HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 9 février 2005
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Dr G. Ross Baker (coauteur de l'Étude canadienne sur les événements indésirables, à titre personnel) |
Dr Peter G. Norton (Coauteur de l'Étude canadienne sur les événements indésirables, à titre personnel) |
¹ | 1540 |
La présidente |
M. Philip Hassen (directeur général, Institut canadien sur la sécurité des patients) |
¹ | 1545 |
M. Don Schurman (ancien directeur général, Institut canadien sur la sécurité des patients) |
¹ | 1550 |
M. Philip Hassen |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC) |
Dr Peter G. Norton |
M. James Lunney |
º | 1605 |
Dr G. Ross Baker |
M. James Lunney |
Dr Peter G. Norton |
º | 1610 |
M. James Lunney |
M. Philip Hassen |
Dr G. Ross Baker |
Dr Peter G. Norton |
La présidente |
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ) |
º | 1615 |
M. Philip Hassen |
M. Don Schurman |
La présidente |
Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.) |
M. Philip Hassen |
º | 1620 |
M. Don Schurman |
Dr Peter G. Norton |
Mme Susan Kadis |
M. Philip Hassen |
Dr Peter G. Norton |
La présidente |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
º | 1625 |
Dr Peter G. Norton |
Dr G. Ross Baker |
M. Philip Hassen |
La présidente |
M. Rodger Cuzner (Cape Breton—Canso, Lib.) |
º | 1630 |
Dr Peter G. Norton |
M. Philip Hassen |
M. Rodger Cuzner |
M. Don Schurman |
M. Rodger Cuzner |
Dr G. Ross Baker |
º | 1635 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC) |
Dr G. Ross Baker |
M. Rob Merrifield |
Dr G. Ross Baker |
M. Rob Merrifield |
Dr Peter G. Norton |
M. Rob Merrifield |
Dr G. Ross Baker |
º | 1640 |
M. Rob Merrifield |
M. Philip Hassen |
M. Rob Merrifield |
M. Don Schurman |
M. Rob Merrifield |
M. Don Schurman |
M. Philip Hassen |
M. Rob Merrifield |
M. Philip Hassen |
º | 1645 |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.) |
Dr G. Ross Baker |
L'hon. Robert Thibault |
Dr Peter G. Norton |
M. Philip Hassen |
º | 1650 |
La présidente |
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC) |
Dr Peter G. Norton |
M. Colin Carrie |
Dr Peter G. Norton |
M. Colin Carrie |
Dr G. Ross Baker |
M. Philip Hassen |
º | 1655 |
M. Colin Carrie |
La présidente |
Dr Peter G. Norton |
M. Colin Carrie |
La présidente |
Dr G. Ross Baker |
La présidente |
Dr Peter G. Norton |
» | 1700 |
La présidente |
Dr Peter G. Norton |
La présidente |
M. Philip Hassen |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
M. Philip Hassen |
» | 1705 |
M. Rob Merrifield |
M. Philip Hassen |
M. Rob Merrifield |
Dr Peter G. Norton |
» | 1710 |
M. Rob Merrifield |
Dr Peter G. Norton |
M. Rob Merrifield |
Dr Peter G. Norton |
La présidente |
M. Rodger Cuzner |
M. Philip Hassen |
M. Rodger Cuzner |
M. Philip Hassen |
La présidente |
» | 1715 |
M. James Lunney |
M. Philip Hassen |
M. James Lunney |
Dr Peter G. Norton |
La présidente |
M. Marc Lemay |
» | 1720 |
Dr Peter G. Norton |
M. Philip Hassen |
La présidente |
M. Colin Carrie |
M. Philip Hassen |
M. Colin Carrie |
M. Philip Hassen |
M. Colin Carrie |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 9 février 2005
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, la séance est ouverte. Je suis heureuse de vous accueillir à la 19e réunion du Comité permanent de la santé.
Nous avons quelques visiteurs parmi nous et en votre nom, je leur souhaite la bienvenue. Je souhaite également la bienvenue à nos témoins.
Nos premiers témoins sont MM. Baker et Norton, coauteurs de l'Étude canadienne sur les événements indésirables.
J'ignore lequel de vous deux désire commencer, mais je tiens à inviter mes collègues à lire votre étude qu'ils ont sous les yeux. J'invite l'un de vous deux à commencer l'exposé.
Dr G. Ross Baker (coauteur de l'Étude canadienne sur les événements indésirables, à titre personnel): Merci beaucoup, madame la présidente. C'est un privilège et un plaisir que d'être avec vous ici aujourd'hui.
Nous allons dire un mot au sujet de cette étude, qui a été publiée en mai de cette année dans le Journal de l'Association médicale canadienne. Nous avons dirigé cette étude, mais il est important de signaler que cette étude a été réalisée dans cinq provinces et que des médecins et des infirmières ont réalisé les examens des dossiers dans chacune de ces cinq provinces. Il a fallu un effort assez considérable pour rassembler toute cette information en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse, en Alberta et en Colombie-Britannique.
Il s'agissait de la première étude nationale effectuée pour obtenir une estimation du nombre de malades qui ont été blessés en raison de leur séjour à l'hôpital.
Nous avons utilisé des méthodes qui ont été élaborées et utilisées aux États-Unis, en Australie, en Angleterre et ailleurs, et nous avons eu recours à l'examen des dossiers hospitaliers pour obtenir cette information; et cet examen a été réalisé par des médecins et des infirmières formés dans ce domaine.
Je voudrais dire un mot au sujet de la terminologie employée ici, parce qu'il est important de faire une distinction quant à la nature des événements indésirables. Un événement indésirable est un résultat négatif causé par les soins qu'un patient reçoit. Il ne reflète pas ce qui arrive à un patient pendant le cours de sa maladie. C'est le jugement des médecins qui ont examiné le dossier qui permet de dire qu'il y a eu une blessure ou une complication non intentionnelle qui a entraîné au moins une prolongation du séjour à l'hôpital et, dans certains cas, a provoqué une incapacité ou le décès.
Il est important d'être conscient que certains de ces événements indésirables ne sont pas évitables. Nous savons, par exemple, que certains malades sont allergiques à la pénicilline, mais jusqu'à ce qu'ils aient reçu de la pénicilline, nous ignorons qu'ils sont allergiques. Cependant, une fois que nous savons qu'ils sont allergiques, si on leur administre de la pénicilline, alors cela devient un événement indésirable évitable. Nous avons examiné toutes sortes d'événements indésirables. Grosso modo, 40 p.. 100 des événements indésirables observés dans notre étude ont été jugés comme étant évitables.
Il y a de nombreuses erreurs dans les soins de santé qui peuvent être décelées par des médecins et des infirmières vigilants et bien formés; c'est pourquoi ce ne sont pas toutes les erreurs qui provoquent un événement indésirable. Nous faisons donc une distinction ici entre les événements indésirables et les erreurs. Nous mettons l'accent sur les événements indésirables parce que c'est là où le tort est mesuré, et nous voulons fournir de l'information qui sera utile aux Canadiens et aux groupes comme l'Institut canadien sur la sécurité des patients qui travaillent pour améliorer la sécurité au sein de notre système de soins de santé.
Comme je l'ai dit, nous avons travaillé dans cinq provinces différentes. Nous avons examiné trois types d'hôpitaux—l'hôpital universitaire de grande taille dans nos grands centres médicaux, les hôpitaux communautaires et les hôpitaux de plus petite taille—pour obtenir une estimation qui est représentative des divers types de soins hospitaliers au Canada. Nous avons examiné quelque 3 700 dossiers pour l'année 2000 et nous avons exclu les admissions en obstétrique et en psychiatrie pour que nos résultats soient comparables au travail qui a déjà été fait dans ce domaine.
Le résultat de notre étude, c'est que nous avons déterminé que 7,5 p. 100 des patients qui ont été admis à l'hôpital en l'an 2000 ont eu un événement indésirable et, comme je l'ai dit, 40 p. 100 de ces derniers ont été jugés évitables par nos médecins. Cela signifie qu'un patient sur 13 qui a été admis dans les hôpitaux canadiens a eu un événement indésirable.
Nous avons fait une certaine analyse pour voir quelles étaient les différences entre les types d'hôpitaux et bien qu'il y ait eu plus d'événements indésirables globalement dans les hôpitaux universitaires, il est important de dire que le nombre d'événements indésirables évitables—c'est-à-dire , les événements pour lesquels nous pouvons faire quelque chose—est semblable dans les trois types d'hôpitaux.
De toute évidence, il y a certaines répercussions importantes que nous avons dû étudier, et nous avons examiné en premier les répercussions de l'événement indésirable sur le patient. La bonne nouvelle, c'est que les deux tiers des patients se sont rétablis en une courte période de temps. La mauvaise nouvelle, c'est que le tiers de ces derniers ont gardé une incapacité permanente ou sont décédés. Alors, c'est là une partie importante de notre équation et nous allons y revenir.
Nous avons également noté que le fait d'avoir des patients qui ont eu des événements indésirables entraîne une utilisation accrue des ressources de l'hôpital. Nos médecins ont estimé que le séjour à l'hôpital des 255 malades de notre étude qui ont eu un événement indésirable ou plus a été prolongé de 1 500 jours. Il s'agit d'une question importante, et nous sommes en train de faire une analyse plus poussée pour voir si nous pouvons obtenir une certaine estimation des coûts liés à cette constatation.
Quant aux répercussions pour les hôpitaux canadiens, nous avons utilisé nos données que nous avons extrapolées à l'ensemble des hôpitaux canadiens, mais laissez-moi d'abord dire un mot sur nos constatations.
Si ce que nous avons constaté est vrai, et qu'on le généralise à l'ensemble de la population, entre 140 000 et 230 000 malades canadiens ont connu un événement indésirable en l'an 2000. Le nombre de patients qui ont eu un événement indésirable et qui sont décédés par après varie de 9 000 à 24 000.
Laissez-moi toutefois dire au comité que nous ne disons pas que l'événement indésirable a été la cause du décès chez toutes ces personnes, mais dans certains cas, il est clair que ce fut le cas.
Comme l'étude a aussi été réalisée ailleurs, il est important de voir comment nous nous comparons par rapport à d'autres pays. Je peux vous dire que nos chiffres étaient plus élevés que les chiffres obtenus aux États-Unis; nos chiffres étaient environ deux fois plus élevés que ceux des États-Unis. Nous ne sommes pas certains de ce qui explique cet état de chose. Cela pourrait être lié aux méthodes utilisées, parce que l'étude américaine a été réalisée dans un contexte de négligence et de faute professionnelles, tandis que l'étude canadienne a adopté la même approche que les études anglaise et australienne, qui cherchaient vraiment à comprendre la situation et à fournir de l'information susceptible d'aider à améliorer les soins.
Le taux d'événements indésirables pour les hôpitaux universitaires était presque identique au taux observé en Angleterre, où l'on n'a examiné que deux hôpitaux universitaires. Alors, nos chiffres sont à peu près semblables aux études non américaines qui ont été effectuées. Globalement, nos taux sont légèrement inférieurs, mais le nombre de décès et de cas d'incapacité est assez semblable.
Je vais demander à M. Norton d'en dire davantage sur les questions qui soulève cette étude.
Dr Peter G. Norton (Coauteur de l'Étude canadienne sur les événements indésirables, à titre personnel): J'aimerais, moi aussi, remercier le comité de nous avoir invités.
Je veux vous parler des prochaines étapes que l'équipe se propose d'entreprendre. Ce n'est pas fini, ce n'est que le premier résultat et le premier travail.
Nous faisons à l'heure actuelle de la recherche prioritaire. Cela comprend le fait d'essayer de comprendre tout ce qui peut être compris dans nos données et de faire des demandes de subvention pour pouvoir examiner les événements indésirables dans la communauté. Nous avons seulement examiné ce qui se passe dans les hôpitaux. Les premières indications révèlent que nous avons de graves problèmes dans tous les secteurs du système de soins de santé.
Nous essayons d'évaluer des stratégies de réduction des erreurs et des événements indésirables. Cela se fait aussi bien par notre équipe de recherche que dans de multiples hôpitaux et régions du Canada. Nous croyons qu'il est nécessaire d'examiner les outils de prise de décision pour aider les dispensateurs de soins à améliorer les soins qu'ils prodiguent et à réduire la fréquence des événements indésirables. L'Institut canadien de la sécurité des patients a l'intention de pousser plus loin ce volet lié à la sécurité et il tiendra une réunion de hiérarchisation des priorités de recherche à la fin du mois. Nous avons très hâte à cette réunion pour participer à l'établissement d'un calendrier de recherche dans ce domaine au Canada.
Si vous regardez les documents qui vous ont été distribués, vous allez trouver deux photos d'écran d'ordinateur. Une des innovations de l'Étude canadienne sur les événements indésirables était la saisie des données à partir des tableaux sur un ordinateur portable. Cela nous a permis d'améliorer la fiabilité de l'extraction des tableaux pour obtenir de meilleurs résultats. Nous croyons que ce produit, qui a été élaboré expressément pour cette étude, est un produit patrimonial canadien. Il a été modifié pour fonctionner dans les hôpitaux individuels sans tous les éléments de recherche. Nous sommes en train de tester cet outil à Calgary, en Alberta, et nous avons des engagements de la part de la Colombie-Britannique et du Nouveau-Brunswick en vue de la poursuite de son développement. Nous espérons pouvoir l'offrir aux organismes canadiens d'ici la fin de l'été de sorte qu'ils puissent réaliser des vérifications semblables d'une manière rigoureuse partout au pays.
Il est très intéressant que le nouveau responsable de l'Organisation mondiale de la Santé dans le domaine de la sécurité des patients, sir Liam Donaldson, se dise très intéressé par cet outil et on nous a déjà demandé de rendre ce produit accessible dans le monde. Il s'agit d'une retombée exceptionnelle de notre travail.
Il y a d'importantes initiatives en cours destinées à assurer la sécurité des patients et nous avons été un facteur dans l'accélération de ces initiatives. L'Institut canadien sur la sécurité des patients vous fera un exposé dans un instant. Presque toutes les organisations professionnelles nationales ont formulé des énoncés de politique et des objectifs en matière de sécurité des patients. L'ICIS a commencé à publier des indicateurs de la sécurité des patients et d'autres groupes en font autant. Les ministères de la Santé investissent dans les activités de promotion de la sécurité des patients. Dans les quatre provinces de l'Ouest, nous avons maintenant des organismes au niveau provincial qui se consacrent à promouvoir cette question. Le Québec participe depuis longtemps et les provinces Maritimes viennent de se joindre à nous. Nous nous attendons à ce que l'Ontario fasse de même prochainement.
Des initiatives locales sont en cours partout au pays. Vous saurez que les hôpitaux dans les régions d'où vous venez travaillent fort pour faire en sorte que le système soit plus sûr pour les Canadiens.
Les occasions de formation et de sensibilisation se multiplient. Nous faisons des exposés à tous les niveaux, devant le public, les professionnels de la santé et les gestionnaires.
Enfin, nous sommes en train de lancer une campagne—et Ross et moi-même partageons la direction de cette campagne avec Ward Clemens, de Calgary—pour nous associer à la campagne américaine visant à épargner 100 000 vies. M. Don Berwick, qui dirige l'Institute for Healthcare Improvement aux États-Unis, a lancé un défi en décembre, à savoir qu'il existe six mesures de sécurité et que si nous parvenions à amener les hôpitaux des États-Unis à les appliquer, nous pourrions épargner 100 000 vies.
Nous allons lancer un effort canadien en parallèle. Nous l'appelons le noeud canadien et nous recevons un appui extraordinaire de l'IHI. Le groupe américain nous fournit des cerveaux et des outils et nous avons déjà obtenu du financement de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de l'Alberta pour mettre cette campagne sur pied. Nous avons fait une demande auprès de l'Institut canadien sur la sécurité des patients. Nous devrions avoir des nouvelles de la Saskatchewan aujourd'hui, parce que je crois que son conseil se réunit aujourd'hui.
Alors, je vois cette initiative comme une activité non partisane pancanadienne pour améliorer le système. C'est la raison pour laquelle nous avons réalisé cette étude.
Merci.
¹ (1540)
La présidente: Nous allons maintenant donner la parole à nos autres témoins, M. Philip Hassen et M. Don Schurman de l'Institut canadien sur la sécurité des patients.
Messieurs, n'importe lequel d'entre vous peut commencer.
M. Philip Hassen (directeur général, Institut canadien sur la sécurité des patients): Merci beaucoup. Je vais faire quelques observations initiales, puis je vais donner la parole à Don, et je reviendrai pour clore le tout.
J'occupe maintenant cette fonction depuis un gros sept jours. Je suis enthousiasmé. Je dois dire que j'ai déjà commencé à escalader la montagne et que j'ai déjà été là, à faire une partie du travail, dans mes vies antérieures.
Je vais demander à Don de présenter la question, et ensuite je reprendrai la parole pour vous dire un mot sur l'orientation de l'Institut. Don a agit à titre de directeur général par intérim au cours des derniers mois pour aider à lancer ce navire.
¹ (1545)
M. Don Schurman (ancien directeur général, Institut canadien sur la sécurité des patients): Merci, Phil.
Merci beaucoup au nom du conseil d'administration et du personnel de l'Institut canadien sur la sécurité des patients pour cette occasion de vous dire un mot sur les premiers travaux de l'Institut.
Dans cet aperçu, je vais parler très brièvement—très brièvement, parce que Peter et Ross ont fait un excellent travail—de la complexité du système de soins de santé et des premiers stades de développement de l'Institut canadien sur la sécurité des patients. Phil parlera davantage des défis auxquels nous devrons faire face et d'une partie du travail de l'Institut.
L'accord fédéral-provincial-territorial de 2003 a été à l'origine de la création de l'Institut canadien sur la sécurité des patients.
Sous la rubrique « Que savons-nous », le personnel de soins de santé a toujours été préoccupé par la sécurité. Il s'agit d'un environnement à haut risque. Mais il y a eu un certain nombre d'études, débutant au Québec avec la commission Francoeur en 2001, qui ont vraiment commencé à mettre le problème en évidence de manière efficace. Elles ont examiné l'état actuel des méthodes et des mécanismes de gestion du risque dans les hôpitaux et ont fait des recommandations visant la réduction des événements indésirables évitables. Cette étude a été suivie au Québec par la publication du rapport Blais en septembre 2004, rapport qui a révélé que 5,6 p. 100 des hospitalisations se traduisaient par un événement indésirable et que 26 p. 100 de ces derniers étaient évitables.
En 2001, le Collège royal des médecins et chirurgiens au Canada a pris une initiative courageuse en réunissant 50 leaders pour parler de la question de la sécurité des patients dans les hôpitaux canadiens. Cela a mené à la création d'un comité directeur national, lequel a publié un rapport intitulé Accroître la sécurité du système qui a vraiment lancé l'idée de la sécurité au Canada. Il y avait 19 recommandations. La première recommandation était la création d'un institut canadien sur la sécurité des patients.
Enfin—et Ross et Peter en ont parlé, c'est pourquoi je n'en parlerai pas—, on doit féliciter ces gens pour avoir fait un très bon travail, pour avoir amené cette question à l'avant-scène pour nous tous dans la société canadienne, et ils ont déjà parlé de leurs résultats.
L'Institut canadien d'information sur la santé—Ross et Peter en ont parlé également—a traité dans son rapport de 2002 de certaines des constatations faites, et cela a eu pour effet de rendre la question un peu plus concrète. On a dit qu'il y avait plus de décès consécutifs aux événements indésirables dans les hôpitaux qu'il y avait de décès causés par le cancer du sein, les accidents de véhicules automobiles et le VIH combinés. L'Institut a parlé du fait qu'un adulte sur neuf contracte une infection dans les hôpitaux et qu'un patient sur neuf reçoit le mauvais médicament ou la mauvaise dose.
La prochaine diapositive rendra la chose encore plus personnelle. On a prescrit par erreur à deux jeunes enfants en Ontario, une jeune fille âgée de 15 ans et un garçon de 14 ans, un timbre analgésique puissant, le Duragesic, qui est administré aux personnes pour traiter la douleur très forte, mais seulement chez les adultes parce que vous devez avoir l'expérience des opioïdes, avec quelque chose comme du Tylenol 3. À tout événement, ils ont subi un arrêt respiratoire et sont décédés après l'application du timbre analgésique.
Dans la région sanitaire David Thompson en Alberta, à l'Hôpital régional de Red Deer, un homme s'est vu administrer par erreur 10 milligrammes d'hydromorphone au lieu de 10 milligrammes de morphine, et il est décédé avant que l'on ait pu découvrir l'erreur et que l'on ait pu intervenir. À l'Hôpital Foothills de Calgary, il y a eu un exemple il y a un an où deux patients sont décédés à cause d'une solution de dialyse dans laquelle on a utilisé, par erreur, du chlorure de potassium au lieu du chlorure de sodium.
Alors, ces exemples rendent les choses vraiment concrètes et cela peut arriver à n'importe qui d'entre nous à n'importe quel moment.
L'Institut canadien sur la sécurité des patients, comme je l'ai indiqué auparavant, a été créé pour aider le système de soins de santé à faire face à ces problèmes. Vous avez un plan d'entreprise devant vous et ce plan d'entreprise parle de la mission, de la vision, du mandat, de la gouvernance et de certaines des initiatives précises.
La mission de l'Institut est simplement d'assurer un leadership national dans l'établissement et l'avancement d'un système de santé plus sécuritaire. Ce travail sera fait par des gens qui travaillent dans le système sur une base quotidienne, ces personnes qui travaillent tous les jours avec des patients dans chacune de nos organisations.
¹ (1550)
Je pense que la vision est une formulation très éloquente du conseil qui décrit le genre de système qu'il aimerait voir en place. Un système dans lequel les patients, les fournisseurs, les gouvernements et les autres intervenants travaillent de concert à l'établissement et à l'avancement d'un système plus sécuritaire. Donc, nous avons tous un rôle à jouer—patients, fournisseurs, gouvernements et le grand public. Ils préconisent un système où les fournisseurs de soins sont fiers de leur capacité d'offrir les soins les plus sûrs et de la meilleur qualité possible chaque jour, tous les jours. Un système où les Canadiens ayant besoin de soins peuvent avoir l'assurance qu'ils recevront les soins les plus sûrs au monde.
L'Institut a été fondé grâce aux gros efforts de Santé Canada qui a fourni, en décembre 2003, 10 millions de dollars annuellement sur cinq ans à l'appui des initiatives en matière de sécurité des patients. Ils voulait avoir une approche pancanadienne, ce qui a abouti à la création de l'Institut. L'Institut est un organisme autonome, mais se veut complètement transparent et rend des comptes. Comme je l'ai déjà dit, nous voulons faire participer les patients, les fournisseurs de soins de santé et le grand public. L'Institut ne s'occupe pas de superviser, de gérer ou prescrire des pratiques. Il ne finance pas, n'administre pas et ne réglemente pas les soins de santé. Il ne réglemente aucune profession de la santé. Donc, son travail se fera par l'entremise des engagements de personnes dans le système en établissant des rapports efficaces.
La prochaine diapositive est simplement une liste des membres du conseil. ils n'ont pas été choisis pour une représentation régionale. Ce sont des dirigeants non gouvernementaux choisis parce qu'ils sont reconnus en tant que leaders dans le domaine de la santé et ont quelque chose à apporter durant les premières phases d'évolution du conseil. Il y a neuf membres, bien que le conseil peut en avoir plus, trois d'entre eux représentent les gouvernements provinciaux et territoriaux.
La publication de dictionnaires est l'une des réalisations faites à ce jour, cela peut paraître insignifiant, mais c'est très important si l'on veut que les gens parlent le même langage—c'est-à-dire quels mots utilisons-nous et leur signification. Il y a un dictionnaire anglais. Le dictionnaire anglais a été publié en premier. Le dictionnaire français a suivi, c'était une amélioration. Je crois que l'on prévoit une révision du dictionnaire anglais.
Le plan d'activité stratégique, qui est devant vous, a été élaboré et approuvé par le conseil. L'Institut canadien pour la sécurité des patients a un bureau à Edmonton et un bureau satellite à Ottawa pour travailler avec les organisations de la santé nationale situées dans cette ville.
Dès le départ, l'Institut a établi des mécanismes solides de collaboration avec les organisations de soins de la santé à travers le pays, organisations provinciales et nationales.
Je dois aussi signaler que l'Institut canadien pour la sécurité des patients a joué un rôle très important dans l'établissement d'un groupe interorganisations, qui comprend Inforoute Santé du Canada, l'Institut canadien d'information sur la santé, le Conseil canadien d'agrément des services de santé, l'Agence de santé publique, le National Health Council et Statistique Canada qui se réunissent pour discuter de leurs objectifs et engagements communs.
Finalement, ce n'est pas indiqué, mais je crois que c'est quelque chose de très important pour le conseil, il s'agit du recrutement de Phil Hassen au poste de président-directeur général. Phil est un leader dans le domaine des soins de santé canadiens depuis longtemps. Il s'est profondément engagé pour l'amélioration et la gestion de la qualité dans les soins de santé. Il l'a prouvé dans tous les postes qu'il a occupés en tant que président-directeur général de grands hôpitaux et, il y peu, en tant que sous-ministre de la santé de l'Ontario. Il est l'auteur d'un livre sur les soins de santé qui décrit son engagement. Je pense qu'il fera un excellent travail à la tête de l'Institut dans les années à venir.
Je redonne la parole à Phil.
M. Philip Hassen: Merci, Don.
Je remercie de nouveau les membres et le président de nous avoir donné cette occasion. Je pense que c'est bien l'endroit qui nous servira de base pour avancer alors que nous débattons de ces questions avec tous nos collègues de tout le Canada.
Je vais consacrer quelques minutes aux initiatives en cours, ce que sont nos objectifs et les défis à relever dans l'avenir. Ces trois éléments sont indiqués dans cette diapositive : définir les enjeux liés à la sécurité des patients d'une façon plus articulée et plus claire, définir les pratiques de premier plan, la façon selon laquelle nous allons apporter les changements, et qui sont les gens avec lesquels nous travaillons.
Nous sommes engagés dans un processus de consultations avec tous les territoires et toutes les provinces. Les consultations diffèrent selon à la province car chaque province a sa façon particulière d'aborder un tel processus, cela est également vrai pour les territoires.
Ces consultations se termineront dans deux mois et nous passerons à notre plan d'activités, qui vous a été remis, nous l'améliorerons en tenant compte des nombreuses questions dont nous parlons. N'oubliez pas que cela a été fait de façon à nous aider à démarrer, mais il fallait rencontrer et entendre les gens du terrain afin de juger du bien-fondé de notre analyse des sujets que nous devons aborder.
En lisant plus attentivement le plan d'activités, on y découvre beaucoup de choses; nous devons établir un ordre de priorité. Nous avons quelques idées issues des discussions préliminaires avec les provinces et beaucoup d'organismes nationaux qui veulent améliorer la qualité des soins et fournir des soins sûrs aux patients.
Nous collaborons aussi avec un groupe qui organise une conférence nationale. Il s'appelle Halifax 3, 4 ou 5 selon vos mots. C'est un groupe qui a eu l'idée d'organiser une conférence annuelle sur la sécurité. Cette conférence est devenue l'événement par excellence pour obtenir des renseignements de bonne qualité pour aider les gens à élaborer leurs propres stratégies en matière de sécurité.
Nous commencerons par déterminer le type de recherches nécessaires. Vous comprenez que même si le travail de M. Baker et de M. Norton était vraiment essentiel pour démarrer, donner aux gens une idée de son envergure et comprendre ce que les Canadiens pensent qu'il y a comme problèmes au pays, d'autres questions devant être abordées sont issues d'autres problèmes et exigent de la recherche.
Nous allons collaborer avec deux autres groupes de recherche nationaux, la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé et les Instituts de recherche en santé du Canada, pour bien définir le rôle de chacun pour éviter un dédoublement des fonctions et avoir une groupe de stratégies synchronisées de recherche logique et qui aide les chercheurs à comprendre la façon d'obtenir des fonds pour concrétiser des projets sur lesquels nous nous sommes mis d'accord.
Nous allons aussi travailler sur ce que nous appelons l'analyse par arbre des causes. L'un des vrais problèmes dans les soins de santé est de comprendre ce qui se trouve à la base—pas simplement ce qui se passe, mais ce qui se trouve à la base et quelles causes pourraient être empêchées afin d'améliorer les soins. Quels sont les incidents évitables ou événements indésirables et comment pouvons-nous les améliorer?
Un programme de formation normalisé et validé sur la sécurité des patients est un autre sujet. La question est de trouver la méthode d' enseignement, comment informer les gens—tout, depuis l'étudiant dans le système qui reçoit un enseignement professionnel... Il est évident qu'il nous faudra utiliser des moyens tels les simulateurs informatisés et les stratégies interdisciplinaires.
Tout cela va devenir critique, car nous sommes bien conscients que beaucoup de gens ont essayé de travailler de manière autonome, nous devons réaliser aujourd'hui que le travail d'équipe est capital. Beaucoup de travaux ont été faits dans ce domaine, nous les utiliserons pour aider les gens à aborder ces questions, que ce soit dans des centres d'études, de recherches ou des universités pour les aider à étendre leurs connaissances fondamentales, ensuite viendra l'éducation pour améliorer les services aux patients.
J'ai peut-être deux ou trois choses à dire sur la diapositive « Être le maître d'oeuvre du changement. »
Nous devons trouver un moyen de bien comprendre les incidents médicamenteux. Ainsi que l'a mentionné Don, deux éléments sont en tête de notre liste de priorités. Il y a les infections, à cause du nombre d'infections : une personne sur neuf contracte une infection dans un hôpital et une personne sur neuf est en grand danger après s'être fait administrer un mauvais médicament. Nous devons trouver un moyen de mesurer ces problèmes, et c'est quelque chose que nous entreprenons actuellement au moyen du système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux.
¹ (1555)
Deux groupes—l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments et l'Institut canadien d'information sur la santé— commencent à travailler dans ce domaine et en fait ont commencé à travailler pour nous aider à commencer à voir un moyen de mesurer ces problèmes.
Il me semble que nous aurons cinq comités consultatifs qui engloberont tout : du juridique au développement professionnel, de l'évaluation de la recherche aux communications pour nous assurer que l'ensemble des professionnels et des organisations impliquées dans ce travail assimilent ces informations.
Les défis à relever dans l'avenir sont nombreux, mais nous allons commencer, je crois que M. Norton l'a aussi mentionné, par la façon dont nous pourrons canadianiser ce travail que les Américains ont commencé aux États-Unis où 100 000 personnes ont été sauvées. Quelles sont les caractéristiques pertinentes pour le Canada? Sont-elles celles qu'il faut étudier? Étant donné qu'elles le sont, nous devrons être très médiatisés. Les personnes avec lesquelles j'ai parlé à travers le pays m'ont qu'elles pensaient vraiment que c'était un bon début, que nous pouvions intervenir de manière spécifique pour commencer à améliorer la pratique sécuritaire de la médecine.
Nous examineront d'autres domaines en dehors de l'éducation. Par exemple, très peu d'études ont été faites sur les soins à domicile et vu qu'ils augmenteront à l'avenir, nous savons qu'il y aura un profil de risque et que nous devrons comprendre et aider, surtout au niveau des maladies chroniques et des patients âgés.
En considérant tout cela, nous croyons réellement que les professionnels sont très préoccupés et veulent faire un meilleur travail. Ils veulent être fiers de leur travail et des soins qu'ils fournissent. Je pense au travail que nous allons faire dans le proche avenir avec toutes ces organisations intéressées—et elles sont toutes intéressées... Je n'en ai pas rencontré une seule qui n'a pas mis la sécurité des patients en priorité.
La bonne nouvelle est que nous avons l'étude faite par M. Baker et M. Norton et elle a vraiment permis d'attirer l'attention des gens. Je pense qu'il est temps de s'en servir pour faire quelque chose. C'est ce que l'ICSP va faire, faciliter ce travail.
Merci beaucoup, je serais heureux de répondre à vos questions, quand vous le voudrez, madame la présidente.
º (1600)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons à la période des questions et réponses. Nous commençons par l'opposition officielle de Sa Majesté. Je ne sais pas si ce sera M. Merrifield ou M. Lunney.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Madame la présidente, avant que vous ne commenciez à mesurer mon temps de parole, puis-je me permettre de faire un commentaire pour le compte rendu et qui déplaira aux membres du comité? Les membres permanents ne sont pas représentés de l'autre côté ainsi qu'un grand nombre de notre côté qui auraient voulu assistaient à ces témoignages—que le débat sur la Loi sur la quarantaine, le projet de loi C-12, soit prévu au même moment est une indication d'une mauvaise planification des leaders à la Chambre.
Je crois qu'après avoir invité des témoins pour cette réunion importante, il aurait été formidable de voir les membres permanents dans cette salle. Nos propres porte-parole en chef et dirigeants chargés de ce dossier n'ont pas pu se présenter, et c'est aussi important de ce côté. Je voulais juste protester au nom des membres qui n'ont pas pu assister à cette réunion importante.
Cela dit, j'aimerais remercier les témoins d'avoir présenté des exposés très intéressants. J'aimerais certainement féliciter M. Baker et M. Norton pour leur participation. C'est vraiment un sujet qui préoccupe beaucoup de gens. C'est un sujet très délicat qui a longtemps été négligé. Nous vous remercions vraiment de vous être engagés dans ce débat et nous savons que vous le faites car l'amélioration des soins de santé au Canada est un sujet qui vous tient à coeur. La création de l'Institut canadien pour la sécurité des patients est certainement un catalyseur. Nous en sommes heureux.
Je vous pose ma première question. Dans les diapositives de votre exposé, vous avez attiré l'attention sur un programme informatique qui pourrait être un produit canadien. Est-ce quelque chose qui provient de votre travail, M. Baker et M. Norton ou bien du travail de l'ICSP?
Dr Peter G. Norton: C'était un élément de ce que nous avons fait dans l'étude. Nous l'avons conçu. Le financement est venu des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'Institut canadien d'information sur la santé. Son développement comme produit classique est financé par certaines des régions sanitaires du Canada. Personne n'en tirera jamais aucun profit. Je dis toujours que vous autres, tout ce que vous avez à faire c'est d'y investir de l'argent pour que tout le monde puisse s'en servir, parce que les plus grandes régions peuvent se permettre d'y mettre 10 ou 12 000 $. À mon avis, c'est vraiment quelque chose d'assez étonnant.
M. James Lunney: Je vous félicite, en tout cas, d'avoir créé un outil qui contribuera à l'avancement de la recherche dans le domaine. C'est un outil très utile, qui sera l'assise des progrès futurs.
Je dois poser cette question parce que nous savons que bon nombre de nos études étaient particulièrement centrées sur les décès dans les hôpitaux et les incidents indésirables. Je remarque dans votre rapport que vous parlez de ce que nous savons des soins de santé au Canada. Vous dites que 70 p. 100 de ces incidents surviennent dans le domaine public et environ 30 p. 100 en dehors. Vous avez dit qu'environ 11 p. 100 de Canadiens cherchent à obtenir des traitements de deuxième ligne, et que vous y cherchez des pratiques de premier plan, ce qui, je vois, est l'un des objectifs de l'ICSP. Peut-être l'hospitalisation n'est-elle pas la meilleure intervention qui soit si elle peut être évitée, de toute évidence, parce que c'est là que se posent les problèmes d'infection et autres. Est-ce que quelqu'un d'autre tente d'examiner les services qu'offrent ceux qu'on appelle les fournisseurs nébuleux, en dehors des domaines à risque élevé que présentent l'hospitalisation et les services pharmaceutiques? Je parle particulièrement de la chiropractie et de la naturopathie, et même d'autres pratiques médicales qui sont en marge de la médecine traditionnelle, et considérées comme de la médecine parallèle?
º (1605)
Dr G. Ross Baker: Je pense que c'est une question importante. Il est clair que nous venons seulement de commencer ces travaux et nous nous sommes concentrés sur les hôpitaux parce que c'est là que des travaux ont déjà été faits. Nous voulions créer certaines données canadiennes qui nous permettaient d'évaluer la situation au Canada, de la comparer à celle d'autres pays, et de stimuler en quelque sorte diverses organisations, dont l'Institut canadien de la sécurité du patient et l'’Institut pour l’utilisation sécuritaire des médicaments. Certaines de ces organisations sont nouvelles et d'autres existaient déjà, mais il est clair qu'il faut déborder du champ de la pratique de la médecine traditionnelle. Il faut aller au-delà des hôpitaux si on veut voir un tableau exhaustif de tous ces enjeux entourant les soins de santé au Canada. Alors ce que nous constatons, c'est que nous n'avons fait qu'un premier pas, et il est clair qu'il faut élargir ce programme.
M. James Lunney: Je suis moi-même chiropraticien, et d'autres membres de l'équipe de la santé, ici, ont une formation en médecine parallèle. Personnellement, j'espère qu'il pourra y avoir une tribune, quelque part, où nous pourrons commencer à discuter de ce qui marche.
J'aimerais dire, aux fins de votre compte rendu—et nous en avons parlé récemment, lorsque nous avons eu une réunion du conseil de la santé, ici, l'autre jour, avec Michael Decter—et peut-être ne le savez-vous pas, mais une importante étude vient d'être publiée dans Archives of Internal Medecine portant sur un million de patients, soit un très vaste échantillon, qui faisaient l'objet d'un traitement conventionnel, dont 700 000 ont eu des traitements chiropratiques en plus. Les frais globaux de santé ont été de 12 p. 100 de moins. Personne n'a eu à l'encourager, c'est seulement que ces services étaient disponibles.
Je pense qu'il est vraiment temps que quelqu'un, dans l'intérêt de l'efficacité, commence à regarder comment on peut mieux collaborer dans un contexte interdisciplinaire pour capitaliser sur l'efficacité par rapport au coût, et réduire la morbidité. Très franchement, la pratique de la chiropractie pendant 24 ans m'a appris qu'il y a beaucoup de mythes sur les risques qu'elle présente. Si les risques les plus grands sont posés par les interventions pharmaceutiques, comme c'est clairement indiqué ici, alors peut-être les approches non pharmaceutiques méritent-elles qu'on s'y intéresse de plus près, et peut-être faudrait-il plus de dialogue avec les naturopathes et chiropraticiens au sujet des traitements parallèles qui, de fait, sont moins risqués.
J'ai eu de très intéressantes discussions avec des médecins traditionnels, et j'ai constaté qu'ils sont nombreux à être intéressés à un tel dialogue, mais la plupart ont très peu de tribunes ou d'occasions où avoir un dialogue entre professions. Personnellement, je pense que ce serait très intéressant si nous parvenions à surmonter de ces obstacles et à amorcer un dialogue sur ce qui marche.
Cela étant dit, au sujet du dossier des produits naturels, quelqu'un devrait s'y intéresser quelqu'un, parce que la médecine naturelle offre bien des solutions qui sont très prometteuses, et qui pourtant sont sous-utilisées. Nous avons été actifs dans ce dossier; nous avons une nouvelle direction, ici, pour les produits de santé naturels. J'ai vu dans une étude récente que les Canadiens dépensent environ 15 milliards de dollars en médicaments d'ordonnance, mais seulement 1,6 milliard en produits naturels. Pourtant, nous avons là des gains d'efficience, rien qu'avec les suppléments minéraux comme le picolinate de chrome, qui est essentiel pour métaboliser le sucre dans le sang. Nous avons d'autres stratégies simples qui favoriseraient l'avancement des soins de santé, et pourtant, Santé Canada les a supprimés du marché à cause d'allusions qui y sont faites à la santé.
Nous avons des difficultés réelles à vraiment parler de ce qui marche. Je me demande si c'est quelque chose qui.... si ce n'est pas à votre programme, peut-être que ce devrait l'être. Il y a un cas qui a fait beaucoup couler d'encre, récemment, celui de composés de vitamines et de minéraux qui ont des résultats faramineux pour les personnes qui ont des troubles bipolaires. C'était en Alberta. Docteur Norton, peut-être en avez-vous entendu parler? Bien des revues de psychiatrie en ont parlé. Et pourtant, Santé Canada a pris des mesures pour retirer le produit du marché et a cos l'étude, à l'Université de Calgary.
Alors nous aimerions bien voir quelqu'un se faire le champion d'un comité ou d'une tribune interprofessionnelle où nous pourrions vraiment commencer à parler de ce qui marche. Je me demande si ce pourrait être sous l'égide de l'Institut canadien de la sécurité du patient, dans le cadre des travaux que vous avez entrepris, ou dans quel autre cadre, parce que si on demande au Conseil de la santé du Canada, cela ne me semble pas être à son programme. Y a-t-il un espoir que quelque part, nous puissions créer une tribune pour un dialogue interprofessionnel sur ce qui marche?
Dr Peter G. Norton: Je pense qu'il y a un groupe de chercheurs, au Canada, qui s'intéresse beaucoup à certaines des questions que vous avez soulevées, monsieur Lunney. Espérons que nous pourrons amener tout ceci à la réunion qui est prévue pour la fin du mois, et intégrer le sujet à leur programme pour vous. M. Baker et moi-même devons assister à cette réunion, alors j'en parlerai, si vous le permettez.
º (1610)
M. James Lunney: Je vous remercie.
C'est à propos des infections nosocomiales. Nous avons un énorme problème avec le staphylocoque doré résistant à la méthicilline, qui ne se limite plus, maintenant, aux hôpitaux; c'est un énorme problème. Nous en avons un autre avec C. difficile. Il en a été question tout récemment, quand environ 600 décès ont été attribués à cette bactérie dans la région de Montréal, et quelque chose comme 7 000 infections. Lorsqu'ils ont parlé de sécurité des patients, il a été question de lavage des mains, de surpopulation et de surutilisation des antibiotiques.
Ce sont de véritables problèmes, mais quand on sait qu'il existe une catégorie de médicaments, les inhibiteurs d'acide gastrique, qui font courir encore plus de risques aux patients, est-ce que quelqu'un ne devrait pas songer tout d'abord à conseiller les médecins? D'autant plus que la revue de l'AMC publie des chiffres comme un risque accru de 2,5—c'est 250 p. 100 de risque de plus—d'être atteint d'une infection grave pouvant entraîner la mort. Pourtant, les médecins ou le public en général n'ont reçu aucun conseil, même si le gouvernement le sait depuis des mois.
Il est curieux que notre nouvelle Agence de santé publique du Canada n'aie pas jugé que cela relevait du mandat de la santé publique, et estime que c'est plutôt une question de lignes directrices en matière de pratique.
Je me demande si vous pouvez commenter cela.
M. Philip Hassen: Permettez-moi un commentaire. Il y a deux aspects auxquels nous pensons tous les deux, je crois, il faut consacrer quelque temps. L'un est la formulation de normes de pratique qui soient assez clairement comprises et qui peuvent être mises en oeuvre, relativement à la manière dont les infections se propagent dans un hôpital et ce qu'il nous faut pour intervenir. Ce n'est pas forcément que quelqu'un ne fait pas les choses comme il faut; il y a toute une série d'événements qui nous préoccupent, qui sont la cause fondamentale de ce problème. L'autre, bien sûr, ce sont les réactions indésirables aux médicaments.
Ces deux éléments semblent être... parce qu'avec les données que nos collègues ont recueillies, mais il y en a d'autres qui ont démontré que...
Il nous faut établir des normes très claires que les gens devront respecter. C'est vraiment, selon nous, une nécessité de premier plan, à laquelle nous devons nous attaquer dès le tout début de notre mandat, à l'ICSP.
Je ne sais pas si Ross ou Peter veulent ajouter quelque chose.
Dr G. Ross Baker: C'est seulement pour dire que nous sommes d'accord que le contrôle des infections est crucial et prioritaire. L'expérience du SRAS à Toronto a montré que ce n'est pas seulement un problème pour les hôpitaux, mais aussi pour la collectivité, et il faut y investir plus de ressources et d'attention. Certains efforts ont été déployés à la suite de cette crise, mais je pense qu'on peut encore dire qu'il n'y a toujours pas assez de ressources pour la lutte contre les infections dans la plupart des hôpitaux du pays.
Dr Peter G. Norton: Si vous regardez les 255 patients de notre étude qui ont été victimes d'incidents indésirables, l'une des choses qui saute aux yeux, c'est que la bactérie C. difficile est la coupable le plus souvent. Nous le savions même avant de recevoir des rapports de Montréal. Si la question vous intéresse, il y a une annexe à notre document, extraite du Web, qui comporte deux ou trois phrases sur chacun des cas. Je peux vous dire ce qui se passait. Il était facile de voir qu'il y avait un problème d'infection avant même que tous ces rapports sortent.
La lutte contre les infections est un enjeu important, qui revêt de plus en plus d'importance, à mon avis, avec le temps qui passe.
La présidente: Merci, monsieur Lunney.
La parole est maintenant à M. Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Bonjour. J'aimerais poser quelques questions.
Ma première question porte sur l'Institut canadien sur la sécurité des patients. Il me semble que beaucoup de gens s'occupent de la sécurité des patients par les temps qui courent. Il y a aussi la Coalition canadienne pour la déclaration et la prévention des incidents médicamenteux. Pouvez-vous m'expliquer quelle est la différence entre ces deux organismes? De quelle façon collaborez-vous avec cette association? Je ne sais pas qui peut répondre à ma première question.
Je passe à ma deuxième question. J'ai vu beaucoup de monde que cela s'intéressait. J'ai regardé les dirigeants du conseil d'administration. Pouvez-vous m'indiquer si, en plus des médecins, on trouve parmi ces personnes des représentants des infirmiers et des infirmières, des pharmaciens et des pharmaciennes--qui sont directement en contact avec les patients--et surtout si vous prévoyez que quelqu'un va représenter ces mêmes patients? Je parle du Québec. Au Québec, il y a une association de patients, dont je ne donnerai pas le nom, qui est très active. Des dossiers comme le vôtre sont très intéressants.
Ce sont mes deux questions pour l'instant, et j'aimerais bien obtenir des réponses.
º (1615)
[Traduction]
M. Philip Hassen: Peut-être pouvons-nous commencer là. Don pourrait vouloir ajouter quelque chose, puisqu'il a participé à la création du conseil.
Tout d'abord, la CCDPIM est le groupe qui s'intéresse à la coalition dont vous avez parlé, et nous en faisons partie. Il y a une discussion en cours avec le gouvernement fédéral sur la manière dont la transition peut se faire de ce groupe à l'Institut canadien de la sécurité du patient, pour la surveillance stratégique des travaux qu'ils font. Ils ont commencé avant nous, et ces travaux nous seront transférés d'une façon ou d'une autre. Nous travaillons là-dessus actuellement avec Santé Canada et avec le groupe d'intervenants intéressés—si c'est bien la coalition dont vous parlez. Le système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux est le groupe avec lequel nous collaborons étroitement, et qui cherche à déterminer comment nous pouvons nous assurer que... Le groupe a un comité d'exploitation, auquel nous siégeons avec l'Institut canadien d'information sur la santé et l'Institut pour l’utilisation sécuritaire des médicaments. Nous travaillons tous de concert pour nous assurer de ne pas dédoubler les efforts et qu'au bout du compte, nous aurons quelque chose de viable et d'utilisable en la matière.
Pour ce qui est des membres du conseil d'administration, Don, puisque vous avez participé à sa mise sur pied, peut-être pourriez-vous dire comment cela s'est fait.
M. Don Schurman: Merci, Phil.
Le conseil d'administration a été composé par Santé Canada, qui a reçu plusieurs recommandations. C'est une combinaison de médecins, d'infirmières et de pharmaciens. Il y a deux infirmières, Wendy Nicklin et Patricia Petryshen; et une pharmacienne, Bonnie Salsman, et aussi plusieurs médecins, John Wade, Brian Postl, Denis Roy et David Rippey. Donc il y a un bon élément médical.
Cependant, après avoir amorcé ses travaux, le conseil a reconnu qu'il a besoin d'autres personnes qui pratiquent activement la profession. La plupart des membres occupent maintenant des postes de direction et de gestion, et au fur et à mesure que le conseil va se recomposer et que nouvelles nominations seront reçues, il est décidé à s'adjoindre des gens qui pratiquent la médecine, qui fournissent des soins infirmiers et offrent des services en pharmacie.
Pour ce qui est de la question du public, que vous avez soulevée, il y a un membre, ici, qui semble représenter le public. Jim Nininger, l'ancien président du Conference Board du Canada, qui est maintenant à la retraite, est membre du conseil d'administration de l'hôpital d'Ottawa. Il n'est pas employé du système de santé; ce n'est pas un professionnel de la santé, et d'une certaine façon, il représente le public.
Cela étant dit, je pense que la participation de représentants du public dans les travaux de l'Institut reste un enjeu important sur lequel le conseil devra se pencher— comment au mieux les engager, obtenir leurs conseils et nous assurer que les travaux de l'Institut ont un lien avec leurs préoccupations. Donc, c'est un enjeu important que vous avez soulevé.
La présidente: Excusez-moi, mais votre temps est écoulé.
Madame Kadis.
Mme Susan Kadis (Thornhill, Lib.): Merci, madame la présidente.
Cette discussion est vraiment très instructive pour moi, aujourd'hui, et je peux vous dire que cette Canadienne-ci est mieux renseignée maintenant que lorsqu'elle a passé cette porte, en ce qui concerne ces grandes préoccupations qui sont cernées ou mises en valeur.
Ceci m'amène à ma question. Je regarde l'échéancier, et s'il y a de l'information à faire circuler et des travaux à mettre en oeuvre aussitôt que possible—dans les limites de la raison, bien évidemment, étant donné la complexité du sujet—il me semble que c'est ce à quoi vous vous êtes attelés, en grande partie. Je suppose que la question que je vais poser, c'est quand le public canadien pourra-t-il constater une réduction importante des incidents indésirables, des erreurs, etc., selon vous, d'après ce que vous avez fait jusqu'à maintenant et qu'est-ce qui est prévu à partir de là?
M. Philip Hassen: Peut-être vais-je commencer, mais je pense que mes collègues, ici, qui vont aussi participer à cela, pourraient avoir des commentaires à faire.
De toute évidence, ce que nous essayons de faire, par le biais des démarches des docteurs Norton et Baker, c'est de sauver 100 000 vies, ce qu'a déjà entrepris de faire l'Institut canadien d'information sur la santé. Il est plein de bon sens que leur travail ici, au Canada, sera aussi de traduire tout cela en une stratégie canadienne qui nous permette d'agir ici.
L'objectif visé, je pense, est d'avoir dans les 18 à 24 prochains mois quelque chose qui nous permette d'apercevoir à l'horizon les possibilités qui existent. Je ne dirai pas que nous allons obtenir des résultats faramineux; je pense que ce serait d'être trop optimiste. Mais ce qu'on cherche, c'est à démontrer que nous pouvons réellement faire une différence et qu'il y a des mesures que nous pouvons concrètement mettre en oeuvre pour vraiment réduire le nombre d'incidents indésirables, ou les préjudices qu'ils causent. Mais je pense qu'il faudra plus de temps pour y parvenir, avant qu'on puisse constater une amélioration véritable.
Peut-être Ross ou...
º (1620)
M. Don Schurman: Avant que Ross ou Peter ne fassent leurs commentaires, j'aimerais dire rapidement que d'une certaine façon, on constate déjà l'avantage réel de l'Institut. Dès ses tous débuts, l'avantage est le partage de l'information. Dans le cas, à Calgary, du chlorure de potassium qui a été confondu avec du chlorure de sodium, deux examens ont été faits, dont un à l'interne et un examen externe. L'Institut canadien de la sécurité du patient a diffusé cette information, les conclusions qui ont été tirées, partout au pays, entre les organismes de santé.
Même ce partage de l'information est une première étape nécessaire, je pense, pour tirer des leçons des expériences d'autres personnes.
Dr Peter G. Norton: En ce qui concerne la campagne des 100 000 vies, nous aurons environ 16 mois pour produire ceci. Nous avons les données relativement à certaines des initiatives dont il est question ici. Nous savons qu'elles sont efficaces. Il nous faut seulement modifier le système pour garantir leur efficacité. C'est l'objet de ces travaux.
Pour vous donner un exemple, les gens qui ont eu une crise cardiaque devraient prendre une certaine catégorie de médicaments—s'ils peuvent les prendre—appelés des bêta-bloqueurs. Ces médicaments ralentissent le rythme cardiaque et empêchent le coeur de travailler trop fort. Cela paraît logique, n'est-ce pas? Au Canada, probablement partout nous avons regardé, le pourcentage des gens qui prennent ces médicaments trois mois après la crise cardiaque était de 40 à 50 p. 100.
C'est un domaine où nous pouvons agir, et c'est l'un des objectifs de ses travaux. Nous allons engager les intervenants de première ligne et les principaux dirigeants des régions et des hôpitaux à s'unir pour dire que nous allons faire quelque chose pour les Canadiens.
Mme Susan Kadis: C'est là où je voulais en venir, que si on a l'information pertinente, on la transmet, dans la mesure où elle émane d'organes compétents. Nous avons cette obligation.
Là encore, c'est un sous-produit des travaux continus que vous voulez entreprendre ou avez entrepris. Nous n'aimons pas penser qu'il puisse y avoir de précieuses informations dont a besoin le public... et je pense que cela revient à ce qu'on disait à propos de l'information du public au fur et à mesure, quand c'est approprié, bien évidemment, et quand c'est responsable. C'était l'un de mes soucis.
Aussi, vous avez parlé de la collaboration avec les provinces et territoires. J'espère qu'il y a beaucoup de coopération. Vous avez dit que le Québec était avec vous et que l'Ontario le serait très bientôt. Y a-t-il eu des problèmes, de la résistance, certaines difficultés ou des défis dans cette région?
M. Philip Hassen: Non, aucun. Nous travaillons de concert, et je pense que tout le monde est avec nous, d'une façon ou d'une autre. L'essentiel, c'est de trouver le moyen d'avoir beaucoup de partage de l'information et de coopération entre les provinces. L'information est disponible pour améliorer le système, et personne ne dit non, je n'embarque pas.
Comme j'y ai déjà tenu un certain rôle, je peux vous assurer que tout le monde s'entend pour dire que c'est universel. Si je regarde les provinces, si je regarde les organismes professionnels et de réglementation, et si je regarde même les fournisseurs—j'ai rencontré des fournisseurs et les concepteurs commerciaux de produits—ils n'ont d'autre souci que la sécurité. Maintenant, quant à savoir si cela se traduit en un rendement réel de notre investissement avec eux, ou de leur investissement avec nous, c'est autre chose. Nous verrons bien. Mais nous allons nous attendre à certains engagements de la part de bon nombre de ces groupes, pour faire en sorte de vraiment réaliser cet objectif comme il devrait l'être, c'est-à-dire de réduire les erreurs dont sont victimes les patients.
Dr Peter G. Norton: Si vous permettez, puisque j'ai soulevé la question de l'Ontario, je ne voulais pas dire que l'Ontario ne fait rien. Je pense que c'est une situation plus complexe que celle que nous avons en Alberta. Le problème est plus vaste, et ils n'ont pas progressé aussi rapidement. Ce n'est pas qu'ils n'essaient pas.
La présidente: Merci, madame Kadis.
Madame Crowder.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Merci.
Je tiens à vous remercier pour votre présentation, aujourd'hui.
Il en a déjà été question, mais j'aimerais que vous étoffiez un peu vos explications.
La protection des patients est l'objectif ultime et l'un des outils qui est très utile pour le consommateur, c'est l'accès adéquat à l'information, tant sur les pratiques exemplaires qui sont proposées que sur la situation réelle. Je pense que l'obtention d'une information juste a été un véritable défi.
Nous avons entendu la semaine dernière, par exemple, que les compagnies de produits du tabac n'ont pas besoin de divulguer certains renseignements sur leurs processus d'analyse, alors le public n'y a pas accès. Nous savons, d'après le rapport annuel qu'a déposé le ministre, que les provinces ne communiquent pas de grandes quantités d'informations sur la manière dont l'argent est dépensé. Nous savons aussi que lorsque les compagnies pharmaceutiques font des essais de médicaments et les commercialisent, l'information qu'elles fournissent ne suffit pas, pour bien des gens, à déterminer si les essais étaient adéquats.
Je sais que vous ne faites que commencer vos travaux, mais j'aimerais vraiment savoir comment vous pensez que cette information sera diffusée au grand public, et dans quel détail, dans un cadre qui puisse être compris.
º (1625)
Dr Peter G. Norton: Lorsque nous nous préparions à publier l'Étude canadienne sur les événements indésirables, nous nous sommes beaucoup débattus avec cette question. Je craignais que nous entendions l'histoire de quelqu'un qui aurait dû aller à l'hôpital mais n'y était pas allé. C'est sûr, les hôpitaux sont merveilleux; ils sauvent des vies, point à la ligne. Et il y a place pour l'amélioration.
Nous avons passé beaucoup de temps avec les représentants des médias, à nous efforcer de faire en sorte que ce message soit diffusé au public sous une forme assimilable. Nous avons réussi partiellement. Cela m'a montré, et je pense que Ross sera d'accord avec moi, combien c'est difficile. Nos collègues des médias, en essayant d'interpréter l'information, ont parfois fait des erreurs. C'est la première chose que je voulais dire.
L'autre chose, c'est qu'on ne peut vraiment créer un système plus sécuritaire qu'en engageant les membres du public, en tant que partenaires réels, dans leur propre traitement, en leur assignant des responsabilités que nous n'avions pas prévues, et en leur donnant les moyens de nous parler de manière à ce que nous puissions les écouter. C'est mon point de vue. C'est un élément essentiel de la démarche que nous avons entreprise.
Dr G. Ross Baker: Je pourrais ajouter un commentaire. L'une des difficultés, en ce qui concerne la sécurité, c'est qu'elle a été un problème caché pendant longtemps. Le temps est venu de changer cela. La raison pour laquelle Peter et moi avons entrepris les travaux pour lancer cette étude, c'est que nous pensions que la sécurité des patients est un enjeu qu'il est important d'inscrire au programme canadien. Notre travail ne fait que commencer, mais j'estime que c'est une responsabilité que de publier l'information sur les préjudices qu'ont subi des patients en conséquence des soins qu'ils ont reçus dans toutes sortes de contextes de soins, partout au pays. Nous savons que certains grands organismes de collecte de données du pays auront cette capacité, et nous savons que certains des ministères de la Santé voudront que ces données soient diffusées. Cette information sera un véritable catalyseur pour l'amélioration des résultats que nous observons actuellement.
Nous ne pouvons qu'espérer que ce sera réalisé, parce qu'au bout du compte, bien que nous courions le risque d'effrayer certains gens avec ce genre de données, c'est le type d'information qui nous permettra de saisir l'ampleur du problème et la manière de nous y attaquer.
M. Philip Hassen: Peut-être puis-je ajouter un bref commentaire. Vous avez énoncé l'un des problèmes les plus fondamentaux des soins de santé—où est la clarté? Qu'est-ce qui est juste? Quelles sont les pratiques exemplaires, et que dois-je faire, personnellement? Il est certain, tout d'abord, que nous devons travailler avec le public, mais la confusion est tellement grande. Comme l'a dit Don, nous travaillons avec d'autres organismes—le Canadian Institute for Health Improvement, le Conseil national de la santé, etc.—pour essayer de trouver un moyen d'accéder à cette information. Nous avons une responsabilité... Le conseil d'administration le dit clairement, et il m'a parlé de la manière dont il faut amener le public à s'engager, et dont il faut savoir ce qu'il veut réellement.
Deuxièmement, comment nous assurer qu'il obtienne ce qu'il devrait avoir? Il y a vraiment du travail à faire sur ce plan. Le problème, c'est qu'avec toute l'information qu'on donne aux gens, il nous faut les munir d'un moyen d'accéder à l'information juste. Comment faire? Il nous faut trouver un moyen particulier d'y parvenir, comme un sceau d'attestation des bonnes méthodes, ou quelque chose du genre. qui leur permette de savoir que les autorités ont approuvé l'information qui leur parvient. En médecine, le centre de collaboration Cochrane a fait une espèce de distillation de l'information dont dispose la science, à n'importe quel moment, sur la manière dont on devrait traiter les gens. Il faudrait qu'il y ait le même genre de chose pour le public.
La présidente: Merci, madame Crowder.
Monsieur Cuzner.
M. Rodger Cuzner (Cape Breton—Canso, Lib.): Merci.
Je remercie les témoins de comparaître aujourd'hui.
Comme je suis un membre substitut du comité, je ne sais pas si les questions que je vais poser auront la même profondeur que celles de mes collègues, mais elles correspondront certainement à celles du Canadien moyen.
Concernant les événements indésirables, l'ampleur et les retombées des gestes qui tournent à la catastrophe sont révélatrices pour moi. Nous le voyons à la une des journaux... Ces incidents comportent un coût énorme, parfois en vies humaines, mais aussi en dollars consacrés aux soins de santé, soit l'argent très précieux des contribuables.
Certains aspects ressortent de votre étude. Je comprends que votre organisation est encore relativement jeune et en est à ses premiers pas, mais sommes-nous en mesure de déterminer si ces incidents peuvent être attribués à certains facteurs—la charge de travail du personnel infirmier, des technologies inappropriées, une formation insuffisante? Des travaux sont-ils effectués dans ce sens? Serons-nous bientôt en mesure de déterminer la cause de certains de ces incidents?
Je pose la question à l'un ou l'autre des intervenants.
º (1630)
Dr Peter G. Norton: D'après ce que nous comprenons, lorsqu'un incident indésirable se produit, une personne est en cause dans environ 70 p. 100 des cas et le système est en cause dans environ 80 p. 100 des cas. La plupart du temps, ce sont les deux.
C'est comme si le système n'était pas à la hauteur de la complexité et des défis que présente la prestation des soins modernes dans les hôpitaux et comme s'il conspirait presque contre les professionnels de la santé qui tentent de donner les meilleurs soins.
Comme les charges de travail ont augmenté et que les budgets ont diminué, comme vous le faites remarquer, le personnel est souvent insuffisant. C'est l'un des problèmes possibles. Or, le personnel pourrait être insuffisant même si nous avions l'argent, parce qu'il n'y a personne. Vous ne pouvez trouver une infirmière de relève qui peut travailler aux soins intensifs une journée, si bien que chaque infirmier ou infirmière doit s'occuper de trois patients au lieu de deux.
Ce sont des situations complexes qui découlent de décisions prises il y a plusieurs années. C'est une interaction complexe. Les chercheurs, l'institut et les organisations qui offrent les soins se demandent à l'heure actuelle comment nous pouvons changer cela pour conserver toutes les bonnes choses que font les hôpitaux, mais en les améliorant.
M. Philip Hassen: Je suis d'accord avec le Dr Norton. J'ajouterais toutefois que ce sont tous les facteurs que vous avez énumérés, non pas un seul. C'est le système. Bien sûr, des personnes sont en cause. Nous commençons à comprendre qu'il y a une façon différente de faire les choses. Nous devons reconstruire.
Je crois que le Dr Norton l'a très bien dit. Nous avons entrepris ce changement, qui a par la suite fait boule de neige. Tout à coup, nous avons décidé de revenir en arrière et de refaire cela—et le système n'est pas revenu en arrière et n'a pas été refait. En tant que fournisseurs, nous devons repenser la manière dont nous prodiguons ces soins et nous devons les reconcevoir. Pour ce faire, je crois qu'il faudra utiliser la technologie de l'information au maximum. C'est ce que bon nombre d'agences et d'organismes examinent actuellement, mais c'est impossible sans une bonne technologie de l'information.
M. Rodger Cuzner: Votre organisation existe depuis quatre ou cinq ans.
M. Don Schurman: La première réunion du conseil d'administration de l'institut s'est tenue en février dernier, il y a moins d'un an. En fait, la première réunion véritable a probablement eu lieu en mars de l'an dernier, alors on ne fait que commencer. Le conseil a un mandat de cinq ans.
M. Rodger Cuzner: On a affirmé qu'au sud de la frontière, l'objectif est de sauver 100 000 vies. C'est noble, mais probablement ambitieux.
Concernant les façons de mesurer et d'évaluer notre succès, que faisons-nous à court terme? Pouvez-vous parler davantage des mesures? Certaines mesures que vous allez préconiser et certains changements que vous espérez entreprendre pourraient se comparer à un phare—combien de navires un phare peut-il sauver? Ce serait bien difficile de répondre à cette question.
Pouvez-vous nous dire davantage ce que vous comptez faire au sujet des mesures?
Dr G. Ross Baker: Je crois que c'est une question très importante, voire la question essentielle. Nous pouvons parler de ces choses de long en large, mais au bout du compte, il faut savoir combien de décès sont liés à un incident indésirable et combien d'incidents indésirables qui pourraient être évités ne le sont pas.
Peter et moi nous sommes engagés dans cette campagne de 100 000 vies. Des travaux ont été faits pour cerner certains aspects importants, là où les connaissances sont au point, mais ne sont pas entièrement appliquées dans les hôpitaux. C'est vrai dans les hôpitaux américains et dans les hôpitaux canadiens. À notre avis, les gens doivent saisir cette occasion pour embarquer et tenter l'expérience de façon plus globale pour faire en sorte que ces bonnes pratiques sont mises en oeuvre partout. Nous espérons qu'un grand nombre d'hôpitaux canadiens se serviront de ce tremplin pour dégager les choses qu'ils peuvent faire également. Certaines organisations importantes ont dit vouloir s'y engager.
º (1635)
La présidente: Merci, monsieur Cuzner.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC): Merci beaucoup d'être venus. En fait, je suis gêné d'avoir manqué votre exposé. Je l'attendais depuis la publication du rapport.
Je n'ai que cinq minutes, mais je ne sais pas vraiment où commencer. Vous nous annoncez que 24 000 décès sont survenus au Canada, dans des établissements de soins actifs, par suite d'incidents indésirables qui auraient pu être évités. Il s'agit du quart des électeurs de chacun des députés présents ici que nous perdons chaque année dans notre pays, et vous nous dites que vous deviez vous montrer circonspects dans la façon de l'annoncer parce que les médias auraient pu exagérer les chiffres, devenir insistants ou mal interpréter la nouvelle.
Je crois que vous êtes trop timides. Je crois qu'il faut le crier sur tous les toits, que nous avons un grave problème dans ce secteur au Canada. Je pense que vous n'avez même pas touché au véritable problème, puisque la plupart des incidents que vous avez relevés se sont produits dans des hôpitaux de soins actifs, mais avez-vous regardé les centres pour personnes âgées? Vous êtes-vous penché sur les incidents indésirables liés aux médicaments à l'extérieur de nos établissements et le genre de problème que nous avons là?
Depuis que je suis devenu député il y a quatre ans, les chiffres que je vois sont stupéfiants. Ils correspondent à ce que vous faites, et ce que vous avez fait correspond à ce que le comité a fait lorsqu'il a parcouru le pays l'an dernier.
Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord avec vous et je suis d'accord avec l'Institut canadien sur la sécurité des patients. Nous devons faire beaucoup plus et nous devons être beaucoup plus insistants dans tout ce dossier.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Dr G. Ross Baker: Permettez-moi de vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous pour affirmer que ce problème mérite une vigilance extraordinaire.
Ce que mon collègue essayait de dire, je crois, c'est que nous voulions faire deux choses. Nous voulions nous assurer d'obtenir l'engagement des décideurs et des politiciens du pays...
M. Rob Merrifield: Mais je ne crois pas que nous avons fait cela.
Dr G. Ross Baker: Nous voulions que le message soit clair. Par ailleurs, nous ne voulions pas que les gens prennent peur en apprenant la nouvelle qu'il est dangereux d'aller à l'hôpital et qu'ils prennent ensuite la mauvaise décision, c'est-à-dire de ne pas chercher les soins appropriés. Nous voulons améliorer les soins sans alarmer indûment la population.
Je ne sais pas si c'est la bonne stratégie, mais c'est la décision que nous avons prise, parce que nous voulions engager les gens qui avaient les ressources et le pouvoir de prendre les décisions qui allaient nous aider.
M. Rob Merrifield: Votre rapport a été publié dans la plus grande discrétion. Il n'a pas fait de bruit. Il s'est passé très peu de choses depuis sa publication.
Nous savions qu'il allait être publié et nous savions, comme vous, quels étaient les chiffres, bien avant la publication du rapport. C'est un reflet de ce qui se produit aux États-Unis et dans d'autres pays.
Dr Peter G. Norton: Je crains que nous n'avions pas le contrôle lorsque M. Martin a déclenché les élections. C'est vrai. Nous avions tout préparé, et les élections ont été déclenchées, ce qui explique en partie pourquoi nous avons eu moins de visibilité.
Je crois toutefois que nous avons obtenu l'engagement des organisations professionnelles. Nous sommes ici et je crois que nous avons votre engagement. Nous devrions peut-être faire plus de bruit, mais...
M. Rob Merrifield: Je vous arrête ici. Ce n'est pas « peut-être ». Vous devez le faire.
Vous avez fait un excellent travail, mais vous êtes les premiers et nous avons été passablement silencieux en tant que pays et en tant qu'industrie. Les pressions sur notre système de soins de santé ne se sont même pas encore fait sentir. Si tous ces incidents se produisent maintenant dans nos centres de soins actifs, qu'est-ce que ce sera dans dix ans?
Dr G. Ross Baker: L'autre élément important que vous avez mentionné, c'est que nous devons comprendre ce qui se passe dans le reste du système. Il est important d'investir des ressources pour outiller et informer les gens, la population canadienne et les professionnels des soins de santé concernant les problèmes qui persistent dans les soins à domicile, les soins communautaires, les cliniques familiales, etc. Nous avons cette occasion maintenant avec, espérons-le, un programme de recherche sur la sécurité des patients qui contribuera dans ce sens.
º (1640)
M. Rob Merrifield: Prévoyez-vous effectuer des travaux dans ce domaine? Avez-vous entrepris une étude, ou pouvons-nous vous aider à cet égard?
M. Philip Hassen: Lorsque nous rencontrerons les chercheurs, ces messieurs et de nombreux autres—60 ou 70 personnes de partout au pays qui s'intéressent à la sécurité des patients et aux questions connexes seront réunies—, nous espérons obtenir une certaine convergence sur la façon d'entreprendre de plus amples recherches, notamment dans la communauté.
Les maladies chroniques sont nombreuses et vont augmenter. Il y a des personnes âgées qui essaient de demeurer chez elles. Elles ont besoin d'aide. Les soins à domicile prennent de l'expansion, comme je l'ai dit plus tôt, et nous devons bien saisir les enjeux et essayer de concevoir prospectivement une façon différente d'offrir certains soins de santé avant qu'une autre crise éclate.
M. Rob Merrifield: D'accord. Alors que faisons-nous maintenant?
Vos chiffres sont exacts; je n'en doute pas et je ne crois pas que les Canadiens en doutent. Nous savons qu'il existe un problème plus grave. Faisons cette hypothèse. Nous avons relevé un problème, et que faisons-nous maintenant pour le régler? Présentez-nous votre plan concret.
Vous l'avez peut-être déjà fait en partie, mais comment pouvons-nous vous aider à mesure que vous avancez?
M. Don Schurman: Puis-je faire un commentaire sur votre première question? Je laisserai Phil réfléchir à la façon de répondre à votre deuxième question, qui est plus épineuse.
Vous avez raison lorsque vous dites qu'il faut engager le public. Nous devons en parler. Je crois qu'un certain nombre de choses seront faites et sont déjà en train d'être faites. Parmi ces choses, il y a la divulgation plus généralisée des incidents indésirables qui touchent les gens. On a beaucoup trop hésité à en parler aux gens et à leur famille.
M. Rob Merrifield: La Chambre a adopté une motion l'an dernier visant la mise en place d'un système de divulgation, de déclaration obligatoire, et nous n'avons encore rien vu, même si le ministre a dit au comité qu'il y travaillait. Alors nous espérons que ce sera fait.
M. Don Schurman: Lorsque nous aurons fait comprendre à la population qu'un centre de soins de santé est un milieu à risques, ce qu'elle sait déjà... mais si nous en parlons plus ouvertement, presque automatiquement les patients et les membres de leurs familles qui comprennent les risques seront plus en sécurité. Ils nous aideront à améliorer la sécurité.
Je crois que vous avez raison. La question est de savoir comment ce sera fait. Je crois que Peter, Ross et l'institut ont toujours été soucieux de ne pas créer une anxiété qui susciterait encore plus de méfiance envers le système, mais les gens sont de plus en plus sensibilisés au problème de sécurité. Certains sondages effectués en Alberta ont révélé—et Peter pourrait le confirmer—que la population reconnaît que la sécurité dans les soins de santé est problématique et que le nombre de personnes qui se disent inquiètes a augmenté un peu, mais peut-être pas autant que nous le souhaiterions.
Phil voudrait peut-être répondre à l'autre question.
M. Philip Hassen: Nous avons déjà parlé brièvement du travail fait dans les six secteurs où il a été scientifiquement prouvé que nous pouvons intervenir. Ces choses sont tangibles; nous savons à quoi elles ressemblent. Il y a certaines méthodologies. Si vous changez votre façon de voir la ventilation, vous pouvez réduire les cas de pneumonie qui y sont reliés. Si vous regardez les cathéters veineux centraux, et je suis très précis parce que vous avez posé la question, nous pouvons intervenir dans ce dossier. Quant aux patients victimes d'une crise cardiaque, c'est la même chose; ils ne doivent pas quitter l'hôpital sans avoir les médicaments appropriés. C'est ce que font la moitié d'entre eux. Par conséquent, nous avons des normes et un travail très précis.
Sous la direction de John Wade, l'Institut canadien sur la sécurité des patients a déclaré qu'il devait, entre autres, être indépendant du gouvernement, pour ne pas avoir les mains liées par le processus politique. Vous savez que cette question peut être longuement débattue, mais au bout du compte, le Dr Wade souhaite être en mesure de dire la vérité sans que quelqu'un tente de politiser la chose.
M. Rob Merrifield: Est-ce que vous dites que c'est en train de se faire?
M. Philip Hassen: Oui, c'est en train de se faire et ça va nous aider.
Nous sommes probablement sur le point de conclure une entente sur la façon dont nous allons faire avancer les travaux dans lesquels le Dr Baker et le Dr Norton ont dit vouloir s'engager. C'est essentiel à notre succès; il faut des résultats tangibles pour que quelque chose de différent puisse se produire.
En deuxième lieu, nous devons établir des normes très claires sur la façon d'examiner ces processus qui sont beaucoup plus... J'utilise l'expression « examiner prospectivement ». Nous parlons ici des infections dans la salle d'opération, qui sont très élevées. Il faut examiner ce problème avec plus de méthodologie et de discipline. C'est ce que nous allons faire, mais nous devons travailler avec les personnes sur le terrain. Nous ne pouvons pas nous imposer. Nous devons nous rallier les organismes clés, le personnel médical chargé de la prévention des infections, les médecins en général, le personnel infirmer en général, les pharmaciens, pour que tous soient d'accord pour dire que c'est là le travail à effectuer.
Vous pouvez dire que certains ne seront pas d'accord. Eh bien, nous établirons les normes, parce que les groupes qui établissent les normes disent sans équivoque que ce travail doit être fait.
º (1645)
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Nous entendrons maintenant M. Thibault.
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous d'être venus.
Je regrette d'être arrivé en retard, comme M. Merrifield et Mme Crowder. Nous étions à la Chambre pour l'étude d'un projet de loi sur la santé, sur la quarantaine.
J'ai manqué votre exposé, mais j'ai vu votre documentation auparavant. Lorsque je regarde cela, j'ai peur un peu en tant que Canadien et en tant que client éventuel du système de soins de santé. Puis je me dis que je ne ferai pas partie du système de soins de santé à moins d'en avoir grand besoin, à moins de courir des risques beaucoup plus grands que ceux posés par le système.
Vous avez mentionné qu'il s'agit d'un milieu à risques. Nous avons vu les super microbes dans les hôpitaux—je ne sais pas s'il s'agit de virus ou de bactéries—, mais on ne les retrouve que dans ce milieu. Ce sont surtout les gens malades qui sont là. Les tâches que le personnel effectue sont souvent faites sous pression et elles sont très complexes. Alors il y a beaucoup de choses qui arrivent.
Puis j'ai commencé à réfléchir et j'ai examiné d'autres chiffres. J'ai vu ce que d'autres pays industrialisés faisaient, et je suis devenu un peu moins anxieux. Je crois que je dois être encore préoccupé, parce qu'il s'agit d'un milieu à risques, mais je le suis moins en ce qui a trait à la compétence de notre système.
Sans vouloir politiser la chose, parce que c'est toujours dangereux, j'aimerais poser une question. Nous finançons des organismes pour qu'ils examinent notre système, mais le système est administré par un autre palier de gouvernement, et souvent par des gens qui font partie des organismes bénévoles et des professions. Je crois qu'il faut prendre soin de ne pas refiler la responsabilité à d'autres, qu'il faut examiner l'ensemble du système dans l'ensemble du pays et que chaque intervenant doit être invité à participer à son amélioration.
Je vais vous poser cette question d'abord. Devrais-je avoir peur ou être rassuré du fait que nous sommes aussi bons que quiconque? Faisons-nous des progrès? Comment se situe notre système sur la scène internationale? Avons-nous de bons résultats à comparer aux pays étrangers, et sommes-nous en train d'améliorer nos points faibles?
Dr G. Ross Baker: Grâce à un financement de Santé Canada, le Dr Norton et moi, ainsi que d'autres collègues, examinons actuellement les efforts faits relativement à la sécurité des patients dans les pays les plus avancés dans ce domaine.
Je dirais que le pays qui se démarque le plus est le Royaume-Uni, où on investit des ressources considérables pour pouvoir travailler à tous les niveaux du système de soins de santé, dans la communauté et dans les hôpitaux, pour former les gens, pour mettre au point de meilleurs systèmes de déclaration, pour réduire les infections par un usage accru des techniques d'hygiène reconnues, etc. C'est très impressionnant de voir que le système a fait de ce programme une priorité.
Certains hôpitaux américains sont tout aussi avancés, mais les Britanniques ont l'avantage d'avoir un système unique qui dessert tout le pays, et je crois que nous pourrions tirer beaucoup de leçons des efforts qu'ils déploient.
L'hon. Robert Thibault: Par habitant, est-ce que ces efforts ont porté fruit en Angleterre?
Dr Peter G. Norton: Pas encore, mais ils en sont à leur début puisque ce programme a été mis sur pied il y a environ trois ans. Les chiffres ne changeront pas si rapidement puisqu'il y a beaucoup de retard.
Quant à savoir si vous devez être fier, en tant que Canadien, de votre système de soins de santé, nos chiffres diraient oui. Nous pouvons nous améliorer autant que les autres pays comparables. Les résultats américains dont Ross a parlé très brièvement, et qui semblent différents des nôtres, vous ont peut-être inquiété, mais ils reposent sur un cadre différent et ils sont issus d'études réalisées sur des patients en 1985-1986. Les hôpitaux ont tellement changé que je ne sais pas si nous devrions même faire des comparaisons avec ces résultats américains, tandis que si nous regardons la Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Danemark et le Royaume-Uni, nos chiffres sont essentiellement les mêmes.
M. Philip Hassen: Je voulais répondre en partie à ce que Ross a dit à propos du Royaume-Uni et de l'investissement considérable que les Britanniques ont fait. Ce que je dirais, c'est que nous venons de commencer. Il serait injuste de dire que nous avons besoin de ceci ou de cela. C'est injuste. Nous en avons assez pour aller de l'avant et ça va bien. À mon avis, lorsque nous verrons ce qui se passe ailleurs, les preuves que nous devons démontrer et le travail nous devons effectuer, il faudra peut-être plus de recherche et nous ne savons pas encore comment ça se fera, mais il suffit de savoir qu'il s'agit d'un problème très grave.
La bonne nouvelle, c'est que nous avons la base qui nous permet d'avancer et de commencer à élaborer des solutions. Le problème, c'est qu'il y aura un coût lié à certaines de ces solutions, mais il y aura aussi des économies réelles. Lorsqu'on permet à quelqu'un d'échapper à un séjour prolongé à l'hôpital, à l'invalidité que cela entraîne, à la mort et à toutes ces choses qui nuisent à une société productive ou à une organisation productive, c'est beaucoup dire sur ce que nous pouvons faire. Et nous croyons que nous pouvons le faire.
La chose est maintenant sur la table. C'est là la première bonne nouvelle et la deuxième, c'est que nous pensons avoir une certaine idée de ce qui doit être fait.
º (1650)
La présidente: Merci, monsieur Thibault.
Monsieur Carrie.
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC): Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais d'abord vous féliciter tous les quatre d'être ici et je tiens à vous encourager à poursuivre votre travail parce qu'il s'agit d'un enjeu sur lequel nous devons nous pencher.
J'aimerais vous poser quelques questions pratiques puisque j'ai moi-même fourni des soins de santé de première ligne pendant 15 ans. J'aimerais parler un peu de la déclaration ou de la non-déclaration ainsi que des poursuites judiciaires, parce que ce sont des questions qui préoccupent beaucoup les professionnels de première ligne.
Je me souviens de m'être entretenu il y a un an avec un de mes collègues qui est médecin et je lui ai posé des questions sur le protocole établi pour la déclaration des effets indésirables. Il m'a dit d'abord que les médecins n'étaient pas rémunérés pour rédiger les rapports. Après une journée très chargée, un médecin doit prendre un certain temps pour remplir les rapports et consigner les données, ce qui est plutôt une corvée pour lui.
Je me demandais si vous aviez examiné la question des déclarations. Même avec vos statistiques, il y a probablement beaucoup de cas non déclarés. D'ailleurs, la définition que vous faites d'un « incident indésirable » laisse place à la subjectivité, parce qu'un médecin qui travaille dans un hôpital pourrait dire « ce cas n'est pas tout à fait clair, alors je vais l'inscrire dans l'autre colonne » parce qu'il ne veut pas augmenter les statistiques. Avez-vous examiné la question des déclarations et des non-déclarations?
Dr Peter G. Norton: Dans l'étude, nous avons cherché systématiquement des indices montrant que des rapports d'incident avaient été remplis pour les 255 patients. Or, un seul rapport avait été rempli.
M. Colin Carrie: En d'autres mots, nous avons un véritable problème ici.
Dr Peter G. Norton: Et vous savez, il y a aussi le personnel infirmier, et non seulement les médecins, qui remplit ces rapports.
Mais je veux faire une mise en garde. Il y a maintenant trois bonnes études sur les incidents indésirables liés uniquement aux médicaments qui montrent que l'équipe ne reconnaît qu'environ un cinquième des cas. Vous ne les voyez pas parce que lorsque vous prodiguez des soins, vous vous concentrez tellement sur votre interaction avec le patient que certaines choses vous échappent. Évidemment, si vous amputez la mauvaise jambe, vous le savez, mais ces incidents sont très rares. Beaucoup de ce que nous...
M. Colin Carrie: C'est bien ce qui me préoccupe au sujet de l'efficacité et de la commodité du système en place. Envisagez-vous d'instaurer un meilleur système?
Par exemple, j'ai parlé des poursuites judiciaires. C'est un sujet préoccupant pour les hôpitaux, et j'ai vu personnellement des erreurs se produire. C'est très inquiétant. Est-ce une erreur, est-ce une réaction indésirable? Ils s'exposent aux risques. Avez-vous examiné cette question très importante?
Dr G. Ross Baker: L'expérience est différente d'une région à l'autre. Certaines provinces ont adopté des lois il y a un certain nombre d'années pour protéger les médecins, le personnel infirmier, les pharmaciens et tous les autres professionnels qui déclarent un incident. Cette information ne peut être utilisée contre eux devant un tribunal.
D'autres provinces, dont l'Ontario, ont récemment emboîté le pas, mais le fait est qu'on craint énormément les poursuites, ce qui limite le nombre de déclarations. Nous devons changer le milieu pour pouvoir mieux comprendre ce phénomène et saisir cette occasion pour améliorer les systèmes en tirant des leçons des choses qui ont mal été. Une grande partie de cette question n'est pas du tout abordée.
M. Philip Hassen: Il vaudrait peut-être la peine d'examiner les lois de la Saskatchewan. Il existe certains modèles qui, selon nous, contribueront à protéger adéquatement les personnes qui doivent être protégées lorsqu'elles déclarent ces incidents.
Il faut se rappeler que ce problème comporte diverses facettes. Nous parlons des incidents indésirables évitables ou des erreurs qui ont été commises, des erreurs humaines. Nous ne parlons pas des gestes faits consciemment qui ont nui à un patient, ce qui est une tout autre réalité que nous ne pouvons ignorer. Quelqu'un doit être blâmé dans ce cas, mais c'est une infime partie des cas. Nous avons tendance à nous concentrer sur cet aspect parce que chacun cherche à blâmer quelqu'un, mais la plupart du temps, il ne s'agit pas de jeter le blâme sur une personne.
Une partie de notre responsabilité, qui est prévue dans notre mandat et dans notre plan d'activité que le conseil a approuvés, consiste à examiner ces lois et à voir ce que nous pouvons faire pour faciliter les déclarations, parce qu'elles sont extrêmement importantes pour rendre le système plus transparent et pour nous aider à faire le travail que nous devons faire. Sans cette information, nous ne pouvons pas faire grand chose; nous allons nous retrouver dans une situation semblable à ce que le Dr Norton a décrit, où un cas sur 255 est signalé.
Les gens veulent déclarer les incidents, mais ils ne trouvent pas beaucoup d'avantages à le faire à l'heure actuelle parce qu'ils ont peur et qu'ils s'inquiètent, etc. Lorsque les incidents sont indéniables, parce qu'ils causent la mort ou l'invalidité, certains de ces cas majeurs sont déclarés parce qu'ils sont flagrants; vous n'avez pas le choix. Ce sont les autres cas qui font problème, ceux qui précipitent la détérioration de l'état de santé ou le décès du patient, qui n'apparaissent pas dans la littérature ou dans les rapports.
º (1655)
M. Colin Carrie: C'est très inquiétant, comme mon collègue l'a dit, quand on songe à la sécurité et à la crainte. Je vous encourage fortement à examiner cela et à en parler avec les professionnels des soins de santé, parce que je crois que certaines choses peuvent être faites. Cette question est si importante que nous devons assurer la transparence et les moyens nécessaires pour que les gens se sentent libres de signaler ces incidents.
La présidente: Merci, monsieur Carrie.
Dr Peter G. Norton: Madame la présidente, j'aimerais ajouter que le Dr Baker et moi avons effectué un sondage complexe, qui est affiché dans le site Web de Santé Canada, concernant la sécurité au pays, avant la publication du rapport. Nous avons dressé l'hypothèse que le climat litigieux était un obstacle majeur à l'avancement des travaux, et c'est ce que nous avons constaté en nous entretenant avec les principales sources dans l'ensemble du pays. Mais nous avons découvert un plus grand problème, c'est-à-dire que nous nous faisons du tort. Vous avez peur de le dire parce que vous n'êtes plus dans le camp professionnel. C'est très présent dans les histoires que les gens nous racontent. Outre la légalité, nous devons traiter avec les professions.
Je ne sais pas comment nous en sommes arrivés là, mais nous y sommes. C'est tout un programme pour un professeur de médecine comme moi et pour mes collègues qui enseignent les sciences infirmières, etc. Nous ne pouvons pas faire cela, et je crois que c'est la même chose dans les autres professions. Ce n'est pas très bon.
M. Colin Carrie: Le simple fait de le reconnaître peut aider, alors continuez votre excellent travail.
La présidente: Merci, monsieur Carrie.
Je crois que tout le monde a eu la parole une fois. Avec votre indulgence, j'ai quelques questions à poser.
Premièrement, pourriez-vous transmettre à nos attachés de recherche les six pratiques qui, selon vous, rehausseraient très rapidement la sécurité des patients si elles étaient adoptées dans l'ensemble du pays?
Deuxièmement, en ce qui a trait aux lois de la Saskatchewan, dont vous avez parlé, si c'est vraiment très long, vous pourriez peut-être nous remettre un sommaire qui en résume l'essentiel.
Mme Kadis a demandé à quel moment ces choses vont se produire, et j'ai remarqué qu'une des étapes consiste à changer la culture, ce qui me préoccupe. Il me semble que quiconque tente de changer une culture n'obtiendra pas des résultats très rapidement.
Les statistiques que les Drs Norton et Baker ont colligées semblent les meilleurs renseignements que nous ayons réussi à obtenir. Est-ce parce que vous avez mené votre étude par l'entremise des établissements hospitaliers et que tous les acteurs étaient anonymes? Avez-vous garanti l'anonymat peu importe la gravité de l'incident indésirable?
Dr G. Ross Baker: Nous avons garanti de ne révéler aucun incident particulier, mais nous savions que nous pouvions tomber sur un ou plusieurs incidents où il y avait eu une intention de nuire, alors nous avons créé un comité de sécurité qui nous donnerait des conseils avisés, à savoir si nous devions fournir ou non de plus amples renseignements. Je suis heureux de dire que nous n'avons rien trouvé de la sorte. Les hôpitaux ont participé, mais nous avions convenu de ne pas révéler de détails sur les résultats de chaque hôpital, ou sur les personnes en cause dans chacun de ces incidents. Nous avons jugé qu'il était important d'obtenir un chiffre qui représenterait l'ensemble des Canadiens, qui traduirait l'état de la situation au Canada, et non de soulever un débat à savoir si Vancouver ou Toronto était différent. Au bout du compte, ce sont les mêmes initiatives qui devront être mises en place dans les deux villes et dans l'ensemble du pays.
La présidente: Comment allons-nous changer la culture si non seulement les médecins et le personnel infirmier, mais aussi les conseils d'administration des hôpitaux eux-mêmes sont habitués à vivre dans un monde de non-divulgation afin de protéger leurs biens personnels ou les avoirs des hôpitaux? Je ne comprends pas comment nous allons convaincre les gens, à moins d'instaurer quelque chose comme une assurance sans égard à la responsabilité, comme dans le secteur de l'automobile.
Dr Peter G. Norton: Je crois que nous assistons déjà à un changement de culture. Il y a 10 ans, je ne crois pas que cette séance aurait eu lieu. Mais je crois que ce sera long. Il est important de regarder certains indices clés. Par exemple, l'Association canadienne de protection médicale a changé sa position au cours des cinq dernières années et incite maintenant les médecins à dire la vérité à leurs patients, alors qu'elle leur disait auparavant de se taire. C'est un changement énorme. Je crois qu'il est très important que nous travaillions avec tous les paliers du système, que ce soit les conseils d'administration, les cadres supérieurs des hôpitaux ou des régions, les professionnels de la santé de première ligne qui effectuent le travail tous les jours. Je ne crois pas que la culture changera en un an ou deux. Nous pouvons faire des choses même pendant que nous la changeons. Mais cet objectif doit rester dans notre mire à mesure que nous avançons.
» (1700)
La présidente: Merci.
Quelqu'un a dit que tout le monde ne parle que de « la sécurité d'abord ». Je croirais certainement que c'est le cas des professionnels de la santé dont l'intention est de faire un bon travail. Je me demande toutefois si vous avez constaté ce souci chez les dirigeants des compagnies pharmaceutiques. Les nouvelles récentes nous laissent croire qu'ils se préoccupent avant tout de l'argent, et non de la sécurité; on n'a qu'à penser au Vioxx, sur lequel l'information était disponible depuis longtemps. De plus, on savait très bien aux États-Unis que le Propulsid était responsable de nombreux décès, mais la compagnie n'a pas retiré le médicament du marché.
Avez-vous traité avec des compagnies pharmaceutiques?
Dr Peter G. Norton: Dans l'étude de Santé Canada, nous avons traité seulement avec des professionnels de la santé.
La présidente: Monsieur Hassen.
M. Philip Hassen: Premièrement, les compagnies pharmaceutiques ne sont pas toutes les mêmes. À mon avis, certaines croient vraiment à l'urgence d'agir.
Le changement de culture dont nous parlons est une série de choses qui devront se produire dans la façon dont nous agissons. C'est ce dont il s'agit. Il faudra du temps. Je tiens à revenir sur cette question, parce qu'elle est très importante. À long terme, c'est ce que nous devons faire—changer la culture, c'est-à-dire la façon dont les hôpitaux et les fournisseurs de soins de santé perçoivent leur travail et la sécurité qu'il implique. Ce que je dirais également, c'est que nous devons faire certaines interventions à court terme, et nous en avons décrit quelques-unes, et d'autres à moyen terme. Et nous avons quelques idées à ce sujet. Le conseil d'administration sera saisi d'une partie de ces travaux dans peu de temps, lorsque nous aurons fini les consultations, afin de produire un plan plus serré que nous partagerons avec Santé Canada, sur la façon d'aller de l'avant. Il est clair toutefois que nous devons changer la culture tôt ou tard. Si on ne fait que bavarder et qu'on ne fait que quelques coups d'éclat, nous n'obtiendrons pas les résultats espérés. Mais il faut montrer des résultats. Il y a des façons de le faire à mesure que la culture évolue.
La présidente: Merci.
Notre prochain intervenant sera M. Merrifield, qui sera suivi de M. Cuzner et M. Lunney.
M. Rob Merrifield: Lorsque nous avons parcouru le pays pour notre étude sur les médicaments à cette période-ci l'an dernier—en fait, c'était plus près du printemps— avant de publier notre rapport, un des témoins a fait la lumière sur les médicaments qu'on appelle benzodiazépines. Je crois qu'il en a été question dans le Vancouver Sun. La nouvelle a fait la une ici hier ou avant hier, je crois. Cette personne a dit qu'entre 20 000 et 30 000 décès par année étaient attribuables à ce seul médicament. Les victimes étaient surtout des personnes âgées, mais également de très jeunes enfants. En fait, on disait que cette pilule donnait un bon coup de main à maman.
Je suis très inquiet à ce sujet et, compte tenu de l'ampleur du problème, je me demande si vous effectuez des travaux dans ce domaine. Si les chiffres sont le moindrement exacts, nous avons un problème incroyable. Selon certains témoignages que j'ai entendus dans mon bureau, je dois croire qu'il y a beaucoup de vérité dans ces chiffres. Comme votre institut s'occupe de la sécurité des patients, est-ce que vous examinez certaines recommandations formulées par Santé Canada? On dit que ce produit doit être utilisé pas plus de sept à dix jours. Nous savons maintenant que certaines personnes l'utilisent pendant sept à dix ans. L'article paru dans le Vancouver Sun disait que plus de 10 000 personnes, je crois, en Colombie-Britannique seulement, consommaient plus de 1 000 pilules par année alors qu'on recommande de ne pas dépasser la centaine. Est-ce que vous examinez ce côté des choses?
M. Philip Hassen: Certains travaux sont effectués à ce sujet. J'ai mentionné le CCDPIM, qui s'occupe de la déclaration des incidents indésirables. Que l'information vienne du public, des professionnels ou des hôpitaux, les données seront colligées et nous aideront à nous attaquer au problème.
Nous n'avons pas encore dit ce que nous allons faire exactement. Bien sûr que non. Mais nous constatons qu'il y a un problème. La question toutefois est de savoir comment nous allons nous y attaquer pour que nous puissions définir chacun des enjeux et nous y mettre. Nous ne ferons rien de bien si nous essayons de tout faire, alors nous essayons de définir ces enjeux. Toutefois, nous examinerons certainement cela. Le CCDPIM, ce système de déclaration que nous sommes en train de mettre au point, aidera Santé Canada à examiner les méthodologies ainsi que les professionnels et la manière dont ils utilisent les médicaments.
» (1705)
M. Rob Merrifield: Pour vous aider, IMS a des données sur le nombre d'ordonnances délivrées au pays et les endroits où sont prescrits de manière disproportionnée les médicaments. Je vous conseille d'y jeter un coup d'oeil.
Quelque chose d'autre vient de me traverser l'esprit et qui a déjà fait l'objet d'une recommandation. Si vous parlez aux médecins légistes, ils vous diront que le formulaire n'exige nulle part le nombre de médicaments que prenait la personne au moment du décès. Quelqu'un peut avoir été impliqué dans un accident de la route et être décédé en raison de ses blessures, mais personne n'examine quels médicaments le conducteur prenait. Si vous voulez obtenir ce genre d'information, il suffirait d'obliger les médecins légistes à inscrire dans leur rapport les médicaments que prenait la personne. Pour le moment, cette exigence n'existe pas.
Avez-vous des commentaires à ce sujet?
M. Philip Hassen: Bien entendu. C'est justement ce genre de chose que nous abordons dans le cadre de nos consultations partout au pays pour découvrir ce que nous devrions étudier. J'ai déjà travaillé avec Jim Young, qui était médecin légiste. Je crois que je vais lui en parler ainsi qu'à d'autres médecins légistes. Lundi, je rencontre des représentants du gouvernement de l'Ontario et je leur poserai certaines de ces questions pour me permettre de mieux cerner le sujet et voir à quel point c'est critique.
Je crois cependant que vous avez raison. C'est une question qui est souvent sous-estimée dans notre travail. Nous n'avons pas une idée claire de ce que c'est, ni de ce que sont les conséquences.
M. Rob Merrifield: Je sais que nous avons parlé des incidents indésirables, et je partage votre opinion selon laquelle les chiffres divulgués—de 1 à 10 p. 100—sont exagérés. Ce serait le cas si on parlait d'un incident sur 250 ou à peu près. Comment en avoir le coeur net? Effectivement, on peut rendre la divulgation des réactions aux médicaments obligatoire, mais dans les pays qui l'ont fait, le problème de la responsabilité éventuelle demeure. Évidemment, personne ne veut admettre avoir prescrit un mauvais médicament.
Dans votre témoignage, avez-vous parlé de la façon dont vous alliez tirer ça au clair? Je sais que le ministre examine en ce moment la question. Il va falloir trouver une manière de faire tomber les cloisons et de changer la culture pour que les médecins et les professionnels de la santé au pays voient ces mesures comme quelque chose qu'ils peuvent maîtriser au lieu de craindre. Nous ne voulons pas blâmer quiconque. Nous voulons simplement aller au fond des choses.
Avez-vous des suggestions sur la façon de procéder pour passer de la simple compréhension des raisons qui motivent l'exigence, à une adhésion à l'obligation de divulguer les incidents indésirables?
Dr Peter G. Norton: C'est justement un des problèmes qui me préoccupe : que ferons-nous de toute cette information? Je crois que l'Étude canadienne sur les incidents secondaires sous-estime les chiffres dans les hôpitaux. Pourquoi? Parce que la méthodologie utilisée sous-estime systématiquement les chiffres afin que la barre soit basse, et non haute, au Canada. Bon nombre d'entre nous ne serions pas étonnés d'entendre que les chiffres véritables sont deux ou trois fois plus élevés. Dans les tableaux, on ne voit que ce que les gens ont écrit. Si les hôpitaux signalaient tous les incidents et les quasi-incidents, on pourrait se retrouver avec un torrent de données sans savoir comment les trier ou les utiliser. Nous examinons donc actuellement divers scénarios.
Nous avons trouvé un moyen intéressant de recueillir plus de données. Le médecin en chef de la région de Calgary a pris sa retraite pour des raisons médicales. On a demandé à tous de lui faire un cadeau et on lui a remis 15 000 $. Il a dit qu'il ne pouvait pas accepter ce cadeau, mais qu'il allait plutôt remettre 3 000 $ chaque année, pour les cinq prochaines années, aux trois meilleurs cas de « rattrapage »—c'est un nouveau terme que nous utilisons pour désigner les erreurs médicales que l'on rattrape.
Avez-vous une idée du nombre de cas rattrapés que nous avons tout d'un coup?
» (1710)
M. Rob Merrifield: Un incitatif.
Dr Peter G. Norton: Du point de vue de la recherche ou de la gestion, c'est une question sérieuse : pouvons-nous trouver un moyen de l'utiliser afin d'améliorer le système?
M. Rob Merrifield: Chaque rattrapage pourrait sauver une vie; c'est magnifique.
Dr Peter G. Norton: Je crois que c'est merveilleux. Ça marche vraiment et ce n'est pas coûteux. Dans notre région, les gens sont enthousiastes grâce à la vision de ce médecin en chef qui est partie à la retraite. Maintenant, toutefois, nous avons toutes ces données et nous nous demandons comment nous allons les classer par catégorie et trouver des façons d'améliorer le système. Je crois qu'une partie des travaux de base pour améliorer la gestion du système est liée à ça.
Ce n'était que quelques-unes de mes pensées.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Cuzner.
M. Rodger Cuzner: Nous en avons déjà parlé un peu plus tôt, mais je me demandais si nous ne pouvions pas approfondir la question un peu. De nombreux groupes travaillent fort, comme la Coalition canadienne pour la déclaration et la prévention des incidents médicamenteux, l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada et le Système canadien de déclaration et de prévention des incidents médicamenteux. Comment sont les relations entre ces organisations et leurs liens avec l'Institut? Y a-t-il des ententes formelles? Diffuse-t-on l'information à tous pour s'assurer que les efforts et les projets ne se chevauchent pas?
M. Philip Hassen: D'abord, c'est un peu tôt pour en parler. J'apprécie votre question, toutefois, car c'est quelque chose qu'il faudra faire correctement à tout prix.
Nous avons déjà eu quelques réunions et en aurons d'autres avec ce que j'appelle les principaux organismes nationaux, comme l'Institut canadien d'information sur la santé. Inforoute Santé du Canada en fait certainement partie, tout comme le Conseil canadien de la santé, qui est le groupe de Michael Decter, et aussi Statistique Canada. Ces groupes sont tous intéressés à voir comment nous allons commencer à organiser tout ça et à nous donner de l'information pour nous aider à améliorer des choses.
Nous avons un deuxième groupe, dont nous ne parlons pas beaucoup, et je ne ferai que le mentionner car il engendre de grandes discussions. L'Institut canadien sur la sécurité des patients se compose de 100 représentants de 100 organisations. Nous sommes rendus à mettre la dernière main au concept final.
Il s'agit d'obtenir l'engagement d'intervenants à l'égard de la sécurité, qu'il s'agisse de l'Association médicale canadienne, des directeurs de services de soins intensifs ou d'infirmières travaillant dans les salles d'opération. Tous ces groupes pourraient faire partie de l'organisation—nous en dressons actuellement la liste—car nous croyons qu'il faut obtenir l'engagement d'une batterie de gens qui ont un véritable intérêt dans ce domaine. Ils sont tous intéressés. Ça va nous aider à obtenir leur engagement.
Bon nombre d'entre eux, dont des chercheurs, vont former nombre de nos sous-comités pour orienter le conseil d'administration quant à la voie à suivre. Ces membres constitueront aussi en bout de ligne notre conseil d'administration car ce dernier n'est pour le moment qu'un conseil transitoire. Quinze personnes provenant de ces divers groupes composeront le conseil d'administration pour nous aider à comprendre comment conserver l'engagement de la grande communauté des pourvoyeurs de soins, des fournisseurs de services, des associations, des agences et ainsi de suite.
Ce modèle est peut-être innovateur et sans précédent, mais je crois que ce groupe pourra nous aider à maints égards à entamer le processus d'amélioration. Nous devrons faire certaines choses concrètes et envisager des normes strictes. Nous espérons qu'elles seront adoptées car c'est très important, comme le sera le besoin d'obtenir la participation des bonnes personnes, y compris des associations et des gouvernements provinciaux.
Voilà sur quoi nous travaillons actuellement.
M. Rodger Cuzner: Vous estimez qu'il est primordial d'avoir la participation de tous ces autres groupes.
M. Philip Hassen: Tout à fait.
La présidente: Merci, monsieur Cuzner.
Nous aurons M. Lunney, suivi de M. Lemay, puis je crois que ce sera tout après.
» (1715)
M. James Lunney: Merci, madame la présidente.
J'aimerais aborder ce point sous un autre angle. Les directives cliniques qui régissent la pratique des médecins sont un des problèmes. Elles sont assez précises, et si les médecins s'en écartent, ils peuvent se retrouver en conflit avec leur organisme d'accréditation. C'est une façon assez sûre de pratiquer, mais on dirait qu'une fois que les choses sont établies, c'est pratiquement impossible de les changer, même s'il y a des percées permettant d'améliorer la sécurité, d'offrir des solutions de rechange peu coûteuses ou de réduire le taux de morbidité et peut-être même le taux de mortalité.
Une récente étude a révélé que 80 p. 100 de ces directives cliniques sont évidemment écrites par des gens qui effectuent des recherches directes pour des sociétés pharmaceutiques, et les médicaments sont, sans aucun doute, un des éléments à risque élevé, comme nous l'avons mentionné. J'aimerais donner à titre d'exemple les maladies cardiaques, dont vous avez parlé plus tôt. Beaucoup de recherches ont été faites récemment sur l'homocystéine et l'utilisation de l'acide folique, peut-être appuyé par de la vitamine B-6 et B-12, si vous voulez... pour réduire l'homocystéine et améliorer les résultats cardiaques. La littérature médicale comprend des milliers d'articles, surtout depuis les cinq dernières années, sur la façon d'améliorer la santé cardiovasculaire et réduire les risques de crise cardiaque et d'accident cérébrovasculaire.
Je sais que certains cardiologues recommandent actuellement à leurs patients de prendre de l'acide folique, même si ça ne figure pas dans les directives cliniques et la plupart des médecins n'y songent même pas. Je me demande quel type de chien de garde de la sécurité devrait-on avoir pour que les nouveaux traitements efficaces puissent faire leur entrée dans les directives cliniques.
En passant, je suis certain que vous avez vu, il y a de cela environ un an, que deux médecins recommandaient l'utilisation d'une nouvelle pilule à usages multiples à l'intention des gens ayant souffert d'une crise cardiaque ou d'un ACV. Cette super pilule contenait non seulement les cinq médicaments qu'il faut prendre après un problème cardiaque, mais aussi de l'acide folique. Ils s'attendaient à ce que le nombre d'incidents baisse de près de 80 p. 100. Et si l'acide folique pouvait à elle seule réduire le taux de morbidité? Peut-être est-ce quelque chose qui ne coûte pas cher, dont les risques sont faibles et qui peut être ajouté au régime médicamenteux.
Est-ce que quelqu'un veut répondre à ça?
M. Philip Hassen: J'aimerais revenir sur votre point concernant les directives cliniques rigoureuses auxquelles se fient les médecins. Je crois que vous surestimez la profession; d'après moi, les médecins vous diraient qu'ils jouissent d'une grande marge de manoeuvre, et c'est d'ailleurs ce que l'on constate tout le temps. Dans chaque domaine, nous voyons de grandes variantes au niveau de la pratique. Peter, qui est médecin, pourrait ajouter quelque chose à ce sujet—mais peut-être qu'il préfère s'abstenir. Il y a énormément de liberté. Ce n'est pas comme si les directives prescrivaient le traitement à utiliser. Il y a plusieurs façons de le faire.
Aussi, pour ce qui est de la littérature, elle ne tranche pas aussi clairement que vous. On ne cesse d'y voir des changements dans les pratiques exemplaires. Voilà pourquoi nous avons fait appel au Centre de collaboration Cochrane et à d'autres organismes pour essayer de savoir quelles sont les véritables pratiques exemplaires.
Les lignes directrices sont très vastes. Elles ne sont pas aussi étroites que nous le souhaiterions dans certaines situations. Si ce n'était pas le cas, comment expliquer que seulement la moitié des gens se font prescrire les bons médicaments? Pourquoi les personnes souffrant de diabète continuent-elles d'être mal suivies, etc.? C'est parce que les directives cliniques ne sont pas coulées dans le ciment. Ce ne sont que des lignes directrices et en tant que telles, elles donnent beaucoup de liberté aux gens.
M. James Lunney: Bon nombre de médecins qui font des traitements par chélation intraveineuse ne partagent pas votre opinion. Ils ont eu d'énormes difficultés avec l'organisme d'accréditation, comme c'est le cas d'autres intervenants qui aimeraient injecter de la vitamine C par voie intraveineuse pour lutter contre les infections virales, etc.
J'ai une deuxième question à poser. Vous avez donné à titre d'exemple le Royaume-Uni pour ce qui est de l'avancement dans le domaine de la sécurité des patients. Le Royaume-Uni s'est doté d'une institution qui s'appelle le National Institute of Clinical Excellence. Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose ou si vous croyez... Nous avons ici un institut qui étudie les nouvelles thérapies et leur efficacité, mais aucun organisme n'est chargé d'examiner réellement les traitements déjà existants pour vérifier leur efficacité et leur rentabilité. Est-ce quelque chose dont le Canada a besoin?
Dr Peter G. Norton: Ça vaudrait la peine que certaines agences fédérales jettent un coup d'oeil à cet institut dont l'acronyme est NICE; j'aime beaucoup cet acronyme en anglais car ça représente bien ce que c'est. Ils font des choses remarquables, et dans le cadre de mon travail en tant que professeur, je renvoie les médecins résidents à ce site pour qu'ils le consultent. C'est très étonnant. On ne fait rien de semblable au Canada.
La présidente: Merci, monsieur Lunney.
Monsieur Lemay.
[Français]
M. Marc Lemay: J'abonde dans le sens de mon collègue, qui parlait de publicité. Quand la bactérie C. difficile a fait des ravages dans la région de Montréal, il n'y a jamais eu autant de publicité, et c'est ce qui a amené le ministère de la Santé et des Services sociaux à adopter des mesures draconiennes, radicales et surtout extraordinairement rapides. On n'a jamais vu un ministère de la Santé agir aussi vite, surtout au Québec.
Je suis d'accord avec mon collègue: il faut absolument que vos résultats soient publicisés, et rapidement. On s'occupera de l'alarme par la suite.
Je réfléchissais en écoutant des collègues. Tous les hôpitaux ont des craintes concernant une chose: leur accréditation. Je me demandais, et je vous pose la question, s'il n'y aurait pas moyen--vous êtes des spécialistes et je n'ai pas besoin de vous décrire comment cela fonctionne--de trouver une porte d'entrée du côté de l'accréditation, peut-être une forme de dévoilement ou une façon de coopérer avec un projet comme le vôtre.
» (1720)
[Traduction]
Dr Peter G. Norton: J'aimerais répondre à ça. Le Conseil canadien d'agrément des services de santé a été un de nos partenaires dès le début de l'étude. Le mois dernier, le Conseil a émis de nouvelles normes d'agrément visant particulièrement la sécurité. Elles ont été utilisées sur le terrain pendant un an et deviendront des pratiques administratives obligatoires. J'ai participé au comité qui a rédigé ces normes, et nous avons prudemment tenté de lever la barre à un niveau que bon nombre d'organisations pouvaient atteindre, mais pas sans avoir à y mettre des efforts.
Je crois que l'agrément est l'un des outils tout indiqués pour favoriser le changement. Si vous avez l'occasion, en tant que comité, de demander aux organismes chargés de la reconnaissance des programmes d'études à demander aux établissements d'inclure dans leurs programmes le volet sécurité, je vous encouragerais fortement à le faire. Nous n'avons pas encore réussi à ce chapitre. L'accréditation des hôpitaux et des organismes régionaux est en place, et je pense que ce sera un mécanisme très puissant.
M. Philip Hassen: J'aimerais ajouter que Wendy Nicklin est l'un des membres du conseil d'administration. Elle est la PDG du Conseil d'agrément, et c'est en partie justement pour ça. J'ai d'ailleurs passé deux heures avec elle et son personnel aujourd'hui pour discuter des façons dont les indicateurs que l'on obtiendra à la suite de la mise en oeuvre de ces nouvelles normes s'intégreront et s'harmoniseront avec ce que l'on essaie de faire au sein de l'Institut canadien sur la sécurité des patients. C'est évidemment un peu tôt, mais je crois que nous voyons les choses de la même façon, c'est-à-dire que ce sera une bonne occasion de montrer comment réussir à tout intégrer en faisant preuve de constance et en évitant la duplication des efforts.
La présidente: Merci, monsieur Lemay.
M. Carrie a demandé la parole. Allez-y.
M. Colin Carrie: J'aimerais d'abord vous dire à quel point je suis impressionné par le travail que vous accomplissez; ça ne pourrait pas mieux tomber. Aujourd'hui, de bonnes idées ont été lancées, comme la possibilité pour les médecins et les hôpitaux d'avoir des assurances sans égard à la faute; le remboursement de sommes aux médecins qui font des rapports; et la question du « rattrapage de cas » mentionnée par le Dr Norton. Je me demande si le Canada est sur le point de mettre en place un système efficace de déclaration des incidents médicamenteux et indésirables. Nous rapprochons-nous?
M. Philip Hassen: Le groupe qui y travaille—la CCDPIM, dont nous avons déjà parlé, et qui s'occupe du système de déclaration des incidents médicamenteux— devra encore y consacrer au moins trois ans avant d'avoir le type de système que vous recherchez.
M. Colin Carrie: Allez-vous produire des rapports d'étape? Comme ça, nous pourrions être tenus au courant...
M. Philip Hassen: Oui, nous aurons un rapport annuel de l'Institut canadien sur la sécurité des patients qui présentera certaines des réalisations. Nous sommes convaincus que ces documents doivent être diffusés pour que le public...
Notre problème a trait au point mentionné plus tôt, soit la façon de sensibiliser à ce sujet la population, sans parler des professionnels et des politiciens. Il y a de nombreux groupes qui doivent comprendre tout cela, et ce de diverses façons, car des décisions différentes doivent être prises par différentes personnes, qu'il s'agisse d'une décision individuelle, provinciale ou nationale. Ce sont tous des éléments décisionnels importants.
M. Colin Carrie: Je crois que c'est un très bon objectif. Personnellement, tout comme mes collègues, j'aimerais recevoir ces rapports d'étape pour voir s'il y a des obstacles; ainsi, si nous pouvons faire quelque chose pour sensibiliser davantage les gens, ce serait fantastique.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci docteurs Baker et Norton ainsi que messieurs Hansen et Schurman.
Au nom de mes collègues, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps d'être venus nous faire part du travail important que vous faites. Comme l'ont mentionné mes collègues, nous aimerions être tenus périodiquement au courant de vos activités; vous pouvez nous envoyer tout ce que vous voulez. Vos travaux nous intéressent vivement.
Merci encore de votre temps, de vos efforts et surtout du travail que vous faites chaque jour au nom de la population canadienne.
La séance est levée.