CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION
COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 2 mai 2001
Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, chers témoins, mesdames et messieurs, bonjour. Notre comité étudie le projet de loi C-11, Loi concernant l'immigration au Canada et l'asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger.
Nous avons le plaisir de nous retrouver dans une ville, Toronto, que l'on peut considérer comme la capitale de l'immigration au Canada. Notre comité a déjà rendu visite à Vancouver et à Winnipeg, nous resterons à Toronto aujourd'hui et demain et nous irons ensuite à Montréal. Je tiens donc à remercier à l'avance tous les témoins ainsi que tous les gens de Toronto qui nous ont présenté un mémoire.
C'est un projet de loi très important. Pour la première fois en 20 et 25 ans, notre pays envisage de mettre en place une nouvelle loi sur l'immigration. Nous voulons prendre le temps d'écouter la population, d'entendre ce qu'elle a à nous dire et de faire en sorte que ce projet de loi réponde aux objectifs fixés. Nous voulons nous assurer que non seulement la population canadienne, mais aussi les peuples du monde entier, sachent que le Canada accorde un grand prix aux immigrants, qu'il a été bâti par l'immigration et qu'il a une longue tradition concernant la protection des réfugiés.
Nous attendons avec impatience d'entendre vos exposés. Nous avons des copies de vos mémoires. Je sais que les différents groupes sont représentés par plusieurs personnes. Nous vous demanderons de résumer votre mémoire en cinq ou sept minutes de façon à ce que nous ayons le temps de vous poser des questions. Voilà comment nous allons procéder.
Entre neuf et dix heures, nous allons entendre le Comité inter-églises pour les réfugiés, représenté par Elsa Musa et Tom Clark; Guidy Mamann, de Mamann & Associates; Alan Borovoy, conseiller général, et Stephen McCammon, conseiller associé de l'Association canadienne des libertés civiles; enfin, Howard Greenberg et Carter Hoppe, du Canadian Immigration Policy Council.
Bienvenue à tous. Nous allons commencer par le Comité inter- églises pour les réfugiés. Avant que nous commencions, je tiens aussi à souhaiter la bienvenue à l'honorable député d'Eglinton-Lawrence, Joe Volpe, qui s'est joint à notre comité ce matin.
Elsa.
Mme Elsa Musa (Comité inter-églises pour les réfugiés): Bonjour tout le monde. Merci de m'avoir invitée.
Le Comité inter-églises pour les réfugiés est une coalition de dix congrégations religieuses nationales. Nous vous avons fait parvenir à la mi-février un compte rendu présentant notre analyse sur différents points précis comme le trafic ou les droits de la personne.
• 0910
Les sujets de préoccupation évoqués antérieurement lors de la
longue procédure d'élaboration de la loi restent les mêmes. Comme
nous l'avons déclaré en 1997, lorsqu'on discutait du projet de loi
devant être éventuellement adopté, nous avons besoin d'une loi plus
juste, répondant à des normes internationales, autorisant de
nouveaux motifs d'appel, accordant une «protection» efficace,
assurant une égalité de traitement aux personnes placées dans des
situations semblables, garantissant un règlement rapide des
dossiers en évitant que l'on retarde à l'infini les décisions, et
favorisant la transparence de la procédure, les statistiques étant
publiées et les enquêtes au sujet des plaintes se faisant de
manière impartiale.
Pour les besoins de cet exposé, nous avons choisi de mettre l'accent sur deux grands sujets de préoccupation concernant le projet de loi C-11. Le premier est la nécessité d'accorder une audience impartiale au demandeur du statut de réfugié international. Le second concerne la fiabilité de la procédure d'appel devant le tribunal. Ces préoccupations sont largement partagées par Amnistie Internationale, par le HCNUR, et par le Conseil canadien pour les réfugiés. Nous donnons notre point de vue personnel.
Je crois savoir que vous disposez de notre mémoire. En haut de la page 3, nous faisons état de nos préoccupations concernant les audiences s'appliquant au statut de réfugié. La protection des personnes, qu'elles se trouvent au Canada ou à l'étranger, devrait être assurée dans le cadre d'une audience impartiale appliquant la définition de réfugié au sens de la convention sans qu'interviennent d'autres facteurs canadiens. Il est contraire à la convention de faire intervenir d'autres critères d'admissibilité ayant pour effet d'autoriser le Canada à refuser des réfugiés qui ont besoin de notre protection. En matière de protection, on devrait s'en tenir uniquement à la définition du terme de réfugié. Elle comporte des dispositions permettant d'exclure certaines catégories restreintes de personnes sur lesquelles on s'est entendu; les criminels, par exemple. Ce critère d'exclusion est international. Nous n'avons pas besoin de lui en ajouter d'autres.
À l'avant-dernier paragraphe de la page 2 de notre mémoire, nous relevons que les motifs d'exclusion qui ont trait au fait d'avoir commis des actes criminels, notamment des crimes de guerre, sont traités à l'alinéa 1f) de l'article 1, qui correspond à la définition du terme de réfugié selon les règles internationales. Il faut que la personne chargée de se prononcer sur le statut de réfugié applique dans son intégralité la définition du terme de réfugié au sens de la convention.
On nous dit qu'à l'étranger le Canada refuse souvent la réinstallation des réfugiés en se fondant sur ses propres motifs d'exclusion, qui ne sont pas conformes aux critères internationaux. C'est ainsi que le Canada est pratiquement le seul pays à refuser régulièrement la réinstallation des réfugiés soudanais du fait de leur participation au SPLM, alors que d'autres États acceptent ces personnes.
Sur le territoire canadien, le projet de loi C-11 autorise les responsables à refuser le statut de réfugié en alléguant une telle participation, de même que l'on s'efforce aujourd'hui d'expulser des réfugiés comme M. Suresh parce qu'il est membre d'une organisation. Ce n'est pas conforme aux règles internationales en vigueur. Nous vous renvoyons au supplément spécial publié en l'an 2000—mon collègue Tom Clark vous le fournira—de la Revue internationale du droit des réfugiés et au document qui vient d'être publié en 2001 intitulé: «Current issues in the application of the exclusion clauses». Son auteur est Geoff Gilbert, spécialiste de la procédure d'extradition, professeur de droit et chef du Département de droit de l'Université d'Essex.
La protection des personnes, qu'elles se trouvent au Canada ou à l'étranger, devrait être assurée dans le cadre d'une audience impartiale appliquant la définition de réfugié au sens de la convention sans qu'interviennent d'autres facteurs canadiens. C'est ce que nous proposons de faire dans notre recommandation.
Nous voulons en second lieu que la procédure d'appel soit fiable. Au paragraphe 4 de la page 4 de notre mémoire, nous insistons en ces termes sur la nécessité d'accorder une protection efficace dans le cadre de la procédure d'appel devant les tribunaux:
-
Le projet de loi C-11 doit garantir cette protection à toute
personne dont la vie ou la liberté sont menacées ou qui risque la
torture.
• 0915
Ce besoin d'accorder une protection efficace a été évoqué dans
un rapport publié l'année dernière au sujet du régime canadien par
la Commission inter-américaine des droits de l'homme. On peut lire
dans ce rapport:
-
Pour que le droit à la protection judiciaire puisse être
véritablement exercé, il faut que l'on dispose de recours efficaces
en cas de violation d'un droit protégé par la Déclaration [en
l'occurrence, la Déclaration américaine des droits et devoirs de
l'homme] ou par la Constitution du pays concerné.
Plus loin, on précise dans ce rapport:
-
Ce droit a pour effet d'exiger qu'un recours soit prévu dans le
droit interne pour permettre aux autorités judiciaires compétentes
d'entendre la demande quant au fond et d'accorder réparation si
nécessaire.
Comme nous l'expliquons dans le dernier paragraphe de la page 3 de notre mémoire, la procédure actuelle des tribunaux n'est pas conçue pour protéger les droits des personnes. Elle vise à définir les questions de droit et à se prononcer en conséquence. La protection conférée par les tribunaux est limitée à l'heure actuelle par les «demandes d'autorisation», par le «contrôle judiciaire» et par la nécessité de demander à un juge de première instance de «valider» la question avant qu'un appel puisse être interjeté devant la Cour d'appel.
Au paragraphe 2 de la page 4 de notre mémoire, nous signalons que le contrôle judiciaire actuel ne permet pas à la cour d'intervenir pour protéger les droits de la personne impliquée. La Cour suprême a pu délibérer et formuler un avis détaillé dans l'affaire Mavis Baker. Le dossier a toutefois été renvoyé finalement devant les bureaucrates à qui l'on avait demandé de prendre la décision à l'origine.
Au paragraphe 3 de la page 4, nous relevons que la demande d'autorisation sert à cerner les problèmes et non à déterminer qui sont les personnes dont les droits sont menacés. Le fait que quelques obstinés comme Mavis Baker ou Suresh ont réussi à saisir les plus hautes instances de leurs affaires, envers et contre tout, ne doit pas faire oublier qu'il reste bien des problèmes.
Sur ce deuxième point, par conséquent, nous demandons à votre comité de recommander des changements pour que ces droits importants soient protégés efficacement par les tribunaux. Pour ce faire, nous formulons dans notre mémoire une proposition d'amendement du projet de loi C-11.
Je vous remercie. En compagnie de mon collègue Tom Clark, je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci, Elsa et Tom.
Nous allons maintenant entendre Guidy Mamann, de Mamann & Associates.
M. Guidy Mamann (Mamann & Associates): Merci de nous avoir invité ce matin.
J'ai à mes côtés Kevin Beigel, un avocat de nos bureaux accrédité par les États de New York et du Massachusetts. Je lui ai demandé de se joindre à moi aujourd'hui parce que le sujet que je vais aborder renvoie jusqu'à un certain point aux expériences qui ont été faites en matière d'immigration par nos voisins du sud.
Je n'axerai pas aujourd'hui mon exposé sur des dispositions particulières du projet de loi C-11 mais plutôt sur des omissions qui me paraissent graves dans ce projet de loi. Je laisserai à l'ABC et à mes amis de la communauté des réfugiés le soin de traiter des amendements pouvant être apportés à des dispositions précises.
Dans la documentation que nous vous avons fournie ce matin, vous trouverez un article du Toronto Star indiquant que le Canada est tombé au neuvième rang des différents pays face à la concurrence. Les États-Unis restent en première place et le Canada perd du terrain.
Je vais vous citer un passage de cet article:
-
Les États-Unis font preuve d'un grand dynamisme pour attirer des
immigrants de talent—entre 1994 et 1999, ils ont «importé»
124 000 Indiens, 68 000 Chinois, 57 000 Philippins,
49 000 Canadiens et 42 000 Britanniques ayant un diplôme
d'enseignement supérieur.
-
Ce sont donc les ordinateurs et les cerveaux qui sont au coeur de
la bataille face à la concurrence mondiale.
-
Le Canada s'inquiète de plus en plus de la «fuite des cerveaux» et,
dans le but d'éviter que ses meilleurs étudiants n'aillent aux
États-Unis, Ottawa a annoncé en mars qu'on allait investir
73 millions de dollars dans quatre nouveaux réseaux de recherche
visant à renforcer les compétences du Canada dans quatre secteurs
clés: l'automobile, les langues et l'alphabétisation, les projets
d'adduction d'eau et la recherche en génomique.
• 0920
J'ai par ailleurs reproduit à votre intention un résumé de
deux pages des statistiques d'immigration du Canada en ce qui
concerne les deux dernières années. Pour l'essentiel, le Canada
fait appel, lorsqu'il s'agit de procurer des avantages économiques
à notre pays par le moyen de l'immigration, au programme des
immigrants d'affaires relevant de la catégorie des indépendants.
Les statistiques que nous vous avons fournies au sujet du programme d'immigration des gens d'affaires vous permettront de constater, par exemple, qu'en 1999 le ministère de l'immigration signale que 13 010 personnes appartenant à cette catégorie sont entrées au Canada. Ce chiffre est en baisse, puisqu'il était de 13 776 en 1998 et de 19 927 en 1997.
Ces chiffres peuvent apparaître à première vue encourageants et remarquables, mais l'on peut constater que le nombre de gens d'affaires qui entrent au Canada est en forte baisse. En fait, lorsqu'on examine de près les chiffres, on s'aperçoit que la situation est trompeuse. On constate que l'on englobe les personnes à charge parmi ces 13 000 personnes. Par conséquent, lorsqu'on écarte les personnes à charge de cette catégorie des gens d'affaires, on relève qu'en 1997, 5 584 personnes appartenant à la catégorie des gens d'affaires sont entrées au Canada. En 1998, il n'y en avait plus que 3 818, et encore moins en 1999, soit 3 638.
Si l'on veut que le Canada reste concurrentiel face aux États- Unis et à tous les autres pays, je pense qu'il faut que notre politique d'immigration s'améliore. Nous devons trouver les moyens d'attirer les gens d'affaires.
Voilà déjà 14 ans que je pratique dans le domaine. Je suis un ancien agent d'immigration et j'ai vu toutes sortes d'immigrants. Ce que je reproche à notre politique d'immigration des gens d'affaires, c'est tout d'abord le fait qu'il n'y a tout simplement pas suffisamment d'incitation à venir au Canada. Dans certains cas, il faut désormais deux ou trois ans pour traiter les demandes. Je sais que les statistiques ministérielles semblent indiquer des chiffres différents mais, sur le terrain, on constante bien qu'il faut de deux à trois ans. De plus, le succès de ces demandes est de plus en plus incertain. Auparavant, lorsqu'on présentait une demande dans la catégorie des gens d'affaires, on était relativement sûr d'être accepté. Aujourd'hui, même des gens d'affaires expérimentés peuvent être refusés pour des motifs qui ne semblent pas être liés à l'apport qu'ils peuvent représenter pour le Canada.
L'autre catégorie sur laquelle on peut s'appuyer pour assurer la croissance économique du Canada est celle des indépendants, des travailleurs qualifiés. Les travailleurs qualifiés sont choisis en fonction de leur expérience professionnelle, de leur niveau d'instruction et de la demande existant au Canada dans leur domaine. Nous voyons là aussi les chiffres baisser. En 1999, 92 394 personnes appartenant à cette catégorie sont entrées au Canada. Elles étaient 105 538 en 1997. Là encore, ces chiffres sont trompeurs parce qu'ils englobent les personnes à charge. Il n'y a eu que 41 482 demandeurs principaux ayant une qualification professionnelle qui sont effectivement entrés au Canada en 1999.
Voilà qui m'inquiète fort, personnellement, en tant que canadien, étant donné qu'en 1999 l'apport économique pour notre pays va se réduire à 3 600 gens d'affaires et 40 000 personnes ayant une qualification professionnelle. Retranchez de ces chiffres les Canadiens qui, disons-le, quittent de notre pays pour trouver mieux ailleurs, du moins ils le pensent, et vous verrez que ces statistiques deviennent encore plus parlantes.
Nous recommandons un certain nombre de choses. Ces trois dernières années, nous avons vu arriver dans nos bureaux de plus en plus—en fait, c'est la plus grosse catégorie maintenant—de clients canadiens. Environ 30 p. 100 de nos clients sont des Canadiens qui émigrent vers le sud dans le cadre de l'ALENA et il s'agit là d'une augmentation alarmante de nos activités.
M. Beigel, qui est assis à mes côtés, s'occupe des questions d'immigration vers les États-Unis et j'ai jugé important de le faire venir pour qu'il puisse répondre éventuellement à vos questions. Il ne s'agit peut-être que de cas particuliers, mais nous pouvons vous donner les raisons pour lesquelles nos clients s'en vont vers le Sud.
Je pense que nos clients américains peuvent nous donner des leçons sur deux points. Je vous ai indiqué dans la documentation que je vous ai fournie les moyens qu'ont adoptés les États-Unis pour remédier ces deux dernières années à la pénurie de talents dans le secteur des technologies de l'information.
• 0925
Je suis sûr que vous connaissez les visas H-1B. C'est un
mécanisme qui permet aux États-Unis de faire venir des personnes
ayant une qualification professionnelle dans les secteurs où il y
a une pénurie. Entre 1992 et 1998, les Américains ont autorisé la
délivrance de 65 000 visas H-1B. C'était le plafond fixé. En 1999,
ils ont porté ce plafond à 115 000 et, en l'an 2000, à 195 000. Ils
ont triplé le nombre de visas H-1B délivrés chaque année.
Voilà qui nous indique que les Américains ont pris l'initiative et veulent réagir plus rapidement face à la conjoncture économique. Ils se sont servis de l'immigration comme d'un puissant levier pour agir sur la concurrence internationale.
Nous nous sommes efforcés de réunir ici un ensemble de statistiques vous permettant de voir combien de personnes entrent avec un visa H-1B, avec un visa TN, etc. L'évolution est remarquable lorsqu'on examine les statistiques de 1998 et que l'on voit le nombre de personnes ayant une qualification professionnelle que les Américains font venir chez eux.
Je dis cela parce que ces statistiques correspondent à une admission temporaire aux États-Unis. Le Canada est loin de recevoir le dixième des personnes qui entrent ainsi aux États-Unis.
Nous proposons que le Canada adopte un système de visas semblables aux visas EEZ aux États-Unis pour attirer l'argent étranger. Ceux qui veulent venir investir au Canada doivent généralement le faire par l'intermédiaire du programme des entrepreneurs, ce qui peut prendre de un à deux ans.
Nous avons constamment des Canadiens qui viennent nous demander que des bailleurs de fonds étrangers viennent investir de l'argent chez nous. Lorsque nous réussissons à les faire venir, le projet est terminé depuis longtemps. Ils arrivent un an ou deux plus tard et cela n'a plus aucune utilité.
Aux États-Unis, grâce aux visas EEZ, nous avons pu faire l'expérience qu'à Toronto en quatre semaines environ...si l'un d'entre vous venait nous demander d'établir une entreprise aux États-Unis, en quatre ou cinq semaines nous pourrions vous obtenir un visa vous permettant d'investir aux États-Unis et vous pourriez rester dans ce pays pendant cinq ans environ, le permis étant renouvelable tous les cinq ans. Ce n'est pas une résidence permanente, mais il permet d'injecter immédiatement et très activement des capitaux étrangers dans le pays sans plus de complication. Cela donne d'excellents résultats aux États-Unis et je vous recommande d'adapter ce modèle à l'économie canadienne.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Guidy.
Je vais souhaiter maintenant la bienvenue aux représentants de l'Association canadienne des libertés civiles, Alan Borovoy et Stephen McCammon.
M. A. Alan Borovoy (conseiller général, Association canadienne des libertés civiles): Les gens ont généralement plus de difficultés à prononcer le nom de mon collègue que le mien.
Le président: Je vous ai entendu à maintes reprises, Alan, et je sais que vous avez comparu devant notre comité à plusieurs reprises.
M. Alan Borovoy: Eh bien, je reviens avec plaisir.
Nos observations—celles de l'Association canadienne des libertés civiles—vont porter exclusivement aujourd'hui sur la prise en charge des résidents permanents, étant donné que ce sont eux qui se sont déracinés pour être autorisés à vivre dans notre pays de manière permanente. C'est à leur sujet que se posent les problèmes les plus graves en matière de libertés civiles, sans vouloir négliger les difficultés qu'éprouvent les autres personnes, et il convient donc de s'en tenir, du moins en priorité, à la situation des résidents permanents.
Étant donné que le projet de loi C-11 ne consiste pas à amender seulement quelques dispositions de la loi existante, mais qu'il s'agit d'un projet de refonte—visant à nous doter d'une toute nouvelle loi sur l'immigration—nous allons non seulement aborder les problèmes nouveaux, mais aussi un certain nombre de difficultés qui persistent dans notre loi sur l'immigration. À cet égard, il est probable que nous mettrons principalement l'accent sur la question des criminels éventuels et de la sécurité.
Je commencerai par les dispositions de l'article 37 du projet de loi C-11, qui permet d'expulser des résidents permanents s'ils sont membres—sans que cela soit précisé; nous ne savons pas ce qu'est un membre—d'une organisation exerçant, ou ayant exercé par le passé, un ensemble d'activités criminelles, planifiées par un certain nombre de personnes, en association, en vue de commettre un acte criminel. Cette disposition est si extensive qu'il nous faut la regarder de près.
• 0930
Supposons que vous soyez un résident permanent qui s'est senti
obligé de se joindre à un syndicat quelconque pour éviter le
chômage, pour être sûr d'obtenir un emploi. Si ce syndicat se met
en grève et qu'à cette occasion il planifie certains agissements
donnant lieu à une obstruction ou à des troubles sur la ligne de
piquetage—je n'aime pas citer les syndicats en exemple parce qu'il
est rare que cela se produise dans le cas des syndicats, mais cela
arrive—mais s'il en était ainsi, le résident permanent qui est
entré au syndicat dans ces conditions, même s'il n'a aucunement
participé aux agissements qui sont reprochés au syndicat, s'il n'en
avait pas connaissance et s'il s'y est opposé, n'en serait pas
moins susceptible d'expulsion compte tenu de la façon dont est
formulé cet article.
On évoque aussi les infractions analogues commises dans d'autres pays. Supposons que vous soyez américain, résident permanent dans notre pays, et que vous ayez pris part aux agissements de l'organisation de Martin Luther King lorsque cette dernière a envisagé de s'opposer à une ordonnance de justice avalisant la ségrégation aux États-Unis. Vous seriez là aussi susceptible d'être expulsé en raison d'une participation antérieure à l'organisation de Martin Luther King.
Le plus drôle, c'est que la formulation de cet article est si extensive qu'un résident ayant travaillé à un moment donné à la GRC serait lui aussi susceptible d'expulsion parce que la GRC répond à cette description. Vous vous souviendrez qu'à un moment donné elle a planifié un certain nombre d'agissements contraires à la loi, notamment l'ouverture illégale du courrier, des entrées par effraction, des vols, etc. Elle est donc elle aussi visée. Je vous signale tout cela pour que vous compreniez à quel point ces dispositions sont ambitieuses.
Dans un article précédent, on évoque non seulement le cas d'un membre d'une organisation qui s'est rendu coupable de certains agissements tels que l'espionnage—je pense que cela se trouve à l'article 34—mais aussi d'une organisation qui va commettre ces agissements. C'est ce que j'appellerais une expulsion par anticipation. En ce qui nous concerne, nous considérons que l'expulsion d'un résident permanent doit être fondée sur ses activités, sur la preuve qu'on peut en apporter. On ne doit pas expulser une personne tout simplement parce que l'on peut craindre qu'elle va agir de telle ou telle manière. Le critère n'est pas là.
On parle ensuite de «subversion». C'est un critère hérité de l'ancienne Loi sur l'immigration; on y parle de subversion à l'encontre de gouvernements démocratiques. Je considère que l'on peut très bien alléguer qu'il convient d'expulser des gens ayant pris part éventuellement à des activités susceptibles de remettre en cause la viabilité de la démocratie dans d'autres pays. Je n'y vois pas particulièrement d'objection. Notre objection concerne le terme de «subversion», parce que nous vous avouons franchement que nous n'en connaissons pas la signification. Nous disons donc qu'il faut soit définir ce terme, soit le supprimer et employer autre chose pour préciser de quoi on parle.
Quoi qu'il en soit, pourquoi vouloir expulser un résident permanent ayant participé à des activités de subversion contre un autre gouvernement et non pas simplement contre les gouvernements démocratiques? Souhaitons-nous vraiment expulser une personne ayant pris part d'une façon ou d'une autre aux tentatives des Kurdes pour renverser le régime tyrannique de Saddam Hussein? Pourquoi vouloir expulser cette personne de notre pays? Elle relève de cette définition. Voilà donc quelques-uns des problèmes qui subsistent.
Pour ce qui est des problèmes nouveaux, nous jugeons qu'il n'est pas bon, lorsqu'on procède à des expulsions pour des raisons de sécurité, de supprimer le rôle du CSARS, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Je sais bien que l'on insiste sur le fait que les résidents permanents ont toujours la possibilité d'un recours devant la Cour fédérale. L'inconvénient des recours auprès de la Cour fédérale, c'est que leur portée est bien trop étroite dans ce cas. Le pouvoir de contrôle est très restreint alors que le CSARS a des moyens d'enquête. Il peut fouiller le dossier, aller chercher des indices et se prononcer sur le bien-fondé d'une ordonnance d'expulsion.
• 0935
Il faut bien voir que dans ce genre de situation, le résident
permanent est souvent expulsé sur la foi de renseignements dont il
n'a même pas pu prendre connaissance étant donné qu'ils sont liés
à la sécurité. Sans vouloir nous prononcer plus particulièrement
sur la nécessité de ne pas communiquer certains de ces documents
aux résidents permanents, nous disons que cela justifie une fois de
plus qu'il y ait une enquête indépendante, comme peut la faire le
CSARS alors que la Cour fédérale ne le peut pas. Nous vous
demandons donc de continuer à faire appel au CSARS.
Nous vous proposons par ailleurs de supprimer, dans le cas de la grande criminalité, le recours aux services indépendants de la Division d'appel de l'immigration. Là encore, la difficulté vient du fait que le contrôle judiciaire effectué par la Cour fédérale est très restreint. Il ne va porter généralement que sur des questions de procédure; et encore, il faut une autorisation. L'inconvénient, c'est que la Division d'appel de l'immigration est la seule instance au sein de laquelle il est possible d'essayer de concilier l'intérêt public et les considérations humanitaires. Ce n'est pas le rôle de la cour alors que c'est une nécessité, à notre avis, pour les résidents permanents.
Enfin, sur la question des interrogatoires obligatoires, le fait d'exiger la réponse à certains questions lors des interrogatoires... D'ailleurs, si je comprends bien, un interrogatoire s'apparente à une enquête. Ce n'est pas une commission d'enquête garantissant le droit à un avocat. Il s'agit d'un interrogatoire ou d'un examen. L'agent d'immigration peut faire venir une personne dans ses bureaux et lui demander de répondre à certaines questions. Nous soutenons que l'on a ainsi la possibilité de soumettre les résidents permanents à des enquêtes sans motif, ce qui est une procédure trop contraignante à leur égard. Nous n'avons rien contre le fait qu'ils puissent devoir répondre à des questions dans le cadre d'une procédure d'enquête en bonne et due forme, qui leur confère le droit à un avocat et certaines garanties procédurales, mais sinon une telle chose ne devrait pas pouvoir se produire.
Si vous me le permettez, je vais résumer toutes ces choses. Tout d'abord, pour qu'on puisse expulser un résident permanent, il faut que l'on puisse prouver qu'il a commis l'infraction criminelle nécessaire dans notre pays ou que, tout bien considéré, on peut estimer qu'il a commis cette infraction dans un autre pays et que c'est lui-même—et non pas une organisation à laquelle il appartient ou encore l'un de ses associés—qui l'a commise.
Il convient de retirer le terme de «subversion» et, quoi qu'il en soit, prévoir une exception pour les dictatures étrangères.
Nous demandons ensuite que le CSARS continue à jouer son rôle, que l'on continue à faire appel à la Division d'appel de l'immigration en matière d'expulsion des résidents permanents et que l'on supprime l'obligation de répondre à des questions lors de ces interrogatoires.
J'ajouterai une dernière chose. On m'a dit...MM. Hoppe et Greenberg m'ont donné une idée de la teneur de leur intervention et, s'ils vous disent la même chose que moi, nous les appuyons bien volontiers. S'ils s'en écartent, vous entendrez à nouveau parler de nous. Nous vous prions de croire que cette intervention est faite, comme toujours, dans le plus grand respect de vos prérogatives.
Le président: Merci, Alan. Vous êtes deux, et c'est pourquoi nous vous avons mis à la même table.
M. Alan Borovoy: C'est bien pensé.
Le président: Nous allons maintenant entendre les représentants du Canadian Immigration Policy Council. Soyez les bienvenus, Howard et M. Hoppe.
M. Howard D. Greenberg (membre fondateur, Canadian Immigration Policy Council): Je vous remercie, monsieur le président, de nous avoir donné la possibilité d'intervenir au nom du conseil.
Le conseil est en quelque sorte un groupe de réflexion. Nous ne sommes pas exclusivement des juristes ou des économistes; nous sommes plusieurs choses en même temps. Nous comptons parmi nos membres le professeur Don DeVoretz, de l'université Simon Fraser, et le professeur Jeffrey Reitz, qui enseigne actuellement à l'Université de Toronto et à Harvard.
Nous nous efforçons d'aborder des questions délicates, des questions pour lesquelles nous n'avons parfois pas de réponse, mais je pense qu'il est important de poser ces questions. Nous sommes venus ici aujourd'hui évoquer des questions bien précises à votre intention.
Votre comité s'est vu confier la tâche monumentale d'examiner un texte de loi qui revoit tout un pan de notre droit et de nos politiques, et de conseiller le ministre ainsi que le Parlement sur le bien-fondé des dispositions et sur les recommandations à faire.
On a tendance, lorsqu'on examine un tel projet de loi, à y entrer de plain-pied. Lors des premières séances d'élaboration de ce projet de loi au sein du ministère, je me suis plongé immédiatement dans le texte en compagnie de M. Hoppe. Nous l'avons lu de bout en bout à partir de l'article 1, en essayant de voir ce que l'on avait changé et pour quelle raison on allait le faire.
On oublie de prendre du recul et d'examiner d'un oeil détaché la législation en se demandant ce que doit faire le gouvernement au départ. Après avoir lu tous les articles et fait nos commentaires entre nous, nous avons constaté un fait étrange. Nous avons vu apparaître une orientation inquiétante dans toute la loi. C'est de cela dont nous sommes venus vous parler aujourd'hui.
La loi émane de la volonté du Parlement. C'est pourquoi les députés sont élus. Ils exercent leur libre arbitre dans un cadre démocratique. Vous êtes l'incarnation de ce principe en étant là aujourd'hui. Le Parlement décide de ce qu'il veut faire dans un cadre législatif et l'inscrit dans les lois, que lui seul peut réviser.
La réglementation est le prolongement de la loi. Le pouvoir de réglementation incombe au ministre, qui se charge de mettre en oeuvre la procédure, de mettre les virgules et les points sur les «i» et de prévoir les mesures d'application à un niveau dont le Parlement n'a pas à s'occuper. Il y a historiquement un lien bien défini entre la loi et la réglementation, aussi bien chez nous que dans la plupart des pays démocratiques du monde.
La loi déroge très gravement à ces principes. L'article 5, qui autorise l'adoption de règlements, dispose:
-
Le gouverneur en conseil peut, sous réserve des autres dispositions
de la présente loi, prendre les règlements d'application de la
présente loi,
—voici la partie contestable—
-
et ceux qu'il juge nécessaires à la réalisation de son objet.
Je dirai sans rire qu'avec de telles dispositions on a probablement tous les pouvoirs nécessaires dans notre pays pour légiférer par voie de règlements en matière de droit sur l'immigration.
Si l'article 5 reste en l'état, le Parlement n'exercera pratiquement plus aucun contrôle sur l'immigration. Bien des dispositions qui suivent ne sont probablement plus nécessaires.
C'est un problème très grave. D'ailleurs, après avoir lu les mémoires de l'Association du Barreau canadien et d'autres organisations, je dirais que c'est probablement la grande question qu'il vous faut régler. Les pouvoirs sont confiés au ministre en place, qui se charge de les exercer. Ce n'est certainement pas la ministre actuelle ou tout autre ministre qui m'inquiète. C'est le fait qu'un règlement peut être adopté en 60 jours, être promulgué et faire force de loi sans que le Parlement n'ait rien vu.
Autrement dit, sans passer par le Parlement, le ministre en place peut adopter les règlements qu'il juge nécessaires à la mise en oeuvre de la loi.
Nous recommandons que l'on amende l'article 5 en mettant un point après le mot «loi» et que l'on supprime l'expression «et ceux qu'il juge nécessaires à la réalisation de son objet». Cette dernière mention est inutile.
M. Carter C. Hoppe (membre fondateur, Canadian Immigration Policy Council): Nous allons peut-être avoir le record de l'exposé le plus court. Je ne sais pas si vous pouvez voir ce document. Je me suis efforcé de tracer un grand cercle et de faire la correction à l'intérieur. On met un gros point à la fin de la phrase et voilà tout pour ce qui est de notre mémoire.
Mettez un point à la fin de cette partie de l'article 5 et vous aurez rendu un grand service au pays. En conséquence, chaque fois que le ministre de l'immigration voudra apporter un changement important à la loi sur l'immigration, il lui faudra s'adresser à nous ou au Parlement. Si vous n'acceptez pas cet amendement, je vous propose d'en faire un autre.
Il vous faudra changer l'intitulé de la loi à l'article 1. Vous le remplacerez par le suivant «Dernière loi sur l'immigration et la protection des réfugiés», parce que c'est la dernière loi de ce type que vous allez voir.
Ces dispositions vont trop loin. On confère au gouvernement en place le pouvoir de faire tout ce qu'il juge nécessaire et non pas ce que vous jugez nécessaire ou ce que vos successeurs jugent nécessaire. Voilà ce que nous avons à dire.
Le président: Je vous remercie.
Je pense que vous allez être très contents de nous. Lorsque notre comité se déplace et qu'il n'est pas à Ottawa, qui est le centre de l'univers, bien des gens ne savent pas qu'en fait nous faisons un excellent travail. L'un de mes collègues vous dira probablement que nous nous sommes justement penchés sur cette question à Winnipeg. En fait, nous envisageons précisément de proposer ce que vous venez de dire.
Nous y reviendrons à la période des questions.
Nous allons donc passer aux questions posées par les membres du comité.
Inky.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci, monsieur le président, et bonjour à nos témoins. Je tiens à remercier tous ces excellents témoins d'être venus ce matin.
Il est indéniable que notre histoire est faite d'immigration. On en voit d'ailleurs la preuve à cette table puisque M. Volpe, M. Fontana et moi-même sommes des immigrants. Soyons sérieux, si les politiques d'immigration n'avaient pas changé au cours des 30 ou 40 dernières années, nous ne serions pas ici.
Le président: Surtout au sein de l'organisation à laquelle j'appartiens, et je ne parle pas du Parti libéral.
M. Alan Borovoy: J'espérais que nous pourrions mettre aussi le doigt là-dessus.
Le président: Oui, j'en suis sûr.
M. Inky Mark: En entendant nombre de témoins et, de toute évidence, ceux de ce matin, je me demande si nous avons appris quelque chose en 100 ans d'histoire. Que nous le voulions ou non, je sais que le projet de loi C-11 va certainement dicter l'avenir de notre pays. Nous savons que la voie a été tracée par les immigrants de notre pays.
Le reproche que l'on a souvent fait à cette loi au cours des trois derniers jours, c'était de manquer de vision. Je crois que c'est tout à fait exact. Toutefois, on a évoqué par ailleurs le non-respect de la procédure légale, tout ce qui entoure la question de la résidence permanente et la notion d'étranger.
Nous sommes constamment limités par le temps au cours de ces audiences. Je vais poser rapidement deux questions.
La première sera de nature très générale. Considérez-vous que le projet de loi C-11 est favorable à l'immigration? Chacun des témoins pourrait peut-être me répondre rapidement.
Le président: Elsa, en moins de 30 secondes, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Elsa Musa: Tout dépend sur quoi on met l'accent et c'est pourquoi je reformulerais la question. Nous considérons que le projet de loi C-11 a été conçu en faveur des réfugiés, parce que c'est ce qui nous intéresse.
Je dirais qu'il y a un changement positif, même si je considère qu'il n'est fait qu'à moitié. Désormais, on a du moins une procédure d'appel sur le bien-fondé de chaque dossier, mais cela ne va pas assez loin.
Nous nous inquiétons aussi plus particulièrement du parrainage à l'étranger et de la réinstallation. Il y a tellement de dispositions qui vont devoir figurer dans la réglementation que, pour l'instant, nous ne pouvons pas évoquer toutes les questions relatives aux réfugiés que nous aimerions aborder avec vous. Je considère qu'on a laissé beaucoup de choses de côté et nous ne sommes pas en mesure de les traiter pour l'instant. Je ne pense pas que ce projet de loi soit favorable aux réfugiés.
Le président: Alan.
M. Alan Borovoy: Nous n'avons pas l'habitude de donner des appréciations et des notes. Excusez-moi de ne pas pouvoir vous répondre en ces termes.
M. Inky Mark: C'est vous l'expert.
M. Alan Borovoy: Nous préférons insister sur ce qu'il faut faire pour que ce projet de loi soit conforme aux principes régissant les libertés civiles. De ce point de vue, il est très déficient.
Le président: Howard.
M. Howard Greenberg: Je dois vous renvoyer à mes observations antérieures étant donné qu'en l'absence de réglementation, qui est au coeur même de cette loi, le cadre est un peu flou. Nous voyons cependant qu'il y a une volonté de contrôle, l'exercice d'un pouvoir et probablement la mise en oeuvre d'objectifs d'une trop grande portée. Donc, de ce point de vue, je dirais que ce n'est pas le cas.
Le président: Guidy.
M. Guidy Mamann: Au niveau de l'ensemble, il est difficile de voir quelque chose de positif dans ce projet de loi. Il y a de nombreuses petites choses qui sont bonnes, par exemple la reconnaissance des conjoints de même sexe, les conjoints de fait, etc., ce qui est très bien. Je ne pense pas, toutefois, que cela va améliorer la compétitivité du Canada. À mon avis, rien dans ce projet de loi n'est susceptible de frapper l'imagination de la communauté internationale et lui faire comprendre que nous voulons des gens de talent, des travailleurs. Je ne vois rien ici qui renforce nos libertés civiles en matière d'immigration.
Les libertés civiles des futurs immigrants, des personnes concernées par cette loi, sont à mon avis terriblement remises en cause. Je ne vois pas de projet. Je ne vois personne ici en fait qui nous propose une grande idée pour améliorer le Canada.
Enfin, le statut de résidents permanents perd encore de son importance. Nous les appelons désormais des «étrangers». Ça n'a aucun sens. Voilà des gens qui sont chez nous depuis 10 ou 20 ans et même davantage et il n'est pas justifié de les qualifier d'étrangers. Je ne vois pas comment on peut considérer qu'une telle mesure est favorable à l'immigration.
Le président: Vous voulez poser une question, Inky?
M. Inky Mark: Oui. Je vous répète que j'ai besoin de votre aide, que nous en avons tous besoin pour améliorer ce projet de loi. L'une des difficultés vient des définitions, du fait que l'on qualifie d'étrangers les résidents permanents. Comment remédier à la chose? Devons-nous redéfinir les résidents permanents? M. Mahoney, qui est membre de notre comité, a proposé qu'on qualifie les résidents permanents de personnes admises sur le territoire. C'est une notion assez simple. Si nous ne qualifions plus les résidents permanents d'étrangers, nous allons pouvoir écarter l'article 37, parce qu'il ne s'appliquera plus à eux. Quelle serait votre solution sur toute cette question de la résidence permanente?
Le président: Alan, voulez-vous répondre, de même qu'Howard?
M. Alan Borovoy: Allez-y.
M. Howard Greenberg: À l'heure actuelle, les résidents permanents sont devenus une sous-catégorie d'étrangers aux termes de la loi. Il faut inverser la chose, établir une catégorie distincte pour les résidents permanents, qu'on les qualifie d'immigrants reçus ou qu'on leur laisse leur nom de résidents permanents. L'important, c'est de prévoir un statut distinct se situant quelque part entre celui du citoyen et des véritables étrangers, qui ont moins de droits. Je crois que c'est assez facile à faire.
Le président: Vous serez là aussi contents de nous. Nous n'avons pas manqué de vous entendre. Avant de laisser John McCallum poser la prochaine question, je tiens à préciser au sujet de la réglementation que notre comité a nettement perçu votre message et qu'il a fait quelque chose de bien spécial. Je tiens à le dire à l'intention de ceux qui prennent la peine d'écouter nos délibérations.
Je sais que ce sont toujours les détails qui pèchent; c'est toujours le cas pour la réglementation. C'est pourquoi la ministre a bien voulu nous communiquer le document de discussion concernant la réglementation, qui est en fait mis à la disposition du public.
Notre comité a par ailleurs l'intention de participer pleinement à l'élaboration de la réglementation. Vous le savez, on ne peut pas élaborer la réglementation tant qu'une loi, ou une législation, n'a pas été adoptée par les deux Chambres du Parlement. Vous allez donc participer étroitement à l'élaboration définitive de cette réglementation parce que nous sommes d'accord avec vous pour dire qu'il faut nous assurer que le Parlement suit la chose de près et que cela n'est pas laissé simplement aux soins de l'administration, qui la publie dans la Gazette du Canada.
Je veux que vous sachiez que nous avons l'intention...quelle que soit la loi cadre qui sera adoptée en définitive; et nous apprenons, nous écoutons et nous avons l'intention d'améliorer cette loi. Je tiens à vous dire qu'au bout du compte il y a toujours une réglementation, mais que nous voulons pleinement participer. D'ailleurs, certains membres de notre comité ont déjà fait savoir qu'il fallait éventuellement que le comité et le Parlement contrôlent le fonctionnement de la nouvelle loi. C'est une proposition de Madeleine, qui vise à s'assurer que le Parlement est bien impliqué et s'assure que tout va bien.
• 0955
John McCallum, vous avez la parole.
M. John McCallum (Markham, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais faire deux ou trois observations et poser ensuite une question. Il s'agit du travail que nous avons accompli avant aujourd'hui à Vancouver et à Winnipeg où j'ai proposé—un certain nombre d'entre nous ont proposé—des amendements éventuels. Je voulais vous tenir au courant de ce qui s'est passé. En outre, je suis particulièrement heureux de le faire parce que le premier d'entre eux a trait précisément à ce qu'a recommandé M. Greenberg. Nous allons recommander de mettre un point après le mot «loi», ce qui est précisément ce que vous recommandez. Je pense donc que les grands esprits se rejoignent à moins que ce soit les fous qui pensent tous de la même manière. Toutefois, nous avons eu exactement la même idée que vous.
En second lieu, je pense qu'aucun des membres de notre comité n'aime que l'on qualifie «d'étrangers» les résidents permanents. Il y a à mon avis une solution très élégante et bien simple au problème que vient de soulever M. Hoppe, et je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.
En troisième lieu, on a exprimé beaucoup d'inquiétudes au sujet du pouvoir d'arbitraire que l'on risquait de conférer aux agents de l'immigration dans cette loi, et nous avons proposé un ou deux moyens de le restreindre.
Tout d'abord, pour ce qui est des interrogatoires, certains avocats nous ont accusés d'adopter des solutions draconiennes, stalinistes et contraires à l'esprit du Canada, du fait que l'on réveille les gens en plein milieu de la nuit sans aucune raison, etc. De toute évidence, ce n'était pas notre intention, le principe étant que les interrogatoires ne doivent pas s'appliquer à tout le monde mais uniquement aux personnes ayant présenté une demande au ministère. En ce qui a trait maintenant à l'expulsion des résidents permanents, il n'a jamais été dans notre intention de s'en remettre au bon vouloir d'un agent pour déclencher cette procédure, mais de toujours faire appel à une audience en bonne et due forme, et c'est ce que nous proposons d'incorporer au projet de loi.
Ces résolutions ne permettent pas de régler tous les sujets d'inquiétude qui ont été évoqués, loin de là, mais je pense qu'elles vont dans le bon sens. Voilà donc ce que j'avais à déclarer.
Je voudrais maintenant poser une question, ou faire une observation, à l'intention de M. Mamann. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur une question de principe. J'ai rédigé le 27 avril un article publié dans le Toronto Star pour dire que le Canada avait besoin d'un plus grand nombre d'immigrants, et la logique de la démonstration était conforme à ce que vous venez de dire. Je pense que nous sommes en concurrence avec les États-Unis. Nous devons faire mieux qu'eux, du moins dans certains créneaux, si nous voulons que ce pays soit riche et prospère.
Mon interprétation sera cependant plus optimiste que la vôtre, parce que je soutiens qu'en dépit de toutes ses failles, notre régime d'immigration est supérieur à celui des États-Unis d'un point de vue économique en ce sens que nous avons notre barème de points. Quelque 60 p. 100 de nos immigrants font partie de la catégorie économique en raison de leurs qualifications et 40 p. 100 relèvent du regroupement familial, alors que je crois qu'aux États- Unis c'est 90 p. 100 pour le regroupement familial, le barème de points n'existant pas. Ils reçoivent effectivement ces immigrants temporaires, ce qui est une mesure qui leur est profitable, que nous devrions éventuellement adopter comme vous le préconisez. À mon avis, cependant, nous pourrions tirer parti de nos points forts, parce que nous avons déjà ce barème de points et parce que nous nous efforçons d'en améliorer la structure. Nous nous efforçons d'être plus concurrentiels en autorisant davantage de gens, des étudiants par exemple, à demander sur le territoire du Canada le statut d'immigrant reçu. Je conviens qu'il nous faut accélérer le traitement des dossiers, mais je ne pense pas que notre situation soit aussi mauvaise que vous la dépeignez.
Ma question est la suivante: pensez-vous qu'il nous faille réellement accepter en priorité les gens sur des critères d'argent, ce que vous préconisez—je ne suis pas sûr que notre catégorie des entrepreneurs et des investisseurs donne de si bons résultats—ou qu'il faille le faire en tenant compte du capital humain, ce que je serais davantage tenté de faire?
M. Guidy Mamann: Ce sont deux bons modèles dont on doit parler. J'ai toujours eu le sentiment que le capital humain apporté par mon père, qui a immigré dans notre pays en 1965 et qui a élevé cinq enfants ici, était excellent. Il n'aurait jamais pu prétendre immigrer selon notre processus de sélection actuel, mais le capital humain qu'il a apporté a renforcé le Canada, à mon avis, de bien des manières, au plan économique, multiculturel, etc.
Malheureusement, nous nous sommes éloignés de ce modèle. À l'heure actuelle, il faut un bon niveau d'instruction, des compétences linguistiques, toutes sortes de qualifications, avant même d'avoir obtenu une entrevue. Il semble donc que nous nous soyons écartés de ce modèle.
M. John McCallum: Je pensais que le capital humain était l'instruction.
M. Guidy Mamann: Comme je vois les choses, le capital humain c'est celui des gens qui viennent au Canada disposés à travailler de toutes leurs forces pour notre pays, à élever une famille et à respecter nos lois et nos traditions. Nous nous sommes écartés de ce modèle en imposant des normes que bien des gens dans le monde ne peuvent respecter.
Pour ce qui est des capitaux, je dois dire que nous recevons constamment dans nos bureaux des appels téléphoniques de gens qui cherchent des investisseurs étrangers, des gens qui vont apporter de l'argent dans notre pays, et nous ne pouvons pas le faire suffisamment rapidement en raison des délais d'acheminement des dossiers. Une personne qui veut se réinstaller dans l'économie d'aujourd'hui, qui fait venir sa famille et qui injecte des capitaux, doit prendre rapidement sa décision et agir. Si nous lui disons d'attendre un, deux ou trois ans, on ne lui donne pas l'impression qu'elle est la bienvenue.
Quant à la comparaison avec les États-Unis, je considère que l'immigration a été le point fort du Canada par le passé et le sera encore à l'avenir. Je ne suis toutefois pas d'accord avec le chiffre de 60 p. 100 que vous venez de citer, parce que je sais ce qu'il recouvre. Nous laissons entrer à peu près 200 000 immigrants par an. Dans la catégorie de l'immigration économique, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il y avait, en 1999, 3 600 gens d'affaires et 41 000 demandeurs principaux indépendants. Cela fait au total environ 45 000 sur 200 000. Selon mes calculs, c'est moins de 25 p. 100. Je ne compte pas leurs enfants ni leur conjoint comme faisant partie de l'immigration économique. Selon la façon dont je compte, l'immigration économique représente au total 45 000 personnes dans notre pays. Lorsqu'on soustrait le nombre de gens qui quittent notre pays, on se retrouve avec un chiffre qui, à mon avis, n'est pas suffisant.
M. John McCallum: Je vous répondrai simplement que nous ne pourrons jamais faire venir ces immigrants intelligents de la catégorie de l'immigration économique si nous ne laissons pas entrer leur conjoint et leurs enfants, de sorte qu'il faut bien tout compter en même temps.
M. Guidy Mamann: Leur apport économique au Canada ne sera toutefois pas le même que les avantages directs que procurent les demandeurs principaux.
Le président: La solution est peut-être tout simplement d'augmenter les quantités et de faire exactement ce qu'ont proposé Guidy et John: davantage de familles, plus d'indépendance. Ce serait peut-être la solution.
[Français]
Madeleine.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président.
C'est mercredi matin et il fait beau dehors. C'est heureux parce que cela nous garde le moral.
Le président: Madeleine, excusez-moi.
[Traduction]
Je vais laisser à tout le monde le temps de mettre les écouteurs. Je crois que la traduction est sur le canal 1, y compris pour le président. Attendez un instant.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur le président, c'est toujours pour cette raison que je commence d'une façon légère.
Le président: Oui.
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Mais je vais quand même recommencer. Il fait beau dehors et on est à Toronto. Ce n'est pas mal. Cela va nous garder de bonne humeur, parce qu'en écoutant vos témoignages, on a tendance à être très, très, très déprimés. Mais vous allez voir qu'on résiste à tout. On ne sera pas déprimés parce qu'on va tenir compte de ce que vous nous avez dit. Je vais poser deux questions. La première s'adresse à M. Mamann et l'autre, à qui aura envie d'y répondre.
Voici la première. Vous nous suggérez de prendre pour modèles un certain nombre de choses qui viennent des États-Unis. J'avoue qu'en partant, cela m'inquiète. Je voudrais savoir si les Américains réussissent à raccourcir de façon significative le délai d'attente. De notre côté, nous entendons dire que les enquêtes de sécurité et les enquêtes de santé prennent du temps. Est-ce qu'ils éliminent des choses quelque part? C'est ma première question.
Je vais vous poser tout de suite la deuxième, car ça vous donnera le temps d'y penser. Depuis plusieurs semaines, beaucoup de gens ont exprimé leur inquiétude face à l'absence d'un certain nombre d'éléments dans la loi au profit de la réglementation.
Comme le président l'a dit, il semble clair dans l'esprit de la ministre que le comité sera consulté sur les règlements. Est-ce que vous seriez plus tranquilles si, à l'intérieur de la loi, il y avait effectivement un article qui parlait de la nécessaire implication du comité pour ce qui est des règlements?
[Traduction]
Le président: Guidy, pour commencer, en ce qui a trait au délai de traitement des dossiers.
[Français]
M. Guidy Mamann: Merci. Quand nous faisons des demandes de visa pour les États-Unis pour les investisseurs, nous constatons qu'ils finissent tout leur travail en quatre ou cinq semaines. Ils ont la capacité de vérifier dans les ordinateurs si les personnes ont un dossier criminel ou non. Ce que je sais, c'est qu'au bout de quatre ou cinq semaines, les gens ont un visa et commencent à travailler tout de suite. Cela veut dire qu'environ 100 000 $US sont investis de façon irrévocable.
• 1005
Franchement, je ne sais pas ce qu'ils font derrière
leurs portes, mais aujourd'hui, dans les temps modernes,
il ne faut pas un an pour découvrir que quelqu'un a
un dossier criminel ou un problème.
Quelques minutes suffisent. Ça prend parfois un peu plus
de temps.
Je sais que les Américains n'ont jamais eu de gros problème avec les investisseurs. Si on est brave et courageux et qu'on essaye, je ne crois pas qu'on va trouver une société remplie de criminels. Bien sûr, quand ils sont là, ça ne nous empêche pas de continuer n'importe quelle enquête pour savoir qui sont ces gens. Moi, je ne vois pas de problème là.
[Traduction]
Le président: Merci, Guidy.
Sur la deuxième question, en ce qui a trait à la mise en place d'un contrôle législatif incorporé à la loi, y a-t-il des commentaires? Tom, Elsa?
Ce sont des micros très sensibles. Vous pouvez les laisser là, ils vont transmettre votre voix.
Mme Elsa Musa: J'ai essayé de comprendre la deuxième question en faisant appel à mes quelques notions de français, parce que le système ne fonctionnait pas. La question était de savoir si nous serions satisfaits à partir du moment où dans la loi on disposait qu'il faut discuter de la réglementation? Est-ce que je...?
Le président: Il s'agissait de faire en sorte que la loi soit revue en permanence, chaque année, qu'un contrôle législatif soit incorporé à la loi.
Mme Elsa Musa: Voilà deux ans, je pense, que nous demandons que l'on mette en place au Canada une conférence nationale devant nous permettre d'examiner régulièrement notre loi sur l'immigration et les réfugiés dans le but de nous assurer qu'elle se conforme bien aux différentes conventions internationales que nous avons signées. Selon cette proposition que nous avons faite, on pourrait aller plus loin dans nos discussions à ce sujet et faire participer bien d'autres Canadiens.
M. Alan Borovoy: Lorsque vous m'avez dit tout à l'heure que des dispositions pouvaient avoir été prises entre le ministre et votre comité, je n'ai pas compris clairement jusqu'où ça pouvait aller. Je me contenterai de dire que toutes les démarches visant à favoriser une certaine forme de contrôle parlementaire sur la procédure d'élaboration des règlements est la bienvenue. N'hésitez donc pas à vous engager dans cette voie.
Soyons prudents, cependant, et ne considérons pas que ces dispositions peuvent venir se substituer à une démarche venant limiter la portée du pouvoir de réglementation tel qu'il est prévu à l'heure actuelle à l'article 5. Il faut que ce pouvoir soit strictement limité, et quelles que soient les dispositions qui sont prises par ailleurs...n'oubliez pas que ce sont des dispositions susceptibles d'engager la ministre et votre comité. Si elles ne sont pas reprises d'une certaine façon dans la loi, vous ne pouvez pas savoir comment vont se comporter vos successeurs et le successeur de la ministre.
Le président: Howard.
M. Howard Greenberg: Monsieur le président, en vous écoutant au départ évoquer la façon dont, selon vous, la future réglementation allait être mise en place, je pensais en moi-même que je m'occupais de la question depuis 20 ans, que j'avais vu bien des ministres arriver puis repartir. J'en ai vu qui sont repartis très rapidement et d'autres qui sont restés bien trop longtemps.
Le président: Vous n'allez pas donner de noms, j'imagine?
M. Howard Greenberg: Pas dans le temps qui m'est imparti. Vous les trouverez dans notre mémoire.
Le président: Très bien.
M. Howard Greenberg: Je me disais que l'on fait toujours preuve de bonne volonté avant l'adoption de la loi. Tout le monde se félicite et l'on se dit que tout va bien marcher. Je m'inquiète beaucoup de l'ampleur du pouvoir de réglementation qu'accorde cette loi. Je me demandais en vous entendant si, selon vous, votre comité va être consulté au sujet de tous les règlements pris en vertu de cette loi ou seulement si le ministre juge nécessaire ou souhaitable de les porter à votre attention. Qu'en sera-t-il des autres? Ils passeront par la procédure normale de publication dans la Gazette du Canada, avec une période de commentaires de 30 jours, et seront ensuite promulgués. Par conséquent, en faisant confiance au ministre en place, on laisse trop de choses dans le flou et je suis donc partisan d'un projet de loi bien plus strict sur ce point.
• 1010
S'il faut faire un compromis entre l'énoncé de toutes les
dispositions dans la loi, comme nous le souhaiterions, et un
pouvoir de réglementation sans limites, on pourrait conférer à un
comité comme le vôtre un rôle de supervision dans le cadre de la
législation, je pense que ce serait une bonne solution
intermédiaire. Je suis gêné en fait que nous n'y ayons pas pensé
nous-mêmes, il faut bien l'avouer. Je crois que ce serait une
excellente solution intermédiaire.
Le président: Il arrive que les membres des comités, quelle que soit leur appartenance, réussissent à bien collaborer et trouvent d'excellentes solutions, comme celle que propose Madeleine.
M. Howard Greenberg: En effet, si vous réussissez effectivement à faire passer ces dispositions dans la loi...
Le président: Communiquez avec nous la semaine prochaine et nous vous dirons si oui ou non l'esprit de collaboration continue à souffler.
M. Carter Hoppe: Monsieur le président, puis-je vous proposer de demander à Joan Atkinson ou à son successeur de comparaître tous les trimestres devant votre comité pour vous informer des progrès réalisés par le ministère, vous dire si le grand programme annoncé est bien mis en oeuvre et vous confirmer que les délais fixés pour la mise en oeuvre de la procédure sont respectés, conformément à la proposition qu'a faite M. Mamann.
Le président: Je vous remercie.
Guidy, vous avez des commentaires à faire?
M. Guidy Mamann: Oui. La croissance de notre pays ne peut se faire que deux manières: par les naissances naturelles et par l'immigration. Nous avons besoin d'être bien plus concurrentiels de nos jours. Nous devons superviser plus étroitement et plus soigneusement nos opérations. Tout va bien plus vite aujourd'hui qu'il y a 10 ans. La procédure habituelle—la procédure parlementaire, celle des comités, etc.—est bien bonne, mais il lui faut s'adapter à notre époque. Il nous faut savoir mieux réagir. Par conséquent, plutôt que de réagir passivement, il serait peut- être bon que nous soyons plus régulièrement mis au courant de la situation. Tous les trois ou quatre mois, essayons de savoir exactement, comme le propose Carter, quelle est la situation. On vous a fixé un objectif. On vous a demandé de faire entrer ces gens d'affaires. Comment se fait-il que M. Mamann nous dise qu'il faut de deux à trois ans pour faire entrer quelqu'un alors que le ministère dit autre chose? Pour quelle raison ne demandons-nous pas des comptes à ces gens? Il faut leur poser des questions sans les ménager.
Le président: Je vous remercie.
Judy, suivie de Joe Volpe.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Laissez- moi simplement enchaîner sur la question de la réglementation. Je pense que différentes possibilités s'offrent à nous si nous voulons apporter des amendements importants à la loi ce qui reste, je crois, l'objectif de nombre d'entre nous autour de cette table.
On y est parvenu entre autres au sein du comité de la santé en faisant en sorte qu'aux termes de la loi tous les règlements doivent passer devant le comité permanent et être entérinés et autorisés par le Parlement avant que l'on puisse poursuivre la procédure. C'est donc là une première possibilité.
Je n'en pense pas moins que celle qui nous est présentée ici vient en second. Je repense à ce que vous avez dit ce matin et à ce qu'ont dit pratiquement tous les témoins devant notre comité, à savoir que ce projet de loi comporte en soi de graves lacunes et que nous rendrions un bien mauvais service à notre pays, compte tenu de sa longue tradition en matière d'immigration et de toutes les batailles menées au sujet des droits de la personne, si nous n'apportions pas de gros changements.
La question que je vais poser là encore à tout le monde c'est, en supposant que l'on ne puisse faire qu'un nombre limité de changements, quels doivent être les changements apportés? Je vais les regrouper rapidement pour voir si vous êtes d'accord ou non.
Pour ce qui est des réfugiés, on nous a dit que nous ne nous conformions pas à la convention des Nations Unies sur les réfugiés ainsi qu'à celle sur la torture. L'essentiel devrait donc être—nous l'avons entendu dire hier à Winnipeg—de bien s'assurer dans cette loi qu'il n'y ait aucun refoulement en cas de torture.
Nous avons entendu dire par d'autres intervenants qu'il nous faut absolument tenir compte des réfugiés qui sont dans les limbes et que nous n'avons toujours pas réglé la question des documents d'identité. Il va falloir que ça change si nous voulons nous conformer aux dispositions de cette importante convention.
Quant aux droits des résidents permanents, on nous a répété à satiété que nous n'appliquions pas les dispositions de la charte. Nous enlevons aux résidents permanents les droits fondamentaux d'appel et de contrôle judiciaire. Il me semble que l'article 64 vient immédiatement à l'esprit pour ce qui est de l'expression «grande criminalité» et le refus de tout droit d'appel lorsqu'une personne est reconnue coupable d'une accusation qui est censée relever de cette catégorie.
L'autre chose dont on a beaucoup entendu parler—et je pense que cela renvoie à la nécessité d'être concurrentiel lorsqu'on accueille des immigrants—c'est la façon dont on peut encourager les familles à se réunir dans notre pays. Je pense que c'est bien bon de mettre l'accent sur l'immigration économique et les qualifications, mais si nous ne sommes pas prêts à élargir la portée de cette loi en matière de regroupement familial et à ouvrir un peu plus nos portes, nous n'aurons pas véritablement progressé face à la concurrence internationale.
• 1015
Voilà donc comment je regroupe tout ce que nous avons entendu
jusqu'à présent, et j'aimerais savoir quelles sont vos priorités.
Vous avez entendu les trois amendements prononcés par John
McCallum. C'est un bon point de départ. Que proposez-vous d'autre,
qui vous paraît essentiel?
Le président: Judy, nous ne disposons malheureusement pas d'une heure pour répondre à cette question. Je vous remercie d'avoir passé en revue ce qui avait effectivement été dit et ce qui était proposé. Je pense que l'on a déjà répondu à certaines questions sur la compétitivité. D'autres ont été traités au sujet des résidents permanents. Si quelqu'un veut ajouter quelque chose à ce que vient de dire Judy, n'hésitez pas.
Je pourrais peut-être interroger Elsa au sujet de la torture et des réfugiés qui sont dans les limbes, parce que nous n'en avons pas encore beaucoup parlé ce matin.
Tom.
M. Tom Clark (coordonnateur, Comité inter-églises pour les réfugiés): Je vous remercie.
J'essaie de m'en tenir à quelques choses simples qui auront beaucoup d'impact. Vous en avez cité une: donner aux tribunaux le pouvoir de régler les questions relatives aux droits de la personne. Cette mesure aurait des répercussions non seulement sur les réfugiés, qui nous intéressent ici, mais aussi sur les résidents permanents, car on s'assurerait en fait que les tribunaux s'intéressent aux droits de la personne sans chercher à trancher des questions purement canadiennes.
Je proposerais une chose à ce sujet, à savoir que l'on indique d'une manière ou d'une autre—et nous pourrions proposer certaines formulations—parmi les objectifs de cette loi, que nous avons l'intention de faire respecter les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, telles qu'elles s'appliquent aux réfugiés et aux non-citoyens. Cela irait dans le sens des pouvoirs conférés aux tribunaux. Il y aurait donc un autre type de protection—la procédure judiciaire—qui interviendrait là où il reste des lacunes dans la loi.
Je vous remercie.
Le président: Alan.
M. Alan Borovoy: En me posant votre question, vous m'avez rappelé l'un de mes maîtres qui me disait il y a des années: «Ne me plongez pas dans un faux dilemme». En leur demandant leurs priorités, vous risquez d'amener nos groupes à se quereller entre eux—c'est là une stratégie politique qui n'est pas souhaitable. Je vous répondrais donc que tout est prioritaire. Nous n'avons aucune raison de nous sentir limités par des restrictions aussi artificielles concernant la possibilité d'apporter des changements.
Le président: Je vous remercie. Je crois que tout bien considéré, Alan, nous sommes appelés à bâtir un projet dont la portée dépasse celle de bien des intérêts particuliers. C'est là la tâche de notre comité.
Joe Volpe.
[Français]
M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à tous les députés qui ne sont pas de Toronto. Je suis le seul député de Toronto. Quand il s'agit des députés, on veut être représenté non seulement par le nombre, mais aussi par la qualité.
[Traduction]
Le président: Vous savez que vous n'êtes pas de Toronto.
[Français]
M. Joseph Volpe: Je voudrais représenter tous les autres députés qui viennent de Toronto parce qu'on parle ici de l'importance de l'immigration. Pas plus tard qu'hier, un recherchiste du Parlement m'a signalé le fait que la croissance de Toronto est à 75 p. 100 attribuable à l'immigration. Donc, quand on parle d'un projet de loi comme celui-ci, on parle de l'avenir de Toronto. Je voudrais souligner à tous les députés et aux témoins que l'économie de Toronto représente presque 25 p. 100 de toute l'économie du Canada.
Je voudrais revenir à quelques observations faites par mon collègue John McCallum, qui vient de la
[Traduction]
qui vient de la région métropolitaine de Toronto et qui nous dit que les fous sont presque toujours d'accord entre eux. Il a raison. Je ne pense pas que la procédure parlementaire laisse les fous s'asseoir du même côté de la table ou même d'un côté et de l'autre. La procédure exige que nous ayons des avis divergents et, si ce n'est pas le cas, nous faisons de mauvaises lois.
• 1020
Je suis l'une des personnes identifiées par M. Inky Mark comme
étant originaire de l'étranger. C'est un honneur dont je suis fier,
mais je crois qu'il impose aussi l'obligation de se souvenir que
bien d'autres appartiennent aussi à la même catégorie et
qu'éventuellement bien d'autres encore en relèveront avec bien plus
de mérite.
J'ai lu les mémoires qui ont été déposés sur mon bureau et j'ai écouté vos exposés. Je ne suis pas d'accord avec certains points de vue concernant l'efficacité d'autres pays et la façon dont ils abordent la question de l'immigration—soit du point de vue de la croissance économique et du capital humain, pour reprendre vos expressions, monsieur Mamann.
Je m'intéresse surtout aux intentions. En vous lisant, monsieur Greenberg, je me suis vraiment efforcé d'en revenir à la loi. J'ai posé une seule question aux gens qui se sont présentés devant moi, celle que vous avez essayé de trancher, monsieur Hoppe, en demandant que l'on coupe cette phrase et que l'on mette un point ici.
Ce que je veux en fait vous demander, c'est si à partir du moment où je présente un texte de loi exigeant que l'on mette un point au milieu d'une phrase pour supprimer tout ce qui paraît par la suite avoir des répercussions très négatives, est-ce qu'il me faut chercher ensuite à corriger—c'est bien le mot—les paragraphes et les articles dans le reste du texte ou est-ce qu'il me faut mettre un point après le tout premier mot de cette loi, parce que le problème se rapporte aux intentions et non pas aux mesures adoptées?
Le président: Guidy ou Howard.
M. Carter Hoppe: Puis-je répondre concernant l'endroit où il faut mettre le point?
Je crois qu'il vous faut le mettre à la première page, ou de toute façon à la page qui correspond à l'article 5, pour que tout ce qui suit et qui ne vous paraît pas acceptable—une expulsion vers un pays qui pratique la torture, l'absence d'un droit d'appel en bonne et due forme pour les résidents permanents—soit là aussi pris en compte. Il faut voir ensuite comment s'explique la réglementation proposée. Nous avons fait ici aujourd'hui de nombreuses critiques, mais lorsqu'on considère le mécanisme de réglementation qui est proposé...on le trouve sur le site Internet. Il a été mis là pour que tout le monde en prenne connaissance. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais en ce qui me concerne il y a dans cette réglementation beaucoup de bonnes choses. Je veux simplement m'assurer que le cadre—j'entends par là cette loi cadre—est suffisamment solide, qu'il va durer, qu'il va pouvoir garder le mécanisme en place.
Le président: Laissez-moi vous interrompre, monsieur Hoppe.
Je trouve encourageant de voir que de nombreux intervenants—ce n'est pas mon premier comité—qui se présentent devant les comités font toujours preuve d'optimisme au sujet de l'avenir des cadres législatifs. Nous sommes tous d'excellents membres de ce comité. Voilà des années que je travaille aux côtés de Mme Wasylycia-Leis. Elle me déteste probablement autant qu'il est possible, mais nous avons su instaurer entre nous une très bonne relation de travail alors que nous n'appartenons même pas au même parti.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Vous avez de l'allure.
Le président: Il n'en reste pas moins que la procédure parlementaire veut entre autres que notre comité disparaisse en septembre dans sa composition actuelle et que celui qui va le remplacer éventuellement disparaîtra lui aussi en septembre de l'année suivante. Nombre de députés qui se sont beaucoup consacrés à ce comité et qui ont contribué à bâtir une mémoire et une pratique institutionnelles vont se remettre sagement à faire le même travail au sein d'autres comités, ce qu'il nous est déjà arrivé de faire avec Mme Wasylycia-Leis.
Nous transportons notre capital intellectuel et politique en d'autres lieux—dans son cas à elle, avec plus de bonheur. Je sais que nous avons nos habitudes.
Je me demande simplement si...
M. Joe Volpe: C'est pourquoi on essaie de me faire taire.
Le président: Ça n'a pas marché.
Je me demande simplement si, en venant nous faire le genre de proposition que l'on vient d'entendre, monsieur Hoppe—que vous aimez ceci et cela tout en parsemant vos commentaires de remarques négatives—ce que vous voulez finalement me dire, ce ne serait pas que vous aimez en fait tout ce que l'on trouve ici. Vous voulez simplement participer à l'opération en espérant que nous allons comprendre que vous ne vous opposez vraiment en fait qu'à quelques petites dispositions ici et là. Est-ce que vous avez foi en cette instance?
M. Carter Hoppe: Est-ce que je pense que le système est plein de gens de mauvaise volonté qui veulent faire du mal à notre pays? Non.
Le président: Non, je vous interroge seulement au sujet de ce projet de loi. Je ne vous demande pas d'inculper tout le monde.
M. Carter Hoppe: Très bien.
• 1025
Je considère qu'il est probable que cette loi fait preuve au
départ de beaucoup de bonne volonté, mais nous ne pouvons pas...
M. Joseph Volpe: Est-ce que c'est une bonne chose?
Le président: Excusez-moi, monsieur Volpe. Pourriez-vous laisser le témoin répondre?
M. Joseph Volpe: J'essaie simplement d'obtenir une réponse.
Le président: Je sais.
M. Joseph Volpe: C'est tout ce que nous cherchons à faire dans les comités.
Le président: Il y a aussi le fait que les échanges doivent passer par l'intermédiaire du président. Donc, monsieur Hoppe, si vous pouviez répondre à la question posée par M. Volpe afin que tous les autres membres du comité puissent comprendre la réponse, nous vous en serions très reconnaissants.
M. Carter Hoppe: Monsieur le président, si je peux répondre à M. Volpe par votre intermédiaire...
Le président: Merci.
M. Carter Hoppe: ...je lui dirais que le seul inconvénient que je vois à cette loi, c'est qu'elle laisse trop le champ libre au gouvernement. C'est le gros problème. Vous faites confiance au gouvernement en place—et je pense qu'il a de bonnes intentions—en considérant que rien ne va jamais changer, et vous ne pouvez pas agir de cette manière à moins d'être prêts à abandonner votre rôle pour ce qui est du contrôle parlementaire.
Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui veut intervenir ici? Anita? Yolande?
Il nous reste encore le temps de poser rapidement une question ou de faire rapidement un commentaire.
Mme Judy Wasylycia-Leis: [Note de la rédaction: Inaudible]... comment amender ce projet de loi, et j'apprécie la remarque de M. Borovoy, qui nous dit qu'il faut tout tenter. La ministre a bien précisé cependant qu'elle n'est prête à accepter que des modifications d'ordre technique. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il nous fallait régler rapidement la question au cours de cette session, la ministre a répondu que nous avions eu amplement la possibilité de faire des amendements, qu'il s'agissait d'une nouvelle mouture du projet de loi C-31 et qu'il fallait en finir. Je suis quelque peu sceptique quant aux possibilités d'amendement. Je reconnais qu'il y a eu une certaine évolution, et trois possibilités ont désormais été évoquées à cette table.
Nous allons nous retrouver devant une tâche assez difficile lors des deux prochaines semaines. Entre nous tous, nous allons probablement essayer de faire adopter des amendements sur tous les fronts. Il nous faudra trouver une majorité sur un certain nombre de points clés et je cherche simplement conseil pour savoir sur quoi il faut mettre l'accent. J'ai entendu certaines propositions ce matin. J'aimerais que vous nous fassiez quelques dernières observations avant que nous nous lancions dans cette démarche.
M. Alan Borovoy: Il vous faut faire des amendements que vous jugez bon. Si la ministre s'efforce d'une manière ou d'une autre de bloquer artificiellement le débat, c'est elle qui devra rendre des comptes, pas vous. Faites les amendements que vous jugez bon de faire.
Le président: La parole est à Guidy Mamann, qui sera suivi d'Howard.
M. Guidy Mamann: Je voulais dire tout à l'heure que certains des articles qui figurent ici et qui traitent du pouvoir de réglementation, du pouvoir du gouverneur en conseil, ne pourraient jamais figurer dans un autre texte de loi. Imaginez-vous un tel article dans le Code criminel?
Nous exposons avec une grande précision en quoi consiste le fait de voler une barre de chocolat dans un magasin et quelles sont les sanctions qui en découlent. Nous définissons la chose et les conditions sont soumises à un contrôle judiciaire et protégées par la Constitution. On ne se contente pas de dire que le procureur ou le solliciteur général vont adopter des règlements ou faire appliquer des règles plus ou moins dans l'esprit du Code criminel. Ce n'est pas ainsi qu'on doit faire les choses. Je considère que la Loi sur l'immigration mérite le même respect et la même attention.
Ce que nous avons ici, c'est un squelette, un squelette avec de grands titres. Quant aux questions de fond, on nous dit qu'elles vont être réglées à huis clos. Je ne pense pas que ce soit une bonne façon d'aborder un texte de loi aussi important.
Quant à la ministre, je pense qu'elle aurait raison d'être impatiente si nous avions déposé un projet de loi exhaustif en y joignant toute la réglementation et si nous pouvions examiner l'ensemble en disposant d'un an ou deux pour le faire. Je n'y verrais pas d'inconvénient, mais ce n'est pas le cas ici. Ce que nous avons ici, c'est un squelette.
Le président: Je vous remercie.
Howard.
M. Howard Greenberg: Je vous répète ce que je vous ai dit au départ, à savoir que vous devez prendre du recul et ne pas vous perdre dans les détails de l'examen article par article, ce qui vous empêche de considérer l'ensemble de la législation.
Finalement, il s'agit de faire la part des choses. Vous savez quel est votre rôle pour répondre aux attentes du Parlement. Je pense que l'essentiel, c'est probablement de trouver des solutions intermédiaires. La recommandation voulant que chaque règlement soit d'abord examiné en comité n'est pas la première solution que je préconiserais. Allons-nous revenir sur les pouvoirs de réglementation qui figurent à la fin de chaque partie et est-ce que nous allons obliger la ministre à reformuler chacun des pouvoirs de réglementation? Non, il est impossible qu'on y parvienne.
Le président: Laissez-moi tous vous féliciter d'avoir su si bien participer à ce débat, dialoguer avec nous et nous faire des propositions d'amélioration.
• 1030
Je tiens à vous le dire avant de faire venir les autres
témoins. Voilà quatre ans que l'on se penche sur cette législation.
Chers collègues, mesdames et messieurs, nous allons maintenant accueillir le prochain groupe de témoins.
Excusez-moi, tout d'abord, d'être légèrement en retard par rapport à notre horaire. Comme vous avez pu probablement le constater, notre comité a tendance à poser une foule de questions à nos témoins.
Les règles de fonctionnement seront les mêmes. Vous disposerez de cinq à sept minutes pour nous présenter votre mémoire.
Je remercie ceux qui l'ont fait de nous avoir fait parvenir un mémoire à l'avance afin que nous puissions vous poser certaines questions.
Soyez les bienvenus et merci de prendre le temps de nous aider à bâtir une meilleure législation.
Nous allons donner la parole aux représentantes de l'African Canadian Legal Clinic, Erica Lawson et Marie Chen. Soyez les bienvenues.
Mme Erica Lawson (Policy and Research Analyst, African Canadian Legal Clinic): Bonjour, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité. Je m'appelle Erica Lawson et je suis analyste des politiques et agent de recherche à l'African Canadian Legal Clinic.
L'immigration est en fait un gros problème pour notre organisation et pour nos membres. Nous avons pour mandat de lutter expressément contre le racisme anti-noir au Canada. Nous le faisons en organisant la défense de notre cause et en intentant des poursuites dans des cas précis.
Ce projet de loi continue à nous préoccuper. Vous pouvez voir dans notre mémoire que nous avons évoqué le contexte ainsi que les questions précises touchant les droits de l'enfant, la résidence permanente et l'expulsion. Nous avons aussi d'autres sujets de préoccupation mais, pour ne pas perdre de temps, nous nous en sommes tenus à ceux que je viens d'évoquer.
• 1035
Puisque vous avez un exemplaire de notre mémoire, j'espère que
vous prendrez le temps de le lire et, étant donné qu'en consultant
la liste je peux voir qu'un certain nombre de groupes vont traiter
en détail de la question de la résidence permanente, je vais m'en
tenir davantage au plutôt et à l'histoire pour vous dire ce qui
nous inquiète au sujet de ce projet de loi. Je veux parler du
racisme dans ce projet de loi car je crains qu'étant donné la façon
dont notre société est organisée, c'est l'une des questions que
l'on va oublier de mentionner lorsqu'on va passer en revue ce
projet de loi en essayant de voir précisément ce qui inquiète les
gens.
L'une des préoccupations que nous avons au sujet de ce projet de loi vient du fait qu'il n'adopte pas un point de vue antiraciste, en ce sens que l'on ne tient pas compte de la façon dont le texte législatif proposé perpétue le racisme au Canada. Je le dis ainsi parce qu'un certain nombre d'éléments nous ont amenés à tirer cette conclusion. Ce projet de loi n'est pas apparu comme par enchantement. En fait, de notre point de vue, la politique d'immigration a joué un rôle tout à fait crucial en limitant les catégories de personnes susceptibles d'entrer au Canada. Nous savons que les personnes d'origine africaine n'ont jamais vraiment été considérées comme de bons immigrants ou comme des personnes susceptibles de s'adapter facilement à la société canadienne ou d'en refléter les valeurs. Dans le texte qui est proposé, nous voyons que ce parti pris subsiste.
Je constate par ailleurs que ce projet de loi reprend les dispositions du projet de loi C-44 en ce qui a trait aux dangers pour le public et à tout ce qui entoure la criminalisation des Afro-Canadiens.
Je ne sais pas si vous êtes au courant de l'affaire Just Desserts qui a eu lieu à Toronto il y a quelques années et qui a en fait accéléré la mise en place du mécanisme d'expulsion parce qu'au moins une des personnes impliquées faisait l'objet d'une ordonnance d'expulsion. C'est une chose qui nous inquiète particulièrement. Je relève que le projet de loi met moins l'accent sur le danger pour le public, mais il est certain que l'évocation de la criminalité organisée reflète ce type de pensée.
À la page 14 de notre mémoire, à la rubrique «grande criminalité» vous pouvez voir qu'à notre avis cette proposition précise vise à criminaliser les Afro-Canadiens, et les hommes en particulier. Je vous invite à examiner une fois de plus le contexte social, et il y a une ou deux choses que vous devez considérer lorsque vous réfléchissez à cette proposition. Il y a un contexte ici. Il y a l'expérience des Afro-Canadiens, qui sont bien trop surveillés par la police. Nous en avons de nombreuses preuves. Nous savons, par exemple, que le rapport Stephen Lewis qui a été publié il y a deux ans a effectivement fait état d'une différence de traitement et d'un racisme au Canada, tout particulièrement envers les Noirs.
En vous disant qu'il vous faut replacer ce genre de proposition dans le cadre du raciste, je veux vous faire réfléchir à l'expérience qui est celle de ces gens et je vous demande de bien voir, lorsque vous considérez cette expérience et lorsque vous faites une proposition laissant entendre que certaines personnes risquent davantage de commettre des crimes, lorsque vous prenez des mesures à leur encontre, lorsque vous leur enlevez tout droit d'appel, etc., que toutes ces choses sont liées.
Dans ce cadre, je vous dis par conséquent qu'il ne nous faut pas seulement tenir compte des facteurs objectifs, mais aussi de l'expérience subjective de ces gens. Lorsqu'on sait que par le passé on a proposé des mesures visant à écarter les Afro-Canadiens, à les criminaliser et à adopter des lois en conséquence, il faut penser à quel point ce projet de loi continue à aller dans le même sens.
Nous devons aussi considérer les gens dans leur intégralité et non pas, à mon avis, considérer uniquement leur potentiel économique. N'oubliez pas que lorsqu'un Afro-Canadien est arrêté par la police, il est bien possible qu'il soit établi dans ce pays depuis son enfance, qu'il n'entretienne aucun rapport et qu'il n'ait aucun lien familial avec sa communauté. Le Canada est en fait son pays. Il est donc tout à fait déraisonnable de demander que quelqu'un qui est arrivé ici à l'âge de six mois soit renvoyé dans un pays avec lequel il n'a aucun lien, 30 ans après.
• 1040
Il est donc bon que chacun d'entre nous examine les éléments
précis et objectifs de ce projet de loi, mais je pense que nous
passerons à côté si nous ne tenons pas compte des gens dans leur
intégralité, en fonction de leur apport, et le Canada ne peut se
dégager de toute responsabilité lorsqu'il arrive que ces gens
choisissent la voie de la criminalité. Nous devons regarder les
choses en face et en tenant compte du racisme dont sont victimes
ces personnes dans notre pays. Je m'en voudrais si nous passions à
côté de cette réalité dans le cadre de cette procédure.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Erica.
Andrew Brouwer, qui représente la Maytree Foundation.
Andrew, vous êtes le bienvenu.
M. Andrew Brouwer (directeur, Recherche et politiques, Maytree Foundation): Je remercie le président et les honorables députés.
Je m'appelle Andrew Brouwer. J'appartiens à la Maytree Foundation, une fondation charitable installée ici même à Toronto. L'objectif de notre programme s'appliquant aux réfugiés et aux immigrants est double. Il s'agit tout d'abord de faciliter l'accès des nouveaux arrivants aux métiers et aux professions et, en second lieu, de réduire les retards inutiles s'opposant à l'arrivée des réfugiés qui se trouvent dans les limbes sur le plan juridique. Ce sont ces deux domaines que je vais aborder aujourd'hui.
Auparavant, je tiens cependant à bien préciser une chose. La Maytree Foundation n'appuie pas le projet de loi dans sa version actuelle. Nous estimons qu'il laisse à désirer. Tout en reconnaissant qu'il y a quelques très bonnes dispositions dans ce projet de loi et que l'on peut parler d'une amélioration par rapport au projet de loi C-31 à certains égards, nous disons que ces changements ne suffisent pas à le racheter. Comme son prédécesseur, le projet de loi C-11 ne fait pas état d'un projet cohérent et oublie l'indispensable: un engagement de fond en faveur de la justice et de la démocratie. Ce projet de loi est à nos yeux une occasion manquée.
En ce qui a trait aux domaines qui intéressent précisément Maytree et sur lesquels portent ses compétences, nous constatons que le projet de loi C-11 n'améliore pas la situation des personnes qualifiées et des professionnels formés à l'étranger ainsi que des réfugiés n'ayant aucun statut juridique.
Je ne pense pas qu'il soit besoin d'exposer en détail la question de l'accréditation des diplômes étrangers et de l'accès aux professions et aux différents métiers. Le problème est bien connu et nous l'évoquons dans notre mémoire.
Nous reconnaissons qu'un projet de loi sur l'immigration n'est pas l'endroit le plus indiqué pour chercher une solution à un problème à multiples facettes et qui fait appel à autant d'autorités compétentes, mais nous estimons que le gouvernement fédéral, et plus particulièrement le ministre de l'immigration, a un rôle majeur à jouer pour trouver des solutions. Il faut pour cela ne pas se contenter des mesures passives qui ont été annoncées jusqu'à présent, tant dans le cadre du projet de loi que lors de son annonce, qui reviennent davantage à gérer les attentes qu'à changer la situation.
Lors du discours du Trône du 30 janvier, Ottawa a promis d'oeuvrer avec les provinces et les territoires de façon à mieux reconnaître les diplômes et les qualifications obtenus à l'étranger par les nouveaux arrivants au Canada. Nous demandons à la ministre de l'immigration de concrétiser cet engagement dans le cadre d'un plan national d'action visant à faciliter l'accès aux professions et aux métiers, cela en collaboration avec les ministres du Développement des ressources humaines, du Travail et du Patrimoine canadien. Sur ce point aussi, vous trouverez nos recommandations dans le mémoire que nous vous avons remis.
Contrairement à la question de la reconnaissance des qualifications, le problème de l'absence de statut juridique des réfugiés qui veulent entrer dans notre pays aurait certainement pu être réglé par ce projet de loi. Il ne l'a pas été. Un certain nombre de témoins ont déjà comparu devant votre comité pour évoquer les retards apportés au traitement de leur dossier lorsqu'ils ont cherché à se faire admettre sur le territoire canadien.
Vous n'ignorez pas que le problème est bien réel. En l'absence de statut entraînant leur admission sur notre territoire, les réfugiés ne peuvent pas voyager à l'extérieur du Canada. Ils ne peuvent pas parrainer les membres de leur famille pour les faire venir au Canada. Ils ne peuvent bénéficier d'un prêt pour faire des études supérieures. Il leur est souvent très difficile d'obtenir un emploi décent et ils ne peuvent participer au processus démocratique. Comme vous le savez, les longs délais lors de l'admission sur le territoire s'expliquent par l'obligation de fournir un document d'identité selon les dispositions de la Loi actuelle sur l'immigration. Cette exigence a été largement critiquée, elle a été jugée contraire à la charte et aux règles du droit international, et pourtant le projet de loi C-11 ne corrige pas la situation.
Maytree recommande que l'absence de papiers d'identité n'empêche plus un réfugié d'être admis sur notre territoire. Nous recommandons que pour le moins tous les réfugiés se voient accorder des titres de voyage et des papiers d'identité une fois que la CISR aura statué sur leur dossier, comme nous sommes tenus de le faire aux termes de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Les documents sur le statut proposé par le projet de loi C-11 et l'éventualité de la fourniture d'un titre de voyage ne répondent absolument pas aux besoins dans ce cas étant donné que le ministère nous a bien précisé que ces documents ne seront pas mis à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin—les réfugiés sans papiers.
• 1045
Avant de passer à la suite, je voudrais expliquer très
rapidement pour quelle raison tant de personnes se retrouvent dans
les limbes. Je ne veux pas entrer dans une querelle de chiffres. Je
pense que c'est inutile; la question est importante, qu'il y ait
1 000 ou 6 000 personnes concernées. Je vous ferais remarquer
toutefois que lorsque les responsables du ministère ont comparu
devant vous il y a deux semaines, ils vous ont dit qu'il y avait
moins de 1 000 réfugiés qui se trouvaient dans les limbes. Ce
chiffre est totalement hors de proportion avec ceux qu'ont donnés
les recherches faites par Maytree ces dernières années. Nos
recherches s'appuient exclusivement sur les statistiques que nous
donnent CIC et la CISR. J'espère que le ministère a raison, mais
j'aimerais bien voir la chose de plus près et lui demander des
explications.
Nous avons fait par ailleurs des recommandations en matière de transparence et de devoir de rendre des comptes en ce qui a trait au contrôle de sécurité s'appliquant aux réfugiés—certains témoins du groupe précédent ont évoqué la question et je ne vais pas y revenir. Là encore, nous traitons le sujet dans notre mémoire, mais je serais heureux d'en reparler—de même que de la suppression du droit d'établissement qui est injuste pour les réfugiés. Ces deux problèmes s'opposent à l'entrée sur notre territoire.
En plus de remédier aux causes de cette absence de statut juridique, il y a aussi des changements devant être apportés à la loi actuelle que peut recommander votre comité pour minimiser les répercussions de cette absence de statut juridique sur les intéressés. L'un d'entre eux consisterait à supprimer l'obstacle qui empêche les réfugiés au sens de la convention de bénéficier de prêts d'étudiants au collège et à l'université. Plus précisément, nous demandons à votre comité de joindre sa voix à ceux qui réclament une modification de la Loi fédérale sur l'aide financière aux étudiants pour que les réfugiés au sens de la convention, comme les citoyens et les résidents permanents, puissent prétendre à bénéficier de prêts d'étudiants.
Je terminerai en proposant que votre comité réclame résolument l'établissement d'un bureau public des plaintes ou d'un bureau de médiation pour entendre les plaintes et faire des recommandations touchant les questions d'immigration. Je suis bien persuadé que tout au long de vos audiences vous avez dû entendre évoquer de nombreux cas et prendre connaissance de plaintes très sérieuses en ce qui a trait aux difficultés posées par le système actuel.
Vous avez peut-être lu l'article publié hier dans le Globe and Mail, faisant suite à un article de samedi au sujet des faux en écriture commis par les agents d'immigration. Il est possible de remédier à certaines de ces difficultés par une réforme législative et réglementaire, ce qui correspond ici à votre mandat. D'autres problèmes sont de nature administrative et il n'y a pour le moment aucun moyen de les régler en agissant sur les systèmes.
Certes, nous considérons que votre comité a un rôle de tout premier plan à jouer pour s'assurer que la nouvelle loi respecte les normes essentielles de la justice fondamentale, de l'équité et des droits de la personne, mais nous avons besoin d'un organe indépendant chargé de superviser l'administration de la loi. Il faut qu'il y ait un changement de structure amenant le ministère à rendre des comptes et Maytree, de même que le Conseil canadien pour les réfugiés et d'autres intervenants, estiment qu'un bureau de médiation, un service d'enregistrement des plaintes du public ou tout autre organisme du même ordre nous permettrait de faire un grand pas dans cette direction. Je vous remercie.
Le président: Merci, Andrew. Nous allons maintenant entendre Geraldine Sadoway, la représentante de Parkdale Community Legal Services.
Mme Geraldine Sadoway (avocate, Parkdale Community Legal Services Inc.): Bonjour. Je suis heureuse de me présenter devant vous aujourd'hui. Je dois préciser que notre exposé est très court, mais nous faisons partie de la Coalition pour les réfugiés. Vous avez reçu notre mémoire, qui est la modification du mémoire que nous avions présenté au sujet du projet de loi C-31, et qui comporte 51 recommandations. Je ne vais en aborder qu'une aujourd'hui, celle qui figure aux pages 8 et 9 du mémoire de la Coalition pour les réfugiés.
Je dirais tout d'abord que nous sommes l'un des membres fondateurs de cette coalition et que Parkdale s'occupe des questions d'immigration depuis sa création en 1972. Nous suivons de près les questions ayant trait à la loi sur l'immigration et sur les réfugiés parce que nous avons toujours représenté les groupes les plus vulnérables au sein de la société canadienne depuis près de 30 ans que nous existons.
Je le répète, nous sommes l'un des membres fondateurs de la Coalition pour les réfugiés, qui est entrée en activité en tant que coalition avant le dépôt du projet de loi de 1989 et qui s'est reconfigurée ou réunie à l'occasion de ce projet de loi. C'est donc une coalition qui est fortement enracinée et nombre de nos membres comparaissent en fait devant vous pour représenter leurs organisations. Nous avons cherché ici à mettre l'accent à votre intention sur différents aspects de notre mémoire.
• 1050
Si je m'apprête à vous parler d'éducation, c'est parce que je
ne pense pas que quelqu'un d'autre va le faire et parce qu'il se
trouve que je préconise un amendement très simple que vous pouvez
apporter à la loi et qui, à mon avis, protégera le groupe de
personnes le plus vulnérable au Canada—les enfants ayant des
parents sans papiers ou les gens qui n'ont pas de statut légal au
Canada.
Les Services juridiques communautaires de Parkdale mènent une campagne depuis quatre ans étant donné que nous nous sommes aperçus que nombre d'enfants au Canada se voient désormais refuser l'accès à l'école. Je parle d'enfants de cinq et six ans, de dix ans, qui ne peuvent pas aller à l'école, et pour de longues périodes. Les conseils scolaires nous disent qu'il y a des enfants qui ont manqué trois ou quatre années d'école.
Vous pouvez voir aux pages 8 et 9 de notre mémoire la position que nous avons prise à la section IV.3 sous l'intitulé «Le droit à la scolarité des enfants mineurs».
L'article 10 de la Loi actuelle sur l'immigration dispose que les résidents non permanents et les non-citoyens ont besoin d'une autorisation pour étudier dans un collège ou une université ou encore pour suivre une scolarité ou des cours professionnels au Canada. Selon la façon dont il est formulé, cet article nous indique clairement que l'on vise les personnes qui veulent étudier au Canada au niveau postsecondaire—des personnes que nous considérons généralement comme des étudiants étrangers.
Toutefois, ces dernières années—et il semble que cela coïncide avec l'institution de frais de service pour toutes les opérations d'immigration que l'on peut imaginer—des directives politiques ont été envoyées par le ministère de l'immigration pour bien préciser aux responsables scolaires qu'aux yeux du ministère de l'immigration, il était nécessaire, non seulement que les étudiants étrangers du niveau postsecondaire obtiennent l'autorisation d'étudier, mais que c'était le cas aussi pour les immigrants reçus souhaitant aller à l'école primaire ou secondaire.
À notre avis, il s'agit là d'un empiétement du ministère fédéral de l'immigration sur la compétence des provinces, qui a choisi de contrôler la scolarité des enfants dans la province et de se servir de l'instrument répressif qu'est la Loi sur l'immigration au détriment de ces enfants.
Pour un enfant, l'éducation est un droit fondamental de la personne. C'est aussi important que de pouvoir manger, s'habiller et avoir un toit. C'est essentiel pour son développement et pour son avenir et, lorsqu'on refuse la scolarité, même sur une courte période, on peut porter un préjudice irréparable aux enfants, qui seront nombreux d'ailleurs à rester au Canada.
Notre ministre actuelle de l'immigration, Mme Caplan, en convient avec nous. Je vais vous citer ce qu'elle a déclaré au printemps à la Chambre en réponse à une question posée par notre représentant de Parkdale, Sarmite Bulte, concernant le refus d'accepter des enfants dans les écoles de l'Ontario en raison de leur statut vis-à-vis de l'immigration, et en dépit du fait que la Loi sur l'éducation de l'Ontario précise bien que l'on ne peut refuser d'admettre un enfant dans une école de l'Ontario sous prétexte que cet enfant, ses parents ou ses gardiens, sont entrés illégalement au Canada.
D'un côté, la Loi sur l'éducation de l'Ontario dispose très clairement que l'enfant doit être admis à l'école et, de l'autre, la Loi sur l'immigration nous dit que non, pas si le ministère de l'immigration n'a pas donné l'autorisation d'étudier. Ce n'est pas conforme à la loi actuelle; je dis que c'est la politique qui a été élaborée au fil des années par le ministère.
• 1055
Voici ce qu'a déclaré Mme Caplan:
-
Monsieur le président, cette question me tient à coeur. Je suis
fermement convaincue qu'aucun enfant ne peut se voir refuser
l'accès à l'école.
-
J'ai examiné le règlement qui exige une autorisation pour étudier
dans les écoles postsecondaires et professionnelles. Je suis
convaincue qu'il n'y a là aucune barrière qui empêcherait un enfant
d'aller à l'école au Canada, qu'il soit chez nous depuis
10 minutes, 10 mois ou 10 ans.
-
Si ce n'est pas suffisamment clair, je vous répète que je ne crois
pas qu'on puisse refuser à un enfant le droit d'aller à l'école.
Voilà donc ce qu'a déclaré notre ministre il y a un an à la Chambre.
Toutefois, la ministre vient d'écrire à Parkdale pour lui faire part des changements proposés. Je vous renvoie ici au paragraphe 30(2) du projet de loi C-11, qui dispose:
-
L'enfant mineur qui se trouve au Canada est autorisé à y étudier au
niveau préscolaire, au primaire ou au secondaire, à l'exception de
celui du résident temporaire non autorisé à y exercer une activité
professionnelle ou à y étudier.
Il semble qu'il s'agisse là d'une tentative, de la part de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, pour réduire l'implication de différentes autorités responsables de l'immigration dans le domaine de l'enseignement s'appliquant aux enfants mineurs dans les provinces et d'en laisser la compétence aux provinces, ce qui est normal. Néanmoins—et cette réserve est importante—l'exclusion des enfants des résidents temporaires qui ne sont pas autorisés à travailler ou à étudier pose de gros problèmes.
Dans la mesure où cette restriction existe, les responsables scolaires des provinces vont se sentir obligés de demander aux enfants une preuve de leur statut vis-à-vis de l'immigration avant de les autoriser à aller à l'école. Certains enfants qui ont éventuellement un statut valide de visiteur mais dont le dossier est en fait en cours de traitement en vue de l'obtention d'une résidence permanente se verront refuser l'admission, et se voient actuellement refuser l'admission, pour cette raison.
Les parents des enfants qui n'ont pas de statut...et je sais que certains députés ici s'inquiètent énormément au sujet de cette population et ont indiqué aux témoins qui ont déjà comparu devant le comité qu'il faudrait éventuellement procéder à une certaine régularisation du statut s'appliquant à l'immigration. Les parents de ces enfants, qui n'ont aucun statut, pourront prendre peur et ne pas chercher à inscrire leurs enfants à l'école si on leur demande de fournir des documents d'immigration.
Donc, même si nous avons dans certaines provinces comme l'Ontario des lois qui autorisent expressément ces enfants à aller à l'école, on leur refuse l'inscription en raison de cette contradiction apparemment flagrante avec la Loi sur l'immigration.
Toute cette question a été réglée aux États-Unis en 1982. La Cour suprême des États-Unis où l'on retrouve, en bien plus grand nombre qu'au Canada, des enfants qui sont sans papiers, a jugé que le fait de refuser à ces enfants d'aller gratuitement à l'école aux États-Unis était un acte de discrimination illégal et injustifié. C'est toujours la loi. Oui, on en débat, mais ça reste la loi.
En fait, le principal programme qui est appliqué actuellement aux États-Unis consiste à exiger que les responsables scolaires ne posent pas la question. Ils demandent une preuve de l'âge de l'enfant, ils se procurent si nécessaire leur dossier médical et ils les inscrivent à l'école. Ils ne posent pas de question concernant le statut vis-à-vis de l'immigration. C'est de la plus grande importance parce qu'à partir du moment où on pose la question et s'il y a un problème au sujet du statut vis-à-vis de l'immigration, ça jette un froid. On se coupe pratiquement... Les gens ne se présentent plus, ils ont peur. Ils pourraient alors envisager d'autres solutions, mais ils ne le font pas.
Nous considérons que la charte du Canada est tout aussi forte que la Constitution des États-Unis. Nous avons par ailleurs ratifié la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui dispose très clairement que l'on ne peut pas établir de discrimination au sujet des droits fondamentaux, tels que la scolarité des enfants, pour des raisons de statut.
Le Canada doit faire rapport l'année prochaine, en 2002, au Comité des Nations Unies sur les droits de l'enfant. Je crois que ce sera très révélateur si l'on s'aperçoit que l'un des pays les plus riches du monde refuse en fait aux enfants l'accès à l'école en raison de leur statut. Il est tout simplement de la plus grande importance, du point des droits de la personne et pour la justice sociale à long terme, que tous les enfants du Canada puissent aller à l'école sans retard.
• 1100
Notre recommandation est simple, nous demandons que l'on
amende le paragraphe 30(2) afin qu'il dispose:
-
L'enfant mineur qui se trouve au Canada est autorisé à y étudier au
niveau préscolaire, au primaire ou au secondaire.
Il suffit de retirer l'exception.
Le président: Merci, Geraldine.
Au nom de Global Relocation Consultants, la parole est à David Lesperance.
M. David S. Lesperance (Global Relocation Consultants S.A.): Bien. Je m'appelle David Lesperance. Voilà mon mémoire, si vous voulez le consulter. J'ai aussi préparé à votre intention un petit résumé récapitulatif.
Je vais m'en tenir moi aussi à un seul domaine de la loi sur l'immigration et la citoyenneté, celui qui a trait au maintien de la résidence. Il pourrait vous être utile de connaître ma formation. Avant d'embrasser la lumineuse ou la sombre carrière d'avocat de l'immigration, j'ai travaillé en première ligne en qualité d'agent des douanes et de l'immigration aux ports d'entrée du tunnel de Windsor-Detroit ainsi que des aérogares 1 et 2—c'était avant la construction de l'aérogare 3. Donc, en raison de mon expérience sur le terrain, je sais bien comment ces lois sont appliquées ou ne sont pas appliquées au Canada.
Mes clients sont des personnes hautement qualifiées, qui ont de gros capitaux, des capitalistes voulant faire un investissement, des analystes informatiques, etc. Ils sont très recherchés par de nombreux pays. Ils nous font bénéficier de compétences dont nous avons bien besoin, de capitaux à investir, de contacts internationaux. De plus, le Canada a une fiscalité très progressive et ils tendent à se situer dans les 10 p. 100 ou même dans les 1 p. 100 des plus gros contribuables au Canada, ce qui signifie qu'ils auront plus de 60 000 $ de revenu imposable dans l'année, en salaire ou autrement. Cette catégorie de personnes, selon Statistique Canada, fournit 40 p. 100 des recettes fiscales fédérales.
Il s'agit ici de notre Loi sur l'immigration. On nous répète constamment dans ces propositions qu'il nous faut essayer de faire venir les meilleurs et les très brillants, et c'est justement de cela dont je vais vous parler.
Les personnes appartenant à ces catégories ont en vue différents pays lorsqu'elles veulent s'établir ailleurs. Le Canada les intéresse beaucoup à bien des égards. Il y a cependant un gros obstacle pour ces gens, qui continue à figurer dans les règlements du Canada, celui des règles qui s'appliquent à la résidence dans la Loi sur l'immigration et la Loi sur la citoyenneté. Les règles actuellement proposées privilégient la présence physique et les intentions. Les agents d'immigration à la frontière se servent de ces règles pour essayer de déterminer si quelqu'un a perdu sa résidence permanente lorsqu'il entre à nouveau au Canada et les agents de la citoyenneté pour déterminer si une personne respecte les critères de résidence pour obtenir la citoyenneté.
Il ne faut pas oublier que l'immense majorité des personnes qui immigrent au Canada, 95 p. 100 d'entre elles, arrivent chez nous, y restent, sont employées par des employeurs canadiens et n'effectuent jamais, ou très rarement, un voyage personnel ou d'affaires. Tout ce régime ne s'adresse probablement qu'à moins de 5 p. 100 des personnes qui voyagent effectivement. Ce sont mes clients.
Au fil des années, dans mon travail d'agent des frontières et d'avocat, j'ai constaté qu'en pratique, tant du côté de l'immigration que de la citoyenneté, non seulement pour mes clients, mais aussi pour tous les autres, l'application des dispositions est, il faut bien l'avouer, arbitraire et incohérente. C'est un mécanisme terriblement coûteux, qui entraîne d'énormes retards, notamment pour ce qui est de la citoyenneté. En outre, en dépit du fait que nous dépensons des quantités énormes d'argent pour essayer de faire appliquer ce système, il est très facile à tourner. J'ai rédigé à l'intention du comité—je ne sais pas si quelqu'un l'a déjà fait auparavant—un petit guide intitulé: «Le guide du tricheur: Comment tourner les dispositions actuelles de la Loi sur l'immigration et la citoyenneté». Je vais maintenant vous exposer l'acte deux du «guide du tricheur» en vous expliquant comment ils vont tourner les nouvelles propositions.
• 1105
En plus d'être onéreux, arbitraire et facile à détourner, ce
critère, qui met l'accent sur la présence physique, est à mon avis
fondamentalement injuste. Pour un immigrant qui arrive au Canada,
pour quelqu'un qui veut devenir un jour citoyen canadien, le
premier critère de sa volonté d'appartenance à notre pays, c'est le
fait de remplir une déclaration d'impôt et de payer ses impôts ici.
C'est là l'obligation fondamentale d'un citoyen. Le Canada impose
ces personnes à l'échelle du monde entier et il est donc
indifférent qu'elles aient gagné cet argent lors d'un voyage à
l'étranger en signant un contrat ou en participant à un colloque de
formation. Le Canada les impose de la même manière, quelle que soit
la façon dont cet argent a été gagné. Cette catégorie de
personnes—que je qualifierais de nouveaux membres de Club Canada,
en l'occurrence les résidents permanents—versent des droits
d'inscription énormes, mais risquent de perdre leur carte de membre
du fait de l'application arbitraire de ce critère alors que, il
faut bien le dire, ils ne peuvent pas prétendre à devenir membres
à part entière du club dans le régime actuel.
J'ai cité l'exemple d'un de mes clients dans mon mémoire et dans le résumé récapitulatif. Il s'est installé au Canada pour investir des capitaux. Il a payé, en trois ans, un peu moins de 250 000 $ d'impôt—c'est le chèque qu'il a remis au Canada. Sa femme en a payé autant. Il a fallu un an pour traiter sa demande de citoyenneté. Au bout d'un an, on la lui a refusée. On lui a dit que le refus s'expliquait parce qu'il avait passé au total 219 jours à l'extérieur du Canada en trois ans. Cela fait 73 jours par an, moins de trois mois—pendant un peu plus de deux mois par an, il était en voyage d'affaires. C'est pour cette raison qu'on lui a refusé la citoyenneté canadienne. Il a fallu un an à l'administration pour traiter ce dossier. Mon client m'a dit que c'était l'une des pires expériences de sa vie.
Finalement, nous mettons en place un système que les meilleurs et les plus brillants jugent fondamentalement injuste. Dans notre économie mondialisée, ils ont besoin d'être en relation avec leurs clients et leurs concurrents au niveau international, ils veulent pouvoir prendre l'avion et faire un déplacement professionnel, il y a 30 ans qu'ils entretiennent des relations professionnelles lorsqu'ils arrivent au Canada et ils s'efforcent de maintenir ces contacts parce qu'ils cherchent à développer les échanges commerciaux du Canada. Ces immigrants se rendent bien compte de l'injustice de ce système. Avouons-le, le Canada les perd au détriment de pays comme la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, qui n'imposent pas cette présence physique.
L'imposition d'une présence physique au Canada part essentiellement du principe—je dirais, du mauvais principe—qu'en obligeant une personne à se trouver physiquement présente sur le territoire canadien, on l'incite à coudoyer des Canadiens et à se canadianiser davantage. Je pense que nous connaissons tous des gens qui ont passé chez nous la plus grande partie de leur vie adulte, qui ont fait dans leur tête le choix de ne fréquenter sur le plan culturel, personnel et professionnel que des gens appartenant à la petite communauté éthique locale émigrée de leur pays d'origine, et qui ne sont pas plus canadianisés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient à leur arrivée.
J'ai fait une expérience révélatrice, et elle est caractéristique. Parmi mes clients, j'ai eu une famille—le mari, la femme et leur fils de 12 ans—qui s'est installée au Canada. Je les ai accueillis à l'aéroport. C'était la première fois qu'ils mettaient le pied au Canada. Le mari était analyste en placements. Il m'a révélé, environ quatre mois avant la chute de Nortel, ce qui allait arriver à cette action à son avis. Sa femme avait regardé une série télévisée de Radio-Canada sur l'histoire du Canada et son fils m'a exposé avec beaucoup d'éloquence les raisons pour lesquelles il ne fallait pas que les Maple Leaf signent un contrat avec Eric Lindros. Il regardait le hockey depuis qu'il avait huit ans et il avait appris en fait à y jouer à Dubai.
Ces gens avaient la qualification, les ressources et la motivation pour se canadianiser. C'est ce dont on a besoin pour se canadianiser. On peut le tester dans un examen de citoyenneté. Le maintien de ce critère imposant une présence physique ne peut pas donner de bons résultats. En consultant le «guide du tricheur», vous verrez que l'on peut trouver facilement des moyens de tourner la chose. Vous ne parviendrez donc pas à arrêter les gens qui vont tout simplement continuer à venir arbitrairement chez nous, qui n'ont aucun lien avec le pays, qui n'apportent rien au Canada, et vous allez porter préjudice à ceux que nous cherchons justement à faire venir ici face à une concurrence de plus en plus forte au sein de l'économie mondiale.
Le président: Merci, David.
Vous savez que notre comité s'est intéressé l'année dernière à la Loi sur la citoyenneté. Elle n'a pas été adoptée par le Parlement; en fait, elle est toujours dans les limbes puisqu'on ne sait pas si elle va ressusciter au Sénat. Je sais qu'une partie de votre intervention n'a absolument rien à voir avec ce projet de loi; elle relève davantage de la citoyenneté que de l'immigration.
Nous allons passer aux questions.
Inky.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins d'être venus ce matin.
Je vais faire simplement une observation et je laisserai ensuite à ma collègue de la Saskatchewan le soin de poser une question.
C'est à Erica que je veux faire cette observation. Votre intervention nous rappelle quelles sont les réalités de la société actuelle. Lors de notre séjour sur la côte Ouest, nous avons entendu dire que l'immigration était éventuellement un mal pour la société canadienne. Je pense que certains de ces intervenants veulent nous ramener aux années 50.
Nous avons beaucoup progressé. C'est indéniable. Étant moi- même un immigrant qui est arrivé dans les années 50, je sais que nous avons fait bien du chemin. En fait, c'est un choc pour moi de voir à quel point nous avons progressé lorsque je pense que dans mon enfance, lorsqu'il fallait s'assimiler à cette société... Je continue à penser que nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
Vous le savez, l'histoire de notre pays est faite d'exclusions, c'est un fait, non seulement l'exclusion des immigrants qui arrivaient chez nous, mais aussi l'exclusion de la communauté autochtone du pays dans lequel nous vivons. Je dirais qu'il nous reste bien des choses à faire.
Par conséquent, l'essentiel dans cette loi, je l'ai dit au cours d'autres séances, c'est de trouver un équilibre. Il s'agit de faire la part des choses pour promouvoir une bonne politique d'immigration, ce dont notre pays a besoin, parce que je considère que 99,9 p. 100 de notre population estime que l'avenir de notre pays dépend de l'immigration, comme ce fut le cas par le passé, ou s'agit-il de pénaliser ceux qui veulent venir et rester chez nous?
Voilà rapidement ce que je voulais dire et je laisse maintenant la parole à ma collègue, qui va poser les questions.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, AC): Je vous souhaite la bienvenue.
J'ai trouvé que les interventions étaient réellement bien préparées. Je suis une toute nouvelle députée, comme vous l'a dit mon collègue. Je continue à penser avec mon coeur plutôt qu'avec ma tête et je suis presque insultée par le fait que vous nous dites, Mme Lawson, qu'à votre avis les Canadiens sont terriblement racistes. J'ai constaté lors de votre intervention que vous répétiez souvent que nous étions contre les Noirs et vous avez même indiqué que le projet de loi était particulièrement... [Note de la rédaction: Inaudible] Voilà qui me paraît quelque peu insultant, parce que ce n'est pas ainsi que nous sommes.
En vous regardant, je vois que vous vous exprimez avec une grande facilité et je pense que si vous habitiez dans ma province, vous seriez l'une des filles dont on recherche le plus la compagnie à l'école. 3468 Je ne suis donc pas très sûre... J'aimerais savoir où vous voyez dans le projet de loi...et voilà que je me retrouve pratiquement en train de défendre le projet de loi. Je sais que vous vous appuyez sur des statistiques, mais je ne vois pas où est dans le projet de loi le rapport avec la criminalité.
J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
Mme Erica Lawson: Je vous remercie.
Je suis heureuse d'entendre que vous pensez davantage avec votre coeur qu'avec votre tête. J'ai tendance à faire la même chose. Toutefois, on aborde ici un défaut fondamental de la société canadienne, à mon avis, c'est que l'on refuse de reconnaître le racisme et, lorsqu'on parle des Jamaïcains en particulier, il y a là un problème systémique qui n'a rien à voir avec les sentiments.
Prenez la façon dont la société est organisée. On ne voit pas en fait des gens comme moi dans des lieux et dans des fonctions d'une grande importance. C'est bien beau que tout le monde recherche ma compagnie dans votre école; c'est une bonne chose, mais la réalité est un peu plus complexe. Il s'agit de savoir qui est exclu, qui n'a pas accès aux ressources canadiennes, et c'est là un problème qui résulte d'un système et d'une organisation bien précise.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Mark pour dire que nous avons fait bien du chemin. Il m'apparaît toutefois que ce projet de loi a deux conséquences. Il reflète le conflit fondamental du Canada au sujet de sa propre identité. Vous laissez les gens entrer, mais seulement ceux qui vous conviennent et dans des conditions très restrictives. Nous voulons bien qu'ils viennent, mais nous voulons les surveiller d'une manière ou d'une autre. Nous voulons être sûrs que s'ils ne s'intègrent pas ou s'ils enfreignent nos lois, nous puissions nous en débarrasser même s'ils sont ici depuis très longtemps.
• 1115
C'est le genre de contexte que je demande au comité d'examiner
lorsqu'il se penche sur ce projet de loi.
Mme Lynne Yelich: Il n'en reste pas moins que vous mentionnez souvent la couleur de la peau, n'est-ce pas?
Mme Erica Lawson: Effectivement.
Mme Lynne Yelich: C'est là où je veux en venir. Je pense que vous nous demandez de tenir compte de la couleur de la peau.
En ce qui a trait d'autre part à la criminalité, vous avez effectivement déclaré qu'à votre avis nous visions les Jamaïcains, ce qui vous paraît flagrant dans le projet de loi. Ce n'est pas mon avis. On parle simplement de «grande criminalité». Je ne suis donc pas sûre de vous suivre sur ce point.
Je tiens aussi à dire que Geraldine comme David auront constaté avec plaisir que tous les députés ont écouté vos commentaires, de même que ceux des personnes qui présentent les mêmes arguments, et je suis sûre que ces choses reviendront sur le tapis—c'est valable aussi pour Andrew.
Le président: Je vous remercie.
John, une seule question, parce que nous avons beaucoup de questions à poser.
M. John McCallum: Je ferai très vite.
Andrew a fait une recommandation au sujet du pouvoir arbitraire des bureaux d'immigration. Je ne sais pas si vous étiez là lors de la dernière séance lorsque j'ai indiqué que nous proposions des amendements visant à le réduire de manière significative dans le cadre des enquêtes et des expulsions. Cela ne va pas nécessairement aussi loin que vous le préconisez, mais c'est un progrès.
La question des prêts d'étudiants s'appliquant aux réfugiés a été soulevée à Vancouver, je crois, un représentant de la police évoquant dans un premier temps les délits commis par les réfugiés parce qu'ils étaient désoeuvrés. C'est ce qui a amené le sujet sur le tapis. Je pense donc que c'est une excellente idée. La disposition figure, je crois, dans une proposition de loi d'initiative privée qui bénéficie de l'appui du gouvernement, il me semble, et les choses devraient donc bouger sur cette question.
Je n'ajouterai qu'une chose, c'est que je suis profondément d'accord avec ce qui a été dit au sujet de la scolarisation des enfants.
Le président: Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Merci, monsieur le président.
Je vais faire un bref commentaire sur les comportements antiracistes. Je pense qu'aucune société n'échappe à certains de ces comportements et que le rôle d'un Parlement est de mettre de l'avant les valeurs fondamentales. Je pense que le projet de loi C-11 devrait dire très clairement que la première valeur, c'est tout à fait le respect de la personne. Et quand on parle de respect de la personne, bien sûr, la discrimination basée sur le sexe ou sur la couleur de la peau ou sur la religion est une chose tout à fait inacceptable. Je pense qu'il faut reconnaître ces problèmes, parce que si on veut les régler, il faut d'abord les reconnaître plutôt que les nier.
Un intervenant a parlé des réfugiés dans les limbes. C'est quelque chose qui nous préoccupe. Je ne sais pas si on réussira à pousser assez fort pour obtenir que, dans la loi, la résidence permanente soit accordée à tout réfugié qui est reconnu comme tel par les autorités du ministère. En tout cas, on va pousser très fort là-dessus.
Mon dernier commentaire—et j'ai une question—porte, bien sûr, sur votre exposé sur le droit à l'éducation. L'actuelle loi fait référence notamment à la Charte des droits et libertés, à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et à la Convention relative au statut des réfugiés. Comme le Canada a signé la Convention internationale des droits de l'enfant, croyez-vous que le fait de l'inclure vraiment très clairement dans la loi serait une façon d'empêcher que des cas isolés puissent se produire, où des enfants seraient privés de l'aliment essentiel à leur propre croissance?
Mme Geraldine Sadoway: Je vous ai écoutée très attentivement, mais je ne suis pas sûre d'avoir bien compris votre dernier argument. Vous me parlez de l'enseignement et vous me demandez si la loi actuelle répond bien aux exigences des traités internationaux. C'est bien ce que vous me demandez?
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, et je vous demande si le respect de la Convention internationale des droits de l'enfant devrait être ajouté.
[Traduction]
Mme Geraldine Sadoway: Oh, excusez-moi.
Je pense que si l'on incorporait à notre loi la convention relative aux droits de l'enfant, on aurait des dispositions bien plus fortes que le simple fait de se proposer, dans le projet de loi actuel, de tenir compte de l'intérêt de l'enfant. Pour commencer, ce n'est même pas conforme au minimum prévu par la convention, qui veut que l'on tienne compte avant tout de l'intérêt de l'enfant, et c'est l'un des sujets de préoccupation que nous avons évoqués dans notre mémoire. Je ne crois pas que ça soit suffisant.
Étant donné la mentalité de notre pays et le fait que l'on considère qu'en quelque sorte la scolarité n'est qu'un privilège dont seuls peuvent bénéficier les membres à part entière, sans le rattacher aux droits de la personne en ce qui concerne les enfants, si le gouvernement fédéral ne dispose pas clairement que les enfants sont autorisés à aller à l'école, les différents conseils scolaires vont alors... C'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement en Ontario: la province de l'Ontario ne fait même pas appliquer les dispositions de la Loi sur l'éducation et les conseils scolaires nous disent qu'elles ne peuvent rien faire parce que le gouvernement fédéral exige une certaine forme d'autorisation du gouvernement fédéral pour que les enfants puissent aller à l'école même si notre loi dispose qu'ils peuvent aller à l'école quel que soit leur statut.
Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.
Le président: Je vous remercie.
Anita.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Très rapidement, sur la question de la scolarité des enfants, je voudrais savoir combien il y a d'enfants dans ce cas. En avez-vous une idée?
Mme Geraldine Sadoway: Eh bien, je sais que l'année dernière, Parkdale a traité une quarantaine ou une cinquantaine de dossiers. Je sais qu'on nous a dit dans l'émission d'information publique diffusée par Radio-Canada sur cette question il y a un an, que le Conseil scolaire de Peel a déclaré que l'on avait renvoyé des centaines d'enfants. Je ne crois donc pas que les chiffres soient du même ordre que ceux que l'on évoque aux États-Unis, mais nous parlons éventuellement d'un très grand nombre d'enfants, peut-être des milliers. C'est très difficile à déterminer.
Il nous faut nous impliquer au sein des collectivités et collaborer avec les responsables des réseaux qui jouissent d'une certaine confiance. Il est rare qu'on nous demande directement d'apporter notre aide pour ce qui est de la scolarisation des enfants. Bien souvent, les cas nous sont signalés par les centres de santé.
Mme Anita Neville: Très bien, je vous remercie.
Le président: Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.
Afin que l'on en prenne acte dans notre procès-verbal, je vais répondre à l'exposé d'Erica, qui me paraît d'une grande utilité pour le comité. C'est une chose qui nous a déjà été signalée par d'autres intervenants, notamment le Conseil canadien pour les réfugiés, qui font état des problèmes systémiques que semble perpétuer ce projet de loi. Ils relèvent très précisément toutes les dispositions de ce projet de loi qui sont discriminatoires et qui ont un effet pernicieux sur les femmes ainsi que sur les gens de couleur. Je vous remercie sincèrement d'avoir attiré notre attention sur ces réalités ce matin.
J'aimerais vous poser rapidement trois questions. Erica nous dit que l'on a élargi la portée des infractions dans le cadre de ce projet de loi, notamment au sujet de l'article 24, et je me demande si l'amendement qu'il conviendrait d'apporter dans ce cas ne serait pas de supprimer l'article 64, interdisant que l'on puisse faire appel pour des raisons de sécurité, parce que l'on a porté atteinte aux droits humains ou internationaux, ou pour des faits relevant de la grande criminalité ou de la criminalité organisée.
Mme Erica Lawson: [Note de la rédaction: Inaudible]
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien, je vous remercie.
• 1125
Geraldine, la question que vous soulevez l'a aussi été par
d'autres, notamment par une femme, hier, à Winnipeg. Je voudrais
simplement que vous me précisiez exactement l'amendement. C'est au
paragraphe 30(2)...
Mme Geraldine Sadoway: Effectivement.
Mme Judy Wasylycia-Leis: ...il s'agit de supprimer la mention «à l'exception de celui du résident temporaire non autorisé à y exercer une activité professionnelle ou à y étudier».
Mme Geraldine Sadoway: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Ce serait la solution.
Mme Geraldine Sadoway: Oui.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Très bien, je vous remercie.
Andrew, vous avez fait un certain nombre de recommandations. Dans l'hypothèse où vous devriez vous en tenir à un petit nombre d'entre elles, quelles sont les dispositions qui enfreignent le plus la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, quels articles, et sur quoi feriez-vous porter vos amendements?
M. Andrew Brouwer: L'une des propositions que j'ai faites dans mon mémoire, c'est la recommandation numéro trois, renvoie à l'objectif du projet de loi. Je pense que si l'on amendait le paragraphe 3(3) en disposant que la loi doit être interprétée et appliquée de manière à se conformer aux obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne, y compris aux conventions sur les réfugiés, contre la torture et relative aux droits de l'enfant, on aurait en fin de compte une base d'interprétation solide. Je pense que cette simple modification est absolument fondamentale.
Pour ce qui est du domaine propre à Maytree, soit celui des réfugiés qui se retrouvent dans les limbes, il y a l'amendement à la disposition du projet de loi—excusez-moi, mais je ne l'ai pas devant moi—où l'on discute de la fourniture des papiers d'identité ou des documents prouvant le statut...
Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui, je comprends.
M. Andrew Brouwer: Selon les dispositions actuelles, on nous dit qu'ils peuvent être remis aux réfugiés et qu'ils doivent l'être aux résidents permanents et à d'autres catégories de personnes. Il convient de dire qu'ils «doivent» l'être dans les deux cas. Je pense qu'il s'agit, là encore, d'un amendement très simple, mais qui peut faire toute la différence.
J'ai entendu dire que votre comité envisageait de proposer l'admission automatique sur le territoire après détermination du statut. Je ne sais pas si c'est vrai, mais Maytree serait certainement très favorable à cette mesure et l'appuierait résolument.
Le président: Nous avons lancé cette idée et nous avons évidemment demandé à l'administration si ça ne serait pas une bonne solution pour faire sortir ces gens des limbes et obtenir tous les papiers nécessaires afin qu'ils puissent être scolarisés, suivre des cours, obtenir des prêts, etc. Nous envisageons donc certainement cette possibilité.
Joe.
M. Joseph Volpe: Merci, monsieur le président. Je ferai simplement une ou deux observations et je poserai rapidement une ou deux questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Je ferai remarquer tout d'abord que certains membres du comité sont quelque peu abasourdis en entendant les chiffres qui leur sont présentés. Il me faut donc remettre certains chiffres dans leur contexte en ce qui a trait à la population.
La population de Toronto et de sa communauté urbaine équivaut à la totalité de la population francophone du Québec. Donc, chaque fois que l'on parle de chiffres, il faut tenir compte de cette réalité. À quoi rimerait un tel chiffre, par exemple, pour un francophone du Québec, un Québécois...? Que signifie 100 personnes? Mille personnes?
Par rapport à une population d'une telle importance, par conséquent, lorsqu'on vous dit qu'il y a peut-être des milliers d'enfants qui n'ont pas pu être inscrits à l'école, le chiffre n'est pas aussi énorme qu'il le paraît lorsqu'on sait que plus de la moitié de la population de la communauté urbaine de Toronto n'était pas là en 1985. Il y a donc une grande quantité de nouveaux venus.
Ce que je voulais demander à Andrew, étant donné que selon lui certains chiffres divergent considérablement... Le ministère nous dit qu'il y a un millier de personnes qui sont sans statut juridique et je pense que ce chiffre est bien plus élevé. J'aimerais le connaître. Quand vous réussirez à l'obtenir, pourriez-vous me le communiquer?
Il y a aussi le problème des enfants et vous pourriez peut- être y répondre. Je pense que la grande question en ce qui a trait à la scolarité des enfants est étroitement liée à la politique des subventions qui accompagnent l'inscription de chaque enfant. Par conséquent, si l'on accorde en moyenne 6 800 $ chaque fois qu'un enfant va en classe—il est possible que ce chiffre s'écarte de quelques centaines de dollars de la réalité—le principal de l'école qui reçoit cet enfant se dit que s'il ne peut pas s'assurer que cet enfant existe légalement, puisqu'il n'a pas de statut légal tant que quelqu'un ne lui a pas donné une carte d'identité ou un document de cet ordre, il ne peut pas obtenir ces 6 800 $. La convention collective et les politiques du conseil scolaire ne lui permettent pas d'intégrer cette réalité, quelle qu'elle soit, dans le cadre de l'école.
• 1130
Les conseils scolaires comme les provinces ont déclaré qu'il
n'y avait pas de crédits. Nous n'avons pas en Ontario le même
programme de réinstallation que celui que le gouvernement fédéral
a signé avec le Québec. Par conséquent, ces crédits ne sont pas
nécessairement attribués. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Enfin, il y a ce problème bien triste qui me touche personnellement, Erica, et qui touche bien des gens dans la région de Toronto. C'est le problème de la criminalité, de la résidence, de la citoyenneté, etc. Je pense que vous avez très bien exposé la situation lorsque vous avez dit qu'il y avait une double sanction.
Il faut reconnaître que dans la région métropolitaine de Toronto, la population caucasienne, notamment les Italiens, les Portugais et les Grecs, qui sont ceux qui ont souffert le plus, ont tendance à ne pas prendre la citoyenneté. Lorsqu'ils sont devenus de jeunes adultes—je parle des hommes parce que ça ne touche pas les femmes—et qu'ils ont eu des démêlés avec la justice, la première personne qu'ils ont vue en sortant de prison, c'est un agent de la GRC, qui les a renvoyés chez eux même s'ils étaient déjà là depuis longtemps, comme M. Fontana qui est arrivé ici alors qu'il avait deux ans. Ils n'ont pas le souvenir d'avoir vécu ailleurs. Ce sont probablement des gens qui n'avaient pas beaucoup d'argent en venant ici, monsieur Lesperance, de sorte qu'ils ne sont probablement jamais retournés dans leur pays d'origine. Il y a des quantités de gens dans cette situation.
Vous avez signalé que quelque 47 p. 100 de ces personnes expulsées à l'heure actuelle sont des Jamaïcains ou des Afro- Canadiens.
Je respecte le principe selon lequel il ne faut pas que des personnes paient deux fois pour le même délit. Il y a une solution très simple. C'est la réponse qu'on me fait constamment et je me fais ici l'avocat du diable. Si ces jeunes étaient devenus des citoyens, le problème ne se poserait pas. Cela ne veut pas dire qu'ils ne seraient pas des criminels, mais ils n'auraient pas à subir une double sanction.
Erica, c'est l'une des premières choses que font tous mes amis de la communauté chinoise ou de la communauté indo-canadienne lorsqu'ils ont besoin de mettre fin à ce délai de trois ans; ils apposent leur signature au bas d'une demande de citoyenneté. Ils ne se retrouvent pas dans cette catégorie. Cela ne veut pas dire qu'ils sont plus respectueux des lois. Cela s'explique par la simplicité de la démarche.
J'ai dû faire face à ce genre de situation pas plus tard que la semaine dernière alors qu'une mère est venue me voir, et je lui ai demandé pourquoi elle n'avait pas fait en sorte que ses enfants deviennent des citoyens. Voilà 30 ans qu'ils étaient dans notre pays. À qui la faute?
Merci, Joe.
Le président: Andrew et Geraldine vont répondre à la première question concernant la scolarité des enfants.
M. Andrew Brouwer: Là encore, je crois qu'il nous faut éviter d'entrer dans un grand débat sur les chiffres.
Nous savons que le programme des réfugiés au sens de la convention qui sont sans papiers au Canada a été mis en oeuvre en 1996 et que le ministère a estimé qu'il y avait 7 500 réfugiés somaliens et afghans, aucun effort n'ayant été fait pour compter les autres ressortissants.
Je sais qu'au mois d'août de l'année dernière, 2 000 réfugiés ont été admis sur le territoire au titre de ce programme. Par ailleurs, au mois d'août de cette année, 4 600 réfugiés somaliens et afghans supplémentaires ont bénéficié du statut de réfugié au sens de la convention. Le chiffre a donc baissé de 2 000, mais le nombre total de réfugiés afghans et somaliens a augmenté à nouveau de 4 600. Entre 1996 et l'an 2000, 3 000 Somaliens et afghans ont été admis sur le territoire selon la procédure officielle. Ils avaient des papiers d'identité ou un document qui étaient suffisants, aux yeux des fonctionnaires du ministère, pour que l'on puisse entendre leur demande. Je pense que j'ai relevé le chiffre de 6 000.
Le président: Nous allons maintenant entendre Geraldine sur la question de la scolarité.
Mme Geraldine Sadoway: C'est en fait la première question que je me suis posée lorsque je me suis rendu compte que l'on refusait d'inscrire des enfants à l'école. J'ai appelé le ministère de l'éducation et on m'a répondu qu'à partir du moment où le conseil scolaire admettait l'enfant, il était immédiatement inscrit. Il ne faut pas croire que ces enfants n'ont pas d'identité. Ils ont un nom et souvent un certificat de naissance ou un passeport. À partir du moment où ils sont inscrits, il n'est pas question de se demander d'où ils viennent ou s'ils ont une autorisation du ministère de l'immigration. S'ils sont inscrits, l'argent est versé. Le problème n'est pas lié directement au fait que les écoles se disent qu'elles ne peuvent pas se permettre d'admettre ces enfants étant donné qu'à partir du moment où elles les ont inscrits, elles reçoivent les crédits correspondant à ces enfants.
• 1135
Je suis convaincue, et c'est ce que m'ont dit les gens qui
travaillent dans la région, que les conseils scolaires de
Mississauga, Peel et Dufferin sont surchargées et qu'elles ne
veulent pas avoir à construire des écoles. Elles ont davantage de
bâtiments préfabriqués, alors que dans la région de Toronto nous
fermons les écoles parce qu'il n'y a pas assez d'élèves. Dans les
régions de Mississauga et de Peel, plutôt que d'inscrire ces
enfants à l'école, on se dit en substance que l'on va se servir de
cette directive du ministère de l'immigration s'appliquant aux
demandes d'autorisation pour écarter ces enfants de l'école et ne
pas avoir à construire les bâtiments nécessaires.
Le président: Je vous remercie.
Erica, avez-vous un commentaire à faire en réponse à la question posée par M. Volpe au sujet de la citoyenneté?
Mme Erica Lawson: Je vous remercie d'avoir posé cette question.
Je ne pense pas que des gens qui ont contribué à la société canadienne et qui sont fiers en fait de cette société doivent être sanctionnés parce qu'ils n'ont pas adopté la citoyenneté canadienne.
Il y a diverses raisons pour lesquelles les gens ne l'adoptent pas. Il arrive qu'ils ont encore des liens avec leur pays d'origine ou que ce pays ne reconnaisse pas la double citoyenneté avec le Canada.
Je comprends votre argument, mais je ne pense pas qu'il faille faire porter là-dessus la discussion. Je pense qu'il vous faut considérer pour quelle raison ces personnes ont passé toute leur vie au Canada et s'il y a un objectif évident qui fait que nous leur disons qu'ils vont être doublement sanctionnés parce qu'ils n'ont pas adopté notre citoyenneté.
Je sais que ma collègue a quelque chose à ajouter.
Mme Marie Chen (avocate, African Canadian Legal Clinic): Tout ce que nous demandons, c'est que ces résidents permanents disposent d'un droit d'appel, que vous leur avez enlevé dans ce projet de loi. Toutes les autres catégories disposent d'un tel droit, mais il est retiré à ceux qui sont reconnus coupables d'un crime grave. Tout ce que nous demandons, c'est que ces gens aient un droit d'appel.
Le président: Je vous remercie.
Ce sont là deux questions différentes. Nous avons déjà dit quelques mots des droits d'appel.
J'aimerais faire une dernière observation en ma qualité de président. Erica, moi aussi j'ai été quelque peu troublé. Je suis d'accord pour séparer la perception de la réalité. Il est possible que j'idéalise les choses. J'aime à penser que je réagis moi aussi avec mon coeur lorsqu'on parle du Canada. On peut dire que notre pays est le plus généreux au monde en fonction de sa population lorsqu'il s'agit de faire venir des immigrants et des réfugiés. Très peu de pays dans le monde acceptent des réfugiés. Il n'y en a que quatre ou cinq et nous arrivons en tête.
Je comprends que nous ayons des défis à relever, notamment en matière de racisme. J'ai cherché quelle était la couleur de ce projet de loi et je ne la vois pas. Je regrette que vous considériez que ce projet de loi se préoccupe des races. Je pense que nous avons fait l'impossible pour maintenir un bon équilibre en fonction des sexes. De nombreuses femmes sont venues nous dire que cet équilibre n'était peut-être pas le bon. Nous tenons à ce qu'il n'y ait ici aucun parti pris, sous quelque forme que ce soit.
On a énormément discuté pour savoir qui était canadien. Je ne pense pas que ce soit nécessairement être citoyen canadien. Il y a en fait trois choses qui séparent le citoyen canadien du résident permanent. Nous avons beaucoup parlé de la valeur devant être accordée à la résidence permanente. On ne peut pas détenir une charge publique et on ne peut pas voter. Je ne sais plus quelle est la troisième différence. Mais c'est tout.
M. John McCallum: On peut être expulsé.
Le président: Non, en fait. Mais c'est tout.
À l'intention des gens qui croient qu'un citoyen canadien ne peut pas être expulsé, il y a eu des affaires en justice qui remettent en cause cette affirmation.
Au bout du compte, si nous avons des citoyens respectueux des lois, quels que soient leur race, leur sexe et leur croyance, et si nous vivons tous en harmonie, personne n'aura d'autre souci que celui de vivre dans le meilleur pays du monde.
Merci à tous de votre participation.
Mesdames et messieurs, il nous faut poursuivre. Nous sommes légèrement en retard.
• 1140
Nous allons passer aux groupes 11 et 12 de témoins: le
Canadian Chinese Congress; la Family Service Association of
Toronto; l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants;
l'Association of International Physicians and Surgeons of Ontario;
enfin, le Council of Agencies Serving South Asians.
Je vais vous demander de venir vous asseoir à cette table et nous commencerons dès que possible.
Le président: Chers collègues et invités, je me demande si nous pouvons passer au groupe de témoins suivant. Au nom du Canadian Chinese Congress, nous allons entendre M. Hughes Eng. Est- ce qu'il est là? M. Frank Chui l'accompagne. David Lam est là lui aussi? Merci.
Allez-y, Frank. Vous disposez de cinq à sept minutes. Exposez- nous la teneur de votre mémoire.
M. Frank Chui (directeur, Canadian Chinese Congress): Oui. Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je ne veux pas consacrer trop de temps à la lecture détaillée de notre mémoire et, avant toute chose, je tiens à indiquer rapidement aux députés qui nous sommes et ce que nous représentons.
Je vais dire quelques mots de notre organisation. Le National Congress of Chinese-Canadians est un organisme national appuyé par plus de 280 organisations sino-canadiennes de tout le pays, j'entends par là d'Halifax à Victoria, en excluant cependant l'Arctique.
Le président: Vous n'y êtes pas encore.
M. Frank Chui: Pas encore.
Le président: Nous avons besoin aussi de gens là-bas, vous le savez, Frank.
M. Frank Chui: Il a été constitué en mai 1991 à Toronto lors de la Conférence nationale qui a été organisée pour discuter de la question des réparations découlant de l'adoption de la capitation et de la Loi d'exclusion des Chinois de 1933. Cette loi a été abrogée en 1947, mais ses répercussions négatives se font encore sentir alors que la question de la capitation n'est toujours pas résolue en dépit des efforts répétés que font les communautés sino- canadiennes pour obtenir du gouvernement fédéral une réparation juste et raisonnable.
Voilà notre historique. Nous avons examiné les projets de loi C-31 et C-11 et nous y avons trouvé de bonnes choses et d'autres sur lesquelles nous voulons faire porter nos commentaires.
Nous sommes favorables au projet du gouvernement fédéral d'étendre le regroupement familial aux parents. Toutefois, la tradition chinoise est de faire vivre trois générations sous le même toit. Nous aimerions donc que les grands-parents soient englobés dans le regroupement familial. Vous allez me demander, comment va-t-on pouvoir faire entrer les grands-parents? Quel doit être l'âge du demandeur ou de la personne qui va subvenir à leurs besoins?
Prenez, par exemple, le cas d'un jeune diplômé de l'université âgé de 21 ans. Il se peut qu'il soit tête de classe et qu'il soit engagé par une organisation canadienne. Son père aura 20 ans de plus que lui. Il aura donc 45 ans. Son grand-père aura 65 ans. Donc, si vous excluez cette possibilité, le grand-père ne pourra pas venir au Canada.
C'est une tradition qui est chère au coeur du peuple chinois. C'est pourquoi nous souhaitons que votre comité envisage d'inclure les grands-parents dans le regroupement familial. Nous constatons par ailleurs que l'on étend la catégorie du regroupement familial aux conjoints de fait, aux homosexuels, etc. Nous n'y voyons aucune objection.
Nous aimerions que l'on renforce la sécurité du système canadien. Nous ne voyons aucune objection à ce que l'on place en détention une personne qui n'a pas passé de visite médicale et qui n'a pas subi de contrôle de sécurité. Étant donné la diversité de notre population, nous devons faire tout notre possible pour guérir des maladies comme la tuberculose.
Nous aimerions ajouter une chose importante à ce texte, c'est le principe selon lequel le Canada est censé s'appuyer sur une société multiculturelle et multiraciale. Je crois qu'il faudrait indiquer quelque part dans notre loi que nous accueillons les ressortissants des pays du monde entier, quelle que soit leur origine, et que nous leur souhaitons la bienvenue s'ils répondent à tous les critères fixés par nos lois sur l'immigration. C'est notre premier point.
J'ai mentionné en second lieu la question des grands-parents. Troisièmement, il y a une question qui nous tient vraiment à coeur, c'est celle des langues anglaise et française. À l'heure actuelle, les agents d'immigration sont habilités, en faisant passer une rapide entrevue, à déterminer quelles sont les connaissances linguistiques de l'immigrant.
Je voudrais que l'on définisse clairement les pouvoirs des agents d'immigration. Il serait préférable que l'on contrôle ces connaissances dans les deux langues officielles au moyen d'un test linguistique effectué par écrit et reconnu au plan international, parce que les agents d'immigration ne sont absolument pas des spécialistes des langues, n'est-ce pas? Je ne pense donc pas qu'il soit juste pour tout le monde de conférer ces nouveaux pouvoirs spéciaux aux agents d'immigration.
• 1155
Quatrièmement, nous nous sommes fixé chaque année par le passé
un objectif d'immigration équivalent à 1 p. 100 de la population.
Peut-on y parvenir? Jusqu'à présent, nous n'y sommes pas parvenus.
Pourquoi? Parce que les pays qui ont le plus d'émigrants potentiels
vers le Canada n'ont pas suffisamment d'agents d'immigration sur
place qui pourraient faire passer les entrevues, par exemple.
Je sais bien que la ministre de l'immigration s'est penchée sur la question et a déclaré que... Je lui demanderais de considérer le nombre de demandeurs et de détacher suffisamment de gens dans le pays concerné pour faire passer les entrevues, ce qui nous éviterait de rester à la traîne par rapport à notre objectif. Tout le monde dans cette salle connaît le point de vue adopté par le Canada en matière d'immigration. C'est pourquoi nous tenons avant tout à ce que le Canada soit un pays multiracial et multiconfessionnel qui sera un modèle pour le monde entier, ainsi que l'a préconisé M. Trudeau. Nous devons y parvenir.
Voilà rapidement ce que j'avais à dire. J'espère avoir été suffisamment bref pour que tout le monde ait la possibilité d'intervenir et que nous puissions aller déjeuner. Je vous remercie.
Le président: Merci. Vous n'auriez pas par hasard apporté des mets chinois, Frank?
M. Frank Chui: Non, pas encore, mais si quelqu'un veut manger du chinois, je lance l'invitation.
Le président: Merci, Frank.
Nous allons maintenant entendre une représentante de la Family Service Association of Toronto, Laurel Rothman ou Catherine Chalin.
Mme Catherine Chalin (membre du conseil, Family Service Association of Toronto): Je vais commencer par vous présenter notre organisme et son personnel, puis Laurel prendra la suite pour compléter mon exposé.
Comme tout le monde au sein de la Family Service Association, je suis très heureuse d'être ici et nous avons fait venir un certain nombre de membres de notre personnel et de notre conseil.
Je siège au conseil de la Family Service Association et Laurel est directrice du service d'action sociale. Nous avons aussi à nos côtés Raksha Bhayana, qui est aussi membre du conseil, ainsi que Naga Ramalingam et Adirham Sabriye, qui sont des travailleurs communautaires au sein du service d'action communautaire. Il y a aussi Richard Wazana, un étudiant en service social placé auprès de la Family Service Association qui a fait un gros travail sur le projet de loi. Nous nous appuyons effectivement sur son travail et nous lui en sommes très reconnaissants.
Nous voyons des éléments positifs dans ce projet de loi, mais nous avons par ailleurs un certain nombre de sujets de préoccupation qui ont été abordés par d'autres intervenants et il est probable que nous allons répéter ou confirmer ce qu'ils vous ont dit.
La Family Service Association of Toronto dessert quelque 20 000 familles regroupant tous les âges et placées dans toutes les situations, dans plus de 34 langues à Toronto, de sorte que nous sommes probablement le plus grand réseau de services dispensés aux familles dans notre ville. Nous cherchons à atteindre les objectifs de politique publique qui s'inspirent de la justice sociale. C'est cette valeur qui détermine notre action, c'est notre mission, nous visons à la renforcer et à appuyer les individus, les familles et les communautés au sein d'une société juste et équitable. Je dirais donc que c'est dans cette optique que nous considérons ce projet de loi.
Il y a trois secteurs qui nous préoccupent exclusivement. Le premier est celui de la réunification des familles; le deuxième celui de la détention des enfants; enfin, le troisième celui de l'accès des enfants aux services sociaux, notamment l'enseignement, la santé, l'aide juridique, etc.
Nous avons mis l'accent sur les enfants en raison de Campagne 2000 et parce que c'est le sujet qui nous intéresse, mais il faut voir au-delà des «enfants» qu'il y a des familles; nous parlons au nom de tous les gens venus chez nous en tant qu'immigrants ou que réfugiés.
• 1200
Au chapitre de la réunification des familles, le projet de loi
C-11 s'oppose à la réunification des familles des demandeurs
réfugiés qui sont dans l'impossibilité de fournir des pièces
d'identité. Nous avons beaucoup entendu parler des documents. J'ai
vu personnellement des familles de réfugiés débarqués dans notre
pays sans avoir les documents appropriés parce qu'ils avaient fui,
par exemple, les persécutions. Les réfugiés sans papiers posent
aussi un gros problème à l'organisme.
Nous recommandons que l'on réduise le long délai d'attente devant leur permettre d'acquérir un statut et de parrainer les membres de leur famille à l'étranger. Je pense que vous avez notre document d'information et je vais le survoler rapidement.
Nous avons déclaré qu'il ne suffisait pas de tenir compte de l'intérêt de l'enfant, mais qu'il fallait en faire une priorité lorsqu'on prenait des décisions qui ont de toute évidence des répercussions sur l'enfant et sa famille.
Nous voulons que le projet de loi mette fin à la discrimination qui s'attache aux réfugiés sans papiers en leur permettant de voyager, d'aller voir les membres de leur famille et de se déplacer librement tout en conservant la possibilité de revenir et de retrouver leur foyer au Canada.
Nous recommandons que l'on autorise les réfugiés attendant d'être admis sur le territoire de pouvoir voyager à l'extérieur du pays pour voir leur famille et que l'on autorise par ailleurs leur conjoint et les personnes à leur charge à leur rendre visite au Canada.
Nous recommandons que la décision prononcée le 22 novembre 2000 par la Cour fédérale du Canada, qui autorise les réfugiés sans papiers à demander le statut d'établissement sur le territoire canadien après avoir fait une déclaration sous serment, soit incorporée au projet de loi. Ils peuvent attester sous serment de leur statut.
Enfin, nous recommandons que la décision d'étendre le regroupement familial aux couples de même sexe soit incorporée au projet de loi. Ce sont là nos recommandations au titre de la réunification des familles.
Pour ce qui est de la détention des enfants, il m'apparaît horrible que des enfants puissent être détenus, surtout les très jeunes enfants et, je le répète, nous sommes fermement convaincus qu'aucun enfant ne doit pouvoir être détenu à son entrée au Canada et que, s'il l'est, il doit être traité conformément à son âge. Sous aucun prétexte on ne peut leur refuser l'accès à l'enseignement, aux soins de santé et aux services culturels qui s'imposent, en l'occurrence les services avec lesquels ils sont familiarisés.
Nous recommandons donc que les enfants de moins de 18 ans ne puissent être détenus et que, s'ils le sont, ce soit conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant; que les dispositions portant sur la détention des enfants soient incorporées au projet de loi C-11 et non pas reléguées dans la réglementation; que les jeunes immigrants et réfugiés non accompagnés bénéficient des mêmes droits et du même respect que les enfants qui sont des pupilles de la nation; enfin, que le Canada retire ses réserves faites au sujet de l'article 37, qui porte sur la détention des enfants, de la Convention relative aux droits de l'enfant.
L'accès des enfants aux services sociaux est un troisième sujet de préoccupation. Là encore, en accord avec d'autres organismes qui se sont présentés devant votre comité, la FSA considère que tous les enfants doivent être scolarisés, quel que soit leur statut au Canada. Ce n'est pas simplement un privilège, c'est une obligation. Les enfants ont besoin d'aller à l'école. Il faut que ce soit obligatoire. Ils doivent aller à l'école. De plus, il faut qu'ils aient accès aux soins de santé, aux services de santé mentale et aux services communautaires répondant aux besoins de leur culture.
Nous recommandons par conséquent que le gouvernement fédéral mette en place un mécanisme de collaboration permanente avec les provinces et les territoires pour s'assurer qu'un enseignement public est mis gratuitement à la disposition de tous les enfants; que tous les enfants qui entrent au Canada, quel que soit leur statut, qu'ils soient accompagnés ou non, aient accès aux services de santé et à des services appropriés à leur culture; que Citoyenneté et Immigration Canada oeuvre de concert avec Santé Canada ainsi qu'avec les provinces et les territoires pour supprimer le délai d'attente de trois mois avant que l'on puisse bénéficier d'une assurance-santé; que toutes les familles accompagnées d'enfants ayant des besoins spéciaux soient dispensées de l'application de l'article refusant l'entrée au Canada du fait de la charge excessive qu'ils imposent aux services sociaux et de santé—j'ai personnellement oeuvré auprès de familles qui se sont vu opposer cet article alors que l'un de leurs membres n'a pas pu bénéficier du regroupement familial parce qu'il était handicapé; enfin, que le gouvernement fédéral renouvelle finalement son engagement de maintien du financement, indépendamment ou en collaboration avec la province de l'Ontario, de l'aide juridique gratuite pour les immigrants et les réfugiés.
Je vais maintenant donner la parole à Laurel Rothman, qui va ajouter quelques précisions.
Le président: Oui, mais il vous reste environ une minute et demie.
Mme Laurel Rothman (Campagne 2000, Family Service Association of Toronto): J'ai bien des observations à faire. Je soulignerai une chose très importante.
Le président: Très bien.
Mme Laurel Rothman: C'est la question du traitement prioritaire qui doit être accordé à l'enfant. Je tiens à rappeler au comité, qui le sait peut-être déjà, que nous recommandons que le principe selon lequel il convient d'accorder la priorité à l'intérêt de l'enfant soit incorporé au projet de loi. C'est en fait exactement la formulation qui a été adoptée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans ses directives de 1996 au sujet des enfants demandeurs du statut de réfugié, mais ce n'est pas ce qui se passe à notre connaissance.
Je voulais simplement ajouter cela et vous citer par ailleurs une déclaration de la ministre, que vous connaissez probablement. Je pense qu'elle cadre bien avec notre approche.
-
Les pays qui acceptent de nouveaux arrivants—que ce soit des
travailleurs dont on a besoin ou des réfugiés qui fuient les
persécutions—tout en leur refusant la possibilité de devenir des
citoyens, offrent en fait un accueil en demi-teinte qui a des
répercussions sur la cohésion sociale—
—c'est quelque chose dont nous avons beaucoup parlé et qu'il faudra revoir—
-
—et sur le sentiment d'appartenance que vont avoir ces nouveaux
arrivants pour leur nouveau pays et pour les autres membres de leur
collectivité.
Voilà ce qu'a déclaré la ministre le 20 octobre 2000.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Catherine et Laurel.
Au nom de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, nous allons entendre Debbie Douglas, sa directrice générale.
Mme Debbie Douglas (directrice générale, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants): Merci, monsieur le président.
Vous devez avoir devant vous mon mémoire. Je ne vais pas le passer en revue et je vais simplement survoler les principaux sujets de préoccupation qui sont les nôtres en ce qui concerne le projet de loi C-11.
Je dois vous préciser que l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, l'OCASI, est une organisation qui chapeaute à l'échelle de la province les organismes qui s'occupent des immigrants et des réfugiés en Ontario. Nous comptons parmi nos membres plus de 150 organismes communautaires.
Le Canada se trouve à la croisée des chemins. Tout au long de notre histoire, nous avons compté sur les immigrants pour bâtir ce pays. Nous avons la possibilité de poursuivre dans cette voie en nous définissant en tant que nation. Des changements doivent être apportés au projet de loi C-11 pour qu'il reflète les engagements canadiens en faveur de la justice et des droits de la personne.
L'OCASI accueille avec plaisir un certain nombre de propositions qui vont favoriser la réunification des familles, le parrainage sur place des conjoints et des enfants en étant un bon exemple. Nous sommes cependant très préoccupés par certains éléments du projet de loi qui vont entraîner la séparation des membres des familles et les tenir éloignés, par exemple la suppression du droit d'appel d'une mesure d'expulsion devant la Commission d'appel de l'immigration. Je suis sûre que vous n'êtes pas surpris de m'entendre évoquer à nouveau la question. Je suis convaincue que vous allez en entendre parler dans tout le pays.
Les résidents permanents de longue date installés au Canada depuis qu'ils sont tout jeunes, qui sont le produit des systèmes et de la culture du Canada, qui ne sont pas différents des autres personnes nées dans ce pays si ce n'est par leur statut vis-à-vis de l'immigration, peuvent être expulsés sans aucun recours. Ce n'est pas conforme à la justice.
Le droit d'appel d'une expulsion devant la CAI doit être inclus dans la loi pour permettre à une personne de présenter de l'information qui n'a éventuellement pas été examinée en première instance et d'apporter d'autres éléments susceptibles d'influer sur le recours à l'expulsion.
Je tiens à appuyer ici les arguments avancés par Erica Lawson de l'African Canadian Legal Clinic. Nous voulons une procédure d'appel et nous demandons à la ministre de procéder à une analyse antiraciste du projet de loi. Cela vient du fait que nous considérons que ce qui apparaît ici comme étant une proposition objective va avoir des répercussions différentes sur certaines communautés installées ici au Canada, notamment sur celles qui viennent du Sud: l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine et les Antilles. Ce n'est pas parce que ces communautés commettent davantage de délits, mais parce qu'elles sont trop surveillées par la police. Toutes les études l'ont démontré et je tenais à le rappeler.
Nous avons un autre sujet de préoccupation en ce qui concerne la réunification des familles, c'est celui de la carte d'identité, du document attestant du statut. Je ne sais pas exactement comment on finira par l'appeler, éventuellement une carte de résident permanent. En ce qui a trait à cette proposition de remplacement de l'IM 1000, nous craignons que si un résident permanent se trouve à l'extérieur du pays et que sa carte arrive à expiration, est perdue ou est volée, son statut peut être remis en cause. Si cette personne ne parvient pas à convaincre l'agent d'immigration qu'elle est résidente permanente aux termes du projet de loi, elle sera censée n'avoir aucun statut de résident permanent, elle ne sera pas autorisée à embarquer pour retourner au Canada et on pourra lui refuser d'entrer à nouveau dans le pays.
Les résidents permanents, quelle que soit la durée de leur séjour au Canada, ne pourront pas revoir leur foyer, leur famille, leur entreprise et leur collectivité. Il y a trop de risque de bavures. On risque que trop de gens ne puissent plus entrer. Les résidents permanents doivent avoir le droit de retourner dans le pays où ils ont leur domicile. Je sais que dans le cadre de vos consultations, vous avez envisagé de faciliter les retours, mais tant que nous n'aurons pas vu les dispositions précises de la réglementation, ça restera un grave sujet de préoccupation pour nous.
• 1210
La formulation même du projet de loi crée une séparation au
plus haut niveau. C'est à partir du haut que l'on bâtit des
collectivités accueillantes. Le projet de loi donne le ton en
considérant les résidents permanents comme des étrangers. La
formulation ne tient pas compte de l'attachement des résidents
permanents au Canada. Pourquoi a-t-on instauré cette séparation?
Les résidents permanents créent des emplois, enseignent à nos
enfants, paient des impôts, font leur part et bâtissent la société
dont nous bénéficions tous. Les résidents permanents ne devraient
pas être placés dans une catégorie à part ou être considérés comme
des étrangers et ils devraient continuer à bénéficier de leur
statut bien défini.
Les enfants sont le bien le plus précieux du Canada. L'OCASI considère que tous les enfants doivent pouvoir aller à l'école quel que soit le statut de leurs parents ou leur ancien statut vis-à-vis de l'immigration. Les tracasseries administratives ne doivent pas avoir d'effet sur les enfants. Qu'ils soient entrés illégalement au pays, qu'ils soient sans statut juridique, qu'ils fassent l'objet d'une procédure de détermination du statut de réfugié ou qu'ils soient ici pour une période limitée, tous les enfants doivent pouvoir être scolarisés. Les organismes membres de l'OCASI dans les différentes régions de notre province nous ont signalé des cas d'enfants qui se sont vu refuser l'accès à l'école et vous avez entendu Geraldine Sadoway, de Parkdale, qui vous a exposé cette question de manière bien plus détaillée. Nous estimons qu'il faut que ce projet de loi établisse clairement que tous les enfants mineurs sans exception sont autorisés à étudier aux niveaux préscolaire, primaire et secondaire. Ne pas le faire serait totalement inacceptable.
Il faut bien voir cependant que le projet de loi ne peut pas être considéré isolément. Nous savons bien que les services d'établissement ne sont pas pris en considération par le projet de loi C-11, mais je pense qu'en voyant certaines des recommandations qui vous sont présentées, il vous faut replacer la nouvelle loi de l'immigration dans le cadre de l'établissement et de l'intégration des immigrants au Canada.
Étant donné l'importance de l'immigration dans notre pays, il est indispensable que les services et les programmes dispensés par les organismes communautaires au service des immigrants et des réfugiés bénéficient de crédits fédéraux suffisants. Dans le cadre de l'immigration canadienne, il faut aussi que le Canada ait une stratégie d'établissement nationale faisant en sorte que le Canada tire parti du capital humain qu'apportent les immigrants à notre pays.
Je conclurai en vous remerciant de l'attention que vous avez accordée aux quelques questions que j'ai évoquées devant vous aujourd'hui et, comme je l'ai dit en commençant, vous trouverez un compte rendu plus détaillé de nos préoccupations dans le document d'orientation que vous avez devant vous. Nous considérons que notre pays va être modelé par cette nouvelle loi. Nous invitons votre comité à prendre le temps d'élaborer un bon texte de loi. Il est temps de faire preuve de courage et de montrer au monde entier que nous nous engageons à protéger les droits de la personne et à bâtir un meilleur Canada au XXIe siècle.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Debbie.
Nous allons maintenant donner la parole à l'Association of International Physicians and Surgeons of Ontario. Elizabeth McIsaac.
Mme Uzma Shakir (directrice générale, Council of Agencies Serving South Asians): Puis-je préciser en fait que nous formons un duo? Je ne suis pas toute seule, nous nous partageons la tâche en deux exposés de deux minutes et demie chacun.
Le président: Très bien, mais vous appartenez au Conseil...
Mme Uzma Shakir: Oui. Je me présente. Je m'appelle Uzma Shakir et je suis la directrice générale du Council of Agencies Serving South Asians.
Si nous sommes deux à intervenir ici c'est parce que c'est une intervention conjointe faite au nom de plusieurs organisations. Il y a tout d'abord l'Association of International Physicians and Surgeons of Ontario, dont la directrice générale, vous venez de le dire, est Elizabeth McIsaac. Nous représentons aussi la Coalition for Access to Professional Engineering; le Council of Agencies Serving South Asians; le Chinese Canadian National Council, chapitre de Toronto, et l'Hispanic Development Council.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui à présenter un exposé. Si nous nous partageons la tâche, c'est parce que nous allons traiter d'un sujet qui ne figure pas dans le projet de loi et qu'il faut que vous sachiez pour quelle raison nous abordons la question. Je vais vous en donner les raisons et elle vous expliquera la chose quant au fond.
Nous partons du principe dans cette intervention que les principaux objectifs d'un projet de loi sur l'immigration sont d'élaborer un cadre permettant a) d'établir des critères de sélection appropriés et b) de faciliter l'établissement des nouveaux immigrants au sein de la société.
Les critères de sélection canadiens visent à attirer des immigrants qualifiés et compétents en mesure de renforcer le potentiel économique du Canada et de s'installer très rapidement dans notre pays. Nos programmes d'établissement s'efforcent de dispenser les services adéquats de manière à ce que l'opération d'établissement se fasse dans de bonnes conditions. Toutefois, à partir du moment où l'on ne traite pas la question de l'accès aux professions et aux métiers lors de la formulation de la politique d'immigration, on rend inopérants les objectifs cités plus haut.
• 1215
L'emploi est le facteur clé de l'établissement. Si les
immigrants ne peuvent pas accéder à des emplois conformes à leurs
compétences et à leurs qualifications, ce qui est la raison même
pour laquelle le Canada leur accorde au départ le statut
d'immigrants, dès le départ nous remettons en cause notre hypothèse
de sélection. Étant dans l'incapacité de faire usage de leurs
compétences et de leurs qualifications, ils sont non productifs, ce
qui supprime leur apport économique à la société canadienne.
Parallèlement, nous aurons retardé et peut-être écarté à jamais en ce qui les concerne toute possibilité de s'établir dans leur nouvelle société et de devenir des citoyens à part entière. Cela rend inefficaces et inutiles nos services d'établissement.
Par la même occasion, on aura en outre créé des problèmes sociaux, psychologiques et économiques qui ne peuvent pas être réglés par les responsables du secteur de l'établissement et qui vont en fait pénaliser d'autres secteurs de la société. L'immigration agit dans les deux sens. Nous ne laissons entrer dans notre pays que les immigrants qui peuvent rendre des services à notre société. Erica a signalé que ce principe même peut être contestable.
Les immigrants choisissent toutefois d'émigrer parce qu'ils considèrent que l'immigration entraîne un changement positif pour eux-mêmes et pour leur famille. Ils sont prêts à souffrir les conséquences de l'immigration et à se déraciner, à devoir se réinstaller dans une société complètement différente et à lutter. Ils le font cependant dans l'espoir qu'un jour ils pourront s'intégrer utilement à la société canadienne.
Ce jour arrive lorsqu'ils sont en mesure de gagner leur vie. Ils espèrent que leurs compétences et leurs qualifications en font de bons candidats à une réinstallation parce que c'est justement en raison de ces qualités que nous les avons choisis. L'accès aux professions et aux métiers est donc un élément clé de notre politique visant à encourager les meilleurs et les plus brillants immigrants à venir au Canada et il va par ailleurs influer sur l'intérêt que vont montrer les immigrants envers le Canada.
Lorsqu'on déqualifie les immigrants, lorsqu'on les sous- emploie ou lorsqu'on les relègue au chômage, on ne rend service à personne. Si le but ultime de l'immigration est de remplacer la population vieillissante en voie de diminution pour faire profiter notre économie d'une main-d'oeuvre qualifiée sans qu'il en coûte pratiquement rien, et d'instaurer une société florissante composée de citoyens à part entière, l'accès aux professions et aux métiers est un objectif logique mais aussi indispensable qui doit être incorporé au principe même de la formulation de nos lois sur l'immigration.
Le président: Je vous remercie.
Elizabeth.
Mme Elizabeth McIsaac (coordonnatrice de projet, Association of International Physicians and Surgeons of Ontario): Je vais vous exposer dans leurs grandes lignes les conditions d'accès aux professions et aux métiers sans partir de l'hypothèse que les gens les connaissent en détail. La plupart de mes observations sont tirées de l'expérience des ingénieurs et des médecins, mais je considère qu'elles s'appliquent aux membres des autres professions et métiers.
Pour commencer, je considère qu'il est très important d'affirmer très clairement et sans ambiguïté que les groupes que nous représentons s'engagent résolument à protéger et à faire respecter les normes qui ont été établies par les différents organismes de réglementation professionnels au Canada. Ce ne sont pas en soi les normes qui font obstacle à l'agrément des professionnels au plan international, mais plutôt l'octroi de cet agrément et l'impartialité des critères qui président à cet octroi.
Il y a tout d'abord la question de l'accès. Les ingénieurs, les médecins et bien d'autres professionnels ayant un diplôme étranger doivent avoir travaillé au Canada pour obtenir un agrément. Toutefois, ce même professionnel ne peut pas obtenir un travail répondant à ses qualifications au Canada s'il n'a pas cet agrément. C'est un véritable cercle vicieux. Certaines personnes réussissent à obtenir un emploi sans agrément mais l'on n'a jamais fait l'effort, à l'échelle du système, de collaborer avec les employeurs pour faciliter l'opération.
Les réussites sont individuelles alors que le chômage ou le sous-emploi chronique sont la règle. Les médecins doivent passer plusieurs examens. De manière générale, il n'est pas possible de passer tous les examens et tous les contrôles d'agrément sans avoir été interne au Canada. Les possibilités d'accès à ces postes d'internes sont très limitées. Elles sont extrêmement limitées pour les médecins ayant un diplôme étranger.
Le processus d'agrément est très complexe. Les parties prenantes sont diverses; il y a les conseils et les collèges nationaux ainsi que les organismes de réglementation relevant des compétences provinciales. Les responsabilités en matière d'accès changent constamment d'un intervenant à l'autre et l'on est dans un véritable maquis de compétences où chacun se renvoie la balle.
Cette situation se produit alors qu'il y a une grave pénurie de médecins au Canada. En Ontario seulement, il en manque 1 000. L'association que je représente ici compte parmi ses membres plus de 875 médecins formés à l'étranger qui ne peuvent pas obtenir un agrément en raison des restrictions imposées. On en prend 36 par an.
• 1220
En second lieu, pour garantir une certaine impartialité, il
faut dans un premier temps que tous les organismes d'agrément
évaluent les qualifications. À l'heure actuelle, les ingénieurs
sont tenus de passer à deux reprises par cette procédure, ce qui
constitue en fait un impôt détourné sur leur installation.
En pratique, ils sont renvoyés dans un premier temps devant le Conseil canadien des ingénieurs, l'organe national qui représente les organismes de réglementation provinciaux, qui procède à une évaluation officieuse au coût de 175 $. Cette évaluation est étroitement liée au mécanisme de sélection et à l'examen de leur demande d'immigration.
Les immigrants qui paient cette évaluation s'attendent raisonnablement à ce qu'elle ait un sens et à ce qu'elle soit valide une fois arrivés au Canada. Elle n'a toutefois absolument aucune influence sur la procédure d'agrément et il leur faut recommencer l'opération auprès de l'organisme de réglementation provincial une fois qu'ils sont sur le territoire canadien.
Le projet mis en place récemment par les ingénieurs professionnels de l'Ontario pour permettre aux immigrants potentiels ayant l'intention de pratiquer en Ontario de s'adresser directement à eux pour obtenir un agrément est un pas dans la bonne direction.
Lors de l'élaboration de la nouvelle réglementation, la ministre devra prendre bien soin d'établir une distinction entre les organismes de réglementation et les conseils nationaux étant donné qu'ils n'ont pas les mêmes compétences lorsqu'il s'agit d'accorder des agréments. Nous souhaitons aussi que l'on fasse preuve d'une grande prudence lorsqu'on laisse les conseils nationaux des associations professionnelles se prononcer sur la procédure de sélection.
Pour résumer, nous ferons quelques recommandations. Étant donné les chevauchements de compétences, le fait qu'il y ait différents intervenants et qu'ils soient si nombreux...la question est très complexe. Je ne l'ai pas assez souligné en vous décrivant la situation parce qu'après avoir travaillé pendant deux ans dans le domaine je ne peux toujours pas vous le représenter à grands traits. Il faut donc que l'on fasse preuve d'initiative et nous souhaitons sincèrement que votre comité recommande qu'une politique nationale soit mise en oeuvre dans ce domaine et que Citoyenneté et Immigration agissent en chef de file, en association avec DRHC et Patrimoine Canada pour s'assurer que l'on apporte des solutions.
Dans le cadre de cette politique nationale, il faudrait qu'il y ait un plan d'action stratégique et nous aimerions que l'on en rende compte en disposant à l'article 94 de la loi qu'un rapport doit être fait au Parlement.
De plus, étant donné que l'on s'est donné comme objectif de promouvoir l'intégration des résidents permanents au Canada, nous jugeons indispensable que Citoyenneté et Immigration prenne l'initiative en la matière et étende cet objectif à ce projet de loi en faisant part de son engagement en faveur de l'opération essentielle qu'est l'établissement des immigrants. Il faudrait que ce soit indiqué à l'alinéa 3(1)e), qui renvoie à la responsabilité en matière d'établissement. Étant donné qu'il s'agit là de la condition essentielle de l'établissement, nous aimerions que cette priorité soit exprimée dans ce cadre.
Je vous remercie.
Le président: Merci à tous de ces excellents exposés et du travail que vous accomplissez chaque jour pour aider les immigrants et les réfugiés à mener leur vie et leur carrière et à concrétiser leurs espoirs et leurs aspirations. Tous mes remerciements.
Nous allons donner la parole à Inky.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de venir ici.
J'ai déclaré au dernier groupe de témoins que notre société avait fait bien des progrès. Je vais d'ailleurs prendre mon exemple puisque Frank est ici. Je suis le petit-fils d'un travailleur chinois du chemin de fer et je suis sûr que mon grand-père n'aurait jamais imaginé qu'un jour son petit-fils deviendrait député et, qui plus est, vice-président du comité de l'immigration.
Si je le dis, c'est parce que je tiens à ce qu'on prenne acte, dans notre procès-verbal, du fait que c'est un gouvernement libéral qui a adopté en 1923 la Loi de l'immigration de 1923. C'est ainsi qu'elle était intitulée, et non pas la Loi de l'exclusion des Chinois. On l'avait intitulé Loi de l'immigration de 1923 et, pour l'essentiel, elle a empêché les Asiatiques de venir dans notre pays pendant 24 ans; c'est aussi un gouvernement libéral qui a abrogé cette loi en 1947, il faut bien le reconnaître. Je ne blâme pas mes collègues libéraux, je ne montre personne du doigt. Je tenais simplement à ce que cela soit dit.
Si je fais ce rappel, c'est parce qu'il faut tirer les enseignements de l'histoire. Aujourd'hui, je me fais l'avocat du diable en disant que nombre de dispositions de ce projet de loi ont été adoptées précipitamment en raison de ce qu'ont écrit ou dit les médias des réfugiés de la mer arrivés dans notre pays, des immigrants illégaux, des demandeurs d'asile qui passent devant tout le monde pendant que les autres font la queue six mois ou un an de plus pour pouvoir entrer légalement, des criminels qui font les manchettes lorsqu'ils traversent nos frontières et même des personnes ayant des maladies contagieuses qui constituent une menace pour la santé dans notre pays. Comment répondre à ce genre de préoccupation? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le président: Bien, qui veut prendre...?
Catherine, vous voulez répondre sur cette question, ou encore Frank?
Si vous voulez aussi vous en prendre aux médias, c'est le moment.
M. Frank Chui: Vous savez ce qui se passe? Les premiers immigrants chinois détenus depuis des mois sont les réfugiés de la mer de Vancouver. D'après nos renseignements, ce ne sont pas vraiment des réfugiés. Ce sont des immigrants économiques qui ont enfreint la loi en Chine ou dans d'autres pays et qui viennent chez nous. Nous ne connaissons pas ces gens-là, nous ne savons pas s'ils ont commis ou non des délits en Chine et l'on a pu voir que de nombreux passagers du premier bateau se sont sauvés et ont disparu dans la nature sans attendre les audiences. Ils réussiront finalement à passer en douce aux États-Unis pour y devenir des esclaves sexuels ou être exploités dans des ateliers de misère.
Bien des Chinois considèrent que lorsqu'on place ces gens en détention, c'est pour les protéger plutôt que pour les priver des droits de la personne les concernant. Par conséquent, les gens d'ascendance chinoise sont nombreux à ne voir aucun inconvénient à ce qu'on détienne ces réfugiés de la mer tant que l'on n'a pas confirmé s'ils sont en bonne santé et qu'ils peuvent se mêler à l'ensemble de la population canadienne. Il vous faut bien comprendre qu'ils sont nombreux à être affligés d'une tuberculose incurable.
Le président: Merci, Frank.
Catherine.
Mme Catherine Chalin: Je pense que je vois les choses d'un autre oeil parce que cette question est au coeur de notre condition d'être humain. En tant que canadiens, nous restons des êtres humains empreints d'idées humanitaires et nous croyons à la justice sociale, de sorte que nous ouvrons nos frontières. Nous allons peut-être commettre quelques erreurs, mais je préfère les faire dans ce sens que dans l'autre et ne pas refuser à quelqu'un une vie libre, sans persécutions et sans torture.
Le président: Uzma.
Mme Uzma Shakir: Je dois dire aussi que le Canada n'est pas situé dans une bulle. Nous ne pouvons pas nous détacher de tout. Nous ne pouvons pas parler de mondialisation et des conséquences immenses de la libre circulation des capitaux et des marchandises sans parler aussi des gens.
Quant aux maladies contagieuses, grands dieux, si la tuberculose est contagieuse et s'il n'y en a pas au Canada, comment se fait-il que nous n'allions pas partout dans le monde chercher à l'éliminer? La solution n'est pas d'empêcher les gens de venir chez nous. Il s'agit d'assumer nos responsabilités internationales et de nous servir de nos compétences médicales pour faire disparaître la tuberculose dans le monde entier. Le sida pose de gros problèmes en Afrique, mais il en pose aussi ici. Est-ce que cela signifie que nous n'allons laisser entrer personne d'autre dans notre pays, simplement ceux qui ont le sida? C'est notre responsabilité internationale.
Pour ce qui est des réfugiés, nous avons bien de la chance de nous trouver si loin. Le Pakistan a 3 millions de réfugiés. C'est un malheureux petit pays en voie de développement qui n'a pas d'argent. Il a 3 millions de réfugiés iraniens. Il les prend en charge. Je dis donc qu'effectivement il fait bon de vivre dans un grand pays comme le Canada—nous devons nous estimer très heureux de nous trouver si loin et de ne pas avoir tous les jours 3 millions de personnes qui frappent à notre porte. Lorsque 30 personnes apparaissent sur nos côtes dans un conteneur, leur voyage n'a pas été une partie de plaisir. Puisque nous sommes si bons, nous devrions nous contenter de leur dire, la traversée a dû être rude et vous êtes les bienvenus. Ça ne va pas nous tuer.
Le président: Oui. Debbie, d'autres commentaires?
Mme Debbie Douglas: Je pense qu'Uzma a dit essentiellement tout ce que j'avais à dire, mais je tiens à faire observer qu'à mon avis le problème des demandeurs qui frappent à notre porte est loin d'être catastrophique. Je pense qu'on l'a monté en épingle dans la presse et malheureusement, avec tout le respect que je dois aux députés de l'Alliance qui sont autour de cette table, j'estime aussi que votre parti est responsable de cette fausse rumeur qui veut que nous ayons perdu le contrôle de l'immigration. Comme vient de le déclarer Uzma, il y a d'autres pays dans le monde qui acceptent bien plus de réfugiés que nous et nous n'entendons jamais parler de leurs problèmes concernant les demandeurs.
Le président: Officiellement, le calcul se fait en fonction de la population. Soyons bien clairs: par habitant, le Canada est le pays le plus généreux au monde en ce qui a trait aux réfugiés. Par conséquent, si l'on doit s'en tenir aux faits, il faut les exposer tels qu'ils sont.
Mme Debbie Douglas: Peut-être pour ce qui est de la sélection, mais en ce qui concerne le nombre de gens qui se présentent aux frontières, je ne pense pas que ce soit vrai.
Le président: La question est cependant légèrement différente.
Frank, je ne laisse généralement pas la même personne...
M. Frank Chui: J'aimerais ajouter une chose à partir du moment où l'on parle des droits de la personne. Nous avons des familles qui doivent attendre des années avant d'avoir la chance de voir un agent d'immigration. Si vous permettez aux personnes arrivées dans un conteneur de passer devant tout le monde, qu'en est-il des droits de la personne des immigrants légitimes qui attendent pendant des années? Ce sont eux qui en subissent toutes les conséquences.
Le président: Je vous remercie.
Yolande.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Bonjour, tout le monde. Merci beaucoup d'être ici ce matin et d'accepter de dialoguer avec nous.
Je voudrais particulièrement m'adresser aux représentantes de la Family Service Association of Toronto, Mme Rothman et Mme Chalin. Dans votre exposé, vous parlez de l'importance d'inclure les couples de même sexe dans la catégorie famille. Je pense que vous savez que c'est déjà fait. On se comprend bien?
Vous avez soulevé la question de services adaptés à la culture des enfants que nous accueillons chez nous. J'aimerais, s'il vous plaît, que vous me précisiez quelle sorte de services vous souhaiteriez voir accorder à ces enfants. Est-ce que vous pourriez me donner des exemples du genre de services? Je vois que vous représentez beaucoup de communautés aujourd'hui.
[Traduction]
Le président: Laurel.
Mme Laurel Rothman: Nous oeuvrons auprès de tout un ensemble de communautés de nouveaux arrivants à Toronto et l'on nous mentionne—je ne sais pas si mes collègues ici présents voudront ajouter quelque chose—les garderies, l'accès à la formation—les services s'adressant aussi bien à l'enfance qu'aux familles—ainsi que les services de santé mentale destinés aux enfants. Je n'ignore pas toutes les questions de compétence qu'implique ce que je viens de dire, mais nous savons aussi qu'il est très difficile de trouver le soutien nécessaire pour s'assurer que ces services sont dispensés dans une troisième langue. Auparavant, on nous accordait un meilleur appui et c'est ce que nous recherchons maintenant.
Le président: Et en ce qui a trait à la religion.
Mme Laurel Rothman: Et pour tout un éventail de religions, de croyances et de pratiques des nouveaux arrivants.
Je voulais simplement faire un commentaire sur les conjoints de même sexe. Nous croyons savoir, et je crois comprendre, qu'une recommandation sera faite pour que cette question soit traitée dans la réglementation. Nous voulons qu'elle le soit dans le projet de loi. Vous avez peut-être pu constater que notre définition de la famille était très large. Nous avons eu le plaisir de fusionner avec ce qui était anciennement le Toronto Counselling Centre for Lesbians and Gays, un grand service spécialisé avec lequel nous collaborons par l'intermédiaire de David Kelly Services.
Mme Yolande Thibeault: [Note de la rédaction: Inaudible]... dans la législation, je crois.
Mme Laurel Rothman: Peut-être. Ce n'est pas mon interprétation. Je me trompe peut-être.
Le président: Il y a eu une loi cadre adoptée par le Parlement fédéral, je crois que c'était le projet de loi C-23, qui a défini les conjoints de fait et les prestations données à des conjoints de même sexe. Cette loi ainsi qu'un certain nombre de projets de loi qui ont été adoptés depuis 1999 reprennent la définition déjà donnée par cette loi cadre et, même si certaines personnes nous ont indiqué qu'elles préféreraient qu'on mette «prestations pour des conjoints de même sexe» entre parenthèses après «conjoints de fait» pour mieux faire comprendre la situation, non seulement au Canada, mais aussi aux gens de l'étranger, l'expression conjoint de fait désigne à la fois les conjoints de sexe opposé et les conjoints du même sexe.
Mme Laurel Rothman: Nous sommes tout à fait favorables à cela.
Le président: Très bien, je vous remercie.
Madeleine.
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: La grande majorité de vos inquiétudes, vous vous en doutez sûrement, ont été rapportées devant nous. Je ne vais donc pas reprendre celles qui nous touchent particulièrement; ce serait trop long. Par contre, il y a une question que je voudrais poser à la représentante des chirurgiens et professionnels.
Dans vos recommandations, vous parlez d'un ombudsman spécifique. J'avoue que ça me gêne beaucoup, parce que parmi tous les gens qui viennent au Canada, que ce soit comme immigrants ou comme réfugiés, il y en a plusieurs qui peuvent se sentir comme s'ils étaient injustement traités, et là-dedans, il peut y avoir des professionnels qui se disent que leur compétence n'est pas reconnue. Autant je suis favorable à ce qu'il y ait quelqu'un, un ombudsman, qui puisse examiner les situations difficiles vécues par nos nouveaux arrivants, autant j'ai des réserves quant à un ombudsman spécifique. Ça me gêne beaucoup. Alors, j'aimerais que vous puissiez me rassurer.
Le président: Je crois, Elizabeth, que la question s'adressait à vous.
Mme Elizabeth McIsaac: Je ne sais pas vraiment si vous faites des réserves au sujet...cela pourrait se faire dans le cadre d'un bureau de médiation de type plus général, ce qu'a recommandé Maytree concernant les problèmes plus large de l'immigration. Nous ne disons pas que ça ne peut pas se faire dans ce cadre. Tout simplement, il n'y a pour l'instant aucun objectif, aucune possibilité de plainte et aucune procédure d'appel indépendante, et aucune personne nommée en tant que médiateur pour remédier à ces problèmes très complexes.
Nous ne préconisons donc pas cette procédure de médiation uniquement pour les professions libérales. Elle pourrait avoir lieu dans le cadre des attributions générales d'un bureau de médiation s'occupant des questions d'immigration. Je ne sais pas si...
[Français]
Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ça me rassure un peu.
[Traduction]
Mme Elizabeth McIsaac: Très bien.
Le président: Bon, la parole est à Judy. Nous aurons ensuite John, Anita et Joe. Tout le monde veut intervenir sur le sujet.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président. J'ai une multitude de questions que je dois poser en quelques minutes.
La première chose que je veux aborder, en pensant que Debbie et que d'autres intervenants ont évoqué le sujet... Je pense qu'il faut trancher la question de savoir si ce projet de loi peut être soupçonné de racisme. Je considère que le président doit aussi se pencher sur la question. Il nous faudra probablement analyser à fond ce projet de loi sous l'angle du racisme.
Je ne suis pas, et c'est...ma question est la suivante, connaissez-vous quelqu'un qui puisse le faire en quelques jours à notre intention? Sinon, que nous recommandez-vous de faire? On nous a laissé entendre tout au long de ces audiences que ce projet de loi, sans que ce soit fait délibérément ou intentionnellement, reflète en fait un parti pris en mettant l'accent sur la répression et en laissant certaines choses de côté. J'aimerais savoir si vous pensez que c'est bien le cas.
Je vais poser toutes mes questions en même temps. Au sujet de la réunification des familles et des enfants, je suis d'accord avec tout ce que vous avez mentionné dans votre document, mais il y a un domaine que vous n'avez pas abordé, c'est la question du regroupement familial. J'aimerais simplement avoir votre avis au sujet de plusieurs recommandations qui nous ont été faites. Doit-on supprimer le...doit-on faire passer l'âge limite à...ou en sommes-nous maintenant?
Le président: À 22 ans.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui, on est passé de 22 à 25 ans hier. Doit-on supprimer purement et simplement la limitation s'appliquant à l'âge? Doit-on inclure les frères et soeurs? Doit-on nous orienter vers un système de parrainage des parents ou des amis dans la mesure où il y a une certaine forme de responsabilité financière de la part de la personne ou de la famille qui accorde le parrainage?
Ma troisième question a trait à la formation et à l'accréditation car notre comité entend des avis très divergents. Les organismes de réglementation sont venus nous demander d'adopter une ligne bien plus dure dans ce projet de loi et de ne pas donner de faux espoirs aux personnes ayant pu acquérir une formation professionnelle—les médecins, les ingénieurs, les infirmières—mais qui ne sont pas accréditées ici. Nous ne devrions pas les laisser entrer tant que nous ne savons pas si elles vont être accréditées parce que si elles doivent faire tout autre chose elles ne seront pas satisfaites. Ces organismes ne voient pas comme vous la question de l'accréditation. Je me demande donc si vous ne pourriez pas nous suggérer une solution étant donné que la ministre a déclaré qu'il s'agissait là d'une responsabilité provinciale qui relève des organismes chargés de l'accréditation et que nous ne pouvons pas vraiment faire grand-chose au plan fédéral.
Le président: Attendez un peu. Judy me joue toujours le même tour—elle pose quatre questions et demande à chacun de nos invités de nous donner une réponse, ce qui fait qu'il va nous falloir rester jusqu'à 17 heures. J'aimerais bien poursuivre ces délibérations jusqu'à 17 heures mais, malheureusement, nous n'avons pas suffisamment de temps pour ça. Je ne sais si je peux répondre à vos questions, Judy, mais...
Je sais que pour ce qui est du regroupement familial, vous avez entendu Frank nous parler des grands-pères et des grands- mères.
Quelqu'un a-t-il des commentaires à faire au sujet des frères, des soeurs, et...en ce qui a trait à la famille? Rapidement, toutefois—en 30 secondes tout au plus.
Mme Catherine Chalin: Je vais vous répondre très rapidement. Étant donné que nombre de réfugiés et d'immigrants avec lesquels nous traitons viennent de pays en proie à l'épidémie du sida, les parents sont morts. Certains des frères et soeurs sont morts. Parfois, les seuls parents qui peuvent faire venir les enfants sont des tantes ou même des amis de la famille, pratiquement.
Le président: Donc, en ce qui vous concerne, plus la famille est élargie, mieux c'est.
Mme Catherine Chalin: Je pense qu'il faut l'élargir.
Le président: Êtes-vous d'accord pour dire que c'est le cas? Debbie? Elizabeth? Uzma? Plus la famille est élargie...
Mme Debbie Douglas: Oui. Je voulais toutefois aborder la question du point de vue d'une analyse antiraciste. Je pense que des organisations comme l'OCASI et le Conseil canadien pour les réfugiés ont demandé à la ministre de procéder à une analyse du projet de loi du point de vue du racisme et du sexisme. Je pense que c'est une excellente occasion pour les ministères de travailler de concert. Le ministère du Patrimoine canadien devrait prendre l'initiative et procéder en collaboration avec les communautés à une analyse antiraciste du projet de loi pour faire en sorte que cette analyse soit transmise au comité et à CIC.
Le président: Même si j'aimerais bien...je vous avoue que si nous pouvions trouver la personne capable de marcher sur les eaux qui nous fournirait cette analyse...je pense qu'au bout du compte nous sommes les élus de ce pays. Il nous incombe de déterminer si une législation est bonne ou non, si elle est raciste...
On l'a passé au crible en fonction du racisme, du sexisme et de tout le reste. Si nous demandons à chacun de nous fournir une analyse, nous serons encore ici en l'an 2010 en train d'examiner ce projet de loi. Toutefois, vos observations sont les bienvenues. Très bien?
Très bien. Quant à la question posée par Judy au sujet des professions libérales, étant donné que les renseignements fournis divergent en ce qui a trait à l'agrément, quelles sont les mesures très positives que nous devrions prendre à votre avis pour reconnaître la grande valeur et le niveau d'instruction de ces personnes une fois au Canada?
Mme Elizabeth McIsaac: Je pense que cela relève de ce que nous évoquions au sujet de la politique nationale. Il me semble qu'il faut que les différents intervenants se réunissent et que l'on fasse avancer le dossier. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
Il y a un effort concerté dans la mesure où il existe un groupe de travail provincial-territorial-fédéral qui s'occupe de la question. Toutefois, ce groupe s'est contenté en fait de traiter des questions de diffusion de l'information, par exemple. D'ailleurs, même cette information n'est pas transmise efficacement dans les postes qui accordent des visas à l'étranger. Nous avons fait un sondage auprès de nos membres et 40 p. 100 d'entre eux ont déclaré que l'information qu'ils avaient reçue au sujet de l'accréditation avant d'arriver au Canada était faible ou médiocre.
Donc, pour ne pas créer de faux espoirs...je suis bien évidemment d'accord avec ce que vous a dit—je crois que c'était la Coalition des organismes liés à la réglementation—lorsqu'elle s'est présentée devant vous. Je pense que c'est fondamental. C'est un problème.
Il n'en reste pas moins, cependant, que lorsque vous parlez de faire en sorte qu'une personne soit agréée à son arrivée alors que vos critères de sélection s'appuient sur le principe de l'universalité des qualifications, vous remettez en cause toute la logique du projet de loi et de ses règlements d'application.
Je pense qu'il nous faut plutôt chercher à garantir rapidement la mise en place d'un mécanisme permettant au Canada de reconnaître les équivalences. Il faut aussi se prémunir contre les rentes de situation dont bénéficient les organismes d'agrément nationaux parce que la procédure d'évaluation des ingénieurs dont j'ai parlé précédemment, la première évaluation à 175 $—qui n'a aucune incidence sur l'agrément une fois que les intéressés sont arrivés chez nous—procure quelque 4 millions de dollars par an à cette association. Il y a donc là une rente de situation. Je pense qu'il convient de regarder la chose de très près lorsqu'on parle de protection et lorsqu'on se demande qui protège quoi.
Je considère donc qu'effectivement il faut en partie savoir gérer les espoirs et les attentes. Toutefois, il est encore plus important et plus censé à mon avis de savoir mieux reconnaître les équivalences et de tirer parti des compétences et des qualifications des gens qui arrivent au Canada.
Le président: Nous allons passer à Anita. Vous avez une question à poser?
Mme Anita Neville: Je pensais que c'était au tour de John McCallum.
Le président: C'est au président qu'il appartient de donner la parole.
Mme Anita Neville: Très bien. Je vous remercie.
Le président: Tout le monde aura sa chance.
Mme Anita Neville: Je vais faire deux observations et j'enchaînerai ensuite avec Elizabeth McIsaac.
Certains intervenants ont évoqué ici la question de l'assurance-santé. Vous savez que certaines juridictions ont imposé un délai d'attente de trois mois sur lequel le gouvernement fédéral n'exerce aucun contrôle et que cette question relève des compétences provinciales.
Sur un deuxième point...j'ai interrogé le témoin précédent au sujet du nombre d'enfants qui n'étaient pas scolarisés. Si je comprends bien l'article 30 en le relisant, lorsqu'on nous dit «l'enfant mineur qui se trouve au Canada...à l'exception de celui du résident temporaire non autorisé à y exercer une activité professionnelle ou à y étudier» cette disposition s'applique simplement aux visiteurs—tous les autres enfants devant pouvoir être scolarisés. C'est certainement quelque chose que je vais m'engager à suivre et à vérifier. C'est toutefois ce que j'ai compris et je ferai un suivi dans ce sens.
Je veux demander à Elizabeth...j'ai examiné vos recommandations et j'ai comme une inquiétude au sujet du rôle du gouvernement fédéral en la matière. Je me suis beaucoup impliquée sur la question, il y a une douzaine d'années, et l'on n'a pas fait beaucoup de progrès, pour l'essentiel, depuis lors. Je suis frappée par le fait—bon, j'étais probablement sur le point d'en dire trop, mais un certain protectionnisme dont font preuve les professions libérales relève véritablement d'une mentalité corporatiste qui ne permet pas aux autres, qui sont légèrement différents, de s'intégrer.
• 1245
Mais je vois aussi, au niveau provincial, un manque de volonté
lorsqu'il s'agit d'affecter des crédits. Je ne suis pas sûre de
vous avoir bien comprise lorsque vous nous avez dit que l'on
acceptait quelque chose comme 36 candidatures. La pénurie actuelle
de médecins s'accroît dans notre pays. À un moment donné, on a
affecté au Manitoba des crédits à un programme d'internat
s'adressant aux médecins étrangers. Il n'était pas bon marché, mais
il a été mis en place. S'il y avait une volonté politique de
progresser dans ce domaine, est-ce que cela ferait une différence?
Est-ce que vous en avez fait l'expérience? Enfin, je vous
demanderai s'il est possible d'obtenir les résultats de votre
sondage. J'aimerais bien les voir.
Le président: Elizabeth.
Mme Elizabeth McIsaac: Je vais commencer par le plus facile. Oui, nous pouvons vous fournir les résultats du sondage. Quant à savoir si oui ou non il y a une volonté politique, je pense que s'il y avait une volonté politique et si nous pouvions effectivement faire venir les gens à cette table et lancer la discussion, ça ferait toute la différence. J'estime qu'il faut que le gouvernement fédéral prenne l'initiative. Il y a évidemment un certain nombre de restrictions automatiques qui tiennent à la Loi canadienne sur la santé et à d'autres lois s'appliquant aux autres professions libérales, qui l'empêchent d'appliquer toute la pression voulue, mais il peut prendre l'initiative et lancer l'opération.
Il y a aussi l'accord d'union sociale et l'accord interne sur le commerce qui peuvent servir de cadre à l'harmonisation du statut des professionnels diplômés à l'étranger. À compter du 5 juillet, on est censé harmoniser les normes de tous les organismes professionnels des différentes provinces. Par conséquent, étant donné que des critères d'harmonisation ont déjà été établis d'une province à l'autre, il suffit de pousser la démarche un peu plus loin et de fixer les normes que nous voulons faire respecter pour les professionnels diplômés à l'étranger ainsi que les outils d'évaluation correspondants.
Le président: J'aimerais poser une autre question, si vous me le permettez, concernant les ressources et la capacité. Qui doit en fait fournir les ressources devant permettre d'améliorer cette procédure d'agrément? Le gouvernement fédéral ou les provinces? Est-ce qu'il faut que ce soient les associations elles-mêmes? Qui doit en fait payer la note si nous partons du principe que nous aurons la volonté politique de mettre cela en oeuvre?
Mme Elizabeth McIsaac: J'hésite à vous dire qui doit payer la note. Je crois cependant que Citoyenneté et Immigration a une responsabilité. Ce ministère se charge de l'établissement et cela en fait partie. Je crois que la facture sera payée à différents niveaux.
Le président: John.
M. John McCallum: Je vous remercie. Je suis tout à fait d'accord avec le raisonnement d'Elizabeth McIsaac lorsqu'elle nous dit que le gouvernement fédéral n'a pas une grande compétence en la matière et qu'à partir du moment où nous refusons de verser un sou, je ne suis pas sûr qu'on prête beaucoup attention à nous. Voilà au moins un argument qui milite en faveur d'une certaine participation financière.
Mon intervention s'adresse principalement à Frank Chui. Personnellement, j'ai beaucoup de sympathie pour sa plaidoirie en faveur des grands-parents, en partie, j'imagine, parce que ma femme est chinoise et que nous avons habité pendant cinq ans avec mes parents et nos enfants, ce qui a été à mon avis une expérience très positive pour eux. Indépendamment de mon cas personnel, et je sais que c'est une chose très importante pour la communauté chinoise, cette mesure pourrait présenter des risques si elle s'appliquait à un très grand nombre de personnes. Du point de vue économique, je pense que l'on veut pouvoir accueillir des personnes plus jeunes, qui peuvent travailler davantage. Je n'en considère pas moins que c'est une excellente remarque, et j'en tiendrai compte.
Je suis bien d'accord avec vous pour dire que nous devons viser au moins un objectif de 1 p. 100, ce que nous n'avons pas encore réussi à faire. Je vous ferai un simple rappel historique en vous disant que l'immigration a déjà atteint 4 p. 100 de notre population, mais il faut pour cela remonter à 1911. Les principales contraintes dans ce domaine sont financières car nous n'avons pas suffisamment de gens sur le terrain. Je soutiens cependant que ces coûts seraient vite récupérés parce que si nous faisions entrer dans notre pays des immigrants travailleurs et productifs, les impôts qu'ils paieraient compenseraient largement. Toutefois, cette contribution n'est pas immédiate.
L'autre jour enfin, alors que nous étions à Vancouver, ma collègue Anita Neville a proposé un amendement qui va dans le même sens qu'un autre des arguments que vous avez présentés et qui consisterait à ajouter le terme «multiculturel» à la définition du Canada en tant que pays fédéral et bilingue. On élargirait ainsi le projet canadien au multiculturalisme, qui viendrait s'ajouter au fédéralisme et au bilinguisme. Je pense donc que nous réussirons à apporter cet amendement.
Le président: Vous avez fait beaucoup de commentaires et je ne vous ai pas entendu poser de question. C'est très bien. Nous allons maintenant passer à Joe.
M. Frank Chui: Je suis très heureux que vous ayez tenu compte de nos préoccupations. Nous parlons là aussi d'économie. Lorsqu'un grand-père rejoint la famille, il contribue à remédier aux difficultés de garderie parce que dans la plupart des cas il est à la retraite, adore consacrer du temps à ses petits-enfants et s'attache à leur enseigner les valeurs familiales. L'intérêt économique est grand là aussi pour le pays. Cela ne s'applique pas uniquement à la population chinoise. C'est valable pour toutes les races. Tous les grands-parents adorent leurs petits-enfants, n'est- ce pas?
Le président: En effet.
J'adore moi aussi mon grand-père et ma grand-mère et je suis sûr que c'est le cas pour la plupart des Italiens, des Grecs et des Portugais. Je suis d'accord avec vous.
M. Frank Chui: J'espère que le président comprend aussi mes sentiments lorsque nous parlons des possibilités d'accès des membres des professions libérales formés à l'étranger. Dans notre pays, ce qui nous tue c'est le...[Note de la rédaction: Inaudible]...qui pèse sur notre Constitution, les conflits de compétence qui entraînent des disputes incessantes entre le gouvernement fédéral et les provinces.
J'ai déjà traité de cette question auparavant. Pour ce qui est des ingénieurs, au cours des années 80, un certain nombre de professeurs d'écoles d'ingénieurs reconnues sont allés en Chine pour aller voir sur place les programmes des différents établissements d'enseignement et savoir quelles étaient les matières enseignées. Il faut compter, bien entendu, avec les lois et les pratiques canadiennes, ainsi qu'avec les exigences linguistiques. Nous pouvons agréer des membres des professions libérales formés à l'étranger. Comme les médecins, ils sont très bien formés dans leurs pays respectifs. Par conséquent, si nous réussissons à faire les évaluations nécessaires, nous ne remettrons pas en cause la compétence des provinces.
Le président: Je vous remercie.
Joe, une dernière question.
M. Joseph Volpe: Monsieur le président, j'hésite en quelque sorte à m'engager dans ce débat parce que je considère que nous nous sommes un peu éloignés du but premier de cette loi. Ce qui m'intéresse surtout ici, et c'est ce que quelqu'un a évoqué tout à l'heure, c'est de savoir si ce texte de loi, qui est une loi sur l'immigration, ouvre davantage nos portes ou s'il a finalement pour effet de restreindre l'immigration.
Si je me pose la question, monsieur le président, c'est parce qu'en entendant mes collègues, des deux côtés de la table, discuter du mérite philosophique de certaines dispositions de la loi, je me demandais en moi-même si nous voulions améliorer notre politique d'immigration ou non.
Vous vous êtes engagé, monsieur le président, dans une mini- discussion sur la définition des réfugiés. Voilà un exemple de débat annexe qui fait que l'on se demande si nous devons ouvrir nos portes et à qui. J'ai cru que cette discussion allait nous amener à décréter qu'effectivement il fallait mesurer un mètre 85, avoir les cheveux bouclés, être d'origine italienne, marcher vite, etc.—et nous avons perdu le fil du raisonnement. Je vous le répète, j'hésite à entrer dans ce genre de discussion.
• 1255
Je veux cependant vous poser la question suivante: dans les
domaines auxquels vous vous êtes intéressé, est-ce que ce projet de
loi ouvre plus grand nos portes ou est-ce qu'il les referme?
Le président: De l'autre côté de la table, Elizabeth, oui ou non?
Mme Elizabeth McIsaac: De notre point de vue, il ne s'agit pas de savoir à quel point on ouvre nos portes, mais à quel point on fait preuve d'impartialité de l'autre côté de la porte.
Mme Uzma Shakir: En ce qui me concerne, cette porte n'a pas encore été installée. On aimerait bien qu'il y ait une porte, pour que les gens découvrent finalement une sortie au bout du couloir. Dans la pratique, les immigrants arrivent chez nous, mais ils ne trouvent pas d'emploi pour s'établir.
Leur nombre et leur qualité sont donc sans importance, puisqu'ils n'arrivent pas à réaliser ce qu'ils veulent faire. J'aimerais en fait que l'on installe une nouvelle porte.
Le président: Debbie.
Mme Debbie Douglas: Je pense que l'on a manqué la chance de faire de la réunification des familles la pierre de touche de la politique d'immigration du Canada. Nous avons soulevé d'autres questions, telles que la détention et l'expulsion, alors que l'on devrait mettre surtout l'accent sur les questions relatives aux droits de la personne et à la justice sociale.
Le président: Laurel.
Mme Laurel Rothman: Je considère moi aussi qu'on a laissé passer la chance de renforcer les dispositions relatives à la réunification des familles—notamment en ce qui concerne la pauvreté des enfants qui est, bien entendu, plus grande chez les enfants d'immigrants.
Mme Catherine Chalin: C'est exactement ce que je dis. C'est bien beau d'ouvrir la porte—et je considère qu'elle doit être aussi ouverte que possible—mais il faut aussi à mon avis que les gens soient bien accueillis, qu'il y ait des services, que l'on cherche à présenter entre eux les nouveaux membres de notre famille et qu'on facilite leur réinstallation.
Le président: Frank.
M. Frank Chui: Je dirais qu'une loi sur l'immigration doit viser un équilibre optimal. À mon avis, le projet de loi C-11 a suffisamment ouvert la porte.
Nous devons faire la part des choses en fonction des intérêts de notre pays lorsqu'on accepte de nouveaux immigrants qui seront de futurs citoyens. Là encore, on peut ouvrir la porte à des indésirables—c'est une possibilité, je ne dis pas que c'est le cas. Il convient toutefois de contrôler tout le monde pour voir ce qu'il en est en réalité.
Je considère que ce projet de loi est excellent en raison de tous les efforts qui ont été faits pendant des années pour apporter ces nombreux amendements. Il semble que personne ne sache ce que dit exactement la loi et je laisse donc aux consultants et aux avocats de l'immigration le soin de s'amuser avec ses dispositions.
Le président: Merci, Frank.
Merci tout le monde. Je suis sûr que nous aurons un meilleur projet de loi grâce à votre participation. Quant à savoir si nous avons laissé passer une chance, attendez un peu et vous nous en reparlerez lorsque nous l'aurons adopté.
Je sais que vous vous êtes tous penchés sur la question avec votre coeur et avec votre tête. Nous voulons évidemment que ce projet de loi soit le meilleur possible. Attendez de voir si nous avons manqué une chance. Vous devriez le savoir dans trois ou quatre semaines.
Merci à tous de votre participation.
J'informe les membres du comité, si ce n'est pas déjà fait, que nous allons entendre un témoin représentant la Société canadienne de l'ouïe. Je demande donc à Garry Malkowski de venir nous présenter son exposé.
• 1300
Nous avons devant nous Garry Malkowski, qui représente la
Société canadienne de l'ouïe. Il va nous présenter un exposé. Merci
et soyez le bienvenu, Garry.
M. Garry Malkowski (La Société canadienne de l'ouïe) (interprétation): Merci, monsieur le président.
Avant de commencer mon exposé, j'aimerais que vous me précisiez une chose. Est-ce que Rogers câblodistribution et CPAC fournissent les sous-titrages d'une émission comme celle-ci lorsqu'elle passe à la télévision?
Le président: Il vous faudra le demander à Rogers. Je sais qu'on le fait en ce qui nous concerne, mais je ne sais pas si CPAC prévoit les sous-titrages. Je m'informerai à votre intention et nous ferons de notre mieux pour vous donner satisfaction.
M. Garry Malkowski (interprétation): S'il s'avère qu'il n'y a pas de sous-titrage, pourrais-je déposer une plainte pour m'assurer qu'il y en ait à l'avenir?
Le président: Oui. Je vous remercie.
M. Garry Malkowski (interprétation): Merci.
Que sont devenus tous les députés libéraux qui étaient de ce côté? Est-ce que mon exposé ne les intéresse pas?
Le président: Non, Garry, ils sont deux, et le troisième va arriver. Il vous faut comprendre que nous sommes arrivés hier soir et que nous avons commencé très tôt ce matin. Nous sommes tous là.
M. Garry Malkowski (interprétation): Excusez-moi, mais ça me paraît inacceptable.
Le président: Eh bien, ils sont tous là, Garry. Pourriez-vous tout simplement passer à votre exposé? Nous sommes tous là et nous vous écoutons.
M. Garry Malkowski (interprétation): Très bien. Merci, monsieur le président.
Je représente la Société canadienne de l'ouïe, dont je suis le directeur des affaires extérieures et des services d'emploi. Un Canadien sur dix a des problèmes d'ouïe.
Je tiens ici à compléter l'exposé que j'ai fait au sujet du projet de loi C-31 et mes commentaires vont porter sur le projet de loi C-11. En fait, je considère que toutes les dispositions du projet de loi C-31 se retrouvent à peu près intégralement dans le projet de loi C-11.
J'ai fait des copies de la lettre que j'ai envoyée à la ministre de la Citoyenneté et j'en ai distribuées à toutes les personnes ici présentes—j'ai par ailleurs remis des exemplaires de la revue Vibes de la Société canadienne de l'ouïe.
Je vais commencer par trois courtes anecdotes. L'une concerne une femme qui est devenue citoyenne canadienne et qui a demandé à faire venir au Canada ses parents ainsi que son frère et sa soeur. Toute la famille a été acceptée sauf le frère, qui était sourd, à qui l'on a refusé l'entrée au Canada. Toute la famille est venue en laissant un enfant derrière elle. Cette situation n'est évidemment pas acceptable.
Le deuxième exemple est celui d'une mère ayant un enfant sourd. Son mari étant canadien, elle a pu bénéficier du statut d'immigrant reçu, qui a cependant été refusé à son fils, âgé de six ans. Il a reçu un permis de visite spécial, qui doit être redemandé chaque année. Là encore, c'est injustifié et inacceptable.
Un dernier exemple: deux parents ont demandé le statut d'immigrants reçus, qui leur a été accordé. La plupart de leurs enfants ont eux aussi été acceptés en tant qu'immigrants reçus mais un de leurs fils, cependant, âgé de neuf ans et sourd, n'a pas pu bénéficier de ce statut en raison de sa surdité.
• 1305
Ces trois scénarios sont courants en ce qui nous concerne, et
ils ne sont pas acceptables. Nous espérons que cette loi empêchera
que des situations de ce genre ne deviennent courantes au Canada.
J'aimerais évoquer la question de l'accessibilité et des locaux. Aucun bureau de l'immigration, ou encore des hauts commissionnaires ou des ambassades canadiennes, n'offre des locaux adaptés aux sourds et aux malentendants. On ne met pas des interprètes à la disposition des demandeurs lors des entrevues—ce n'est pas prévu.
Cela va à l'encontre de l'arrêt Eldridge de la Cour suprême du Canada ainsi que du Code canadien des droits de la personne. Lorsque des locaux sont fournis, ils doivent être adaptés. Il faut que les services d'immigration envisagent sérieusement de mettre ce genre de locaux à la disposition de tous les demandeurs.
Si je voyageais et si j'avais des problèmes de visa, il me faudrait communiquer avec le personnel de l'ambassade canadienne, mais on ne pourrait pas me fournir un interprète ou des locaux adaptés sous une forme ou sous une autre pour que je puisse expliquer ma situation. Nous voulons que tous les Canadiens et non pas simplement les immigrants puissent avoir des facilités d'accès. Les locaux sont cependant pour nous un grand sujet de préoccupation.
Je veux évoquer quatre sujets d'inquiétude. La loi fait mention d'un «fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé». Cette définition manque de clarté. Lorsqu'une personne est handicapée ou sourde, elle est considérée comme «un fardeau excessif». Je me demande quelle est la différence entre les gros fumeurs—qui peuvent véritablement constituer un fardeau excessif pour les régimes de santé à l'avenir—et les sourds, qui ne présentent aucun risque sur le plan de la santé. Je ne vois vraiment pas en quoi ils peuvent constituer un risque pour la société canadienne.
Je ne vois pas vraiment pourquoi ils seraient pénalisés en raison du fardeau excessif qu'ils imposent aux services de santé—pourquoi, parce qu'ils sont handicapés, on devrait les punir sous prétexte qu'ils ont des besoins spéciaux. Parallèlement, on trouve très bien de consacrer nos crédits en matière de santé à des gens qui sont de gros fumeurs et qui pourront avoir besoin de conseils ou de services médicaux à l'avenir. Je ne pense pas que ce soit juste.
Peut-on définir clairement un fardeau «excessif» pour les services sociaux ou de santé? Je prends par exemple un sourd qui voudrait s'adresser à un organisme de service social. Il va utiliser ce service comme une personne qui entend bien utilise une bibliothèque. Tout le monde peut utiliser les services publics sans qu'il n'en coûte rien à personne; ce n'est pas défini comme un fardeau social excessif. La population est libre d'utiliser les services sociaux. Je ne vois pas bien comment on a pu penser que les sourds représentaient un fardeau excessif pour ces services.
Je me préoccupe aussi de la question des examens médicaux et des entrevues administrées lors des demandes présentées à Citoyenneté et Immigration Canada. Il est rare que le personnel de cette administration fournisse des locaux appropriés. Là encore, il faut pouvoir rendre des comptes. Vous avez selon la loi l'obligation de fournir des locaux pour respecter les normes fixées par l'arrêt de la Cour suprême.
Il faut revoir la question des locaux et de l'accessibilité—non pas pour des raisons linguistiques mais pour une question de handicap. Il est obligatoire de fournir des locaux.
Je veux parler aussi d'un autre sujet qui nous préoccupe, celui de l'autorisation du contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Je recommande que cette autorisation ne soit plus exigée. Il y a là à mon avis deux problèmes distincts. La cour peut prendre une décision au nom du demandeur et, s'il est sourd ou malentendant, il faut que l'audience se fasse dans des locaux adaptés, ce qui n'est pas le cas.
On peut décider de ne pas autoriser l'entrée dans le pays de la personne concernée et cette dernière n'a plus aucune possibilité d'appel. Si l'on pouvait faire une demande devant une autre instance, tout simplement devant un tribunal, il y aurait des locaux adaptés ainsi que des possibilités d'appel au cas où on n'est pas d'accord avec la décision.
• 1310
Ainsi, un agent médical qui fait passer un examen médical au
demandeur dans des locaux non adaptés pourra juger que l'intéressé
est éventuellement un débile mental ou a un retard de
développement. Comment le médecin va-t-il pouvoir prendre
connaissance du dossier médical de l'intéressé si ce dernier ne lui
a pas parlé ou s'il n'a rien entendu qui puisse l'aider à se
prononcer ou à faire un diagnostic?
Les gens ont un droit d'appel et il vous faut leur accorder ce droit. Une simple audience ne suffit pas. Les gens sont en mesure d'apporter d'autres compétences et d'autres qualifications. On ne peut pas prendre ces décisions en fonction d'un simple statut déterminé lors d'une audience. On semble considérer qu'il ne faut pas remettre en cause les opinions ayant permis de déterminer la situation mentale ou la capacité des sourds.
Au sujet du projet de loi C-11, la SCO recommande que Citoyenneté et Immigration Canada s'assure que la nouvelle réglementation et que le projet de loi C-31 qui est proposé autorise le ministre à accorder un statut d'immigrant reçu aux demandeurs sourds dont la famille a reçu ce statut.
Je pense que ce serait une bonne chose et je suis sûr que vous envisagerez de faire figurer ces dispositions dans le projet de loi. J'ai entendu dire que la ministre allait prendre des engagements en la matière.
Par ailleurs, Citoyenneté et Immigration Canada doit clairement faire la preuve de son engagement en faveur de l'équité sur les questions multiculturelles. Il convient de faire des efforts pour tenir compte de la surdité et des pertes d'ouïe lors de la formation des examinateurs étant donné que ce n'est pas parce que l'on entend bien que l'on est automatiquement habilité à exercer des activités professionnelles auprès des populations non traditionnelles.
Troisièmement, il convient de dispenser une formation aux agents médicaux employés par Citoyenneté et Immigration Canada pour qu'ils comprennent mieux les répercussions psychologiques des modalités de contrôle sur les enfants et les adultes sourds ainsi que les conséquences juridiques de la Loi canadienne sur les droits de la personne et de l'arrêt Eldridge de la Cour suprême du Canada.
Sur un quatrième point, nous recommandons que Citoyenneté et Immigration Canada définisse clairement quels sont les handicaps physiques et mentaux qui entraînent un fardeau «excessif» sur les services sociaux ou de santé. Il ne faut pas que cela se traduise automatiquement par l'appréciation: «inadmissible pour des raisons médicales».
Cinquièmement, les résidents permanents et les demandeurs du statut de réfugié ne doivent pouvoir être expulsés qu'après que l'on aura procédé au contrôle judiciaire de la décision d'expulsion.
J'ai ici tous les documents, y compris nos recommandations, que je soumets à votre examen.
Sur la question des locaux, plus précisément, je demande simplement que l'on mette en oeuvre des politiques justes et équitables, non seulement pour les différentes races, mais aussi pour les handicapés. Je vous demande de prendre vraiment en compte toute la diversité des Canadiens. Je pense que c'est important pour tous ceux qui apportent leur contribution au Canada.
Le président: Garry, je vous remercie au nom du comité de cet exposé et de vos recommandations.
En fait, lorsque nous étions à Vancouver, le Conseil des Canadiens avec déficiences nous a parlé du projet de loi, notamment des questions que vous venez de souligner. J'ai été très frappé par les trois exemples que vous avez donnés au début de votre exposé. Je les ai trouvés très impressionnants et je suis sûr qu'il en va de même pour les autres membres du comité. C'est pourquoi nous nous efforcerons d'améliorer le projet de loi, notamment en ce qui a trait aux examens de santé.
M. Garry Malkowski (interprétation): Excusez-moi, mais puis-je demander un éclaircissement?
Le président: Oui.
M. Garry Malkowski (interprétation): Parlez-vous plus précisément des enfants accompagnés des parents ou est-ce que vous parlez des adultes handicapés? Parce que dans les deux cas...
Le président: Nous parlons des deux et c'est ce qui nous a été signalé—non seulement les enfants handicapés, mais aussi les adultes handicapés qui veulent entrer dans notre pays. Il ne faut pas se contenter de critères économiques mais tenir compte de la valeur de l'être humain dans son entier lorsqu'on évalue son apport pour le Canada pour le faire entrer chez nous.
Je veux voir s'il y a des députés...Inky a très rapidement des questions à poser.
Inky, Anita, puis Judy.
Inky.
M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.
Merci, Garry, d'être venu devant notre comité. Je suis un ancien professeur qui a consacré 20 ans de sa carrière à l'enseignement spécialisé et j'ai exactement les mêmes préoccupations que vous au sujet de ce projet de loi. Le projet de loi C-11 ne devrait pas faire de discrimination envers les Canadiens, quels qu'ils soient, en fonction de leur race, de leur religion, de leur handicap... Je suis surpris d'entendre que les services ne sont pas accessibles dans nos ambassades étant donné que nombre de nos députés voyagent effectivement à l'étranger et ne manquent pas de parler avec nos consulats sur place.
Pourriez-vous nous dire combien de personnes ont besoin de services adaptés aux handicapés dans nos bureaux à l'étranger.
M. Garry Malkowski (interprétation): En Europe, ça peut se monter à 100 ou à 200 par an. Les demandeurs ne reçoivent en général aucun des services dont ils peuvent avoir besoin. Les voyageurs handicapés comme moi-même ont des difficultés pour leur passeport ou leur visa. Il arrive qu'ils fassent l'objet de discrimination et qu'ils veulent le signaler à l'ambassade canadienne. Toutefois, l'ambassade elle non plus ne dispose pas de locaux adaptés.
Il y a de nombreuses personnes qui font des expériences très difficiles et qui se heurtent à un double obstacle, à une double discrimination, chez elles et à l'étranger. Vous me demandez quels sont les chiffres, mais au Canada il n'y a en fait aucun compte rendu statistique des mesures qui sont prises.
Le président: Bien, je vous remercie.
Merci, Inky.
Anita.
Mme Anita Neville: Très brièvement, je tiens à vous remercier de votre exposé et vous dire combien il est important que vous nous rappeliez quelle est la situation à laquelle vous devez faire face. Je crois comprendre que le ministère de l'immigration a demandé à votre organisation de l'aider à mettre au point une réglementation permettant d'offrir aux malentendants un meilleur accès aux services au Canada. Je me demande si cette procédure a déjà été engagée.
M. Garry Malkowski (interprétation): Je crois savoir que rien n'a été fait. J'ai envoyé une copie de cette lettre et je l'ai fait photocopier pour chacun d'entre vous. C'était le 10 octobre. Les recommandations y figurent toutes. On ne m'a rien répondu. J'ai dû leur envoyer cinq ou six lettres. On m'a dit qu'il fallait attendre que la loi soit adoptée.
Mme Anita Neville: Une fois la loi adoptée, je suppose que la Société canadienne de l'ouïe sera toujours disposée à participer.
M. Garry Malkowski (interprétation): Nous sommes tout à fait disposés à participer et nous faisons de la sensibilisation tout en précisant nos exigences concernant l'adaptation des locaux. Nous sommes prêts à offrir toute l'information nécessaire, de même que des brochures et des revues. Je vous le répète, j'en ai distribué des copies aux députés. Vous pouvez transmettre toute cette information, si vous le voulez, aux bureaux du ministère de l'immigration du Canada. Nous sommes tout à fait disposés à faire ce qu'il faut.
Mme Anita Neville: Je vous remercie.
Le président: Merci, Anita.
M. Garry Malkowski (interprétation): Nous avons cette documentation. Vous pourriez peut-être vous renseigner pour savoir si le ministère l'a reçue et ce qu'il en fait maintenant.
Le président: Comme vous le savez, Garry, la ministre a répondu à votre lettre le 23 novembre, mais je vous invite aussi à collaborer avec le ministère de l'immigration au sujet de la réglementation pour être sûr qu'il se conforme aux besoins. J'espère que nous sommes tous d'accord pour que l'on puisse accéder à tous les services.
• 1320
Merci de votre participation, Garry.
Judy, une dernière question.
M. Garry Malkowski (interprétation): Je me pose une autre question. J'aimerais savoir si Anita peut me conseiller.
Vous n'ignorez pas que nous allons organiser les Jeux de la Fédération mondiale des sourds. Ce sera à Montréal en 2003. Ce qui nous inquiète surtout, ce sont les obstacles placés par les bureaux d'immigration qui risquent d'empêcher nos visiteurs d'assister à cette conférence. Je pense que l'on pourrait prendre des mesures de prévention pour limiter dans la mesure du possible la discrimination à laquelle ils risquent de faire face.
Le président: Merci de nous l'avoir signalé. Je peux vous garantir, Garry, maintenant que vous l'avez fait savoir à notre comité, à l'auditoire qui nous écoute ainsi qu'aux ministres qui sont représentés, que nous nous efforcerons de vous aider dans toute la mesure de nos moyens pour que ces jeux aient le meilleur succès.
Judy.
Mme Judy Wasylycia-Leis: Je voudrais poser rapidement une question concernant la façon d'amender le projet de loi sur la question du fardeau excessif que vous-même et d'autres intervenants avez soulevée. Je crois que les témoins nous ont fait deux recommandations différentes.
Si je comprends bien, c'est l'alinéa 38(1)c) qui est visé. L'une des propositions consisterait à la supprimer purement et simplement. L'autre reviendrait à formuler ainsi les dispositions de l'alinéa 38(1)c): «risquant d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé»...
Le président: Judy, ralentissez un peu pour que tout le monde puisse suivre.
Mme Judy Wasylycia-Leis: On propose que l'alinéa 38(1)c) soit formulé de la manière suivante:
-
risquant d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux
ou de santé en tenant compte de l'ensemble de la situation de la
personne en cause et de sa contribution.
C'est le genre de formulation que l'on a proposée. Je me demande de quelle façon vous aimeriez qu'on rédige cette disposition.
M. Garry Malkowski (interprétation): Vous pouvez voir à la première page de la lettre que j'ai envoyée le 10 octobre au sujet du fardeau excessif, que je recommande que l'on puisse saisir la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Elle a déjà décidé de ne pas appuyer la disposition traitant du fardeau excessif pour la santé dans ce texte de loi. C'est ainsi qu'elle a tranché la question et vous pourriez peut- être consulter cette décision. Je suis d'accord avec ce point de vue.
Je vous renvoie par ailleurs à l'arrêt Eldridge prononcé par la Cour suprême. Là encore, c'est une décision de la Cour suprême traitant expressément des questions de handicap. Assurez-vous que ce texte de loi n'est pas contraire à la décision de la Cour suprême.
Nous recommandons que dans le barème des points on tienne compte de l'anglais comme du français parlés. Nous recommandons que l'American sign language et la LSQ, la Langue des signes au Québec, soient intégrés au barème des points. Ce serait équitable. Pour ce qui est aussi des locaux, il faut que ce soit équitable.
S'il faut abroger cet article, reportez-vous à l'arrêt de la Cour suprême ainsi qu'aux autres décisions pour vous assurer que cette loi s'y conforme.
Le président: Merci, Garry, de vos conseils et de vos recommandations, et merci d'avoir porté cette question importante à notre attention.
Je tiens à remercier Tammy et ceux qui vous ont aidé, et qui ont permis au comité de bien prendre connaissance de votre exposé. Nous leur en sommes très reconnaissants.
Notre comité va lever la séance pendant une demi-heure au moins.
Je prie les témoins qui devaient comparaître à 13 h 30 de m'excuser. Nous avons malheureusement une heure de retard par rapport à l'horaire prévu. Nous serons de retour dans 30 ou 40 minutes.
Je vous remercie.