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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 20 mars 2003




½ 1955
V         Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.))
V         M. Jim Boyles (archidiacre, secrétaire général, Église anglicane du Canada)

¾ 2000

¾ 2005
V         Le président
V         Le rév. Jim Sinclair (secrétaire général, Bureau du Conseil général, Église unie du Canada)

¾ 2010
V         La rév. Anne Miller (porte-parole du Synode autochtone, Église unie du Canada)
V         Le président
V         Mme Jennifer Preston Howe (associée de programme, Comité Quaker des affaires autochtones)

¾ 2015
V         Le président
V         M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD)
V         Le président
V         M. Pat Martin

¾ 2020
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le rév. Jim Sinclair
V         M. Pat Martin
V         Mme Choice Okoro (agente de programme, Initiatives sur les droits de la personne et le réconciliation, Église unie du Canada)
V         Le président
V         M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.)
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Jim Boyles

¾ 2025
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         M. Jim Boyles
V         Le président
V         La rév. Anne Miller
V         M. Pat Martin
V         La rév. Anne Miller
V         Le président
V         M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.)

¾ 2030
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Mme Lorraine Land (collaboratrice, ancienne présidente national de la Coalition pour les droits des autochtones, stagiaire en droit, «Klippensteins, Barristers and Solicitors», Comité Quaker des affaires autochtones)

¾ 2035
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)
V         Mme Jennifer Preston Howe
V         M. John Godfrey
V         Mme Lorraine Land

¾ 2040
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Mme Choice Okoro
V         Le président
V         La rév. Anne Miller

¾ 2045
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         La rév. Anne Miller
V         M. Charles Hubbard
V         M. Jim Boyles

¾ 2050
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         Mr. Pat Martin
V         Mme Choice Okoro
V         Martin, Pat Member
V         Le rév. Jim Sinclair
V         Le président
V         M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.)

¾ 2055
V         Le président
V         Mme Jennifer Preston Howe
V         Le président
V         Le rév. Jim Sinclair
V         Le président
V         M. Jim Boyles

¿ 2100
V         Le président
V         M. Fred Lazar (économiste, «Schulich School of Business», Université York)
V         Le président
V         M. Fred Lazar

¿ 2105

¿ 2110
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. Pat Martin

¿ 2115
V         Le président
V         Martin, Pat Member
V         M. Fred Lazar
V         Le président
V         M. Charles Hubbard
V         M. Fred Lazar
V         M. Charles Hubbard
V         M. Fred Lazar

¿ 2120
V         M. Charles Hubbard
V         M. Fred Lazar
V         Le président
V         M. Pat Martin
V         M. Fred Lazar
V         M. Pat Martin
V         M. Fred Lazar
V         M. Pat Martin
V         Le président
V         M. John Godfrey

¿ 2125
V         M. Fred Lazar
V         M. John Godfrey
V         Le président
V         M. Fred Lazar

¿ 2130
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles


NUMÉRO 048 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 20 mars 2003

[Enregistrement électronique]

½  +(1955)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonsoir à vous tous.

    Nous sommes ici pour reprendre nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi respectant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.

    Nous sommes heureux d'accueillir les personnes suivantes: de l'Église anglicane du Canada, Jim Boyles, archidiacre et secrétaire général; de l'Égise unie du Canada, la Révérende Anne Miller, porte-parole pour la All Native Circle Conference; le Révérend Jim Sinclair, secrétaire général, bureaux du conseil général; Choice Okoro, agent de programmes, droits de la personne et initiatives de réconciliation; du Quaker Aboriginal Affairs Committee, Lorraine Land, associée, ancienne présidente nationale de la Coalition pour les droits des autochtones et stagiaire en droit chez Klippenstein Barristers and Solicitors; et Jennifer Preston Howe, associée de programme.

    Nous avons une heure. J'imagine que vous avez décidé comment vous allez faire vos présentations et qui va prendre la parole en premier, en deuxième et en troisième. Si les églises ne peuvent s'entendre et partager le temps disponible, il n'y aura sûrement pas grand partage dans les autres audiences.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Jim Boyles (archidiacre, secrétaire général, Église anglicane du Canada): Je vais commencer.

    Monsieur le président, membres du comité, amis et collègues, mon nom est Jim Boyles.

    Je suis ici pour représenter le synode général de l'Église anglicane du Canada, c'est-à-dire l'organisme national de l'Église, et pour vous faire part de nos préoccupations à l'égard de la Loi sur la gouvernance des premières nations, soit le projet de loi C-7.

    L'Église anglicane du Canada a une longue et riche histoire avec les peuples indigènes du Canada. Cette histoire remonte à 1578, lorsque la première Eucharistie a été célébrée au Canada, à l'endroit qu'on appelait auparavant Frobisher Bay.

    Dans le contexte actuel, cette histoire est examinée d'un oeil critique, mais c'est une histoire qui se poursuit, comme le démontre le fait qu'il y ait quelque 225 congrégations autochtones anglicanes au Canada. L'Église anglicane compte plus de 130 membres du clergé ainsi que quatre évêques qui sont d'origine autochtone.

    Depuis 1969, le synode général de l'Église consacre ses efforts à un partenariat, c'est-à-dire que ses membres autochtones et non autochtones cherchent ensemble la justice, la guérison et la réconciliation. Ce sont des éléments qui s'appliquent non seulement à la vie de l'Église anglicane, mais qui, selon moi, devraient former la base d'un partenariat similaire avec l'ensemble de la société canadienne.

    Depuis 1969, le synode général, c'est-à-dire l'organisme national de l'Église, s'est efforcé de se montrer solidaire de nos frères et soeurs autochtones, qui cherchent un règlement aux nombreuses questions non encore réglées auxquels ceux-ci et leurs collectivités sont confrontés, notamment des questions constitutionnelles et aussi des questions liées à la vie et à la mort. Les conditions dans lesquelles vivent un grand nombre d'autochtones sont scandaleuses, particulièrement dans un pays qu'on décrit souvent comme le meilleur endroit au monde où vivre.

    Lors de sa réunion tenue à Waterloo, Ontario, en juillet 2001, le synode général, qui est composé des évêques, de représentants du clergé et de laïcs de toutes les régions du Canada, et qui représente nos 30 diocèses, a adopté une résolution qui demande au gouvernement fédéral de reconsidérer son approche à l'égard des questions de gouvernance. Le premier paragraphe de la motion se lit comme suit:

Que le synode général:



1. Affirme, dans l'esprit de la résolution adoptée lors du synode général en 1969, que la Loi sur les Indiens ne devrait pas être modifiée ou abolie par le gouvernement fédéral sans le consentement exprès des peuples autochtones; que le gouvernement fédéral ne devrait pas imposer un processus aux peuples autochtones relativement à de tels changements; que tout exercice de consultation et tout processus de négociation liés à de tels changements soient élaborés dans le cadre d'un partenariat intégral avec les premières nations qui fasse intervenir les autorités dûment élues et reconnues de ces collectivités et tous leurs membres; et que les premières nations doivent chacune conserver le droit de refuser de tels changements.

¾  +-(2000)  

    Le synode a aussi spécifiquement demandé aux anglicans de condamner les initiatives d'assimilation du gouvernement fédéral. À l'instar d'autres groupes, nous tenons à dire que les consultations sur le projet de loi C-7 ont été insuffisantes. L'Assemblée des Premières nations estime que le projet de loi C-7 est essentiellement mauvais et doit être retiré. Notre propre conseil anglican des peuples autochtones est du même avis.

    Si le projet de loi C-7 est adopté, s'ensuivront de nombreuses années d'hostilité, de dissension, de colère, et le mouvement de réconciliation s'en trouvera stoppé et connaîtra un recul, en fait. Ce sera une catastrophe et la confiance s'effritera encore plus.

    Notre primat, l'archevêque Michael Peers, a écrit au premier ministre en août 2001 pour lui exposer notre position sur l'autonomie gouvernementale des autochtones. En voici des extraits:

... Les Premières nations doivent avoir leur mot à dire dans tout véritable processus d'évolution, et cette évolution doit commencer par la reconnaissance et le respect permanent des revendications territoriales, des droits issus de traités et des droits inhérents des autochtones par l'application des recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones.

    Plus loin:

Nous respectons profondément l'autodétermination des différentes collectivités des premières nations.

    Et puis

... tout processus de changement qui n'est pas entrepris par et avec des autochtones et qui ne suppose pas leur participation pleine et entière à l'établissement du calendrier et à la prise de décisions ne fonctionnera tout simplement pas. Pire encore, un tel processus de changement risque de répéter les vieux modèles de racisme, de paternalisme et de colonialisme.

    Nous estimons donc que le projet de loi C-7 devrait être retiré et qu'un meilleur processus de consultation devrait être établi. Les discussions devraient être fondées sur le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones et commencer par une reconnaissance claire de la Loi constitutionnelle de 1982 et, notamment, de la déclaration voulant que:

Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

¾  +-(2005)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Vous avez le choix. Ou chaque groupe dispose de 20 minutes pour son exposé et les questions, ou les députés entendent les trois exposés d'affilée et posent ensuite leurs questions à qui ils veulent. Préférez-vous la seconde option?

    Passons alors au prochain exposé, s'il vous plaît.

+-

    Le rév. Jim Sinclair (secrétaire général, Bureau du Conseil général, Église unie du Canada): Bonsoir tout le monde. Je m'adresse à vous et vous salue au nom de notre Église, mais je suis fier d'être associé ici à d'autres confessions et à des intervenants autochtones.

    Je suis ici en tant que membre d'un groupe représentant l'Église unie du Canada dans cette affaire. Je tiens à vous rappeler que notre Église est déterminée à collaborer avec les premières nations du Canada pour obtenir que l'on respecte les droits des autochtones dans la société canadienne et ailleurs.

    Nous demandons donc au comité permanent de recommander que le projet de loi C-7, ou Loi sur la gouvernance des premières nations, soit retiré et que le gouvernement fédéral adopte un processus qui respecte les droits des autochtones, y compris le droit d'avoir leurs propres dirigeants et de s'autogouverner.

    Nous sommes ici aujourd'hui grâce aux leçons que nous ont apprises des années de dialogue et de solidarité avec les premières nations dans le soutien de leurs droits, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Église. Nous n'allons pas commenter le projet de loi en tant que tel, mais plutôt exposer les grandes lignes des deux politiques connexes que le conseil général de l'Église unie a adoptées et qui nous amènent à contester le projet de loi C-7 et à recommander son retrait.

    En 1984, il est devenu évident pour l'Église unie que les congrégations autochtones avaient du mal à survivre et que certaines avaient même disparu sous la gouverne du conseil général, à l'intérieur de la structure de l'Église unie, et cela, principalement parce qu'elles n'avaient pas leur propre structure de gestion. En réaction à cette triste constatation, l'Église a adopté une résolution visant l'établissement de structures de gestion conçues et mises en place par des congrégations des premières nations. C'est ainsi qu'est née ce que nous appelons la All Native Circle Conference, en 1986, et que les membres autochtones de l'Église unie de la Colombie-Britannique ont fondé le British Columbia Native Ministries Council.

    La création de ces deux organismes a marqué une étape importante dans l'affirmation par notre Église de son engagement à l'égard de l'autodétermination des premières nations et indique clairement que l'Église reconnaît que les membres des premières nations doivent être les premiers à prendre les décisions concernant leur vie et leur gouvernance. En contestant le projet de loi, nous mettons donc à profit deux leçons que nous a clairement enseignées notre expérience, à savoir l'affirmation, la conception et la mise en place de l'autodétermination des premières nations au sein même de l'Église.

    On commet des erreurs lorsqu'on croit savoir mieux que les premières nations ce qui est bon pour elles. Les premières nations ont des structures de gouvernance qui fonctionnent et qui rendent autonomes leurs collectivités. Ces structures existent déjà. Nous le savons parce les membres autochtones de l'Église unie et nos partenaires autochtones de l'extérieur de l'Église nous l'ont dit. Nous le voyons aussi clairement énoncé dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous estimons donc que le projet de loi C-7 ne reconnaît ni n'articule une optique autochtone de la gouvernance.

    Ensuite, en dépit des conséquences brutales et permanentes du colonialisme, les premières nations maintiennent et ressuscitent des structures de gestion adaptées aux besoins uniques et spéciaux des membres des premières nations, des structures qui reflètent, respectent et affirment les valeurs autochtones que sont la recherche d'un consensus et le respect des anciens. Nous en avons été nous-mêmes témoins et nous en témoignons ici ce soir.

    Que nous ayons accepté cela a fait toute une différence dans notre communauté. Nous en avons reçu l'inspiration de notre propre All Native Circle Conference et des réalisations de nos amis de la Federation of Saskatchewan Indian Nations et de l'Assemblée des Premières nations. Le Canada tout entier se trouvera enrichi par la reconnaissance des bienfaits que les systèmes et les valeurs des premières nations peuvent contribuer à nos vies et aux structures de notre pays.

    La détermination de l'Église unie à contester ce projet de loi découle de notre politique d'appui à l'autodétermination et à la gouvernance des premières nations. Nous croyons que le la Loi sur la gouvernance des premières nations empêchera les celles-ci d'en arriver à l'autonomie gouvernementale. Nous appuyons l'engagement du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à faire que les premières nations soient autonomes, mais nous doutons que ce soit là le moyen d'y arriver. Il est inquiétant que ce projet de loi prévoie des revendications et des réalisations potentielles que désavouent eux-mêmes les membres des premières nations.

    L'espoir que ce projet de loi permette aux premières nations d'établir et d'adopter des codes portant sur le choix des dirigeants, sur la gestion financière et l'obligation de rendre compte, et sur le gouvernement de la bande en fonction des besoins de leur collectivité risque de faire que les chefs des premières nations deviennent de simples gestionnaires du gouvernement fédéral.

¾  +-(2010)  

    Les membres autochtones de l'Église unie et nos partenaires des autres grandes organisations autochtones ont été très clairs là-dessus. Ils craignent notamment que le projet de loi sur la gouvernance: réduise légalement les premières nations à de simples municipalités; oblige les chefs des premières nations à rendre des comptes financiers et politiques au ministre des Affaires indiennes plus qu'à leurs propres collectivités; réduise la responsabilité du gouvernement fédéral à l'égard des premières nations — ce qui nous inquiète vraiment; supprime le droit des premières nations d'adopter des formes traditionnelles de gouvernance; trafique la Loi sur les Indiens, en modifiant des articles archaïques sans apporter d'autres modifications qui s'imposent; et transfère la responsabilité fédérale du financement des programmes aux premières nations sans offrir à celles-ci les moyens ni les structures qui leur permettraient d'en absorber le coût.

    Nous avons donc pour politique d'appuyer les systèmes de gouvernance qui respectent bel et bien le droit des premières nations à s'autogouverner. Pour cela, il faut notamment veiller à ce que les mesures dirigées par le gouvernement fédéral ne soient pas une nouvelle façon de perpétuer la politique d'assimilation qui a mené à la destruction de gouvernements et de cultures autochtones. Voilà pourquoi nous demandons au gouvernement fédéral de retirer le projet de loi.

+-

    La rév. Anne Miller (porte-parole du Synode autochtone, Église unie du Canada): En 1986, le Conseil général de l’Église unie du Canada a adopté une résolution exigeant que les autochtones soient consultés à l'égard des questions qui les concernent, qu'ils participent pleinement à leur étude et qu'ils consentent aux décisions ayant des effets sur eux. L'Église unie du Canada s'est engagée à appliquer ce principe en son sein et, dans le cadre de partenariats avec les organismes autochtones, à défendre et à promouvoir ce principe au Canada. La résolution faisait suite à plus d'une décennie d'affrontements.

    Le programme de défense de l'Église unie du Canada suppose la participation des premières nations aux politiques des secteurs public et privé qui ont des effets sur les autochtones. En 1977, par exemple, l'Église a vigoureusement dénoncé la dévastation par l'industrie et le gouvernement des terres du Nord, qui recèlent beaucoup de ressources et où vivent de nombreux autochtones. Elle s'est jointe à d'autres Églises pour réclamer un moratoire sur toute exploitation des ressources du Nord à laquelle les autochtones ne participeraient pas dans une mesure convenable. La même année, le 27e Conseil général a clairement appuyé le Projet nordique.

    Le groupe oecuménique, maintenant appelé KAIROS, n'a pas caché son appui aux autochtones dans leur volonté d'être entendus par les décideurs canadiens. L'Église unie du Canada s'est également faite l'alliée des premières nations dans des dossiers récents relatifs à leurs droits, comme lors de la crise d'Oka et de celle des pêches de Burnt Church...

+-

    Le président: Excusez-moi. Nous devons maintenant passer au prochain exposé. Dix minutes ont déjà été consacrées seulement à votre présentation.

    Je donne la parole à Mesdames Land et Howe.

+-

    Mme Jennifer Preston Howe (associée de programme, Comité Quaker des affaires autochtones): Bonsoir. Je suis Jennifer Howe et Lorraine Land m'accompagne. Je témoigne au nom du Comité Quaker des affaires autochtones, qui est un comité permanent de Secours Quaker Canadien, l'organe national chargé de promouvoir la paix et le service pour la Société religieuse des amis, mieux connue sous le nom de Quakers.

    Les Quakers s'intéressent activement aux préoccupations des premières nations depuis l'époque où William Penn a obtenu une concession de terres de Charles II, en 1681. Penn a alors décidé de négocier la relation entre les colons quakers et les membres de la tribu Lenape et de payer à ces derniers les terres qui leur avaient été enlevées.

    Depuis, les Quakers n'ont jamais cessé d'encourager les témoignages de paix, d'intégrité et d'égalité dans nos relations avec les peuples autochtones. Aujourd'hui, et c'est encore plus important en ces temps de crise mondiale, il serait bon de rappeler que la paix n'est pas simplement l'absence de guerre. Nous croyons que la paix est impossible sans justice et que la justice continue d'être niée aux premières nations du Canada.

    Nous sommes d'avis que le projet de loi C-7 perpétue cette injustice. Nous entretenons de nombreuses inquiétudes à l'égard du projet de loi C-7, inquiétudes que nous avons décrites dans le mémoire que nous vous avons soumis. Au cours de ma présentation, je vais surtout m'arrêter sur les obligations qui incombent au Canada en vertu du droit international.

    Il est temps de promouvoir et de protéger les droits des membres des premières nations, y compris le droit à l'autodétermination garanti à tous les peuples aux termes de la Déclaration internationale des droits de l'homme. Le projet de loi à l'étude ne permet pas cela. En fait, on peut craindre à juste titre que cette mesure mine le droit à l'autodétermination. En termes clairs, l'autodétermination n'est pas l'autonomie gouvernementale. La nature même de ce projet de loi va à l'encontre du principe de l'autodétermination.

    L'article 3 du Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies stipule clairement:

Les peuples autochtones ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.

    Le Canada a déclaré sans la moindre équivoque qu'il appuyait l'article 3. Or, il est tout à fait contraire à l'article 3 que le gouvernement du Canada définisse la gouvernance au nom des premières nations.

    Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise que l'autodétermination est une partie essentielle de ce qui, selon la déclaration de l'Assemblée générale des Nations Unies, constitue un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations, y compris les populations des territoires placés sous la juridiction des États membres.

    Le Canada est légalement et moralement engagé à promouvoir ce droit. La pleine jouissance du droit à l'autodétermination présuppose la reconnaissance et la protection de tout l'éventail des droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels. Nous craignons que le Canada ne donne une définition amoindrie de l'autodétermination. Le projet de loi ne traite même pas de façon appropriée le droit à l'autonomie gouvernementale et il pourrait même aller à l'encontre des obligations du Canada aux termes du droit international.

    Nous craignons que le Canada n'adopte des mesures intérieures qui ne reflètent pas les normes qu'il dit appuyer aux Nations Unies.

    De plus, au cours d'entretiens avec les représentants du gouvernement du Canada, on nous a dit que toute politique canadienne touchant les premières nations est évaluée par rapport aux recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous doutons que ce projet de loi résiste à cette évaluation.

    D'abord, la CRPA a fermement recommandé d'éviter de remanier la Loi sur les Indiens; ensuite, il était question de partenariats entre nations dans les recommandations de la CRPA. Or, il n'y a absolument rien dans le projet de loi C-7 qui promeut de tels partenariats.

    Je voudrais aussi signaler que nous appuyons nos collègues qui ont parlé ce soir du processus de consultation et de certains détails du projet de loi. Il est inacceptable que le gouvernement trace un programme sans l'appui des peuples autochtones.

    Nous invitons le ministre des Affaires indiennes à revoir les recommandations de la CRPA et à entamer de véritables consultations qui se solderont par un projet de loi bénéficiant de l'appui des peuples autochtones tout en étant conforme au droit international en matière de droits de la personne.

    Les tentatives visant à restreindre l'autodétermination en imposant ce projet de loi, conjuguées à d'apparentes manipulations du processus démocratique pour faire avancer des programmes colonialistes, nous portent à croire que les modifications de fond envisagées par les peuples autochtones et leurs partisans continuent d'être mises en échec en raison d'un déni institutionnel. Nous prions le comité permanent de mettre à l'écart ce projet de loi et d'encourager le ministre à travailler de concert avec les premières nations, afin d'élaborer un projet de loi qui traduise un effort en vue de promouvoir les partenariats et de s'attaquer aux problèmes communs.

¾  +-(2015)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Passons maintenant aux questions.

    Il y aura trois rondes de questions. Préférez-vous procéder à des rondes de trois minutes ou commencer par une ronde de cinq minutes pour accélérer ensuite?

+-

    M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je vous laisse décider, monsieur le président. Je n'ai aucune préférence. Je poserai mes questions à mesure.

+-

    Le président: Cela ne changera rien au temps dont nous disposons, alors procédons par rondes de trois minutes.

+-

    M. Pat Martin: Je vous remercie tous d'être ici. Il est très important d'entendre le point de vue de non-autochtones. Ce que j'entends ici m'encourage. Je représente le NPD. Je suis de ce côté-ci, qui est le côté de l'opposition; le gouvernement est en face. Je me sens un peu seul aujourd'hui.

    Je tiens à souligner que, partout où nous sommes allés, la grande majorité des dirigeants des premières nations ont fait valoir les arguments que je viens d'entendre. C'est très encourageant de les entendre de la part de non-autochtones.

    Je voudrais d'abord connaître votre réaction à l'étude du Projet Harvard sur la gouvernance des premières nations, que le gouvernement dit avoir utilisée pour orienter la rédaction de ce projet de loi. Les auteurs de cette étude avaient beaucoup de critiques à formuler à l'égard du projet de loi sur la gouvernance d es premières nations. Ils ont notamment fait remarquer, et je vais vous demander votre opinion à cet égard, que les codes de gouvernance imposés en l'absence de souveraineté ont autant de chances de réussir que la souveraineté sans de bons codes de gouvernance. Un autre argument veut qu'elle mine l'idée même d'autorégulation visant à imposer des codes et des règlements, parce que l'autorégulation comporte évidemment le droit de concevoir et de mettre en place des institutions de gouvernance qui sont appropriées et raisonnables compte tenu des coutumes et des traditions.

    Est-ce que quelqu'un voudrait s'arrêter là-dessus?

¾  +-(2020)  

+-

    Le président: Pensez-vous à quelqu'un en particulier?

+-

    M. Pat Martin: Je demanderais d'abord à Jim Sinclair, de l'Église unie. Révérende Miller, vous avez été interrompue, de sorte que si vous le voulez bien, vous pourriez utiliser un peu de mon temps de parole pour ajouter des commentaires.

+-

    Le rév. Jim Sinclair: Quelle est votre question au juste?

+-

    M. Pat Martin: Je suis désolé.

    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'opinion de l'auteur de l'étude de Harvard selon laquelle l'imposition de codes de gouvernance mine l'idée même d'autonomie gouvernementale. Il ne fait aucun doute que la mise en place de ses propres institutions de gouvernance est au coeur du concept d'autonomie gouvernementale.

+-

    Mme Choice Okoro (agente de programme, Initiatives sur les droits de la personne et le réconciliation, Église unie du Canada): L'étude de Harvard dit que l'un des principaux facteurs de développement économique, auquel semble faire référence la LGPN, est, je la cite:

Questions de souveraineté. Lorsque les tribus prennent leurs propres décisions sur les approches à adopter et les ressources à développer, elles obtiennent toujours de meilleurs résultats que les décideurs qui ne font pas partie de la tribu.

    Le fondement de tout ceci est que les Premières nations doivent prendre ces décisions de l'intérieur. Je pense que l'étude de Harvard établit très clairement que les décisions doivent émaner de l'intérieur et ne pas se fonder sur des exigences imposées aux Premières nations par l'intermédiaire de la LGPN. Les décisions doivent venir des Premières nations elles-mêmes.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Hubbard, je vous accorde trois minutes.

+-

    M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Trois minutes, ce n'est pas beaucoup, vous ne trouvez pas?

+-

    Le président: Nous pouvons aller jusqu'à quatre.

+-

    M. Charles Hubbard: Comme l'a mentionné M. Boyles, il y a dans ce pays des gens qui travaillent avec les peuples autochtones depuis près de 500 ans.

    Pour commencer, j'aimerais faire deux ou trois observations au sujet de ce que vous nous recommandez. Certains d'entre vous comptent un assez grand nombre de fidèles au sein de l'Église unie, par exemple, ou de l'Église anglicane. Lorsque vous avez préparé cet exposé, avez-vous travaillé avec la base pour formuler vos recommandations? Avez-vous consulté vos fidèles, en plus du clergé?

    Deuxièmement, j'aimerais obtenir quelques indications à propos de... en tant que gouvernement, nous avons pour mission d'examiner les problèmes de toutes sortes de gens. Par exemple, la Loi sur les Indiens et la Charte, comme nous l'appelons... Nos Autochtones ne sont pas capables de régler leurs problèmes en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans les réserves, il y a des femmes qui considèrent que leur mode de vie n'est pas suffisamment protégé. Il existe beaucoup d'autres problèmes du genre, mais lorsqu'on étudie ce projet de loi et qu'on examine la possibilité d'accorder des réparations ou d'établir des politiques et des procédures et qu'on voit que la loi remonte à 1876, comment peut-on, en tant que législateurs, perpétuer une loi qui a été adoptée avant l'ère moderne? Les peuples autochtones de ce pays sont régis par des lois très anciennes et si obsolètes qu'on finit par se poser des questions, surtout quand vous dites qu'il faut suivre le sillage d'une loi adoptée en 1867.

    Je suis désolé, monsieur le président, d'avoir pris autant de temps pour m'expliquer. Peut-être que M. Boyles, M. Sinclair ou Mme Miller pourraient répondre à cela.

+-

    M. Jim Boyles: Pour ce qui est de votre première question au sujet de la consultation, je vous répondrais que tout comme le gouvernement fédéral, nous avons une sorte de gouvernement ecclésiastique représentatif. Notre Conseil anglican des peuples autochtones représente les diocèses dans lesquels nous sommes établis, qui sont au nombre de 20 environ. Ce groupe existe depuis près de 15 ans et est constamment à l'écoute de la population.

    Le reste de l'église est au courant de la situation. Par conséquent, je ne peux pas dire que nous avons consulté l'ensemble des anglicans, comme vous ne pouvez pas dire non plus que vous avez consulté l'ensemble des Canadiens.

¾  +-(2025)  

+-

    M. Charles Hubbard: Je fais référence aux Autochtones anglicans vivant dans les différentes collectivités dont nous parlons.

+-

    Le président: Je suis désolé, le temps qui vous était imparti est écoulé.

    La parole est maintenant à M. Martin, mais avant, j'aimerais dire à nos invités et amis du public que ces députés, lorsqu'ils posent une question à la Chambre des communes, disposent de 35 secondes—et ils respectent le temps qui leur est alloué. Ce soir, cela a pris deux minutes pour chaque question, mais je comprends pourquoi.

    La parole est maintenant à M. Martin, qui dispose de quatre minutes.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    J'aimerais continuer à parler du processus de consultation. La plupart des gens—et je ne pense pas exagérer en affirmant cela—, la plupart des témoins ont dit que le processus de consultation n'était qu'une comédie. Il ne satisfait à aucun des critères correspondant à la définition normale d'une véritable consultation car, selon eux, une vraie consultation doit permettre certains aménagements. Autrement dit, on ne peut pas se contenter d'expliquer aux gens ce qu'on va leur faire sans obtenir leur rétroaction, et prétendre ensuite avoir mené un véritable processus de consultation.

    Monsieur Boyles, vous avez dit que les dirigeants doivent prendre part au processus de consultation. Mais lorsque le ministre a vu qu'ils s'opposaient à ce projet de loi, il a délibérément passé outre les dirigeants élus.

    Pourriez-vous nous dire pourquoi vous estimez que le processus de consultation était insatisfaisant?

    Je me tais.

+-

    M. Jim Boyles: Les consultations doivent être sérieuses et étendues, et je pense que le fait que tant de groupes et de peuples autochtones soient opposés montre combien le processus de consultation a été inadéquat. J'estime que si on n'entreprend pas de nouvelles consultations à ce stade-ci, cela voudra dire que la mesure législative sera adoptée, en dépit du très faible soutien qu'elle recueille auprès des personnes visées.

+-

    Le président: Il vous reste deux minutes et demie.

+-

    La rév. Anne Miller: Je viens du Synode autochtone. Nous faisons partie de l'Église unie. Le Synode autochtone est composé de tous les peuples autochtones d'Alberta, de Saskatchewan, du Manitoba, d'Ontario et du Québec. Nous avons eu une discussion au sujet de la loi sur la gouvernance et nous sommes absolument contre cette mesure.

    Nous en avons parlé dans nos églises, au sein des 37 congrégations réparties dans toute l'Église unie du Canada. Il m'est très difficile de suivre votre rythme car ma culture me dicte d'écouter les gens. Le temps ne signifie rien. On doit s'asseoir et écouter.

    D'après ce que j'ai pu constater, les gens n'écoutent et n'entendent rien. Ils parlent, mais n'écoutent personne. On dirait que nous faisons marche arrière. Vous parlez de lois votées dans les années 1800 et quelque. Nous ne sommes pas sortis de cette époque. Si vous n'écoutez pas, nous n'en sortirons pas. Vous continuez de faire les mêmes choses. Vous nous dites ce qui est bon pour nous, peu importe que nous soyons d'accord ou pas.

    Quant au manque de reconnaissance, permettez-moi de vous faire remarquer que vous avez parlé de toutes les personnes assises ici, de tous les non-Autochtones, mais moi je suis Autochtone, et vous m'avez oubliée.

+-

    M. Pat Martin: Je vous prie de m'excuser, je ne m'en suis pas rendu compte.

+-

    La rév. Anne Miller: Voilà pourquoi je pense que les gens doivent prendre leur temps. On ne peut pas sans cesse être pressé. De cette façon, on n'obtient et on n'obtiendra jamais rien.

+-

    Le président: Je vous remercie beaucoup.

    Monsieur Dromisky.

+-

    M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Je vous remercie beaucoup.

    J'ai travaillé sur le dossier toute la semaine dernière et celle-ci, et je ne cesse de me demander pourquoi, pourquoi et encore pourquoi? Je ne peux prendre aucune de vos déclarations pour argent comptant. Comprenez-vous?

    J'ai un million de questions à poser, rien que pour ces deux documents, à la lumière de ma propre expérience. Mais je n'utiliserai pas mon expérience auprès des populations autochtones et des églises travaillant dans le nord-ouest de l'Ontario pour prendre une décision définitive sur ce projet de loi. Nous devons absolument tout faire pour continuer à cherche des solutions.

    Vous parlez du processus de consultation. Lorsque j'ai questionné l'un des chefs du Grand conseil, il m'a répondu qu'il avait environ 130 chefs sous son autorité. Seulement deux ont pris part à la réunion de consultation. Où étaient les autres? On leur avait dit de ne pas venir et de ne pas participer au processus. Est-ce que les gens avec lesquels vous travaillez au sein de ces réserves vous ont informé de cette situation?

    Qui va à la convention? Seulement ceux qui reçoivent une aide financière du chef et du conseil. Si vous êtes pour, vous irez. Il peut y avoir des milliers de gens contre, mais ils n'obtiendront jamais les fonds nécessaires pour participer à une convention qui, dans un sens, est totalement opposée à ce qu'un chef, un ensemble de chefs ou une nation peut vouloir.

    Il doit bien y avoir une raison pour que chaque chef saute tout d'un coup dans le train en marche et s'oppose à ce projet de loi. Quelles sont ces raisons? Des gens ont dit, et je peux le confirmer personnellement d'après l'expérience que j'ai vécue au cours de la semaine et demie qui s'est écoulée, qu'ils avaient peur de venir témoigner. Et c'étaient des gens vraiment très courageux.

    Je sais un peu ce qui se passe dans le nord-ouest de l'Ontario. Ce projet de loi ouvre une porte. Il est le premier pas vers l'autodétermination. C'est exactement là que commence l'autodétermination. Elle commence avec les individus, pas avec une mesure législative ni avec des déclarations grandiloquentes prononcées par des politiciens ou des chefs de Grand conseil, etc. C'est là qu'elle commence, et les gens doivent apprendre à la vivre et à la comprendre.

    Les femmes, et beaucoup d'autres, n'ont aucune idée de ce que cela représente. Ils sont soumis au contrôle serré souvent imposé par un régime dictatorial auquel personne ne peut échapper, précisément à cause de la façon dont est formulée la loi actuelle. Nous devons leur donner les instruments pour agir. Nous devons ouvrir la porte pour qu'ils commencent à travailler et à mettre au point des stratégies, à prendre des décisions sur leurs quartiers et leurs collectivités; ce n'est pas à Ottawa de le faire.

    Ce sera à eux, dans les années à venir, de résoudre leurs propres problèmes. Nous, les politiciens, nous ne pourrons pas le faire à leur place. L'autodétermination ne viendra pas d'Ottawa; elle jaillira du coeur des personnes libres au sein de ces collectivités.

¾  +-(2030)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Martin, je vous accorde quatre minutes.

+-

    M. Pat Martin: Si vous pensez que la petite diatribe de Stan était eurocentrique, colonialiste et paternaliste, vous devriez écouter ce que disent à l'occasion les députés de l'Alliance canadienne.

+-

    Le président: Monsieur Martin, nous ne pouvons pas tolérer cela. Vous le savez. Nous en avons déjà parlé. C'est la cinquième fois. Pas d'attaques personnelles. On ne nomme personne et on n'attaque pas les autres partis politiques. C'est la cinquième fois que je le dis. Continuez.

+-

    M. Pat Martin: C'est vraiment frustrant.

    On nous balance ce projet de loi comme si c'était un modèle de reddition des comptes et de transparence. Il me semble que le ministre nous le balance pour gagner l'appui de l'opinion publique. C'est vraiment une campagne de désinformation que de dire que le manque de responsabilisation et de transparence est si grand qu'il faut employer la méthode forte pour imposer de nouvelles règles sur la façon dont les Premières nations doivent conduire leurs affaires. Mais nous croyons, tout comme de nombreux témoins, que l'objectif réel du gouvernement est de miner et de diminuer les droits ancestraux ou issus de traités ainsi que la responsabilité fiduciaire découlant de l'application des traités, avant même que ceux-ci ne soient pleinement en vigueur.

    Quelqu'un veut-il parler du problème que nous avons relevé durant les audiences sur le projet de loi?

+-

    Mme Lorraine Land (collaboratrice, ancienne présidente national de la Coalition pour les droits des autochtones, stagiaire en droit, «Klippensteins, Barristers and Solicitors», Comité Quaker des affaires autochtones): Oui, j'aimerais dire quelque chose à ce propos.

    Il est vrai que depuis le début, ce débat tourne autour de la libération des Autochtones du joug de leurs dirigeants et de la responsabilisation accrue des chefs. Pourtant, en lisant le projet de loi, on se rend compte, et c'est pour cela qu'il est tellement inacceptable, qu'il vise essentiellement à forcer les gouvernements autochtones à rendre plus de comptes au ministère des Affaires indiennes qu'à leurs propres administrés.

    Par exemple, le ministre a le pouvoir de prendre unilatéralement le contrôle des finances des bandes en cas de différends sur la gestion financière. Ce sont des pouvoirs beaucoup plus étendus, exigeant des bandes qu'elles rendent davantage compte de leurs activités au ministre.

    Comme nous le savons, même la vérificatrice générale a fait remarquer aux membres du comité permanent que les Premières nations avaient déjà beaucoup plus d'obligations liées à la préparation de rapports financiers destinés au ministère des Affaires indiennes, par exemple, que n'importe quel autre gouvernement. En réalité, ce projet de loi exige des Autochtones qu'ils rendent davantage compte de leurs activités au ministère des Affaires indiennes, au lieu de déterminer quelles sont véritablement les structures de gouvernance adéquates pour les collectivités des Premières nations.

¾  +-(2035)  

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à dire?

    Est-ce qu'il nous reste une minute, monsieur le président?

+-

    Le président: Oui, vous avez une minute.

+-

    M. Pat Martin: Quelqu'un pourrait-il répondre à ma question sur la reddition de comptes et la transparence?

    J'aimerais souligner que 96 p. 100 de toutes les Premières nations remettent leurs vérifications à temps, sans incident. Les 4 p. 100 qui n'arrivent pas à le faire ont souvent des problèmes de mauvaise gestion fiscale en raison de la tâche impossible de répondre aux besoins fondamentaux des collectivités avec des ressources inadéquates. Elles doivent souvent prendre à l'un ce qui est nécessaire pour que tous aient de quoi se nourrir, se vêtir et se loger.

    Quelqu'un voudrait-il prendre les quelques secondes qu'il nous reste pour nous parler de la reddition de comptes?

+-

    Le président: Monsieur Godfrey, vous avez quatre minutes.

+-

    M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci.

    J'ai lu le mémoire du Comité Quaker des affaires autochtones. Dans une certaine phrase, vous affirmez avoir de la difficulté avec le projet de loi dans sa forme actuelle. Vous indiquez que l'un des problèmes, c'est que l'accent y est mis sur les droits individuels plutôt que sur les droits collectifs.

    Il y a donc deux choses sur lesquelles j'aimerais connaître votre opinion.

    D'abord, il se trouve qu'en vertu du projet de loi proposé, la Loi canadienne sur les droits de la personne va s'appliquer pour la première fois. J'aurais cru que cela aurait des incidences positives sur les femmes autochtones, entre autres. Peut-être devrions-nous revoir l'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, particulièrement pour les femmes autochtones. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

    Ensuite, ce projet de loi a été préparé en réponse à l'arrêt Corbiere. Selon ce jugement, nous devons augmenter les droits—les droits individuels, si vous voulez—des Autochtones vivant hors des réserves pour qu'ils puissent participer au processus électoral dans les réserves. Le tribunal nous a sommé de faire quelque chose en ce sens par voie législative. Ce projet de loi est une tentative, toute maladroite et inadéquate puisse-t-elle vous paraître, de mise en oeuvre des recommandations de la Cour suprême du Canada d'améliorer les droits individuels.

    Êtes-vous entièrement opposés aux droits individuels? Je ne peux pas le croire.

+-

    Mme Jennifer Preston Howe: Non, je dirais que nous ne sommes pas entièrement opposés aux droits individuels.

    Je crois qu'il est important de rappeler, particulièrement à ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, que ce document porte sur les droits collectifs des peuples. En vertu des nouvelles lois du droit international, les nations autochtones sont reconnues comme des peuples, ce qui sous-entend des droits collectifs.

    L'une des raisons pour lesquelles c'est nouveau pour les Nations Unies, donc pour le monde en général, c'est que lorsqu'on parle de droits individuels, on parle d'un concept très eurocentrique et occidental. Il faut le reconnaître. Les droits collectifs ont toujours fait partie des régimes autochtones et des régimes de gouvernance. Voilà pourquoi ils sont reconnus dans le projet de déclaration et pourquoi les nations autochtones qui travaillent à ce chapitre à l'échelle internationale estiment cette nouveauté si importante.

+-

    M. John Godfrey: Pour revenir aux deux points que j'ai soulevés, soit que la Loi canadienne sur les droits de la personne va maintenant s'appliquer, donc que la Loi sur les Indiens ne s'y soustraira plus, et qu'il nous faut prendre des mesures conformément à l'arrêt Corbiere, allez-vous me dire que les droits collectifs ont plus de poids que les droits des femmes ou que les droits des personnes d'êtres inscrits à la liste des électeurs?

+-

    Mme Lorraine Land: Je ne crois pas que ce soit la question. Pour revenir à ces exemples précis, la Loi canadienne sur les droits de la personne s'applique déjà. Elle s'applique par la jurisprudence. Ce n'est qu'un exemple qui montre que beaucoup de dispositions de la Loi sur la gouvernance des Premières nations ne sont pas nécessaires. Certaines existent déjà par la jurisprudence, par exemple.

    Si l'on prend les droits individuels des femmes autochtones, par exemple, il est clair que c'est une préoccupation constante. Mais plutôt que d'adopter une loi parallèle qui modifie légèrement la Loi sur les Indiens, pourquoi ne pas nous occuper des autres problèmes, comme l'absence de droits de propriété matrimoniaux pour les femmes?

    Le problème, c'est que les éléments à corriger sont choisis au hasard. Quels problèmes règle-t-on et lesquels ne règle-t-on pas? Ce devraient être les Premières nations qui dirigent le processus et qui décident des règles de gouvernance qui s'applique à eux. C'est fondamental. Ce ne devrait pas être le gouvernement fédéral qui leur impose un autre système en leur disant: «Voilà comment vous allez vous gouverner, nous décidons et nous prescrivons les conditions.»

    Voilà pourquoi nous disons que ce projet de loi devrait être retiré jusqu'à ce qu'un tel processus prenne place, un processus de nation à nation favorisant une pleine collaboration avec les Premières nations pour définir la gouvernance à leurs yeux.

¾  +-(2040)  

+-

    Le président: Merci.

    Avant de passer à M. Martin, laissez-moi vous rappeler que ce comité a été saisi du projet de loi par la Chambre des communes.Nous vous entendons dire que ce projet de loi devrait être retiré. Eh bien sachez que le comité va en faire une étude article par article, puis qu'il va le renvoyer à la Chambre des communes. Il y a un article qui prescrit qu'il devrait y avoir au moins une réunion par année, par exemple, et je ne peux m'imaginer le comité voter contre cet article.

    Vous nous dites de rejeter le projet de loi, mais nous n'avons pas le pouvoir de le faire. Nous ne sommes pas un comité du ministre, du premier ministre ou du gouvernement, nous sommes un comité de la Chambre des communes. Le Président de la Chambre nous a confié une tâche et nous devons nous en acquitter.

    Nous avons des réserves nous aussi, mais notre tâche consiste à prendre le projet de loi que nous avons, à essayer de l'améliorer puis à le renvoyer à la Chambre. Nous avons besoin de votre aide pour ce faire. Si vous nous dites seulement de le jeter à la poubelle, vous ne nous aidez pas du tout.

    Monsieur Martin, vous avez quatre minutes.

+-

    M. Pat Martin: Je me demande, madame la révérende Miller, si vous voulez utiliser ces quatre minutes pour poursuivre et exposer officiellement quelques points que vous n'avez pas eu le temps de faire valoir. Cela vous serait-il utile?

+-

    Mme Choice Okoro: Pendant qu'elle s'avance, j'en profiterais pour dire que dans l'introduction que nous avons lue au nom de l'Église unie, nous vous demandons de le recommander. Nous comprenons bien que vous n'avez pas tous les pouvoirs, donc nous vous demandons de le recommander.

+-

    Le président: Mais nous devons tout de même procéder à l'étude article par article, et il y a 59 articles. Chacun sera étudié séparément. C'est ce que j'essaie de vous dire.

    Voulez-vous profiter de l'offre de M. Martin?

+-

    La rév. Anne Miller: Le Conseil général de l'Église reconnaît que pour nouer des relations franches et justes avec les Premières nations, il faudra d'abord s'y engager résolument et y travailler sans cesse, une démarche souvent difficile à cause des idées préconçues et de la persistance des préjugés coloniaux et racistes qui ont toujours empoisonné les politiques visant les membres des Premières nations.

    C'est à notre aptitude à admettre nos erreurs et à notre volonté de prendre un nouveau départ dans nos relations avec les Premières nations qu'on verra à quel point nous tenons à les rectifier. L'expérience que nous avons vécue en tant qu'Église nous a appris que quand nous n'écoutons pas nos frères et soeurs des Premières nations—et le mot «écoutons» est très important—nos relations avec eux en souffrent.

    Nous nous sommes battus en devenant les premiers membres des Premières nations au sein de l'Église unie du Canada. Nous étions tout en bas de l'échelle, mais nous sommes maintenant sur un pied d'égalité avec le reste de l'Église. Nous nous battons pour cela. Les autres apprennent, nous apprenons, mais les autres ont décidé de prendre le temps de nous écouter, de venir dans nos collectivités et d'essayer de comprendre ce que nous sommes.

    Ils ne nous imposent plus de choses, ne nous disent plus qu'il faut faire ceci ou cela parce qu'ils nous le disent. Nous affirmons qu'en tant qu'Église, en tant qu'Autochtones, nous faisons les choses différemment. Nous ne respectons pas toujours les lignes directrices de l'Église unie du Canada, parce qu'elles ne sont pas adaptées à nous. Les représentants de l'Église prennent le temps de venir nous voir, de s'asseoir avec nous et d'essayer de comprendre comment nous pouvons nous intégrer, comment nous pouvons travailler ensemble. C'est un long processus, mais nous y travaillons.

    Nous avons maintenant notre propre conférence. Nous avons nos propres presbytères. Nous nous assoyons à la table d'égal à égal, et je pense que c'est ce que les Premières nations doivent faire. Elles doivent être capables d'être présentes et d'être respectées au même titre que tous les autres autour de la table. Elles doivent être entendues. Nous devons être là pour décider ce qui est bon pour nous et non pour nous faire dire ce qui est bon pour nous.

¾  +-(2045)  

+-

    Le président: Merci.

    Avant de céder la parole à M. Hubbard, j'aimerais encore une fois souligner la distinction entre le comité et le gouvernement.

    Notre comité a passé trois mois à étudier la Loi sur les Indiens le printemps dernier, et nous allons maintenant passer neuf semaines à temps presque plein à examiner ces modifications à la Loi sur les Indiens. Les membres du comité prennent leur travail très au sérieux, et aucun d'entre eux, ni moi, ne s'estime plus important que qui que ce soit d'autre. Nous effectuons notre travail dans la chambre des personnes ordinaires, et je n'ai vu personne à Ottawa qui soit plus important que les personnes présentes dans cette salle.

+-

    M. Charles Hubbard: Combien de temps nous reste-t-il, monsieur le président?

+-

    Le président: Nous avons 13 minutes, et j'aimerais garder du temps pour conclure. Vous avez quatre minutes, que vous pouvez partager si vous voulez.

+-

    M. Charles Hubbard: Vous voulez peut-être aussi mentionner que le président de votre Église était un Autochtone du Canada il y a quelques années. Il s'agissait de monsieur McKay, n'est-ce pas?

+-

    La rév. Anne Miller: Oui.

+-

    M. Charles Hubbard: Pour revenir à l'arrêt Corbiere, mentionnons d'abord que la Cour suprême du Canada a dit à notre nation que les personnes vivant hors des réserves—et près de la moitié des Autochtones du pays vivent à l'extérieur de leur réserve—doivent avoir le droit de voter aux élections qui se tiennent sur la réserve. C'est le tribunal supérieur de notre pays qui nous somme d'y voir, et nous devons agir, comme M. Godfrey l'a dit.

    Ce n'est pas une tâche facile pour nous. Quelqu'un a parlé des chefs aujourd'hui—et nous devons tous un profond respect aux les chefs—puis un député a posé une question. Votre peuple—et beaucoup de Premières nations relèvent de ce grand chef—a-t-il eu l'occasion de prendre part aux consultations par votre entremise en tant que chef? La réponse qui a été donnée au comité, monsieur le président, est la suivante: «Nous décidons des sujets sur lesquels nous allons consulter notre peuple, et nous ne croyons pas qu'il faut le consulter au sujet de la Loi sur la gouvernance des Premières nations.» Nous sommes devant un dossier très épineux.

    J'espère que dans votre grande générosité, vous saurez faire profiter les législateurs de votre expérience et que vous pourrez nous faire des suggestions quant aux diverses parties de ce projet de loi. Il est très facile pour certains d'entre nous de le rejeter tout bonnement. M. Martin le fait pratiquement tous les jours, il le fait même deux, trois ou quatre fois par jour.

    Ceci dit, nous devons faire un effort. Nous l'avons fait à la 35e législature en préparant un projet de loi optionnel. Ce projet de loi n'a jamais acquis force de loi, parce qu'il est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections en 1997. Vous pourriez nous recommander de faire de ce projet de loi une loi optionnelle. Vous pourriez nous parler de diverses parties du projet de loi pour nous orienter. Je ne suis pas certain que vous vouliez le faire, mais ce serait certainement très bénéfique pour nous. Notre président et nos greffiers pourraient recevoir des mémoires écrits décrivant les éléments qui sont bons, ce qui devrait être changé et les propositions qui seraient préférables.

    Bref, nous devons vraiment faire quelque chose, monsieur le président. Peut-être M. Boyles ou quelqu'un d'autre veut-il nous faire part de ses observations.

+-

    M. Jim Boyles: Je vais commencer.

    Je crois que c'est une tâche très difficile qu'on vous confie, et c'est la même chose pour le gouvernement qui doit consulter la population. Je crois que c'est un véritable défi que de trouver la bonne façon de faire pour discuter de nation à nation.

    J'espère que votre comité va trouver un moyen de faire rapport de ce qu'il a entendu, même si sa tâche consiste à étudier le projet de loi ligne par ligne ou article par article, si je comprends bien. Votre travail pourrait aller bien au-delà d'une étude ligne par ligne, car je crois bien qu'on vous répète que le processus de consultation n'était pas suffisant.

    Je crois qu'on aspire à un cadre d'autonomie gouvernementale, et il me semble que les voix qui contribuent à la conception de ce cadre en soi doivent discuter de nation à nation. Plutôt que d'inviter des personnes à participer à des conversations visant à élaborer un cadre ensemble, il semble que vous nous proposiez un cadre—je comprends bien la sincérité de votre tentative—et que vous nous demandiez simplement ce que nous en pensons.

¾  +-(2050)  

+-

    Le président: Merci. Nous allons faire un dernier tour de deux minutes. Cela va permettre à chaque groupe de prendre deux minutes pour conclure.

+-

    M. Pat Martin: Peut-être puis-je vous demander quelque chose, monsieur le président? Si je cède mon temps, est-ce que M. Laliberté pourra poser...?

+-

    Le président: Non.

+-

    M. Pat Martin: C'est à votre côté de décider.

+-

    Le président: C'est vrai, et nous le faisons tout le temps avec l'Alliance. Elle en a souvent trois. Nous l'avons fait pour Mme Desjarlais, mais elle a eu le temps que vous lui avez octroyé.

+-

    Mr. Pat Martin: Je ne suis pas si enclin à donner mon temps de toute façon. Je me posais seulement la question.

    En dernière analyse, je vous demanderais de nous parler des torts causés à la relation.

    Il y a des gens qui ont dit que tout cela a causé beaucoup de tort aux dirigeants des Premières nations et il est vrai que nous avons tardé à entretenir cette relation pendant longtemps. Même s'il y avait des négociations dans beaucoup de provinces, des négociations qui étaient déjà bien avancées pour établir de véritables modèles d'autonomie gouvernementale, elles ont été interrompues et ce processus s'est enclenché.

    Je sais que vous recommandez le retrait du projet de loi. Si l'on interrompait son processus, en retournant un pas en arrière, par exemple et en recommençant de façon plus inclusive, pensez-vous qu'on pourrait régler le problème?

    Quelqu'un?

+-

    Mme Choice Okoro: J'espère que nous ne pensons pas qu'il faut aller de l'avant avec ce projet de loi simplement parce que nous y avons consacré du travail.

    Récemment, l'Église unie et toutes les Églises ont pris conscience des ravages causés par les pensionnats autochtones, par exemple. Nous le voyons bien, l'expérience montre que les politiques imposées par le gouvernement fédéral ont pour grave conséquence de miner la relation entre les Autochtones et les non-Autochtones et de détruire les cultures et les régimes des Premières nations.

    Même si nous critiquons les consultations, nous savons bien que ce n'est pas une question de détails à ce stade-ci. Le fait est que les consultations n'équivalent pas à un consentement. Même si nous convenons que les consultations ont été menées à bien, nous savons, car nous l'entendons partout, que les Premières nations s'opposent à ces projets de loi. Je doute qu'il soit bon pour nos relations de les imposer, et si nous allons de l'avant avec celui-ci, nous allons l'imposer.

+-

    Martin, Pat Member : Bon point.

+-

    Le rév. Jim Sinclair: Pour moi, la caractéristique des consultations auxquelles je participe encore et encore, c'est que ce ne sont pas des consultations, mais des présentations. On ne fait qu'y exposer une vision. On la présente aux yeux des gens, et c'est tout. Je crois que la consultation qui se distingue dans notre histoire est celle effectuée par la Commission royale. Rien n'a atteint un niveau plus fondamental que la Commission royale sur les peuples autochtones.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous n'avons pas 58 millions de dollars pour recommencer. Le rapport de la Commission royale est excellent, cela ne fait aucun doute, mais notre tâche est différente.

    Les représentants du gouvernement ont décidé d'inclure M. Laliberté dans la période de questions, il a donc deux minutes.

+-

    M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): [Le député s'exprime dans sa langue autochtone.]

    C'est un honneur pour moi de m'adresser à vous dans ma langue maternelle, le cri. Nehiyawuk.

    Je veux vous demander si vous pensez que le comité devrait envisager de modifier le paragraphe 5(3), qui se lit comme suit:

Le code ne peut être constitué des règles issues de la coutume de la bande que s'il est adopté dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du présent article.

    Les «règles issues de la coutume», c'est-à-dire les coutumes et les règles régissant le choix des dirigeants et la reddition des comptes, font partie de la gouvernance exercée par les nations originales du pays. La modification pour laquelle je cherche à obtenir un appui concerne la définition des Premières nations.

    Selon l'article 35 de la Constitution, les peuples autochtones du Canada sont les Inuits, les Métis et ce qu'on appelle les Premières nations. Étant donné que le projet de loi reconnaît les coutumes des anciennes nations indigènes, il devrait préciser quelles sont les Premières nations du Canada. Nous devrions nommer toutes les nations indigènes du Canada—les Cris, les Nehiyawuk, les Mohawk, les Miq'maq, les Klingit, les Pieds-Noirs, la bande indienne de Stoney.

    En cette fin d'une décennie déclarée comme étant celle des peuples indigènes par les Nations Unies, pensez-vous que le Canada devrait maintenant reconnaître ses Premières nations?

¾  +-(2055)  

+-

    Le président: Les deux minutes sont écoulées, alors vous n'aurez pas le temps de donner votre avis, sauf lors de votre mot de la fin.

    Chaque groupe dispose de deux minutes.

    Qui commencera? Suivons l'ordre inverse.

    Madame Howe, la parole est à vous.

+-

    Mme Jennifer Preston Howe: En terminant, je dirais qu'un des éléments... Nous nous sommes demandé si nous allions comparaître devant le comité permanent. Nous nous sommes interrogés notamment parce que certaines des Premières nations avec lesquelles nous travaillons ont dit être frustrées par l'ensemble du processus, y compris le processus de comparution devant le comité permanent. Selon elles, peu importe le nombre de personnes qui comparaissent devant le comité pour exprimer leurs frustrations, le projet de loi sera adopté, alors il ne vaut pas vraiment la peine de consacrer du temps et de l'énergie à une comparution.

    Nous avons réfléchi à cela et nous avons décidé de comparaître quand même, car nous estimons qu'il est important que le comité sache que des organismes non autochtones n'appuient pas le projet de loi. Si vous n'avez d'autre choix que d'étudier le projet de loi article par article, et de décider comment tel ou tel article pourrait être modifié, vous ne pouvez pas dire qu'il faut recommencer à zéro. Peut-être que vous devriez examiner les travaux effectués par des organismes autochtones qui décrivent déjà la gouvernance—je sais que ces travaux vous ont déjà été remis—et examiner les recommandations qu'ils ont formulées.

    Je crois qu'il n'appartient pas aux églises de vous dire comment procéder. Il revient plutôt aux Premières nations de le faire.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je cède la parole à l'Église unie.

+-

    Le rév. Jim Sinclair: Ce qui me vient à l'esprit, c'est le cas de la société British Petroleum, qui devait décider comment elle s'entendrait avec les peuples autochtones pour ce qui est de travailler sur leurs terres et avec eux. La société a décidé de prendre tout le temps nécessaire pour trouver une solution qui lui serait profitable à long terme.

    Je veux insister sur le fait que la volonté a été exprimée et que la sagesse a été partagée. Il est vrai que le projet de loi coûtera 58 millions de dollars. Nous avons perdu de vue différents aspects, ou nous en avons fait abstraction, comme nous l'avons entendu dire ce soir.

    Je ne crois pas que nous demandons un miracle, seulement de la volonté. Les réponses se trouvent déjà dans nos documents et notre consultation. Nous sommes ici pour dire, à la fois en tant qu'Autochtones et non-Autochtones, que la sagesse existe, mais qu'elle n'est pas reflétée dans le projet de loi. Le projet de loi doit être repensé par ceux qui souhaitent qu'il ne soit pas abandonné. Nous recommandons qu'il ne demeure pas dans sa forme actuelle.

+-

    Le président: Merci.

    La parole est à l'Église anglicane.

+-

    M. Jim Boyles: Comme vous le savez, je participe depuis quelques années à des négociations intensives et difficiles avec le gouvernement fédéral au sujet des pensionnats.

    Notre église s'est engagée à favoriser une meilleure vie pour les Autochtones et de meilleures collectivités pour eux, des collectivités dont les membres sont en santé. Nous sommes déterminés à atteindre cet objectif. C'est un objectif important et un sujet auquel sont confrontés le gouvernement, la société ainsi que les églises.

    Le sujet du projet de loi est difficile, et je comprends qu'il vous cause des problèmes, et je suis ravi d'avoir l'occasion de m'adresser à vous. J'espère que vous nous avez bien écoutés, que vous avez bien écouté les Autochtones qui ont témoigné devant vous. J'espère qu'à la lumière de la vision que nous avons d'une société meilleure, d'une société au sein de laquelle les relations sont meilleures et plus solides, vous serez en mesure de donner des conseils, de prendre des décisions et d'élaborer une mesure meilleure que l'actuel projet de loi.

¿  +-(2100)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Nous convenons tous que la Loi sur les Indiens est une mesure législative lacunaire. Cela ne fait aucun doute. Mais le projet de loi C-7 tente réellement de la rafistoler. Les gens me disent de ne pas utiliser ce verbe, car ce n'est pas politiquement correct, mais c'est la réalité. La Loi sur les Indiens est comme une voiture hors d'usage que nous voulons rafistoler. Un jour, cette loi n'existera plus, je l'espère, et les Premières nations négocieront des ententes en matière d'autonomie gouvernementale et ne seront plus assujetties à cette loi archaïque.

    Une consultation a été effectuée. Même si certaines personnes ont déclaré qu'elle n'était pas bonne, il y en a eu une, et elle a coûté 10 millions de dollars. Le comité a passé trois mois à étudier le projet de loi. Nous y consacrons neuf semaines. Le projet de loi a été déposé à la Chambre et il lui sera renvoyé. Un autre débat aura lieu, et nous apporterons de nombreuses modifications, nous le savons déjà. Une fois le débat terminé et les modifications effectuées, un autre vote se tiendra, puis un autre débat et un autre vote. Le projet de loi sera ensuite adopté à la Chambre, et il sera transmis au Sénat, qui entamera une nouvelle étude complète.

    Il existe donc de nombreuses occasions de faire valoir des points de vue. Nous ferons de notre mieux, mais il reste encore d'autres occasions. J'espère que vous continuerez tous de participer et de nous aider à améliorer le projet de loi—jusqu'à ce que l'autonomie gouvernementale soit acquise et que la Loi sur les Indiens soit abolie. Je crois que c'est la meilleure chose qui puisse arriver.

    Nous vous remercions beaucoup de votre contribution.

    J'invite maintenant à la table Fred Lazar, qui est économiste à la Schulich School of Business de l'Université York.

    Bonsoir, monsieur Lazar.

+-

    M. Fred Lazar (économiste, «Schulich School of Business», Université York): Bonsoir.

+-

    Le président: Bienvenue. Nous allons passer 30 minutes ensemble. Nous vous invitons à faire votre exposé, puis, si le temps le permet, nous vous poserons des questions.

    Allez-y.

+-

    M. Fred Lazar: Je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à venir m'adresser à votre groupe. Si cela ne vous dérange pas, je vais lire les notes que j'ai préparées. Dans le passé, j'étais capable de me souvenir de ce que j'avais écrit, mais plus maintenant.

    J'ai exposé très clairement à d'autres reprises ma position au sujet des mesures législatives proposées. Certaines des raisons qui expliquent ma vive opposition à cette série de mesures sont exposées dans le document que j'ai présenté au comité.

    Je veux parler aujourd'hui des questions fondamentales que le comité et l'ensemble du gouvernement devraient examiner.

    Les objectifs prétendus de la mesure que vous êtes en train d'étudier sont de faciliter le passage à l'autonomie gouvernementale par les Premières nations et de fournir les bases de la prospérité économique à ces peuples. La mesure législative ne permettra d'atteindre aucun de ces deux objectifs. Le projet de loi témoigne plutôt du réel but que vise le gouvernement, c'est-à-dire l'assimilation paternaliste. Richard Bartlett a écrit il y a plus de 25 ans dans la Buffalo Law Review que: «L'objectif ultime d'assimilation était évident dans la loi sur la civilisation des tribus indiennes de 1857.» Cette loi était le prédécesseur de la Loi sur les Indiens.

    Le livre blanc de 1969, produit sous les auspices de Jean Chrétien, exprimait très clairement les objectifs du gouvernement, et l'actuelle série de mesures législatives, bien qu'elles n'utilisent pas le même langage, poursuivent les mêmes objectifs. Il existe une très bonne raison à cela, comme nous le verrons. Le livre blanc présenté au Parlement il y a plus de 30 ans précisait que l'assimilation totale devait avoir lieu en peu de temps. Toutes les lois concernant les Indiens devaient être abolies, privant ainsi ces personnes de droits spéciaux. Tous les services devaient être fournis par les provinces. Dans le livre blanc, les traités et les revendications territoriales étaient considérés comme ayant une importance insignifiante dans le débat sur l'avenir des Premières nations. Le document visait essentiellement à rompre tous les liens entre les Premières nations et le gouvernement fédéral.

    Aujourd'hui, Ottawa tente d'attribuer la mauvaise situation économique des Premières nations au manque de gestion des gouvernements et à l'absence d'une véritable démocratie et d'une vraie reddition des comptes. Pourtant, Ottawa ne semblait pas exprimer des inquiétudes similaires à l'égard d'un grand nombre de ses collègues des Nations Unies. La démocratie et la reddition des comptes n'occupent pas la priorité dans le programme d'Ottawa qui a trait à ces collègues.

    Je propose deux raisons qui expliquent cela. L'une est qu'Ottawa ne peut pas contrôler ces autres pays. Mais il estime qu'il a le droit de contrôler toutes les affaires des Premières nations. La Loi sur les Indiens est le principal moyen d'assurer le contrôle et présumément de légitimer le droit de contrôler. Le projet de loi ne ferait que maintenir le contrôle unilatéral et injustifié exercé par le gouvernement fédéral.

    L'autre raison est qu'Ottawa souhaite que les Premières nations rendent des comptes sur les dépenses effectuées avec son argent. Cependant, il est faux de penser qu'il s'agit de l'argent du gouvernement fédéral. C'est là le problème fondamental que vous devriez examiner et fort probablement la principale raison pour laquelle les bureaucrates responsables des affaires indiennes—et j'inclus les avocats du ministère de la Justice—souhaitent l'assimilation des Premières nations.

    Lorsqu'on lit la version anglaise de nombreux traités historiques dans le contexte de l'importance du lien qui existe entre la terre et la culture, l'économie et la société des Premières nations, et lorsqu'on s'informe un peu au sujet de l'histoire de ces peuples, on ne peut que conclure logiquement que les versions anglaises ne représentent pas du tout les ententes orales ainsi que les engagements et les promesses verbales faites par la Couronne.

    Dans l'un des articles qu'il a rédigés pour la Revue du Barreau canadien, le professeur Slattery a déclaré:

Parfois, les représentants du Canada anglais consignaient certains des termes utilisés dans le traité dans un document papier concis qu'on demandait aux représentants autochtones de «signer». Un document de la sorte en est venu à être considéré parfois comme étant le «traité». Toutefois, cette conclusion est habituellement injustifiée. Dans la plupart des cas, l'entente orale constituait le traité, et le document papier ne faisait que commémorer cette entente... Un grand nombre de ces documents se sont avérés être des guides peu fiables des ententes orales. Ils contiennent souvent seulement les questions qui revêtent un intérêt particulier pour les représentants du Canada anglais et font abstraction de certains termes importants pour les représentants autochtones. Même les termes qui sont consignés peuvent ne pas traduire avec exactitude l'entente conclue oralement. Les documents papier étaient souvent traduits à l'intention des parties indiennes d'une manière qui donne amplement lieu à la mauvaise compréhension et à la déformation.

    En effet, dans la plupart des cas, les Premières nations n'ont pas vendu leurs terres. Elles n'ont pas abandonné leur titre ni leur souveraineté. Elles ne se sont pas soumises au pouvoir ni au contrôle de la Couronne.

¿  +-(2105)  

    La Couronne—le Canada—a volé aux Premières nations leur titre, leurs droits, leurs ressources, leur richesse, leurs pouvoirs et leur souveraineté, et les mesures proposées sont bien loin de corriger cette injustice.

    Les Premières nations ont fait preuve d'une extrême générosité en acceptant de partager leurs terres et leurs ressources avec les Blancs et de vivre en paix et amicalement avec eux, mais en ayant des gouvernements distincts. En retour, le Canada a commis les fraudes les plus importantes de l'histoire et il a volé la richesse des Premières nations.

    Le Canada a unilatéralement assujetti à son contrôle des Premières nations libres et souveraines. La Loi sur les Indiens, notamment l'article 91.24, n'a aucune valeur juridique dans le domaine du droit international. De quel droit le Canada a-t-il affirmé et légiféré son contrôle sur des nations indépendantes et souveraines? Où est la logique?

    Je vais reprendre les paroles du professeur Slattery, qui a demandé comment les Premières nations, jadis indépendantes, sont parvenues à perdre leur statut? Les découvertes européennes ne constituent pas une justification suffisante. En outre, invoquer seulement les conquêtes, c'est faire abstraction des propos que tiennent certains groupes autochtones, selon lesquels ils n'ont jamais été conquis par la Couronne ou n'ont jamais accepté volontairement son autorité.

    Le professeur Borrows a été encore plus direct lorsqu'il a écrit il y a deux ans dans le Osgoode Hall Law Journal:

Comment des terres qui appartiennent aux peuples autochtones depuis des siècles peuvent-elles être menacées par l'affirmation de la souveraineté d'une autre nation?

Il est insensé qu'une nation puisse obtenir un droit légal sur des terres simplement en affirmant ce droit. Comme le juge en chef Marshall de la Cour suprême des États-Unis l'a fait remarquer, il s'agit d'une idée extravagante et absurde. C'est encore moins une position défendable sur le plan moral et politique lorsque cette affirmation ne constitue pas une déclaration neutre et noble, mais qu'elle bénéficie à la Couronne au détriment des habitants originaux des terres en question. Accepter les affirmations de souveraineté semble perpétuer l'injustice dont sont victimes les peuples autochtones de la part des colonisateurs qui n'ont pas su respecter la culture distincte des sociétés qui les ont précédés.

    J'ai fait le calcul de ce que les Premières nations ont perdu en étant privé de leur juste part de revenus tirés des ressources. Selon les hypothèses et les périodes, la perte totale dépasse facilement les 250 milliards de dollars. À cette somme nous pouvons ajouter au moins 20 milliards de dollars pour les torts causés par les pensionnats et un autre 10 à 15 milliards de dollars en versements insuffisants des rentes prévues dans les traités. Soit dit en passant, la perte annuelle engendrée par ces versements insuffisants excède la somme totale tirée des impôts fonciers imposés par les Premières nations depuis 13 ans.

    Le projet de loi prévoit une compensation très minime, ce qui nous fait rapidement comprendre que l'objectif des Affaires indiennes est d'assimiler ou de faire disparaître. D'une façon ou d'une autre, le lien potentiel doit être éliminé.

    Solliciter l'argent du gouvernement fédéral? Bien sûr que non. En fait, les Premières nations reçoivent collectivement une fraction de ce que le gouvernement leur doit—c'est entre 15 et 25 milliards de dollars annuellement qu'elles devraient recevoir. Alors pourquoi devraient-elles rendre des comptes à Ottawa, quand Ottawa ne leur en a jamais rendus?

    Ainsi, vous devriez vous demander en quoi le Canada croit-il? Quel est l'héritage que vous voulez créer? Allons-nous enfin avouer que nous avons commis une grande injustice, que nous n'avons pas respecté nos promesses ni nos engagements, que nous avons laissé le racisme et la cupidité dicter nos rapports avec les Premières nations, que nous ne sommes pas disposés à accepter la responsabilité du tort que nous avons causé et que nous n'avons aucun compte à rendre? Allons-nous faire les sacrifices financiers et politiques nécessaires pour indemniser en partie les Premières nations? Bien sûr, vous vous demanderez peut-être si nous pouvons nous permettre de faire ces sacrifices? Vous devriez plutôt vous demander si nous pouvons nous permettre de ne pas les faire? Ou bien allons-nous perpétuer les mythes, les mensonges et l'injustice et ensuite tenter de nous enorgueillir d'être un modèle pour d'autres pays et les générations futures du Canada? Si c'est ce que nous choisissons, nous ne sommes alors pas mieux que nos ancêtres et nous sommes pires que les dirigeants d'entreprises corrompus et cupides qui ont pillé de nombreuses sociétés pendant bien des années. Alors je vous demande quelle est votre vision du Canada et des Canadiens?

    Merci.

¿  +-(2110)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Préférez-vous quatre ou cinq minutes?

+-

    M. Pat Martin: Si nous optons pour quatre minutes, nous aurons sans doute plus d'interventions.

+-

    Le président: D'accord pour quatre minutes, mais nous aurons des tours de cinq minutes si vous le souhaitez. Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Pat Martin: D'accord. Merci beaucoup.

¿  +-(2115)  

+-

    Le président: Il n'y a pas de problème ce soir.

+-

    Martin, Pat Member : Merci, monsieur Lazar.

    Votre exposé est très intéressant et très convaincant. Je dois dire que certains thèmes commencent à se dégager au fur et à mesure de nos déplacements. Premièrement, même si le ministre semble dire que le projet de loi porte sur la transparence et la reddition de comptes au sein des collectivités des Premières nations, en s'appuyant sur une campagne de mésinformation justifiant que l'on impose, avec maladresse, cette loi en raison de la négligence et des abus, bien des gens sont convaincus que la véritable intention, l'objectif secondaire, c'est de se soustraire à cet engagement accablant que les tribunaux semblent affirmer et que les Premières nations nous rappellent, à savoir que dans le processus de traités, elles ont convenu de partager leurs ressources et non pas de les céder. Elles n'ont jamais renoncé au titre de propriété. Elles ne cessent de présenter ce genre de revendications, qu'on ne veut habituellement pas entendre. Il est donc agréable de voir que vous arrivez à la même conclusion, alors que vous n'êtes pas autochtone.

    J'aimerais que vous développiez ce concept de partage des ressources. On a de plus en plus l'impression que si on ne prête pas l'oreille à ces revendications, on risque d'en subir les conséquences, non seulement parce que la responsabilité en cause ne cesse de prendre de l'ampleur, mais aussi parce que les effroyables conditions de vie causent des troubles sociaux à l'intérieur des réserves et dans les centres urbains...

    Je représente le centre-ville de Winnipeg, que l'on pourrait appeler la plus grande réserve du pays. La tragédie sociale est tellement évidente que nous en payons tous le prix, peut-être pas sous forme de transferts pécuniaires, mais sûrement au plan de la qualité de vie des intéressés.

    Je suis surpris par la somme en dollars que vous indiquez. Peut-être pourriez-vous parler davantage des 7 milliards de dollars qui sont actuellement affectés aux affaires autochtones. Cela donne environ 7 000 $ par personne, ce qui correspond à ce que la ville de Winnipeg paie chaque année pour chaque élève du secondaire. Les Premières nations doivent toutefois, avec cet argent, répondre à tous les besoins fondamentaux de tous leurs membres.

    Ce n'est pas vraiment une question, je demande davantage de commentaires de votre part, au sujet des montants d'argent en particulier.

+-

    M. Fred Lazar: D'accord. Permettez-moi de mettre l'accent sur deux questions, la première portant sur les problèmes prêts à surgir, et je crois que les avocats du ministère de la Justice les connaissent depuis longtemps. Ils sont arrivés à la conclusion que les responsabilités existent bel et bien. Toutefois, il est fort improbable que la Cour suprême décrète que le Canada est coupable, qu'il doit de l'argent et qu'il doit le verser aux parties lésées.

    Par contre, si vous examinez les décisions de la Cour suprême des 10 ou 15 dernières années, si vous lisez les revues juridiques examinant ces décisions, j'ai l'impression que les juges de la Cour suprême savaient parfaitement que les traités, tels que rédigés, ne correspondaient pas aux promesses, qu'une grande injustice a été commise, mais qu'on n'est peu disposé à faire endosser au Canada cette responsabilité et ce coût de peur qu'une décision indiquant que les peuples autochtones sont véritablement souverains, que nous n'avions aucun droit de les assujettir à nos lois, que la Loi sur les Indiens régissant ces gens n'est absolument pas logique... La Cour suprême craint—et probablement avec raison—que si elle exprime ces points de vue, qui pourraient être considérés radicaux, tout en étant exacts, la Constitution, la Confédération, les diverses ententes sombreraient dans le chaos. Par conséquent, les tribunaux arrivent toujours à la conclusion qu'il faut négocier. C'est une décision politique, un compromis politique auquel il faut parvenir.

    La Cour suprême donne en fait un avertissement, disant au Canada qu'il a eu tort; par contre, elle ne va pas le dire publiquement, car cela risquerait d'ébranler toute les structures juridiques et politiques; elle conseille alors d'essayer de régler la situation.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Hubbard, quatre minutes.

+-

    M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.

    Vous avez le titre de docteur et vous êtes économiste?

    M. Fred Lazar: Oui.

    M. Charles Hubbard: Votre exposé reflète-t-il les idées de la School of Business de l'Université York ou votre point de vue personnel?

+-

    M. Fred Lazar: Il reflète mon point de vue personnel par suite du travail que j'ai effectué dans ce domaine.

+-

    M. Charles Hubbard: Je ne suis pas spécialiste en économie, peut-être davantage en histoire, mais il semblerait que l'ère des grandes découvertes ait changé... peut -être ne s'agissait-il pas du nouveau monde pour les gens qui s'y trouvaient, mais pour ceux qui venaient d'Europe, c'était bel et bien un nouveau monde; ils ont d'ailleurs rencontré dans pratiquement tous les pays du nouveau monde des indigènes, des Autochtones. Lorsque vous nous faites part de vos suppositions, vous ne parlez pas uniquement du Canada, mais aussi, j'imagine, du Brésil, du Mexique, de toute l'Amérique du Sud.

    Je ne comprends pas vraiment comment vous êtes arrivé à certains de vos chiffres. Vous semblez parler de quelque 50 milliards de dollars au lieu des 7 ou 8 milliards dont M. Martin a fait mention. La valeur des territoires et des terres dont se sont emparés les Européens à leur arrivée ne se chiffre pas dans des milliards, mais dans des billions de dollars. Comment donc êtes-vous arrivé aux chiffres que vous nous citez ce soir.

    Deuxièmement, à propos des paiements annuels que nous devrions verser, selon vous, croyez-vous, en tant qu'économiste et professeur d'administration des affaires, que les Canadiens puissent se permettre d'augmenter le montant d'imposition de probablement 50 p. 100 pour payer les coûts dont vous parlez? Qu'en pensez-vous?

+-

    M. Fred Lazar: J'ai deux explications.

    Premièrement, je suis arrivé au chiffre de 250 milliards de dollars en examinant simplement les recettes liées aux des ressources, en soustrayant l'impôt sur le revenu et l'impôt foncier, prélevés par le gouvernement fédéral et les quatre provinces de l'Ouest ces trente dernières années. J'ai présumé que de 25 à 50 p. 100 de ces montants étaient dus aux Premières nations. Si vous prenez la valeur actuelle, le chiffre auquel j'arrive se situe juste en dessous de 800 milliards de dollars.

¿  +-(2120)  

+-

    M. Charles Hubbard: Pourquoi ne pas se baser sur la totalité des montants plutôt que sur un pourcentage seulement?

+-

    M. Fred Lazar: Ces chiffres ne sont qu'un point de départ. Si vous remontez à 1867, à la Confédération, prenez toutes les recettes liées à la terre et aux ressources, prenez la moitié de la valeur actuelle des recettes et déduisez ce qui a été donné aux Premières nations au fil des ans. Vous allez probablement arriver à un chiffre astronomique, en supposant un partage à parts égales, qui dépasse de loin les 500 milliards de dollars. Je suis donc prudent en la matière.

    Deuxièmement, il est toujours facile de dire que nous ne pouvons pas nous permettre de les payer. Ce que vous dites en fait, c'est que nous les avons bien eus dans le passé et que nous avons commis une injustice à leur égard, mais que c'est le passé et qu'aujourd'hui, nous ne pouvons pas nous permettre de rectifier les choses.

    Savez-vous ce que cela me fait comprendre? Cela me montre ce que vous représentez et ce qu'incarne le Canada, d'après vous.

    Pouvons-nous nous le permettre? Cela dépend de vos croyances, de votre éthique et de ce que nous jugeons important.

    Si nous ne croyons pas qu'il est important de remédier à une injustice, vous avez alors raison, nous ne pouvons pas nous le permettre. Si vous jugez que c'est important, nous pouvons nous le permettre. Il suffira de faire quelques sacrifices personnels. Il s'agit simplement de savoir ce que nous jugeons important.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Martin, vous avez quatre minutes.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

    À mon avis, si les consultations initiales avaient été authentiques et si le gouvernement ou le ministre avait demandé aux Premières nations les changements qu'elles souhaitaient, nous ne serions pas arrivés au projet de loi C-7. Il ne se résumerait pas à de légers changements à la Loi sur les Indiens ou à la nature du colonialisme. Il donnerait au contraire de la substance aux traités dont les Premières nations pensaient bénéficier. Elles ont rempli leurs obligations en matière de traités contrairement à l'autre partie.

    Je le répète, les chefs des Premières nations ne cessent de nous dire que donner de la substance aux traités ne signifie pas nécessairement transférer des centaines de millions de dollars, mais plutôt donner accès à certaines des ressources qui se trouvent sur les terres ancestrales.

    Un chef que nous avons reçu nous a dit qu'il vivait dans un secteur où les droits de coupe ont été cédés dans leur totalité à une société étrangère. Les membres de sa collectivité aimeraient créer une petite entreprise de bois, ou même servir de camionneurs pour cette société, mais c'est impossible.

    À mon avis, les Premières nations recherchent en fait le développement économique, et pas nécessairement d'énormes transferts pécuniaires.

    Pourriez-vous nous dire à quoi pourrait ressembler le modèle de partage en matière d'accès aux terres et aux ressources?

+-

    M. Fred Lazar: Il faut examiner la question sous l'angle du développement. Deux grandes conditions sont à observer. La première, c'est la souveraineté des Premières nations qui doivent ainsi pouvoir s'auto-gouverner. Bien sûr, il y aura des chevauchements et des questions complexes vont se poser; il sera possible de les régler, mais ce n'est pas le projet de loi C-7 qui permettra de le faire.

    Deuxièmement, les Premières nations ont besoin des ressources économiques et de l'argent. La souveraineté à elle-seule ne suffit pas. Elle est importante, mais il faut aussi avoir accès à la richesse liée aux ressources.

    Tant que les Premières nations n'auront pas les deux, elles continueront d'être dans une situation de dépendance, assortie de toutes sortes de problèmes sociaux pour les années à venir. Les incertitudes sous-jacentes seront éventuellement perçues par les sociétés et les investisseurs étrangers et seront la hantise de notre pays.

+-

    M. Pat Martin: Vous avez raison et c'est certainement ce qu'indique le projet Harvard sur le développement économique. Sans souveraineté, il ne peut y avoir de bonne gouvernance-- susceptible d'aider les Premières nations à rehausser leur niveau de vie--et sans bonne gouvernance, il ne peut y avoir de souveraineté.

    Le troisième élément que vous citez se rapporte à l'accès ou au moins, au partage des ressources—il ne s'agit pas d'avoir la main mise sur toutes les ressources naturelles, mais d'y avoir accès ou, à tout le moins, de les partager.

+-

    M. Fred Lazar: Je ne le demande même pas.

    En supposant que l'on fasse les calculs et que l'on convienne d'une dette de 200 milliards, je ne dis pas qu'il faut transférer ce montant. Il suffirait de verser un taux d'intérêt symbolique et de donner aux Premières nations ce qu'il leur revient en matière de ressources et de richesses foncières.

    Cet argent sera-t-il dépensé judicieusement? Non. Les divers ordres de gouvernement dépensent-ils l'argent judicieusement? Non. Une telle mesure pourrait-elle renverser la situation des Premières nations? Absolument.

+-

    M. Pat Martin: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Godfrey.

+-

    M. John Godfrey: Je suis fort intrigué par votre exposé. Je comprends vos arguments à propos de la justice et des chiffres hypothétiques que vous avancez. En fait, je m'en suis servi moi-même pour revendiquer la terre que je possède aux États-Unis, dont j'ai été dépouillé; en effet, je suis loyaliste. Je possède une grande partie de Philadelphie, mais personne ne veut m'écouter.

    Des voix: Oh, oh!

    M. John Godfrey: Par ailleurs, tout en mettant les questions de justice de côté, je trouve curieux qu'en tant que professeur d'administration des affaires, vous proposiez quasiment la création d'une classe de rentiers dans le cadre de la discussion sur la production de la richesse. Il est intéressant de souligner la logique du ministre que l'on peut résumer ainsi: «Grâce à une bonne gouvernance, le développement économique se produira car l'environnement sera stable et la société sera alors protégée, etc..» D'autres diraient: «Donnez aux gens les ressources et la question de la gouvernance se réglera d'elle-même tout comme celle liée à la société et à la culture.»

    Je ne suis pas sûr que l'une ou l'autre de ces déclarations soit exacte. Ce qui se passe par contre, selon moi, c'est que chaque groupe social a sa propre cohésion. Certains peuvent arriver sans le sou dans notre pays, comme par exemple les Ismailiens qui cependant, grâce à leurs valeurs sociales, arrivent à gagner de l'argent, qu'ils soient dépossédés ou non.

    Comme nous l'avons vu dans le cas de quelques réserves très fortunées, vous pouvez donner aux gens énormément de ressources naturelles, et pourtant certaines pathologies du comportement social se répétent, car aucune réponse n'aura été apportée aux questions fondamentales de l'identité des personnes et du genre de société qu'elles forment. Mis à part les arguments relatifs à la justice, je ne suis pas sûr que seul l'argent-- les transferts pécuniaires en particulier--permettent de sauver qui que ce soit.

¿  +-(2125)  

+-

    M. Fred Lazar: J'ai deux choses à dire. Premièrement, à propos de la gouvernance, si j'ai du mal à accepter que la bonne gouvernance puisse s'imposer d'en haut, c'est parce qu'implicitement, on suppose que les gens d'en bas ne savent pas ce qui est dans leur intérêt et que, par conséquent, ils ne savent pas que la bonne gouvernance sert leur intérêt. Je ne l'accepte pas. Cela revient à dire qu'ils n'ont absolument pas compris ce qu'ils signaient dans le cadre des traités.

    Deuxièmement, l'argent va-t-il les transformer? Nous avons beaucoup d'exemples de pays qui ont bénéficié de transferts importants d'argent sans que cela n'ait transformé leur économie. Par conséquent, vous avez raison, il y a des risques. Toutefois, il faut faire confiance—et il n'y a aucune raison de ne pas le faire, car je suis convaincu que les talents d'entrepreneur et l'intelligence sont également répartis, indépendamment du groupe— et avoir la conviction qu'une partie de ces fonds va être utilisée à bon escient et que l'on va commencer à enregistrer des succès. Plus vous avez de succès, plus vous en suscitez.

    À l'heure actuelle, comment décrire le développement économique dans les réserves? On peut parler d'échec, essentiellement. À quoi vous attendez-vous donc? Aucun succès n'a jamais été enregistré.

+-

    M. John Godfrey: Ma dernière question porte sur le problème de l'imposition et je pense que vous avez bien des choses à dire à ce sujet. Je ne sais pas si vous connaissez le travail de Charles Tilley qui a fait beaucoup de recherches sur le rapport qui existe entre la gouvernance et l'imposition ou sur les perspectives historiques à cet égard. Je reviens à ce que je voulais dire lorsque j'ai parlé de rentiers, car M. Tilley arrive à la conclusion générale que dans toutes les sociétés, il suffit d'imposer les gens et d'être responsables pour faire avancer la démocratie. Il faut rendre des comptes. Toute autre forme de transfert, y compris l'aide étrangère aux dictateurs de l'Afrique ou à ceux qui profitent simplement des fonds qu'ils reçoivent, donne lieu à des formes irresponsables de gouvernement. Ce sont les liens que l'on peut faire entre l'imposition et la bonne gouvernance. Je voulais simplement faire cette observation.

+-

    Le président: Ainsi se termine le tour de M. Godfrey, mais vous disposez des quatre dernières minutes. Vous avez le choix de répondre à cette question ou de conclure.

+-

    M. Fred Lazar: Je vais répondre aux questions, car ma conclusion est évidente. Je ne tiens pas à répéter certaines déclarations que j'ai faites et qui sont très claires.

    Pour ce qui est de l'observation de M. Godfrey, je peux probablement vous donner de nombreux exemples de l'histoire de l'Europe où l'imposition, par le roi ou par l'église, n'a eu aucun effet positif sur le développement ou la croissance économiques. En fait, ce sont des facteurs externes qui sont beaucoup plus importants; ce n'est pas l'imposition elle-même qui est essentielle. Vous pouvez dire que si l'imposition est de rigueur, les dirigeants sont peut-être plus à même de rendre des comptes, puisqu'ils doivent expliquer leurs dépenses, mais je dois dire que dans le cas des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéral au Canada et dans d'autres pays, l'imposition ne rend pas nécessairement les élus responsables.

¿  -(2130)  

-

    Le président: Merci beaucoup.

    C'était très intéressant et je suis sûr que l'on va beaucoup parler de votre exposé. Je vous remercie beaucoup.

    La séance est levée et reprendra demain matin à huit heures dans cette salle.