HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 24 mars 2005
Á | 1105 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Robert Solomon (professeur, Faculté de droit, The University of Western Ontario) |
Á | 1110 |
La présidente |
Mme Nancy Langdon (superviseure, Prévention des accidents, Santé publique d'Ottawa, Alcohol Policy Network) |
Á | 1115 |
La présidente |
Á | 1120 |
Mme Frances Wdowczyk (directrice exécutive, The Student Life Education Company) |
Á | 1125 |
La présidente |
Mme Louise Nadeau (professeure titulaire, Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention (GRASP), Université de Montréal) |
Á | 1130 |
Á | 1125 |
Á | 1140 |
La présidente |
Mme Louise Nadeau |
Á | 1145 |
La présidente |
Mme Louise Nadeau |
La présidente |
M. Don Head (sous-commissaire principal, Service correctionnel Canada) |
Á | 1150 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC) |
M. Robert Solomon |
M. Rob Merrifield |
Á | 1155 |
M. Robert Solomon |
M. Rob Merrifield |
M. Robert Solomon |
M. Rob Merrifield |
M. Robert Solomon |
M. Rob Merrifield |
M. Robert Solomon |
M. Rob Merrifield |
 | 1200 |
Mme Frances Wdowczyk |
M. Rob Merrifield |
Mme Frances Wdowczyk |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ) |
Mme Louise Nadeau |
 | 1205 |
M. Réal Ménard |
Mme Louise Nadeau |
M. Réal Ménard |
Mme Louise Nadeau |
M. Réal Ménard |
Mme Louise Nadeau |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.) |
Mme Frances Wdowczyk |
M. Michael Savage |
Mme Louise Nadeau |
M. Michael Savage |
M. Don Head |
M. Michael Savage |
M. Robert Solomon |
 | 1210 |
M. Michael Savage |
M. Robert Solomon |
M. Michael Savage |
M. Robert Solomon |
M. Michael Savage |
La présidente |
M. Michael Savage |
La présidente |
M. Michael Savage |
Mme Nancy Langdon |
M. Michael Savage |
La présidente |
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC) |
Mme Frances Wdowczyk |
 | 1215 |
M. Colin Carrie |
Mme Frances Wdowczyk |
M. Colin Carrie |
Mme Frances Wdowczyk |
M. Colin Carrie |
Mme Louise Nadeau |
La présidente |
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.) |
 | 1220 |
M. Robert Solomon |
Mme Ruby Dhalla |
M. Robert Solomon |
Mme Ruby Dhalla |
La présidente |
Mme Nicole Demers (Laval, BQ) |
 | 1225 |
M. Robert Solomon |
Mme Nicole Demers |
Mme Louise Nadeau |
 | 1230 |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Mme Louise Nadeau |
M. Paul Szabo |
Mme Louise Nadeau |
M. Paul Szabo |
Mme Louise Nadeau |
M. Paul Szabo |
Mme Louise Nadeau |
M. Paul Szabo |
 | 1235 |
Mme Frances Wdowczyk |
M. Paul Szabo |
Mme Frances Wdowczyk |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Robert Solomon |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Gary Goodyear (Cambridge, PCC) |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Nancy Langdon |
M. Gary Goodyear |
Mme Nancy Langdon |
 | 1240 |
M. Gary Goodyear |
M. Robert Solomon |
M. Gary Goodyear |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Louise Nadeau |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Bonnie Brown |
Mme Louise Nadeau |
Mme Bonnie Brown |
Mme Louise Nadeau |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
 | 1245 |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Bonnie Brown |
M. Don Head |
Mme Bonnie Brown |
M. Don Head |
Mme Bonnie Brown |
M. Don Head |
Mme Bonnie Brown |
M. Don Head |
Mme Bonnie Brown |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Bonnie Brown |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Colin Carrie |
M. Robert Solomon |
M. Colin Carrie |
Mme Louise Nadeau |
M. Colin Carrie |
 | 1250 |
M. Robert Solomon |
M. Colin Carrie |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Louise Nadeau |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Ruby Dhalla |
M. Robert Solomon |
Mme Nancy Langdon |
Mme Frances Wdowczyk |
Mme Louise Nadeau |
Mme Ruby Dhalla |
Mme Louise Nadeau |
Mme Ruby Dhalla |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Paul Szabo |
 | 1255 |
Mme Louise Nadeau |
M. Paul Szabo |
Mme Louise Nadeau |
M. Paul Szabo |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
Mme Bonnie Brown |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
La greffière du comité (M. Carmen Depape) |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 24 mars 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis heureuse de vous souhaiter la bienvenue à la 28e séance du Comité permanent de la santé au cours de laquelle nous allons poursuivre l'ordre de renvoi du mercredi 9 février 2005, qui porte sur le projet de loi C-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, concernant les étiquettes de mise en garde au sujet de la consommation de boissons alcooliques.
J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue aujourd'hui à notre premier témoin, M. le professeur Robert Solomon de la faculté de droit de la University of Western Ontario.
Monsieur Solomon, vous avez la parole.
M. Robert Solomon (professeur, Faculté de droit, The University of Western Ontario): Je vous remercie. J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité à comparaître pour parler de cette importante question.
J'enseigne à la faculté de droit de la University of Western Ontario de London depuis 1972. J'ai rédigé ou corédigé en 35 ans plus de 150 articles, études et rapports gouvernementaux sur les questions juridiques concernant les drogues et l'alcool.
J'ai présenté les résultats de mes recherches à des conférences nationales et internationales et j'ai déjà comparu devant votre comité et devant d'autres comités et organismes gouvernementaux au cours de ma carrière.
Ces dernières années, j'ai centré ma recherche sur la conduite en état d'ébriété, la réglementation fédérale et provinciale de l'alcool et la responsabilité liée à l'alcool, notamment la question de l'obligation des fabricants d'alcool de mettre en garde la population contre les risques associés à la consommation d'alcool.
J'ai lu le résumé des exposés de Andrew Murie, le directeur exécutif des Mères contre l'alcool au volant, du Dr Robert Mann, chercheur scientifique principal du Centre de toxicomanie de santé mentale, du Dr Aslanyan, le président de l'Association ontarienne de la santé publique et du Dr Walker de la Société canadienne de pédiatrie.
Je souscris à leurs conclusions selon lesquelles le droit fédéral en vigueur ne tient pas compte du fait que l'alcool est une drogue et qu'il pose un danger important pour la santé et la sécurité publiques. Je suis d'accord avec eux pour dire que l'industrie des boissons alcoolisées ne s'est pas acquittée de sa responsabilité morale et sociale d'informer le public des dommages que causent ses produits.
Je suis d'accord avec eux pour dire que les consommateurs ont le droit de savoir ce qui constitue une façon responsable de consommer ces boissons et de connaître les conséquences que peut avoir la surconsommation de ces produits. Je suis également d'accord avec ces personnes pour dire que les arguments que l'industrie des boissons alcoolisées a présentés pour s'opposer à ce projet de loi ne tiennent pas compte de la réalité de la situation.
De plus, je souscris à leurs conclusions selon lesquelles les dispositions législatives fédérales doivent obliger les fabricants à fournir des renseignements appropriés concernant leurs produits sur tous les contenants et emballages de boissons alcooliques. Je souscris à leur conclusion selon laquelle des avertissements précis, soigneusement rédigés et placés de façon bien visible sur les contenants des boissons alcooliques peuvent aider à sensibiliser le public sur les risques que comporte la consommation de ces boissons, qu'ils peuvent aider les consommateurs à faire des choix éclairés et contribuer à la santé et à la sécurité publique. Je souscris également à leur conclusion selon laquelle les étiquettes de mise en garde, combinées à des actions plus larges destinées à informer le public des conséquences de la consommation de ces boissons sur le plan de la santé et de la sécurité, auront un effet beaucoup plus positif que ne l'auraient les seules mises en garde.
Dans le reste de mon exposé, je vais brièvement parler de l'obligation juridique qu'a l'industrie des boissons alcoolisées d'informer les consommateurs et de la nécessité pour le Parlement d'adopter le projet de loi C-206. Comme tous les autres fabricants, l'industrie des boissons alcoolisées a l'obligation juridique d'informer les consommateurs au sujet des risques découlant des utilisations prévisibles, bonnes ou mauvaises, de ces produits.
Les mises en garde doivent être suffisamment précises et détaillées pour informer les consommateurs de la probabilité et de la gravité des risques courus. Nos juridictions ont clairement déclaré à plusieurs reprises qu'il ne suffisait pas de s'en remettre à des déclarations vagues et générales comme « buvez avec modération » ou « Sachez vous arrêter ».
Pour décider si un fabricant donné a respecté son obligation, les tribunaux examinent non seulement la mise en garde donnée mais également les messages compensateurs ou les activités de commercialisation susceptibles de saper l'efficacité de l'avertissement. Ces principes ont été résumés de façon particulièrement succincte par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt Buchan v. Ortho Pharmaceutical. La Cour a déclaré :
Une fois reconnue l'existence d'une obligation d'avertir les intéressés, il est évident que la mise en garde doit être suffisante. Elle doit être communiquée clairement et de façon compréhensible de façon à informer l'utilisateur de la nature et de l'ampleur du danger; elle est formulée en des termes correspondant à la gravité du risque couru et ne devrait pas être neutralisée ou niée par des mesures accessoires prises par le fabricant. |
À mon avis, tout comme l'industrie du tabac américaine, l'industrie canadienne des boissons alcoolisées devra répondre un jour devant les tribunaux de son omission d'informer adéquatement les consommateurs. Il est toutefois fort possible qu'il faudra attendre au moins une dizaine d'années avant de voir les tribunaux donner gain de cause aux demandeurs dans de telles poursuites.
Le Parlement a le pouvoir constitutionnel de réglementer la publicité, l'emballage et l'étiquetage de toutes les drogues, ce qui comprend l'alcool. Il est urgent d'informer correctement la population du fait que l'alcool pose un risque grave de mort accidentelle, de défauts nataux, de toxicomanie et de problèmes de santé.
À mon avis, il est plus important que jamais d'informer le public de ces dangers à cause d'un certain nombre de facteurs. Ces facteurs comprennent le fait qu'il est de plus en plus facile de se procurer de l'alcool, la réduction des restrictions imposées à la commercialisation, la publicité et la promotion des boissons alcoolisées, le ciblage agressif des jeunes buveurs, qui sont nos consommateurs les plus vulnérables, et l'augmentation considérable des beuveries chez les mineurs et les jeunes adultes, une beuverie étant définie comme le fait de consommer plus de cinq verres d'alcool. La majorité des jeunes Canadiens de 15 à 19 ans qui boivent le font pour s'enivrer. Chez les hommes, la majorité des buveurs reconnaissent consommer cinq verres ou plus, 12 fois au moins par an.
Nous avons tendance à ne pas tenir compte du fait que l'alcool est la seule substance enivrante dont la commercialisation et la distribution de masse est autorisée dans notre société. Ce privilège s'accompagne d'obligations correspondantes.
Si la population est mieux informée des risques que comporte la conduite avec facultés affaiblies, elle demeure largement ignorante du rôle que joue l'alcool dans d'autres types de décès et blessures traumatiques, comme celles qui touchent les piétons, 40 p. 100 des piétons décédés avaient bu de l'alcool, la plupart étaient ivres, les cyclistes, 20 p. 100 des cyclistes décédés avaient consommé de l'alcool, et la majorité d'entre eux étaient ivres, les conducteurs de motoneige, 70 p. 100 des motoneigistes décédés avaient consommé de l'alcool, et la grande majorité étaient ivres, les noyades, 40 p. 100 environ des noyés ayant consommé de l'alcool, les incendies, 40 p. 100 environ des décès causés par des incendies dans une résidence étaient reliés à l'alcool, la plupart des victimes étant ivres, les agressions et les agressions sexuelles, 40 à 50 p. 100 d'entre elles étant reliées à l'alcool, et les suicides, dont 20 p. 100 environ sont reliés à l'alcool. Selon les informations dont je dispose, l'alcool joue un rôle encore plus important dans les suicides chez les jeunes au moins que parmi le reste de la population. Ainsi, peu de gens savent, par exemple, qu'au Canada les chutes reliées à l'alcool entraînent davantage de jours d'hospitalisation que les accidents de voiture liés à l'alcool. L'alcool n'est pas une substance inoffensive et que les risques qu'il pose ne se limitent pas à la conduite en état d'ébriété.
Le projet de loi C-206, en particulier s'il est combiné à des initiatives plus larges, peut jouer un rôle important pour montrer que l'alcool est une drogue qui pose un danger grave pour la santé et la sécurité de la population; ce projet donnera à la population les moyens de prendre des décisions véritablement éclairées au sujet de la consommation d'alcool et empêchera l'industrie des boissons alcoolisées de continuer à minimiser et à dissimuler les graves dangers que posent ses produits. Le Parlement a le pouvoir et la possibilité de rétablir les faits concernant l'alcool et de diminuer ainsi le lourd fardeau qu'impose à notre société les décès, les blessures, les maladies et les dépenses liés à l'alcool. Le projet de loi C-206 constitue une mesure en ce sens qui aurait dû être prise il y a longtemps.
Je vous remercie de m'avoir écouté. Je serais heureux de répondre à vos questions.
Á (1110)
La présidente: Merci, monsieur Solomon.
Le témoin suivant est Nancy Langdon, superviseure de Alcohol Policy Network.
Madame Langdon, vous avez la parole.
Mme Nancy Langdon (superviseure, Prévention des accidents, Santé publique d'Ottawa, Alcohol Policy Network): Bonjour. Je vais commencer mon exposé en vous lisant la lettre d'Alcohol Policy Network, qui se trouve dans votre trousse. Je terminerai en me basant sur mon expérience de spécialiste de la promotion de la santé pour vous présenter deux autres observations sur l'utilité des étiquettes de mise en garde.
Au nom d'Alcohol Policy Network, nous voulons avec cette lettre appuyer le projet de loi C-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues qu'étudie en ce moment le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Alcohol Policy Network est un projet de l'Association pour la santé publique de l'Ontario et un membre du Réseau ontarien des ressources de promotion de la santé; cet organisme est financé par le ministère de la Santé et des soins de longue durée. C'est un réseau provincial de particuliers et d'organismes qui cherche à améliorer la santé des Ontariens en facilitant l'élaboration de politiques et la recherche, en renforçant la capacité de prévention des problèmes liés à l'alcool des professionnels de la santé et en fournissant des ressources éducatives. Le but visé par Alcohol Policy Network est de prévenir les problèmes associés à la consommation d'alcool, tout en favorisant la santé, la sécurité et le bien-être des citoyens et des collectivités de l'Ontario.
Comme le confirment des organismes aussi crédibles que l'Association pour la santé publique de l'Ontario, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies et d'autres, l'alcool est une cause très importante de mortalité et de morbidité dans la population. Selon les recherches effectuées pour le compte de l'Organisation mondiale de la santé, les méfaits liés à l'alcool représentent 4 p. 100 des maladies dominantes dans le monde, contre 4,1 p. 100 pour le tabac et 4,4 p. 100 pour l'hypertension artérielle. De plus, la surconsommation d'alcool coûte à l'Ontario près de 4,6 milliards de dollars par année en soins de santé, en services policiers et en perte de productivité de la main-d'oeuvre, selon les chiffres du ministère ontarien de la Santé et des soins de longue durée.
Tout le monde ne sait pas que l'alcool est une drogue et qu'une surconsommation peut avoir de graves conséquences. Un lien a en effet été établi entre l'alcool et plus de 60 maladies et bien d'autres phénomènes : homicides, suicides, accidents d'automobile, chutes, noyades, maladies mentales, crimes, actes de violence et stress dans les relations humaines. Ces constatations montrent qu'il est essentiel d'éduquer le public sur les conséquences dangereuses et méconnues de l'alcool.
Selon les derniers travaux de recherche effectués un peu partout dans le monde, la façon la plus efficace de prévenir les problèmes liés à l'alcool est d'adopter toute une gamme de stratégies : des politiques de consommation, l'application des règlements, le marketing social, l'acquisition de compétences et les programmes éducatifs. Les renseignements sur la santé et les étiquettes de mise en garde à l'intention des consommateurs peuvent faire partie des programmes éducatifs. Un message simple, bien documenté et bien ciblé, figurant sur les contenants d'alcool et dans la publicité constitue un moyen économique de sensibiliser les personnes qui risquent de connaître, ou qui connaissent déjà, des problèmes liés à l'alcool.
Il est en outre recommandé par l'Association pour la santé publique de l'Ontario d'intégrer les données réglementaires sur le contenu aux étiquettes et aux textes de mise en garde. Les données réglementaires sur le contenu peuvent aider les consommateurs à évaluer la quantité d'alcool consommée et ses effets possibles. Les directives de consommation d'alcool à faible risque sont un bon moyen d'y parvenir; elles ont été conçues par le Centre des toxicomanies et de la santé mentale, l'Association pour la santé publique de l'Ontario et l'Association des organismes locaux de santé publique, à partir d'une recherche basée sur les études scientifiques internationales.
Alcohol Policy Network croit que les consommateurs ont le droit d'être informés des risques associés aux produits qu'ils achètent et que l'industrie a la responsabilité d'informer clairement et sans parti pris les consommateurs.
Pour conclure, je dirais que les travaux de recherche indiquent que la seule présence d'étiquettes de mise en garde n'est pas très efficace pour réduire les méfaits liés à l'alcool. Cependant, ces étiquettes et textes, associés à d'autres initiatives de promotion de la santé, permettent aux individus de prendre des décisions éclairées concernant leur comportement face à l'alcool, ce qui influe sur leur santé. L'apposition d'étiquette de mise en garde sur les produits alcooliques permet non seulement de promouvoir et de protéger la santé et la sécurité de la population mais envoie aussi un message essentiel aux consommateurs : l'alcool n'est pas un produit ordinaire.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous présenter des observations sur cette importante initiative.
J'aimerais revenir sur la question de la méconnaissance des conséquences de l'alcool, aspect qui est mentionné dans la lettre. Nous voulons dire que les grands médias mentionnent rarement les effets négatifs de l'alcool. En tant que personne chargée de promouvoir la santé, mon travail consiste à informer la population au sujet des directive de consommation d'alcool à faible risque. Pourtant, entre 2000 et 2003, j'ai disposé d'environ 3 000 $ par an pour faire connaître ces directives dans la région d'Ottawa.
Á (1115)
Je suis certaine qu'il n'y a personne dans cette salle qui ait vu les résultats de mon travail. Je suis également convaincue que toutes les personnes qui sont ici ont vu ces derniers jours au moins une annonce publicitaire présentée par l'industrie des boissons alcoolisées faisant ressortir les avantages de la consommation d'alcool en société.
Il suffit de comparer le nombre des annonces publicitaires sur l'alcool avec celui des annonces d'intérêt public pour constater que les personnes chargées d'informer la population au sujet des conséquences néfastes de l'alcool font face à un lourd défi. Ce défi doit être partagé avec l'industrie des boissons alcoolisées.
J'aimerais également faire une remarque au sujet des preuves empiriques. Les étiquettes de mise en garde ne visent pas seulement les gros buveurs ou les buveurs à risque. En tant que futur parent, je suis favorable aux étiquettes de mise en garde pour les produits alcoolisés. Vont-elles empêcher mes adolescents de me voler un peu de rye? Non. Vont-elles renforcer ma crédibilité en tant que parent qui s'efforce de montrer à ses enfants comment on peut boire. Absolument.
J'ai travaillé avec des collectivités ontariennes pour élaborer des politiques municipales relatives à la consommation d'alcool au cours des réunions organisées par elles. La plupart d'entre elles ont préparé des affiches qui avertissent les participants qu'on ne leur servira pas d'alcool s'ils semblent être en état d'ébriété. Cet avertissement ne change pas le comportement des participants. Ceux qui veulent s'enivrer continueront probablement à le faire. Ces affiches aident toutefois les organisateurs de ces réunions à refuser de servir de l'alcool aux personnes ivres.
Les étiquettes ou les affiches de mise en garde constituent une mesure qui vient appuyer une stratégie globale de prévention des problèmes liés à l'alcool. Regardons les preuves empiriques concernant l'efficacité des étiquettes de mise en garde. Si les chercheurs avaient demandé aux parents de jeunes et aux jeunes adultes ce qu'ils pensaient de l'utilité de ces étiquettes, les résultats auraient sans doute été plus positifs. On aurait même peut-être dû consulter le personnel qui travaille dans les bars pour savoir si ces étiquettes de mise en garde leur ont facilité la tâche lorsqu'ils voulaient refuser de servir des clients en état d'ébriété. Les étiquettes de mise en garde sont une mesure qui vient appuyer une stratégie plus générale.
Merci encore.
La présidente: Merci, madame Langdon.
Notre témoin suivant est Frances Wdowczyk, directrice exécutive de Student Life Education Company.
Madame Wdowczyk.
Á (1120)
Mme Frances Wdowczyk (directrice exécutive, The Student Life Education Company): Merci, madame la présidente, et merci d'avoir invité la Student Life Education Company à vous présenter aujourd'hui des observations au sujet du projet de loi C-206.
Je m'appelle Frances Wdowczyk et je suis la directrice exécutive de la Student Life Education Company, un organisme national qui fait, depuis 1986, la promotion des attitudes saines à l'égard de la consommation d'alcool et d'autres questions liées à la santé.
Je suis venue ici vous présenter le point de vue des jeunes Canadiens au sujet du projet de loi C-206. La Student Life Education Company ne pense pas que le fait d'apposer des étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées aura un effet quelconque sur les attitudes, le comportement et les croyances des jeunes Canadiens au sujet de l'alcool.
J'aimerais tout d'abord vous rappeler brièvement l'histoire de BACCHUS Canada, organisme qui s'appelle maintenant la Student Life Education Company. Nous sommes enregistrés en qualité d'organisme de charité à but non lucratif depuis plus de 19 ans. Notre mission est de faire la promotion des attitudes saines à l'égard de la consommation d'alcool et d'autres drogues et à l'égard des questions liées à la santé. Nous tentons d'y parvenir en sensibilisant les consommateurs à ces aspects; nous luttons contre les croyances et les attitudes dangereuses pour la santé et nous fournissons aux étudiants et aux conseillers étudiants des ressources, de la formation et des documents d'information. Nous disons que nous sauvons la vie d'un certain nombre d'étudiants canadiens.
La Student Life Education Company a été constituée en 1986 à la suite du décès lié à l'alcool d'un étudiant de la Ryerson University en 1984. Depuis ses débuts, la Student Life Education Company s'est efforcée de répondre aux besoins des jeunes Canadiens. Notre action repose sur l'idée que les étudiants du secondaire et du postsecondaire sont idéalement placés pour encourager les autres étudiants à réfléchir sur la consommation de l'alcool, à en parler franchement et à favoriser des habitudes et des attitudes positives à l'égard de la consommation d'alcool.
Notre organisme à but non lucratif comporte trois divisions. Chaque automne, la Student Life Education Company, ou BACCHUS Canada, tient une conférence à laquelle nous invitons les meilleurs conférenciers, éducateurs et artistes d'Amérique du Nord pour qu'ils motivent nos leaders étudiants. Notre division du secondaire s'appelle Student Life NOW! Elle a pour rôle d'organiser la Journée nationale des étudiants contre la conduite en état d'ébriété, une journée d'action qui a lieu le troisième mardi d'octobre. La troisième division de la Student Life Education Company, le Canadien Centre for Social Norms Research, effectue de la recherche sur les campus des établissements postsecondaires dans le but de mieux comprendre comment les expériences et les perceptions des étudiants à l'égard de l'alcool modifient leurs attitudes, leur comportement et leurs croyances.
Depuis 19 ans, nous réunissons des responsables étudiants, des professeurs, des conseillers et des administrateurs de toutes les régions du Canada pour discuter de questions liées à la sensibilisation aux problèmes de l'alcool. Nous avons tenté de lutter contre les attitudes dangereuses et de les modifier en élaborant et en diffusant des documents portant sur ces questions.
Nous sommes le seul organisme national canadien qui s'occupe d'informer les jeunes sur les problèmes liés à l'alcool et il nous paraît impératif que la voix des jeunes soit entendue. Nous sommes fiers de travailler avec plus de 450 écoles secondaires canadiennes, et en moyenne, nous sommes présents dans une centaine de collèges et universités. Nous constituons une base de données intéressante sur les jeunes touchés par ces problèmes et je pense qu'il serait utile que le comité entende notre point de vue.
Nos 19 ans d'expérience nous ont appris que les jeunes et le marché des jeunes ne répondent pas de la même façon que le marché d'adultes aux mesures législatives et aux politiques. Sur le plan du développement, les jeunes pensent qu'ils sont invulnérables; ils pensent qu'ils ne mourront jamais. Par nature, ils aiment le risque. Les problèmes varient selon la région et de la même façon, chaque jeune est différent des autres. C'est pourquoi je ne suis pas convaincue que les étiquettes de mise en garde puissent avoir un effet sur les divers comportements, attitudes et opinions qu'ont les jeunes à l'égard de l'alcool.
De plus, nous avons appris en parlant aux jeunes que ceux-ci réagissent mal aux messages négatifs émanant de figures d'autorité. Ce qui est efficace, d'après nos 19 ans d'expérience, c'est un travail d'éducation et de prévention effectué par des pairs, où les étudiants peuvent ouvertement et franchement discuter des avantages et des inconvénients associés à la consommation d'alcool, considéré comme une substance légale, et où ils ont le pouvoir de faire les choix positifs qui leur conviennent.
Le travail que nous avons effectué depuis 1986 a eu un effet sur la jeunesse canadienne et nous avons constaté une diminution du nombre des cas de conduite en état d'ébriété. Nous savons que ces résultats n'ont pas été uniquement obtenus grâce à nous; nous travaillons très étroitement avec nos homologues mais nous pensons que les jeunes ont compris certaines choses grâce aux discussions, aux conversations qu'ils ont eues avec d'autres jeunes.
Á (1125)
De plus, les administrateurs et les conseillers des universités canadiennes nous ont fait savoir que les accidents liés à l'alcool survenus sur leurs campus avaient diminué sensiblement. Il est évident que le dialogue et les programmes adaptés aux jeunes ont un effet sur eux.
Les ressources humaines que nous affectons aux programmes et à notre mission d'information possèdent les vastes connaissances qu'il faut avoir pour pouvoir parler de l'alcool aux jeunes Canadiens d'aujourd'hui. Les sujets abordés comprennent le sexe et l'alcool, les femmes et l'alcool, les hommes et l'alcool, le stress et l'alcool, les mineurs et l'alcool, le rôle de l'alcool dans les collèges et les universités, une brochure intitulée « N'attendez pas avant de parler de l'alcool à l'université », les buveurs à risque, les enfants d'alcooliques, et le jeu. Les étiquettes de mise en garde ne peuvent pas vraiment régler les problèmes complexes auxquels font face nos jeunes.
Nous estimons que nous avons mis sur pied des programmes efficaces depuis 1986 et nous pensons qu'il faut faire davantage d'efforts pour essayer de rejoindre plus tôt les jeunes, pour leur proposer des modèles positifs, élaborer des ressources visant à aider les parents à communiquer avec leurs enfants et à encourager les étudiants à prendre de saines décisions concernant la consommation d'alcool.
Dans un autre domaine, la Student Life Education Company estime qu'il est important d'obliger l'industrie à sensibiliser la population aux problèmes que pose la consommation de ses produits. Pour rejoindre le marché actuel des jeunes, il est préférable de passer par des organismes comme le nôtre qui représentent une base de données fort utile sur la jeunesse canadienne. Nous savons que l'alcool et les autres drogues constituent un aspect de la vie de nombreux jeunes aujourd'hui et nous pensons qu'il est possible et nécessaire d'informer les jeunes Canadiens au sujet des risques qu'ils courent et de réduire ces risques grâce à la discussion et au dialogue.
Je crains qu'en imposant des étiquettes de mise en garde, l'industrie estime qu'elle s'est acquittée de ses obligations et qu'elle ne s'estime plus obligée d'appuyer les programmes de sensibilisation et d'information comme elle le fait à l'heure actuelle. Je dois poser la question suivante : Les étiquettes de mise en garde vont-elles avoir pour effet de réduire le financement qu'accorde actuellement l'industrie? Je sais que le comité a déjà entendu cet argument des dizaines de fois mais je suis obligée de mentionner que je ne dispose à l'heure actuelle d'aucun élément qui indique que les étiquettes de mise en garde ont un effet sur les jeunes.
En plus de ces actions, nous avons récemment commencé une recherche approfondie dans le domaine de la théorie des normes sociales, en invitant les étudiants des universités et des collèges à montrer comment il est possible de modifier les attitudes, les comportements et les opinions en favorisant des discussions qui amènent les étudiants à adopter les normes positives véhiculées sur leur campus. La théorie des normes sociales a été une grande réussite aux États-Unis. Le Canadian Centre for Social Norms Research travaille en ce moment sur la deuxième année d'un projet de recherche de quatre ans. Du point de vue des normes sociales, les étiquettes de mise en garde alimentent simplement une fausse perception, à savoir que tout le monde le fait, alors que ce n'est pas le cas. Cela incite les jeunes à adopter des comportements problématiques parce qu'ils veulent faire comme les autres.
Enfin, les étudiants accordent peu d'importance à ce genre de message. Ils ne pensent pas que les étiquettes de mise en garde les concernent. Ce ne sont pas eux qui ont un problème. Ils sont simplement en train d'essayer quelque chose.
C'est une erreur de croire que le fait de placer une étiquette de mise en garde sur une boisson alcoolisée va modifier les attitudes, les comportements et les opinions des jeunes d'aujourd'hui. Nos jeunes sont beaucoup plus complexes que cela et ils sont principalement influencés par leurs pairs, leur environnement et enfin, par leur désir de s'intégrer au groupe.
Je vous remercie de m'avoir consacré votre temps.
La présidente: Merci.
Mesdames et messieurs, le témoin suivant est Mme Louise Nadeau du groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention de l'Université de Montréal.
Madame Nadeau.
[Français]
Mme Louise Nadeau (professeure titulaire, Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention (GRASP), Université de Montréal): Bonjour à tous. Je suis très heureuse d'être ici.
Avant de commencer, j'aimerais vous indiquer clairement qui je suis et quel type de conflit d'intérêts je pourrais avoir. D'abord, je suis une psychologue. Je travaille au département de psychologie. En clinique, j'ai surtout travaillé avec des cas lourds. Pour le Service correctionnel du Canada, j'ai assuré, en prison, la supervision d'une unité de détenus incarcérés en raison de leur toxicomanie. J'ai également été experte en cour pour des cas assez lourds de toxicomanes, mais jamais pour des personnes qui avaient tué des gens en conduisant alors que leurs facultés étaient affaiblies.
Mes projets de recherche portent essentiellement sur le changement. Nous suivons des cohortes de patients pendant une période durant jusqu'à 10 ans pour essayer de comprendre ce qui amène les gens à se sortir d'une toxicomanie. Nous avons également un assez gros projet de recherche sur les récidivistes, dont les résultats sont extrêmement intéressants.
Notre dernier papier a été accepté en trois semaines par une des grandes revues, parce qu'on commence à comprendre le rôle du cortisol chez les récidivistes. Nous sommes très heureux de pouvoir mieux dépister ceux qui sont condamnés une première fois et qui risquent de récidiver.
En ce qui a trait aux services non payés que je rends, je suis la vice-présidente du conseil d'administration des Instituts de recherche en santé du Canada. Je suis également au conseil d'administration d'Éduc'alcool depuis 10 ans. Je suis à Éduc'alcool en dépit du fait que je suis une psychologue faisant de la pathologie lourde parce que je suis convaincue qu'en termes de santé publique, le type de message que transmet Éduc'alcool peut mieux contribuer au maintien d'habitudes saines que des messages qui diaboliseraient l'alcool. C'est ma position en tant que bénévole.
Je fais également partie de l'alcohol policy issue group des brasseurs; je payée 500 $ pour une séance d'une journée ou d'une demi-journée. Je fais également partie du conseil d'administration de l'Alcoholic Beverage Medical Research Foundation, une fondation qui donne un million de dollars en fonds de recherche aux jeunes chercheurs, où l'évaluation des projets est faite d'une façon dite hands-off, et où sont les meilleurs chercheurs du Canada et des États-Unis. Je suis là pour assurer qu'on ne donne des fonds qu'à de jeunes chercheurs, des fonds de 50 000 $ par année. On donne un million de dollars pour s'assurer que les chercheurs canadiens aient leur juste part des fonds. Effectivement, ils l'ont. Voilà mes couleurs.
Je serai brève dans mes propos. Quelles sont les données? Nos autres collègues vous en ont fait part. Nous avons fait faire deux recensions d'écrits. La première, dont je vous communiquerai les résultats plus tard, a été signée par Sylvie Beauchamp, qui a un Ph.D. en éducation. Ce document a été révisé par Andrée Demers, qui a des fonds des IRSC et qui est une chercheure senior.
Une des études qui ont été révisées par Sylvie Beauchamp est celle de Tom Greenfield, le directeur de l'Alcohol Research Group. C'est un groupe centre-droite subventionné par le National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism et sa position est la suivante. Les auteurs concluent à l'utilité des étiquettes de mise en garde pour informer des risques de la consommation d'alcool. Ce papier est sorti en 1993. L'étude portait sur une large population qui habitait là où il y avait déjà eu des étiquettes. Le travail sur le terrain a été fait en Californie, et Tom Greenfield a conclu que c'était intéressant.
Nous avons fait faire une mise à jour par Catherine Paradis. C'est une personne qui est vraiment au centre, qui n'a pas de position très claire, qui a de jeunes enfants et qui est extrêmement vigilante par rapport à tout cela. Cette étude a été payée par Éduc'alcool. Je pense néanmoins que le chercheur est indépendant. Voici les résultats de sa recension des écrits.
Á (1130)
Dans un article publié dans le Journal of Studies on Alcohol, la deuxième meilleure revue dans notre domaine, qui refuse 90 p. 100 des articles qui lui sont proposés—il faut deux ans pour réussir à publier dans cette revue—, on fait état de deux conclusions, de Creyer et de MacKinnon.
Á (1135)
[Traduction]
Il existe des preuves qui indiquent que les étiquettes de mise en garde ont un effet de sensibilisation et permettent de diffuser des connaissances.
[Français]
C'est la première conclusion. Voici la deuxième. Il s'agit toujours d'articles. L'autre a été publié dans l'American Journal of Public Health, qui est aussi une revue extrêmement crédible. Voici la conclusion des chercheurs:
[Traduction]
Malgré les bons résultats obtenus en matière de sensibilisation, il n'existe pas de preuves empiriques montrant que les étiquettes de mise en garde ont un effet sur les comportements reliés à l'alcool. Aucune des études mentionnées ci-dessus n'a réussi à établir que ces mises en garde atténue les comportements à risque liés à l'alcool. MacKinnon et al. n'a constaté aucun changement positif dans les opinions au sujet de l'alcool, dans la consommation des boissons alcoolisées ni dans la conduite en état d'ébriété, susceptible d'être imputé aux mises en garde. Dans sa revue de la recherche sur les effets des étiquettes de mise en garde, Stockley a conclu en 2001 que les mises en garde touchant la santé sont une stratégie qui ne débouche pas sur la réduction des dommages causés par l'alcool, en particulier chez les groupes à risque.
[Français]
Il existe un autre travail extrêmement bien fait. Il a été publié il y a 10 ans, mais il est quand même le résultat du travail d'un consortium de chercheurs. On y dit des choses qui ont déjà été entendues ici.
[Traduction]
Edwards et al. fait remarquer, au sujet des actions en éducation touchant l'alcool en général, que ces actions, pour être utiles, doivent se combiner à d'autres stratégies, en particulier à des stratégies axées sur l'environnement des buveurs.
[Français]
Que nous dit la recension des écrits? Elle nous dit deux choses. Les gens sont plus conscients des dangers de l'alcool, mais cela ne change pas les comportements. D'autre part, comme Canadiens, nous nous préoccupons surtout des jeunes à risque, ceux qui boivent cinq consommations et plus chaque fois qu'ils boivent, qui sont sur les routes, dont le taux d'alcoolémie est élevé, qui s'engagent dans des querelles, tombent en bas d'un escalier, se blessent le crâne et ont des traumatismes crâniens dont ils sentiront les effets pendant le reste de leur vie. Ceux-là ne sont pas influencés par les étiquettes.
Il y a une autre étude fascinante qui, celle-là, a été faite auprès de gens qui disent avoir pris le volant après avoir bu deux consommations. Ce gens se rappellent seulement les annonces sur les effets de l'alcool sur le foetus. Ils ne font pas le lien avec la conduite avec facultés affaiblies. Ils ne s'en souviennent pas. On sait qu'il y a une sélection qui se fait: on s'intéresse aux informations qui nous touchent dans nos émotions.
Qu'est-ce qu'on peut conclure? Si on veut augmenter l'information, on peut le faire, mais est-ce que cela va changer quelque chose? Je ne le crois pas.
Y a-t-il des effets négatifs à cela, ce que les anglophones appellent des drawbacks? Toute la question de la consommation d'alcool pendant la grossesse est complexe. La position d'Éduc'alcool, qui est aussi la mienne, est qu'une femme qui désire devenir enceinte ou une femme enceinte ne devrait pas consommer d'alcool. La réalité est qu'aucune donnée ne nous signale qu'à faible dose, l'alcool a un effet sur le foetus. Quand une femme, le samedi soir, prend un verre de vin rouge avec un steak, il n'y a pas d'effets connus sur le foetus. Cependant, par mesure de sécurité, on recommande l'abstinence aux femmes. La vraie tragédie est celle des femmes alcooliques. Celles avec lesquelles j'ai travaillé avaient bu une caisse de bière par jour pendant tout un trimestre. Les dommages causés aux enfants étaient abominables. Les étiquettes ne font rien du tout pour ces gens-là. C'est là qu'il faut agir.
Bien sûr, le foetus est fragile et les femmes ne devraient pas boire, mais les vrais enjeux, pour la population canadienne, sont à l'autre bout. Ce n'est pas une étiquette recommandant de ne pas boire pendant la grossesse qui va faire en sorte que les jeunes auront des comportements éclairés. C'est une décision que les couples doivent prendre. À quel moment les femmes deviennent-elles enceinte? Ce n'est pas compliqué: quand on va en vacances, on boit plus et on fait plus d'activités horizontales. Il faut que les gens sachent qu'on ne peut pas tenter de se reproduire et boire en même temps de l'alcool. C'est la première règle. Le foetus est le plus vulnérable durant les premiers mois. C'est cela qu'il faut faire comprendre aux gens. J'espère qu'on y arrivera un jour.
L'autre enjeu est plus compliqué: c'est une position morale. Je pense que 90 p. 100 des Canadiens boivent pour le plaisir. Hier soir, aux IRSC, nous avons eu un dîner. Nous avons tous ensemble pris un apéritif et on nous a servi du vin. Les gens ont arrêté de boire après deux verres. Certains de mes collègues avaient commandé un steak. La meilleure chose qu'ils pouvaient faire pour protéger leurs artères était de consommer un verre de vin rouge, ce qui inhibe la production de mauvais cholestérol. Lorsqu'on mange du fromage et des viandes, c'est-à-dire des gras animaux, il est bon de consommer un verre de vin. Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a indiqué que l'alcool consommé à faible dose protégeait plus de vies qu'il ne causait de mortalités. Donc, on a intérêt à instaurer au Canada une culture de la modération.
Hier, j'ai regardé autour de la table et j'ai vu que la plupart de mes collègues avaient laissé un fond de vin rouge dans leur verre alors que d'autres l'avaient fini, mais nous n'avons pas fait de deuxième tour. Nous aurions pu demander au serveur de nous en verser d'autre. La plupart des Canadiens boivent comme nous l'avons fait hier. Un verre de vin rouge améliore la saveur de notre boeuf canadien. Et que dire du saumon?
Est-ce qu'on a intérêt à apposer des étiquettes pour rappeler aux gens que l'alcool est une drogue? Est-ce la seule méthode qui soit efficace? Moi, je ne vois pas cela de cette façon. Vous êtes des élus, on vous a confié une responsabilité et vous devez prendre la décision. Je ne pense pas que ce soit une bonne décision. Au Québec, nous avons adopté une position de choix pour nos adolescents et il y a Éduc'alcool. Statistique Canada a fait une enquête pour savoir quel était le pourcentage de troubles mentaux dans la population canadienne. Le pourcentage de personnes dépendantes à l'alcool, ou alcooliques, était de 2,2 p. 100 au Québec et de 2,8 p. 100 dans le reste du Canada.
Les enquêtes sur les 35 campus révèlent toujours la même chose. Les Québécois étudiants boivent plus souvent mais s'intoxiquent moins. C'est ce qui ressort tout le temps et c'est ce qui est publié. C'est quand les gens sont saouls qu'ils se battent, qu'ils se querellent et qu'ils conduisent alors que leurs facultés sont affaiblies; ce n'est pas quand ils prennent un verre à l'heure.
La stratégie du Québec existe depuis longtemps. Le Québec n'a jamais imposé la prohibition. On ne peut pas attribuer ce succès aux 10 dernières années et à Éduc'alcool: ce serait vous mentir en pleine face. Le taux de taxation de l'alcool est très élevé au Québec, plus élevé qu'en Ontario. Cependant, il est clair que l'ensemble des mesures prises depuis longtemps donnent au Québec un bilan en matière d'alcool—mais pas en matière de tabac—que la plupart des autres provinces lui envient.
Il est clair que depuis longtemps, l'Assemblée nationale et les mesures gouvernementales sont axées sur le choix: on traite les Québécois comme des gens capables de prendre des décisions.
Á (1140)
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi, madame Nadeau. Vous avez dépassé de plus de quatre minutes et demie le temps qui vous était accordé. Pouvez-vous conclure rapidement?
[Français]
Mme Louise Nadeau: Je termine. Ceux qui seront le plus pénalisés par une mesure d'étiquetage ne seront pas les grandes compagnies. Ce ne sera ni Molson ni Labatt. Ces compagnies ont tout ce qu'il faut pour apposer des étiquettes. Si cela améliore leur image corporative, cela ne les dérangera pas. Ce sont les petits producteurs, ceux qui font du cidre, ceux qui exploitent des petites brasseries, qui produisent de la bière qui a plus de goût qui seront le plus pénalisés. Cela va leur coûter une fortune. C'est à eux que vous refilez la facture la plus élevée. Ce sont ces industries que l'on souhaite soutenir, soit des petites boîtes de quatre ou cinq employés, et ce sont elles qu'on pénalise. Quant aux autres, on ne les pénalise pas du tout.
Si j'avais à changer quelque chose, qu'est-ce que je ferais? Ce qui me scandalise, à l'heure actuelle, c'est la publicité...
Á (1145)
[Traduction]
La présidente: Je suis désolée, madame Nadeau. Vous avez maintenant parlé pendant quinze minutes et demie. Nous vous avions demandé de vous limiter à dix minutes. Je suis obligée de vous arrêter maintenant. Je vous remercie.
[Français]
Mme Louise Nadeau: Pardon. Je vous remercie infiniment de votre écoute.
[Traduction]
La présidente: Nous allons passer à notre témoin suivant, M. Don Head, sous-commissaire principal de Service correctionnel du Canada. M. Larry Motiuk, directeur général de la division des recherches, l'accompagne.
Je pense que M. Head va présenter un exposé.
M. Don Head (sous-commissaire principal, Service correctionnel Canada): Oui, madame la présidente. Merci à vous et aux membres du comité.
Je vais abréger mes commentaires pour donner la possibilité aux membres du comité de poser des questions s'ils le souhaitent. J'ai remis un exemplaire du résumé des remarques concernant les troubles causés par l'alcoolisation foetale qui concernent le Service correctionnel du Canada. Je vais prendre quelques minutes pour aborder un certain nombre de point.
La toxicomanie est une question importante pour le Service correctionnel du Canada, ainsi que pour tous les organismes qui oeuvrent dans ce domaine au Canada. L'évaluation des délinquants que nous prenons en charge montre qu'environ 80 p. 100 de nos délinquants ont des problèmes de toxicomanie. Celle-ci peut porter sur les drogues, l'alcool ou une combinaison des deux. La plupart du temps, il semble que la toxicomanie porte sur une combinaison des drogues et de l'alcool.
Nous savons également que la plupart des infractions graves sont commises par des délinquants qui avaient utilisé ou consommé des drogues ou de l'alcool au moment de la perpétration de l'infraction ou peu avant. C'est pourquoi toute cette question de la toxicomanie nous intéresse beaucoup.
Le projet de loi traite principalement des troubles causés par l'alcoolisation foetale et ce problème nous préoccupe également. Par contre, nous ne sommes pas en mesure de connaître le nombre des cas d'alcoolisation foetale qui existent au sein du système correctionnel fédéral. Nous pensons que cette question soulève certains problèmes mais nous ne connaissons pas l'ampleur de ce problème au sein de la population carcérale.
Nous avons en fait lancé une initiative en matière de recherche avec l'Université du Manitoba qui porte sur un des pénitenciers fédéraux situé aux environs de Winnipeg. Cette étude nous donnera une meilleure idée du nombre des cas d'alcoolisation foetale parmi les détenus fédéraux mais il faudra encore attendre environ un an pour disposer de données préliminaires provenant de cette étude.
Cela dit, nous savons qu'il existe actuellement dans le système carcéral des individus qui ont des comportements comparables à celui de personnes qui souffrent de troubles causés par l'alcoolisation foetale. Ces troubles se manifestent habituellement dans le comportement—ces personnes adoptent un comportement agressif, ne semblent pas tirer de conclusions pour l'avenir des erreurs commises ou de leur comportement, elles répètent ces comportements agressifs même après l'intervention de professionnels et de membres du personnel formés spécialement au sein du système.
Nous consacrons pas mal de temps à offrir à nos délinquants des programmes d'intervention correctionnels. Tous nos programmes correctionnels comportent un volet éducatif. Un des aspects sur lesquels nous nous sommes penchés particulièrement tout récemment est la question des programmes destinés aux délinquantes toxicomanes. Nous avons introduit dans ces programmes une composante qui comprend une discussion portant sur la consommation d'alcool par les femmes enceintes et les effets potentiels d'une telle consommation pendant leur grossesse.
Nous sommes évidemment favorables à toutes les mesures et méthodes qui peuvent sensibiliser les individus aux coûts sociaux et économiques et aux effets de la toxicomanie. Nous sommes également très favorables aux mesures concernant l'élaboration de méthodes d'intervention efficaces pour lutter contre les problèmes de toxicomanie dont souffrent un certain nombre d'individus.
Lorsque nous parlons de troubles causés par l'alcoolisation foetale, nous savons que les personnes qui souffrent de ce genre de troubles auront besoin de soins pendant toute leur vie. Lorsqu'on envisage d'investir dans des méthodes d'intervention dans ce domaine, il faut regarder au-delà du temps que passent les délinquants dans le système correctionnel et envisager de fournir pendant toute leur vie un soutien à ces personnes une fois qu'elles sont revenues dans la collectivité.
Á (1150)
Nous continuons à travailler en collaboration très étroite avec de nombreux intéressés dans le domaine de la toxicomanie. Nous commençons à collaborer avec des intéressés qui se préoccupent particulièrement des troubles causés par l'alcoolisation foetale et des délinquants et nous venons tout juste d'entamer des discussions portant sur l'élaboration de méthodes d'intervention viables pour ces personnes.
Nous entendons continuer à progresser dans ce domaine et à trouver des moyens de faire comprendre les effets et les coûts qu'entraîne la consommation des différentes substances enivrantes.
Madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, je vais en rester là. Je serais heureux de répondre aux questions que vous voudrez nous poser.
La présidente: Merci.
Nous allons maintenant passer à la période de questions et réponses de notre séance. Nous allons commencer par M. Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC): Je vous remercie d'être venus partager votre point de vue sur cette question.
Notre comité a entendu de nombreux témoignages et nous sommes heureux d'avoir entendu le vôtre.
Ce projet de loi est très court mais il est très direct. Nous avons plusieurs options. Nous pouvons ne rien faire et préserver le statu quo. Je ne pense pas que beaucoup de témoins nous aient proposé cela. Nous pourrions approuver le projet, examiner la question de l'étiquetage; certains témoins diraient que cela aura un certain effet; cependant, la plupart des témoins diraient que cette mesure n'est pas suffisamment générale, qu'elle n'aura pas beaucoup d'effet et qu'elle risque même de retarder la mise en place d'un programme plus global.
Cela nous renvoie aux remarques qu'a faits Mme Langdon au sujet d'une stratégie globale, comprenant des politiques en matière de consommation d'alcool, l'application de règlements, un marketing social, l'acquisition d'habiletés et des mesures éducatives. Je pense que c'est dans cette voie que nous devrions nous engager mais reste à savoir comment le faire, qui en absorbera le coût et qui en sera responsable.
Ma première question s'adresse à M. Solomon et porte sur la responsabilité, parce que vous avez fait une remarque qui m'a paru importante à savoir que dans dix ans, les tribunaux entendront des affaires de responsabilité basées sur les décès causés par la consommation d'alcool. Cela relève peut-être de l'industrie mais ma question est plutôt la suivante : Si nous adoptons l'étiquetage obligatoire, cela ne risque-t-il pas d'exonérer l'industrie de toute responsabilité dans ce domaine?
M. Robert Solomon: Je vous remercie d'avoir posé cette question.
À la différence des États-Unis, au Canada la responsabilité civile est indépendante des lois fédérales ou provinciales. Cette question a été posée dans l'arrêt Buchan v. Ortho. Ortho Pharmaceutical soutenait qu'elle avait respecté les obligations imposées par la Loi sur les aliments et drogues en matière d'étiquetage et d'emballage. Lorsque la demanderesse les a poursuivis parce qu'elle avait eu une attaque cérébrale pendant qu'elle prenait la pilule anticonceptionnelle de cette société, celle-ci a soutenu qu'elle était exonérée de toute responsabilité délictuelle selon la common law, pourvu qu'elle ait respecté les dispositions légales en matière d'emballage.
C'est ce qui se passe aux États-Unis en raison du principe de la prépondérance des lois fédérales. Dans l'affaire Buchan v. Ortho, la Cour a déclaré que le fait qu'Ortho ait respecté les dispositions de la Loi sur les aliments et drogues voulait simplement dire que cette société ne pouvait être poursuivie en vertu de cette loi mais elle l'a néanmoins déclarée civilement responsable.
Cette décision n'est pas isolée. Il existe une décision antérieure de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire R. c. Saskatchewan Wheat Pool, qui réaffirme ce principe.
L'adoption du projet de loi C-206 n'aura aucun effet direct sur les règles de la common law en matière de responsabilité.
M. Rob Merrifield: J'aurais alors une autre question. Nous savons que les taxes sur l'alcool rapportent près de 5 milliards de dollars par an au gouvernement fédéral. On peut donc se demander qui devrait payer et si le gouvernement ne devrait pas assumer une certaine responsabilité parce qu'il n'a pas mis sur pied un programme suffisamment général pour mettre en garde les Canadiens dans ce domaine? Le gouvernement est-il responsable ou pourrait-il le devenir à l'avenir parce que nous n'avons pas...
Á (1155)
M. Robert Solomon: Un des aspects frustrants du droit de la responsabilité délictuelle est qu'il n'est pas possible de poursuivre les gouvernements parce qu'ils ont adopté des mesures législatives inadaptées ou qu'ils se sont abstenus d'en adopter.
M. Rob Merrifield: Les gens qui se trouvent autour de cette table se sentent peut-être un peu soulagés mais je ne sais pas comment réagiraient les Canadiens.
M. Robert Solomon: Je ne pense pas que le fait d'adopter ou non ce projet de loi... Je me demande plutôt s'il n'y aura pas d'ici une dizaine d'années des enfants qui souffrent du syndrome de l'alcoolisme foetal et qui diront : « Vous saviez que l'alcool avait cet effet et vous avez choisi de ne rien faire. » Voilà ce qui m'inquiète. Ce n'est pas la question de la responsabilité; c'est le fait que nous avons le pouvoir de légiférer sur l'étiquetage et l'empaquetage de toutes les drogues, et l'alcool est une drogue—et d'ailleurs une drogue qui est loin d'être inoffensive.
Il y a un aspect dont ont parlé certains de mes collègues. Il est vrai que la recherche qui a été effectuée au sujet des étiquettes utilisées aux États-Unis est en partie positive; il est très clair que ces étiquettes peuvent sensibiliser la population. Il faut néanmoins bien comprendre une chose. Aux États-Unis, les étiquettes sont de très petite taille. La mise en garde est très générale et elle est presque dissimulée dans les dessins qui figurent sur l'étiquette. Je pense que les gens qui affirment que les mises en garde mal rédigées, non visibles et presque cachées n'ont pas grand effet ont certainement raison.
Prenons le cas des mises en garde pour le tabac. Il existe de nouvelles études sur les mises en garde. Au départ, j'étais un peu sceptique. Mon opinion au sujet de l'efficacité de l'étiquetage a changé à cause du grand succès qu'ont obtenu les mises en garde concernant le tabac. Je ne pense pas que celles qui visent l'alcool auront le même effet que les mises en garde pour le tabac, parce que le tabac est une autre drogue et que les mises en garde sont beaucoup plus impressionnantes. Je pense néanmoins que des mises en garde bien visibles, bien rédigées et précises peuvent avoir un effet important. La recherche américaine portait sur des mises en garde mal rédigées et peu visibles et elle n'est donc pas d'une grande utilité.
M. Rob Merrifield: Oui, mais on pourrait avancer le même argument : nous avons le pouvoir d'imposer l'étiquetage obligatoire avec ce projet de loi; nous avons le pouvoir de faire beaucoup plus que cela avec ce projet de loi; nous pourrions donc être tenus responsables, étant donné que des témoins nous ont déclaré que l'étiquetage n'aurait aucun effet à part celui de nous donner le sentiment du devoir accompli.
Cela est en fait arrivé dans plusieurs cas. En fait, je pense que nous pourrions demander aux gens qui sont assis autour de cette table s'ils fument encore, même si les mises en garde figurant sur les paquets de cigarettes sont tellement frappantes qu'il n'est pas possible de ne pas les voir.
On pourrait donc utiliser le même argument et dire que nous ne devrions pas uniquement nous occuper de l'étiquetage. Du côté de la responsabilité, il paraît plus évident que nous devrions adopter une approche beaucoup plus globale que celle-ci. Les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui ne nous demandaient pas d'aller au-delà de l'étiquetage obligatoire.
M. Robert Solomon: Je ne pense pas que ces solutions s'excluent et je serais tout à fait favorable à des initiatives plus vastes. Mais si nous attendons de trouver la solution parfaite, nous serons encore ici dans dix ans en train d'essayer de faire quelque chose.
Est-il vraiment normal que le Canada soit le dernier pays au monde à prendre des mesures pour protéger les consommateurs contre les conséquences nuisibles de ces substances? Sommes-nous vraiment condamnés à suivre les autres?
Je suis d'accord avec vous. J'aimerais voir des politiques beaucoup plus générales mais j'aimerais aussi que nous commencions par adopter le projet de loi C-206, en le combinant à d'autres initiatives.
M. Rob Merrifield: Nous arrivons au premier rang dans quelques domaines peu enviables.
M. Robert Solomon: Oui, pour les décès causés par les accidents de la route liés à l'alcool.
M. Rob Merrifield: Je vais peut-être parler des autres témoignages parce que je voulais...
Je m'intéressais aux programmes scolaires, et je pense que vous avez raison : il s'exerce des pressions très puissantes au sein d'un groupe. C'est ce qui a permis d'obtenir d'excellents résultats avec la conduite en état d'ébriété : il y a 30 ans, il était presque bien vu de prendre le volant pour rentrer chez soi; aujourd'hui, il y aurait au moins quatre personnes qui vous empêcheraient de prendre votre véhicule; c'est parce que les pressions sociales sont très fortes.
C'est la même idée qui s'applique dans les écoles. La qualité du programme et du professeur est encore beaucoup plus importante dans le cas des adolescents et des jeunes. Je me demande si vous avez travaillé sur le volet éducation des programmes.
 (1200)
Mme Frances Wdowczyk: Je vous remercie d'avoir posé cette question.
Oui, nous avons commencé à le faire province par province. Les règlements et les lois des provinces sont remarquablement semblables, tout comme la façon d'aborder les différents sujets de nos programmes dans les conversations générales au sujet de l'alcool en tant que drogue légale, qui est un aspect dont la société doit tenir compte. C'est donc une initiative en cours.
Les ressources sont limitées et dans certaines collectivités et certaines régions, il est très très difficile de trouver la bonne méthode. Il faut être très sensible à ce que souhaite la collectivité et bien sûr aux caractéristiques de la région pour veiller à ce que les discussions soient sincères et ouvertes, tout en tenant compte des normes de la collectivité; il faut en effet éviter de faire des affirmations qui vont à l'encontre des valeurs des auditeurs—même si en fin de compte le message est celui-ci : « Ne pas conduire en état d'ébriété, ne pas conduire lorsqu'on est mineur, ne pas trop boire et nous pouvons vous aider à faire des choix positifs. »
Le problème vient du fait que les mineurs qui consomment de l'alcool ont été obligés de prendre une bouteille dans le cabinet de boissons de leurs parents ou de demander à quelqu'un de leur acheter de l'alcool au magasin. Si l'on veut ensuite avoir une franche conversation avec ces mineurs, il faut qu'ils sentent qu'ils ne sont pas jugés et évalués. Il est donc difficile de dire ce genre de choses dans certaines collectivités : « Je sais qu'il y a des mineurs qui consomment de l'alcool et je ne suis pas ici pour les critiquer mais je veux qu'ils sachent quelles sont les conséquences de leurs actes. Parlons-en franchement de façon à éviter les conséquences nuisibles et à fournir aux mineurs la possibilité de faire un choix adapté à eux, un choix qui ne sera pas celui de leur soeur, de leurs parents, de leur frère ou d'autres personnes. »
M. Rob Merrifield: Continuer à faire de grands rêves et dites-nous, si vous le voulez bien, quel est l'aspect qui restreint le plus votre action. Est-ce que ce sont les ressources financières? L'opposition des partis politiques? L'opposition aux programmes scolaires? Les horaires dans les écoles?
D'après votre expérience, que faudrait-il pour accomplir ce que vous voulez faire, parce que c'est vous qui avez dit que l'étiquetage n'était pas la solution?
Mme Frances Wdowczyk: Dans un monde généreux, c'est toujours de l'argent qu'il faut. On dira toujours : « Comment pourrais-je amener le gouvernement, ou la province ou qui que ce soit...? » Je suis prête à vendre nos produits à toute personne prête à prendre le temps de me parler, que ce soit Cadbury ou The Co-operators. Faites attention si vous me voyez dans la rue parce que je suis là pour vous, étant donné que la jeunesse est notre avenir. Il me paraît important de donner aux jeunes le pouvoir de prendre des décisions, de leur apprendre à prendre ces décisions seuls pour qu'ils soient en mesure de continuer à prendre ces décisions pour eux-mêmes et de devenir de bons citoyens ayant de saines attitudes.
En fin de compte, je peux lutter contre les politiques, je peux lutter contre les programmes, je peux modifier une méthode pour obtenir de bons résultats mais si je n'ai pas d'argent pour élaborer le matériel dont j'ai besoin... Nous travaillons sur le terrain, nous concevons le matériel et l'envoyons ensuite dans une collectivité en disant : « Adaptez-le, adaptez-le pour que cela fonctionne dans votre collectivité et voilà comment vous pouvez faire. » Et nous faisons toute leur recherche.
C'est donc l'argent.
La présidente: Je vous remercie.
C'est au tour de M. Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Merci, madame la présidente.
Je voudrais échanger avec Mme Nadeau, dont Rémi Quirion m'a dit le plus grand bien.
J'étais membre du Comité permanent de la santé lorsqu'on a étudié, il y a quelques années, l'étiquetage réglementaire sur les produits du tabac. Très souvent, on fait la comparaison facile qui consiste à dire que, si on était en faveur de l'étiquetage réglementaire sur les produits du tabac, on devrait être en faveur de l'étiquetage réglementaire sur les produits de l'alcool. Je ne partage pas ce point de vue. J'ai pris connaissance de la recension que vous avez déposée. On a reçu ici même, au comité, M. Sacy d'Éduc'alcool. J'aimerais que vous nous parliez davantage des déterminants du comportement. Qu'est-ce qui fait qu'on peut vraiment changer les comportements des gens en matière d'alcool?
Mme Louise Nadeau: Une des choses les plus difficiles, quand on s'intéresse à l'addiction, est que l'information n'est pas très utile. Sortons du champ du tabac et des drogues pour penser au défi de l'obésité et de la surcharge pondérale au Canada à l'heure actuelle. Toutes les personnes de 50 ans et plus qui ont un surplus de poids savent que c'est parce qu'elles consomment trop de calories, et je m'inclus moi-même.
 (1205)
M. Réal Ménard: Vous n'avez pas un surplus de poids.
Mme Louise Nadeau: Je suis à la limite, car mon indice est de 25, mais ce n'est pas important.
Ce n'est pas le fait de savoir qu'il y a du gras trans dans les muffins qui nous empêche d'en manger. C'est devenu un problème majeur. J'ai passé ma vie à travailler avec des personnes qui étaient dépendantes. Maintenant, on sait qu'une fois qu'on a donné une information complexe—parce que ce n'est pas si simple que cela—, il faut ensuite engager les gens dans un processus de changement.
M. Head a décrit des tragédies. J'ai travaillé avec ces hommes en prison, et je peux vous dire que ce n'est pas parce que les gens ne le savent pas. Quand quelqu'un entre au casino pour dépenser 50 p. 100 de son revenu, affamant ainsi ses enfants, il sait que ce n'est pas correct. Les problèmes de compulsion et d'addiction ne sont pas attribuables à un manque d'information.
Par ailleurs, mon collègue Solomon a raison de dire que l'information fait partie d'une stratégie complexe, et c'est ce que révèle toute la documentation. Cependant, dans les cas qui nous préoccupent, à savoir les cas de dépendance au tabac, à l'alcool ou aux drogues, le problème n'est pas de donner de l'information, mais d'arriver à engager les gens dans un processus de changement. C'est le cas pour le tabac. Quand on a commencé à dire que les French kisses qu'on donnait affectaient les gens, cela a marché. Auparavant, les affiches ne marchaient pas. Cela a marché quand, tout à coup...
M. Réal Ménard: On n'a pas pour autant renoncé aux French kisses.
Mme Louise Nadeau: Non, c'est cela.
Je me suis demandé ce que j'essaierais de faire si j'étais députée. J'essaierais de faire ce qu'on a fait avec les annonces sur les French kisses, c'est-à-dire de rejoindre les populations à risque d'une manière émotionnelle—parce que c'est cela qui nous contrôle—et intellectuelle.
Deuxièmement, toute la publicité sur l'alcool à l'heure actuelle est faite de façon casher. J'ai confronté les brasseurs parce que j'étais scandalisée par ce qui se passait. Je me disais que les publicités disant que les femmes couchent plus facilement avec les hommes qui boivent n'avaient pas d'allure. Quand j'ai confronté mes collègues, ils m'ont répondu que cela était conforme à la loi parce qu'il n'y avait pas d'alcool dans ces publicités. Si on travaillait à modifier la publicité, qui a 4 000 fois plus d'impact qu'une étiquette sur une bouteille de bière bue dans un bar alors qu'il fait noir...
M. Réal Ménard: Et qui est servie dans un verre.
Mme Louise Nadeau: Voilà. Il existe un contrôle de la publicité. Il n'y a aucun contrôle de la publicité sur le jeu pathologique.
Finalement, je rappellerai à mes collègues qu'on a une chance sur 2 000 d'être arrêté au Canada quand on conduit alors que ses facultés sont affaiblies. L'effort doit être fait là.
M. Réal Ménard: Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
Monsieur Savage.
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci, madame la présidente et bienvenue à nos témoins. Je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous parler.
J'aimerais bien comprendre... Je n'ai pas encore pu lire tous vos mémoires. M. Solomon et Mme Langdon, vous vous opposez à ce projet de loi—vous êtes en faveur de ce projet; excusez-moi. Mme Wdowczyk, y êtes-vous opposée?
Mme Frances Wdowczyk: Oui, monsieur.
M. Michael Savage: Vous y opposez-vous, madame Nadeau?
Mme Louise Nadeau: Je ne l'adopterais pas.
M. Michael Savage: Très bien. Nos amis du Service correctionnel ont-il fait connaître leur opinion?
M. Don Head: Nous sommes en faveur de tout ce qui peut améliorer l'éducation mais cela doit se combiner avec des interventions qui ciblent les personnes qui ont été touchées par la toxicomanie.
M. Michael Savage: Je veux poursuivre sur un sujet. Je n'ai pas votre exposé, monsieur Solomon, mais vous avez fait un commentaire que j'ai noté; vous avez comparé l'industrie canadienne des boissons alcoolisées aux fabricants de tabac américains. Pourriez-vous m'en dire davantage?
M. Robert Solomon: J'ai étudié la responsabilité civile, la responsabilité selon les règles de la common law pendant 35 ans et je pense qu'un jour les fabricants canadiens de boissons alcoolisées seront condamnés pour n'avoir pas averti les consommateurs des risques que leur faisaient courir leurs produits. Je pense que les premières poursuites vont probablement porter sur des risques qui ne sont pas très bien connus, dans des circonstances où la personne lésée n'est pas celle qui a consommé les boissons alcoolisées. C'est pourquoi je dirais que les premières condamnations viseront des cas de syndrome d'alcoolisme foetal. Je pense que c'est ce qui va arriver. Il faudra peut-être dix à quinze ans, parce qu'il est très difficile, sur le plan financier, de poursuivre les grosses sociétés.
Je veux simplement dire que ces sociétés ont l'obligation de mettre en garde les consommateurs et je crois qu'elles seront un jour déclarées responsables; je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'avoir à attendre dix ou quinze ans pour en arriver là. Je pense qu'il existe aujourd'hui une possibilité, celle qu'offrent des étiquettes de mise en garde bien rédigées et placées de façon bien visible sur le contenant. À tout le moins, cela informera le public parce que mêmes les étiquettes de mise en garde américaines réussissent à sensibiliser la population et si ces étiquettes sont bien rédigées, je pense qu'elles peuvent également modifier les comportements.
 (1210)
M. Michael Savage: Je comprends cela.
J'aimerais parler du genre d'étiquettes auxquelles vous pensez mais pendant que vous parliez, j'ai noté quelque chose au sujet du fait que l'industrie continue à minimiser les risques, tout comme l'ont fait les fabricants de tabac américains. Est-ce bien cela?
M. Robert Solomon: Non. Je n'ai pas dit cela, mais c'est vrai. Pendant des années et des années, l'industrie américaine du tabac a décrit ses produits...
M. Michael Savage: N'y a-t-il pas une différence énorme entre les fabricants de tabac américains qui ont été jusqu'à nier que le cancer du poumon était causé par le tabac et le fait, qu'au moins au Canada, l'industrie des boissons alcoolisées a non seulement reconnu ces risques mais les a annoncés et a participé à des programmes comme Motherisk et d'autres pour diminuer ces risques? Il me paraît assez provocateur de comparer l'industrie des boissons alcoolisées au Canada et l'industrie du tabac aux États-Unis, une industrie que personne ne peut défendre.
M. Robert Solomon: Je dirais que l'industrie des boissons alcoolisées et l'industrie du tabac sont deux choses différentes. Le tabac est un autre produit. C'est un produit mortel qui provoque une forte dépendance. C'est pourquoi il est immoral de nier le préjudice que peut causer la fumée de seconde main, le cancer, les maladies du coeur, etc. L'industrie canadienne des boissons alcoolisées a contribué à informer la population. J'ai travaillé avec un certain nombre d'organismes dans ce domaine et j'en suis arrivé à la conclusion que cet effort d'éducation n'était qu'une façade, une façon pour les grandes sociétés de faire semblant de faire quelque chose, et qu'elles ne voulaient pas vraiment informer la population.
J'ai appris que ces sociétés allaient récemment mettre en vente des types de bières contenant 38 p. 100 plus d'alcool mais qui ne coûteront pas 38 p. 100 de plus. Si vous voulez voir l'industrie des boissons alcoolisées dans ses pires moments, allez sur le site beer.com ou sur celui de Molson. Ils semblent réussir à...
M. Michael Savage: Je ne veux pas vous interrompre mais je n'ai que cinq minutes et nous avons une présidente très stricte.
La présidente: Vous n'avez que 30 secondes.
M. Michael Savage: J'ai 30 secondes.
Je n'ai jamais travaillé pour un fabricant de bière. Je ne pense pas que je possède des actions de ces sociétés. Je dois cependant dire que d'après moi, les brasseurs, les vignerons, et les personnes qui vendent des boissons alcoolisées au Canada ont agi de façon beaucoup plus responsable que les acteurs de l'industrie du tabac aux États-Unis.
Ai-je le temps de poser une question ou dois-je m'arrêter?
La présidente: Vous avez 10 secondes.
M. Michael Savage: La réponse va prendre beaucoup plus que cela.
Permettez-moi de poser une autre question.
Je m'adresse à Mme Langdon qui a mentionné dans son rapport, je crois, que la recherche montre que, combinées à d'autres initiatives visant à promouvoir la santé, les étiquettes et les affiches de mise en garde sont efficaces. J'aimerais voir cette étude. Si vous pouviez la transmettre au comité, j'aimerais bien l'examiner.
Mme Nancy Langdon: Certainement.
M. Michael Savage: Je vous remercie.
La présidente: Merci.
Monsieur Carrie.
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC): Merci, madame la présidente.
Depuis quelques semaines, je me pose la question de savoir ce qui est efficace et ce qui ne l'est pas.
Madame Wdowczyk, vous avez déclaré que les jeunes ne répondaient pas aux messages négatifs mais qu'ils réagissaient à ce que disaient leurs pairs. Comment avez-vous appris cela?
Mme Frances Wdowczyk: Nous avons étudié et évalué la plupart de nos programmes pour voir s'il était judicieux de leur consacrer nos fonds. C'est une première chose.
Nous avons appris avec nos projets qu'en demandant à des étudiants d'offrir des spectacles, de l'aide ou des conseils, les autres étudiants étaient davantage disposés à parler avec eux de ce qu'ils faisaient ou ne faisaient pas qu'avec des figures d'autorité.
Les étudiants font encore confiance à leurs parents pour obtenir de l'information et ils croient que cette information est vraie. C'est la même chose avec les médecins. Ce sont là deux sources d'information pour eux et ils pensent que cette information est vraie.
Nous avons examiné les réponses fournies à diverses enquêtes ponctuelles que nous avons effectuées au sein des conseils d'étudiants et des écoles secondaires. Nous avons constaté que les jeunes ont tendance à croire plus facilement ce qui se dit au cours de discussions entre amis que ce qu'ils apprennent en classe ou ce que leur disent le gouvernement, les policiers ou les personnes qui ont le pouvoir de restreindre leur comportement.
Ils pensent également que l'on cherche surtout à les contrôler plutôt qu'à leur donner les moyens de réfléchir eux-mêmes à leurs problèmes et à leurs projets et à les encourager à le faire. C'est une attitude très rebelle. Tout le monde ici sait que dès qu'une figure d'autorité intervient, les adolescents se cabrent. C'est ce qu'explique la théorie du développement des adolescents. Cela ne veut pas dire qu'ils n'entendent pas ce qu'on leur dit mais ils risquent de réagir différemment dans ce genre de situation et de ne pas avoir un dialogue franc et sincère, comme ils l'auraient plus facilement avec d'autres étudiants.
Je ne dis pas que cela est vrai à 100 p. 100, et que cela se produit toujours ainsi mais cela facilite un dialogue qui permet aux gens de prendre des décisions, d'acquérir de l'expérience et d'apprendre.
 (1215)
M. Colin Carrie: Vous avez dit quelque chose qui m'a préoccupé au sujet de la responsabilité que doit assumer l'industrie. Vous dites qu'à l'heure actuelle, l'industrie finance certains programmes et que vous pensiez qu'avec l'étiquetage obligatoire, ces sociétés risquent de diminuer le financement qu'elles accordent à d'autres programmes.
Mme Frances Wdowczyk: Merci, oui. Je dois être franche. C'est une préoccupation très réelle. Dans le mémoire que vous allez recevoir, vous pourrez lire que l'industrie des boissons alcoolisées a financé le volet postsecondaire de mon organisme, ainsi que le volet recherche—mais pas les projets visant les étudiants en secondaire—pendant près d'une vingtaine d'années...
C'est une préoccupation réelle. Je ne peux pas obtenir beaucoup d'argent de Santé Canada. Le secteur des assurances a fait preuve d'une certaine générosité. Un bon nombre de mes programmes m'amènent à me rendre dans les universités et les collèges et à dire aux étudiants que le fait de boire et d'avoir des relations sexuelles non protégées leur fait courir un risque très grave mais qu'étant donné que j'ai des fonds, je peux leur remettre gratuitement quelques affiches, de sorte que ça ne leur coûte rien, et que le message est bien transmis. Je crains de ne plus pouvoir dire à ces sociétés qu'elles doivent faire certaines choses parce qu'elles ont une conscience sociale. J'arrive normalement à les motiver de cette façon. Mais s'ils me répondent Fran, il y a quelque chose que tu ne sais pas; nous avons des étiquettes de mise en garde qui sont vraiment efficaces. Cela me fait très peur. Je ne suis pas sûre que c'est ce qui va se passer mais c'est ma réaction initiale à cette question. Que vais-je bien pouvoir dire à ces sociétés pour leur montre que la solution passe vraiment par la prévention, une prévention à un niveau très fondamental? Il faut commencer à parler aux enfants. Il faut aller dans les écoles primaires. Il faut parler franchement de toute cette question. Voilà ce que je pense.
M. Colin Carrie: Une de vos recommandations consisterait donc à demander au gouvernement de faire davantage dans ce domaine, d'y consacrer des fonds et d'axer son action sur la prévention?
Mme Frances Wdowczyk: Absolument.
M. Colin Carrie: Madame Nadeau, qu'est-ce qui donne de bons résultats d'après vous? Vous n'êtes pas favorable à l'idée de l'étiquetage. Sur quoi devrions-nous axer notre action, si ce n'est pas sur l'étiquetage?
Mme Louise Nadeau: Voilà qui est intéressant. J'ai assisté la semaine dernière à une conférence et mes collègues qui font partie de ce groupe sur la prévention, qui est dirigé par Richard Tremblay et Frank Vitaro, ont présenté un rapport sur ce programme de prévention.
Vous savez que si l'on se base sur les données, le programme de prévention ne change pas grand-chose. Nous avons les moyens de changer le comportement des enfants ayant de cinq à treize ans. Ce programme s'adresse aux enfants de 13 ans et à cet âge, il est beaucoup plus difficile de préserver les comportements une fois qu'ils sont modifiés. Vous vous souvenez que vos enfants quand ils avaient 10 ans étaient scandalisés par le fait que vous fumiez et qu'ils ont ensuite commencé eux-mêmes à fumer quand ils ont eu 13 ans. Voilà ce qui se passe dans notre pays. Ce qui semble donner de bons résultats en ce moment, ce sont les programmes visant à développer les compétences personnelles des enfants âgés entre 5 et 10 ans. Cela semble être une des voies d'avenir.
Pour le reste, je dirais qu'il faut examiner ce qui s'est passé avec la conduite en état d'ébriété. Cela illustre fort bien la façon dont évolue la société. Il y a eu une diminution des infractions liées à la conduite en état d'ébriété dans les pays occidentaux entre 1980 et 1995, à la suite des nombreuses mesures qui ont été prises à ce sujet. Ici, à la Chambre des communes, vous avez adopté des mesures législatives plus strictes en 1982 ou 1984. Nous avons mis en place de nombreux programmes de prévention, comme l'Opération Nez Rouge. Des brasseurs ont pris certaines mesures et les médias ont également commencé à dire que la conduite en état d'ébriété était inacceptable. Il y a eu des mesures positives et des mesures punitives. Les gens changent lorsqu'on alterne la carotte et le bâton. Il faut les deux pour changer les gens. C'est comme ça que nous changeons, je vous le signale.
C'est grâce à cet ensemble d'actions que nous avons fait des progrès et je ne peux pas vous dire quelle a été la mesure la plus positive parce que nous ne savons pas ce que donne chaque type de mesures. Voulez-vous savoir pourquoi? Parce que les gens sont complexes et qu'à un certain moment, les gens répondent mieux aux stratégies punitives mais à d'autres, ils veulent pouvoir faire des choix. On arrête parfois de manger parce qu'on a peur de prendre du poids mais parfois, on décide que cela n'est pas bon pour la santé; on préfère alors prendre une pomme qu'un biscuit. Les gens sont vraiment complexes. J'aimerais bien pouvoir vous donner un lien de cause à effet très direct mais je ne le peux pas.
La présidente: Merci, madame Nadeau.
Madame Dhalla.
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.): Je vais d'abord remercier tous les témoins d'avoir pris le temps de nous faire part de leurs expériences et de leurs opinions personnelles au sujet du projet de loi à l'étude. Je pense que depuis quelques semaines notre comité a entendu des points de vue très variés sur cette question.
Ma première question s'adresse à M. Solomon. Je pense qu'il y a quelques années vous avez comparu devant le comité et au départ, d'après ma recherche, vous n'étiez pas en faveur des étiquettes de mise en garde. Nous vous retrouvons aujourd'hui et vous appuyez maintenant cette mesure. Pourriez-vous nous expliquer un peu cela et nous dire pourquoi vous avez changé d'opinion?
 (1220)
M. Robert Solomon: Merci.
Eh bien, j'estime que je n'ai pas changé d'idée; je m'étais opposé à l'adoption d'étiquettes inspirées du modèle américain qui seraient rédigées en termes généraux et qui constitueraient une initiative isolée. Le projet de loi que nous étudions donne à Santé Canada la possibilité de rédiger les mises en garde. Compte tenu du succès qu'a connu Santé Canada dans le cas du tabac, je suis assez sûr que ces étiquettes seront plus visibles, mieux rédigées et plus précises.
Il y a également une nouvelle étude portant sur les mises en garde concernant l'alcool et le tabac qui fournit des lignes directrices fiables. Nous savons beaucoup mieux aujourd'hui ce qui attire l'attention des gens, de sorte que, d'après moi, les conclusions des études ont changé. Lorsque j'ai comparu devant le comité en 1996, je pensais qu'il serait possible de lancer des initiatives plus larges et j'espérais que nous pourrions faire des progrès dans ce domaine. J'en suis aujourd'hui arrivé à la conclusion, chose que je regrette, qu'il n'y a guère d'espoir que soient prises le genre d'initiatives axées sur la collaboration que je pensais possibles en 1996. J'avais travaillé en 1994 avec l'industrie des boissons alcoolisées. J'étais membre du Alcohol Policy Issues Network. En fait, c'est moi qui avait pris contact avec les brasseurs et qui leur avait proposé de choisir le dialogue plutôt que la confrontation.
Après avoir travaillé plusieurs années avec eux, j'ai finalement décidé de démissionner du comité d'étude des politiques relatives à l'alcool parce qu'il m'est apparu clairement qu'il ne serait pas possible de progresser.
Ce projet de loi a une portée plus large, il y a d'autres recherches empiriques et je ne pense pas que, si le Parlement n'agit pas, quelqu'un d'autre le fera à sa place.
Mme Ruby Dhalla: Je vous remercie.
De plus, en vous basant sur vos connaissances spécialisées et sur votre expérience, que pensez-vous des préoccupations qu'ont exprimées un certain nombre de brasseurs... Les sociétés qui fabriquent ces produits s'inquiètent du coût qu'entraînerait la mise en oeuvre de ce projet de loi. Certains craignent bien sûr que cela touche davantage les petites brasseries que les grosses, les sociétés Labatt et Molson. Qui devrait, d'après vous, assumer ce coût? Devrait-ce être le gouvernement? Devrait-ce être l'industrie? Devrait-ce être certains programmes existants? Ou devrait-on partager ce coût?
M. Robert Solomon: Là encore, j'ai déjà entendu l'argument portant sur le coût des étiquettes. Je crois qu'il n'est pas très convaincant. Il suffit de penser aux budgets que ces sociétés consacrent aux annonces publicitaires et à la mise en marché et à leur capacité de dépenser des sommes d'argent considérables. Je ne trouve pas que ces arguments soient le moindrement convaincants. Si l'on s'inquiète pour les petites brasseries, le gouvernement pourrait fort bien imposer des taxes sur l'alcool qui varieraient en fonction des quantités vendues, s'il souhaite le faire.
Il est également intéressant de noter que pratiquement toutes les autres industries sont tenues de mettre en garde les consommateurs contre les conséquences susceptibles de découler de l'utilisation de leurs produits et je n'ai pas entendu dire que ces industries étaient venues demander au Parlement de leur verser des fonds pour qu'elles puissent informer honnêtement les consommateurs des risques qu'ils courent. Je ne pense pas que les contribuables devraient assumer ce coût. Presque tous les fabricants doivent assumer ce coût. Nous ne subventionnons pas les compagnies pharmaceutiques pour qu'elles placent des mises en garde sur tous leurs produits. Cet argument ne tient pas.
Je pensais mettre sur pied un organisme de charité qui aurait pour but d'aider Molson et Labatt à obtenir des fonds pour que ces sociétés aient les moyens de payer ce vingt-cinquième de sou que leur coûterait chaque étiquette apposée sur leurs produits.
Mme Ruby Dhalla: Merci.
La présidente: Merci, madame Dhalla.
Madame Demers.
[Français]
Mme Nicole Demers (Laval, BQ): Merci, madame la présidente. Je dois vous avouer que je suis de plus en plus confuse quant à l'utilité de l'étiquetage. Au départ, j'étais en faveur de cela, mais tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent... Vous avez parlé tout à l'heure, monsieur Solomon, du fait qu'aux États-unis, les étiquettes étaient partie intégrante de l'étiquette du brasseur ou de la boisson. Depuis 1992, il y a au Yukon une politique d'étiquetage qui est très claire. Pourtant, aucun des témoins que nous avons reçus n'a pu nous prouver que cela avait eu un effet positif sur la population du Yukon. On a même reçu de notre collègue une lettre qui m'a beaucoup attristée. On y parlait d'une femme qui doit s'occuper d'un enfant qui souffre du syndrome d'alcoolisme foetal. Cet enfant a 10 ans et est donc né après l'imposition de l'étiquetage. Dans la lettre, on nous dit que la femme a eu d'autres enfants plus tard et que ces enfants souffrent aussi du syndrome d'alcoolisme foetal. Cela m'indique que, peu importe où elles sont placées ou la façon dont elles sont écrites, les étiquettes n'ont pas d'effet sur les personnes qui sont le plus concernées.
Je me considère comme une femme intelligente et je fume encore. Tous les jours, je vois sur mon paquet de cigarettes la sacrée même photo qui me dit que je ne devrais pas fumer, mais je fume encore. Il faut plus que cela. Je suis aussi préoccupée que vous par le syndrome d'alcoolisme foetal, par les jeunes qui conduisent en état d'ébriété, par les jeunes qui font du binge drinking, mais nous devons nous assurer que les décisions que nous prendrons seront les bonnes.
Madame Nadeau, ce que vous avez dit est très sage. On doit d'abord aller chercher les gens par ce qui les touche le plus, et ensuite par leur intelligence. Je pense de moins en moins que c'est par l'étiquetage qu'on va y arriver.
Pouvez-vous me dire si vous avez fait des études sur les résultats de l'étiquetage au Yukon, monsieur Solomon? Avez-vous des choses concrètes à me dire à cet égard?
 (1225)
[Traduction]
M. Robert Solomon: Je n'ai pas effectué personnellement des études sur les étiquettes de mise en garde. J'ai lu les études sur ce sujet.
Si vous dites que les étiquettes de mise en garde ne sont pas la façon la plus efficace de modifier le comportement, je dirais que vous avez tout à fait raison. Il existe des façons beaucoup plus efficaces. Nous pourrions par exemple élever l'âge à partir duquel il est légal de consommer de l'alcool. Nous savons que cela aurait un effet très important, comme cela a été constaté aux États-Unis. Nous pourrions également augmenter le prix des boissons alcoolisées. Cela aurait un effet encore plus important.
Je ne considère pas qu'il s'agit ici de choisir entre les étiquettes de mise en garde contre l'alcool et autre chose. Ce projet de loi n'aura pas un effet très direct mais aura-t-il un effet positif? Cette mesure va-t-elle toucher toutes les femmes alcooliques qui souffrent du syndrome d'alcoolisme foetal? Non. Va-t-elle influencer certaines femmes qui sont actives sexuellement et qui ne pratiquent pas la contraception? Oui.
C'est la même chose pour le tabagisme. La recherche sur le tabagisme indique qu'un tiers des fumeurs qui ont cessé de fumer ont déclaré que les étiquettes de mise en garde avaient joué un rôle important dans leur décision mais ces mises en garde ne vont pas modifier le comportement de tous les fumeurs. Vous avez raison.
De mon point de vue, ces mises en garde constituent un volet d'une stratégie. À elles seules, elles vont avoir un certain effet positif. Combinées à des mesures plus larges, elles vont avoir des effets encore plus importants. J'aimerais évidemment que le gouvernement prenne d'autres mesures qui auront également un effet positif.
[Français]
Mme Nicole Demers: Merci, monsieur Solomon.
Madame Nadeau, vous nous avez parlé de la situation très enviable du Québec. Pourtant, d'autres témoins nous ont dit que les Québécoises étaient les plus affectées par le problème du syndrome d'alcoolisme foetal. Je ne sais pas quelle étude est la plus crédible, puisque vous semblez penser que nous sommes moins affectées.
Pouvez-vous m'expliquer cela?
Mme Louise Nadeau: Nous avons toutes les deux raison. Les données nous signalent que les femmes du Québec semblent être les moins informées sur les effets tératogènes de l'alcool, sur les effets dommageables de l'alcool pour le foetus durant la grossesse.
Par ailleurs, l'ensemble des données populationnelles sur le Québec, que ce soit les données sur les taux de dépendance ou sur la consommation, nous signalent que les Québécois, hommes et femmes, s'intoxiquent en moyenne moins souvent que les habitants du reste du Canada.
Nous avons fait une étude qui ne donne pas nécessairement des données convergentes sur la consommation. Cependant, plusieurs études répétées confirment cette chose.
 (1230)
Le vice-président (M. Réal Ménard): Madame Demers, excusez-moi, mais vous avez déjà pris 5 minutes et 38 secondes. Nous pourrions peut-être avoir une discussion informelle avec vous. Je ne veux pas qu'on m'accuse d'être inéquitable.
Je donne maintenant la parole à M. Szabo, le parrain du projet de loi.
[Traduction]
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.
En 1992, le Comité de la santé a étudié les étiquettes de mise en garde. Les membres du comité ont déclaré qu'ils avaient étudié les étiquettes de mise en garde apposées sur les boissons alcoolisées aux États-Unis et constaté que ces mises en garde étaient généralement difficiles à lire et peu visibles. Ils ont déclaré qu'il ne fallait pas que les étiquettes de mise en garde utilisées pour les produits canadiens s'inspirent de l'exemple des États-Unis.
En 2002, 124 ONG, groupes de défense de la santé, etc., ont présenté une requête au Bureau de l'alcool, du tabac et des armes à feu en vue de faire modifier le règlement pour qu'aux États-Unis, les étiquettes soient plus lisibles et plus visibles. L'industrie des boissons alcoolisées a réagi en présentant toute une série de mémoires, la majorité pratiquement, au Bureau de l'alcool, du tabac et des armes à feu dans lesquels elle soutenait—et j'ai distribué des échantillons de ces lettres aux membres du comité—que les étiquettes étaient efficaces et donnaient de bons résultats. Voilà qui est intéressant.
Je pense que tout le monde sait que les étiquettes américaines sont de très mauvaise qualité et que le règlement en cause est également très mauvais. Si aux États-Unis, les étiquettes sont tellement mal faites qu'elles sont difficiles à lire et à voir, n'est-il pas futile de vouloir en étudier l'efficacité? Ne serait-ce pas là un travail tout à fait inutile? Étant donné que les étiquettes américaines sont les plus anciennes et les seules qui existent depuis suffisamment longtemps pour pouvoir être étudiées, comment pourrait-on faire des études crédibles portant sur des étiquettes de mise en garde qui sont lisibles et visibles?
Qui veut répondre à cette question?
Très bien, je vais en poser une autre alors.
Mme Louise Nadeau: Lorsqu'on effectue une étude basée sur des données, il faut prendre les renseignements qui existent. Je pense que les études américaines—il y en a eu également quelques-unes de faites en Nouvelle-Zélande et en Australie—révèlent effectivement que ces mises en garde sensibilisent la population.
M. Paul Szabo: Elles ne sont pas totalement inutiles mais elles ne sont pas aussi efficaces qu'elles pourraient l'être, est-ce bien cela?
Mme Louise Nadeau: Oui. Dans ce sens, les études ont permis de constater que les brasseries avaient raison, c.-à-d., elles ont pour effet de sensibiliser la population et cela est vrai.
M. Paul Szabo: L'industrie affirme que ces étiquettes sont efficaces...
Mme Louise Nadeau: C'est ce que vous venez de dire. Je vous cite.
M. Paul Szabo: C'est ce que l'industrie des boissons alcoolisées des États-Unis affirme. L'industrie canadienne des boissons alcoolisées soutient qu'elles n'ont aucun effet.
Mme Louise Nadeau: Je ne sais pas ce qu'elles disent mais je sais par contre que les études que je vous ai citées indiquent deux choses. Il s'agit de savoir si elles ont pour effet de modifier les comportements.
M. Paul Szabo: Puis-je poser une autre question? Ce sera sans doute la dernière parce que j'ai épuisé mon temps de parole.
L'industrie des boissons alcoolisées dépense 660 millions de dollars en publicité et pour faire la promotion de ses produits. Les brasseries n'ont consacré que 2 millions de dollars par an aux messages incitant à la modération. Les brasseurs représentent la moitié de l'industrie et ils dépensent donc 330 millions en annonces publicitaires pour faire la promotion de leurs produits et 2 millions seulement par année pour des messages incitant à la modération et pour des partenariats comme BACCHUS Canada Inc.
Ils ont menacé encore une fois, tout comme ils l'ont fait en 1996 et en 1992, de supprimer ce financement si nous imposons l'étiquetage obligatoire. Y a-t-il quelqu'un qui pense vraiment que le montant de 2 millions de dollars que l'Association des brasseurs verse au nom de l'ensemble des brasseries canadiennes a un effet sur ce que nous essayons de faire et que nous devrions en tenir compte.
 (1235)
Mme Frances Wdowczyk: Oui.
Je ne sais pas quel pourcentage représente leurs dons.
M. Paul Szabo: N'oubliez pas que les brasseries affirment que ces fonds sont limités. Elles dépensent 330 millions de dollars pour promouvoir leurs produits et 2 millions de dollars sur les messages de modération et pour vous aider, et ils disent que leurs fonds sont limités. Pensez-vous qu'il soit possible que les brasseries ne soient peut-être pas tout à fait franches avec vous?
Mme Frances Wdowczyk: Lorsque je recherche des fonds, je ne me demande pas si les sociétés qui m'en donnent sont honnêtes; si je le faisais, il faudrait que je me pose beaucoup de questions sur les nombreux gouvernements de ce pays qui affirment ne pas avoir de fonds à consacrer aux programmes d'information sur l'alcool destinés aux jeunes. Ce que je dis n'est peut-être pas très raisonnable mais vous demandiez au départ si cela a un effet négligeable—je vous demande de m'excuser, je ne me souviens pas exactement comment vous avez formulé cette question. Mais dans mon monde, l'argent que les brasseries me versent est très utile. Cela permet de rejoindre un million d'étudiants du postsecondaire et 250 000 étudiants du secondaire. Vous me demandez si cela fait une différence, je dirais que oui, parce que nous pouvons ainsi distribuer 77 000 brochures, de sorte que ces fonds permettent de faire certaines choses.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Monsieur Solomon.
[Traduction]
M. Robert Solomon: Eh bien, je serais très heureux si les brasseries supprimaient les fonds qu'elles consacrent à ce qu'elles appellent « les messages de modération », parce que cet argent est lié à l'adoption de positions publiques contraires à la santé et à la sécurité du public.
Et je ne suis pas d'accord avec Frances. J'ai déjà travaillé pour BACCHUS. Je ne suis pas d'accord avec Frances lorsqu'elle affirme que les changements d'attitude des étudiants s'expliquent par leur désir de se conformer aux normes de leur groupe. Les changements qui sont intervenus dans les universités découlent d'une série de décès et d'accidents très médiatisés, d'un certain nombre de poursuites civiles, et de l'introduction d'une politique sur la consommation d'alcool sur les campus adoptée par le Council of Ontario Universities—pourquoi suis-je au courant de cela? Parce que j'ai rédigé ce projet de politiques—je me suis rendu dans toutes les provinces, dans toutes les universités, pour parler de ces questions. C'est le travail de MADD, les Mères contre l'alcool au volant, celui des groupes de promotion de la santé publique. Par conséquent, je suis en faveur des programmes d'éducation mais cela ne résulte pas uniquement des efforts déployés par cette organisation.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Merci beaucoup, monsieur Solomon.
Monsieur Goodyear.
[Traduction]
M. Gary Goodyear (Cambridge, PCC): Merci, monsieur le président.
Je ne voudrais pas que nous adoptions une mesure pour la seule raison que nous voulons faire quelque chose. Il ne faut pas oublier que le rôle du Comité de la santé est de protéger les Canadiens. Je dois admettre que je ne suis pas convaincu que la population ciblée ici—les jeunes et les femmes qui risquent d'être touchées par le syndrome d'alcoolisme foetal--vont vraiment lire des étiquettes ou que cette mesure aura un effet.
J'ai bien pris note de votre commentaire, monsieur Solomon, selon lequel nous ne voudrions pas nous retrouver dans 10 ou 15 ans du mauvais côté d'une poursuite parce que nous savions qu'il y avait un problème, que nous pouvions faire quelque chose et que nous n'avons rien fait. Je crains que nous ne retrouvions dans 10 ou 15 ans d'un côté d'une poursuite dans laquelle notre adversaire dirait : « Vous saviez qu'il y avait un problème et que la mesure que vous alliez adopter n'allait donner aucun résultat, vous saviez que ce serait le cas. »
J'aimerais faire un sondage au fond de la salle. Y a-t-il des gens qui pensent vraiment, si nous considérons notre groupe cible--les femmes, relativement jeunes, les personnes susceptibles d'être touchées par le syndrome d'alcoolisme foetal--va lire ces étiquettes, et si les membres de ce groupe le font, quelle que soit la taille de l'étiquette, que cela va les empêcher de consommer de l'alcool, par opposition à un programme d'information bien financé, simple et direct? Quels sont ceux qui pensent qu'il convient de recourir à l'étiquetage?
Une personne le pense, pour le compte rendu.
Je crains que, si nous adoptons ce projet de loi, cela nous donne un faux sentiment de sécurité et aucune autre mesure législative ne sera proposée. Pouvons-nous voter encore une fois? S'il y avait un projet de loi qui obligeait un organisme à financer un programme dont nous savons qu'il sera efficace--peut-être en 6e année--combien y a-t-il de gens au fond de la salle qui pensent que cela serait une bonne solution?
Il y en a deux, pour le compte rendu.
Merci. C'est tout.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Voulez-vous entendre les commentaires de M. Solomon et de Mme Nadeau?
[Traduction]
Mme Nancy Langdon: Excusez-moi, mais ces questions sont très restrictives.
M. Gary Goodyear: En fait, si vous le permettez, madame Langdon, je voulais vous poser une question au sujet de cet étiquetage. Je suis un peu curieux. Comment pensez-vous que l'on pourrait placer des étiquettes sur le demi-litre de vin que je commande avec ma femme au restaurant ou sur le vin maison que mes amis me servent lorsque je vais chez eux.
Mme Nancy Langdon: Je travaille au sein de l'unité de santé publique d'Ottawa et vous me demandez de faire des commentaires sur les lignes directrices en matière de consommation d'alcool ou sur des normes prédéterminées. C'est la raison pour laquelle j'ai un peu de mal à raisonner dans l'abstrait sur ces questions. Je ne l'ai jamais fait. Est-ce que vous me demandez comment je pourrais décrire ce que serait une consommation standard en utilisant comme exemple un demi-litre?
 (1240)
M. Gary Goodyear: Non. Cet étiquetage qui vous paraît efficace, pensez-vous qu'il doit s'appliquer à la demi-bouteille de vin que je commande au restaurant, qui bien sûr ne porte pas d'étiquette? Le vin est servi en carafe. Mais pour le vin maison que me servent mes amis? Cela n'est-il pas dangereux? Et il y a le fait qu'un verre de vin rouge n'est pas mauvais pour la santé. Je crains que nous essayions de rendre plus efficace une mesure qui ne paraît pas appropriée et je crains que nous en retirions un faux sentiment de sécurité.
M. Robert Solomon: Je crois que nous sommes tous très favorables à l'éducation publique. Lorsqu'on examine la recherche empirique sur les initiatives qui ont été lancées dans nos écoles dans le domaine de l'éducation, on constate que les résultats sont vraiment très décevants.
Vous affirmez qu'il faut faire de l'éducation dans les écoles. Les faits montrent qu'en général, ces programmes n'ont pas donné de bons résultats. Si vous me demandez de choisir entre de bonnes mises en garde et un programme d'éducation publique, je pencherais en faveur des mises en garde.
Nous avons ce vague sentiment que l'éducation publique ou les programmes d'éducation dans les écoles donnent de bons résultats. Les études effectuées sur l'efficacité de ces programmes sont encore plus décevantes que celle qui a porté sur les étiquettes de mise en garde utilisées aux États-Unis; c'est pourquoi je ne crois pas autant que vous à la valeur de ces initiatives. Je pense qu'il y a de nombreuses variables en jeu et que les attitudes à l'égard de l'alcool changent. Je ne pense pas que ce soit à cause des normes sociales et des affiches.
M. Gary Goodyear: Très bien. Merci.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Est-ce que quelqu'un veut ajouter des commentaires? Il reste 10 secondes.
Madame Nadeau.
[Traduction]
Mme Louise Nadeau: M. Solomon a tout à fait raison. Nous commençons, au Québec au moins, au Canada et dans les autres pays, à étudier quels sont les programmes de prévention qui sont efficaces; c'est dans cette direction que nous allons.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Merci.
Madame Brown.
[Traduction]
Je suis heureux de vous donner la parole.
Mme Bonnie Brown: Merci, monsieur le président; c'est parce que je suis toujours très gentille avec vous.
J'aimerais avoir de très brèves réponses à ces questions.
Madame Nadeau, vous êtes membre des conseils d'administration d'Éduc'alcool et de la Alcoholic Beverage Medical Research Foundation. Je crois savoir que ces deux groupes sont très proches de l'industrie, que ce soit en termes de financement ou du fait que des membres de l'industrie siègent à ces conseils d'administration.
Recevez-vous une indemnité pour siéger au conseil d'administration d'Éduc'alcool?
Mme Louise Nadeau: Non, c'est un travail bénévole.
Mme Bonnie Brown: Très bien. Recevez-vous une indemnité pour siéger au conseil d'administration de la Alcoholic Beverage Medical Research Foundation?
Mme Louise Nadeau: Oui.
Mme Bonnie Brown: Je vous remercie.
J'aimerais passer à Mme Wdowczyk.
J'ai beaucoup de respect pour le travail que vous effectuez...
Mme Frances Wdowczyk: Merci.
Mme Bonnie Brown: ... et j'aime la façon dont vous en parlez.
Est-ce qu'un membre de l'industrie des boissons alcoolisées vous a indiqué--ou à quelqu'un d'autre--que cette industrie cesserait de financer votre organisme si l'étiquetage obligatoire était adopté?
Mme Frances Wdowczyk: Non.
Mme Bonnie Brown: Comment cette idée vous est-elle venue? Vous en parlez dans votre exposé.
Mme Frances Wdowczyk: C'est exact. C'est ce que je crains, comme je l'ai dit, et c'est ce que nous avons craint dès que nous avons entendu parler de ce projet de loi. Je suis peut-être tout simplement restée avec cette crainte.
Mme Bonnie Brown: Très bien. Nous pensons que l'industrie des boissons alcoolisées répand cette rumeur. C'est pourquoi je voulais savoir si quelqu'un vous avait parlé directement.
Mme Frances Wdowczyk: Merci d'avoir précisé cela.
Mme Bonnie Brown: Êtes-vous la seule employée de cet organisme?
Mme Frances Wdowczyk: Non. Il y a quatre personnes dans cette organisation.
 (1245)
Mme Bonnie Brown: C'est vous qui préparez le budget?
Mme Frances Wdowczyk: Oui, c'est moi.
Mme Bonnie Brown: Très bien. Vous savez donc en vous basant sur la liste des commanditaires et des sociétés qui vous ont financé au cours des années quel est le pourcentage du budget de votre organisme qui provient de ces groupes--les Brasseurs du Canada, Labatt Canada, Molson Canada et Spirits Canada.
Quel pourcentage cela représente-t-il?
Mme Frances Wdowczyk: Cette année, Spirits Canada nous a donné 4 p. 100 de notre budget; leur contribution est très faible cette année. Labatt et Molson ne nous ont rien donné directement cette année. Ce sont d'anciens partenaires. Les Brasseurs du Canada financent le Canadian Centre for Social Norms Research de façon indépendante mais par une subvention qui représente 100 p. 100 du budget de cette division. Cela représente 33 p. 100 de notre budget.
Mme Bonnie Brown: Très bien, les brasseurs vous fournissent donc 33 p. 100 de votre budget. Et votre travail consiste essentiellement à vous rendre dans les universités et dans les écoles pour mettre en garde les étudiants contre la surconsommation d'alcool. Est-ce bien cela?
Comment conciliez-vous cela avec le fait que certaines brasseries commanditent dans les collèges des soirées à 5 $ au cours desquelles les étudiants peuvent boire autant qu'ils le souhaitent?
Mme Frances Wdowczyk: Oui, nous nous sommes opposés à cela. Ils me donnent une subvention, mais ils ne contrôlent pas ce que nous faisons pour la seule raison qu'ils subventionnent un de nos projets. Notre dossier montre qu'au cours de nos 19 ans d'existence, nous nous sommes opposés à eux plusieurs fois. Il nous est en fait arrivé de refuser des fonds qu'ils nous offraient parce que nous n'avions pas réussi à nous entendre sur la façon de mettre en oeuvre un certain projet. Nous voulons préserver notre intégrité parce que les étudiants ont besoin de nous, ce qui n'est pas le cas des brasseurs.
Nous pensons cependant que les brasseurs ont une responsabilité parce que c'est eux qui fabriquent ces produits. Ce devrait être à eux de payer pour que nous puissions montrer aux étudiants comment consommer de l'alcool de façon responsable.
Mme Bonnie Brown: Mais avec 33 p. 100 du budget, je peux comprendre que vous craigniez, si les brasseurs cessaient de vous financer pour pouvoir payer ces étiquettes, d'être probablement obligée de licencier un tiers de votre personnel parce que votre principale charge est sans doute les salaires. Je comprends que cela vous inquiète parce que cela pourrait avoir pour effet de supprimer votre emploi.
Mme Frances Wdowczyk: Oui, madame.
Mme Bonnie Brown: Je vous remercie. Je voulais simplement préciser cela.
Mme Frances Wdowczyk: Merci.
Mme Bonnie Brown: L'attitude des représentants de Service correctionnel Canada me surprend un peu, même si je comprends que des fonctionnaires hésitent à prendre position au sujet d'un projet de loi soumis à un comité. Néanmoins, connaissant les dommages que ces boissons causent aux personnes qui les consomment et sachant que la plupart des crimes sont commis, comme vous l'avez mentionné, monsieur Head, par des personnes sous l'influence de substances à effet psychotrope, qu'il s'agisse de drogues illégales ou d'alcool, je suis surpris de constater que vous ne saisissez pas la possibilité de prendre une mesure susceptible d'informer la population au sujet de ces dangers.
M. Don Head: Lorsque la question a été posée par le député qui se trouve de ce côté, j'ai répondu oui pour l'éducation mais j'ai également parlé de la nécessité de prendre d'autres mesures. Je ne pense pas qu'il y ait une solution unique à ce problème.
Mme Bonnie Brown: Voici le problème auquel nous faisons face. La plupart d'entre nous comprennent qu'il faut adopter une stratégie globale. Mais savez-vous que lorsque nous avons commencé à lutter contre le tabagisme, la première mesure que nous avons réussi à faire adopter était les étiquettes de mise en garde? Ce n'est qu'après l'adoption de cette mesure que le gouvernement a suivi et a commencé à élaborer une stratégie plus globale.
Certains d'entre nous considèrent que ce projet de loi ne représente qu'une étape. C'est peut-être une étape mineure. Nous ne pouvons pas vraiment encore prouver l'efficacité de cette mesure, etc., mais c'est une première étape qui pourrait déboucher sur une stratégie plus large. Nous ne pouvons pas adopter un projet de loi en disant c'est un bon projet de loi s'il comprenait tous ces autres programmes. Ce projet de loi ne prévoit pas la mise sur pied de ces programmes. Les seules choses que nous pouvons obtenir avec ce projet de loi sont celles qui sont mentionnées dans le projet lui-même.
Pris isolément, mais en tenant compte de l'histoire de la lutte contre le tabagisme et des étiquettes de mise en garde, pensez-vous qu'il serait sage d'adopter ce projet de loi dans l'espoir qu'il débouche sur une stratégie plus large?
M. Don Head: Là encore, ma réponse serait semblable. Une première étape est une première étape mais d'après nos connaissances et l'expérience que nous avons acquise auprès des toxicomanes, ce n'est pas cette solution qui résoudra ce problème.
Mme Bonnie Brown: Je vous dis que nous en sommes conscients.
M. Don Head: Je dis qu'une première étape...
Mme Bonnie Brown: Nous pouvons uniquement voter pour ou contre le texte de ce projet de loi. Je pense que le membre du comité qui se trouve à l'autre bout de la table pensait que vous nous demandiez de ne pas adopter ce projet.
M. Don Head: Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Une première étape est toujours quelque chose de positif.
Mme Bonnie Brown: Je vous remercie. Je voulais que cela figure au compte rendu.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Vous avez parlé pendant six minutes mais vous avez posé votre question de façon très éloquente.
Mme Bonnie Brown: C'est la première fois que je prenais la parole cette année.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Alors, monsieur Carrie.
M. Colin Carrie: Merci, monsieur le président.
Je me demande si quelqu'un ici sait si Santé Canada a déjà fait quelque chose dans le domaine de l'alcool ou mis sur pied des programmes dans ce domaine?
M. Robert Solomon: Je crois savoir que Santé Canada s'est occupé du syndrome d'alcoolisme foetal, tout comme le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Je pense qu'ils ont recensé toutes les ressources concernant le syndrome d'alcoolisme foetal.
M. Colin Carrie: Est-ce que son action a réussi à changer les comportements? Y a-t-il quelqu'un qui possède des données à ce sujet?
Mme Louise Nadeau: Le programme de lutte contre le syndrome d'alcoolisme foetal qui est subventionné à Kanesatake est en fait un excellent programme communautaire. Je pense que ce programme a certainement sensibilisé les membres de cette communauté. A-t-il modifié les comportements, je n'en sais rien.
Santé Canada et le gouvernement canadien ont adopté plusieurs stratégies nationales en matière de drogue et d'alcool; il existe en ce moment une stratégie globale qui porte sur les questions reliées à la conduite en état d'ébriété et sur les effets de la consommation d'alcool au cours de la grossesse.
Il est inexact d'affirmer que le Canada n'a pas assumé ses responsabilités pour ce qui est de l'alcool. Il y a eu des programmes de prévention depuis que je m'intéresse à ce que fait Santé Canada. Cela remonte aux années soixante-dix.
M. Colin Carrie: Très bien. J'ai une autre question.
Monsieur Solomon, vous avez mentionné que les étiquettes de mise en garde devaient être appropriées et bien visibles. M. Szabo a parlé d'autres genres de bouteilles et présenté quelques recommandations mais d'après vous, qu'est-ce que cela veut dire exactement? Êtes-vous au courant de la situation dans d'autres pays, comme la Nouvelle-Zélande, qui ont prévu des étiquettes légèrement améliorées par rapport aux étiquettes américaines? Qu'est-ce que serait pour vous une étiquette appropriée et visible?
 (1250)
M. Robert Solomon: Je n'ai pas fait une étude complète des caractéristiques d'un bon étiquetage mais d'après ce que je sais, il y a la taille, la couleur, la spécificité du message, l'endroit où l'étiquette est placée sur le produit--des messages différents sont plus efficaces qu'un seul message. Je pense qu'il existe des études et que Santé Canada a suivi, grâce aux mises en garde pour le tabac, et parce que l'on sait certaines choses sur ce qui fait que les mises en garde sont remarquées, qu'elles sont prises en compte et qu'elles contribuent à modifier les comportements.
M. Colin Carrie: Très bien. Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Est-ce que Mme Nadeau a un complément d'information sur les pays qui ont adopté une pareille stratégie?
Mme Louise Nadeau: Non, je n'en ai pas.
Le vice-président (M. Réal Ménard): Madame Dhalla.
[Traduction]
Mme Ruby Dhalla: Merci, monsieur le président.
Je voulais rapidement demander aux témoins qui sont ici s'ils pouvaient dire aux membres du comité comment est financée la recherche qu'ils effectuent ou l'organisme dont ils sont membres.
M. Robert Solomon: Je comparais à titre de témoin indépendant, à titre de professeur de droit de la University of Western Ontario. Personne ne m'a payé pour être ici--j'accepte cependant les dons que je transmettrai à MADD.
Mme Nancy Langdon: Je travaille dans une unité de santé publique qui est financée pour moitié par le ministère de la Santé de l'Ontario et par cette municipalité. Je suis membre non rémunérée du Alcohol Policy Network.
Mme Frances Wdowczyk: Vous allez recevoir un mémoire qui contient une liste très complète des partenaires qui nous ont aidés depuis notre création il y a 19 ans. Rapidement, il y a les Brasseurs du Canada, l'Ontario Trillium Foundation, la Société d'assurance The Co-operators, Pepsi Cola Canada, Ford Motor Company, Santé Canada, Labatt, le procureur général de l'Ontario, Molson, Shell Canada, Cantel, Diageo et l'Alberta Liquor Control Board... Cette liste est très longue.
Je n'ai pas non plus été rémunérée pour venir ici aujourd'hui.
Mme Louise Nadeau: Je n'ai pas été rémunérée. Je comparais ici en qualité de professeure du département de psychologie. J'ai commencé mon exposé en précisant mes liens. Éduc'alcool n'est pas relié à l'industrie des boissons alcoolisées; c'est une taxe qui est imposée sur toutes les boissons.
Deuxièmement, si j'ai accepté d'être membre du groupe chargé d'examiner les politiques reliées à l'alcool mis sur pied par les brasseurs, c'est parce que l'étude que j'ai faite sur le mouvement antialcoolique m'a amené à penser que la prohibition est une erreur et que ce n'est pas en condamnant l'alcool que nous pourrons améliorer la santé des Canadiens. Je fais partie du conseil d'administration de la Alcoholic Beverage Medical Research Foundation pour veiller à ce que les jeunes Canadiens obtiennent leur juste part des subventions accordées par cette fondation. Le comité d'évaluation par des pairs de cette fondation est composé des meilleurs savants dans mon domaine et ce qui m'incite à en faire partie, ce ne sont pas les indemnités qui me sont versées mais le privilège de côtoyer les plus grands spécialistes de mon domaine.
Mme Ruby Dhalla: Et vous vous opposez à 100 p. 100 à ce projet de loi.
Mme Louise Nadeau: Je ne dirais pas cela. Je suis ravie de ne pas avoir à voter sur ce projet de loi parce que je ne peux pas nier qu'il pourrait sensibiliser la population. Par contre, il ne modifiera pas les comportements. C'est là le dilemme. Je ne serais pas ici si la situation était claire et je sais qu'il n'est pas facile de prendre cette décision. Nous voulons tous un monde meilleur mais parallèlement, nous voulons utiliser le mieux possible les pouvoirs dont nous disposons.
Mme Ruby Dhalla: Je vous remercie.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Monsieur Szabo, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Traduction]
M. Paul Szabo: Madame Nadeau, je m'inquiète au sujet des micro-brasseries, des petits producteurs et du coût de cette mesure. Je me demande si vous pensez que nous ne risquons pas d'envoyer un message ambigu en accordant une exemption aux petits producteurs.
J'aimerais aussi, si vous le voulez bien, pour nous donner une idée... Le Québec a conclu une entente spéciale qui accorde à Éduc'alcool, par exemple, ce que l'on pourrait presque qualifier de commission sur les ventes de boissons alcoolisées. Mais supposons que l'industrie des boissons alcoolisées soit obligée d'assumer le coût de l'étiquetage. Est-il exact que les sommes que les membres de cette industrie seraient obligés de verser ou qu'Éduc'alcool recevraient seraient diminuées du montant que ces sociétés seraient obligées de dépenser pour diffuser des messages incitant à la modération?
 (1255)
Mme Louise Nadeau: Monsieur Szabo, cela pourrait être un racket et si c'était un racket, j'en aurais parlé. Non, je n'ai rien entendu de ce genre. C'est une mesure législative indépendante en vertu de laquelle...
M. Paul Szabo: Non, je comprends cela.
Mme Louise Nadeau: Je n'ai rien entendu de ce genre.
À l'heure actuelle, il y a une culture du goût qui se développe dans le domaine des boissons alcoolisées. Ce sont les micro-brasseries et les fabricants de cidre qui sont à l'origine de ce développement et dans le cas où le projet de loi serait adopté, ce seront eux qui seront les plus durement pénalisés. Bien sûr, je pense que c'est le genre de choses qu'il faut protéger dans notre économie.
Je dois dire que je n'ai guère d'inquiétude pour Labatt et Molson mais que j'en ai beaucoup à l'égard des publicités perverses qu'ils diffusent. Si j'étais premier ministre, c'est là-dessus que je ferais porter mes efforts.
M. Paul Szabo: Merci.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): L'attachée de recherche me demande si Mme Nadeau peut nous faire parvenir une monographie des recherches qu'elle a complétées, ainsi que le document de Mme Beauchamp qu'elle a cité. Cela pourrait nous être utile lors de la rédaction de notre rapport. Je ne crois pas que le représentant d'Educ'alcool l'ait déposé lors de sa comparution devant notre comité.
[Traduction]
Mme Bonnie Brown: J'invoque le règlement, monsieur le président. Je pense qu'il y a eu une annonce au sujet de la date limite pour la présentation des amendements à ce projet de loi. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est?
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Mme la greffière pourrait nous...
La greffière du comité (M. Carmen Depape): La date limite pour la présentation des amendements est le 5 avril à 17 heures.
[Traduction]
La date limite pour la présentation des amendements est le 5 avril à 17 heures.
[Français]
Le vice-président (M. Réal Ménard): Vous êtes d'accord?
[Traduction]
Pas d'autres appels au Règlement?
Je souhaite de Joyeuses Pâques à tous.