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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 4 février 2003




¹ 1530
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         M. Larry Chartrand (professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa)
V         Le président
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         M. Larry Chartrand

¹ 1535

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne)
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand

º 1600
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand

º 1605
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)
V         M. Larry Chartrand
V         M. Charles Hubbard
V         M. Larry Chartrand
V         M. Charles Hubbard
V         M. Larry Chartrand
V         M. Charles Hubbard
V         M. Larry Chartrand
V         M. Charles Hubbard
V         M. Larry Chartrand
V         M. Charles Hubbard

º 1610
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand

º 1615
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. Larry Chartrand
V         M. Brian Pallister
V         Le président
V         M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)
V         M. Larry Chartrand
V         M. John Godfrey
V         M. Larry Chartrand

º 1620
V         M. John Godfrey
V         M. Larry Chartrand
V         M. John Godfrey
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne)
V         M. Larry Chartrand
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         M. Larry Chartrand

º 1625
V         Le président
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         M. Larry Chartrand
V         Le président
V         Grand chef Gary Merasty (Grand Conseil de Prince Albert)

º 1630

º 1635

º 1640
V         Le président

º 1645
V         M. Brian Pallister
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Brian Pallister
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Brian Pallister

º 1650
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Brian Pallister
V         Grand chef Gary Merasty
V         Chef Marcel Head (Nation crie de Shoal Lake)
V         Le président
V         M. John Godfrey

º 1655
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. John Godfrey
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. John Godfrey
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty

» 1700
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Grand chef Gary Merasty

» 1705
V         M. Charles Hubbard
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty

» 1710
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Maurice Vellacott
V         Le président
V         M. Brian Pallister

» 1715
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Brian Pallister
V         Grand chef Gary Merasty
V         M. Brian Pallister
V         Grand chef Gary Merasty
V         Le président
V         Mme Anita Neville

» 1720
V         Grand chef Gary Merasty
V         Mme Anita Neville
V         Grand chef Gary Merasty
V         Mme Anita Neville
V         Grand chef Gary Merasty
V         Mme Anita Neville
V         Grand chef Gary Merasty
V         Mme Anita Neville
V         Grand chef Gary Merasty
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         Grand chef Gary Merasty

» 1725
V         Chef Marcel Head
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 021 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous reprenons nos audiences sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Nous sommes contents d'accueillir le professeur Larry Chartrand, de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Bienvenue. Nous vous invitons à nous présenter votre exposé, puis nous vous poserons des questions.

    Monsieur Chartrand, vous avez la parole.

+-

    M. Larry Chartrand (professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Merci de m'avoir invité.

    J'ai un exposé sous format Power Point, qui donne les points saillants du mémoire que je vous ai fourni. Toutes mes excuses pour ne pas avoir fourni ce mémoire plus tôt et ne pas l'avoir fait traduire en français. Je présume qu'il n'a pu être traduit à temps, puisque je l'ai remis hier. J'ai l'exposé sous format Power Point et le mémoire écrit.

+-

    Le président: À moins qu'il y ait une plainte d'un député, nous travaillerons en anglais. Je fais un tour de table et je ne vois pas d'objections.

+-

    M. Larry Chartrand: Merci.

    Je vais d'abord vous dire le titre de cet exposé: Sur la mauvaise voie. Je commencerai par dire pourquoi le droit international des droits de la personne, le droit constitutionnel et la moralité ne permettent pas au Parlement d'agir unilatéralement et d'édicter des lois qui ont une incidence comme celle du projet de loi C-7.

    Tout d'abord, pour que le Parlement puisse adopter ce genre de texte législatif, il faudrait des modifications substantielles. Quand je parle de modifications substantielles, j'entends que le projet de loi doit être carrément mis au rancart, et remplacé par un projet de loi sur la reconnaissance des nations autochtones.

    Autrement, on pourrait aussi, ce qui est moins souhaitable, assortir ce projet de loi d'une clause d'adhésion afin que les Premières nations aient vraiment le choix d'y être assujetties ou pas.

    Il y a diverses raisons pour lesquelles le Parlement ne peut agir unilatéralement en édictant ce projet de loi. Je parlerai de chacune brièvement.

+-

    Le président: Tout d'abord, je dois rappeler que notre comité a pour rôle d'étudier le projet de loi que nous a renvoyé la Chambre des communes. Nous n'allons même pas discuter du pouvoir du Parlement d'adopter ou non des lois; c'est au Président de la Chambre d'en décider. Mais je vous permets de continuer puisque vous avez parlé d'une autre possibilité, soit la clause d'adhésion.

+-

    M. Larry Chartrand: Je parlerai des deux possibilités.

    Tout d'abord, toute action unilatérale va à l'encontre du principe des relations de nation à nation. Elle serait aussi incompatible avec le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Elle ne serait pas non plus conforme aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones non plus qu'avec celles adoptées par le Sénat du Canada dans le rapport présenté par le sénateur Charlie Watt en février 2000, au sujet de l'autonomie gouvernementale. Elle enfreindrait aussi les principes des droits de la personne sur le plan international. Et enfin, plus important encore, probablement, elle irait à l'encontre de l'obligation fiduciaire de la Couronne envers les peuples autochtones.

    Pour ce qui est de la relation de nation à nation, toute action unilatérale va à l'encontre du principe de réconciliation désigné comme interprétation privilégiée de l'article 35 de la Constitution. D'après le juge en chef Lamer, dans l'arrêt Delgamuukw, la meilleure façon de parvenir à la réconciliation, c'est la négociation. L'imposition unilatérale du projet de loi C-7 aux Premières nations va à l'encontre de cette vision de la réconciliation.

    De plus, cette action unilatérale ne cadre pas avec les traditions relatives à la conclusion de traités avec les nations autochtones. Le projet de loi C-7 empiète sur le droit de gouvernance protégé par les traités actuels. Les traités ne peuvent pas être modifiés unilatéralement et le projet de loi C-7 dans son libellé actuel enfreint l'article 35, sans le consentement des Premières nations signataires de traités. C'est l'un des problèmes associés à l'action unilatérale proposée.

    Le deuxième, c'est qu'elle enfreint le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Les Premières nations ont un droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Il est confirmé par le droit autochtone canadien, par des instruments internationaux sur les droits de la personne et en droit coutumier international. Ainsi, comme a statué le juge Williamson à la page 37 de l'arrêt Campbell, le droit à l'autonomie gouvernementale subsistait après la revendication de la souveraineté par la Couronne britannique, même s'il a été érodé pour n'inclure aujourd'hui que les questions qui ont une incidence sur les affaires internes des Premières nations. Deuxièmement, dans la mesure où la LGPN délègue des pouvoirs aux Premières nations, elle est incompatible avec ce droit inhérent.

    Pour ce qui est des recommandations de la Commission royale, la modification de la Loi sur les Indiens n'est pas une solution envisageable. Or, ce projet de loi est essentiellement une modification de la Loi sur les Indiens. Il serait préférable d'adopter une loi sur la reconnaissance des nations autochtones, qui d'après la Commission royale, fixerait des principes et des procédures régissant les négociations consensuelles sur la gouvernance autochtone.

    Dans le rapport du comité permanent du Sénat, on reconnaît que l'autonomie gouvernementale est un droit inhérent des peuples autochtones. Le comité recommande la création d'un cadre législatif favorisant les négociations. Ses recommandations sont conformes aux principes internationaux des droits de la personne relativement à la gouvernance des peuples autochtones. L'existence même du projet de loi C-7 semble toutefois indiquer que le ministre Nault et la Chambre des communes ne se préoccupent pas tellement des principes du droit international.

    Il est intéressant de signaler que le comité du Sénat a adopté pour ce rapport une procédure spéciale, à savoir que des représentants autochtones faisaient partie intégrante du comité pendant ses délibérations. Je me demande si le comité de la Chambre a envisagé d'en faite autant.

¹  +-(1535)  

    Pour ce qui est des principes internationaux, l'article 20 du Projet de déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones prévoit ceci:

    

Les peuples autochtones ont droit de participer pleinement, s'ils le souhaitent, suivant des procédures qu'ils auront déterminées, à l'élaboration de mesures législatives ou administratives susceptibles de les concerner. Avant d'adopter et d'appliquer de telles mesures, les États doivent obtenir le consentement, exprimé librement et en toute connaissance de cause, des peuples intéressés.

    Nombre de spécialistes du droit international sont d'avis que ces principes font maintenant partie intégrante du droit international coutumier. Comme vous le savez, le Canada est lié par les normes coutumières du droit international et ce principe doit donc être respecté par le Canada.

    Mais plus important encore, que cela soit ou non vrai, le droit constitutionnel canadien, par le cadre conceptuel de la relation fiduciaire prévue à l'article 35 de la Constitution, exige aussi le respect de ce principe.

    Au sujet de la relation fiduciaire, si le projet de loi est adopté sans clause d'adhésion, ce sera une violation de l'obligation de fiduciaire de la Couronne, puisque la Loi sur les Indiens a d'abord été modifiée pour remplacer les gouvernements traditionnels par des gouvernements élus fondés sur les conseils de bande, et ne protège donc pas les intérêts des peuples autochtones.

    La logique invoquée pour l'imposition de ces gouvernements est colorée de racisme, puisqu'on semble penser que les gouvernements traditionnels ne sont pas suffisamment civilisés. Une Loi sur la gouvernance des Premières nations qui présume que les pouvoirs des bandes leur sont délégués, et qu'ils ne sont que des extensions du gouvernement fédéral, irait à l'encontre de cette obligation de fiduciaire.

    On pourra dire que le gouvernement fédéral peut agir unilatéralement, s'il respecte les critères de justification énoncés dans l'arrêt Sparrow, sur la consultation. Il n'a qu'à consulter les peuples autochtones sans nécessairement obtenir leur consentement. En fait, cela ne répond pas aux critères fixés par le juge en chef Lamer.

    Dans l'arrêt Delgamuukw, le juge en chef Lamer a dit que dans la plupart des cas, la consultation «exigera beaucoup plus qu'une simple consultation». Il a aussi ajouté que certaines situations pourraient même exiger l'obtention du consentement d'une nation autochtone. Entre ces deux positions, il faut se demander où s'inscrit le projet de loi, en raison de l'importance des changements pour les Premières nations.

    Le consentement est nécessaire, et voici pourquoi: les changements apportés par le projet de loi sont-ils un empiétement mineur, permettant au ministre de se contenter d'une consultation, selon l'arrêt Delgamuukw de la Cour suprême du Canada, ou sont-ils si importants—le choix des dirigeants, le pouvoir de légiférer, la gestion des bandes, l'administration financière, les pouvoirs d'application des lois, etc.—qu'ils justifient l'obtention de rien de moins que le consentement absolu des Premières nations?

    La réponse est évidente. Si le gouvernement va de l'avant unilatéralement sans clause d'adhésion, il enfreindra le principe énoncé par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Delgamuukw.

    Il faut alors se demander: Quelles options sont possibles? On peut mettre au rancart la Loi sur la gouvernance des Premières nations ou créer une loi acceptable sur la reconnaissance des nations autochtones ou, à tout le moins, veiller à ce que la Loi sur la gouvernance des Premières nations comporte une clause d'adhésion.

    Le Congress of Aboriginal Peoples qui a témoigné la semaine dernière, je crois, a proposé un texte législatif sur la reconnaissance des nations autochtones et je suis convaincu qu'il le présenterait volontiers au Parlement. L'ébauche est déjà terminée; ce texte est prêt. Cela vous épargnerait du temps.

¹  +-(1540)  

    Si, comme vous le disiez, monsieur le président, ce n'est pas une option, il serait préférable d'avoir une clause d'adhésion. Une telle clause serait importante, car il faut que l'adhésion à cette mesure législative soit volontaire. Ce n'est pas nécessaire de l'imposer aux Premières nations. Les objectifs de la Loi sur la gouvernance des Premières nations, comme le choix des dirigeants, l'obligation de rendre compte, etc., sont autant de principes de bonne gouvernance que n'importe quel gouvernement voudrait défendre.

    À la page 9 de mon mémoire, je dis que dans la mesure où ces principes ne se retrouvent pas déjà dans les mécanismes de gouvernance des Premières nations, le public et les autres gouvernements peuvent encourager celles-ci à les adopter. Toutefois, il appartient à chaque Première nation de décider de les adopter et, au besoin, de les modifier afin de les rendre conformes à leurs valeurs.

    Les programmes d'encouragement comme, par exemple, un programme de gestion financière et de reconnaissance professionnelle visant à inciter les dirigeants des Premières nations à faire preuve d'une plus grande transparence dans leur gestion financière et à rendre des comptes plus souvent, entraînerait une amélioration. Ce genre d'encouragement, accompagné, bien entendu, de la formation nécessaire pour que les responsables soient en mesure de s'acquitter de leurs fonctions, serait mieux reçu que l'imposition unilatérale de normes. Il y a déjà beaucoup de résistance parmi les Autochtones à la Loi sur la gouvernance des Premières nations et si elle est édictée, les collectivités de Premières nations s'y opposeront farouchement. Il sera difficile, voire impossible, de l'appliquer.

    Les Premières nations respecteront peut-être la lettre de la loi, mais en cherchant—et probablement très activement—les moyens de l'éviter. Il sera peut-être possible d'imposer le respect de certains aspects, mais s'il y a de la résistance, les Premières nations feront le strict minimum. Elles ne feront aucun effort pour faire plus que le strict minimum. Elles bloqueront le progrès si elles sentent le besoin de réagir à l'imposition importune de normes et de pratiques. Elles perdront l'envie d'adopter ces réformes qui pourraient donner des résultats positifs en assurant une bonne gouvernance efficace.

    C'est mon principal argument. Si ce projet de loi est adopté sans clause d'adhésion, la loi sera inconstitutionnelle, un point c'est tout. Cela étant dit, si le comité modifie le projet de loi pour y ajouter une clause d'adhésion, la Loi sur la gouvernance des Premières nations comporte d'autres problèmes qu'il faudra régler.

    J'ai identifié trois problèmes. En outre, j'ai lu un certain nombre d'autres mémoires qui traitent de certaines dispositions qui pourraient être contraires aux dispositions de la Constitution ou de la Charte. Pour le moment, j'aimerais examiner une seule de ces dispositions, soit l'alinéa 17(1)a) du projet de loi.

    Je cite:

La protection et la conservation des ressources naturelles dans la réserve, ainsi que leur disposition, à l'exception de la faune et des poissons ou de celles dont il ne peut être disposé en conformité avec une cession faite en vertu de la Loi sur les Indiens, à des fins personnelles ou commerciales;

    Cette disposition pose de sérieux problèmes. Si vous limitez la capacité des Premières nations de commercialiser la faune ou le poisson, vous portez atteinte au principe du titre que détiennent les Autochtones à l'égard des terres des réserves indiennes.

    Premièrement, il faut que vous sachiez que la Cour suprême du Canada a déjà reconnu, dans l'affaire Gladstone, que les Premières nations bénéficient d'un droit de récolte commerciale des ressources naturelles comme le poisson. Cette disposition est donc contraire à ce précédent.

¹  +-(1545)  

    Deuxièmement, une Première nation bénéficie dans ses réserves d'un droit de propriété qui vise toutes les ressources naturelles qu'on y trouve. Puisqu'il s'agit d'un droit de propriété sui generis, une Première nation peut disposer de ses ressources à des fins personnelles ou commerciales pour autant qu'elle ne menace pas le maintien des terres dans l'état où elles étaient utilisées au moment où la souveraineté en a été revendiquée. De nombreux universitaires, y compris le professeur Kent McNeil dans son livre, ont relevé cet aspect litigieux.

    L'autre question dont je voulais vous parler un peu concerne la modification qu'on propose d'apporter à la Loi canadienne sur les droits de la personne pour en abroger la disposition d'exemption. Je pense que c'est une bonne modification. Le seul problème c'est qu'elle ne doit pas s'appliquer uniquement aux conseils de bande des Premières nations mais également aux simples citoyens qui fournissent des biens et des services dans les réserves. Je vous dis cela car on ne sait pas dans quelle mesure les régimes provinciaux des droits de la personne s'appliquent aux collectivités des bandes indiennes.

    Dans mon mémoire, je mentionne une affaire qui est pertinente à cette question. Il s'agit de l'affaire Berg c. Derrickson. La plaignante s'est adressée à la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique en soutenant qu'elle avait subi une discrimination en raison de son âge parce qu'il lui était interdit d'habiter dans un parc pour caravanes réservé aux personnes âgées de 45 ans et plus. La Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique s'est récusée en déclarant que cette affaire relevait de la compétence du gouvernement fédéral puisqu'elle portait sur l'utilisation d'un terrain. L'utilisation des terres est au coeur de la compétence fédérale et c'est pourquoi les provinces sont exclues, comme vous le savez.

    Mme Berg s'était d'abord adressée à la Commission canadienne des droits de la personne qui avait refusé de l'entendre puisqu'à son avis il s'agissait d'une affaire privée, soit une plainte contre quelqu'un qui exploite un parc de caravanes, qui relevait donc de la compétence provinciale. Mme Berg n'a pu obtenir justice. En fait, elle n'a même pas pu se faire entendre. Sa demande s'est butée à un vide juridique énorme.

    Je suis convaincu que ce n'est pas la dernière fois que la Commission canadienne des droits de la personne se récuse sous prétexte qu'une affaire relève de la compétence provinciale. Nous pouvons régler ce problème et assurer à tous l'accès à la Commission des droits de la personne en faisant en sorte que la modification s'applique non seulement aux conseils de bande mais également aux simples citoyens qui ont des activités dans une réserve.

    L'autre problème que pose l'abrogation de cette disposition concernant la Commission canadienne des droits de la personne a déjà été mentionné par d'autres témoins. Le libellé de la disposition censée permettre de soupeser les besoins et les aspirations est trop général. Si le libellé actuel est maintenu, un conseil de bande pourra invoquer toute une gamme de raisons pour justifier un empiètement sur un droit de la personne fondamental. Il conviendrait sans doute de formuler cette disposition afin de préciser très clairement que les seuls intérêts qui peuvent justifier un empiètement sur un droit de la personne sont les intérêts du conseil de bande.

    L'accord de Charlottetown proposait de modifier l'article 25 de la charte dans le but de parvenir de manière semblable à un équilibre entre les droits garantis par la charte et les intérêts collectifs de la bande. Le libellé de cette disposition pourrait être adapté de manière à refléter de manière plus précise les besoins des Premières nations dans ce domaine. Je cite cette disposition à la page 11:

Rien dans la Charte ne porte atteinte aux droits ancestraux, issus de traité ou autres des peuples autochtones et en particulier à leurs droits et libertés relatifs à la protection de leurs langues, cultures et traditions.

¹  +-(1550)  

    Plutôt que «besoins et aspirations», on pourrait prévoir un libellé plus conforme aux préoccupations des Premières nations en matière d'intérêts collectifs, tels que la protection de la langue, de la culture et des traditions. Une telle disposition serait plus pratique. Les bandes sauront ce qu'elles peuvent faire pour protéger leurs intérêts collectifs et leurs cultures. De même, les particuliers sauront quand leurs intérêts individuels doivent s'éclipser devant les intérêts collectifs de la réserve.

    Ma dernière observation portera sur la nécessité de prévoir un mécanisme de reddition de comptes au sein du gouvernement fédéral. Je sais que mon collègue Brad Morris en a aussi traité et qu'il viendra vous en parler, si ce n'est pas déjà fait.

    À la page 12 de son mémoire, il signale qu'il est un peu paradoxal que le gouvernement fédéral s'inquiète tant des comptes que les bandes doivent rendre à leurs membres, alors qu'il n'a lui-même aucun mécanisme de reddition de comptes l'égard des Premières nations, collectivement ou individuellement. Il n'existe aucun mécanisme pour les collectivités autochtones qui voudraient se plaindre d'une décision prise par un agent du gouvernement fédéral ou les autorités fédérales et qui pourrait avoir une incidence sur leurs intérêts.

    Toutes les provinces ont un ombudsman. Le gouvernement fédéral, lui, n'en a pas. Ce pourrait être une solution. Pour l'instant, les Premières nations doivent recourir aux tribunaux ou aux quelques institutions qui existent, telles que la Commission des revendications des Indiens.

    Il y a donc une grave lacune à ce chapitre, une lacune que le gouvernement fédéral doit combler. Si nous voulons que les Premières nations adoptent des principes de reddition de comptes, il importe que le gouvernement fédéral s'intéresse d'abord à sa propre situation, à ce qu'il fait pour rendre des comptes aux Premières nations, et qu'il s'assure d'offrir des recours aux Premières nations.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Pourriez-vous conclure?

+-

    M. Larry Chartrand: C'était là mes remarques, je serai ravi de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Je voulais m'assurer que nous aurions, justement, du temps pour les questions.

    Nous commençons par M. Pallister. Vous avez neuf minutes.

+-

    M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Merci, monsieur. Merci de votre exposé.

    Voilà déjà un moment que nous proposons la création d'un poste d'ombudsman national. Nous ne croyons pas que le concept d'une personne nommée par le chef pour recevoir les plaintes et imposer des mesures correctives soit indiqué dans la plupart des collectivités autochtones. Je suis heureux que vous abondiez dans le même sens.

    Vous avez fait mention de la possibilité de créer, au sein de la Commission canadienne des droits de la personne, une section traitant uniquement des questions autochtones. Ce modèle ne pourrait-il pas marcher aussi pour le bureau d'un ombudsman qui constituerait le premier palier de traitement des plaintes?

    Ça me semble bien nécessaire, car il importe de bien comprendre la culture, les traditions et le patrimoine autochtone et le contexte dans lequel ils existent. Croyez-vous que ce serait une bonne idée?

+-

    M. Larry Chartrand: Oui. Nous avons besoin d'un organisme national, dont le mandat serait plutôt large, qu'on l'appelle le bureau de l'ombudsman ou non. Ça permettrait aux Premières nations d'obtenir réparation dans les cas où une décision du conseil de bande nuit à leurs intérêts. Il peut s'agir d'une question de droits de la personne, mais aussi d'autres choses découlant de la Loi de la gouvernance des Premières nations...

+-

    M. Brian Pallister: Tels que les litiges concernant les élections.

+-

    M. Larry Chartrand: En effet. Un organisme aux fonctions très larges comptant des représentants autochtones, serait une bonne solution. Il pourrait recevoir toutes sortes de plaintes.

    Le seul problème, c'est que les collectivités autochtones du Canada sont très diversifiées. Un organisme national ne pourrait peut-être pas répondre aux besoins de ces collectivités très diverses. Je sais que certaines Premières nations ont déjà nommé une personne chargée de recevoir les plaintes, car elles prévoient qu'il leur incombera de résoudre ces litiges.

    Moi, je pense qu'il faut y réfléchir plus longuement. Certaines Premières nations devront certainement y réfléchir davantage et mener encore des consultations à ce sujet.

º  +-(1600)  

+-

    M. Brian Pallister: Vous avez soulevé une question que nous avons abordée avec d'autres témoins, à savoir la dichotomie, si je puis dire, entre, d'une part, le respect des traditions et de la culture autochtones et, d'autre part, le respect des droits individuels de tous les Canadiens, qu'ils soient autochtones ou non. Comment pouvons-nous respecter les traditions d'une collectivité, d'une culture ou d'une nation qui différencie selon le sexe tout en affirmant que les deux sexes sont égaux selon les valeurs canadiennes qui nous sont chères? Essaie-t-on de ménager la chèvre et le chou?

+-

    M. Larry Chartrand: Je ferai deux ou trois observations à ce sujet. Premièrement, les Premières nations en tant que gouvernements sont influencées par les grandes tendances en matière de droits de la personne, comme tous les autres gouvernements. Les Premières nations évoluent, comme toute autre société, et leurs coutumes, traditions et valeurs évoluent aussi. Cela signifie simplement qu'il faut s'assurer de reconnaître les droits fondamentaux de la personne. Mais il faut en même temps veiller à ne pas porter atteinte à l'autonomie des Premières nations.

    En ce qui a trait à la discrimination fondée sur le sexe...

+-

    M. Brian Pallister: Je suis désolé de vous interrompre, Larry, mais vous dites qu'il faut déterminer ce qui est le plus important. Si vous croyez qu'il importe davantage de faire montre de respect pour la nation, vous accepterez qu'elle empiète dans une certaine mesure sur les droits individuels. Il faut donc déterminer ce qui revêt le plus d'importance, n'est-ce pas?

+-

    M. Larry Chartrand: C'est exact. Si vous voulez respecter les Premières nations comme nations autonomes, vous devez leur permettre de trouver cet équilibre de leur point de vue à elles. Déjà, le paragraphe 35(4) de la Constitution prévoit qu'elles ne feront pas de discrimination fondée sur le sexe. Elles ont accepté cette modification pendant les pourparlers constitutionnels.

+-

    M. Brian Pallister: Vous avez dit que ce n'était pas un facteur important. Le projet de loi prévoit néanmoins qu'on tienne compte des traditions et de la culture autochtones, sauf en ce qui concerne l'égalité des sexes. Mais n'y a-t-il pas une autre approche, qu'on appelle, je crois, l'approche intersectionnelle, qu'on utilise pour prouver à une commission des droits de la personne que nos droits ont été violés? Il est très difficile pour une femme de prouver que ses droits ont été violés tout simplement parce qu'elle est une femme. Il y a peut-être d'autres motifs de discrimination qui entrent en jeu.

    Je suis heureux que vous ayez exprimé vos préoccupations sur la disposition d'interprétation. Je partage vos inquiétudes. Toutefois je ne suis pas certain que l'amendement que vous proposez réglerait la question de l'égalité des sexes. Il parle du respect des traditions, mais, la tradition ne prévoit pas le respect des femmes. Je ne crois pas que ce soit une bonne approche que de respecter les traditions d'un groupe qui ne respecte pas les droits de tous.

+-

    M. Larry Chartrand: Je vous dirai simplement qu'il serait difficile pour les Premières nations de justifier une forme de discrimination fondée sur le sexe compte tenu du paragraphe 35(4) de la Constitution.

    Pour ce qui est de l'approche qu'adoptent les commissions des droits de la personne, il faut bien comprendre l'approche intersectionnelle et s'assurer que les motifs de discrimination ne comprennent pas le sexe. On ne peut pas toujours envisager la situation d'un point de vue aussi restrictif. Il incomberait à la commission compétente de déterminer quelles mesures permettraient de corriger la situation sans toutefois aller trop loin.

º  +-(1605)  

+-

    M. Brian Pallister: On a beaucoup fait état des problèmes que connaît la Commission canadienne des droits de la personne actuellement: arriérés de travail, retards, manque de ressources, etc. En confiant cette responsabilité supplémentaire à une bureaucratie déjà surchargée, on ne rendrait pas nécessairement service aux Autochtones qui tiennent à ce que leurs droits soient protégés. Cela ne vous inquiète-t-il pas?

+-

    M. Larry Chartrand: C'est l'une des raisons qui m'ont amené à suggérer une section distincte qui se consacrerait uniquement aux questions autochtones. Sinon, et c'est l'approche que je privilégierais, on pourrait créer un organisme aux pouvoirs très larges.

+-

    M. Brian Pallister: Merci de votre suggestion.

+-

    Le président: Monsieur Hubbard, vous avez la parole.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, professeur Chartrand.

    M. Pallister et nous tous, je crois, sommes aux prises avec les notions de gouvernement, d'autonomie gouvernementale, de Constitution et de droits de la personne. C'est un domaine très vaste.

    Vous-même, quel est votre champ de spécialisation à l'Université d'Ottawa?

+-

    M. Larry Chartrand: J'enseigne le droit autochtone.

+-

    M. Charles Hubbard: Vous exprimez-vous aujourd'hui en votre nom personnel ou au nom de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa?

+-

    M. Larry Chartrand: Il s'agit de ma propre interprétation du droit autochtone et des principes internationaux qui s'appliquent à la mise en oeuvre de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. J'ai aussi indiqué que je ne suis pas le seul à exprimer ces opinions. Je suis certain que bien d'autres juristes sont du même avis.

+-

    M. Charles Hubbard: Le mot «gouvernement» est lourd de sens, car il y a toutes sortes de gouvernements. Il y a le gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, municipaux, ecclésiastiques, et ainsi de suite. Comment définissez-vous le gouvernement?

+-

    M. Larry Chartrand: C'est l'institution où la voix politique de la communauté s'exprime au quotidien. Si on emploie une définition plus précise, on connaît le genre de problèmes auxquels j'ai fait allusion.

+-

    M. Charles Hubbard: Tout gouvernement existe en vertu d'une constitution ou d'un code. Si on va un peu plus loin, on arrive à la notion d'«autonomie gouvernementale».

    Quelle distinction faites-vous entre le gouvernement et l'autonomie gouvernementale?

+-

    M. Larry Chartrand: Il s'agit essentiellement de la même chose, mais le terme «autonomie gouvernementale» a été employé en droit autochtone parce que la Loi sur les Indiens a été imposée aux Premières nations pendant très longtemps. On a imposé une forme de gouvernement aux Premières nations et aux peuples autochtones.

    Lorsque nous avons commencé à chercher des façons d'accroître notre autonomie, nous nous sommes dit que le point de départ devrait être l'autonomie gouvernementale, par opposition au gouvernement imposé par d'autres.

+-

    M. Charles Hubbard: Par conséquent, le gouvernement provincial ou le gouvernement de la ville d'Ottawa sont des formes d'autonomie gouvernementale?

+-

    M. Larry Chartrand: C'est exact. Ceux qui composent le gouvernement fédéral exercent l'autonomie gouvernementale. Aucune autre entité ne leur impose une structure gouvernementale.

+-

    M. Charles Hubbard: À l'époque de la Confédération, il n'y avait pas de gouvernement municipal en Ontario. Je ne suis pas certain que ces municipalités se soient jamais définies comme exerçant l'autonomie gouvernementale, car elles doivent leur existence à un autre gouvernement .

    Lorsqu'on parle d'autonomie gouvernementale des Autochtones, on parle du Créateur. Autrement dit, c'est le Créateur qui est la source de cette autonomie, celui qui veille sur tous les peuples depuis des millénaires. Votre définition du gouvernement et de l'autonomie gouvernementale me laisse un peu perplexe. Dans votre exposé, vous dites que le gouvernement fédéral ne devrait pas tenter d'imposer des règles ou des codes, l'obligation d'adopter des règles ou des codes ou une forme de gouvernement quelconque à un autre palier de gouvernement.

    Quelle est donc la solution au problème que vous tentez de créer pour notre comité? Quelle solution pourriez-vous suggérer à notre président et à notre comité pour ce qui est de déterminer ce qu'est un gouvernement et qui en est responsable?

º  +-(1610)  

+-

    M. Larry Chartrand: La meilleure solution, à mon sens, se fonderait sur les recommandations de fond formulées par la Commission royale sur les peuples autochtones, qui rejoignent celles des rapporteurs ailleurs dans le monde s'occupant des traités et des droits issus de traités et celles du comité sénatorial qui, dans son rapport, recommande la mise en place d'un cadre législatif devant essentiellement servir de processus de négociation en matière de gouvernance. On ne prédétermine pas ce à quoi ressemblera le gouvernement, quels seront les principes et les valeurs que les Premières nations devront respecter; on permet aux nations de négocier avec le gouvernement fédéral en tenant compte de leur diversité et de leurs besoins et, pour ce faire, on se dote d'un cadre général et national.

    Cela peut être très simple ou très complexe. J'estime que plus c'est simple, mieux c'est. On pourrait notamment adopter une loi reconnaissant les nations autochtones, un processus qu'ont adopté les États-Unis dans les années 70. Les États-Unis ont une loi qui reconnaît les tribus autochtones. Dès qu'une tribu est reconnue comme telle, le gouvernement doit négocier des arrangements financiers et d'autres questions liées aux compétences.

+-

    Le président: Il vous reste 45 secondes.

+-

    M. Charles Hubbard: Vous venez d'employer un mot que nous n'avons pas employé souvent ici, le mot «tribu». Dans le contexte de Rassembler nos forces et compte tenu des bandes et Premières nations qui existent au pays, pourriez-vous expliquer le sens du mot «tribu» selon l'approche américaine ou selon votre interprétation?

+-

    M. Larry Chartrand: Aux États-Unis, on préfère le mot «tribu». Ce mot est employé depuis longtemps dans l'histoire américaine, depuis les décisions Worcester et M'Instosh dans lesquelles le juge Marshall a reconnu la souveraineté inhérente des tribus américaines des États-Unis. L'organisation collective d'une communauté autochtone qui jouit de l'autonomie gouvernementale est appelée «tribu» aux États-Unis.

    On pourrait employer ce mot pour décrire les nations traditionnelles au Canada, bien que l'on ne l'emploie plus. Au Canada, on préfère le mot «nations». Nation et tribu sont presque des notions équivalentes, qui se définissent toutefois en fonction de la Constitution et des lois intérieures ainsi que de la structure politique de chaque peuple autochtone.

+-

    Le président: Monsieur Pallister, vous avez quatre minutes.

+-

    M. Brian Pallister: Avec la Loi sur les Indiens, nous avons bousillé la structure organisationnelle qui existait. C'est assez évident. Mais il y maintenant plus de 600 collectivités—pas des Premières nations, mais des collectivités—comprenant, selon la CRPA, de 50 à 60 Premières nations. Remettre de l'ordre dans tout cela est une tâche presque insurmontable. Ce n'est d'ailleurs pas ce que l'on se propose de faire avec ce projet de loi. Plutôt, on y propose l'adoption de 600 codes différents, de 600 mécanismes d'application différents, de 600 ombudsman différents, etc.

    Vous êtes un homme intelligent. Vous étudiez ces questions depuis longtemps. Pourriez-vous nous proposer un modèle qui serait plus coûteux et moins efficace que ce qu'on propose dans ce projet de loi?

+-

    M. Larry Chartrand: Plus coûteux?

+-

    M. Brian Pallister: D'après votre grande expérience, est-ce qu'il y aurait quelque chose de plus coûteux et de moins efficace que ce qui est proposé dans ce projet de loi?

+-

    M. Larry Chartrand: Ce serait difficile à concevoir.

º  +-(1615)  

+-

    M. Brian Pallister: Oui, n'est-ce pas?

    Une structure qui protégerait moins bien les droits des peuples autochtones, qui ferait en sorte que l'intimidation et l 'abus de pouvoir—l'écart entre le pouvoir des dirigeants et le pouvoir des personnes dans les réserves—ne s'accentue pas...est-ce que cela ne serait pas plus risqué?

    Le ministre et certains de ses défenseurs affirment maintenant qu'il faut procéder par étape, qu'il faut commencer par quelques petits changements parce que les grands changements ne sont pas encore possibles, que ce projet de loi est préférable au statu quo. Si le statu quo représentait un sur dix, que serait ce projet de loi?

+-

    M. Larry Chartrand: Un sur dix...

+-

    M. Brian Pallister: Sur une échelle de un à dix, où dix est la meilleure, si le statu quo mériterait un sur dix, quel serait d'après vous l'effet de cette mesure? Quelle note donneriez-vous sur dix à la société dans laquelle les Canadiens et les Canadiens autochtones vivraient dans trois ou cinq ans à la suite de la promulgation de cette loi?

+-

    M. Larry Chartrand: Cela vous surprendra peut-être, mais je lui donnerais sans doute une note de six ou sept.

+-

    M. Brian Pallister: Pourquoi?

+-

    M. Larry Chartrand: Simplement parce qu'il y a en fait...

+-

    M. Brian Pallister: Vous n'êtes pas avocat, n'est-ce pas?

+-

    M. Larry Chartrand: Non.

+-

    M. Brian Pallister: Vous n'espérez pas gagner beaucoup d'argent en raison des contestations qui découleront de l'adoption de cette loi?

+-

    M. Larry Chartrand: Non, non, je n'exerce pas le droit.

+-

    M. Brian Pallister: Vous n'avez pas beaucoup de collègues avocats qui s'occupent de litiges, n'est-ce pas?

+-

    M. Larry Chartrand: Oui, malheureusement.

+-

    M. Brian Pallister: Vous êtes du milieu juridique. Je demandais simplement.

+-

    Le président: Mais laissez-le répondre.

+-

    M. Larry Chartrand: Il y a en fait certains éléments de la Loi sur la gouvernance des Premières nations qui sont très bons.

+-

    M. Brian Pallister: Pourriez-vous s'il vous plaît nous en signaler trois, pour que nous puissions supprimer le reste?

+-

    M. Larry Chartrand: Il y a notamment la transparence accrue des conseils de bande et l'obligation qui leur est faite de consigner leurs textes législatifs et leurs états financiers dans un registre pour que tout le monde puisse y avoir accès.

+-

    M. Brian Pallister: Très bien. Ensuite.

+-

    Le président: Monsieur Pallister, quand notre témoin prend la parole, il s'adresse à nous tous; ce n'est pas une conversation à deux.

+-

    M. Brian Pallister: Je vais m'adresser à lui par votre entremise, monsieur le président.

+-

    Le président: Non, laissez-le simplement répondre. C'est tout ce que je vous demande.

+-

    M. Brian Pallister: Je veux qu'on réponde à la question, monsieur.

+-

    Le président: Tout à fait, alors, ne l'interrompez pas de grâce.

+-

    M. Larry Chartrand: C'est là un élément très valable de la Loi sur la gouvernance des Premières nations, mais il s'agit tout simplement d'une des exigences de la bonne gouvernance. On trouve ici un certain nombre de principes qui sont assez bons et qui ne font que refléter les exigences de la bonne gouvernance; les conseils de bande devraient les adopter simplement parce qu'ils veulent être de bons gouvernements; des gouvernements efficaces.

    La difficulté ne vient pas toutefois du fait qu'il n'y a rien de bon dans cette mesure. Elle vient du fait qu'on veuille l'imposer de façon unilatérale aux Premières nations, en violation du droit constitutionnel.

+-

    M. Brian Pallister: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

+-

    Le président: Non.

    Monsieur Godfrey, vous avez six minutes.

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je veux poursuivre la discussion là-dessus et essayer je suppose, de réconcilier certains de vos propos. Ainsi, vous dites que des changements de cet ordre exigent le plein consentement. Vous soutenez qu'il faut le plein consentement de la nation autochtone concernée. Ce qui m'intéresse donc, je suppose, c'est de savoir ce qui, d'après vous, constituerait un moyen ou une méthode acceptable pour déterminer qu'on a effectivement obtenu le plein consentement. Voilà une question pour vous.

    Ensuite, vous nous avez présenté sur l'écran deux possibilités. La première était de rejeter carrément la mesure et d'opter plutôt pour...

+-

    M. Larry Chartrand: La reconnaissance des Premières nations.

+-

    M. John Godfrey: ...une loi sur la reconnaissance des Premières nations. Puis, vous avez dit que, si nous tenons absolument à nous engager dans cette voie, il faudrait prévoir une clause d'adhésion volontaire. Or, si nous décidions de faire comme vous dites et que nous avions le plein consentement—quel que soit le moyen sur lequel on se sera entendu avec la nation autochtone pour le définir—, aurions-nous d'après vous l'autorité, à partir de ce plein consentement, d'imposer la loi telle qu'elle est énoncée à l'heure actuelle, mais avec des modifications? Ou dites-vous que, quelles que soient les circonstances, il faudrait quand même cette clause d'adhésion volontaire? La clause d'adhésion volontaire est-elle nécessaire du fait que nous n'avons pas le plein consentement?

    Vous voyez où je veux en venir.

+-

    M. Larry Chartrand: Oui, en fait, cela pourrait se faire de deux façons. On pourrait permettre aux conseils de bande et aux Premières nations d'adhérer volontairement au train de mesures avec les améliorations qui y auraient été apportées, tout comme dans le cas de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations. Les collectivités peuvent y adhérer volontairement.

    On pourrait instituer un processus par lequel les Premières nations pourraient indiquer leur volonté d'adhérer, après quoi la Loi sur les Indiens ne s'appliquerait plus, et ce serait la Loi sur la gouvernance des Premières nations et la Loi sur les Indiens qui s'appliqueraient. Ce serait là une façon de procéder. On tiendrait un registre national des Premières nations qui auraient adhéré à la loi et à cette nouvelle structure.

º  +-(1620)  

+-

    M. John Godfrey: Si nous options pour cette façon de faire, le processus dans lequel nous sommes actuellement engagés, où nous n'aurions pas le plein consentement, suffirait alors pour nous conduire à tout le moins à l'adhésion volontaire. Est-ce bien là ce que vous dites?

+-

    M. Larry Chartrand: Oui, je crois que, si chacune des Premières nations était autorisée à adhérer individuellement, cela serait parfaitement acceptable. Elles pourraient alors décider de ne pas adhérer ou de maintenir le statu quo. Bien entendu, le statu quo n'est pas acceptable non plus, et le gouvernement manquerait à ses obligations s'il ne cherchait pas à faire adopter une loi sur la reconnaissance des Premières nations ou à poursuivre les négociations sur l'autonomie gouvernementale. Toutes les mesures que l'on pourrait prendre seraient considérées comme provisoires de toute façon, sous réserve de la conclusion d'accords d'autogouvernance avec les Premières nations.

+-

    M. John Godfrey: Très bien. Merci.

+-

    Le président: Monsieur Vellacott, vous avez deux minutes. C'est deux minutes pour la question et la réponse.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Je me demandais ceci, Larry: les pouvoirs que prévoit le projet de loi C-7 pour ce qui est des visites, des fouilles, des perquisitions ou des saisies vous préoccupent-ils, et pensez-vous qu'ils sont beaucoup plus vastes qu'ils ne devraient l'être et qu'ils pourraient être contestés en vertu du droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives garanti par la charte?

+-

    M. Larry Chartrand: Il y a un certain temps que je n'enseigne plus le droit pénal, mais j'ai examiné les dispositions en question et j'ai lu des avis juridiques à ce sujet. Il est fort possible que les pouvoirs soient trop vastes dans certains cas et que la distinction qui est faite entre les pouvoirs relatifs aux fouilles, aux perquisitions et aux saisies et les pouvoirs relatifs aux visites ouvre tout grand la porte aux abus. Les pouvoirs relatifs aux visites sont ceux qui sont les plus préoccupants. Ils ne semblent pas différer des pouvoirs relatifs aux fouilles, aux perquisitions et aux saisies, et de ce fait, il y aurait certainement des contestations en vertu de la charte.

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci.

+-

    Le président: Madame Karetak-Lindell, vous avez deux minutes.

+-

    Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je veux simplement faire une toute petite observation. À la page 9 de votre mémoire, vous dites que les objectifs de la LGPN peuvent être réalisés sans violer les principes fondamentaux des relations entre Autochtones et Canadiens. Cela me dérange un peu, car vous semblez partir du principe que nous ne sommes pas des Canadiens. Certains posent beaucoup de questions à cet égard: les membres des Premières nations se considèrent-ils comme des Canadiens?

    Mon autre observation concerne votre conclusion, où vous parlez d'être sur la mauvaise route. Depuis que je conduis, j'ai constaté qu'il y a parfois bien des façons de se rendre au même endroit. Il m'arrive parfois de prendre la route la plus longue, mais il y a aussi le fait que, chez nous, où il n'y a pas beaucoup de routes, nous sommes très débrouillards pour arriver là où nous voulons nous rendre. C'est simplement une remarque.

+-

    M. Larry Chartrand: Merci pour cette remarque.

+-

    Le président: Madame Neville, vous avez deux minutes.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.

    J'ai un peu de mal, monsieur Chartrand, à suivre votre argument. Vous parlez du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et du fait que ce droit doit être renforcé dans le projet de loi, puis vous parlez de la clause d'adhésion volontaire. Vous dites que le projet de loi, tel qu'il est libellé à l'heure actuelle, est incompatible avec le principe du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Et, soit dit en passant, vous avez aussi parlé, dans la réponse que vous avez faite à la question de M. Pallister, du coût qu'il y a à avoir 650 façons différentes de faire les choses.

    J'ai en fait deux questions. J'aimerais mieux comprendre comment vous concilier la clause d'adhésion volontaire et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et comment vous concilier la clause d'adhésion volontaire et la multitude des régimes qui existent dans les différentes collectivités.

+-

    M. Larry Chartrand: C'est une bonne question. Toutes les dispositions du projet de loi qui donnent à entendre que les pouvoirs de la bande sont des pouvoirs délégués sont incompatibles à mon avis avec le principe du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale tel qu'il existe aujourd'hui. Pour corriger cela, il faudrait inclure dans le projet de loi une disposition précisant que les pouvoirs dont il est question sont déclaratifs et ne font que reconnaître les pouvoirs existants, sous-jacents et inhérents de la collectivité qui découlent de la coutume. Si la Loi sur la gouvernance des premières nations comprenait une disposition en ce sens, il y aurait sans doute plus de Premières nations qui seraient prêtes à y adhérer.

    Je ne dis pas que les Premières nations refuseront toutes d'adhérer à la loi si vous n'y apporter pas ce changement-là, car les Premières nations n'ont toujours pas réussi à convaincre les gouvernements et les Affaires indiennes que, quand elles édictent des lois, elles le font en vertu de leurs coutumes plutôt que de pouvoirs qui leur sont délégués par la Loi sur les Indiens.

    La jurisprudence actuelle semble indiquer qu'elles ont des pouvoirs inhérents; que la Loi sur les Indiens viole ces pouvoirs; et que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux n'ont pas suffisamment reconnu ce fait.

º  +-(1625)  

+-

    Le président: Vous pouvez continuer, monsieur. Il vous reste trois minutes pour conclure.

+-

    M. Larry Chartrand: D'accord. Je veux simplement réitérer que certaines dispositions du projet de loi donnent à entendre que les Premières nations de petites tailles, qui comptent de 100 à 500 membres, pourraient avoir des institutions en commun. Au bout du compte, le nombre sera sans doute inférieur à 600 à cause de la volonté, tant des Premières nations, je suppose, que du gouvernement fédéral, de faire en sorte qu'il y ait plus d'institutions communes qui servent plusieurs Premières nations.

    Cette dimension du projet de loi mérite réflexion plus approfondie à mon avis, auquel cas on se rapprocherait du processus que prévoirait sans doute une loi de reconnaissance des Premières nations.

+-

    Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très intéressant.

+-

    M. Larry Chartrand: Merci.

+-

    Le président: Nous n'allons pas suspendre la séance. Nous allons passer directement au groupe suivant.

    J'invite les représentants du Grand Conseil de Prince Albert à se présenter à la table.

    Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous accueillons le grand chef Gary Merasty, du Grand Conseil de Prince Albert. Je vous invite à nous présenter votre collègue, puis à nous faire votre exposé.

    Je tiens à vous remercier d'avoir accepté de venir nous rencontrer ici à Ottawa. Nous devions tenir cette audience dans l'Ouest, mais comme nous avons beaucoup de témoins à entendre, il est plus facile pour le comité de siéger à Ottawa, et cela nous permet d'économiser de l'argent, d'économiser l'argent des contribuables. Nous vous remercions pour tout.

    Vous avez la parole.

+-

    Grand chef Gary Merasty (Grand Conseil de Prince Albert): Tout d'abord, je voudrais saluer les députés ici présents. Je voudrais aussi vous remercier de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.

    Je suis accompagné du chef Marcel Head, de la Nation crie de Shoal Lake, en Saskatchewan. Nous sommes aussi en compagnie de plusieurs chefs du Grand Conseil de Prince Albert: le chef Harry Cook, d'une des plus grandes bandes au Canada, le chef Earl Ermine, de la Nation crie de Sturgeon Lake, le chef Susan Custer, de la Nation crie Peter Balantyne, une autre bande de Saskatchewan qui regroupe plusieurs communautés, et le chef Angus Joseyounen, de Hatchet Lake, l'une de nos communautés Déné les plus septentrionales. Je dois m'assurer de n'oublier personne.

    Encore une fois, merci.

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, je vais vous en présenter brièvement le contexte.

    Le Grand Conseil de Prince Albert se compose de 12 Premières nations du nord-est de la Saskatchewan. Nous couvrons un tiers du district géographique. Nous avons quelques-unes des rares bandes canadiennes qui regroupent plusieurs communautés. Au total, notre conseil rassemble 26 Premières nations représentant une population d'environ 30 000 personnes.

    Je suis le chef du Grand Conseil de Prince Albert.

    [Le témoin s'exprime en cri]

    Je viens de vous adresser un salut en langue crie au nom de l'ensemble de nos chefs.

    Je voudrais tout d'abord vous parler de notre rapport avec la Loi sur la gouvernance des Premières nations depuis quelques années.

    Le Grand Conseil de Prince Albert était parmi les organismes qui ont participé aux consultations et à la discussion avec le ministère des Affaires indiennes, dont nous avons rencontré les fonctionnaires au début de 2001.

    Nos chefs ont décidé de participer à cette démarche à partir des considérations suivantes: tout d'abord, on nous a donné l'assurance que le ministère allait nous écouter; ensuite, les fonctionnaires étaient prêts à contourner les chefs et les conseils de bande pour s'adresser directement aux membres de notre communauté; par ailleurs, nos chefs étaient confiants de la fidélité des membres de la communauté qui seraient prêts à témoigner du fait que leurs dirigeants les représentent efficacement depuis des années; enfin, nous devions avoir notre propre personnel et des fonds permettant à notre équipe de se déplacer pour veiller à ce que les propos de nos membres à l'intention des hauts fonctionnaires soient dûment consignés.

    En fait, nous voulions permettre à nos membres de s'exprimer. Nous ne nous sommes pas laissés intimider par la possibilité que le ministère passe par-dessus les dirigeants de la communauté pour s'adresser directement à la base. En fait, nous l'avons invité à le faire.

    Nous étions plein de bonne volonté quand nous avons abordé ces discussions, mais je ne suis pas certain que les gens du ministère aient été dans le même état d'esprit. Nous avons trouvé qu'ils avaient du mal à nous écouter, même si dans les journaux, dans les médias et au cours des réunions, ils affirmaient qu'ils allaient prêter attention à nos propos. En réalité, nous avons constaté qu'ils ne l'ont pas fait.

    Nous voulons donc vous faire part de notre expérience, de nos recommandations et des craintes que nous inspire la Loi sur la gouvernance des Premières nations; nous voulons vous dire pourquoi, en réalité, cette prétendue consultation n'en était pas une.

    D'emblée, nous avons trouvé qu'elle était injuste, biaisée, et qu'elle risquait de dégrader les relations entre les Premières nations et le gouvernement car comme je l'ai dit, nous étions animés de bonne volonté et nous nous attendions au même état d'esprit chez nos vis-à-vis. Nous avons trouvé que les échanges étaient biaisés, alors que nous tenions à tout prix à ne pas compromettre les relations entre les Premières nations du Canada, de la Saskatchewan et surtout du Grand Conseil de Prince Albert avec le gouvernement.

    Nous savons qu'il a toujours été question d'une «consultation», mais c'est pour cela, qu'à notre avis, il n'y a pas eu de consultation. Nous savons tous que pour bien faire les choses, il faut consulter, engager un véritable dialogue avec l'électorat, avec la base, etc., et se faire une bonne idée de son opinion. C'est même sans doute indispensable. La Cour suprême a dit, même si c'était dans des termes un peu vague et sans énoncer de critères précis, que toute loi qui avait une incidence sur les Premières nations, sur leurs droits, sur le titre autochtone et sur toute autre chose, devait obligatoirement comporter une véritable consultation auprès des membres des Premières nations. Elle a dit en outre que la gestion des données et de l'information devrait être assujettie à une procédure équitable.

    Voilà donc le problème. Voilà qu'elle a été notre expérience de la consultation ces dernières années.

    Souvent, les fonctionnaires des Affaires indiennes ont qualifié de «réunions de sensibilisation» la première série de consultations. C'était peut-être un problème de mauvaise communication, je ne sais pas, et nous espérons que ce n'est pas le cas, mais il a effectivement été question de «réunion de sensibilisation» lorsque les fonctionnaires du ministère sont venus à la rencontre de nos communautés.

º  +-(1630)  

    Je crois que le moment était mal choisi. Lorsque nous avons accepté de participer à la consultation, nous tenions à ce qu'elle porte sur le plus grand nombre, mais les fonctionnaires ont insisté pour qu'elle se tienne de mai à juillet 2001, à une époque où nos membres s'en vont dans le bois, en particulier dans notre région; les enfants avaient quitté l'école, tout le monde était parti. La participation a donc été très modeste. Les préavis étaient très courts et lorsqu'un avis était affiché, il l'était parfois le jour même.

    Notre taux de participation a été extrêmement faible. Moins de 2 p. 100 des membres du grand conseil ont participé à ce qu'on a appelé la consultation. Un dixième de nos membres ont été informés de la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Peut-être n'en connaissaient-ils que le sigle, je ne sais pas. Peut-être que 10 p. 100 d'entre eux connaissaient la loi.

    Un pour cent d'entre eux ont pu se familiariser avec la loi à l'occasion des réunions, parce que notre équipe s'est déplacée et nous avons essayé de diffuser de l'information concernant la Loi sur les Indiens et le but visé par la Loi sur la gouvernance des Premières nation. Nous avons parlé des autres mesures législatives sur les relations entre les Premières nations et le gouvernement. Mais 5 p. 100 seulement des réactions de notre communauté concernaient le plan d'action d'AINC. Par conséquent, 95 p. 100 des commentaires portaient sur autre chose que la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Il importe de ne pas l'oublier.

    Finalement, nous avons l'impression qu'au cours de ces réunions, on n'a recueilli qu'une information anecdotique, qui ne saurait servir de fondement à l'élaboration d'une mesure législative concernant les Premières nations. En définitive, il n'y a sans doute pas eu de véritable consultation de la part du ministère dans nos communautés. Même si nous avons été invités, si nous y avons participé et si nous avons ouvert nos portes en jouant la carte de la collaboration, nous estimons qu'il n'y a pas eu de véritable consultation.

    On peut se demander ce que nos membres ont dit pendant ces consultations dans la mesure où 5 p. 100 seulement de leurs propos portaient sur le plan d'action d'AINC; 5 p. 100, ce n'est pas grand-chose. La majorité des commentaires soulignaient l'écart énorme entre les besoins des Premières nations tels qu'ils sont présentés par le gouvernement fédéral et ces mêmes besoins tels que les Premières nations les connaissent; c'est ce qui a été exprimé très clairement.

    Au cours des 22 réunions que nous avons tenues, il a été constamment question de soins de santé, de logement, d'éducation, de chômage et de développement économique. J'ai entendu dire que le projet de loi C-7 allait sauver des vies, et je crois que c'est une affirmation irresponsable, qui ne peut que susciter un questionnement quant à sa véracité.

    En revanche, les propos de nos membres concernant les soins de santé, le logement, l'éducation et tout le reste portent sur des domaines qui peuvent effectivement sauver des vies, et c'est de cela qu'ils ont parlé aux fonctionnaires du ministère lorsqu'ils les ont rencontrés.

    Alors qu'on nous avait dit que les gens du ministère allaient nous écouter, il a été très décevant de voir que le point de vue de nos membres n'était pas pris en compte, que ce soit sur les soins de santé, l'éducation, etc. Au contraire, on a mis l'accent sur les 5 p. 100 d'information anecdotique. Il a été très décevant que ces commentaires n'aient pas été pris en compte à l'occasion de la prétendue consultation. Quatre-vingt-quinze pour cent des propos portaient sur autre chose que sur la gouvernance des Premières nations.

    Qu'est-ce que nous voulons? J'ai entendu certains témoignages et d'après l'histoire des 100 dernières années, il apparaîtrait nettement que les plus belles réussites des institutions des Premières nations de ce pays résultent des efforts de construction, de développement, de mise en oeuvre et de contrôle déployés par les Premières nations elles-mêmes.

º  +-(1635)  

    Toutes les institutions qui ont été imposées ont échoué—et la Loi sur les Indiens est un des exemples qui ont été évoqués. Il en existe d'autres. La mise en oeuvre imposée et l'acceptation forcée des politiques et des lois ne produisent pas l'effet escompté au niveau de la collectivité. Les Premières nations ont besoin de prendre en charge les processus dans lesquels ils s'engagent de concert avec le gouvernement fédéral, et peut-être même avec le gouvernement provincial, parce qu'il y a un autre niveau de gouvernement qui entre en ligne de compte dans leur vie de tous les jours. Elles doivent se sentir maîtres des projets en participant à part entière, en participant notamment à la rédaction, à la création et à la conception.

    Nous avons des exemples en Saskatchewan d'institutions qui ont réussi: le Saskatchewan Indian Institute of Technology, le Saskatchewan Indian Federated College, des programmes de formation d'enseignants, un programme de formation des infirmières autorisées, les activités de développement économique d'une valeur de 60 millions de dollars par année par l'entremise de la société Kitsaki Development Corporation, les activités de développement économique d'une trentaine de millions de dollars par année de notre propre société de développement au grand conseil. Voici donc des exemples d'institutions dont les efforts ont été couronnés de succès grâce à la participation et à la prise en charge des Premières nations.

    Cela étant, ces institutions n'ont rien enlevé aux non-Autochtones, y compris les autres institutions. En fait, en Saskatchewan, et surtout dans la ville de Prince Albert et les régions avoisinantes, nous avons ajouté de la valeur, et je pense que c'est extrêmement important de garder cela à l'esprit qu'en on pense à une initiative imposée comme ce projet de loi. Dans quelle mesure sera-t-il efficace au bout du compte si les Premières nations n'y souscrivent pas? Que dire aussi du fait qu'il y aura des gens de la collectivité qui attaqueront en justice un règlement administratif?

    La Loi sur les Indiens comporte déjà de nombreux règlements administratifs. Sont-ils efficaces? Non. En quoi ce projet de loi améliorerait-il les choses? On imposera les différentes dispositions du projet de loi à la communauté autochtone sans que celle-ci n'ait pris part à leur conception.

    Donc, une des choses dont il faudrait s'assurer, c'est que les Premières nations y souscrivent.

    Deuxième chose, nous pensons qu'il faudrait passer en revue 20 ans de travaux universitaires et parlementaires, les recherches faites par les Premières nations, le rapport de la CRPA, le rapport Penner, les travaux du Comité sénatorial permanent sur les peuples autochtones, puis examiner les recommandations qui s'y trouvent. Nous avons parlé d'économies d'échelle, ou en tout cas ce que j'ai cru être une discussion sur les économies d'échelle. Il existe quelque 660 Premières nations au Canada, et rebâtir une institution dans chaque collectivité exigerait beaucoup d'argent et beaucoup de temps. Réussira-t-on jamais à le faire? Probablement pas. Cela dit, nous avons des exemples au Canada de groupes de conseils tribaux où les économies d'échelle sont réalisées par les Premières nations dans le but d'améliorer la qualité des programmes, de renforcer l'activité économique et ainsi du suite.

    Alors pourquoi ne pas investir? Des millions ont été dépensés jusqu'à présent, mais très peu a été fait pour concrétiser ces recommandations. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec une modification à la Loi sur les Indiens. C'est une béquille. Ce n'est pas parce qu'on remplace la béquille ou qu'on lui ajoute une nouvelle couche de vernis que l'on pourra mieux marcher. La béquille est toujours là.

    Nous devons commencer à mettre en oeuvre les recommandations faites par les différents comités parlementaires avec la pleine participation des Premières nations. En fait, je pense que le rapport Penner a été ratifié ou accepté par les trois partis politiques. De plus, l'APN, la FSIN, différentes Premières Nations, les Inuits et les Métis ont tous participé à ces consultations pour poser les prochains jalons de l'autonomie gouvernementale.

    Je pense qu'il faudrait mettre l'accent sur ce qui a été fait, et non sur ce que le gouvernement fédéral estime être le besoin des Premières nations.

    J'ai participé à une réunion en décembre ici même à Ottawa... Je suis venu ici trois fois le mois dernier et c'est bien plus de fois que durant les deux dernières années. Nous avons donc eu une réunion, et un des responsables du ministère des Affaires indiennes nous a dit: «Écoutez, vous avez entendu ce que le sous-ministre a dit. Pourquoi vous ne nous faites simplement pas confiance? Nous ferons ce qui est dans votre meilleur intérêt.» Je lui ai alors répondu: «On se croirait en 1969.» En effet, un groupe de membres des Premières nations était venu à Ottawa pour faire un exposé, et la réponse des hauts fonctionnaires a été: «Félicitations pour l'intelligence de votre exposé. Toutefois, nous savons quels sont vos problèmes, et je suis sûr que vous serez heureux de nos décisions qui seront soigneusement étudiées.» Voilà ce qu'on avait dit en 1969, et c'est le même genre d'attitude que j'ai constaté en décembre, le mois dernier. C'est malheureux, mais cela existe encore.

    C'est ce que j'entends par l'adhésion et la participation constructives des Premières nations à toute loi qui a une incidence sur elles.

    En dernière analyse, le projet de loi C-7 n'est pas fondé sur de la recherche et des consultations solides et crédibles mais plutôt sur des informations anecdotiques et sur des statistiques non probables qui faussent les résultats et peut-être même l'orientation d'un texte législatif en bout de ligne.

    Que voulons-nous donc? Troisièmement, nous voulons que vous rejetiez le projet de loi C-7 dans son ensemble et que vous vous engagiez dans un dialogue que nous avons déjà entamé dans d'autres domaines évoqués dans le rapport Penner, le rapport de la CRPA et du comité sénatorial, et que vous vous attaquiez aux questions difficiles qui vous ont été posées même ici aujourd'hui et d'autres que j'ai entendues en d'autres occasions.

    Monsieur le président, j'arrêterai là-dessus.

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je partage l'avis du fonctionnaire du ministère sur l'intelligence de votre exposé. Je suis tout à fait d'accord.

    Cela dit, je ne vous demanderai pas de nous faire confiance. Je vous demanderai de nous aider. C'est pourquoi nous vous avons invités ici, parce que, comme vous le savez, le travail de notre comité est d'examiner le projet de loi C-7 conformément à la demande qui nous a été faite par le président de la Chambre. Nous nous en tiendrons à notre mandat. Nous invitons des gens comme vous, car vous pouvez nous aider à améliorer le projet de loi.

    Certains sont d'avis que le gouvernement devrait changer de cap, mais le comité est tenu de faire rapport à la Chambre. Avec l'aide de gens comme vos collègues et vous, nous espérons rendre le projet de loi mieux que lorsque nous l'avons reçu.

    Monsieur Pallister, vous avez neuf minutes.

º  +-(1645)  

+-

    M. Brian Pallister: Merci. C'était un excellent exposé.

    Bonjour à vos collègues.

    Peut-être votre conseil tribal est-il un bon exemple du type de modèle qui nous permettrait de soustraire la dimension politique de la prestation de services professionnelle. Dans bien des régions du pays, comme vous le savez, cela est très difficile, et on le fait rarement.

    Ce qui nous préoccupe principalement, c'est que nous ne voulons pas que ce projet de loi se traduise par une délégation de pouvoir. Malgré le fait et la certitude que la vaste majorité des chefs et des membres des conseils sont des gens honorables, il reste que certains abuseront des nouveaux pouvoirs que leur conférerait le projet de loi et, ce faisant, mettraient en péril les droits de certains membres de leurs propres bandes.

    Pensez-vous qu'il est réaliste que ce projet de loi impose une exigence de deux ans pour la mise en oeuvre de nombreux codes? C'est un processus très complexe en deux ans.

    On me dit que le tiers des bandes au Canada comptent une centaine de membres. Dans la collectivité rurale dont je suis originaire, nous avons quelques petites bandes. Les gens de ces bandes me disent «deux ans, ce n'est pas sérieux!». Même si les bandes avaient devant elles des codes par défaut, ce qui n'est pas le cas, deux années pour consulter les gens et élaborer un processus, ce n'est pas réaliste. Voilà ce qu'en pense une bande en particulier.

    Il y a deux choses qui me préoccupent: premièrement dans le cas des bandes qui ne coopèrent pas entre elles comme vous le faites, est-il réaliste de supposer que celles-ci pourront élaborer ce genre de codes dans les délais impartis? Deuxièmement, est-il réaliste de croire que vous pouvez le faire?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Je vous renvoie la balle: leur a-t-on donné l'occasion de le faire? Quels outils ont été mis à leur disposition pour réaliser ce qu'on leur demande de faire? Cela revient à la question fondamentale de savoir ce qu'on leur a donné le pouvoir de faire et avec quels outils.

+-

    M. Brian Pallister: Je répondrai alors à votre question.

    Même si on leur donnait les outils, le ministre a indiqué qu'une centaine de millions de dollars allaient être mis à leur disposition pour l'élaboration des codes. C'est donc une centaine de millions de dollars pour l'élaboration de codes dans à peu près 400, 500 ou 600 collectivités différentes. Nombre de ces collectivités sont très petites et très isolées.

    Est-ce le bon modèle? Même si on leur donnait les ressources et les outils, au bout du compte, ce qu'on aura conçu, collectivement en tant que peuple, serait-il un bon modèle susceptible d'améliorer la gouvernance dont ces gens ont profondément besoin?

    Si ce que nous sommes en train d'édifier ne vaut pas la peine, on s'en moque des ressources! Il est évident que nous ne devrions pas engager nos ressources dans quelque chose qui sera un désastre. N'est-ce pas?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Oui, vous avez raison.

    Je pense que nous avons des exemples. Vous avez cité notre grand conseil comme exemple. Il y a des exemples où cela a marché et où cela se fait. Je pense même que d'autres conseils tribaux de partout au Canada sont venus demander à notre conseil tribal comment nous l'avons fait.

    Qu'est-ce qui nous encouragerait à nous mettre ensemble, à nous serrer les coudes et à nous dissocier des considérations politiques, faute d'un meilleur terme? Je ne pense pas que le problème soit le manque de motivation. Avec les bons outils, des délais appropriés et les encouragements qu'il faut, je pense que l'on pourra élaborer des systèmes de gouvernance appropriés dans le cadre élargi du gouvernement.

    À mon avis, il y a déjà des recommandations dans les études que j'ai évoquées plus tôt.

+-

    M. Brian Pallister: Je partage votre optimisme, et je me réjouis à la perspective de parler de nouveau à vos collègues et à vous quand le moment sera plus approprié pour en savoir davantage sur ce que vous avez fait pour obtenir ces résultats.

    C'est quelque chose qui préoccupe vivement bien des gens—des femmes, des membres de clans minoritaires, des bandes et des Autochtones vivant hors réserve. Ils craignent sérieusement que les structures de gouvernance seront affaiblies plutôt que renforcées par ces propositions.

    En ce qui concerne les mécanismes de recours, je puis vous dire qu'avec les modèles que vous proposez, il se peut que les mécanismes de recours soient offerts collectivement, ce qui éviterait aux chefs d'être accusés d'avoir nommé leurs amis à des postes ou à quelque chose du genre, et ils pourraient ainsi garder leurs distances. Croyez-vous comme moi que pour bien des bandes, cette proposition est tout simplement inacceptable?

º  +-(1650)  

+-

    Grand chef Gary Merasty: Je ne suis pas sûr de comprendre sur quoi vous fondez exactement votre opinion.

+-

    M. Brian Pallister: Je m'explique. Des chefs à qui j'ai parlé m'ont dit: «Cette situation fait en sorte que je sois perdant sur toute la ligne. Je ne peux pas nommer un agent chargé des recours. C'est le conseil qui le fait. Or, les membres de notre bande auraient l'impression que c'est moi qui le fait. Je perds sur toute la ligne.» En d'autres mots, ils m'ont dit qu'ils préféraient que l'on institue un organe de coopération indépendant, comme le vôtre, qui assurerait l'administration de ce mécanisme. Par souci de cohérence et de protection de leur propre peuple, c'est ce qu'ils souhaiteraient voir.

+-

    Grand chef Gary Merasty: Je ne peux pas parler au nom des chefs qui sont ici. Cela dit, ils ont un processus dans leur propre collectivité en vertu duquel ils se soustraient eux-mêmes et laissent d'autres groupes communautaires, dirigés par un conseiller élu ou par quelqu'un d'autre, se prononcer et faire des recommandations au chef et au conseil.

    Selon moi, le verre n'est pas à moitié vide, mais plutôt à moitié plein. À ce stade-ci des relations des Premières nations canadiennes et compte tenu de notre profil démographique, nous devons commencer à voir le verre comme étant à moitié plein et à faire ce que nous pouvons pour faire en sorte que nous puissions remplir l'autre moitié.

    Peut-être le chef Head voudrait-il parler de ses propres expériences.

    M. Brian Pallister: Absolument, j'aimerais bien entendre vos commentaires.

+-

    Chef Marcel Head (Nation crie de Shoal Lake): Je vous remercie de cette occasion qui nous est donnée de faire un exposé et je vous salue tous au nom de ma Première nation.

    Pour revenir à la question, nous avons eu un court délai pour changer certaines choses que nous faisions à la manière traditionnelle. Voilà simplement un exemple de ce que nous faisons dans notre Première nation. On essaie simplement de dissocier la politique de la gestion. C'est ce que nous venons tout juste de faire quand j'ai été réélu chef.

    En ce qui concerne le mécanisme de recours, nous avons des gens en place qui font un travail remarquable pour ce qui est d'intégrer ces composantes à notre système de gouvernement. Si vous deviez visiter Shoal Lake, vous constateriez certaines de ces composantes principales dans notre gouvernement actuel. Voilà la genre de choses pour lesquelles nous croyons sincèrement que la Loi sur la gouvernance des Premières nations pourrait nous aider.

    Je voudrais parler maintenant de l'obligation de rendre des comptes dans le cas du processus électoral. Nous n'avons pas d'objection, puisque nous avons déjà des processus en place qui permettent, par exemple, aux membres des Premières nations vivant hors réserve de voter lors de nos élections. Pour ce qui est de l'obligation de rendre des comptes, nous avons effectivement des mécanismes en vertu desquels nous faisons rapport à l'ensemble de notre Première nation sur la manière dont le gouvernement administre les programmes.

    Voilà essentiellement ce que j'avais à dire en guise de réponse. Je vous remercie.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Quelqu'un du côté ministériel a-t-il des questions à poser?

    Monsieur Godfrey, la parole est à vous.

+-

    M. John Godfrey: Bienvenue et merci beaucoup. Je pense que vous méritez d'être félicités pour votre point de vue proactif au premier cycle de consultation. Après avoir entendu votre exposé, je ne pense pas qu'il y ait qui que ce soit qui pourrait vous accuser d'être obstructionnistes ou quelque chose du genre. Je présume que vous devez être déçus de nombreuses choses qui se sont produites.

    Je sais que votre position finale est que nous devrions tout bonnement rejeter le projet de loi. Si le processus de consultation avait été meilleur... Je comprends fort bien que vous ne vouliez pas compromettre votre position en entrant dans les détails du projet de loi qui, selon vous, devrait être rejeté dans l'ensemble, mais malheureusement notre travail consiste justement à examiner ce projet de loi.

    Nous avons compris que vous voulez que nous rejetions le projet de loi, et il y a des choses que 95 p. 100 des gens qui ont répondu mettraient en haut de la liste. Cela étant dit, s'il est impératif que nous adoptions ce projet de loi, y a-t-il quelque chose qu'il comporte qui ait une valeur, malgré les vices du processus de consultation et le fait que ce ne soit pas là la grande priorité?

º  +-(1655)  

+-

    Grand chef Gary Merasty: Je suis obligé de dire non, car si vous regardez dans notre pré carré, principalement en Saskatchewan, il y aura toujours des problèmes qui surviendront. Sans le poids de la législation pour les soutenir, les chefs font déjà dans leurs collectivités ce que la Loi sur la gouvernance des Premières nations tente de proposer. Certaines dispositions du projet de loi ressemblent déjà à ce que nos bandes font, et celles-ci n'auraient pas d'objection à mettre en oeuvre ces dispositions.

    Sur l'absence d'adhésion, il y a d'autres collectivités partout au Canada qui n'y ont pas donné leur adhésion et à qui on n'a pas donné l'occasion d'élaborer quelque chose qui leur soit propre. Dans quelle mesure alors ce projet de loi sera-t-il efficace en fin de compte? Nous savons tous que la législation est faillible, et que les gens trouveront toujours des moyens de la contourner. Regardez Enron, WorldCom et tous les manquements à l'éthique. Les gens trouveront toujours des moyens de contourner les choses.

    Donc, dans quelle mesure le projet de loi sera-t-il efficace en fin de compte? Voilà la question que je vous pose.

+-

    M. John Godfrey: Est-ce que vous voulez dire que compte tenu de votre situation et des personnes et des institutions qui réussissent à fonctionner actuellement, il importe peu que le projet de loi C-7 soit adopté avec ou sans amendement? Voulez-vous dire que la loi est non seulement sans importance, mais qu'elle constitue un obstacle et un fardeau supplémentaires pour vous? Imaginons qu'elle soit adoptée à peu près dans sa forme actuelle. Quelles en seraient les conséquences pratiques pour vos activités?

+-

    Grand chef Gary Merasty: De façon générale, la loi aurait pour effet de nuire aux relations positives que les Premières nations essaient d'établir avec le gouvernement du Canada. Les gens du ministère, qui ne veulent pas écouter les Premières nations ni travailler avec elles, ne font que nous témoigner du mépris. L'adoption du projet de loi ne fera qu'accentuer leur réticence à collaborer avec l'ensemble des Premières nations.

+-

    M. John Godfrey: Vous nous placez dans une situation très difficile. Merci quand même.

+-

    Le président: On passe ensuite à M. Vellacott, pour cinq minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je voudrais demander au grand chef Gary ou à quelqu'un d'autre si la bande Mistawasis fait partie du Grand conseil de Prince Albert... Elle n'en fait pas partie.

    J'ai remarqué quelqu'un qui est assis à côté de Mme Morin. S'agit-il aussi d'un chef?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Oui. C'est le chef Gary Standing, de la Nation Wahpeton Dakota, qui fait aussi partie du Grand conseil de Prince Albert.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je suis heureux de vous rencontrer. Merci.

    Chef Gary, j'ai été étonné de vous entendre dire que la réussite venait du fait que les décisions venaient non pas d'en haut, mais des gens ordinaires, des membres des bandes, de la base, si vous voulez.

    J'ai eu le privilège d'aller dans des réserves de ma province et de plusieurs autres régions du pays. Une d'elles qui m'a véritablement impressionné, et que vous connaissez certainement, c'est la réserve des Six Nations, près de Brandford, en Ontario. J'ai vu que cette réserve avait l'avantage d'être située à proximité d'un centre urbain comportant des établissements d'enseignement que les jeunes pouvaient fréquenter. Grâce à cela, les jeunes peuvent s'inspirer de nombreux modèles. Ils bénéficient d'une masse critique, si vous voulez.

    Est-ce que c'est là un ingrédient indispensable? Tout est une question de base critique, de viabilité et de faisabilité. Nous avons été chaleureusement accueillis par des gens merveilleux, qui nous ont fait visiter l'endroit et qui nous ont présenté l'histoire de leur bande et les problèmes auxquels ils avaient dû faire face.

    Parfois, ils se heurtent aux fonctionnaires du ministère, qui exigent des certificats de propriété, qu'ils vont vérifier dans les moindres détails. Quand quelqu'un demande un prêt, on lui dit que s'il ne rembourse pas rubis sur l'ongle, il devra restituer le semi-remorque, ou autre chose. Tout cela fait d'excellentes histoires à raconter.

    Est-ce qu'il faut une masse critique pour réussir? C'est un peu l'impression que j'en ai, mais je ne sais pas vraiment ce qu'il faut en penser.

+-

    Grand chef Gary Merasty: Il faut une masse critique de population.

»  +-(1700)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Est-ce qu'il est difficile d'imposer une décision à un petit groupe? Vous pouvez toujours vous rendre dans une localité non autochtone, mais j'ai l'impression qu'il est beaucoup plus difficile, pour une communauté autochtone, de gérer des services de santé, d'éducation ou d'autres choses. Je pencherai plutôt pour les conseils tribaux, car j'ai l'impression que dans bien des cas, on est en présence, non pas d'une «Première nation», mais d'une communauté des Premières nations, à qui on impose un énorme fardeau.

    Est-ce qu'il faut donc de gros effectifs, et quel est le chiffre minimum?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Je suis convaincu qu'il faut une certaine masse critique. En Saskatchewan comme sans doute au Manitoba, les petites bourgades meurent petit à petit. Pour une petite communauté des Premières nations, le défi est le même que pour une petite municipalité. Elle a peut-être l'avantage de pouvoir viser des économies d'échelle en collaborant avec d'autres bandes à des activités de développement économique créatrices d'emplois. Il faut donc considérer toutes les contraintes qui peuvent exister autour d'une collectivité comme celle de Kahnawake, près de Montréal, et voir les activités qui assurent le succès de la communauté, par opposition à celles qui la condamnent à l'échec.

    Je pense donc qu'il faut considérer tous ces éléments de plus près mais bien franchement, est-ce que l'un d'entre nous, ici présent, peut affirmer que nous avons étudié toutes les possibilités d'amélioration de la situation socio-économique des Premières nations? Je ne le pense pas.

+-

    M. Maurice Vellacott: Je vais passer à ma deuxième question: ne serait-il pas préférable de passer notre temps—je ne parle pas nécessairement du comité—à parler de modèles d'exécution plutôt que du projet de loi C-7? On pourrait en parler avec les conseils tribaux, ou peut-être par l'intermédiaire de différents groupes tribaux, etc. Mais s'il faut passer par les économies d'échelle, il faudrait y consacrer les ressources nécessaires, plutôt que de s'intéresser au projet de loi C-7. Est-ce que ce ne serait pas préférable dans de nombreuses communautés des Premières nations, au lieu des 600 solutions différentes?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Il faut aussi considérer l'existence d'une base de droits issus de traités mentionnés par nos Premières nations et par la Constitution. Mais la Constitution n'est pas limitative; elle ne définit pas ces droits, elle reconnaît simplement leur existence...

    Je vais revenir à votre question, car je ne veux pas m'en écarter. Ce qui inquiète les Premières nations, c'est cette succession de projets de loi qui commencent à définir, à limiter et à vider de sa substance l'argument des traités sans que les droits issus des traités soient bien définis, puisque les premiers ministres n'en ont jamais parlé. Il n'y a pas eu de discussion constitutionnelle à ce sujet. On n'a pas cerné le problème. Tant que nous n'aurons pas défini ces droits essentiels, ces droits issus des traités dont il est question dans la Constitution... À partir de la définition de ces droits, on pourra se mettre d'accord, dans une perspective de respect des traités, sur ce à quoi nous avons droit en tant que Premières nations ou que communautés des Premières nations. À partir de cette base, tout sera possible. Une fois qu'on aura mieux défini cette base, on pourra discuter plus concrètement d'économies d'échelle.

    Il manque donc une pièce importante du casse-tête. Sans cette fondation solide, il est inutile de commencer à parler d'économies d'échelle...

+-

    Le président: Merci.

    À vous, monsieur Hubbard.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Puisqu'il est question d'économies d'échelle et de la portée des différentes relations, nous avons reçu hier un groupe de Mohawks. Là aussi ils sont nombreux. Mais comme l'a signalé M. Pallister, il existe d'autres groupes beaucoup plus modestes, de 100 à 500 personnes. Il serait sans doute difficile, pour chacun d'entre eux, de définir des codes et de prendre toutes les mesures envisagées dans ce projet de loi.

    En ce qui concerne le projet de loi C-7, est-ce que chacune de vos Premières nations a un code concernant les relations entre leurs membres dans le contexte de la gouvernance? Y a-t-il un code dans la plupart...

+-

    Grand chef Gary Merasty: Si vous permettez, au sujet des bandes de petites tailles, la nôtre, la Wahpeton, qui fait partie du Grand conseil de Prince Albert, est l'une des plus petites du Canada. Or elle s'est empressée d'adopter un code de ce genre. Sans vouloir parler à la place du chef Standing, je suis sûr qu'on y a rédigé un code régissant les élections ainsi qu'une constitution. Bon nombre des mesures ainsi couchées sur papier ne coûtent pas nécessairement cher, elles précisent simplement quels sont les pouvoirs reconnus aux dirigeants et à exercer par eux.

    Si l'on passe ensuite aux grandes bandes, par exemple à Peter Ballantyne de La Ronge, en dépit de leur richesse, on y observe les mêmes problèmes lorsqu'il s'agit d'élaborer certains de ces codes. En effet, les grandes bandes ont les mêmes difficultés que les bandes multicommunautaires à effectuer des consultations en bonne et due forme, car les gouvernements indiens ne soutiennent à peu près pas les activités locales qui relèvent de leur pouvoir. Pourtant, je sais que les bandes de notre région ont élaboré ces codes avec beaucoup de soin.

    Effectivement, au cours des 10 dernières années, on a autorisé le grand conseil à concevoir collectivement un modèle. C'est ainsi qu'on a d'abord travaillé, tout au moins au début, puis on a adapté le modèle en question de manière qu'il puisse convenir à chacune des collectivités.

»  +-(1705)  

+-

    M. Charles Hubbard: Grand chef Merasty, compte tenu de la façon dont vous administrez vos collectivités et étant donné nos responsabilités en tant que députés, quelles dispositions du projet de loi vous paraissent les plus inacceptables?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Au risque de répéter ce que je disais plus tôt à M. John Godfrey, ce qui nous préoccupe le plus dans le projet de loi, c'est la démarche générale qui le sous-tend. Le gouvernement n'est-il pas disposé à collaborer avec les Premières nations afin de concevoir avec elles des lois que tous peuvent appuyer et mettre en oeuvre? Cette possibilité ne nous a pas été accordée. Je pourrais moi aussi concevoir des lois impressionnantes et bien d'autres choses encore, mais est-ce que tout cela serait utile et pratique?

+-

    M. Charles Hubbard: Ici, je crois qu'il s'agit du problème de l'oeuf et de la poule, c'est-à-dire de savoir quand on commence et quand on s'arrête. Si on ne commence jamais cependant, à peu près rien ne se fait. Si on nous communiquait vos codes et votre constitution, nous pourrions peut-être voir dans quelle mesure ils peuvent s'harmoniser avec les propositions des autres. Mais si nous ne commençons pas...

    Vous savez, lorsque l'homme a marché sur la lune, il a franchi une grande étape pour l'humanité, mais si nous ne commençons pas quelque part, nous n'arriverons jamais nulle part.

    À mon avis, beaucoup de gens se sentent plutôt mal à l'aise de retourner à des textes rédigés il y a 125 ou 130 ans, et qui ont régi nos rapports de supposée collaboration avec les divers peuples présents ici avant l'arrivée des Blancs et propriétaires de cette terre.

    Par conséquent, j'ai certaines hésitations, mais quoi qu'il en soit, en tant que députés, nous devons poursuivre et développer nos rapports avec vous, dans l'espoir de créer quelque chose de positif et de concevoir des codes qui... Ce qu'il y a de plus difficile dans un pays aussi vaste que le Canada, c'est la grande diversité de ses peuples, car cela rend difficile la tâche de concevoir un modèle qui convienne à tout le monde.

    Je vous remercie, monsieur le président.

    Merci beaucoup, grand chef Merasty, et vous tous qui l'avez accompagné, d'être venus participer à notre audience aujourd'hui.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Monsieur Vellacott, vous avez la parole pour cinq minutes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Monsieur le président, si je n'épuise pas mon temps de parole, me permettez-vous de céder les minutes restantes à mon collègue?

+-

    Le président: Oui. Nous allons cependant commencer par vous entendre, monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott: À propos de cette question des codes, à mon avis, le coeur du problème est l'existence d'un processus d'appel en bonne et due forme, car c'est une constante dans l'histoire de tous les gouvernements. J'aimerais donc savoir si un tel processus existe dans chacune de vos bandes.

    Dans le projet de loi C-7 en particulier, les dispositions relatives aux codes électoraux prévoient un processus d'appel, mais sans toutefois préciser par quel tribunal ou organisme il doit être entendu. Par conséquent, lorsque vous rédigez vos codes, et je sais que certains d'entre eux sont vastes et détaillés, prévoyez-vous un processus d'appel? Aussi, par rapport au projet de loi C-7, devant quel organisme ou tribunal l'appel sera-t-il porté? Nous n'en avons pas une idée bien précise.

+-

    Grand chef Gary Merasty: Divers comités font office de comités d'appel. Il existe aussi un modèle en vigueur dans le nord du Manitoba, MKO, et nous nous efforçons d'imiter cette initiative de justice autochtone. Le MKO compte un magistrat ou un juge de paix, qui intervient dans les différends communautaires. Auparavant cependant, on met sur pied un comité local. Toutefois, ce système s'occupe avant tout des délits à déclaration sommaire de culpabilité et du non-respect de certaines ordonnances. Nous discutons de la question au sein du grand conseil. Pour le moment cependant, certaines de nos collectivités constituent déjà des comités auxquels on peut faire appel.

    Cela représente quand même de graves problèmes pour nous en tant que gouvernement. Permettez-moi de vous en donner un exemple. J'admets avoir un préjugé favorable ici, mais j'estime que nous administrons l'un des meilleurs systèmes d'administration de la santé par transfert au pays, grâce à la Northern Intertribal Health Authority, qui a permis que deux conseils de tribu et un certain nombre de bandes collaborent. Nous avions conçu un modèle de règlement des différends avec les gouvernements et on a mis fin à nos activités, en dépit du fait que le gouvernement convenait avec nous qu'on nous avait accordé un soutien financier de 30 p. 100 inférieur à ce dont nous avions besoin. C'est un argument différent de celui qu'on sert aux provinces lorsqu'elles se plaignent de leurs difficultés dans le secteur de la santé. Nous manquons peut-être de moyens pour concevoir un processus d'appel modèle au niveau du chef, du conseil et du gouvernement, mais à mon avis, nous sommes plus avancés pour ce qui est de la création de mécanismes d'appel locaux, même par rapport à ce que fait le gouvernement.

»  +-(1710)  

+-

    M. Maurice Vellacott: Devant quels organismes ou tribunaux les appels devraient-ils être portés, compte tenu du processus prévu dans le projet de loi C-7? En avez-vous une idée? Avez-vous étudié cette partie du projet de loi?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Oui. Vous voulez savoir quels genres d'appels existent en ce moment lorsqu'on veut contester les résultats de certains scrutins, c'est bien cela?

+-

    M. Maurice Vellacott: Je parle de l'avenir, sous le régime du projet de loi C-7. À qui vous adressez-vous? Quels sont les tribunaux ou les organismes qui entendraient de tels appels? Le projet de loi C-7 vous apparaît-il suffisamment clair à cet égard?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Non, certainement pas. Et même les codes par défaut dont nous avons discuté précédemment, où sont-ils? Il y a beaucoup de lacunes.

+-

    M. Maurice Vellacott: Oui. L'insertion de certains «codes par défaut» vous rassurerait-elle?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Vous parlez d'une inscription anticipée? J'espère que nous n'en arriverons pas à cela, parce que si nous pouvons rejeter le projet de loi...

+-

    M. Maurice Vellacott: Si les choses vont effectivement aussi loin cependant, qu'on insiste pour conserver le projet de loi, participerez-vous à la rédaction de codes de défaut? Avez-vous eu des signes à cet égard de la part du ministre ou de quelqu'un d'autre?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Bon nombre de ces codes existent déjà au sein de nos Premières nations. Ces dernières les ont conçus elles-mêmes au niveau du grand conseil. Une telle tâche ne serait donc pas difficile à assumer par elles car elles le font déjà sans qu'une loi les ait forcées à le faire. Les comités qui s'en chargent sont constitués de membres de la collectivité.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous êtes inquiet de l'absence de codes par défaut dans le texte actuel?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Et du reste, aussi. Il existe beaucoup de lacunes. Nous nous inquiétons d'un conflit entre la Loi sur les Indiens actuelle et la nouvelle LGPN. Dans la LGPN, on parle de préservation des langues, de la culture et des collectivités des Premières nations. Dans la Loi sur les Indiens, on mentionne l'éducation. Actuellement, dans nos collectivités, la préservation des langues et de la culture ainsi que leur perpétuation se font en grande partie dans les écoles, alors où y a-t-il un conflit? Ou plutôt, quelle loi supplante l'autre? Si vous examinez ces lois, vous verrez qu'il y a plusieurs exemples tels que ceux que j'ai cités. Alors, que faire? Laquelle de ces deux lois est réellement appliquée? Comment le gouvernement va-t-il s'y prendre pour élaborer ces codes par défaut, sur quelle loi va-t-il se fonder pour proposer la composition des comités, la forme qu'ils prendront, etc.?

+-

    M. Maurice Vellacott: Je vais laisser la parole à mon collègue, s'il a une minute. À l'Alliance canadienne, nous avons insisté pour avoir des codes par défaut ici—et c'est quelque chose qui a été fait en consultation avec vous—, mais je ne sais pas si nous verrons ces codes avant que l'on en finisse avec ce projet de loi.

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    Le président: Monsieur Pallister, allez-y.

+-

    M. Brian Pallister: Nous n'avons pas assez de temps pour traiter de toutes ces questions. Nous n'avons probablement pas assez de temps non plus pour que les bandes se conforment à cette proposition, d'ailleurs. Deux ans, c'est court et vous savez que ça nous inquiète.

    M. Hubbard a utilisé cette analogie, comme Nancy, des voyages, des destinations, des itinéraires, etc. Je pense que nous reconnaissons tous que si nous ne nous mettons pas d'accord sur une destination, nous ne serons pas d'accord sur la route à prendre. C'est fondamental dans votre exposé d'aujourd'hui. Vous n'êtes pas satisfaits de la méthode utilisée pour décider de l'itinéraire et nous sommes en désaccord sur ce point également. Je pense que nous vous avons bien compris: que nous arrivions ou non à la destination présentée par le gouvernement fédéral dans ce projet de loi, si vous et nous ne sommes pas d'accord sur cette destination, alors, le voyage ne sera probablement pas une partie de plaisir. Nous ne pouvons forcer personne à monter avec nous.

    Ceci étant dit, il y a des problèmes de gestion fondamentaux, au Manitoba et en Saskatchewan particulièrement, il ne faut pas le nier. Je voudrais que vous en parliez.

    Dans ma région, il y a deux bandes locales qui sont gérées par un tiers actuellement. Je pense que la moitié des bandes du Manitoba et de la Saskatchewan sont partiellement ou entièrement gérées par un tiers. Pouvez-vous nous en parler?

    Je n'ai rencontré aucun chef pour l'instant qui soit contre les états financiers vérifiés. Je pense que la plupart des chefs et des conseils satisfont déjà aux exigences proposées par ce projet de loi. C'est ce qui est appliqué depuis longtemps, il n'y a rien de nouveau. Est-ce exact?

»  +-(1715)  

+-

    Grand chef Gary Merasty: C'est exact.

+-

    M. Brian Pallister: Ce qui me préoccupe, c'est une question plus importante: je me demande comment se porte notre gestion, et si le projet de loi propose des solutions.

+-

    Grand chef Gary Merasty: J'ai entendu dans l'exposé d'un témoin il y a quelque temps que des chefs prenaient de l'argent du budget de l'éducation pour financer des activités du gouvernement autochtone. Si une bande est en difficulté, quelle est la première chose que les gestionnaires indépendants vont faire? Ils vont puiser dans l'éducation pour rembourser la dette. Qu'est-ce qui ne va pas? N'y a-t-il pas un problème plus important? La solution qui plaît le plus aux médias, c'est d'accuser les chefs et les conseils de mauvaise gestion et de corruption. Demandez aux gestionnaires indépendants quels niveaux de financement sont disponibles dans une collectivité quand c'est à eux de prendre la relève et de fournir les services qu'on exige qu'ils fournissent.

+-

    M. Brian Pallister: Merci.

    Je voudrais parler de cette question. Depuis que je suis porte-parole, et même avant, j'ai décidé de ne pas me concentrer là-dessus, parce que je pense que l'on met les gestionnaires responsables dans le même panier que les autres, lorsque l'on fait ces accusations. Alors nous avons décidé de ne pas nous attarder là-dessus. Cependant, on ne peut pas laisser de côté les problèmes de gestion de peur de froisser les bons gestionnaires, et ce n'est pas mon intention.

    Selon l'approche de la gestion par un tiers proposée par ce gouvernement, comme vous le savez, la gestion des bandes se fait par AINC mais pas forcément par les six autres ministères qui acheminent de l'argent par les bandes. Selon nous, c'est une approche assez compliquée. Si vous êtes un mauvais gestionnaire à AINC, pourquoi seriez-vous bon gestionnaire à Santé Canada ou à Industrie Canada, par exemple?

    C'est une question complexe. Nous aimerions ne pas avoir besoin de gestionnaires externes.

    Maintenant, parlons de nos provinces. Pourquoi ce problème existe-t-il surtout au Manitoba et en Saskatchewan?

+-

    Grand chef Gary Merasty: Je dirais—et encore une fois je ne pourrai dissimuler mon parti pris—que beaucoup de bandes au Manitoba et en Saskatchewan sont très entreprenantes et qu'elles vont au-delà de ce que leur demande leur collectivité. Cinquante pour cent de nos membres vivent hors réserve mais tous peuvent maintenant voter, selon le jugement Corbiere. De plus, ils s'attendent à recevoir des services et beaucoup de nos chefs ont du mal à leur refuser. Certaines de nos Premières nations sont prêtes à faire une distinction entre ceux qui vivent dans les réserves et ceux qui vivent hors réserve, ce qui obligerait le ministère à dire: «Vous êtes responsables de ce groupe, parce que nous n'obtenons du financement que pour lui.» Ce serait malheureux et les médias et le public réagiraient certainement. Les bandes doivent et souhaitent répondre aux besoins de leurs membres. Elles disent que les droits issus des traités sont transférables et que ces personnes sont admissibles à ces droits, c'est pourquoi elles veulent représenter leurs membres qui vivent hors réserve.

    Ces bandes réagissent, elles sont proactives.

    Je voudrais revenir sur le point de départ dont l'honorable député a parlé, je pense. Il faut commencer quelque part. Nous proposons de partir des 20 années de travail fait à partir du rapport Penner et de la CRPA. Il y a d'excellentes recommandations dans ces rapports. C'est à partir de là que nous devrions commencer.

    En ce qui concerne les questions que vous avez soulevées aujourd'hui, vont-elles être résolues par C-7? Je ne le crois pas.

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    Le président: Madame Neville, vous avez la parole.

+-

    Mme Anita Neville: Merci, monsieur le président, et merci à vous pour votre exposé, grand chef.

    Je voudrais revenir sur votre dernier commentaire. Je viens moi aussi du Manitoba et j'ai été surprise par ce que vous avez dit au sujet des chefs qui trouvent difficile de ne pas répondre aux besoins des membres des collectivités qui vivent en milieu urbain. Pouvez-vous m'en dire un peu plus là-dessus?

»  +-(1720)  

+-

    Grand chef Gary Merasty: Ça se résume à un problème politique. Les membres de la collectivité votent pour le chef et pour le conseil et si ceux-ci ne leur fournissent pas les services voulus, vont-ils les réélire?

+-

    Mme Anita Neville: Quel genre de services?

+-

    Grand chef Gary Merasty: L'éducation primaire et secondaire, les soins de santé, l'éducation postsecondaire—qui existe déjà, mais qui est limitée—, le logement, le bien-être, etc.

+-

    Mme Anita Neville: Si ces personnes vivent en milieu urbain, où veulent-elles voir ces écoles primaires et secondaires? Dans les villes?

+-

    Grand chef Gary Merasty: On peut étudier cette question très en détail. Nous faisons face à des problèmes très importants en matière d'ententes de droits de scolarité entre les bandes et les municipalités et divisions scolaires.

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    Mme Anita Neville: Oui, j'en suis consciente.

+-

    Grand chef Gary Merasty: Il y a un manque de transparence, je pense, dans les divisions scolaires, en matière d'ententes de droits de scolarité. Ils s'attendent à ce que les bandes payent pour combler les lacunes.

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    Mme Anita Neville: C'est une question qui a pris de l'importance depuis le jugement Corbiere, je crois.

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    Grand chef Gary Merasty: Je vous dirai au sujet du jugement Corbiere ce que tous les chefs du Canada ont dit: les droits issus de traités sont transférables, et nous voulons être ceux qui sont responsables de fournir des services aux membres de nos collectivités qui vivent hors réserve.

+-

    Mme Anita Neville: Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, cette réunion a été très utile, nous sommes impatients de visiter votre belle région, celle de Prince Albert.

    Je vous invite à formuler vos conclusions. Vous avez environ cinq minutes.

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    Grand chef Gary Merasty: Je prendrai quelques minutes et je donnerai au chef l'occasion de terminer.

    Je pense que l'objectif du projet de loi est de rendre les Premières nations plus responsables et transparentes, d'améliorer les processus de gouvernance, et de fournir des possibilités de résoudre les différends. Toutes ces mesures sont déjà en train d'être appliquées. Je doute de l'efficacité de ce projet de loi, à cause de toutes ses lacunes, de l'absence de code par défaut, de la responsabilité ultime dans un ministère... Ce sont eux qui décident pendant combien de temps vous êtes exempté de cette loi si vous êtes assujetti à une entente d'autonomie gouvernementale, par exemple, et établissent dans quelle mesure ils vont financer cette entente. Ensuite, ils peuvent couper le financement et vous assujettir à la LGPN. Il est difficile de comprendre ce que le gouvernement a l'intention de faire sur le terrain, avec ce projet de loi.

    Nous ne pensons pas que ce projet de loi soit efficace. En fait, il nuira malheureusement aux relations entre les Premières nations et le gouvernement de ce pays car C-7 nous est imposé avec très peu de consultations, même si ce chiffre de 10 000 semble acceptable. Il y a peut-être des façons intéressantes de calculer le nombre réel de personnes qui sont consultées. L'incidence de ces consultations sur les collectivités sera minime. Nous ne nous battons pas contre ce projet de loi simplement par rapport aux traités, mais parce que nous savons que les Premières nations ont bien fait les choses, jusqu'ici.

    Les institutions qui ont le mieux fonctionné sont celles qui ont été créées, élaborées, mises en place et gérées par les Premières nations. Ce projet de loi, qui nous prive de ce genre de participation, finalement, aura coûté des millions de dollars à élaborer mais probablement d'autres millions à appliquer.

    On a posé une question tout à l'heure: «Pensez-vous qu'il existe quelque chose de plus cher et de moins efficace...» Eh bien, ça s'applique à ce projet de loi.

    Nous souhaitons tous améliorer la situation sociale et économique de notre peuple, mais il y a des meilleures façons de s'y prendre quand on se concentre uniquement sur l'administration et la gouvernance. Comme je l'ai dit, je pense qu'il est irresponsable de dire que ce projet de loi pourrait sauver des vies. C'est en se mobilisant et en s'attaquant à la question des soins de santé, de l'éducation et des données démographiques que l'on arrivera à sauver des vies.

    La Saskatchewan est plus à risque à cause de la forte population autochtone de la province et de la baisse de la population des Autochtones. Le phénomène qui suit le baby-boom n'est habituellement pas aussi important que le baby-boom lui-même. En Saskatchewan, ce phénomène est plus important, c'est le croissance de la collectivité autochtone.

    Les politiques et initiatives nationales qui pourraient fonctionner dans d'autres provinces plus importantes seront néfastes pour la Saskatchewan, à cause de sa situation financière fragile. Pour conclure, ce projet de loi passe à côté des objectifs recherchés. Il ne profitera pas aux collectivités autochtones et aura fait perdre beaucoup d'argent et de temps.

»  -(1725)  

+-

    Chef Marcel Head: Merci, grand chef.

    Je voudrais profiter de cette occasion pour remercier tous les membres du Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles de nous avoir accueillis aujourd'hui. J'espère que notre exposé vous aidera à comprendre les résultats de ce projet de loi. Je voudrais dire, au nom des membres du Grand conseil de Prince Albert, que nous aimerions voir des mesures législatives qui répondent directement aux besoins de notre peuple, non pas des mesures qui expliquent comment vous gérez les Premières nations.

    Nous venons de collectivités très diverses. Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes dans nos collectivités, en matière de logement, d'éducation et de programmes sociaux. C'est dans ces secteurs que les besoins sont les plus importants. Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut intégrer de solides organes administratifs aux structures des Premières nations. Mais si un gouvernement était capable de nous aider à résoudre les problèmes que j'ai mentionnés plus tôt, je pense que notre peuple réagirait et lui exprimerait sa gratitude.

    Alors, au nom de ma Première nation, je voudrais profiter de cette occasion pour remercier tous les membres du comité d'avoir écouté notre exposé aujourd'hui. Merci.

-

    Le président: Merci beaucoup. Votre exposé nous a été très utile, et nous vous en remercions. Il va certainement nous aider dans notre travail.

    Merci, chers collègues, et à demain.

    La séance est levée.