visant à décourager le trafic de personnes, à faire obstacle aux grands criminels, à simplifier le processus de détermination du statut de réfugié, à élargir les catégories famille et à attirer des travailleurs spécialisés, entre autres choses.
Il est cependant cinq questions que nous aimerions porter à votre attention. Je traiterai des deux premières et Lilian enchaînera avec les trois suivantes.
Tout d'abord, nous sommes très préoccupés par l'article 72 du projet de loi, qui exige le dépôt d'une demande d'autorisation par la Cour fédérale pour tout contrôle judiciaire d'une décision de rejet d'une demande de visa. Nous jugeons cette disposition inutile. Elle ne servirait qu'à élargir encore le pouvoir discrétionnaire déjà vaste des agents d'immigration, ce qui résulterait sans doute en une multiplication des décisions injustes sans possibilité de recours.
D'après les communiqués de presse que nous avons pu lire, l'objet de cette disposition est d'assurer un traitement égal des décisions prises à l'intérieur du pays et de celles prises à l'étranger. Or, nous contestons cette logique étant donné que le nombre annuel de cas enregistrés à l'intérieur du territoire canadien est d'environ 8 000, tandis qu'à l'étranger l'on n'enregistre qu'environ 800 cas. L'on se retrouve ainsi avec un ratio d'un pour dix. Nous voyons donc mal en quoi cela est justifié.
Deuxièmement, nous sommes très préoccupés par cette disposition étant donné que le taux de réussite pour les demandes de contrôle judiciaire par la Cour fédérale n'est que d'environ 10 p. 100.
• 0925
Si vous ajoutez à cela les résultats des affaires qui ont
véritablement débouché sur des appels devant la Cour fédérale, plus
de 50 p. 100 des décisions ont été ou renversées par la Cour ou
retirées par le ministère, celui-ci décidant par lui-même de
renverser sa propre décision antérieure. Si l'on ajoute ensemble
ces deux facteurs, notre crainte est que si ce recours particulier
est supprimé, l'on se retrouvera avec un grand nombre de cas très
méritoires pour lesquels il n'y aura aucun droit d'appel ni
recours. Un grand nombre de familles en situation tout à fait
légitime ne pourraient ainsi pas être réunies au Canada.
Par contre, bien que nous soyons préoccupés par l'arriéré et par le nombre de cas dans notre système et bien que nous souhaitions faire quelque chose, nous ne nous opposons pas à certaines autres idées originales, comme par exemple l'établissement d'un mécanisme de règlement des différends de rechange indépendant ou la création d'un tribunal d'appel d'immigration indépendant, qui serait chargé de trancher ces appels afin que ces dossiers soient enlevés de la liste d'affaires du système judiciaire.
La deuxième question que j'aimerais rapidement aborder est celle de la façon dont les lois en général traitent les résidents permanents. Est-ce qu'il y a une partie qui traite de l'image des résidents permanents et une autre de l'accès à la justice? Je ne vais pas aller trop dans le détail là-dessus, car nous ne disposons pas de beaucoup de temps. Nous aimerions que chacun ait l'occasion de se faire entendre.
En ce qui concerne l'image, j'ai lu les transcriptions de vos audiences tenues dans l'Est du pays la semaine dernière. J'ai suivi les discussions au sujet des étrangers, et il nous faut dire que nous sommes tout à fait d'accord avec certains membres du comité qui s'interrogent sur l'inclusion des résidents permanents dans la définition d'«étrangers non résidents permanents».
Comme nous l'avons dit, chez S.U.C.C.E.S.S., notre mandat est d'aider les néo-Canadiens à intégrer la société canadienne et à y contribuer. Nous voyons les immigrants comme de réels atouts pour le pays et nous les considérons comme étant plus proches de citoyens que d'étrangers non permanents, comme les visiteurs et les travailleurs étrangers. Nous sommes donc très préoccupés par l'inclusion de résidents permanents dans la définition d'étrangers.
Pour ce qui est du deuxième aspect du traitement des résidents permanents, nous partageons tout à fait la préoccupation de l'Association du Barreau canadien à l'égard de certaines dispositions du projet de loi en matière d'accès à la justice. Je suis convaincu que vous avez entendu parler de certaines d'entre elles, et je crois savoir qu'un représentant de l'Association du Barreau va vous rencontrer plus tard ce matin.
Il n'est donc aucunement besoin que je traite de cela dans le détail, mais je vous dirais que dans l'ensemble nous sommes préoccupés par les vastes pouvoirs d'arrestation et d'interrogatoire conférés aux agents d'immigration. Il n'y a pour les immigrants aucun droit de garder le silence ni aucun droit aux services d'un avocat. Nous sommes par ailleurs très préoccupés par la suppression du pouvoir de la Division des appels d'examiner les cas de perte de statut et de déportation de résidents permanents.
Je ne vais pas aller davantage dans le détail, mais plutôt céder le microphone à ma collègue, Mme Lilian To.
Merci beaucoup.
Mme Lilian To (directrice exécutive, S.U.C.C.E.S.S.): Merci.
Je suis très heureuse de l'occasion qui m'est ici donnée de présenter nos opinions. J'aimerais traiter tout particulièrement de la question du regroupement familial. Nous apprécions que le gouvernement ait réagi aux interventions du public et accueillons avec plaisir l'inclusion des parents dans la catégorie «regroupement familial» telle que définie dans le projet de loi C-11, conformément aux recommandations que nous avons faites dans notre intervention antérieure.
Nous sommes également heureux de la définition élargie que donne le gouvernement à la famille, ce qui facilitera la réunification des familles. Comme vous le savez, dans la culture de nombre des immigrants que nous accueillons, l'importance de la relation parent-enfant est non seulement comparable mais elle est à bien des égards supérieure à celle de la relation entre conjoints.
Cependant, avec l'actuelle catégorie de parrainage familial, les enfants ou les frères et soeurs plus âgés, même s'il s'agit du dernier membre de la famille vivant à l'étranger, demeurent séparés, de façon permanente, du reste de leur famille établie au Canada. Nous recommandons, pour des raisons humanitaires et de compassion, que le gouvernement rétablisse les dispositions antérieures permettant aux résidents permanents et aux citoyens permanents de parrainer le dernier membre de leur famille immédiate—soit parents, enfants ou frères ou soeurs. Cela faciliterait le regroupement familial.
• 0930
Le deuxième point que j'aimerais soulever est la question des
nouvelles exigences selon lesquelles les résidents permanents
doivent faire deux années de présence physique au Canada sur cinq
ans pour conserver leur statut de résident permanent. Nous pensons
que l'introduction d'un critère objectif pour le maintien du statut
de résident permanent est une bonne chose, tout comme
l'introduction d'une disposition spéciale visant les personnes qui
sont employées à temps plein par une société canadienne ou dans la
fonction publique du Canada ou d'une province. Nous apprécions
également les dispositions en matière de motifs humanitaires. Nous
craignons cependant que cette disposition n'offre pas suffisamment
de souplesse pour les gens d'affaires immigrants et pour les
étudiants faisant des études à l'étranger.
Nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte mondial. Limiter ou interdire l'accès de ces résidents talentueux, qui ne sont pas très nombreux mais qui pourraient faire une importante contribution au Canada au fil du temps sur la base de leurs oeuvres à l'étranger, ne serait peut-être pas dans l'intérêt du pays. Nous avons déjà recommandé au ministre de prévoir une marge discrétionnaire pour ceux et celles qui doivent, pour diverses raisons tout à fait légitimes, passer du temps à l'étranger, et nous tenons à répéter la préoccupation que nous avons à cet égard.
Le troisième point que j'aimerais soulever est la reconnaissance des diplômes étrangers. Il n'y a rien dans le projet de loi qui vise à veiller à ce que les immigrants à formation spécialisée que nous accueillons dans ce pays soient intégrés dans la population active canadienne. D'après notre expérience, nombre d'immigrants hautement spécialisés, tels les infirmières et les ingénieurs, se trouvent dans l'incapacité d'utiliser leurs compétences, leur savoir et leurs aptitudes technologiques au Canada. C'est là un triste résultat pour les immigrants et pour leurs familles et un sérieux échec du système d'immigration. Il importe de prévoir des mécanismes de reconnaissance de diplômes étrangers et d'accréditation professionnelle pour les immigrants hautement spécialisés.
Nous recommandons qu'en tentant d'attirer au Canada les éléments les meilleurs et les plus doués, le gouvernement adopte une approche à deux volets en autorisant la reconnaissance pré-immigration des qualifications des demandeurs à l'étranger et la reconnaissance de qualifications étrangères au Canada.
Selon ce que nous disent ceux et celles que nous représentons, la communauté perçoit dans l'ensemble le projet de loi d'un oeil favorable, mais il demeure certaines réelles préoccupations quant à plusieurs des questions que vous soulevez. Nous espérons que le comité examinera sérieusement nos observations et modifiera en conséquence le projet de loi. Nous croyons qu'une bonne politique en matière d'immigration est vitale pour les intérêts du Canada et nous serons heureux de soumettre plus tard un rapport exhaustif sur notre position.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Merci.
Passons maintenant à la West Coast Domestic Workers' Association, avec Tami Friesen et Cynthia Javier. Bienvenue.
Mme Tami Friesen (porte-parole, West Coast Domestic Workers' Association): Merci, monsieur le président. Bonjour.
Je m'appelle Tami Friesen et je suis avocate de service à la West Coast Domestic Workers' Association. M'accompagne aujourd'hui Cynthia Javier, membre du personnel. Elle travaille comme adjointe juridique et elle était autrefois employée de maison.
Je vais commencer par faire quelques remarques générales en guise d'introduction, après quoi je ferai des observations générales au sujet du projet de loi C-11 pour ensuite céder la parole à Cynthia, qui traitera de certaines recommandations précises au sujet du Programme concernant les aides familiaux résidants.
Nous tenons à remercier le comité de l'occasion qui nous est ici donnée de l'entretenir brièvement de nos préoccupations relativement au projet de loi C-11 et plus particulièrement au Programme concernant les aides familiaux résidants, ou PAFR.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas notre organisation, la West Coast Domestic Workers' Association est une organisation sans but lucratif qui fournit depuis 13 ans en Colombie-Britannique aide en matière d'immigration et aide juridique relativement aux questions d'immigration et d'emploi aux aides familiaux et employés de maison. Nous sommes une organisation gérée par des employés de maison et des aides familiaux qui servent des employés de maison et des aides familiaux. Nous comptons plus de 370 membres et constatons directement les problèmes du PAFR dans le cadre de l'actuel système d'immigration.
J'aimerais faire une observation générale au sujet de l'incertitude quant à la forme future du Programme concernant les aides familiaux résidants. Le projet de loi C-11 ne fait aucunement état du PAFR, et nos questions adressées à des fonctionnaires n'ont donné lieu à aucun commentaire quant à l'avenir du programme. L'hésitation des fonctionnaires à se prononcer sur la forme que prendra le PAFR à l'avenir n'est à notre avis pas une réaction satisfaisante.
Je vais maintenant faire quelques observations générales au sujet du projet de loi C-11.
Le cadre du projet de loi C-11 relègue nombre des règles clés aux règlements et le PAFR n'est aucunement une exception. Comme je l'ai dit, le projet de loi C-11 ne fait aucunement état du PAFR et nous devons donc supposer qu'il sera relégué aux règlements. Nous vous soumettons que le PAFR devrait être inscrit dans le cadre même du projet de loi, ce afin de garantir la surveillance de l'élaboration et de la mise en oeuvre du programme.
• 0935
Nous sommes heureux du fait que le projet de loi C-11 fasse
davantage état que l'actuelle loi des obligations du Canada en
matière de droits de la personne, notamment le droit à l'égalité et
l'intérêt supérieur de l'enfant. Cependant, le projet de loi passe
sous silence les obligations internationales du Canada, exception
faite de la convention sur les réfugiés, et il ne reconnaît pas non
plus explicitement la valeur qu'accorde la société canadienne à la
dignité et aux droits humains.
Le sexisme dans le système d'immigration canadien a pour conséquence de limiter les personnes du sexe féminin ayant une expérience du travail traditionnel des femmes et(ou) les femmes économiquement défavorisées à immigrer au Canada uniquement en qualité d'employées de maison par le biais du PAFR. Nous exhortons le gouvernement à modifier le projet de loi C-11 de façon à intégrer les principes des droits de la personne à l'évaluation des immigrants potentiels et plus particulièrement à inclure l'entière reconnaissance de l'égalité des sexes, de l'inégalité économique des femmes et de la valeur du travail traditionnel des femmes, y compris le travail ménager.
J'aimerais maintenant faire un bref commentaire au sujet de l'introduction dans le projet de loi C-11 de l'inadmissibilité pour cause de fausse déclaration. L'alinéa 40(2)a) porte que l'interdiction de territoire court pour deux ans en cas de fausse déclaration par un étranger. Nous jugeons cette période arbitraire et indûment restrictive. La loi ne devrait pas fixer de durée d'inadmissibilité d'un demandeur suite à une fausse déclaration. Cependant, si le gouvernement rend obligatoire un délai précis d'interdiction de territoire après une fausse déclaration, nous proposons que le ministre devrait être convaincu que les faits en cause justifient l'interdiction de territoire dans tous les cas, comme cela est actuellement prévu à l'alinéa 40(2)b) en ce qui concerne les cas de parrainage.
Je vais maintenant céder la parole à Cynthia, qui va faire certaines observations précises au sujet du PAFR.
Mme Cynthia Javier (employée de soutien aux services juridiques, West Coast Domestic Workers' Association): Merci, Tami.
Bonjour tout le monde. Je m'appelle Cynthia et je tiens à mentionner que je suis une ancienne employée de maison. Je compte en tout 13 années d'expérience, dont huit au Canada et quatre à Singapour. J'ai personnellement vécu tout ce que vivent les employés de maison. J'ai donc vu tout ce dont nous discutons ici. J'ai tout vu, tout connu, tout vécu.
Parlant maintenant plus précisément du PAFR, le Programme concernant les aides familiaux résidants, nous jugeons qu'il est dans sa forme actuelle lent et déraisonnable. Si un programme spécial visant les employés de maison doit être maintenu, il lui faut subir des changements fondamentaux.
Nous recommandons certains changements particuliers dans notre mémoire, mais nous allons ici en invoquer quatre en particulier. J'aimerais parler tout d'abord du consentement du droit automatique d'établissement pour les employés de maison dès leur arrivée. Les employés de maison devraient avoir le choix de venir au Canada soit comme immigrants avec le statut de résident permanent soit comme employés temporaires. Les personnes désireuses de venir au Canada comme employés de maison sur une base temporaire ne devraient pouvoir obtenir que des permis de travail spéciaux à cette fin. Aucune personne désireuse de venir au Canada s'y établir de façon permanente ne devrait se voir obligée d'accepter un permis de travail spécial au lieu du statut de résident permanent.
Il importe par ailleurs que le gouvernement envisage dans le long terme l'intégration dans la société canadienne des employés de maison. La première étape serait de leur accorder dès leur arrivée le statut de résident permanent avec tous les droits inhérents à ce statut, y compris la possibilité de faire des études, l'accès aux services d'établissement d'immigrants et la possibilité de venir accompagné de son conjoint et de ses enfants.
La politique en matière d'immigration doit cesser d'être discriminatoire à l'égard de cette catégorie d'immigrants, qui est composée presque exclusivement de femmes de couleur. Les employés de maison font une contribution inestimable à la société en prenant soin des enfants et des personnes âgées du pays et en comblant un créneau du marché du travail. Nous méritons un traitement juste et équitable dans le cadre du système canadien d'immigration.
Par ailleurs, craignant de ne pas être admissibles à l'établissement, les employés de maison endurent souvent des conditions de travail et de vie insoutenables. Afin d'empêcher ces abus et en reconnaissance de la valeur du travail de maison et de la dignité des domestiques, les employés de maison devraient être admissibles au statut d'immigrant reçu lors de leur arrivée au pays.
• 0940
Le deuxième point serait l'élimination des exigences en
matière de résidence et d'obligation de travailler pour un
employeur bien précis. Les employés de maison devraient avoir la
liberté de résider ou de ne pas résider chez leur employeur. Le
gouvernement maintient que l'on n'a besoin que d'employés de maison
vivant chez l'employeur, mais il continue de ne fournir aucune
preuve de ce qu'il avance. Cela non seulement viole les droits de
la personne mais crée un énorme déséquilibre dans le rapport de
forces entre l'employeur et l'employé. Il s'agit là de la
principale cause d'exploitation et d'abus des aides familiaux
inscrits au PAFR. Les employés de maison hésitent à changer
d'employeur étant donné que leur statut juridique peut être mis en
péril s'ils quittent leur emploi et ne se trouvent pas
immédiatement un autre poste. N'oubliez pas qu'il leur faut faire
deux années complètes sur une période de trois ans. Les employés de
maison devraient avoir la possibilité de travailler pour plus d'un
employeur et l'exigence d'habiter chez l'employeur devrait être
abolie.
Le troisième point est la liberté d'étudier tout en étant inscrit au PAFR. Nous arrivons ici et nos diplômes ne sont pas reconnus. Les employés de maison sont doublement frappés car nous ne sommes pas autorisés à faire des études pendant la durée de notre permis de travail. De nombreux employés de maison étaient, avant de venir au Canada en vertu du PAFR, des infirmières, des enseignantes et des sages-femmes. Je détenais pour ma part un baccalauréat en sociologie lorsque je suis arrivée au Canada, mais je n'ai jamais pu travailler dans mon domaine étant donné que mon diplôme n'est pas reconnu ici.
La combinaison impossibilité de faire des études tout en étant inscrit au PAFR et non-acceptation des diplômes étrangers mène à la déqualification des employés de maison. Les employés de maison devraient être autorités à suivre des cours à temps partiel en vue d'améliorer leurs compétences professionnelles, premièrement pour minimiser la déqualification et, deuxièmement, pour leur permettre de contribuer à l'économie canadienne dans la profession de leur choix dès leur sortie du PAFR.
Le quatrième point est que l'exigence de travailler comme employé de maison ne devrait pas dépasser un an. Il semble qu'il n'y ait aucune raison à ce que cette exigence de travail soit pour deux ans.
En conclusion, le Canada continue de maintenir un programme pour employés de maison étrangers qui est discriminatoire et qui entraîne leur exploitation sans que cela ne soit justifié. Nous vous répétons que le projet de loi C-11 et que le PAFR dans sa forme actuelle ne cadrent pas avec les valeurs canadiennes et devraient être modifiés en vue de respecter les principes en matière de droits de la personne.
J'aimerais maintenant conclure comme il me plaît de le faire chaque fois que je parle en public. M'appuyant sur ma propre expérience, je peux vous dire qu'une nanny heureuse est toujours une meilleure nanny.
Merci.
Le président: Je voulais que ma grand-mère reste heureuse aussi.
Mme Cynthia Javier: Oh, je peux.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer à l'Association canadienne des commissions de police, avec Florence Wong et Beth Nielsen. Bienvenue.
Mme Florence Wong (directrice, Vancouver Police Board, Association canadienne des commissions de police): Bonjour.
L'Association canadienne des commissions de police est heureuse de pouvoir soumettre ses vues au comité permanent. Notre position est légèrement différente de celle des autres intervenants. Nous nous situons à l'autre extrémité où il nous faut faire beaucoup de travail d'exécution, alors notre point de vue s'inscrit sous cet angle-là.
J'aimerais également dire en guise de préface à mes remarques que nous avons à faire à un très petit pourcentage de nouveaux immigrants, demandeurs de statut de réfugié et non-immigrants. J'ose espérer que l'impression que je vous laisserai ne colorera pas tout le système, par la faute d'un très faible pourcentage de personnes dont on entend parler.
Le président: Si l'on pouvait obtenir des journalistes qu'ils soient d'accord avec vous, ce serait formidable.
Mme Florence Wong: Nous devons sans cesse traiter avec les journalistes.
Le président: Nous connaissons cela.
Mme Florence Wong: J'aimerais dire quelques mots au sujet de qui nous sommes. Je suis membre du Vancouver Police Board, mais je siège également à l'Association canadienne des commissions de police. Nous sommes une association d'organes civils de contrôle de nos forces de police municipales. Nous sommes environ 55 à l'échelle du pays, et je vais dans le cadre de ma présentation parler au nom de l'ACCP.
• 0945
Nous sommes dans l'ensemble favorables au nouveau projet de
loi. Nous sommes heureux des changements en matière de contrôles de
sécurité préalables, d'évaluations de risques pré-renvoi et de la
création de nouveaux délits relativement au trafic de personnes.
Nous sommes très heureux de l'interdiction d'accès aux grands
criminels, de la méfiance à l'égard des demandes de statut de
réfugié en attendant que les tribunaux aient rendu une décision, du
refus de libération conditionnelle de jour aux criminels étrangers
incarcérés et de la prolongation de la période pour les demandes à
répétition.
Ce que j'aimerais maintenant faire c'est peindre la toile de fond afin de vous expliquer les raisons pour lesquelles nous appuyons le projet de loi. Lorsque des non-immigrants arrivent au Canada, la plupart du temps ils ne sont pas autorisés à travailler et il y a un long délai pour le traitement de la demande d'immigration ou de statut de réfugié. Avec rien à faire sept jours par semaine, 24 heures par jour, et peu ou pas du tout de soutien familial, certaines de ces personnes sont vulnérables aux éléments criminels de la société.
Un revendicateur de statut de réfugié à l'assistance sociale ne se voit pas verser suffisamment d'argent pour vivre, et il se tournera lui aussi vers des activités criminelles. Comptent parmi les activités illégales relevées couramment le trafic de drogues, le proxénétisme et les délits contre la propriété. Ce sont principalement des jeunes hommes qui s'adonnent à ces genres d'activités, mais nos forces policières sont de plus en plus confrontées à des filles aussi jeunes que 11 ans qui sont plongées par des non-immigrants dans des actes sexuels et la prostitution.
L'ACCP est d'avis que les actuelles politiques en matière d'immigration et de réfugiés tendent à augmenter la probabilité pour les non-immigrants de s'adonner à des activités criminelles. Il importe donc d'établir un mécanisme plus rapide et plus efficace de détermination du statut de réfugié. Il conviendrait par ailleurs de dire clairement aux demandeurs que s'ils s'adonnent à des activités criminelles ils seront détenus en attendant leur audition, et courront le risque d'être déportés.
Une autre préoccupation est qu'il n'y a pas suffisamment d'agents d'immigration pour passer au crible les demandeurs d'immigration, identifier ceux qui ont des antécédents criminels et exécuter les ordonnances de déportation. Lorsqu'un non-immigrant est accusé d'un crime, il est en règle générale remis en liberté sous caution en attendant son procès. Il arrive souvent que ces personnes replongent dans la criminalité. Si elles sont jugées coupables elles peuvent être déportées mais elles peuvent encore disparaître et il est alors difficile et coûteux de les retrouver. Les arrangements en matière de détention dépendent également de l'existence d'un protocole de déportation avec le pays d'origine.
Notre expérience vancouveroise fait très clairement ressortir ce dont je parle. Au niveau de la rue, l'on a récemment fait de nombreuses arrestations parmi les groupes de non-immigrants d'origine latino-américaine. Nous avons fait des arrestations pour trafic de drogues, prostitution, cambriolages et voies de fait. Il y a par ailleurs des gangs asiatiques, vietnamiens et chinois qui recrutent des non-immigrants pour travailler dans la culture de la marijuana, dans des «grow-ops», comme on les appelle communément le long de la côte Ouest.
Dans le courant de l'automne 1999, la police vancouveroise a lancé son Project Libra et, en l'espace d'un mois, a fait 81 achats de drogue et porté des accusations contre 81 personnes pour 108 délits. Près de 40 des accusés étaient des non-immigrants.
Le 25 septembre 2000, le rapport du service de police de New Westminster dit ceci:
-
La plupart des trafiquants non anglophones étaient des
revendicateurs de statut de réfugié et bénéficiaient de demandes
d'assistance multiples fondées sur des documents falsifiés. Les
enquêteurs de l'immigration et de l'assistance sociale ont
découvert que de nombreux trafiquants avaient en leur possession
deux ou trois formulaires de revendication du statut de réfugié
portant divers noms et dates de naissance... Par suite du projet
interagences, les enquêteurs de l'immigration et du bien-être
social ont pu compiler des renseignements et boucler plusieurs
dossiers en suspens correspondant à des abus à l'égard d'agences
d'immigration ou de services sociaux.
Même si la police peut collaborer avec des agents d'immigration dans le cadre de ces enquêtes, elle ne peut pas s'attaquer aux questions sous-jacentes au problème. À l'automne 2000, notre équipe Growbuster vancouveroise a enquêté sur une période de six mois sur 413 opérations de culture de marijuana. Malheureusement, nous avons une nouvelle fois été alarmés par le nombre élevé de nouveaux immigrants et de revendicateurs du statut de réfugié qui étaient actifs dans ces opérations.
• 0950
Nous sommes très favorables au nouveau projet de loi car nous
reconnaissons qu'il tente d'aborder nombre des questions
d'exécution de la loi auxquelles se trouvent aujourd'hui
confrontées des forces policières partout au pays. Il est à espérer
que la plupart de ces mesures auront une incidence positive sur les
questions et préoccupations que nous avons mises de l'avant. L'ACCP
attend avec impatience les changements annoncés, qui devraient
apaiser la frustration et les inquiétudes exprimées par nos
membres. Merci.
Le président: Merci à vous. J'aimerais faire deux observations avant que nous ne passions aux questions. Premièrement, je suis extrêmement impressionné par la qualité des mémoires, des renseignements et des recommandations qui nous ont été soumis jusqu'ici.
Deuxièmement, je suis très impressionné par la quantité de travail que vous faites pour votre collectivité au niveau communautaire en créant cette infrastructure sociale. S'il fallait que le gouvernement s'en charge, cela nous coûterait, j'en suis sûr, des milliards de dollars. Encore une fois, donc, au nom de toute la population canadienne, merci beaucoup pour tout le travail que vous faites quotidiennement pour aider les gens qui arrivent dans ce pays. Je suis très très impressionné et très très impressionné par les mémoires que nous avons reçus jusqu'ici.
Je constate que nos derniers invités, représentant le Lower Mainland Sustainable Population Group, sont ici. J'allais tout juste passer aux questions étant donné que nous allons bientôt manquer de temps.
M. Dan Murray (Lower Mainland Sustainable Population Group): Nous sommes ici depuis le tout début.
Le président: Ah bon! Vous n'étiez tout simplement pas installés à la table?
M. Dan Murray: J'étais assis au fond là-bas.
Le président: Eh bien, je suis heureux de vous accueillir à la table, Dan. Si vous le voulez bien, vous pouvez nous faire votre exposé de cinq minutes. Merci.
M. Dan Murray: J'ose espérer que tout le monde a lu le mémoire que nous vous avons envoyé.
Le président: Bien sûr. Nous avons passé la nuit à lire tout cela.
M. Dan Murray: Très bien. Je suis certain que vous y avez consacré la nuit entière.
Le président: Comme vous le savez, nous avons eu trois heures de plus.
M. Dan Murray: Très bien. Les propos que je vais vous tenir sont très différents de tout ce que tous les autres ont dit. J'aimerais tout simplement commencer par examiner deux des principales questions qui sont selon nous les plus importantes. Tout d'abord, pourquoi le Canada est-il doté de son actuelle politique en matière d'immigration? Je sais que cela est en grande partie fondé sur l'hypothèse que l'immigration est un stimulant pour l'économie et sur le fait que le Canada a un problème de vieillissement et de dépendance de la population et qu'il lui faut donc examiner ces deux choses et tenter de résoudre le problème.
Ce que nous faisons en venant ici c'est remettre en question les deux choses. Nous nous interrogeons sur les hypothèses qui ont été avancées relativement aux avantages économiques de l'immigration; nous remettons en question les hypothèses qui ont été faites au sujet du vieillissement et de la dépendance, et nous nous interrogeons sur les nombres très élevés de personnes qu'on autorise à venir au pays.
Vous avez demandé tout à l'heure qu'on vous soumette des recommandations au lieu de passer en revue tout le contenu de nos mémoires, alors je vais m'en tenir à nos cinq recommandations. La première est qu'il nous faut réduire de façon dramatique les nombres de personnes que nous accueillons à l'heure actuelle. L'hypothèse semble être que le Canada, et je parle ici tout particulièrement au nom de la région dans laquelle nous nous trouvons, soit les basses terres... l'on semble considérer que les basses terres sont un trou partiellement vide qui attend d'être remplie de personnes, mais ce c'est pas le cas.
La deuxième recommandation est que l'on s'attarde sur les considérations d'ordre environnemental. Cette région a été sérieusement dégradée. Elle n'a vraiment pas besoin de plus de gens. Nous contrôlons l'immigration. Nous ne contrôlons pas la migration entre provinces, mais nous contrôlons l'immigration. Nous pouvons faire quelque chose face au nombre de personnes qui arrivent ici.
Permettez que je rappelle aux membres du comité que, comme je le mentionne dans le mémoire, quelque 225 000 personnes sont arrivées ici entre 1991 et 1996. De ce nombre, environ 83 p. 100 sont venus de l'étranger. Par conséquent, lorsque je parle chiffres, je parle surtout immigration. Les immigrants sont très nombreux.
• 0955
Troisième recommandation: Il importe de prêter une attention
toute particulière aux désirs des résidents de la région et il
importe qu'il y ait une consultation éclairée. Des centaines de
milliers de personnes ont été imposées à cette région et l'on ne
nous a pas du tout demandé si nous en voulions ou pas. Je mentionne
dans mon mémoire qu'environ 700 000 personnes sont arrivées dans
cette région au cours des 12 dernières années environ, soit
l'équivalent de la population du Nouveau-Brunswick.
Si vous aviez, il y a 12 ans, demandé aux gens s'ils voulaient que la population du Nouveau-Brunswick soit transplantée dans la partie inférieure de la Colombie-Britannique, les gens d'ici seraient descendus dans la rue. En d'autres termes, nous n'aurions pas toléré une migration à l'intérieur du pays. Or, le gouvernement fédéral a obtenu le même résultat en acceptant des gens de l'étranger.
Quatrième recommandation: il s'agit ici d'une chose que je mentionne à la fin du mémoire. Nous recommandons que des sommes importantes aujourd'hui consacrées à l'immigration et aux réfugiés soient affectées à l'aide internationale. L'idée que nous allons régler les problèmes du monde entier et que toutes les personnes désireuses de venir au Canada pourront le faire est naïve et ne tient pas debout.
La cinquième recommandation est que nous pensons qu'il faut revoir de fond en comble les raisons pour lesquelles il y a immigration et examiner les recherches physiques et de sciences sociales qui ont été accumulées. Il existe toute une masse de travaux de recherche, dont une bonne partie ont été commandés et financés par le gouvernement fédéral, et qui disent que le gouvernement ne devrait pas suivre les politiques qu'il suit à l'heure actuelle. Or, il fonce droit devant et fait tout le contraire de ce qu'on lui dit de faire.
Voilà ce que j'avais à dire.
Le président: Monsieur Murray, pourriez-vous nous dire quelques mots au sujet de votre organisation? Combien de personnes regroupe-t-elle? Êtes-vous enregistrés en tant qu'organisme de charité ou sans but lucratif? Fournissez-nous quelques renseignements sur vous-même. Je n'ai ici qu'une seule feuille de papier. Comme je l'ai déjà dit, je suis très heureux et j'ai dit avoir été très impressionné par les mémoires que j'avais entendus avant que vous ne parliez. Mais c'est là une autre question. Pourriez-vous nous renseigner un petit peu au sujet de votre organisation.
M. Dan Murray: Oui. Nous sommes une organisation d'universitaires, de professionnels et de simples citoyens du Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Nous comptons sans doute une centaine de signatures. Nous sommes à la recherche de nouvelles recrues et je suis convaincu qu'il y a dans le pays des milliers de personnes qui épousent notre cause et qui attendent tout simplement d'en savoir un peu plus.
Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions. Inky.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci, monsieur le président.
J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les témoins des excellents mémoires dont ils nous ont fait part ce matin. Ils ont en tout cas couvert une vaste gamme de préoccupations.
Permettez qu'en tant que porte-parole principal de l'opposition je répète que l'immigration a par le passé été le point d'appui de ce pays et qu'elle continuera de l'être à l'avenir. J'aimerais faire quelques commentaires au sujet de l'exposé de M. Murray. Nous voulons en effet le meilleur de ce que les autres pays ont à offrir. Ces personnes sont un atout pour notre pays. Je pense que les préoccupations que vous soulevez concernent davantage des problèmes d'intégration, des problèmes de placement de gens dans le pays.
Je viens du Manitoba. Nous avons besoin d'immigration au Manitoba. Je comprends les frustrations qui surviennent lorsque les gens sont entassés dans les grands centres, et c'est là un problème qui peut être corrigé. Nous ne souhaitons pas que tout le monde s'installe à Vancouver, Toronto ou Montréal; nous voulons répartir les gens sur tout le territoire. Mais de là à dire que l'immigration devrait être réduite—je ne vois pas où vous obtenez des données ou des statistiques qui vous permettent de faire ce genre de déclaration.
M. Dan Murray: Je me ferai un plaisir de vous fournir ces renseignements. Il y a toutes sortes de données.
M. Inky Mark: Je sais que je suis de l'avis du président en affirmant que, malheureusement, la une des journaux ces derniers temps a en gros présenté une mauvaise image des migrants ou des immigrants légaux dans ce pays, car les mauvais éléments sont très rares mais ce sont malheureusement eux qui font la manchette lorsqu'il y a problème.
• 1000
Cela fait près d'un mois que le comité siège pour entendre des
témoins. Mon objet quant à ce projet de loi a toujours été de
veiller à ce qu'il y ait un équilibre entre écarter les
indésirables et veiller à ce que les gens qui arrivent dans ce pays
soient traités de façon équitable. Ma question pour vous est la
suivante: pensez-vous que le projet de loi comporte cet équilibre,
empêchant que l'on mette en péril les droits des immigrants légaux
dans ce pays dans l'intérêt de la sécurité?
Le président: Inky, à qui votre question s'adresse-t-elle?
M. Inky Mark: S'ils pouvaient tout simplement brièvement...
Le président: Tous?
M. Inky Mark: S'ils pouvaient tous dire brièvement s'ils considèrent que le projet de loi... Je sais que vous avez beaucoup de préoccupations, mais pensez-vous que le projet de loi est dans l'ensemble équilibré, ou bien compromet-il les voies de droit régulières?
Le président: Soyez brefs si vous le voulez bien. Dan, je vous demanderai de répondre en l'espace de 30 secondes ou moins.
M. Dan Murray: Oui. Je pense que tant et aussi longtemps que les nombres sont là, alors le projet de loi n'est pas un bon projet de loi. Voilà ma réponse, en bref.
Le président: Florence ou Beth.
Mme Florence Wong: Il me faudrait regarder le projet de loi dans son entier. Je pense que c'est un bon projet de loi, surtout du point de vue exécution. Je pense que nombre de nos préoccupations en tant que service et que nombre des préoccupations d'autres groupes au pays ont été réglées. Nous attendons donc avec impatience l'adoption du projet de loi.
Le président: Tami.
Mme Tami Friesen: J'aurai quelques observations à faire. Nous pensons qu'il faudrait qu'il y ait, pour certains aspects, un peu plus d'équité. Nous nous ferions l'écho, je crois, de S.U.C.C.E.S.S., en disant qu'il y a une exigence de demande d'autorisation d'un examen judiciaire, et que cela devrait selon nous être réexaminé.
Deuxièmement, nous avons dit que la période d'interdiction de deux ans pour fausse déclaration est une sanction un peu trop lourde. Nous estimons qu'il y aurait moyen d'assurer un meilleur équilibre dans le projet de loi C-11.
Le président: Mason.
M. Mason Loh: Oui. Nous approuvons l'objet visé, soit de renforcer les dispositions en matière d'exécution de façon à écarter les éléments indésirables, mais cela nous préoccupe qu'un certain nombre de dispositions enlèvent au système les voies de droit régulières. Nous vous exhortons de les examiner. Merci.
Le président: Merci.
Elizabeth.
Mme Elizabeth Briemberg: En ce qui concerne l'équilibre à l'intérieur du projet de loi, je pense que celui-ci penche beaucoup trop du côté des aspects exécution face aux problèmes qui existent au Canada. L'on estime à environ 21 millions le nombre de personnes déplacées et de réfugiés dans le monde. Je ne pense pas que nous en accueillons autant qu'il nous en faut ni autant que nous le devrions, moralement parlant.
Ma préoccupation, que j'ai mentionnée tout à l'heure et qui a également été évoquée en partie, je pense, par la représentante des employés de maison, concerne les problèmes qu'éprouvent les immigrants pour s'établir à cause de toutes les barrières administratives qui barrent leur chemin. Si ces barrières étaient éliminées, ces gens connaîtraient beaucoup moins de problèmes. Or, je ne pense pas que le projet de loi en traite. Je vois un trop grand nombre de bons aspects du projet de loi relégués aux règlements, laissant entendre qu'il ne pourrait s'agir que de voeux pieux.
Le président: Jennifer.
Mme Judith Lee (coprésidente, Comité du droit et de la liaison gouvernementale, West Coast Women's Legal Education and Action Fund): Je vais me prononcer au sujet de notre organisation.
Ce qui nous préoccupe c'est que non seulement le projet de loi, mais le système lui-même, bien qu'il compte parmi les meilleurs au monde, ne sont ni équilibrés ni justes. C'est justement cette préoccupation universelle quant à la réduction des mécanismes de protection dans la procédure et aux droits d'appel qui nous a amenés à vous demander d'intégrer dans le projet de loi des préoccupations humanitaires et de compassion.
Malgré le fait que je sois avocate, je n'ai pas les moyens de recourir à la Cour fédérale, alors je vois mal comment quelqu'un d'autre pourrait le faire. Il nous faut faire en sorte que la loi elle-même soit sensiblement plus juste, surtout pour les questions humanitaires et de compassion.
Le président: John McCallum.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais faire un commentaire au sujet des déclarations de M. Murray, après quoi j'aurai quelques questions pour M. Loh.
Je suis économiste; en tout cas, j'étais économiste avant de me lancer dans la politique, ou peut-être que je le suis toujours. Vous avez dit que les arguments économiques militent en faveur d'une immigration réduite...
J'ai écrit un article paru dans le Toronto Star la semaine dernière et qui a pour titre «Canada Needs More Immigrants» (Le Canada a besoin de plus d'immigrants). L'argument est principalement économique. Je serais heureux de vous en fournir une copie après la réunion, si cela vous intéresse.
• 1005
Ma question s'adresse à M. Loh. Vous parlez des vastes
pouvoirs des agents d'immigration. Nous avons entendu des
affirmations semblables de la bouche d'avocats qui ont utilisé des
termes comme draconiens, stalinistes, non-Canadiens. J'aimerais
vous poser deux questions hypothétiques, car l'objet du
gouvernement n'est clairement pas d'être draconien ni de conférer
des pouvoirs énormes. Les deux questions intéressent les résidents
permanents. Je ne pense pas que l'intention du gouvernement était
d'autoriser les agents d'immigration à déporter des résidents
permanents. Je pense que son intention était que ces personnes
aient une audition devant un arbitre de la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié.
Cela apaiserait-il vos craintes si le projet de loi était modifié de façon à ce que cela soit plus clair?
M. Mason Loh: Tout à fait. Ma crainte est que le droit d'appel soit retiré et que les pouvoirs soient accordés à un seul agent d'immigration qui puisse prendre la décision, agissant comme juge et bourreau. C'est cela qui nous inquiète.
M. John McCallum: La deuxième question, qui se rattache à celle-ci, porte sur les examens.
Encore une fois, l'impression qui a été donnée est peut-être qu'une personne pourrait être réveillée au milieu de la nuit et assujettie à un examen. Or, je pense que l'objet visé—et cela pourrait peut-être être tiré au clair—est de prévoir ce pouvoir de mener un examen uniquement lorsque l'intéressé a fait une demande auprès du ministère. Il ne s'agirait pas de choisir au hasard dans la rue un résident permanent et de le convoquer pour un examen.
Cela vous rassurerait peut-être également un peu.
M. Mason Loh: Oui. Le pouvoir d'imposer un examen est une chose, mais il y a également les autres aspects, soit le droit à un avocat, le droit au silence et le droit de ne pas s'incriminer soi-même. Ce sont là des droits qui sont enchâssés dans notre Charte des droits et libertés. Cela nous préoccupe que certains de ces droits ne figurent pas dans le projet de loi.
M. John McCallum: Merci.
Encore une fois, l'intention est de veiller à ce que le projet de loi soit compatible avec la Charte des droits et libertés, et le ministère de la Justice nous a confirmé que c'est bien le cas. Les gens peuvent cependant avoir des avis différents là-dessus et peut-être qu'il faudra que ce soit les tribunaux qui tranchent.
Puis-je poser encore une petite question rapide, monsieur le président?
Le président: Oui, il vous reste une minute.
M. John McCallum: Madame To, en ce qui concerne la question des frères et soeurs, je pense que nombre d'entre nous sommes philosophiquement en faveur de l'autorisation d'entrée au pays pour les frères et soeurs. Mais des gens qui travaillent depuis de nombreuses années sur le terrain dans l'immigration me disent, surtout si vous allez dans des pays où il y a typiquement six frères et soeurs ou plus, que si l'on prévoit un accès illimité à tous les frères et soeurs, l'on se retrouvera peut-être dans la situation des États-Unis où il y a des listes d'attente de 20 ans ou bien où il y a un si grand nombre de frères et soeurs que ceux-là l'emportent et il n'y a plus de place pour les immigrants de la composante à caractère économique.
Je pense que certaines années il y aurait peut-être de la place pour un nombre limité de frères et soeurs, mais il ne faudrait pas que ce soit ouvert en permanence, sans quoi notre système serait submergé.
Je ne sais trop comment vous pourriez répartir les places. Mais suggérez-vous que nous devrions assurer une libre entrée illimitée à tous les frères et soeurs ou bien qu'il faudrait, selon les nombres, faire un peu de place en plus?
Mme Lilian To: En vérité, ce que nous disons c'est que dans le cadre de l'actuelle définition de la catégorie de la famille, cela englobe le conjoint et les enfants âgés de moins de 22 ans avec le nouveau projet de loi, ainsi que les parents et les grands-parents. Cela ne comprend pas les frères et soeurs.
Notre proposition ne vise pas à élargir cela aux frères et soeurs, mais nous constatons dans bien des cas qu'il reste encore un dernier membre de la famille qui est à l'étranger alors que tous les autres sont ici au Canada. Il existe des cas particuliers où il ne reste plus qu'un seul membre de la famille qui se trouve encore, mettons, en Chine. C'est le seul qui reste. Tous les autres membres de la famille sont au Canada. La soeur ou le frère est vraiment malade. En fait, les parents commencent à être malades, mais ils ne peuvent même pas obtenir de papiers de voyage pour venir, parce qu'on leur dit qu'étant donné qu'ils sont le dernier membre de la famille leur intention est forcément de s'établir au Canada et on ne les autorise donc pas à voyager ni même à rendre visite à des parents ou à des frères et soeurs malades.
Ce que nous disons c'est qu'il y avait il y a quelques années, peut-être dans les années 80, une disposition fondée sur des motifs humanitaires et de compassion en vertu de laquelle le dernier membre de la famille était autorisé à être parrainé par ses parents ou ses frères et soeurs. Or, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous demandons donc que cela soit rétabli.
M. John McCallum: Merci.
Si cela était limité au dernier membre d'une famille, ce serait une façon de limiter le nombre de demandeurs possible.
Mme Lilian To: Mais cela ne veut pas dire que l'ajout du dernier membre des familles ne va pas augmenter énormément les nombres.
M. John McCallum: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Je fais une petite pause pour que tout le monde mette son écouteur.
Je vous remercie d'être ici.
À l'écoute de vos témoignages, j'ai ressenti que l'élément le plus important que vous vouliez retrouver dans le projet de loi qui est actuellement à l'étude, c'est que l'équité soit probablement la première valeur. Dans ce contexte-là, j'ai deux choses à vous demander. Est-ce que vous croyez que les définitions, qui sont dans le projet de loi plutôt que dans les règlements, ne seraient pas un élément important pour assurer une certaine équité? Quand on sait de quoi on parle, c'est plus facile de se comprendre.
La deuxième chose dont je voudrais vous parler... On a beaucoup entendu, dans vos témoignages du mois dernier, un certain nombre de réserves sur la très grande latitude qu'avaient des agents d'immigration. Certains y ont fait allusion, mais j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'ils ont vraiment beaucoup de latitude? Est-ce que vous auriez des moyens à nous suggérer pour éviter des dérapages?
[Traduction]
Le président: Madeleine, votre question s'adresse-t-elle à tous les témoins?
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.
Le président: Très bien.
Faites vite.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mes questions s'adressent à toutes les personnes qui veulent bien y répondre.
[Traduction]
Le président: Oui. Trente secondes, s'il vous plaît.
Nous allons commencer de ce côté-là, avec Jennifer.
[Français]
Mme Judith Lee: Pardonnez mon anglais.
[Traduction]
Encore une fois, je pense que vous êtes tombée dans le mille. Plus vous mettez de définitions dans la loi ou les règlements, plus l'application de la loi d'un bout à l'autre du pays sera juste et régulière, sans qu'il faille que les gens fassent des appels multiples, ce qui demande temps et argent.
Le président: Très bien. Merci.
Judith ou Chilwin.
[Français]
M. Chilwin Cheng: Quant à la première question, la définition de réfugié est très importante pour MOSAIC parce que the ideas sont différentes quant aux
[Traduction]
immigrants et réfugiés. Dans le cas des réfugiés, l'on invoque des motifs humanitaires et de compassion.
[Français]
Mais les conditions économiques pour les immigrants, c'est différent. Alors, ils devraient créer plus qu'une définition de foreign national. Ça, c'est mon opinion.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Cela m'a beaucoup impressionné de vous entendre passer ainsi de l'anglais au français. Nos interprètes devenaient fous. Mais c'était très bien, Chilwin.
Mason.
M. Mason Loh: En ce qui concerne la première question, soit la loi-cadre, pour ce qui est de la justice et de l'équité dans la loi et les règlements, je pense qu'il faudrait que ces éléments soient présents dans les deux. La justice et l'équité sont importantes dans les deux contextes.
Nous avons plus de garanties avec la loi, car toute modification doit être entérinée par le Parlement, alors qu'il n'en est pas ainsi dans le cas des règlements. C'est pourquoi je suis très encouragé par la suggestion faite la semaine dernière au personnel par le comité, soit que pour les règlements futurs, le comité devrait avoir à donner son aval. Je trouve que c'est là une très bonne idée.
Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire des agents d'immigration, j'estime que les agents ont besoin d'une certaine discrétion dans l'exécution de leurs responsabilités. Cependant, ce pouvoir discrétionnaire doit être assujetti à des examens et il doit être surveillé, sans quoi nous serons confrontés à bien plus d'injustice encore.
Merci.
Le président: Tami.
Mme Tami Friesen: J'aurai quelques brefs commentaires à faire. Premièrement, nous serions certainement favorables à ce que davantage de définitions soient insérées dans le projet de loi plutôt que dans les règlements ou dans des manuels, et je songe notamment à la définition du programme concernant les aides familiaux résidants et aux renvois aux obligations internationales du Canada en vertu de divers instruments internationaux. Cela permettrait, tout d'abord, une plus grande surveillance de ces programmes, et, deuxièmement, la reconnaissance de ces principes dans le projet de loi soulignerait l'importance de ces considérations et permettrait aux agents d'immigration d'en tenir compte dans leurs décisions.
• 1015
Voilà qui m'amène à la deuxième question. Encore une fois,
nous arguerions qu'il se déroule à l'heure actuelle beaucoup de
discussions très larges, mais l'insertion dans la loi de
définitions de ces termes tirerait quelque peu au clair le pouvoir
discrétionnaire des agents d'immigration et, encore une fois, les
sensibiliserait aux importantes considérations qu'ils doivent faire
intervenir lors de leurs prises de décisions.
Le président: Merci.
Florence.
Mme Florence Wong: Je ne répéterai pas tout ce que la plupart des gens ont déjà dit, mais je conviens avec Mason que l'insertion de définitions dans la loi ajouterait une certaine clarté et permettrait un réexamen dans le cadre des règlements. Pour ce qui est des pouvoirs discrétionnaires conférés aux agents, nous ne souhaitons pas que le pays devienne un État policier, et les contrôles sont certainement une bonne chose. Peut-être que dans ce contexte il pourrait y avoir des relations de travail permanentes avec un organisme d'application de la loi, de telle sorte que là où s'arrêtent les pouvoirs de ces agents d'immigration, les autorités de police locale—idéalement dans un système sans rupture—pourraient assurer le suivi de telle sorte qu'il y ait un cheminement sans interruption jusqu'à aboutissement.
Le président: Dan.
M. Dan Murray: Tout ce que j'ai à dire, encore une fois, ne serait qu'une répétition de ce que j'ai déjà dit. Nous nous sommes interrogés sur toutes les raisons de maintenir l'actuelle politique...
Le président: J'aimerais que vous répondiez à la question précise qui a été posée. Nous connaissons votre philosophie et vos principes. Mais si vous pouviez répondre à la question précise de Madeleine, cela nous serait utile.
M. Dan Murray: Eh bien, ce que j'aimerais c'est obtenir dans toute cette question un traitement quelque peu équitable.
Le président: Oh, vous avez reçu une grosse part de traitement équitable. Merci de votre réponse, Dan.
Avez-vous d'autres questions, Madeleine? Très bien. Nous passons alors à John.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président. J'ai quelques questions que j'aimerais aborder au nom du Parti progressiste-conservateur. Premièrement, nous avons entendu toute une myriade de témoins parler du processus d'appel disant qu'il semble qu'il soit contraire à notre système judiciaire de ne pas accorder un droit d'en appeler d'une décision donnée. Je suppose que ma question, en bref, est la suivante: qu'envisageriez-vous comme processus qui serait à votre avis plus juste et plus faisable? J'aimerais adresser ma première question au FEAJ.
Mme Judith Lee: Encore une fois, tout système d'appel devrait, comme le laisse entendre votre amendement, protéger les garanties procédurales, le droit à un avocat, le droit d'accès à tous les renseignements, et cela inclurait également le paiement des services d'un avocat. Bien sûr, les systèmes d'aide judiciaire partout au pays sont assiégés, alors je ne suis pas convaincue que cela relève de votre mandat. Je pense néanmoins qu'enchâsser le droit à une protection procédurale est essentiel à une audition juste, tout comme l'est l'insertion de définitions dans la loi, de telle sorte qu'il y ait une base sur laquelle s'appuyer pour déterminer si une décision donnée est juste et raisonnable.
M. John Herron: Ma deuxième question s'adresse à S.U.C.C.E.S.S. Vous vous êtes lancé dans une chose qui est, je pense, encore plus importante pour nous, alors que nous modernisons la citoyenneté dans ce pays, et je veux parler ici des résidents permanents qui sont des Canadiens par choix, parce qu'ils veulent venir dans notre pays, et le fait qu'ils ne soient pas mis dans la même enveloppe que les citoyens à part entière est quelque peu honteux. Vos commentaires quant à l'ajout de résidents permanents à la même enveloppe que les étrangers cadrent à cet égard avec notre façon de penser.
La question que je voulais aborder concerne le temps passé sur place, dans le cas de l'investisseur-entrepreneur. Il y a une certaine souplesse quant au temps qu'il faut passer dans le pays pour satisfaire cette exigence. Que proposeriez-vous à la place, pour maintenir l'esprit de ce que nous tentons de faire dans cette partie du projet de loi, dans le contexte de votre préoccupation tout à fait légitime?
Mme Lilian To: Nous avons dit qu'il y a certaines personnes, comme par exemple des étudiants, qui pourraient être des résidents permanents qui ont migré ici et qui, par exemple, ont peut-être reçu une bourse de Harvard pour faire des études de troisième cycle qui pourraient leur demander jusqu'à cinq ans. Il n'y a dans le projet de loi aucune disposition qui leur permettrait de demeurer des résidents permanents. Ces étudiants perdraient leur statut.
Encore une fois, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, en cette ère de mondialisation, il y a des personnes qui ont des entreprises internationales et qui doivent souvent se rendre à l'étranger. Même avec les journées accumulées, leur présence physique ne totalisera peut-être pas deux années sur cinq, mais ce sera à cause de leurs activités professionnelles. Ces personnes auraient toujours leurs familles ici. Elles continueraient de payer de l'impôt et de contribuer au Canada. Encore une fois, à cause de cette rigidité, elles ne pourraient pas maintenir leur statut.
Ce que nous recommandons c'est qu'il y ait davantage de souplesse et que le ministre soit doté du pouvoir discrétionnaire de permettre à ces genres de résidents de conserver leur statut. Ce qui est prévu ne reconnaît même pas leur contribution au pays.
M. John Herron: Monsieur le président, pour équilibrer un peu les propos de M. Murray, j'aimerais dire catégoriquement que le Parti progressiste-conservateur ne souscrit pas à votre conviction particulière telle qu'elle figure dans la documentation fournie. Je suis le porte-parole de mon parti en matière d'immigration, mais je suis également critique du parti pour l'environnement. Je dirais que dans le cadre d'un environnement urbain, vous utilisez l'argument écologique pour justifier le rejet de ce que disent la quasi-totalité des démographes dans ce pays, soit que le Canada doit augmenter sa population en masse et n'accepter aucun recul. D'un point de vue écologique, donc, je ne suis pas du tout à l'aise avec cet aspect de votre mémoire. Merci.
Le président: Merci. Libby...
Une voix: Puis-je répondre à cela?
Le président: Je ne suis pas convaincu qu'il y avait là une question. Je pensais plutôt que c'était une observation de John. Excusez-moi.
Libby Davies, avez-vous une question?
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup.
J'aimerais tout d'abord remercier les témoins d'être venus.
Ce qui m'effraie vraiment est que vous représentez tous des organisations qui travaillent très étroitement avec des immigrants et des réfugiés. Il est éminemment clair que le système est très complexe. Je sais qu'en l'absence de S.U.C.C.E.S.S., MOSAIC, West Coast LEAF et Domestic Workers, les gens étoufferaient d'incertitude et d'angoisse, et c'est de toute façon le cas. Il est donc je pense très évident que les choses sont devenues extrêmement difficiles.
C'est même le cas pour les députés. Je sais, venant de Vancouver-Est, où nous nous occupons de beaucoup de dossiers avec Citoyenneté et Immigration, que la grosse préoccupation que mon parti et moi-même avons est que le système est aujourd'hui très complexe et très difficile à vivre pour les gens. Cela nous inquiète beaucoup qu'il soit aujourd'hui question d'encore plus de pouvoirs discrétionnaires et d'encore plus de travail d'exécution. Le fil conducteur que j'ai relevé dans nombre de présentations est le fait que le projet de loi ne soit pas suffisamment ancré dans des principes de droits de la personne. Ce projet de loi est une initiative majeure qui renferme sans doute les seuls changements que nous allons voir pendant peut-être une ou deux décennies, alors il est vraiment très important que nous réalisions l'équilibre dont vous avez tous parlé.
J'ai plusieurs questions à poser. Tout d'abord, lorsqu'on parle de motifs humanitaires et de compassion, il s'agit de savoir quels sont véritablement ces critères. Je pense que cette question a été soulevée par West Coast LEAF. Comment faire pour expliciter les genres de critères qui devraient être utilisés? Vous pourriez peut-être nous entretenir davantage de cela.
• 1025
Passons maintenant à ma deuxième question, j'ai été frappé par
le fait que plusieurs observations aient évoqué la question de
savoir si l'on a fait une analyse du projet de loi selon le sexe.
Plusieurs d'entre vous ont fait état de la nécessité d'examiner les
conventions internationales dont le Canada est signataire. Si l'on
fait intervenir des considérations humanitaires et de compassion,
le fait-on d'une façon qui tienne compte du sexe?
Le président: Libby, si vous permettez, nous avons prévu cinq minutes pour les questions et les réponses, et si vous prenez cinq minutes pour poser la question, malheureusement, personne ne pourra répondre.
Mme Libby Davies: Je vais m'efforcer de terminer très rapidement.
Le président: Merci.
Mme Libby Davies: J'invite les représentants de West Coast LEAF, de MOSAIC, de S.U.C.C.E.S.S. et de la Domestic Workers' Association à réagir à ces deux questions.
Le président: Merci.
Jennifer.
Mme Jennifer Khor: En ce qui concerne ce que nous recommanderions au Parlement pour définir les motifs humanitaires et de compassion, nous avons une recommandation en matière de libellé à la page 13 de notre mémoire. Ce que nous recommandons, en gros, c'est une reconnaissance des facteurs dont nous avons constaté qu'ils touchent particulièrement les femmes, en tant que victimes de violence, qu'il s'agisse de violence familiale, d'exploitation par leur employeur ou des ramifications de leur état de personne ayant fait l'objet d'un trafic à destination du Canada, sans oublier l'intérêt supérieur des enfants, chose qui est déjà intégrée au projet de loi C-11 et que nous reconnaissons et apprécions. En ce qui concerne le trafic de personnes, nous visons tout particulièrement les problèmes que vivent les femmes et les enfants confrontés à ce genre de situation.
Dans nos définitions, donc, nous faisons état de ces facteurs premiers et des conventions sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'endroit des femmes, de la déclaration sur l'élimination de la violence contre les femmes et du protocole tout récemment signé visant à prévenir, éliminer et punir le trafic de personnes, et tout particulièrement des femmes et des enfants, qui vient s'ajouter à la Convention des Nations Unies contre le crime organisé transnational que le Canada a signé en décembre. Nous croyons que l'inclusion de ces conventions par renvoi est une façon importante de veiller à ce que les agents des visas en tiennent compte lors de leurs évaluations et, encore une fois, en inscrivant ces facteurs dans les règlements, nous établissons l'exigence qu'ils examinent ces différents aspects.
Le président: Merci, Jennifer.
Chilwin.
M. Chilwin Cheng: Merci, monsieur le président.
Il y a deux points auxquels j'aimerais réagir. Premièrement, la question de savoir comment faire mieux cadrer cela avec nos valeurs. En ma qualité d'avocat, je sais que les tribunaux tendent depuis dix ans vers une interprétation de la loi dans son entier. Ils ne se contentent pas d'examiner seulement certains articles de loi. Ils se penchent de plus en plus sur la fin et les objets des dispositions en vue de déterminer comment interpréter les lois. À cet égard, je vois qu'il n'y a dans les articles 3 et 4 du projet de loi aucune référence à la Charte des droits et libertés, ni aux motifs humanitaires et de compassion du Canada. La loi passe donc sous silence les valeurs qui sous-tendent le projet de loi. Une suggestion fort simple que je ferais serait d'insérer aux articles 3 et 4 une référence à la Charte et aux obligations internationales canadiennes en matière de motifs humanitaires et de compassion.
Le président: Chilwin, vous voudrez peut-être, pour votre gouverne, examiner l'alinéa 3(3)d) du projet de loi, qui fait état de la Charte des droits et libertés.
M. Chilwin Cheng: Il n'y a cependant aucune référence explicite, plus loin dans le projet de loi, quant à la façon dont la loi doit être comprise. Je vous soumets que les obligations internationales demeurent.
Quant à l'incidence de cela sur les femmes et les enfants en particulier, nous en faisons état dans notre mémoire. Le problème, est qu'il y a une faille conceptuelle dans le projet de loi. Aucune distinction n'est faite entre les réfugiés et les résidents permanents qui arrivent au pays en vertu de la classe économique, et ainsi de suite. Les questions—je me suis efforcé d'être bilingue tout à l'heure et certaines choses sont peut-être mal passées—sont différentes. Dans le cas de réfugiés, l'on parle de personnes qui viennent de pays déchirés par la guerre, par la famine, par la pauvreté, où les considérations économiques n'entrent pas en ligne de compte. Lorsque ces personnes arrivent au Canada, elles fuient une situation pénible. Ce que nous soulignons dans notre mémoire est que les femmes et les enfants sont pour la plupart ceux qui sont le plus touchés, car dans nombre de pays ils n'ont aucun statut légal. Il n'existe pour eux aucun papier d'identité. Ils n'ont pas pu faire d'économies car ils comptent sur d'autres sources de revenu. Par conséquent, l'insertion de facteurs économiques dans le processus de détermination du statut de réfugié touche directement les femmes et les enfants.
Le président: Merci.
Malheureusement, nous allons bientôt manquer de temps et j'ai encore 15 personnes qui sont prêtes à faire leur présentation.
M. Mason Loh: Bien sûr. Merci, monsieur le président. Je n'ai qu'un bref commentaire à faire.
Nous sommes dans l'ensemble d'avis que le projet lui-même ne pose pas problème, exception faite de dispositions précises qui vont un petit peu trop loin quant au repérage des indésirables, sacrifiant peut-être par la même occasion les voies de droits régulières dans le système. C'est cela qui nous préoccupe.
Merci.
Le président: Merci.
Rapidement, Yolande.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Premièrement, au sujet du terme foreign national, c'est une affirmation qu'on a entendue jusqu'ici à plusieurs reprises. Je vous trouve beaucoup plus généreux que l'autre groupe parce que vous parlez de ne pas inclure les immigrants permanents dans cette catégorie-là. Je vous assure que ce que nous avons entendu jusqu'ici au sujet de l'expression foreign national, c'est que les gens d'expression anglaise n'en veulent pas du tout. Ils trouvent que c'est péjoratif.
Deux des groupes, la MOSAIC et l'Association canadienne des commissions de surveillance de corps policiers, ont fait allusion au fait que, probablement à cause de dispositions en place dans la province où nous sommes présentement, un réfugié ne recevrait pas les mêmes prestations qu'un immigrant permanent qui, par exemple, serait dans une situation financière difficile. Vous avez, les deux groupes, semblé relier ce fait-là au fait, semble-t-il, que plusieurs réfugiés se tournent vers des activités criminelles. Je ne sais pas, premièrement, si ça n'existe que dans cette province-ci. Quant au projet de loi qui retient notre attention présentement, est-ce que vous auriez des suggestions pour remédier à ce problème?
[Traduction]
Le président: Elizabeth.
Mme Elizabeth Briemberg: Personnellement, je trouve l'expression «foreign national» offensante. La question du statut revêt une importance extraordinaire dans ce pays. Ce n'est pas tout simplement le fait de lois provinciales; c'est également le fait d'attitudes d'employeurs. Les personnes qui se démènent pour faire tirer au clair leur statut doivent y consacrer énormément de temps. Elles se trouvent dans l'impossibilité de parrainer des membres de leur famille. Nombre d'entre elles seraient bien mieux en mesure de se trouver du travail, de s'établir et de devenir des citoyens productifs si elles se voyaient accorder plus tôt un statut officiel. L'un des principaux problèmes que MOSAIC voit dans le projet de loi est que celui-ci n'élimine aucune de ces barrières. Au contraire, elle en érige davantage. Notre organisation se trouve sans cesse confrontée à des difficultés énormes lorsqu'elle s'efforce d'aider des personnes qui n'ont pas de statut, qui luttent pour faire tirer au clair leur statut.
Nous donnons deux exemples dans notre mémoire. Il y a une personne qui s'efforce depuis sept ans de se faire reconnaître un statut ou un autre. Comment peut-on s'attendre à ce que ces personnes s'établissent alors qu'elles n'ont pas le moindre statut dans ce pays. Je ne sais pas. Ce n'est pas que ces gens sont en train de devenir des criminels. Je tiens à souligner que la grande majorité des personnes qui j'ai rencontrées, surtout chez MOSAIC, ne choisissent pas du tout la voie de la criminalité. Ce qu'elles font, c'est se débrouiller avec très très peu d'argent. Elles sont souvent exploitées par leurs employeurs du fait de leur grande vulnérabilité. Elles ne peuvent pas compter sur l'aide de leur famille, par exemple pour garder les enfants, car elles ne peuvent même pas faire venir leur mère pour cela.
• 1035
Du point de vue de MOSAIC, donc, ce qui nous déçoit ce sont
les barrières qui n'ont pas été supprimées.
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant autoriser un commentaire ou une question rapide d'Inky et d'Anita, après quoi il nous faudra boucler cette séance. Merci.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Vous avez tout à fait raison de dire que le fait d'avoir un statut est important. Mais, chose tout aussi importante, si le statut ne signifie rien, alors c'est encore plus futile.
Ma question concerne la façon dont le projet de loi traite les résidents permanents et la délivrance de cartes d'identité dans le cadre de l'obligation de résidence. Pensez-vous que c'est cette voie que devrait emprunter le pays et que le projet de loi devrait changer l'actuel système, qui exige des résidents permanents qu'ils motivent leur intention de quitter le pays? Est-il nécessaire d'obliger les résidents permanents à porter des cartes d'identité et de les soumettre à une obligation de résidence pour chaque période quinquennale?
Le président: Je vous prierais d'adresser la question à une seule personne. Laquelle sera-t-elle? Qui est le gagnant?
M. Inky Mark: L'un des avocats, je suppose.
Le président: Ou Mason ou Chilwin, ou quiconque d'autre, mais une seule...
M. Mason Loh: Je vais essayer de répondre, M. Mark.
Je pense qu'il y a du bon quant à cette norme objective de deux années de présence physique au Canada sur une période de cinq ans. Cela donne de la certitude à la définition de la loi quant au maintien ou non du statut de résident. Cependant, nous avons certaines objections à cet égard. Une disposition type devrait comporter une certaine souplesse. Je sais que dans la progression de l'ancien projet de loi au projet de loi C-11, une certaine flexibilité est venue s'intercaler. Nous pensons tout simplement qu'elle n'est pas allée assez loin pour tenir compte de la situation des étudiants et de certains gens d'affaires. Je crois donc que si l'on y ajoutait un petit peu plus de souplesse, cela pourrait fonctionner.
Le président: Merci.
Anita, rapidement.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Très brièvement, j'aimerais ajouter mes commentaires au sujet de la qualité très élevée des mémoires que nous avons entendus aujourd'hui. Ils ont été formidables. Merci beaucoup d'être venus.
Je suppose que ma préoccupation générale rejoint ce qu'Inky a abordé plus tôt, c'est-à-dire la question de l'équilibre, et j'ai écouté attentivement vos réponses.
Il me faut également dire, très brièvement, que je ne partage pas du tout le point de vue énoncé par M. Murray dans sa présentation. En conséquence, je vais recommander que l'article 3 dans les objectifs englobe ce qui suit: «respectant le caractère fédéral et bilingue du Canada et le caractère multiculturel du Canada—que cela soit intégré au mémoire. Je pense que c'est tout aussi important que le reste.
Juste un bref commentaire à...
Le président: Je suppose que vous ferez cela à l'étape formelle des travaux.
Mme Anita Neville: Je proposerai cela lors de l'étude article par article du projet de loi.
Le président: Merci.
Mme Anita Neville: J'aimerais maintenant m'adresser rapidement aux témoins qui nous ont parlé des aides familiaux résidants: d'après ce que j'ai compris, aux Philippines ils sont en train d'envisager un projet pilote visant les personnes arrivant dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants, et en vertu duquel on déterminerait les études qu'aimeraient faire les participants après leur entrée au pays comme employés de maison. Cela serait-il utile que l'on identifie avant leur arrivée certains programmes que ces personnes seraient intéressées de suivre afin de les y inscrire, et peut-être y aurait-il également lieu de renseigner les participantes à ce programme au sujet de leurs droits et responsabilités afin qu'elles sachent bien qu'elles n'ont pas à subir d'abus ni à être exploitées? Si ce genre de choses étaient faites dans le cadre d'une préorientation avant leur arrivée au pays, j'imagine que cela changerait sensiblement les choses.
Le président: Merci.
Cynthia, souhaitez-vous... Très brièvement, je vous prie.
Mme Cynthia Javier: Oui, cela serait très utile.
Lorsque je suis arrivée au Canada, je ne savais rien de mes droits ici ni des ressources auxquelles je pourrais recourir en cas de difficultés ou de problèmes, voire même de questions au sujet de mon emploi et du Canada. Les choses n'ont pas changé. Même si beaucoup de dur travail a été fait, l'on ne donne toujours pas de trousse d'information aux employés de maison et aux aides familiaux qui arrivent dans le cadre du Programme concernant les aides familiaux résidants.
• 1040
Ce serait vraiment utile que le gouvernement intervienne dans
ce domaine. Les pays—ou même les ambassades dans différents
pays—pourraient fournir des renseignements au sujet du Canada et
au sujet du Programme concernant les aides familiaux résidants.
Le président: Merci.
Permettez que je vous remercie tous très sincèrement de vos excellents mémoires. Comme vous pouvez le constater, vous avez déjà laissé votre marque, car il y a déjà des députés qui ont fait des suggestions en vue de modifier le projet de loi. Cela témoigne de la qualité des présentations que nous avons entendues aujourd'hui.
Encore une fois, permettez-moi de vous remercier au nom de toute la population canadienne pour votre dur travail et pour le temps que vous nous avez accordé pour nous faire profiter de votre sagesse, vous qui travaillez sur le terrain. Merci beaucoup.
Passant maintenant à nos invités suivants, toutes nos excuses pour notre retard, qui est d'environ 35 minutes, mais, comme je l'ai dit, cela s'explique par l'excellente qualité des présentations qui ont été faites et par les questions que les membres du comité ont bien sûr été amenés à poser.
J'invite donc maintenant les témoins suivants—la Ville de Vancouver, l'Association du Barreau canadien, le Comité consultatif auprès de CIC pour la Colombie-Britannique et le Yukon, l'Affiliation of Multicultural Societies and Service Agencies ainsi que le Groupe de travail concernant la pauvreté—à venir s'installer à la table. Merci.
J'invite la Ville de Vancouver à ouvrir le bal. Je souhaite la bienvenue à un bon ami et à un ancien collègue à moi, lorsque je siégeais au conseil municipal de London—une personne que j'admire depuis longtemps, Phil Owen, de la Ville de Vancouver. Phil, vous pourriez peut-être commencer par nous faire vos remarques liminaires.
M. Philip W. Owen (maire de Vancouver): Merci beaucoup. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui.
Je vous présente M. Baldwin Wong, cadre supérieur à l'hôtel-de-ville de Vancouver. J'ai été convoqué à un interrogatoire préalable dont je ne peux pas me sortir, et j'ai une séance de breffage à 11 heures, alors j'ai le regret de vous dire, monsieur le président, que je vais devoir laisser les questions difficiles à mon... De toutes façons, il pourra mieux y répondre que quiconque, car c'est lui qui a rédigé le rapport du personnel...
Le président: Mais a-t-il à se faire élire?
M. Philip Owen: Non, il n'a qu'à faire un bon travail pour que moi je puisse faire bonne impression afin de me faire réélire.
Le président: Très bien.
M. Philip Owen: Voilà ce que fait Baldwin.
Mais il y a eu un rapport de la Ville de Vancouver, qui a été présenté au conseil à la mi-mars, et que l'on fournit au comité pour examen.
Le président: Merci.
M. Philip Owen: Les notes que j'ai sont elles aussi à votre disposition.
Très brièvement, j'aimerais vous remercier de nous avoir invités ici aujourd'hui. Le conseil municipal de la ville de Vancouver a examiné le projet de loi et a adopté plusieurs résolutions dont j'aimerais vous entretenir. Les mêmes résolutions ont également été adoptées par les municipalités du district régional du Grand Vancouver, par la Fédération canadienne des municipalités et par l'Union of British Columbia Municipalities. Nous les avons également présentées au ministre fédéral de la Citoyenneté et de l'Immigration.
Nous avons des lettres de certaines municipalités, et la Ville de Burnaby a adopté une résolution appuyant ce que nous disons.
Pour vous situer un petit peu le contexte, je vous dirai que la Ville participe aux processus d'examen législatif fédéral depuis le milieu des années 90 et que 45 p. 100 de la population totale de Vancouver sont composés d'immigrants et de réfugiés. Les types d'immigrants que nous accueillons aujourd'hui sont différents de ceux qui sont venus à la fin des années 80 et dans les années 90, et la diversité des nouveaux arrivants est un défi de taille pour la ville de Vancouver.
Il est trois choses qui nous tiennent à coeur: que les services civiques soient culturellement et linguistiquement accessibles aux nouveaux arrivants; que les nouveaux arrivants soient informés des services civiques; et que les nouveaux arrivants soient accueillis et encouragés à participer aux affaires civiques.
En ce qui concerne les initiatives prises par la Ville, en 1989, elle a créé l'Institut Hastings, que connaît très bien Libby Davies. Cet institut offre de la formation aux employés du gouvernement municipal et autres et organise également des séminaires pour le secteur privé. Nous avons par ailleurs créé un bureau municipal d'égalité des possibilités d'emploi, qui oeuvre depuis plus de dix ans, et nous surveillons la stratégie de communication de la Ville avec les groupes linguistiques minoritaires et mettons en place des services linguistiques mieux adaptés. Nous avons tout un programme dans ce domaine, le but étant que les gens puissent communiquer avec nous dans la langue de leur choix. Nous versons des subventions communautaires aux organismes qui offrent des services aux nouveaux arrivants. Nombre de ces organisations ne reçoivent aucune autre aide gouvernementale.
Nous avons un budget d'environ 10 millions de dollars. Nous tenons fermement à offrir le financement initial de telle sorte que ces organismes gagnent en légitimité et puissent poursuivre leurs oeuvres avec l'appui d'autres sources financières.
Nous aimerions souligner que toutes ces initiatives ont été prises sans grand soutien de la part d'autres paliers de gouvernement. Beaucoup d'autres initiatives auraient pu être prises si la ville avait disposé de plus de ressources. Par exemple, la ville oeuvre à l'heure actuelle à l'élaboration d'une politique de traduction et d'interprétation à l'échelle de la municipalité et dont la mise en oeuvre pourrait exiger d'importantes ressources.
Le conseil municipal est d'avis que le projet de loi C-11 propose de nombreux changements importants et opportuns à la Loi sur l'immigration. Comptent parmi les nouvelles dispositions que nous jugeons très positives celles visant à élargir l'admission de travailleurs, à moderniser la définition de «famille», à inclure les «parents» dans la définition de «catégorie de la famille», à renforcer les obligations en matière de parrainage, à poursuivre la négociation d'ententes avec des organisations non gouvernementales, à traiter les familles étrangères comme étant des unités et à créer un nouveau délit couvrant le trafic de personnes.
Cependant—et il y a toujours dans ces affaires un «cependant»—le conseil municipal a relevé que le projet de loi C-11 supprime un objectif énoncé dans la loi actuelle relativement à la collaboration entre le gouvernement du Canada et les autres paliers de gouvernement. Le projet de loi C-11 impose au ministre de ne consulter que les intervenants provinciaux et autres. Le libellé ne fait pas précisément état des villes, bien que nous ayons une forte incidence et soyons les plus près du problème, et ce surtout dans le cas des grandes villes qui attirent un si grand nombre de néo-Canadiens.
Étant donné l'attente accrue que les villes appuient et livrent des services à tous les membres de la collectivité, y compris immigrants et réfugiés, et étant donné la forte concentration d'immigrants et de réfugiés dans les grands centres urbains comme Vancouver, il est impératif que la nouvelle loi reconnaisse le rôle des gouvernements locaux et prévoie leur intervention dans la résolution des questions liées aux immigrants et aux réfugiés et les problèmes de coûts qui sont imposés aux gouvernements locaux.
Partant, la ville de Vancouver exhorte le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration à envisager les amendements suivants au projet de loi C-11: premièrement, que le projet de loi soit remanié de telle sorte que le gouvernement du Canada soit tenu de consulter les gouvernements municipaux; deuxièmement, que l'on ajoute au projet de loi des articles qui reconnaissent que la Ville de Vancouver et que d'autres gouvernements municipaux ont un rôle clé à jouer dans l'appui de l'intégration des immigrants et des réfugiés, et que le gouvernement fédéral fournira les ressources financières et autres nécessaires à l'offre de programmes et de services aux immigrants et réfugiés; et, troisièmement, que le projet de loi prévoie que le gouvernement fédéral rembourse aux gouvernements municipaux les frais correspondants aux services rendus aux immigrants et réfugiés.
• 1050
Le projet de loi C-11 est un projet de loi important et
moderne qui aura une forte incidence sur la façon dont le Canada
choisira ses citoyens de demain, partout dans le monde, dans un
environnement mondial en évolution rapide. Les gouvernements locaux
sont ceux qui sont le plus près des gens et ils fournissent des
services très divers pour satisfaire les besoins des nouveaux
arrivants, quelles que soient leur culture, leur race ou leur
langue.
Un partenariat et une collaboration continus entre paliers de gouvernement, que ce soit par le biais de liens déjà établis dans le pays ou au moyen de partage des coûts d'élaboration de services et de programmes destinés aux nouveaux arrivants, sont par conséquent essentiels au bien-être de tous les citoyens de ce grand pays.
J'ai fait court, vu l'heure. Merci. J'ai terminé ma présentation.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le maire.
Nous allons maintenant passer à l'Association du Barreau canadien, avec et la Section de la Colombie-Britannique et l'association dans son entier, avec Renée... et bienvenue de nouveau, Gordon; nous vous avons bien sûr déjà rencontré. Vous pourriez peut-être vous partager le temps prévu pour votre exposé.
Renée, nous allons commencer par vous, pour passer ensuite à Gordon.
Mme Renée Miller (présidente, Sous-section de l'immigration, Section de la Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien): Je m'appelle Renée Miller, je suis avocate spécialisée dans le droit de l'immigration et je suis ici en ma qualité de présidente de la Section de la Colombie-Britannique d'avocats spécialisés dans l'immigration de l'Association du Barreau canadien.
M'accompagne aujourd'hui Gordon Maynard, qui est l'ancien président de la Section de la Colombie-Britannique et l'actuel secrétaire de l'Exécutif national des avocats spécialisés dans l'immigration de l'Association du Barreau canadien. Il est un avocat chevronné dans le domaine de l'immigration.
Est également venu avec moi ici aujourd'hui Andrew Wlodyka, avocat d'immigration d'expérience ici en Colombie-Britannique et ancien vice-président adjoint de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il est ici en tant que personne-ressource, au cas où vous ayez des questions au sujet de la Section d'appel. Il connaît très bien ces domaines.
Le président: Vous êtes venue accompagnée des gros canons.
Mme Renée Miller: Oui, nous avons emmené les gros canons.
Le président: Très bien.
Mme Renée Miller: J'aimerais être bien certaine que vous avez en main les mémoires de l'Association du Barreau canadien qui vous ont été envoyés la semaine dernière...
Le président: Oui.
Mme Renée Miller: ...ainsi que le résumé d'une page que nous vous avons fait parvenir et dont nous aimerions vous entretenir aujourd'hui.
Le président: Nous sommes très organisés ici.
Mme Renée Miller: Très bien. Formidable.
Vous allez entendre des gens de l'Association du Barreau canadien de partout au pays, et nous avons donc tenté de ventiler nos présentations de façon à traiter, chacun, d'un sujet particulier. Aujourd'hui, Gordon et moi-même aimerions vous entretenir de la question des droits d'appel en vertu du projet de loi C-11.
Nous savons très bien comment fonctionne l'actuelle loi. Nous nous occupons tous les jours de questions d'immigration. Nous traitons avec les gens du ministère de l'Immigration qui travaillent sur la ligne de front et qui sont ceux qui s'efforcent d'exécuter la loi. Nous savons comment fonctionne le système et nous connaissons ses problèmes. Nous les voyons chaque jour dans notre travail et à cause de cette expérience, nous sommes également très bien placés pour savoir ce qui va fonctionner avec le projet de loi C-11 et ce qui ne va pas fonctionner.
Nous croyons que l'élimination des droits d'appel en vertu du projet de loi C-11 est un problème, et que cela ne va pas fonctionner. Dans le cadre de l'actuel système, le renvoi d'un résident permanent est un processus à deux étapes. À la première étape, le ministère fait une demande, un rapport, à un arbitre de l'immigration, qui est une personne indépendante chargée de décider si une ordonnance de renvoi doit être émise. Le résident permanent a alors l'occasion de faire appel auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, un tribunal indépendant, qui examinera les circonstances particulières de l'affaire. Ce n'est qu'après un examen exhaustif de toutes les circonstances en cause, dans le cadre d'un appel en bonne et due forme, que l'ordonnance de renvoi pourra être exécutée.
Il existe quantité de circonstances dans lesquelles une ordonnance de renvoi peut être émise, par exemple en cas de délit grave, de fausses représentations, d'appels concernant une personne parrainée, et, dans tous ces cas, la Section d'appel de l'immigration examinera tous les facteurs.
Par exemple, s'il s'agit d'une affaire de délit grave, il importera de déterminer combien de crimes la personne a commis. Quels sont ses antécédents? Quel genre de famille la personne a-t-elle ici? Quel est le risque de récidive? Quel est le danger pour la société? Depuis quand la personne est-elle partie de son pays d'origine?
La Section d'appel examine tous les éléments de l'affaire et doit répondre à la question suivante: s'agit-il d'un cas dans lequel nous voulons supprimer ces droits très fondamentaux ou pas? S'agit-il d'une situation pour laquelle nous ne voulons pas renvoyer cette personne du Canada?
Nous estimons que le système fonctionne plutôt bien. C'est un organe très indépendant qui fait cette analyse, et c'est très efficace. En fait, ces appels à la Section d'appel de l'immigration demandent environ quatre à six mois, alors ils sont donc réglés assez rapidement. Nous estimons que le système travaille plutôt bien.
Gordon va vous parler de ce que va faire le projet de loi C-11.
M. Gordon H. Maynard (membre de l'exécutif, Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration; président, Section de la Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien): L'article 64 prive du droit d'appel certaines catégories de résidents permanents. Ces catégories sont au nombre de quatre. Criminalité organisée, sécurité, atteinte aux droits humains et grande criminalité.
Pour ces personnes—les résidents permanents interdits de territoire pour ces motifs—le recours à la section d'appel est purement et simplement supprimé. Il n'existe plus. Certes, ces catégories ont des titres à faire peur. Ces affaires semblent sérieuses. Certaines peuvent l'être, mais pas toutes. Il faut bien voir que ce sont là des motifs d'interdiction de territoire très larges.
Par exemple, les personnes interdites de territoire pour raison de sécurité ou de criminalité organisée—c'est la définition donnée dans le projet de loi—ne doivent pas nécessairement avoir été condamnées pour une infraction dans aucune juridiction. Il n'est pas nécessaire qu'elles aient commis une infraction quelque part pour tomber sous le coup de la définition. Le fait d'être membre d'une organisation ou d'un groupe politique suffit à entraîner l'interdiction de territoire.
La définition de la grande criminalité implique une condamnation. Le résident permanent doit avoir été condamné pour une infraction punissable de dix années d'emprisonnement ou plus et s'être vu imposer une peine effective de deux années d'incarcération. Voilà le seuil de la privation du droit d'appel prévu par le projet de loi C-11.
Cette définition ne tient aucun compte de la durée de résidence permanente au Canada de l'intéressé, du fait qu'il est arrivé enfant et a vécu ici pendant 20 ans par opposition à seulement deux mois. Elle ne se préoccupe pas de savoir s'il s'agit là d'une infraction isolée plutôt que d'un mode de vie criminel systématique. Elle ignore la présence de membres de la famille au Canada—frères, soeurs, parents, conjoints, enfants. Elle ne tient aucun compte de la possibilité de réinsertion sociale.
Ce sont là les éléments sur lesquels la section d'appel se pencherait normalement: est-il approprié d'expulser cette personne? Mais le projet de loi ôte ce droit d'appel et cet examen dès lors qu'il y a condamnation à deux années de prison.
Le ministère ne nie nullement qu'il s'agit là de définitions très larges. Il a reconnu, me semble-t-il, dans ses déclarations au comité que ces définitions vont capturer un certain nombre de personnes, dont certaines devraient être renvoyées, d'autres non.
Nous avons lu le compte rendu de l'exposé du ministère au comité et relevé qu'il insiste sur le fait qu'il subsistera toujours un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, que tout est conforme à la Charte, que la personne peut néanmoins arguer avoir été traitée injustement en contravention de la Charte, et que les agents conservent une certaine latitude en dépit de la perte du recours devant la Section d'appel.
Voilà les trois éléments auxquels le ministère accorde beaucoup de poids. Voyons ce qu'il en est.
Premièrement, pour ce qui concerne le contrôle judiciaire par la Cour fédérale, il est inexistant dans le cas d'une personne qui a perdu son droit d'appel et dont les circonstances personnelles sont dorénavant ignorées. Le contrôle existe techniquement. L'intéressé peut demander un contrôle judiciaire. Il peut demander l'autorisation de saisir la cour. Mais en réalité, il sera expulsé du pays avant l'audition. Même s'il obtient le contrôle, ce dernier ne peut prendre en compte les circonstances de l'affaire. Il ne peut porter que sur la régularité de la procédure.
Si vous vous appelez Bob, vous êtes un résident permanent et vous êtes condamné à deux ans, c'est tout ce que la loi permet de considérer. La cour ne peut considérer que la loi dit ce que le Parlement n'y a pas inscrit. La cour n'a pas le pouvoir de prendre en compte les circonstances de l'affaire. Peu importe sa sympathie pour l'intéressé, peu importe que le juge de la Cour fédérale estime que cette personne ne devrait pas être expulsée, son avis ne compte pas—pas dans un contrôle judiciaire.
Donc, techniquement, le contrôle existe. Mais en réalité, la décision de l'agent de procéder au renvoi est intouchable lors d'un contrôle judiciaire.
Deuxièmement, en ce qui concerne la conformité à la Charte, le ministère affirme que ce projet de loi est conforme. Le ministère affirme qu'une personne estimant être traitée injustement peut se pourvoir en invoquant la Charte. Mais en réalité, il y a huit ans, la Cour suprême du Canada a rendu une décision dans une cause du nom de Chiarelli. C'est un jugement très ferme de la Cour suprême du Canada dans lequel elle a tranché qu'aucun résident permanent faisant l'objet d'une mesure de renvoi n'a le droit, en vertu de la Charte, à un examen de ses circonstances. Une seule autorité peut lui conférer ce droit, le Parlement du Canada. La Charte ne le prévoit pas. La Charte ne donne pas ce recours, seul le Parlement peut le donner. C'est là un élément très important dont vous devez tous prendre conscience.
• 1100
Si le Parlement supprime, par une loi, le droit à un examen
équitable—l'examen des circonstances par un tribunal
indépendant—la Cour suprême ne peut le rétablir, la Charte ne peut
le rétablir, il est perdu. Donc, lorsque le ministère vous dit que
cette loi est conforme à la Charte, il a techniquement raison. La
Charte dit qu'il n'est pas nécessaire de conférer ce droit, et donc
le ministre ne le donne pas. Mais ne vous faites pas d'illusions,
il n'y a pas de filet de sécurité dès lors que cet examen des
circonstances est retiré de la loi. Il n'y a pas de filet de
sécurité: s'il n'est plus dans la loi, il n'existe plus. Si l'agent
ministériel décide d'une mesure de renvoi, aucun tribunal
n'interviendra.
Le troisième élément est le pouvoir discrétionnaire des agents. Le ministère vous dit qu'il fera preuve de discernement lorsqu'il s'agit de décider ou non de procéder au renvoi. Je suis frappé par les propos qu'il a tenus devant le comité, disant que ce sont là des décisions graves qu'il ne prend pas à la légère. Il affirme vouloir examiner les circonstances de l'affaire et dit qu'il prendra ou non une mesure de renvoi à la lumière de celles-ci. Très bien.
Pourquoi cela n'est-il pas dit dans la loi? Pourquoi cela ne figure-t-il pas dans le projet de loi? Il n'y a rien dans le projet de loi C-11 qui impose un examen de toutes les circonstances ou raisons humanitaires avant le renvoi d'un résident permanent tombant sous le coup de l'article 64. C'est délibéré. Pourquoi? Parce que si ce n'est pas dans le projet de loi, si ce n'est pas dans la loi, alors nul ne peut légalement se plaindre que cet examen n'a pas eu lieu ou a été mal fait. Le ministère met très délibérément ses agents à l'abri de tout recours contre cette décision. Si je suis un résident permanent...
Désolé, je vais continuer. Je vois l'heure tourner et je sais que le temps m'est compté.
Ceux d'entre nous qui travaillent dans ce domaine et ont affaire à la Section d'appel, et j'y englobe les agents du ministère travaillant dans les audiences et les appels, éprouvent un grand respect pour le travail que fait la Section d'appel. Ces affaires peuvent être très complexes, très ardues. La Section d'appel fait un excellent travail et nous lui portons beaucoup de respect. Ce projet de loi—ce régime qui est mis en place—placera la décision entièrement aux mains des agents, sans aucune procédure, sans aucune obligation légale, et sans aucun recours. Ce n'est pas une procédure ou un régime dont nous puissions être fiers. Des erreurs seront commises.
Merci.
Le président: Merci à tous deux.
Je suis désolé, Renée et Gordon, mais je suis sûr que les membres auront des questions pour vous.
Nous allons passer à Alexandra Charlton du CIC Advisory Committee. Bienvenue, Alexandra.
Mme Alexandra Charlton (ex-présidente, CIC Advisory Committee): Merci.
Bonjour tout le monde.
J'airerais commencer par expliquer très brièvement ce qu'est le Comité consultatif, car nous sommes un groupe très diversifié. D'ailleurs, Gordon est l'un de nos anciens membres et nous pouvons donc le revendiquer aussi.
Le Comité consultatif compte des représentants régionaux de toute la province de Colombie-Britannique. Nous en avons quatre. Nous avons les représentants des catégories de services—moi-même j'appartiens à la section des réfugiés—et nous avons aussi des représentants sectoriels—par exemple, municipalités, justice, éducation, ce type de représentants. Nous sommes 16 en tout et nous avons donc des optiques très diverses.
Lorsque nous avons rédigé notre texte initial en réponse à ce projet de loi, nous avons été assez surpris de constater à quel point il remporte notre adhésion. Je tenais à le signaler. Bien que je sois la seule représentante à comparaître, ce point de vue est très largement partagé. Je dois d'ailleurs vous prier d'excuser l'absence de mon collègue de la section juridique, Joshua Sohn, qui a dû comparaître en tribunal ce matin et a donc dû contremander à la dernière minute.
Je vais inverser l'ordre de ma présentation afin de reprendre certains des propos tenus par Gordon. Étant donné que le projet de loi porte tant sur l'immigration que la protection des réfugiés—cette dernière faisant maintenant l'objet d'une partie distincte, ce dont nous sommes heureux—nous allons traiter des mêmes points que Gordon.
Sur le plan de l'immigration, nous étions initialement ravis de voir que le ministère a réagi aux nombreuses préoccupations exprimées au sujet du qualificatif «foreign national» et a rétabli dans le projet de loi le terme de «résident permanent». Toutefois, en y regardant de plus près, nous avons constaté qu'il s'agit d'un changement de pure forme. Il n'y a pas de modification sur le fond.
• 1105
Dans la pratique, on constate une érosion considérable des
droits des résidents permanents—comme beaucoup d'autres
intervenants l'ont signalé. Je ne m'étendrai donc pas sur cet
aspect.
Nous estimons que le projet de loi constitue essentiellement un bouclier mettant le ministère à l'abri de la reddition de comptes. Gordon a déjà évoqué certains de ces éléments. Ce qui préoccupe particulièrement tous les membres de notre comité, c'est que le ministère puisse exiger la prestation de serment. À notre connaissance, ce sont là des pouvoirs bien supérieurs à ceux des agents de police. Je crois que cet aspect a déjà été abordé par les témoins précédents et je ne m'étendrai pas là-dessus, mais je tenais à vous faire savoir que c'est là un sujet de préoccupation très largement partagé par les groupes comparaissant ici.
L'exigence d'un mandat dans le cas d'un résident permanent semble être une garantie illusoire, car ce mandat n'est pas délivré par une tierce partie ou un tribunal. Apparemment, il peut s'agir d'un formulaire en blanc que l'agent d'immigration se contente de remplir. Il suffit donc de remplir un bout de papier, sans qu'il y ait véritablement de contrôle, d'après ce que nous pouvons voir.
Nous avons surtout parlé des recours internes et du mécanisme décisionnel. Nous nous inquiétons également du manque d'uniformité des décisions prises par les agents d'immigration outre-mer. Cela a été relevé, je crois, dans le rapport du vérificateur général. Mais au lieu de rechercher des façons d'améliorer la prise de décisions en y consacrant des ressources supplémentaires, le projet de loi ne prévoit qu'une demande d'autorisation d'appel—ce qui ne fait que mettre à l'abri la prise de décisions. D'après ce que nous pouvons voir, la demande d'autorisation d'appel est présentée à la même instance contre laquelle la plainte est dirigée en premier lieu. Cela semble une procédure très circulaire.
À l'heure actuelle, dans le cas d'une demande de visa pour raison humanitaire le ministre est obligé de l'examiner et de rendre une décision. Dans le projet de loi C-11, on dit que le ministre peut étudier le cas. Ainsi, le ministre n'est pas obligé de rendre une décision. Il serait très difficile d'interjeter appel contre une décision qui n'a pas été rendue, ce qui retranche tout un pan d'activités. Lorsqu'il n'y a pas de décision, il n'y a pas de recours possible et donc pas de reddition de comptes.
Voilà nos préoccupations au sujet de la reddition de comptes dans le volet immigration. C'est particulièrement préoccupant sachant que l'une des incarnations antérieures—je crois que c'était la Foundation for the 21st Century, mais peu importe le nom—mettait très fortement l'accent sur la transparence. Mais nous ne voyons aucune indication de cette transparence ici.
Passant maintenant à la section traitant de la protection des réfugiés, je précise que, en tant que représentante des réfugiés à Vancouver, je travaille beaucoup avec les demandeurs d'asile et que c'est là un aspect qui intéresse vivement nos clients. L'aspect sur lequel je veux insister particulièrement ici est le fait que les demandeurs d'asile n'ont plus droit qu'à une seule audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Je sais que le ministère répond que cela est destiné à éviter le «syndrome de la porte tournante». Nous sommes nombreux à partager ce souci. Toutefois, cela n'apporte ni cohérence ni équité, car dans la pratique cela va évincer beaucoup de gens qui n'auront jamais eu la première audience.
Pour vous situer le genre de cas dont je parle, Mme Davies a demandé tout à l'heure si le projet de loi a fait l'objet d'une analyse sexospécifique. J'ai justement ici quelques notes que je vous remettrai avant de partir. Nous pensons que ce projet de loi va beaucoup toucher les femmes et les enfants, car ils sont souvent personnes à charge couvertes par la demande du demandeur principal. Si leur mari ou père dépose la demande principale, la famille peut y être englobée.
Mais supposons que cette famille se sépare ensuite. La femme pourrait vouloir demander l'asile de façon indépendante; ou peut-être, de nombreuses années plus tard, l'un des enfants pourrait s'engager dans une activité politique et craindre la persécution pour cette raison. Supposons que la famille se voie refuser l'asile ou soit renvoyée du Canada. Quel que soit le nombre d'années écoulées, l'enfant ou la femme ne pourront jamais déposer une demande d'asile à la CISR, car théoriquement ils en auront déjà eu une.
Donc, ce système pourrait exclure toutes ces personnes. Tout ce à quoi elles auront droit, c'est un examen du dossier par un agent de la CISR. Il n'y aura pas de procédure uniforme d'examen de leur demande.
• 1110
Cela pourrait aller si le système était totalement
infaillible, mais il ne l'est pas. Ainsi, les personnes dont la
demande aura été déclarée abandonnée n'auront pas non plus droit à
une seconde audience, alors même qu'elles n'auront pas eu la
première.
Quelles circonstances peuvent amener l'abandon? Eh bien, elles peuvent avoir décidé d'épouser un citoyen canadien et le mariage peut éclater. Ou bien elles ont pu abandonner leur demande d'asile sur la foi de conseils qui s'avèrent erronés. Ou bien elles ont pu avoir un mauvais interprète ou ne pas avoir réalisé l'importance de toujours communiquer à CIC et à la CISR leur changement d'adresse. Étant donné la masse d'information que les réfugiés doivent absorber à leur arrivée, il est très facile pour eux de perdre un élément de vue. Alors que nous avons conscience de l'importance de cela, ils peuvent ne pas le réaliser.
Même lorsque les demandeurs se tiennent en règle, parfois des lettres se perdent à l'intérieur du ministère. Ils ne se présentent alors pas à l'audience, sans qu'il en soit de leur faute, et leur dossier est déclaré abandonné. Ces personnes-là non plus ne pourront pas présenter une deuxième demande.
Nous estimons que le projet de loi est tellement axé sur le pire scénario qu'il néglige les besoins de protection alors que c'est là son objet premier. Nous aimerions que cela soit revu. Nous recommandons que les demandeurs d'asile qui n'ont pas eu effectivement de première audience soient autorisés à faire une deuxième tentative.
Merci.
Le président: Merci, Alexandra.
Je passe maintenant à Jason Lee. Bienvenue, Jason.
M. Jason Lee (coordonnateur de programme, Affiliation of Multicultural Societies & Service Agencies (B.C.)): Merci beaucoup de cette invitation à vous faire part de nos vues concernant le projet de loi C-11, la nouvelle loi sur l'immigration.
En tant que coalition à l'échelle de la province de plus de 80 organisations et associations offrant des services multiculturels en Colombie-Britannique, notre mission est de promouvoir une société harmonieuse, juste et équitable chérissant la diversité culturelle apportée par tous ceux qui considèrent le Canada comme leur pays.
Notre mémoire a été rédigé par deux comités de travail sur l'accès: le comité de coordination de l'intégration, qui représente nombre des agences d'établissement des immigrants de la province; et notre comité de lutte contre le racisme et des droits de la personne, qui agit à titre de défenseur pour la MSSA.
Nous sommes impressionnés par la qualité des nombreux mémoires qui ont été présentés sur le projet de loi C-11. Malheureusement, le nôtre n'aborde que quelques-uns des sujets. Je tiens donc à signaler que, parmi les mémoires que nous avons eu l'occasion de parcourir, nous souscrivons en particulier à la position de l'Association du Barreau canadien, telle qu'énoncée dans une lettre au comité parlementaire du 2 mars 2001, ainsi qu'au mémoire du Conseil canadien des réfugiés daté du 25 mars 2001.
Nous souscrivons également à la position du maire Owen voulant que les municipalités devraient jouer un plus grand rôle dans les procédures d'immigration, sachant que ce sont elles qui accueillent les immigrants à leur arrivée.
Nous réalisons qu'il y a eu beaucoup de consultations sur le projet de loi C-11, du fait qu'il a été précédé par le projet de loi C-31. Cependant, nous voulons souligner qu'une mesure qui se répercutera sur des milliers d'immigrants et de réfugiés potentiels ne peut être adoptée hâtivement. Le Canada doit veiller à ce que cette loi respecte nos engagements, tant nationaux qu'internationaux, en faveur des droits de la personne.
Il s'agit d'assurer le respect des droits des immigrants et des réfugiés et de faire en sorte que cette législation reflète la tradition d'ouverture et d'accueil du Canada dont ses citoyens se targuent.
La rhétorique sous-jacente dans ce projet de loi est inquiétante et risque d'alimenter les peurs qui se font jour dans le public face à l'immigration. Par exemple, je sais que vous avez tous eu l'occasion de réagir à la présentation de M. Murray, et les personnes dans le fond veulent également la commenter. Une bonne part de la rhétorique entourant l'inquiétude publique devant l'immigration...
Il y a deux façons de considérer l'immigration: comme une menace ou comme un défi. Prenez le mouvement écologiste. Il peut être difficile de sensibiliser les immigrants, de les informer en matière d'écologie. On peut considérer les tendances d'immigration, et chercher des façons de redistribuer les immigrants et les encourager à s'établir dans toutes les régions du pays.
C'est la raison pour laquelle, en 1999, le Sierra Club a rejeté l'idée d'un moratoire sur l'immigration. Il se dit convaincu que l'on peut promouvoir les valeurs canadiennes de respect des droits de l'homme, de la dignité et de la diversité, tout en oeuvrant pour la protection de l'environnement. Le club a également jugé que le moratoire serait ouvrir la porte à l'intolérance et à la rhétorique raciste, en faisant des immigrants les boucs émissaires pour les problèmes qui existent dans le monde.
• 1115
C'est pourquoi nous recommandons fermement que les dispositions et
l'application de cette loi soient conformes à la Charte canadienne
des droits et libertés, à la Loi sur le multiculturalisme, à la Loi
sur les droits de la personne et à nos obligations internationales.
Dans l'ensemble, notre mémoire sur le projet de loi C-11 ne diffère guère de celui sur le projet de loi C-31. Quelques changements positifs ont été introduits par rapport à la loi actuelle, tels que l'accent mis sur le regroupement familial et la prolongation du délai accordé aux réfugiés pour s'établir au Canada. D'autres changements positifs sont intervenus entre le projet de loi C-31 et le projet de loi C-11, notamment la prise en compte par la CISR de la possibilité que des accusations puissent avoir une motivation politique et l'accès au système de détermination du statut de réfugié pour les personnes déboutées outre-mer. Toutefois, nos principales préoccupations à l'égard du projet de loi C-31 demeurent, soit l'accent mis sur la criminalité et la sécurité, qui ne fait que renforcer la xénophobie ambiante. Nous restons préoccupés par l'emploi du terme «étrangers» qui, à notre sens, exacerbe le sentiment «eux contre nous».
Pour l'essentiel, le projet de loi C-11 constitue une loi-cadre. Nous recommandons fortement un mécanisme de concertation communautaire aux fins de la rédaction du règlement d'application de la nouvelle loi afin que les notions de justice sociale, d'équité et de droits de la personne soient présentes dans toutes les dispositions de la loi et du règlement. Nous savons que ces aspects peuvent être facilement oubliés s'ils ne sont pas expressément énoncés. Par exemple, on a parlé du fait que le projet de loi autorise le parrainage par des conjoints de fait, particulièrement du même sexe, mais selon notre expérience de la défense des droits de la personne, à moins que cela soit clairement énoncé, les chances sont fortes que les partenaires de même sexe soient exclus de cette interprétation. Je ne sais pas si cette question a fait l'objet d'autres discussions, mais c'est une chose que nous aimerions beaucoup voir.
Pour conclure, merci encore de votre invitation. Nous espérons que les nombreuses recommandations présentées par nos collègues à cette table seront intégrées au projet de loi C-11.
Merci.
Le président: Merci, Jason.
Nous passons maintenant au Working Group on Poverty, avec John Argue.
M. John Argue (directeur des programmes, Working Group on Poverty): Il me faut expliquer tout d'abord que le Working Group on Poverty a été formé il y a seulement trois ans et demi environ, en réaction aux difficultés sociales et économiques rencontrées par les immigrants et les réfugiés, difficultés devenues apparentes depuis une dizaine d'années. Nous sommes un réseau ou une coalition, dont les membres partagent l'information et militent en faveur de l'élimination de la pauvreté, ce qui fait que nous sommes préoccupés par un projet de loi tel que celui dont vous êtes aujourd'hui saisi.
Le premier aspect dont je parlerais est la consultation publique. J'appuie ce que Jason vient de dire concernant l'importance de la concertation au sujet de ce projet de loi, étant donné que la loi actuelle remonte à 1976 et que la nouvelle est si cruciale. Elle touche des milliers de personnes dans ce pays, pas seulement les immigrants et les réfugiés directement, mais aussi tous les membres de leurs familles et leurs amis. Il faut souligner l'importance publique de ce projet de loi. Nous félicitons le comité de se déplacer et de siéger à travers le pays. Nous pensons que le comité et le Parlement pourront tirer profit de cette participation du public. Nous-mêmes et de nombreux groupes membres de notre coalition ou réseau avons bénéficié des débats ouverts par l'Association du Barreau canadien et le Conseil canadien des réfugiés en réponse au projet de loi précédent. Je pense que le débat public tenu sur le projet de loi antérieur a permis d'améliorer le projet de loi C-11 et nous espérons donc que nos recommandations seront prises en considération.
Par ailleurs, j'aimerais exprimer l'accord de notre groupe de travail avec les arguments présentés par le maire Owen concernant l'importance vitale d'une concertation avec les municipalités. Notre réseau compte plus de 160 organisations, grandes et petites, et on voit clairement à Vancouver que les organismes municipaux individuels, tels que le Conseil de l'éducation, et même le Département des parcs et loisirs sont aux prises avec les problèmes soulevés par l'énorme augmentation du nombre d'immigrants et de réfugiés vivant dans la ville. Par conséquent, les décisions prises au niveau national en matière d'immigration se répercutent sur l'administration des programmes gérés par la ville.
• 1120
Par conséquent, notre groupe de travail nous exhorte à
réfléchir aux arguments avancés par le maire Owen, lorsqu'il
demande que les villes, et particulièrement les grandes
agglomérations comme Vancouver, Toronto ou Montréal, soient
consultées aux fins de la législation en matière d'immigration et
que des crédits leur soient versés pour les aider à exécuter les
programmes qui se ressentent du nombre d'immigrants.
Le second point concerne le regrettable battage—qui n'est pas nécessairement de votre faute, mais qui est certainement le fait des médias—autour de la question des réfugiés. Je réitérerai simplement les remarques faites précédemment par l'Association du Barreau canadien, et d'autres groupes également, concernant l'emploi de l'expression «foreign nationals». Nous partageons pleinement cet avis. Les groupes membres de la coalition se préoccupent beaucoup des connotations négatives du débat public sur les immigrants et réfugiés et nous voulons réellement souligner les contributions positives apportées à notre société par les immigrants et réfugiés. Je suis sûr que vous êtes d'accord avec moi là-dessus.
Nous voulons également affirmer notre accord avec ce que divers groupes ont dit au sujet de l'importance vitale des obligations contractées par le Canada en matière de droits de la personne. Et ces obligations devraient être énoncées dans le projet de loi. Encore une fois, je ne vais pas m'étendre car cela a déjà été couvert par d'autres. Je vais néanmoins mentionner quelques considérations.
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant exige de privilégier les droits des enfants, le cas échéant. Or elle n'est pas mentionnée dans le projet de loi. Nous espérons qu'elle le sera, en sus de la Convention contre la torture.
Ceci n'est pas en rapport avec la pauvreté, mais divers groupes réunis au sein du Groupe de travail sur la pauvreté s'inquiètent que des immigrants ou réfugiés renvoyés dans leur pays y risquent la torture. Même si le Canada a signé la convention internationale exigeant que nul ne soit refoulé dans un pays où la personne court ce risque, cela n'est pas clairement mentionné dans le projet de loi. Nous demandons donc que cette obligation soit clairement inscrite dans le projet de loi, afin que le Canada respecte les engagements en matière de droits de la personne qu'elle a pris en signant ces conventions internationales. Et je pense que les Canadiens sont d'accord pour dire que nul ne devrait être renvoyé pour être torturé.
Le groupe de travail se préoccupe de la question de la mise en détention. Toutes sortes de groupes, ici à Vancouver, sont très conscients des problèmes survenus il y a deux ans lorsqu'un certain nombre de clandestins chinois sont arrivés par bateau. Et tout en souhaitant une procédure équitable pour tous, notre groupe, le Groupe de travail sur la pauvreté, objecte à ce que des gens soient détenus pendant si longtemps, à ce que leur vie soit rendue si difficile sans que leurs circonstances et leurs espoirs et désirs soient équitablement pris en considération.
C'est le Conseil canadien des réfugiés, je pense, qui a présenté une recommandation à laquelle nous souscrivons pleinement, à savoir que les importants pouvoirs de détention prévus dans le projet de loi soient réduits et ne s'appliquent plus qu'en cas de danger pour le public ou le risque de fuite.
Vient ensuite l'analyse sexospécifique. Divers groupes ont beaucoup mis l'accent là-dessus. En tant qu'homme, je devrais probablement m'incliner devant les femmes qui se sont exprimées fermement quant aux répercussions sur les femmes et les enfants. Au sein de notre Groupe de travail sur la pauvreté, beaucoup s'inquiètent réellement de la situation injuste dans laquelle se retrouvent les femmes et les enfants, comme d'autres groupes l'ont déjà indiqué ici. Je ne pense pas qu'il soit réellement nécessaire ici de répéter ce qui a déjà été dit.
Le dernier élément dont nous voulons traiter intéresse les réfugiés au sens de la convention. Nous savons que votre comité n'est pas directement responsable de cela, mais c'est un sujet apparenté. Autrement dit, la loi actuelle dit que seuls les citoyens canadiens et résidents permanents peuvent accéder aux prêts fédéraux aux étudiants. Or, les réfugiés au sens de la convention sont très susceptibles de devenir citoyens canadiens après un certain temps, mais les prêts d'études leur sont fermés. Nous faisons valoir une évidence, à savoir que l'accès à ces prêts leur faciliterait l'établissement, lequel est extrêmement probable de toute façon. Nous vous exhortons d'accueillir favorablement cette recommandation.
Merci beaucoup.
Le président: John, encore une fois, permettez-moi de dire combien je suis impressionné par la qualité des mémoires que nous avons entendus ce matin, et par vos suggestions et recommandations, et je ne doute pas que les membres du comité auront quelques questions à vous poser. Je donne la parole à Inky Mark.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
J'aimerais vous remercier de comparaître devant le comité et vous souhaiter la bienvenue ici.
Nous avons entendu nombre de témoins à Ottawa et reçu des mémoires venant de tout le pays. Le message qu'ils transmettent est remarquablement uniforme. Ils disent en gros que le projet de loi a renforcé le volet exécution, mais ils se préoccupent en même temps des droits de la personne et de la justice pour les individus. Nous savons que l'histoire de notre pays a été marquée par des épisodes déplorables. J'espère que nous saurons en tirer les leçons et que, si nous devons errer—du moins c'est mon avis personnel—que ce soit en faveur de l'immigrant légitime. J'ai dit au dernier groupe de témoins que c'est cela la nature du Canada. Nous sommes un pays d'immigration et quiconque veut l'ignorer a besoin qu'on lui remette les idées en place. Notre avenir passe certainement par l'immigration.
Les doléances exprimées par tous les témoins que nous avons entendus concernent, en gros, les garanties de procédure, le fait de qualifier les résidents permanents d'étrangers et le nouveau système de cartes d'identité. J'aimerais peut-être revenir sur cette dernière question, la délivrance de cartes d'identité aux résidents permanents et les contraintes de résidence. En quoi cela expose-t-il les résidents permanents à un risque? Pourriez-vous, en termes simples, expliquer à nos lecteurs et auditeurs tout ce concept? J'ai posé la même question au groupe précédent. Avons-nous seulement besoin de cela? Je n'en suis pas sûr moi-même. Avons-nous besoin de recourir à cette approche?
Le président: Inky, posez-vous la question à chacun d'eux? Si c'est le cas, ce sera la première et dernière question que vous pourrez placer pendant ce tour. Ou bien vous adressez-vous à une personne en particulier? À tous?
La question s'adresse à tous, et je vous demande donc à tous de répondre en moins de 30 secondes, s'il vous plaît.
M. John Argue: Je m'efface devant Gordon.
Le président: Oui.
M. Gordon Maynard: Le règlement prévoit que la carte ait d'une durée de validité de cinq ans. C'est nouveau. À l'heure actuelle, elle est valide indéfiniment.
La difficulté, si vous êtes résident permanent en séjour à l'étranger et que votre carte vient à expiration, ou est perdue ou volée, peu importe, si vous vous trouvez à l'étranger et n'avez pas en votre possession une carte valide, on ne vous laissera pas monter dans l'avion. On vous dira que vous devez vous rendre à une ambassade canadienne et faire renouveler cette carte. Cela peut exiger un déplacement de 1 000 kilomètres. Une fois sur place, si un agent est dans un mauvais jour et que votre tête ne lui revient pas, que vous répondiez ou non à tous les critères de résidence, votre carte ne sera pas renouvelée et vous resterez en rade outre-mer.
Le gouvernement a modifié la loi de telle façon que si vous êtes parti depuis moins d'un an, vous pouvez revenir. C'est une modification par rapport au texte initial. Mais dans le cas d'autres résidents permanents, ils sont à l'étranger et ne peuvent revenir au Canada. La carte, c'est votre ticket d'entrée. Vous êtes toujours un résident permanent, mais ils ne vous laissent pas entrer. Voilà notre objection.
Le président: Alors que Federal Express vous achemine sur place des chèques de voyage en remplacement de ceux que vous avez perdus.
M. Gordon Maynard: C'est juste.
Le président: Alexandra.
Mme Alexandra Charlton: J'aimerais ajouter un mot à cela.
Je sais que cela va probablement se faire, car tous les dispositifs et tous les systèmes sont en place. Mais je demanderais une adaptation afin que la durée de validité de cinq ans, qui n'est pas pratique, soit portée à dix ans. Je crois que c'est le cas aux États-Unis. En effet, vu le temps qu'il faut pour obtenir la citoyenneté et que toutes les vérifications de sécurité soient faites, cela prend habituellement plus de cinq ans. Donc, tout le monde verra sa carte expirer. Ce semble être un lourd fardeau administratif qui n'est pas réellement nécessaire.
Le président: Merci.
Qui veut poser une question là-bas? Rapidement.
M. John McCallum: Ma question s'adresse principalement à l'Association du Barreau canadien.
Je suis libéral en matière d'immigration, mais il me semble qu'il faut prendre au sérieux cette idée de rendre plus difficile l'immigration clandestine de façon à pouvoir accueillir davantage d'immigrants réguliers, et parce qu'il y a le poids de l'opinion publique qui fait que, en dépit de la générosité dont nous voulons faire preuve, si nous sommes perçus comme trop laxistes, il y aura un contrecoup dans l'opinion contre ce que je souhaite, soit une politique d'immigration libérale.
Je vais vous citer, si je puis, deux phrases d'une lettre. Elle n'a pas du tout le même ton que celui d'Inky, mais c'est une lettre de Darrel Stinson adressée à l'ABC:
-
Le plus alarmant est que ce projet de loi offre également toutes
les garanties de la Charte des droits à tous les demandeurs
d'asile. Cela est ridicule. Aucun pays au monde n'en fait autant.
C'est daté du 29 mars 2001.
-
Ainsi, le Canada devient un havre pour les criminels du monde
entier. Une fois chez nous, le Canada ne peut les renvoyer dans
leur pays d'origine s'ils risquent d'y être maltraités. C'est
aberrant.
Le président: Dieu merci, c'est Inky qui siège au comité et pas Darrel Stinson.
M. John McCallum: Je suis tout à fait d'accord. Mais c'est un point de vue qui existe dans le pays et c'est pourquoi nous avons besoin de cet équilibre.
Cette lettre est datée du 29 mars 2001, et ce n'est donc pas de l'histoire ancienne.
J'ai indiqué dans une séance antérieure que j'aimerais personnellement apporter quelques amendements, dont un qui préciserait qu'aucun résident permanent ne peut être renvoyé dans son pays d'origine sans une audience de la CISR. Cette décision ne pourrait être prise simplement par un agent d'immigration, comme le projet de loi actuel semble l'autoriser. La deuxième possibilité serait qu'un contrôle n'ait lieu que si l'intéressé a présenté une demande pour quelque chose au ministère, et non pas à cause d'une lubie d'un agent. Cela n'irait pas aussi loin que vous le désirez.
Étant donné que nous devons tenir compte de l'opinion publique si nous voulons faire accepter à long terme une politique d'immigration libérale, pensez-vous que ces deux amendements suffiraient?
M. Gordon Maynard: Si le contrôle s'inscrit dans une demande présentée par l'intéressé, qu'il soit résident permanent ou autre, et non pour des raisons subjectives de l'agent, nous pouvons comprendre ce genre de dispositions. Le problème de l'article 15 est qu'il s'agit d'un contrôle de type enquête, pour déterminer l'interdiction de territoire d'une personne et qui est le fait d'un agent ayant le pouvoir d'ordonner une mesure de renvoi, sans aucun droit d'appel.
Pour ce qui est de votre deuxième suggestion, à savoir qu'un résident permanent ait toujours droit à une audience devant la section d'appel, cela est approprié. C'est ce que nous recommandons, à condition que toutes les circonstances du cas soient examinées.
Le président: John, avec quelle rapidité pouvez-vous rédiger ces amendements? Cela nous évitera probablement toute une série de discussions au cours des trois ou quatre prochains jours. Je vous remercie de ces idées.
M. Andrew Wlodyka (chargé de recherche, Section de la Colombie-Britannique, Association du Barreau canadien): Je suis d'accord avec cela, monsieur le président.
J'ai siégé à la commission pendant plusieurs années. La commission n'est qu'une institution créée par le Parlement où des membres du public, venant d'horizons divers, siègent dans un système très ouvert et transparent. Lorsque vous parlez d'équilibre, c'est là un exemple parfait d'une institution publique formée de Canadiens venant de tous les horizons qui se penchent sur toutes les circonstances d'un cas particulier et prennent ces décisions. Il faut que le mécanisme soit équitable et équilibré afin que le public canadien puisse y souscrire. C'est ouvert, c'est transparent, les décisions sont rendues par écrit et sont sujettes à contrôle judiciaire.
Vous substituez à cela toutes sortes de procédures non transparentes. Elles sont cachées, et il n'y a aucun contrôle. Pensez-vous que le public va approuver cela? À long terme, je pense que non. Donc, en tant que parlementaire, je pense que vous devriez toujours errer en faveur de l'ouverture et de la transparence, car c'est ainsi que vous rallierez le soutien du public.
Le président: Brièvement.
M. John McCallum: J'ai juste un autre commentaire, monsieur le président, qui n'appelle pas forcément de réponse. Après avoir écouté toutes ces présentations, premièrement, je conviens avec le maire qu'il serait bon que les villes soient consultées. Je pense que les municipalités sont cruciales si nous voulons réussir. Je crois que le gouvernement fédéral travaille à cela. Mais il y a des freins constitutionnels car les municipalités sont sous la tutelle des provinces. Mais peut-être y a-t-il moyen de contourner cela.
Deuxièmement, je...
Le président: Supprimons les provinces. C'est la solution.
M. John McCallum: Ce serait une solution.
Des voix: Oh, oh!
M. John McCallum: Je conviens que l'expression «foreign national» est déplacée et dégage une mauvaise odeur. J'espère que nous pourrons trouver quelque chose de mieux.
Enfin, à mon avis personnel et en tant qu'ancien professeur, ce serait une bonne idée que les réfugiés aient accès aux prêts canadiens d'études. Les représentants de la police ont indiqué qu'ils tendent à la délinquance. Si on leur facilite les études, cela pourrait les en détourner.
Merci.
Le président: Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'ai deux questions à poser.
La première concerne le retrait du droit d'appel qu'on retrouve dans le projet de loi qui est devant nous. Si on revenait à ce qui était dans l'ancienne loi, est-ce qu'on répondrait à vos inquiétudes quant au droit des personnes de se faire entendre comme personnes, comme individus?
• 1135
Quant à ma deuxième question, je ne sais pas
si elle sera recevable, monsieur le président, mais je me fie
à votre jugement. On a entendu de beaucoup
de personnes, notamment du
maire de Vancouver et d'organismes, une espèce
d'appel à la nécessité de la consultation. Vous êtes
aux premières loges et vous savez quels sont
les problèmes vécus par la population
immigrante, qui arrive dans un nouveau pays.
Pour le Comité de la citoyenneté et de l'immigration, il est très clair que le projet de loi sera adopté avant l'été. Il y a de fortes chances qu'il le soit avant l'été, et cette loi sera là pour longtemps. Pensez-vous que le Comité de la citoyenneté et de l'immigration devrait avoir la responsabilité d'aller consulter, par exemple tous les ans, les intervenants du milieu qui ont quelque chose à dire sur la façon dont les choses se passent avec la nouvelle loi et sur les besoins? Il est clair que la situation sera modifiée. Une loi change nécessairement les situations.
J'aimerais vous entendre là-dessus, monsieur Maynard ou madame Miller.
[Traduction]
Mme Renée Miller: Nous sommes d'accord avec l'idée contenue dans votre première question. Le système actuel fonctionne plutôt bien. Il est efficient et équitable. Il est conforme à nos obligations juridiques internationales et il faudrait le conserver.
M. Gordon Maynard: Excusez-moi de répondre en anglais.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je ne vous excuse pas.
Le président: Vous devriez enlever vos écouteurs lorsque vous parlez. Si vous vous écoutez vous-même en français, cela pourrait vous dérouter.
M. Gordon Maynard: Si vous n'excusiez pas mon anglais, vous devriez excuser mon français.
Des voix: Oh, oh!
M. Gordon Maynard: La loi actuelle contient ce que l'on appelle «l'avis de danger du ministre», qui représente une tentative du ministère en 1995 d'empiéter sur la compétence de la commission. Nous n'avons jamais souscrit à cela. Donc, lorsque nous disons que nous aimons le système actuel, nous parlons de la commission, et non pas de la procédure de l'avis du ministre, auquel nous nous sommes toujours opposés et qui s'est heurté à des problèmes énormes dans les tribunaux. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement s'en débarrasse dans ce projet de loi.
Pour ce qui est de votre deuxième commentaire, concernant des consultations régulières avec les intervenants, je trouve cela une excellente idée. L'immigration exerce un énorme impact sur de nombreux segments de la société. D'une certaine façon, il faudrait un organe de surveillance, du type Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui supervise le SCRS. Peut-être faudrait-il un comité de surveillance dans le domaine de l'immigration. Je ne sais pas.
Le président: Alexandra.
Mme Alexandra Charlton: Je ne vais pas me prononcer sur votre première question, mais je trouve votre deuxième suggestion brillante. C'est en partie ce que nous cherchons à faire régulièrement par le biais de notre comité consultatif, mais celui-ci est très régional. Je pense que ce serait merveilleux de prendre le pouls des villes à l'échelle nationale, particulièrement les principaux pôles d'immigration. Ce serait certainement utile à Vancouver.
Le président: Jason.
M. Jason Lee: Nous pensons également que la consultation serait une très bonne chose, d'autant que nous sommes préoccupés de l'envergure donnée aux règlements. Une fois que la loi commencera à être mise en oeuvre, il pourrait surgir des préoccupations au sujet de certaines interprétations et de l'application routinière. Nous sommes donc très en faveur de cela.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur...
Le président: Madeleine, vous avez posé la question à tout le monde, et ils veulent tous répondre.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: D'accord.
Le président: John.
M. John Argue: Je suis également pour l'idée de la consultation, pour les raisons indiquées.
En ce qui concerne la remarque de M. McCallum, soit l'obstacle constitutionnel à la consultation des villes, je dirais que l'accord conclu par Vancouver n'est peut-être pas parfait, mais qu'il est une illustration du type de partenariat entre divers paliers de gouvernement de plus en plus utilisé. C'est peut-être la solution.
Le président: Est-ce que l'accord de Vancouver est d'un type particulier, Baldwin? Vous pourriez peut-être nous donner quelques renseignements sur ce modèle. C'est la première fois que j'en entends parler. J'avoue que je ne suis pas au courant.
M. Baldwin Wong (Planification du développement social, Ville de Vancouver): Je crois que l'accord de Vancouver est l'un des tout premiers accords trilatéraux en vue de la collaboration sur des questions spécifiques dans la ville de Vancouver. Il a été signé par les trois paliers de gouvernement, qui y contribuent conjointement des ressources.
Le président: Peut-être pourriez-vous déposer ces renseignements. C'est une façon intéressante de faire ce que nous souhaitons tous.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je suis contente de voir que vous trouvez que c'est une bonne idée. Seriez-vous favorables à ce que cette consultation soit inscrite dans la loi ou, à tout le moins, dans les règlements? Le comité est, bien sûr, libre de faire ce qu'il veut, avec certaines réserves, mais est-ce que vous souhaitez même qu'elle soit institutionnalisée?
Le président: Rapidement, tout le monde—oui ou non?
Mme Alexandra Charlton: Oui.
M. John Argue: Oui.
M. Jason Lee: Oui.
M. Gordon Maynard: Plus ou moins, dans la mesure où les compétences le permettent.
M. Baldwin Wong: Oui.
Le président: Vous êtes tous d'accord.
Merci, Madeleine. Nous avons un consensus, du moins de ce côté-ci de la table.
John.
M. John Herron: John, s'agissant de porter assistance, particulièrement, aux réfugiés au sens de la convention, un projet de loi d'initiative parlementaire a été déposé à la Chambre qui préconise précisément la même chose, et c'est à l'initiative d'un très éminent député, M. Graham. Peut-être vous et d'autres organisations animés des mêmes idées devriez vous rallier derrière ce projet de loi, que les progressistes-conservateurs appuient également.
L'une des remarques que je ferais est pour dire que nous trouvons contraire à l'esprit démocratique canadien l'absence de droit d'appel, particulièrement s'agissant de résidents permanents. J'ai vu un amendement, auquel je ne souscris pas—je préférerais quelque chose de mieux mais je soumets néanmoins l'idée à l'ABC—prévoyant que la personne qui est résidente permanente depuis cinq ans ou plus aurait automatiquement le droit d'appel si elle est déclarée interdite de territoire pour violation des droits de la personne et des droits internationaux, grande criminalité et criminalité organisée. Ce serait un amendement de compromis. J'aimerais avoir plus que cela, mais qu'en pensez-vous?
M. Gordon Maynard: Certainement. C'est précisément ce que nous recommandons.
M. John Herron: D'accord.
M. Gordon Maynard: C'est l'une de nos recommandations, en guise de moyen terme. De manière générale, notre préférence est que les appels soient entendus par la Section d'appel et nulle part ailleurs. Si vous allez enlever des droits d'appel, à tout le moins minimisez les dégâts autant que possible—et cette recommandation minimise les dégâts. Les personnes au pays depuis cinq ans sont plus susceptibles d'avoir des circonstances et des considérations méritant d'être écoutées. Mais notre préférence est de conserver les appels pour tout le monde, devant la Section d'appel.
M. John Herron: L'ABC préférerait donc toujours la suppression complète de l'article 64?
M. Gordon Maynard: Oui.
M. Andrew Wlodyka: Cette disposition relative au domicile dont nous parlons figurait dans la loi antérieure à celle de 1976 et a été enlevée. C'est une ligne de partage très étrange, qui place certains d'un côté de la ligne et les autres de l'autre. C'est pourquoi l'ABC a pris pour position, tout compte fait, qu'il faudrait appliquer la même approche à tous, c'est-à-dire donner un droit d'appel à tout le monde, et laisser le tribunal trancher chaque cas particulier selon son mérite.
Le président: Un dernier commentaire pour terminer, mais bref.
M. John Herron: D'accord.
J'ai été très frappé par le fait que vous considérez le projet de loi comme un bouclier contre la reddition de comptes de la part du ministère. À une époque où la responsabilité politique semble de plus en plus réduite—si le président veut bien m'accorder un peu de temps—y a-t-il d'autres éléments qui vous paraissent protectionnistes, par exemple les demandes pour motif humanitaire? Y a-t-il d'autres dispositions protégeant le ministère?
M. Gordon Maynard: Plusieurs. On prive de recours les parrains, dans le cas des demandes refusées pour fausse déclaration. Seuls certains appels peuvent être entendus. Le projet de loi donne à entendre—et c'est très peu clair—que les parrains n'auront pas de recours contre un refus de demande de regroupement familial lorsque le parrain ne remplit pas ses obligations. Dans la loi actuelle, un recours est possible lorsque le membre de la famille est déclaré interdit de territoire ou que vous ne remplissez pas les obligations de parrainage. Le projet de loi semble indiquer que le deuxième recours n'existe plus. C'est suggestif. C'est un libellé très finaud. Ce n'est pas dit explicitement.
• 1145
Le pouvoir du ministre d'ignorer les demandes pour motifs
humanitaires est nouveau, et cette disposition signifie que le
ministre peut simplement mettre de côté une demande sans y
répondre; il n'est pas obligé d'en tenir compte. Il y a donc toutes
sortes de domaines où nous pensons que le projet de loi vise à
mettre le ministère à l'abri de la reddition de comptes.
Le président: Désolé, mais je ne peux permettre à trois personnes d'intervenir sur la même question. Comme vous le savez, nous sommes pressés par le temps.
Y a-t-il d'autres commentaires?
D'accord, c'est terminé. Vous planchez sans arrêt, John, et nous allons vous laisser souffler un peu.
Nous passons à Libby, qui a manifestement de bonnes idées, elle aussi.
Mme Libby Davies: Il y a tellement à dire.
Je m'inquiète de plus en plus du soi-disant équilibre dans ce projet de loi, particulièrement lorsque j'entends l'ABC dire que le ministère se donne la latitude d'ignorer des choses comme les demandes pour motifs humanitaires. Avez-vous d'autres exemples du même genre, pour étayer votre thèse concernant le manque de transparence.
J'imagine qu'une chose à faire est de transférer le contenu du règlement dans le projet de loi dans toute la mesure du possible, afin que ces choses deviennent obligatoires. Voilà un premier commentaire.
J'ai ensuite une question pour Baldwin, de la ville de Vancouver. Vous avez mentionné l'accord de Vancouver, mais le maire a également parlé d'une aide financière aux municipalités. Auriez-vous des détails sur la consultation que vous entrevoyez, sur ce qu'il faudrait inscrire dans le projet de loi, et deuxièmement, concernant la compensation financière mentionnée par le maire?
M. Baldwin Wong: En ce qui concerne l'aspect financier, il y a en fait un accord Canada-Colombie-Britannique par lequel le gouvernement fédéral a dévolu au niveau provincial la responsabilité de certains services d'installation. Nous avons donc également des pourparlers avec le gouvernement provincial sur la façon de mieux partager ou collaborer en vue de l'exécution des programmes et services.
Pour vous donner un exemple, il est réellement très difficile pour la ville de fournir les services aux nouveaux arrivants pour des raisons linguistiques. Statistiquement, la moitié des nouveaux arrivants de la ville arrivés entre 1986 et 1998 ont une connaissance limitée ou nulle de l'anglais ou du français. La ville cherche actuellement à mettre en place une politique linguistique pour mieux servir ces nouveaux arrivants, mais nous n'avons pas réellement les ressources financières pour cela. Il serait extrêmement utile que l'accord actuel avec la province ou quelque autre modalité puisse dégager quelques ressources pour la ville à cet effet.
Le président: Qui veut parler du problème de la reddition de comptes?
Mme Libby Davies: Je veux parler surtout du fait que tant de dispositions vont figurer dans le règlement plutôt que dans la loi elle-même, et c'est un des éléments de la reddition de comptes.
Mme Renée Miller: Si je puis répondre brièvement, certains éléments du règlement doivent être transférés dans la loi. Il n'est pas bon que certains droits des personnes qui arrivent au Canada soient relégués dans le règlement, qui peut être modifié sans droit de regard du Parlement ou sans reddition de comptes. Mais il n'y a pas que cela. Il faut vraiment inscrire expressément dans la loi l'esprit de compassion qui doit présider aux décisions. Il faut absolument le genre de contrôle, de recours, le genre de prise de décisions humanitaire dont parlait Alexandra. Il ne suffit pas de reléguer cela dans le règlement ou de ne pas le spécifier dans la loi.
Le président: Excellent.
Merci à tous, collègues, témoins et témoins précédents. Je suis très impressionné, non seulement par les mémoires, mais aussi par vos idées et par le fait que nous avons pu éprouver les concepts des uns et des autres. Je pense que cela nous aidera grandement à construire une meilleure loi. Merci beaucoup à tous.
Nous accusons environ 45 minutes de retard et je présente donc mes excuses au prochain groupe de témoins. Nous allons les entendre sans tarder.
Si je puis inviter le Réseau des centres d'éducation canadien, l'Association canadienne des écoles de langues privées, Vancouver Status of Women, la Canadian Association for Immigration Reform et le Consortium ESL à prendre place à la table, je leur en serais reconnaissant. Merci.
Le président: Je remercie les témoins de leur patience.
• 1155
Je suis sûr que vous avez été nombreux à entendre les
discussions précédentes, et je pense que vous connaissez donc la
règle du jeu, qui vise à laisser du temps pour vous poser quelques
questions. Nous avons le texte de vos mémoires. Nous vous demandons
de le résumer.
Nous allons commencer immédiatement, avec le Réseau des centres d'éducation canadien, Gardiner Wilson. Gardiner, voulez-vous commencer?
M. Gardiner Wilson (directeur, Politique générale et recherche, Réseau des centres d'éducation canadiens): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous remercier de votre invitation à témoigner lors de vos délibérations sur le projet de loi C-11.
Comme d'autres témoins l'ont déjà dit, le projet de loi est presque exclusivement concentré sur l'immigration et la protection des réfugiés. C'est manifestement là la grande priorité de Citoyenneté et Immigration Canada, mais le ministère est également responsable du cadre législatif et du contrôle opérationnel des mouvements de visiteurs, travailleurs et étudiants internationaux. C'est sur la question des étudiants internationaux que j'aimerais axer mes remarques liminaires.
Nous sommes une organisation travaillant en collaboration étroite avec quelque 260 établissements d'enseignement de toutes les provinces canadiennes, soit universités, collèges et CÉGEP, écoles secondaires publiques et privées, collèges professionnels, écoles d'ALS et FLS privées et publiques, établissements qui ont tous des programmes éducatifs d'excellente qualité et de prix compétitif à offrir aux étudiants internationaux.
Notre association a été fondée il y a six ans avec pour mission de commercialiser et promouvoir le Canada en tant que destination éducative car, très franchement, l'enseignement international est devenu un énorme secteur de services d'exportation. Aujourd'hui, nous faisons également la promotion du Canada en tant que destination pour des formations spécialisées. Nous avons 20 petits bureaux d'éducation à l'étranger, qui offrent des services de conseil gratuits aux étudiants. Ces bureaux font également office de base opérationnelle pour les clients canadiens offrant des services éducatifs et fournissent des renseignements sur le marché local et d'autres services.
Nous avons déjà remis notre mémoire au comité permanent. J'aimerais seulement passer en revue certains de ses éléments et ajouter un point de vue personnel. Je viens de prendre ma retraite après une longue et agréable carrière au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, au cours de laquelle j'ai eu plusieurs affectations à l'étranger, les plus récentes étant dans le Sultanat du Bruneï et en Asie du Sud-Est. J'ai maintenant entamé une seconde carrière avec le RCEC car j'adhère très fortement à l'oeuvre de cette organisation, soit la commercialisation et la promotion de notre pays comme destination éducative de qualité mondiale pour les étudiants étrangers. On estime que l'éducation internationale contribue quelque quatre milliards de dollars par an à l'économie canadienne.
Mais l'éducation internationale n'est pas caractérisée seulement par sa dimension économique. Je suis convaincu des avantages que tous les participants à cette activité en retirent, et ces avantages sont énumérés dans notre mémoire. L'étudiant étranger accède à l'un des meilleurs systèmes éducatifs du monde, à un prix abordable. Les droits de scolarité canadiens figurent parmi les plus faibles des grands pays de destination. Le diplômé ramène chez lui une meilleure connaissance du pays, de l'information et toute une série de contacts futurs qui lui seront profitables, ainsi qu'à son pays. La salle de classe canadienne est enrichie par la présence de jeunes gens venus du monde entier. Cela ouvre l'esprit de nos propres jeunes à l'heure où ils entrent de la vie professionnelle et deviennent citoyens du Canada et du monde. C'est ce que l'on appelle la mondialisation, et quelle que soit l'inquiétude qu'elle peut susciter en nous, il faut y préparer notre jeunesse.
Les établissements d'enseignement canadiens en retirent avantage car ils peuvent mettre à profit leur capacité excédentaire en offrant des places à des étudiants étrangers payant les pleins droits de scolarité, et cela leur permet de préserver et d'élargir les programmes offerts aux étudiants canadiens. Il y a là une importante source de revenus.
Le Canada en retire avantage également. Les jeunes hommes et femmes, à leur retour dans leur pays, deviennent d'efficaces ambassadeurs du Canada. Ils connaissent notre pays, ils savent qui nous sommes. Mes années d'expérience personnelle m'ont montré à quel point il est avantageux que nos personnes-contacts dans l'administration, le secteur privé, les parlements ou les universités connaissent notre pays. L'éducation internationale donne naissance à ce que j'appelle un cercle d'adeptes du Canada dans les pays étrangers.
Le RCEC aura beau s'épuiser à commercialiser et promouvoir le Canada comme destination, si l'étudiant prospectif éprouve de la difficulté à obtenir le visa, doit attendre trop longtemps, est mal reçu au bureau d'immigration ou ne peut occuper un emploi à temps partiel pendant qu'il séjourne chez nous, il peut facilement opter à la place pour les États-Unis, ou l'Australie, ou la France, ou l'Irlande, ou la Nouvelle-Zélande, ou l'Allemagne, ou le Royaume-Uni, ou les Pays-Bas. Les options ne manquent pas et ces autres pays sont très actifs sur le marché éducatif.
En juin de l'an dernier, le RCEC, en collaboration avec l'Association des universités et collèges du Canada, que vous avez déjà reçue à Ottawa, crois-je savoir, a rédigé une étude comparant le Canada et d'autres grandes destinations éducatives. Le rapport a conclu que les politiques et procédures d'immigration canadiennes applicables aux étudiants étrangers ne sont pas à la hauteur de celles des grands pays concurrents.
• 1200
Les recommandations formulées dans notre mémoire visent à
mettre le Canada sur un pied d'égalité avec les pays que j'ai
mentionnés. Si Citoyenneté et Immigration Canada les incorporait
soit dans la loi, soit dans le règlement d'application, cela
renforcerait considérablement la compétitivité du Canada. En
particulier, nous aimerions que le texte de la nouvelle loi donne
acte de l'importance que les étudiants étrangers revêtent pour le
Canada, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Nous aimerions que CIC introduise des procédures pour faciliter l'entrée au Canada d'étudiants venant de pays à faible risque, afin qu'il puisse concentrer ses ressources sur les pays à plus fort degré de risque.
Nous aimerions que les visiteurs au Canada puissent demander et recevoir un visa d'étudiant sans devoir partir aux États-Unis ou rentrer dans leur pays d'origine, comme ils le doivent à l'heure actuelle.
Nous aimerions que les étudiants étrangers puissent travailler à temps partiel hors campus, comme c'est le cas en Australie et en Grande-Bretagne. Nous aimerions que les étudiants fréquentant des établissements privés puissent occuper des emplois à temps partiel dans ces établissements, tout comme ils peuvent le faire dans les établissements publics. À l'heure actuelle, cela leur est interdit.
Nous aimerions voir instaurée une catégorie de visa de formation professionnelle, afin de faciliter l'émission de ces visas.
J'espère que le comité prendra conscience des avantages énormes que le Canada retirerait d'une politique de visa d'étudiant plus accueillante et plus légère. Le slogan du Réseau des centres d'éducation canadiens est: «Le Canada pour les études à la portée du monde», «Canada, where the world comes to study». Avec votre aide et la modernisation de la Loi sur l'immigration et des règles relatives aux étudiants internationaux, nous pouvons assurer que le Canada reste une destination privilégiée des étudiants internationaux.
Si vous avez des questions, je serais ravi d'y répondre.
Le président: Merci, Gardiner.
Nous allons passer maintenant à l'Association canadienne des écoles de langue privées, représentée par Sharon Curl, présidente sortante. Bienvenue, Sharon.
Mme Sharon Curl (présidente sortante, Association canadienne des écoles de langue privées): Merci.
Je voudrais tout d'abord remercier le comité permanent, au nom de l'ACELP, de la possibilité de présenter les vues de notre association sur le projet de loi C-11. Ce que je vais dire recouvrira en partie ce que M. Wilson vient de dire et je précise que notre association souscrit aux propos et aux recommandations du RCEC.
L'ACELP a été fondée en 1997 et se veut le porte-parole du secteur croissant de la formation linguistique privée au Canada. Nous représentons plus de 50 établissements implantés dans plus de 100 localités du pays, de Victoria à Charlottetown. Notre mandat est vaste, englobant la promotion des écoles membres, l'assurance de qualité et la défense des intérêts de nos membres. L'une de nos missions les plus importantes est de promouvoir le Canada comme destination privilégiée des étudiants internationaux. Les membres de l'ACELP et notre secteur dans son ensemble font un travail remarquable s'agissant d'exposer et de promouvoir les vertus du Canada. Naturellement, nous avons un intérêt propre à la vitalité de cette industrie, mais je dois souligner, comme M. Wilson l'a fait, que les étudiants étrangers profitent au Canada et génèrent des revenus additionnels pour tous les Canadiens.
L'éducation internationale est un produit de premier rang et de haute importance économique. La Banque mondiale estime le chiffre d'affaires à environ 100 millions de dollars par an et le Réseau CEC indique dans son rapport qu'elle apporte quatre millions de dollars rien qu'au Canada. Nous parlons donc là de l'une des plus grosses exportations canadiennes, qui dégage des millions de dollars de retombées annuellement—commerces de détail, emplois d'enseignant, emplois administratifs, loyers payés par les étudiants, tourisme. Tout cela est directement lié aux milliers d'étudiants étrangers venant chaque année dans notre pays. En outre, il y a les avantages sociaux pour le Canada, ces étudiants devenant des ambassadeurs du Canada et des partenaires commerciaux et politiques du Canada.
La recherche menée par le Réseau CEC et l'AUCC démontre clairement que les concurrents du Canada ont adopté une approche cohérente et globale du recrutement d'étudiants étrangers, approche reflétée dans leurs politiques et pratiques d'immigration respectives. Le Canada accuse du retard et voit sa part de marché rétrécir par défaut d'une telle approche, et notre retard continuera de se creuser si nous n'améliorons pas les politiques et pratiques d'immigration dans nos missions à l'étranger. Dans l'exposé de position sur l'immigration de l'ACELP joint au mémoire, nous recommandons des changements dont nous pensons qu'ils permettront aux membres de notre industrie de collaborer avec les pouvoirs publics afin de promouvoir activement le Canada comme destination idéale pour les étudiants internationaux.
Notre première priorité demeure la prolongation de trois à six mois de l'exemption de permis de séjour des étudiants, ce qui devrait être fait dans le règlement d'application du projet de loi C-11, nous a-t-on assuré. Ce changement contribuera à accroître les avantages économiques de cette industrie et les avantages pour le Canada.
• 1205
Deuxièmement, nous recommandons de simplifier la procédure de
délivrance de visa dans les ambassades et missions canadiennes. Le
processus des examens médicaux, lourd et inefficace, pose quantité
de problèmes. Du fait de ces procédures lentes et bureaucratiques,
les étudiants optent pour d'autres destinations ayant des systèmes
plus accueillants et efficients.
Un autre grand souci de nos membres est le manque d'uniformité des procédures d'une mission à l'autre et leur manque de transparence. Les fonctionnaires des missions canadiennes doivent au public des comptes pour les décisions qu'ils prennent relativement aux demandes de visa.
Les pays concurrents, tels que l'Australie, permettent aux demandeurs déboutés de demander une explication officielle des raisons du rejet. Ce n'est pas le cas au Canada. Le Canada se prive de millions de dollars de revenu par la manière dont les demandes de visa sont traitées dans les missions à l'étranger.
Un troisième aspect est que de nombreux étudiants viennent au Canada en tant que visiteurs pour des cours de courte durée, en viennent à apprécier notre pays et veulent rester pour poursuivre des études plus longues, ce qui est très avantageux pour notre pays, mais sont contraints de repartir du fait de l'impossibilité de demander un visa d'étudiant sur place, et beaucoup ne reviennent pas. Nous recommandons que les agents d'immigration situés au Canada soient autorisés à opérer le changement de statut des étudiants, c'est-à-dire à délivrer des permis de séjour aux étudiants.
La dernière recommandation dans notre document est que les étudiants étrangers fréquentant des écoles de langue privée soient autorisés à travailler jusqu'à 20 heures par semaine. Tous nos grands concurrents étrangers permettent aux étudiants de travailler à temps partiel, reconnaissant que c'est là un facteur important dans choix du pays d'études par les étudiants. Nous craignons que le changement à la politique dans ce domaine ne s'applique qu'aux établissements publics, à l'exclusion du secteur privé. Nous demandons la parité entre les deux catégories d'établissements.
En tant que petites entreprises contribuant à tous les niveaux à nos collectivités respectives, nous réclamons—en échange de nos contributions, l'égalité de traitement avec nos homologues du secteur public.
J'ai déjà indiqué les difficultés que nous avons à soutenir la concurrence étrangère, du fait de notre politique d'immigration. Dans notre secteur, cela est encore aggravé par un autre facteur: de nombreuses missions donnent priorité aux étudiants désireux de fréquenter des établissements publics, par opposition aux écoles privées. Vu notre valeur en tant qu'entreprises privées, nous pensons que ce n'est pas trop demander que de réclamer la parité avec le secteur public sur le plan de la délivrance de visas et du travail des étudiants.
Nous sommes en faveur de procédures qui facilitent l'entrée au Canada des étudiants de bonne foi et prémunissent notre pays contre la fraude et les abus. Nous sommes convaincus que le système actuel ne remplit pas cet objectif. Nous sommes disposés à collaborer en vue de construire un système plus efficient, plus efficace et meilleur pour tous les Canadiens.
Nos besoins sont grands et il est indispensable qu'ils soient satisfaits si nous voulons soutenir la concurrence, sur un pied d'égalité, des autres acteurs dans cette industrie. Nous demandons au comité de reconnaître l'importance et la gravité du dossier étudiant et de réaliser l'importance pour le Canada de notre industrie et des étudiants étrangers.
Les modifications que l'APELC recommande, et qui peuvent facilement être apportées par une plus grande attention portée au dossier étudiant dans le projet de loi C-11 et son règlement d'application feront que l'industrie de l'éducation internationale prospérera et que les emplois canadiens seront protégés et de nouveaux emplois créés.
Merci beaucoup de votre temps et de votre attention.
Le président: Merci, Sharon.
Nous passons maintenant à Vancouver Status of Women, avec Olatz Sagarduy.
Mme Olatz Sagarduy (coordinatrice de la recherche, Vancouver Status of Women): Je tiens à vous remercier de cette occasion de prendre la parole au nom de Vancouver Status of Women.
Tout d'abord, je suis immigrante reçue moi-même depuis cinq mois. Je suis très troublée par l'idée que, selon le projet de loi, on va dorénavant me qualifier d'étrangère. Je ne sais pas si cela signifie que mon opinion compte moins que celle d'autrui.
Vancouver Status of Women est une organisation féministe sans but lucratif oeuvrant pour et avec les femmes en vue de réaliser l'égalité des femmes. Nous avons un programme de recherche participative de trois ans sur la politique et les pratiques canadiennes en matière de justice et leurs effets sur les femmes.
• 1210
Pour commencer, nous donnons acte du fait qu'une nouvelle loi
est nécessaire, une loi protégeant ceux dans le besoin et
garantissant les droits fondamentaux des immigrants. Mais nous ne
pensons pas que le projet de loi C-11 remplisse cet objectif. Nous
pensons qu'il est une invitation lancée aux hommes les plus
instruits et intelligents à s'établir au Canada, mais il est
difficile pour les femmes, même instruites et qualifiées, d'obtenir
un visa à titre indépendant. J'ai dû moi-même être parrainée, alors
même que j'avais l'instruction et les qualifications requises pour
être admise à titre indépendant. Tous les critères semblent être
axés sur les hommes.
Je considère que, dans l'ensemble, le projet de loi souffre de l'absence de toute analyse de ses effets selon le sexe, la race et la classe sociale. J'explique cela dans mon mémoire, mais je veux rapidement passer en revue certains éléments concernant l'absence d'analyse sexospécifique.
Par exemple, bien que certaines mesures soient proposées améliorant la catégorie des parrainages, on ne s'interroge en rien sur la nature de la dépendance qu'elle engendre. La durée du parrainage a été ramenée de dix ans à trois ans, les hommes condamnés pour violence sur une femme sont interdits de parrainage et les conjoints de fait et de même sexe sont admis à parrainer. Ce sont là des pas dans la bonne direction, mais les exigences imposées aux parrains maintiennent, renforcent et perpétuent le rôle traditionnel des femmes.
Nous demandons l'abolition du parrainage. Mais s'il doit être maintenu, nous demandons qu'il soit mieux adapté aux besoins des femmes et qu'il donne accès aux programmes sociaux et à tout ce qui facilite leur bonne intégration en tant que résidentes permanentes.
Nous sommes troublées par le fait qu'aucune mention n'est faite du programme des aides familiales résidantes. Nous supposons qu'il sera maintenu dans sa forme actuelle. Ce programme existe car il y a une demande d'employées de maison et nous pensons qu'il devrait être reporté dans la catégorie des immigrants indépendants, afin que les employées de maison puissent présenter une demande à titre indépendant.
Un autre exemple du manque d'analyse sexospécifique, comme les témoins précédents l'ont signalé, est la suppression de la deuxième demande d'asile dans le cas des femmes. Dans une situation où le demandeur principal est l'homme de la famille, il est fort possible que l'homme inflige des sévices à la femme—et la femme n'a pas la possibilité de présenter une seconde demande, même si elle est admissible à recevoir asile au Canada.
Pour ce qui est de l'analyse des effets selon la classe du projet de loi C-11, nous ne voyons aucune mention d'une modification de la taxe d'entrée. Nous savons qu'il peut falloir une vie à la plupart des immigrants pour économiser ce montant. Si on ne change pas cette taxe, nous pensons que cela va exclure beaucoup d'immigrants potentiels.
Nous sommes troublées également par le système des points. Bien que l'on prétende qu'il devient plus flexible, il continue à privilégier l'éducation et la qualification professionnelle. Aucune mention n'est faite du travail de maison, de la garde d'enfants ou de tous les autres travaux féminins traditionnels. Là encore, nous pensons que cela ferme la porte du Canada à beaucoup de femmes.
En ce qui concerne l'analyse des effets selon la race, nous saluons l'idée d'une catégorie d'immigration, soit les membres de la famille de résidents permanents ou de réfugiés, mais l'on ne tient pas compte du fait que certaines personnes qui voudraient présenter une demande au Canada même ont besoin d'un visa pour s'y rendre. Le projet de loi néglige cela. Donc, encore une fois, on exclut les ressortissants de certains pays qui ont besoin d'un visa de visiteur pour se rendre au Canada. Il faudrait changer cela.
On néglige également les effets selon la race dans la définition des membres de la famille. Même si la définition est censée être élargie, la seule différence que nous voyons est que les parents sont maintenant couverts. Mais cela reste toujours une optique de famille riche qui ne s'applique pas nécessairement à quantité de membres des familles standards. Nous savons que la plupart des immigrants au Canada viennent de pays où la famille élargie reste la principale source de moyens de subsistance.
• 1215
Je termine en disant que nous expliquons en détail dans notre
mémoire l'absence d'analyse et des effets selon le sexe, la race et
la classe sociale et que nous espérons que notre voix sera entendue
et que ce projet de loi sera revu de manière à améliorer la vie des
nombreuses femmes qui demandent à s'établir au Canada ou y sont
contraintes.
Merci.
Le président: Merci, Olatz, de cet exposé.
Nous allons maintenant passer à M. Alan Hackett et M. Davies de la Canadian Association for Immigration Reform.
Alan.
M. Alan Hackett (président, Canadian Association for Immigration Reform): Merci, monsieur le président et membres du comité de votre invitation à comparaître devant cet important comité.
Nous vous avons déjà fait parvenir notre mémoire, et je vais en faire un résumé très bref.
Nous sommes une organisation de bénévoles. Nous n'avons pas de personnel professionnel ni de fonds publics. Elle existe parce que nos membres et soutiens éprouvent de profondes convictions à l'égard des programmes d'immigration et de réfugiés du Canada.
La perception que le Canada se voit façonné selon des manières que nous n'avons jamais prévues est très présente chez ceux que nous représentons. Nous considérons l'immigration comme un phénomène hautement important, exerçant une influence profonde sur l'avenir du Canada et se répercutant sur qui nous sommes, en tant que peuple, et sur la nation que nous léguerons aux générations futures.
Nous affirmons qu'avant toute autre chose, la politique d'immigration doit refléter réellement l'intérêt national de tous les citoyens canadiens. Cela suppose la recherche d'un consensus sur les prémisses de la politique d'immigration. Les objectifs qui en sont dérivés doivent être clairement formulés et réalisés à l'intérieur d'une structure opérationnelle solide. Une politique élaborée et exécutée de cette manière jouirait d'un fort niveau de soutien public, ce qui est primordial.
Le projet de loi C-11, ainsi que l'indique notre mémoire, contient des améliorations par rapport à la loi antérieure mais n'est pas conçu pour permettre la formulation en continu des éléments importants de la politique.
Nous estimons que l'article 3, énonçant l'objet de la loi, est déficient et devrait être reformulé:
-
de déterminer le nombre optimal d'immigrants qui peut être absorbé
et qui contribuera simultanément à la croissance économique et à la
stabilité culturelle dans le cadre d'un programme ponctué dans le
temps et sujet à des examens publics à des intervalles
prédéterminés et conforme à une politique démographique convenue.
Cette déclaration d'intention devrait être étoffée par l'exigence d'une large participation du public à l'élaboration de la politique, inscrite dans la loi. Nous estimons, en effet, que la responsabilité pour l'élaboration de la politique d'immigration doit être partagée avec le public.
Depuis pas mal d'années la politique est imposée par le gouvernement avec pratiquement aucun débat, l'absence étant particulièrement remarquable pendant les campagnes électorales. L'élaboration de la politique est caractérisée par un manque patent de consultation, hormis avec des groupes appelés intervenants, comme le prouvent les communiqués de presse gouvernementaux—un aveu flagrant qui en dit long sur les intentions du gouvernement. Les intervenants, constatons-nous, sont des organisations constituées pour défendre un intérêt particulier et nombre d'entre elles n'existaient pas avant que l'immigration devienne une industrie.
Ces organisations se livrant à une promotion agressive de leurs intérêts peuvent être de nature économique, idéologique, politique, éducative, juridique, syndicale, sexospécifique, religieuse, ethnoculturelle et même internationale, ou encore liée à un mode de vie. La majorité canadienne, soit le public intéressé au premier chef, doit accepter les conséquences de politiques conçues sans qu'il ait son mot à dire, apparemment vient derrière les intérêts mentionnés, et il n'est donc pas surprenant qu'il soit hautement sceptique face aux programmes gouvernementaux, comme le montrent tous les sondages d'opinions.
Fonder une politique sur les objectifs énoncés dans le projet de loi C-11 autorise des programmes d'une flexibilité confinant au laisser-aller. Avec ce texte, le gouvernement pourrait nous emmener où bon lui semble. C'est pourquoi nous préférons des objectifs clairs, définissant des paramètres contraignants, joints à un débat public et à des réexamens approfondis et périodiques conduits en public.
• 1220
Le cadre nébuleux dessiné par les objectifs du projet de loi
C-11 et les lois qui l'ont précédé nous ont donné des politiques
qui ont toujours prêté le flanc à la critique, en dépit des efforts
du gouvernement pour les faire paraître sous un jour favorable. Si
l'on avait suivi une approche rigoureuse fondée sur l'intérêt
national, l'immigration ne serait pas devenue le colosse
incontrôlable qu'elle est aujourd'hui, qui présente les problèmes
suivants qu'il importe de résoudre:
—Nombre: le plus élevé du monde en proportion de la population. Comment peut-on justifier cela? Des études et des sondages sont nécessaires et le chiffre final devrait être fixé par le Parlement.
—Conditions d'entrée: l'expansion de la catégorie du regroupement familial, par opposition aux qualifications, est injustifiable.
—Pays de provenance: changement radical et profond déséquilibre.
—Tendances d'établissement inégales: place les centres urbains sous pression.
—Système de soins de santé: durement touché.
—Impact environnemental: négligé.
—Foisonnement de nouvelles organisations criminelles.
—Corruption officielle: au Canada et à l'étranger.
—Nombreuses déficiences recensées dans le rapport du Vérificateur général.
—Système de détermination du statut de réfugié farci de déficiences, aggravées par un manque apparent de volonté politique à trouver des remèdes.
Nous considérons tous ces phénomènes, entre autres, comme des problèmes sérieux. Nous aurions espéré que le projet de loi C-11 les règle mais nous ne sommes guère optimistes car il ne semble pas conçu pour cela.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hackett.
Nous allons maintenant passer à ESL Consortium, représenté par Mary Pollack, membre du conseil, et Catharine Eddy, Vancouver School Board. Soyez les bienvenues.
Mme Mary Pollack (représentante, ESL Consortium): Merci.
Je me nomme Mary Pollack et je suis membre élue du Conseil du district scolaire de Surrey. Catharine Eddy, à mes côtés, est directrice du Centre de district de réception et de placement du Vancouver School Board. Nous parlons ici au nom du ESL Consortium.
Probablement tout le monde ici sait que le sigle ESL signifie anglais langue seconde. ESL Consortium se compose de six arrondissements scolaires publics du Lower Mainland de la Colombie-Britannique dans lesquels sont inscrits près de 90 p. 100 des élèves d'anglais langue seconde de la Colombie-Britannique. Les arrondissements membres du Consortium reçoivent des élèves ayant plus de 140 langues maternelles différentes. Les membres du Consortium travaillent en collaboration étroite depuis 1991. Il s'agit de conseillers scolaires élus, d'administrateurs d'arrondissement et d'enseignants. Nous oeuvrons pour offrir des services d'installations efficaces aux enfants et aux jeunes dans le système scolaire, notamment services d'accueil, soutien social à l'intégration et enseignement linguistique.
Les arrondissements scolaires représentent d'importants centres de réception des familles néo-canadiennes. Les élèves venant d'horizons linguistiques culturels différents ont besoin d'aide pour apprendre l'anglais et d'un appui pour opérer une adaptation difficile et parfois traumatique à des écoles nouvelles, une nouvelle société et une nouvelle culture. Pour soutenir efficacement les élèves il faut souvent un travail auprès des familles, qui doivent également se familiariser avec un système qui leur est étranger et une langue qu'ils ne connaissent pas.
Les arrondissements fournissent une myriade de services aux enfants immigrants et réfugiés et à leurs familles, dont l'acculturation des élèves, la liaison entre école et foyer et l'aide aux parents afin qu'ils puissent participer à la vie scolaire, counselling—tant émotionnel que stress post-traumatique—communication avec les familles en langues étrangères, services en langues étrangères, programmes multiculturels et de lutte contre le racisme dans les écoles, participation à des comités communautaires et collaboration avec des organismes non gouvernementaux servant les immigrants.
Plusieurs éléments du projet de loi comportent des effets potentiels sur notre capacité à fournir des services d'installations efficaces à nos élèves et à leurs familles. Je traiterai d'abord des changements qui, à notre avis, sont très positifs. La loi facilitera l'inscription à l'école des enfants des demandeurs d'asile. Le raccourcissement du délai entre l'arrivée au Canada et l'inscription à l'école est important si l'on veut éviter que les enfants et adolescents accusent un trop grand retard scolaire. Non seulement la stabilité du milieu scolaire les aide-t-elle à s'accoutumer au Canada, mais ils trouvent par l'intermédiaire des écoles accès à de nombreux services indispensables à une bonne intégration.
La loi élargira également la catégorie du regroupement familial et facilitera la réunification. Les dispositions qui réduisent la probabilité et la durée des traumatismes engendrés par la séparation familiale et renforcent le potentiel d'un système de soutien personnel pour les Néo-Canadiens sont certainement les bienvenus. Une plus grande stabilité dans leur vie personnelle aide les élèves à s'adapter à l'école.
Nous avons néanmoins quelques réserves. La loi mettra davantage l'accent sur le niveau d'éducation et augmentera le poids relatif de la connaissance d'une langue officielle. S'il importe certes de réaffirmer l'importance de connaître l'une ou l'autre des langues officielles du Canada, ou les deux, ces dispositions visent les chefs de famille. Les connaissances linguistiques du chef du ménage ne garantissent pas nécessairement celles de ses personnes à charge. Les besoins linguistiques et d'apprentissage des enfants peuvent différer sensiblement de ceux de leurs parents et ces différences ont un effet substantiel sur les services que les arrondissements scolaires doivent fournir aux immigrants et aux réfugiés. Il convient de reconnaître l'importance des services d'installation de district et les soutenir financièrement.
• 1225
La deuxième préoccupation tient au fait que la loi permettra
à davantage d'enfants de fréquenter l'école plus tôt à leur arrivée
dans leur nouveau pays. Avec ce rôle accru joué par l'éducation sur
le plan du soutien des immigrants et réfugiés, il est essentiel de
reconnaître la grande variété de services et de soutien que les
écoles fournissent aux néo-Canadiens, sous la forme de crédits
accrus et d'une communication entre le gouvernement fédéral et les
arrondissements scolaires.
Par exemple, on pourrait renforcer notre capacité à servir les immigrants si l'on demandait aux agents d'immigration d'encourager les immigrants ayant des enfants d'âge scolaire à planifier leur arrivée au Canada pendant l'été, afin que les arrondissements scolaires puissent accueillir et placer ces enfants avant le début de l'année scolaire.
Enfin, les effets omniprésents d'une immigration massive ont modifié le contexte dans lequel fonctionnent les écoles publiques des centres urbains. Bien que les arrondissements scolaires représentent des paliers de gouvernement à l'intérieur des provinces, les initiatives fédérales engendrent des pressions et des besoins localisés. La planification de l'immigration est une affaire nationale qui exige un leadership national tenant compte des conséquences de l'immigration massive au niveau provincial et local.
À notre sens, il importe de reconnaître le soutien à l'intégration, s'ajoutant à l'enseignement linguistique, que les arrondissements scolaires fournissent; les arrondissements ont besoin d'une bonne communication avec les organismes gouvernementaux délivrant les autorisations aux immigrants et réfugiés; et enfin, ils ont besoin d'un soutien pour les services d'établissement qu'ils fournissent en vue d'aider les familles à s'adapter et à s'épanouir dans leur nouveau pays.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer aux questions. Inky, vous avez cinq minutes pour vos questions et les réponses.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je vais souhaiter la bienvenue à tous nos témoins à cette réunion. Je dis, à l'intention de tous ceux qui ont présenté des mémoires sur l'éducation, que je partage leurs préoccupations. Malheureusement, notre pays ne fait pas assez pour attirer les étudiants étrangers. On parle de chercher des ressources afin que les immigrants qui s'établissent chez nous nous apportent soit leur cerveau soit leur argent, en quelque sorte. Pourtant, nous avons une ressource ici même avec les étudiants internationaux qui viennent fréquenter nos établissements.
Cet aspect a déjà été soulevé. On nous en a parlé à Ottawa la semaine dernière. J'ai conscience du problème et je pense qu'il nous faut y concentrer notre attention et inclure des dispositions dans la loi afin que nous ne nous retrouvions pas en bas de l'échelle dans la concurrence pour les cerveaux des étudiants internationaux.
En ce qui concerne l'exposé de M. Hackett, je suis d'accord avec bon nombre des choses que vous avez dites. Certes, le modèle de gouvernance qui est le nôtre aujourd'hui appelle une réforme. Cela ne fait aucun doute. La plupart des Canadiens partagent probablement cet avis. Mais tant qu'il ne sera pas modifié, nous devons vivre avec le système tel qu'il est.
J'ai toujours dit que, même sur le plan de la sécurité, avec tous les problèmes portés à l'attention du comité concernant toute cette question de l'arrivée d'éléments criminels dans notre pays, on pourrait faire beaucoup sans modifier la loi. On pourrait établir des mécanismes de contrôle à l'entrée pour empêcher l'arrivée de criminels.
Je suis d'accord avec vous pour dire que tous ceux qui mettent le pied sur le sol canadien ne devraient pas nécessairement bénéficier de la protection de la Charte des droits. Il faudrait tout d'abord déterminer leur situation. Il est insensé d'accorder la garantie de la Charte des droits à n'importe qui, tout simplement parce qu'ils mettent le pied sur le sol canadien. C'est déraisonnable tant que l'on ne connaît pas leur statut.
Vous parlez de consultation. Permettez-moi de vous dire que je ne suis pas satisfait moi-même du processus que nous suivons ici aujourd'hui. Rien que ce matin, nous aurons entendu presque 20 groupes, tous venant avec des mémoires dont nous n'avions pas connaissance avant de nous asseoir à cette table.
• 1230
Je sais que le gouvernement est pressé. Ceci est le quatrième
projet de loi que je pilote au Parlement en tant que critique en
chef, et c'est un processus très alambiqué. Il y a beaucoup de
bonne volonté partout et les gens voudraient sincèrement modifier
toutes les lois. C'est pourquoi vous passez des heures à rédiger
des mémoires et à comparaître devant le comité, comme ici.
Cela fait deux semaines que je dépose des amendements à ce projet de loi. On me dit déjà qu'il y en a trop, car le gouvernement veut procéder à l'étude article par article la semaine prochaine, à notre retour à Ottawa après les audiences de cette semaine, pour faire rapidement rapport à la Chambre. Voilà donc où en sont les choses. Désolé, ce n'est tout simplement pas un bon processus.
Le président: Avez-vous une question, Inky?
M. Inky Mark: Je comprends vos frustrations. Je sais que nous avons encore beaucoup de pain sur la planche et j'apprécie que vous soyez venus nous parler.
Le président: Quelqu'un souhaite-t-il répondre à ce commentaire? Non? D'accord, nous passons à Yolande pour la question suivante.
[Français]
Mme Yolande Thibeault: Monsieur le président, j'aimerais poursuivre la conversation avec les représentants de la Canadian Association for Immigration Reform. Vous avez, messieurs, exprimé le désir qu'une plus grande proportion d'immigrants viennent chez nous pour des raisons économiques plutôt que pour réunifier des familles. J'aimerais vous préciser que selon les statistiques actuelles, 40 p. 100 de nos immigrants viennent ici pour des raisons de réunification de familles et que 60 p. 100, donc la grande majorité, viennent pour des raisons économiques, alors qu'aux États-Unis, 90 p. 100 des immigrants s'y établissent pour des questions familiales et seulement 10 p. 100 le font pour des questions économiques. J'aimerais donc savoir, messieurs, ce qui, selon vous, constituerait une proportion équitable dans ce dossier?
[Traduction]
Le président: Avez-vous dit à qui vous adressiez votre question?
Mme Yolande Thibeault: Elle s'adresse aux messieurs qui représentent la Canadian Association for Immigration Reform.
Le président: D'accord, M. Hackett et M. Davies.
M. Alan Hackett: Madame, tout d'abord, je crois que la ministre a indiqué dans certains de ses communiqués de presse et discours que le but est d'augmenter la proportion dans la catégorie du regroupement familial. Si vous dites que tous les autres sont des migrants économiques, ce n'est probablement pas tout à fait vrai, car ce total englobe également les réfugiés, qui représentent un certain pourcentage.
Vous faites la comparaison avec les États-Unis, mais il faut bien voir que leur taux d'immigration n'est qu'environ un tiers du nôtre. Notre taux est le plus élevé du monde, en pourcentage de la population.
Dans la classe familiale, un plus grand nombre des immigrants sont plus âgés que la population hôte, en moyenne. Nous craignons donc que ces personnes ne représentent un fardeau pour le système de santé. Cela devient déjà évident, avec les histoires que l'on entend. C'est l'un des facteurs négatifs sur lesquels nous attirons l'attention.
Par ailleurs, je pense que les statistiques récentes montrent que le revenu des immigrants qui s'établissent aujourd'hui dans notre pays est moindre que par le passé. C'est dû au recul relatif du nombre d'immigrants qualifiés. Si vous regardez, par exemple, la période d'après-guerre, à peu près tous les nouveaux arrivants avaient des qualifications professionnelles. De fait, la plupart d'entre eux étaient probablement mieux qualifiés, mieux à même de participer à l'économie, que la moyenne des Canadiens. Nous considérons donc que l'accent mis petit à petit sur la catégorie familiale ne peut qu'être interprété comme un facteur négatif.
Le président: Monsieur Hackett, pour la gouverne du comité, d'où tirez-vous tous ces chiffres et ces statistiques que vous citez pour dénoncer la pression exercée sur le système de santé et toutes ces choses? Je serais curieux de savoir s'il s'agit là d'une simple opinion ou bien si vous vous appuyez sur des faits et des études.
M. Alan Hackett: Eh bien, monsieur le président, à la fin du mémoire que nous vous avons remis j'indique un certain nombre de sources. Je ne les ai pas sous les yeux et je ne peux donc vous citer des sources spécifiques à l'appui de mes arguments, mais elles sont là et nous avons lu et analysé ces études.
Le président: Merci. Olatz, je crois que vous vouliez répondre également à la question.
Mme Olatz Sagarduy: Je tiens à répondre à ses propos. Si je conviens que cela améliorerait la situation économique canadienne, je ne pense pas que ce soit juste. Je pense qu'il est même discriminatoire d'attendre cela des immigrants. J'entends par là qu'il nous faut presque prouver les choses deux fois, et travailler plus dur que les autres Canadiens. S'agissant de statistiques—et je ne sais pas ce qu'elles sont, je n'ai pas eu l'occasion de lire les études, votre mémoire, tout ce que vous voudrez—il vaudrait mieux comparer les immigrants à la société canadienne. Combien contribue chacun et quelles sont les différences?
En ce qui concerne le regroupement familial, toutes les organisations d'immigrants vous diront que l'immigrant—et cela a été démontré—a besoin de sa famille tout autant que n'importe qui, pour se sentir mieux intégré, appuyé et pour réussir. Cela se répercutera sur son rendement. Voilà ce que j'avais à dire.
Le président: Non, je ne vais pas autoriser un débat entre vous et Olatz. Les questions doivent passer par le président, et je vais passer à Madeleine, si vous le permettez.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je voudrais poser deux questions très précises. Je voudrais auparavant dire aux témoins qui ont parlé des étudiants qui viennent d'ailleurs que je partage vos préoccupations.
Ma première question s'adresse à la représentante du Vancouver Status of Women. Il était question, dans votre 19e recommandation, de définir explicitement l'intérêt public afin de permettre l'entrée de certaines personnes qui, autrement, ne répondraient pas aux critères. Pourriez-vous m'aider un peu à ce sujet? Je comprends ce que vous voulez dire, mais j'aurais de la difficulté à formuler cela par écrit.
Ma deuxième question s'adresse à M. Hackett. Il peut donc se préparer. Je n'exprimerai pas mon opinion personnelle face aux positions défendues dans votre mémoire. Je respecte ce que vous avez dit. Je voudrais toutefois vous poser une question, qui rejoint un peu celle de Mme Thibeault. Je voudrais savoir si vous croyez que la réunification des familles fait partie des valeurs de la société canadienne et si oui, comment pouvez-vous souhaiter qu'il existe un critère de bonne santé quand on sait qu'une famille peut avoir des membres dont l'âge varie de un jour à 100 ans. Vous avez le temps de vous préparer à répondre.
[Traduction]
Le président: Premièrement, Olatz, avez-vous une réponse à cela?
Ensuite nous entendrons M. Hackett.
Mme Olatz Sagarduy: Lorsque je parle des femmes qui ne sont pas admissibles du fait des restrictions légales ou des options limitées dont elles disposent... je veux dire par là... une aide familiale résidante est un bon exemple. Beaucoup de femmes sont contraintes de se ranger dans cette catégorie plutôt que de venir en tant qu'immigrantes indépendantes car, comme employées de maison elles ne sont pas reconnues comme qualifiées. Moi-même, je suis un autre exemple. J'ai dû me faire parrainer, au lieu d'être admise comme immigrante indépendante, alors que j'avais suffisamment de qualifications. Il semble que l'on considère l'homme blanc de profession libérale comme le candidat idéal, quelqu'un qui va contribuer à l'économie canadienne. Et pourtant... même moi j'avais les qualifications... On ne reconnaît pas les qualifications professionnelles acquises dans d'autres pays. On ne reconnaît pas le travail que font les femmes. Je ne sais pas si je m'explique assez clairement.
Le président: Monsieur Hackett, vous pouvez répondre à la deuxième question, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Puis-je faire un commentaire rapide, monsieur le président?
[Traduction]
Le président: Désolé, le temps nous presse et je dois donner la parole à M. Hackett pour répondre à la deuxième question.
M. Alan Hackett: Madame, en réponse à votre question, je crois réellement qu'il est important que les familles soient réunifiées. Lorsque c'est à l'initiative d'un immigrant qui vient ici et souhaite faire venir les membres de sa famille, cela est parfaitement logique et légitime.
Cependant, on ne cesse d'élargir la définition de famille au fil du temps. Je ne sais pas ce qu'elle est exactement aujourd'hui, mais elle sera élargie par ce projet et cela comporte un effet multiplicateur qui ne me paraît pas justifiable. Autrement dit, si l'on commence à faire venir les membres de ce que l'on pourrait qualifier une famille étendue, par opposition à la définition antérieure plus étroite, cela peut faire exploser le nombre des immigrants à cause de l'effet multiplicateur.
Le regroupement familial sera également autorisé pour les réfugiés. C'est un autre domaine où l'accent mis sur le regroupement familial peut gonfler le nombre d'immigrants de manière disproportionnée, au-delà de ce qui est bénéfique pour le système social canadien.
Le président: D'accord.
John.
M. John Herron: J'aimerais revenir...
Le président: Une seule question, je vous prie.
M. John Herron: Une question?
Le président: Oui. Merci, John.
M. John Herron: J'aimerais revenir sur la question soulevée tout à l'heure, concernant l'opportunité d'attirer les étudiants étrangers et de faire du Canada un lieu d'études accueillant.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos chiffres qui concernent la page 4 de votre mémoire, en rapport avec le régime de visa d'étudiant différencié mis en place à titre expérimental par l'Australie? Dans quelle mesure cela pourrait-il introduire une discrimination entre étudiants, selon leur pays d'origine? Pourriez-vous nous expliquer ce régime?
M. Gardiner Wilson: Oui. Ce que l'Australie a mis en place est justement le modèle de ce que nous aimerions voir au Canada, un modèle que nous devrions à tout le moins étudier. Les Australiens ont de longue date une forte présence sur le marché de l'éducation internationale. J'ai eu l'honneur de servir en Australie pendant plusieurs années et j'ai suivi de très près ce qui s'y pratique.
Elle est partie du principe que dans tout mouvement d'étudiants, il y a des éléments de risque variables, comme c'est le cas de toutes les entrées de visiteurs au Canada. Nous imposons un visa de visiteur à certains pays et nous en dispensons d'autres, si bien que dans cette catégorie particulière nous postulons un certain niveau de risque. On pourrait dire la même chose dans le cas des étudiants.
Ainsi, l'Australie décrète que les étudiants ressortissants de certains pays comportant un faible niveau de risque bénéficient d'une procédure rapide. Toute la procédure de délivrance de visa à ces étudiants est grandement facilitée. Donc, si vous êtes un étudiant de, mettons, Singapour, la Malaisie ou Hong Kong, où le niveau de risque est faible, vous pouvez obtenir votre autorisation d'entrée beaucoup plus rapidement. Ainsi, les Australiens consacrent leurs ressources aux pays beaucoup plus difficiles, présentant un niveau de risque plus élevé—par exemple la Chine, évidemment, et le Pakistan—de façon à concentrer leurs ressources sur les demandeurs venant de ces pays et faciliter les choses aux étudiants venant de pays à faible risque. C'est ce que l'on appelle la «différenciation».
Je sais que cela dérange certaines personnes, mais nous aussi au Canada différencions déjà entre pays, en exigeant un visa de visiteur des ressortissants de certains pays et non de ceux d'autres.
C'est réellement le système que nous aimerions voir. C'est une approche pratique où l'on chercherait à faciliter l'entrée au Canada des étudiants venant de pays à faible risque, et les économies de ressources ainsi réalisées permettent de consacrer davantage de personnel au traitement des étudiants venant des pays à risque plus élevé.
Le président: Libby.
Mme Libby Davies: Je suis pleinement en faveur du regroupement familial. Tout ce que fait le projet de loi pour le faciliter est positif. Je m'élève réellement contre les propos tenus par CAIR. Ils traduisent une sorte de xénophobie, qui voudrait exclure même les personnes ayant des liens familiaux. C'est une mentalité de «eux contre nous» que je rejette totalement.
• 1245
J'aimerais revenir sur une remarque faite par Olatz, de
Vancouver Status of Women. Vous avez dit que la définition de la
famille souffre d'un défaut d'analyse des effets selon la race.
La catégorie a été élargie quelque peu. J'imagine que vous trouvez qu'on ne va pas assez loin. Quelle définition de la famille souhaitez-vous? Faudrait-il ouvrir la porte en grand ou bien avez-vous une définition à proposer?
Mme Olatz Sagarduy: Dans notre recommandation, nous considérons comme membre de la famille toute personne avec laquelle le parrain a une relation d'interdépendance, multigénérationnelle, un lien fort. À mes yeux, c'est une définition pas mal étroite. Nous convenons que la définition est bonne mais elle ne va pas assez loin s'agissant d'intégrer tous les membres de la famille qui pourraient être un soutien pour l'immigrant. Nous pourrions recommander que le parrain définisse lui-même qui est membre de sa famille.
Le président: Merci. J'ai Anita, John et Inky, qui a une dernière question.
Mme Anita Neville: J'ai une brève remarque. Ma question porte sur l'éducation. Vous avez formulé quelques remarques, monsieur Wilson, pendant que j'étais en dehors de la salle. J'ai lu votre mémoire. Il contient quelques recommandations importantes.
Nous revenons de Corée, où notre mission traite 12 000 dossiers d'étudiants avec un délai de réponse de deux à trois jours. J'imagine que la plupart des autres missions ne le font pas aussi vite. Je connais la situation dans l'éducation postsecondaire et les facilités offertes aux étudiants postsecondaires et je sais aussi qu'il y a un certain mouvement au niveau secondaire. J'ai également constaté le phénomène où des parents de très jeunes enfants choisissent aujourd'hui de venir au Canada pour y acheter l'éducation de leurs enfants. J'ai entendu l'exposé des conseils scolaires publics de la région de Vancouver. Je connais très bien les problèmes d'adaptation des enfants allophones.
Comment peut-on concilier la promotion de cela avec les difficultés qu'éprouvent les écoles publiques à intégrer les très jeunes enfants, non seulement au niveau linguistique mais aussi sur le plan social? Comme je l'ai dit, j'ai vu de première main des mères acheter des places dans des colonies de vacances pour leurs enfants, comme prélude à leur inscription dans le système éducatif public.
M. Gardiner Wilson: Je répondrai plusieurs choses. Tout d'abord, la vaste majorité des étudiants étrangers venant au Canada ne sont pas d'un âge si jeune.
Mme Anita Neville: Je le sais.
M. Gardiner Wilson: C'est un très petit nombre. Et si le règlement sur l'immigration exige que les jeunes élèves soient traités de la même façon, si vous voulez, que les étudiants du secondaire ou postsecondaire, en réalité il y a une tendance à éplucher de très près ce type de demande. Il est très peu probable qu'un enfant de huit ou neuf ans soit admis au Canada comme étudiant international s'il n'est pas accompagné de membres de sa famille.
Mme Anita Neville: C'est le cas.
M. Gardiner Wilson: Mais si l'agent d'immigration décide d'accorder le visa et si le jeune élève trouve une place dans un arrondissement scolaire du Lower Mainland ou n'importe où au Canada, il va évidemment payer le tarif international intégral pour sa scolarité. Ce peut être 11 000 $, 12 000 $ ou 13 000 $ par an, et sans doute sera-t-il admissible à un programme ALS—ou dans certains cas FLS—pouvant être offert dans cette école.
Je crois savoir qu'il sera probablement traité comme élève ALS, mais comme je l'ai dit, il aura acheté un service éducatif et si la famille paie pour cela, l'enfant mérite probablement ce soutien pédagogique.
Le président: Je crois que Catherine Eddy, du conseil des écoles publiques, souhaite intervenir.
Mme Catherine Eddy (représentante, ESL Consortium): Merci beaucoup.
Les conseils scolaires de toute la province, et certainement ceux du Lower Mainland, ont des critères très stricts concernant l'âge des élèves étrangers non accompagnés de leur famille. Donc, un enfant à l'âge du cycle élémentaire ne sera admis dans le système scolaire qu'à la condition qu'il soit accompagné d'un parent séjournant avec lui. Et cela se voit. Cela se voit.
Mme Anita Neville: J'ai été surprise par ce phénomène. C'est pourquoi j'en parle ici.
Mme Catherine Eddy: L'une des dimensions de cette question est certes la politique du ministère de l'Immigration en matière de visas, mais une autre, plus importante, est ce que les conseils scolaires eux-mêmes décident de faire, en considérant d'une part ce qui est dans leur intérêt économique mais d'autre part aussi ce qui est réaliste et viable pour les jeunes enfants.
Le président: Merci, Anita.
Nous passons à John.
M. John McCallum: C'est peut-être parce que j'ai passé la plus grande partie de ma carrière dans l'éducation, mais je suis d'accord avec tout ce qu'ont dit les représentants du milieu éducatif. Et je pense que ce serait une bonne chose que d'avoir la délivrance de visas au Canada, le permis de travail 20 heures par semaine, etc.
[Français]
Ma question s'adresse à M. Hackett. Vous avez parlé d'une façon positive du concept de stabilité culturelle, cultural stability. Pouvez-vous définir ce terme?
[Traduction]
Lorsque vous dites que la stabilité culturelle est une caractéristique souhaitable de l'immigration, qu'entendez-vous par là?
M. Alan Hackett: La stabilité culturelle est certainement une caractéristique souhaitable de la société. Si, en introduisant un certain nombre de cultures nouvelles de façon hâtive, on perturbe la culture de la société hôte, cela peut déclencher des problèmes qu'il faudra combattre par des lois contraignantes. Ma crainte est qu'un certain nombre de cultures rivalisent entre elles pour prendre l'ascendant. Cela nous obligerait à promulguer des lois pour empêcher cette sorte de choses. Vous pourriez les appeler lois racistes, ou d'autres types de lois qui sont antiracistes, tout ce que vous voudrez. À mon avis, il faut avancer avec lenteur.
M. John McCallum: Je pense que c'est une bonne réponse.
Le temps nous presse. J'aimerais avoir une dernière question.
Il ressort clairement de ce que vous avez dit que vous souhaitez que les immigrants soient peu nombreux, soit qualifiés par opposition au regroupement familial, donc qu'ils soient jeunes et pas trop nombreux. Mais étant donné votre attachement à cette notion de «stabilité culturelle» et étant donné votre préférence du retour à l'Europe comme source d'immigrants, peut-on en conclure que vous souhaitez que ces immigrants soient blancs comme vous et moi, plutôt que noirs ou indiens ou d'une autre race?
M. Alan Hackett: J'espère que vous ne cherchez pas à m'embarrasser avec cette question, mais je pense que...
Le président: Je pense que vous l'avez déjà fait vous-même, mais c'est hors sujet.
M. Alan Hackett: Peut-être, mais je pense que...
Le président: Est-ce que 500 ans vous suffisent?
M. Alan Hackett: Puis-je poursuivre pendant une seconde, monsieur?
Le président: Certainement. Oui.
M. Alan Hackett: Je pense que je répercute, ou que notre organisation répercute, l'inquiétude de beaucoup de gens qui pensent que notre société hôte, ici, est composée de membres venus initialement de pays européens.
Dans notre mémoire nous ne disons pas qu'il faut revenir exactement à cela. Vous déformez quelque peu notre propos. Ce que nous avons dit, c'est que l'équilibre est rompu.
Comme vous le savez, plus de 90 p. 100 des immigrants actuels au Canada viennent de ce que l'on pourrait appeler des sources non traditionnelles. Et cela suscite une sorte de choc culturel, ce qui nous ramène à la question de la stabilité culturelle.
• 1255
Il ressort des conversations que nous avons avec les gens que
l'immigration en provenance des régions traditionnelles devient
plutôt difficile. Un certain nombre de bureaux ont été fermés dans
ces pays, ce qui oblige les gens à voyager loin pour déposer leur
demande. Nous nous demandons pourquoi. Nous pensons qu'un effort
devrait être fait pour aider ces immigrants à s'établir ici, car
après la Seconde Guerre mondiale ils se sont très bien intégrés à
notre société. Nous pensons que c'est une région sur laquelle on
devrait se concentrer, car ces immigrants appartiennent à des
cultures très similaires à la nôtre.
Le président: Inky, puis John, rapidement.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je signale que je suis un immigrant de troisième génération. Mon grand-père est arrivé ici pour travailler sur le chemin de fer. Mais, indépendamment de cela, il faut regarder la réalité en face. Le monde rétrécit. Le Canada est un pays parmi d'autres dans la communauté mondiale. John a parlé du retour à la tradition, qui est européenne. Mais les Européens ne veulent plus émigrer chez nous. C'est la réalité. Ils ont le même problème de décroissance démographique que nous. Ils sont nos concurrents dans le monde pour une immigration de qualité dans leurs pays.
Aujourd'hui, l'Europe représente 23 p. 100, l'hémisphère occidental 21 p. 100, l'Afrique et le Moyen-Orient 15 p. 100 et l'Asie-Pacifique 41 p. 100. Le monde change. Nous sommes passés dans un nouveau millénaire. C'est la réalité à laquelle nous devons faire face. Si nous ne nous adaptons pas...
La nature multiculturelle de ce pays est une réalité, autant de mal qu'éprouvent certains à s'y adapter. C'est leur problème. Mais c'est la nature des choses. D'ailleurs, je peux entrevoir ce pays être non seulement bilingue mais que pratiquement tout le monde parlera trois ou quatre langues, comme sur le continent. Nous sommes une société en évolution. Le continent est un modèle de l'évolution du monde.
J'ai du mal à vous suivre lorsque vous parlez de tradition. Si l'on remonte dans l'histoire, les Ukrainiens ont afflué dans notre pays au début du siècle. Les a-t-on accueillis à bras ouverts? Certainement pas. On les a jetés dans des camps de concentration. Cela s'appelle l'internement des Ukrainiens. Ils venaient d'Europe continentale. Il ne s'agit pas de répéter ce genre d'erreur historique. J'espère que nous apprendrons.
Regardons les chiffres. Lorsque vous regardez notre chiffre de population, nous sommes une goutte d'eau dans la mer. Si vous demandez aux gens d'affaires dans ce pays, ils vous diront que leur plus gros problème a toujours été le manque de débouchés. Notre production de biens et de services est tout simplement trop efficiente. Donc, de quelle sorte de population parlez-vous?
M. Alan Hackett: Vous nous demandez notre avis sur les chiffres. Tout ce que nous demandons, c'est quelle est la preuve que le nombre d'immigrants que nous acceptons représente le chiffre optimal? Je ne l'ai vu nulle part. Je pense...
Le président: On a étudié cette question jusqu'à la nausée au cours des 10 ou 20 dernières années, monsieur Hackett, et je serais ravi de vous les faire parvenir au nom du gouvernement du Canada. Je m'assurerai que le greffier vous envoie les piles et les piles de preuves documentaires à l'appui de ce qu'Inky et d'autres ont dit, si cela vous intéresse.
M. Alan Hackett: En fait, monsieur, j'ai lu certain de ces rapports du gouvernement. Par exemple, le Conseil économique du Canada a déclaré qu'il ne voyait pas réellement l'intérêt de l'immigration pour l'économie. Mais ensuite il a quand même recommandé le chiffre d'environ 1 p. 100 de la population. Il l'a fait sans preuve. Il n'avait aucune preuve du tout.
J'ai vu des rapports rédigés dans d'autres pays qui ont effectué des études économiques poussées et choisi de recevoir une proportion d'immigrants moindre par rapport à leur population que nous. L'Australie et les États-Unis estiment nécessaire de limiter l'immigration à un pourcentage de leur population moindre que nous.
Aussi, nous demandons où est la preuve? Où sont les études montrant qu'il est nécessaire d'avoir 1 p. 100?
Le président: Je serais ravi de vous les envoyer, monsieur Hackett.
John.
M. John Herron: Certains témoins qui ont comparu précédemment ont dit qu'ils ne voulaient pas appréhender l'immigration comme étant une difficulté, préférant la considérer comme un défi. Pour ma part, je la considère plutôt comme une chance.
Lorsqu'on parle d'immigration provenant de sources non traditionnelles, moi qui suis d'origine irlandaise, j'ai l'impression qu'en 1850 d'aucuns qualifiaient l'Irlande de source non traditionnelle.
Je vais utiliser votre mémoire pour souligner combien l'immigration nous a été précieuse. À la page 6 de votre mémoire vous dites:
-
Après la Seconde Guerre mondiale, le Canada a reçu un grand nombre
d'immigrants qui se sont très facilement intégrés dans la société
canadienne et ont fortement contribué à la croissance et à la
stabilité, du fait qu'ils venaient de cultures similaires à la
nôtre [...]
Je ne sais pas trop ce que vous entendez par «la nôtre».
Ce que je veux faire ressortir c'est que, depuis cette période, la plus grande part de la croissance économique est intervenue dans des villes comme Calgary, Vancouver, Toronto ou même Montréal. Ce sont justement elles qui ont bénéficié de l'immigration massive. C'est dans ces centres que la croissance a été la plus forte. Dans les régions qui n'ont pas connu un afflux d'immigrants de sources dites non traditionnelles, comme la région de l'Atlantique et les provinces des Prairies, l'économie est restée stagnante. C'est là l'exemple le plus tangible du mode de croissance de notre pays.
Je dirais qu'il faut plutôt faire le contraire de ce que vous préconisez, et ouvrir davantage nos portes.
Voilà ce que j'avais à dire, monsieur le président.
Le président: Monsieur Davies.
M. Robert Davies (président sortant, Canadian Association for Immigration Reform): Puis-je dire quelques mots à M. Mark concernant le mythe selon lequel les Européens ne sont pas intéressés à venir au Canada?
Je reviens d'Europe. Notre groupe a placé deux petites annonces dans un journal. Nous avons immédiatement reçu des douzaines de demandes du Royaume—Uni. Les chiffres pour l'Italie ont énormément baissé, pour tomber à moins de 500 personnes. Nous avons ouvert un bureau à Beijing et nous importons maintenant 29 000 Chinois. Le Pays de Galles n'a droit qu'à 300 ou 400 personnes. C'est donc un mythe que les Britanniques ne sont pas intéressés.
M. Inky Mark: Qu'est-ce qui les empêche de venir?
M. Robert Davies: La raison est que nous avons fermé en 1968 huit sur neuf des bureaux d'immigration au Royaume—Uni. Il n'y a qu'un bureau à temps partiel à Londres, qui accepte même les ressortissants d'Arabie saoudite. Il n'est ouvert qu'à temps partiel.
Le président: Je ne suis pas sûr que ce soit exact, monsieur Davies. Nous avons là-bas un Haut-Commissariat au complet. Je peux vous dire qu'en tant que députés nous sommes en contact avec nos bureaux dans quantité de pays du monde. Je pense que nous devrions vous transmettre quelques renseignements. Prétendre que nous n'avons qu'un employé à temps partiel à Londres, en Angleterre, pour s'occuper de tout...
M. Robert Davies: Je n'ai pas dit un employé à mi-temps; j'ai dit un bureau à Londres qui n'est ouvert que la moitié du temps.
Le bureau de Lisbonne a été fermé en 1998. Pourquoi a-t-on fermé le bureau de Lisbonne?
Le président: Européens, Chinois, Vietnamiens, Européens de l'Est et Asiatiques, tous veulent venir s'établir chez nous et, à mon avis, tous peuvent le faire. C'est le but de tout ce débat. Je ne vais pas entamer une discussion sur le fait que vous aimeriez qu'ils viennent d'Europe plutôt que d'Asie du Sud-Est ou d'ailleurs. Le fait est que des gens du monde entier veulent venir s'établir dans le meilleur pays du monde.
Là-dessus, nous allons lever la séance pour le déjeuner.
Je tiens à vous remercier tous de votre participation.
La séance est levée.