HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 19 mai 2005
Á | 1105 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ) |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.) |
Á | 1110 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC) |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
Á | 1115 |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
M. Réal Ménard |
L'hon. Brenda Chamberlain (Guelph, Lib.) |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC) |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
L'hon. Brenda Chamberlain |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
L'hon. Brenda Chamberlain |
Mme Nicole Demers (Laval, BQ) |
M. Réal Ménard |
Mme Nicole Demers |
La présidente |
Mme Nicole Demers |
Á | 1120 |
La présidente |
Mme Nicole Demers |
La présidente |
Ms. Nicole Demers |
La présidente |
Mme Nicole Demers |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
Mme Nicole Demers |
L'hon. Robert Thibault |
Mme Nicole Demers |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
Á | 1125 |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
M. Shiv Chopra (à titre personnel) |
Á | 1130 |
Á | 1135 |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
M. Shiv Chopra |
M. Rob Merrifield |
M. Shiv Chopra |
M. Rob Merrifield |
M. Shiv Chopra |
M. Rob Merrifield |
M. Shiv Chopra |
M. Rob Merrifield |
M. Shiv Chopra |
Á | 1140 |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. James Lunney |
M. Shiv Chopra |
M. James Lunney |
M. Shiv Chopra |
M. James Lunney |
Mme Margaret Haydon (à titre personnel) |
M. James Lunney |
Mme Margaret Haydon |
M. James Lunney |
Á | 1145 |
M. Shiv Chopra |
La présidente |
M. Réal Ménard |
M. Shiv Chopra |
M. Réal Ménard |
Á | 1150 |
M. Shiv Chopra |
Dr Gérard Lambert (à titre personnel) |
Á | 1155 |
M. Réal Ménard |
Dr Gérard Lambert |
M. Réal Ménard |
Dr Gérard Lambert |
M. Réal Ménard |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
Mme Margaret Haydon |
L'hon. Robert Thibault |
Mme Margaret Haydon |
 | 1200 |
M. Shiv Chopra |
L'hon. Robert Thibault |
M. Shiv Chopra |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
 | 1205 |
M. Shiv Chopra |
Mme Jean Crowder |
M. Shiv Chopra |
La présidente |
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.) |
M. Shiv Chopra |
Mme Ruby Dhalla |
 | 1210 |
M. Shiv Chopra |
Mme Ruby Dhalla |
Mme Margaret Haydon |
Mme Ruby Dhalla |
Dr Gérard Lambert |
Mme Ruby Dhalla |
M. Shiv Chopra |
Mme Ruby Dhalla |
La présidente |
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC) |
M. Shiv Chopra |
 | 1215 |
M. Colin Carrie |
M. Shiv Chopra |
M. Colin Carrie |
M. Shiv Chopra |
M. Colin Carrie |
M. Shiv Chopra |
La présidente |
Mme Nicole Demers |
 | 1220 |
Mme Margaret Haydon |
Mme Nicole Demers |
M. Shiv Chopra |
 | 1225 |
La présidente |
Mme Ruby Dhalla |
M. Shiv Chopra |
Mme Ruby Dhalla |
M. Shiv Chopra |
Mme Ruby Dhalla |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
M. Réal Ménard |
La présidente |
Mme Ruby Dhalla |
 | 1230 |
Mme Nicole Demers |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
Mme Ruby Dhalla |
La présidente |
Mme Jean Crowder |
La présidente |
 | 1235 |
Dr Alan Bernstein (à titre personnel) |
 | 1240 |
La présidente |
M. Steven Fletcher (Charleswood—St. James—Assiniboia, PCC) |
Dr Alan Bernstein |
M. Steven Fletcher |
Dr Alan Bernstein |
 | 1245 |
M. Steven Fletcher |
M. Rob Merrifield |
Dr Alan Bernstein |
M. Rob Merrifield |
Dr Alan Bernstein |
 | 1250 |
La présidente |
M. Réal Ménard |
Dr Alan Bernstein |
M. Réal Ménard |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.) |
 | 1255 |
Dr Alan Bernstein |
M. Michael Savage |
Dr Alan Bernstein |
M. Michael Savage |
Dr Alan Bernstein |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Mme Ruby Dhalla |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
L'hon. Robert Thibault |
Mme Jean Crowder |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
L'hon. Robert Thibault |
· | 1300 |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Dr Alan Bernstein |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Mme Jean Crowder |
Dr Alan Bernstein |
Mme Jean Crowder |
Dr Alan Bernstein |
Mme Jean Crowder |
Dr Alan Bernstein |
Mme Jean Crowder |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
· | 1305 |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Dr Alan Bernstein |
M. James Lunney |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
L'hon. Robert Thibault |
Dr Alan Bernstein |
· | 1310 |
L'hon. Robert Thibault |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Dr Alan Bernstein |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Dr Alan Bernstein |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 19 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.
Nous avons un programme plutôt chargé ce matin au Comité permanent de la santé. Notre premier point à l'ordre du jour est un avis de motion que notre collègue Réal Ménard a déposé la semaine dernière et je vais d'ailleurs lui demander de nous le commenter.
Monsieur Ménard, vous avez la parole.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Madame la présidente, au cours des dernières semaines, il y a eu plusieurs reportages au Canada anglais et au Québec concernant la hausse de la contrebande des produits du tabac. Cette contrebande touche particulièrement les villes de Montréal, Halifax, Vancouver et Toronto, et un certain nombre de réserves indiennes.
J'ai rencontré des gens de Revenu Canada, de Santé Canada et de la GRC. Évidemment, c'est un problème qui interpelle plusieurs agences et ministères. La motion que vous avez devant vous a également été déposée au Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile, ainsi qu'au Comité permanent des finances. Je souhaite qu'à partir de Santé Canada, une vaste campagne de conformité voie le jour.
Présentement, le problème est que des paquets de cigarettes sont vendus sans l'étiquetage réglementaire. Des journalistes se sont rendus à Montréal, entre autres, et ont pu se procurer de tels paquets de cigarettes dans des commerces. Vous vous rappelez qu'en 2001, on avait voté pour imposer l'obligation d'apposer 16 messages rotatifs sur les paquets de cigarettes.
Il y a présentement un réseau de contrebandiers, et Santé Canada, à mon point de vue, ne fait pas respecter la loi avec toute la rigueur et toute la vigueur qu'on pourrait souhaiter. Cette situation interpelle donc Santé Canada pour ce qui est de l'aspect de l'étiquetage. Elle interpelle également la GRC parce que des paquets de cigarettes contrefaits sont sur le marché.
Je souhaite fondamentalement que trois mesures soient adoptées. Premièrement, je souhaite que Santé Canada, avec la collaboration de la GRC, assure le respect de la Loi sur le tabac et de la Loi sur la taxe l'accise. Vous savez que l'an passé, la taxe d'accise sur les cigarettes a rapporté à tous les gouvernements 7 milliards de dollars.
Il faut vraiment être vigilant, car si on ne démantèle pas les réseaux de contrebandiers et qu'on ne fait pas respecter la loi, on risque de se retrouver dans une situation comme celle de 1995.
Les collègues du Parti conservateur m'ont dit qu'ils étaient inquiets quant à la troisième proposition, qui a trait à Revenu Canada. C'est l'Agence du revenu du Canada qui octroie les licences de production de produits du tabac. Il y en a 76 au Canada et 45 au Québec. Je suis prêt à retirer la troisième partie de ma proposition si cela convient mieux au comité.
Toutefois, cela est un problème très important à Montréal, à Toronto et à Vancouver. Je pense que nous devrions adopter les première, deuxième et quatrième parties de cette motion. Vous pourriez ensuite faire rapport à la Chambre, peut-être pas demain car ce n'est pas une situation à ce point urgente, mais après la semaine de relâche.
Je souhaite que le ministre fédéral fasse un rapport au comité pour que nous soyons bien au courant de ce qui se passe dans ce dossier.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
J'ai cru comprendre que vous retiriez la troisième partie. Vous voulez donc proposer les parties un, deux et quatre?
[Français]
M. Réal Ménard: Oui, je les propose.
[Traduction]
La présidente: La motion est donc proposée.
Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.): Je veux intervenir pour informer le comité.
Santé Canada n'a rien à voir dans la lutte contre la contrebande. Toutefois, le ministère appuie le travail de l'Agence des services frontaliers du Canada et de la Gendarmerie royale du Canada en vue de réduire la vente de tabac de contrebande. Les inspecteurs des services du tabac de Santé Canada inspectent les fabriques de tabac, notamment celles qui se trouvent dans les réserves, pour s'assurer qu'elles sont conformes aux dispositions de la Loi sur le tabac et au Règlement qui en découle. À l'instar des autres fabricants de tabac, ceux qui sont sur les réserves doivent respecter les dispositions de la loi et des règlements. La stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme d'avril 2001 prévoit un financement additionnel pour l'Agence des services frontaliers du Canada et pour la Gendarmerie royale du Canada afin que ces deux organisations aient davantage de moyens de lutter contre la contrebande des produits du tabac.
Cela dit, je tiens à brièvement parler des trois paragraphes de la proposition. Je ne suis pas d'accord avec l'intention visée. Je m'interroge. Ne pourrions-nous pas demander à notre personnel de nous préciser la façon dont nous pourrions appliquer la première partie. Comme les questions d'administration des taxes ne relèvent pas du ministre de la Santé, il faudrait supprimer ce renvoi à la Loi sur la taxe d'accise de 2001. Par ailleurs, Santé Canada ne connaît aucun fabricant de cigarettes à Vancouver, à Halifax, à Akwesasne—du côté canadien—ni à Kanesatake.
S'agissant de la deuxième partie, les questions de conformité dans le cas des produits du tabac de contrebande ne relèvent pas non plus du ministre de la Santé. La présidente devrait peut-être renvoyer cette partie au Comité permanent de la justice, des droits de la personne et de la sécurité publique et de la protection civile.
Enfin, s'agissant de la quatrième partie, les questions de politique fiscale et d'administration des taxes ne relèvent pas non plus du ministre de la Santé. Là aussi, la présidente pourrait renvoyer cette partie de la motion au Comité permanent des finances.
Á (1110)
[Français]
J'aimerais donc dire au député que ce n'est peut-être pas le meilleur moyen de s'occuper de ces questions.
M. Réal Ménard: Madame la présidente, j'aimerais dire deux choses.
D'abord, la proposition doit être adoptée dans son intégralité. La stratégie antitabac implique plusieurs partenaires. Vous êtes d'accord avec moi à ce sujet, car vous avez vu les budgets.
La situation est qu'il y a une recrudescence de la contrebande de cigarettes dans les grands centres urbains. Il y a des infractions liées à trois régimes. Premièrement, il y a des paquets de cigarettes vendus sans l'étiquetage réglementaire. Cela concerne Santé Canada. Quand cette contrebande fleurit, le gouvernement ne perçoit pas la taxe d'accise. Bien sûr, cette taxe n'est pas perçue par Santé Canada. Elle est perçue par l'Agence du revenu du Canada. Le troisième genre d'infraction, c'est l'entrée au Canada, ces temps-ci, de paquets de cigarettes contrefaites qui viennent principalement de Chine.
Tout cela porte atteinte à l'intégrité de la stratégie de Santé Canada, et l'on ne peut avoir une vision parcellaire. Santé Canada a une part de responsabilité, de même que Revenu Canada et la GRC.
Cette motion a été présentée au Comité permanent des finances, et j'espère qu'elle sera votée à 11 heures. Elle a également été présentée par mon collègue Serge Ménard au Comité de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile. Si on l'adopte aux trois comités, les trois présidents feront rapport et nous aurons des outils. Nous demandons au gouvernement d'être plus vigilant.
Je ne veux pas sous-entendre que le gouvernement ne fait rien. Ce serait malhonnête. Il y a présentement 45 inspecteurs à Santé Canada, dont 12 pour le Québec. Je pense néanmoins qu'on accueille les plaintes individuellement et qu'il n'y a pas eu d'intervention d'ensemble.
Je répète qu'au Canada anglais et au Québec, depuis trois semaines, il y a chaque jour des reportages télévisés où on parle de journalistes qui ont pu se procurer des paquets de cigarettes sans l'étiquetage réglementaire dans des points de vente autorisés. Et je ne vous parle pas de ce qui se passe dans les réserves.
Je pense que cette proposition s'attaque à l'ensemble du problème. Santé Canada fera sa part pour la partie qui le concerne, soit la Loi sur le tabac. Le ministère des Finances fera sa part, comme l'Agence du revenu et la GRC. J'estime que c'est dans l'intérêt des Québécois et des Canadiens.
[Traduction]
La présidente: J'ai l'impression que les problèmes que vous soulevez pourraient être facilement résolus si nous les soumettions aux deux autres comités.
Nous sommes tous conscients, je pense, que le ministre de la Santé ne va pas embarquer sur un bateau pour poursuivre les trafiquants, mais par ailleurs, je n'estime pas qu'il est mal que le Comité des finances se préoccupe principalement de tabac. Je ne vois rien de mal là-dedans.
Monsieur Merrifield, puis monsieur Thibault.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC): À ce sujet, je dois dire que la troisième partie, celle qui a été retirée, me posait problème. Quant au reste, ça me convient. Nous avons parlé de la Loi sur le tabac à ce comité. Le trafic de tabac, la contrebande, tout ce qui va à l'encontre de la Loi sur le tabac doit donc relever de notre compétence. Certes, Santé Canada n'a pas de rôle direct à jouer dans la contrebande de tabac, mais nous nous occupons de cette question. Je pense qu'il est tout à fait approprié que nous le fassions et je suis d'accord avec cette idée.
La présidente: Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Je voudrais dire une dernière chose, soit que nous nous intéressons effectivement aux questions touchant au tabac, à la sécurité des Canadiennes et des Canadiens, aux conseils à donner à la population, aux fabricants et à toutes les questions de sécurité. En revanche, il est ici essentiellement question de contrebande. Toute la motion concerne essentiellement la contrebande et j'estime que les autres comités seraient mieux placés pour s'en occuper, surtout celui de la justice qui est chargé de ces questions là.
Il est vrai qu'on pourrait penser a priori que nous nous occupons de ces choses-là, mais ce ne serait pas sans conséquences si nous le faisions. Si tous les comités commencent à formuler les mêmes motions en même temps, nous allons nous retrouver avec six rapports différents sur la même chose et avec 18 heures de débat en Chambre sur la même question et sur le même genre de rapports. J'estime que les comités doivent se montrer un peu responsables et étudier les motions dont ils sont saisis afin de voir si elles relèvent vraiment de leur compétence.
Sinon, nous allons bloquer les travaux de la Chambre. Compte tenu des règles actuelles de fonctionnement à la Chambre, toute motion qui donne lieu à la rédaction d'un rapport débouche sur trois heures de débat. Nous pourrions avoir trois rapports de trois comités différents portant sur le même sujet et nous devrions tenir neuf heures de débat sur la même chose. Nous devons prendre nos responsabilités au sérieux et nous demander ce qu'il y a de mieux à faire dans un tel cas.
Personnellement, j'estime que si la même motion se retrouve au Comité de la justice, c'est le Parlement qui, en fin de compte, tranchera. Je ne vois pas pourquoi nous devrions faire du travail en double à notre niveau, puisque nous ne pourrons avoir que peu d'effets sur les aspects traités dans cette motion, si ce n'est dans le cas de l'inspection des fabriques de tabac.
La présidente: Le raisonnement de M. Thibault est logique et nous pourrions, certes, éviter six heures de débat supplémentaires si nous pouvions nous entendre pour que ce comité ne demande pas l'acceptation de cette motion étant donné qu'elle pourrait donner lieu à un débat supplémentaire.
Á (1115)
L'hon. Robert Thibault: N'importe quel député peut le faire.
La présidente: Certes, mais les députés peuvent parler au nom de leur propre parti en matière de santé. Si le Comité de la justice veut également traiter de cette question, nous devrons en débattre en Chambre, dans la mesure où nous ne le faisons pas ici, parce que les organismes dont nous nous occupons ne sont pas responsables de l'application de cette dimension de la loi.
[Français]
M. Réal Ménard: D'abord, la Chambre est là pour débattre des questions qui préoccupent les Canadiens. Ne partons pas du principe qu'il y aura trop de débat. Nous craignons plutôt qu'il n'y en ait pas assez. Nous ne craignons pas qu'il y en ait trop.
Deuxièmement, j'espère que M. Thibault comprendra que ce qui est en cause est la Loi sur le tabac. Les paquets de cigarettes sont vendus sans l'étiquetage réglementaire, ce qui contribue à la contrebande. Cela interpelle Santé Canada.
On nous a expliqué la lutte contre le tabac. Tous les partenaires que j'ai mentionnés participent à la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. De plus, tous ces partenaires participent à la Stratégie canadienne antidrogue.
Je tiens à ce qu'il y ait un vote et à ce qu'on adopte ce rapport. Santé Canada a un rôle à jouer. Son système d'inspectorat n'est pas à la hauteur. Il ne permet pas de faire une saine vérification, puisque beaucoup de paquets de cigarettes sont vendus sans l'étiquetage réglementaire. Je pense que nous devrions voter sur cette motion et que vous devriez faire rapport à la Chambre. Le Bloc québécois peut demander le consentement pour qu'il y ait seulement trois heures de débat sur l'ensemble des rapports. Nous pouvons nous arranger.
Je pense qu'il faut voter au Comité permanent de la santé, au Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile et au Comité permanent des finances, puisque cela a trait à l'ensemble des phénomènes.
[Traduction]
L'hon. Brenda Chamberlain (Guelph, Lib.): À l'exclusion de la partie trois, n'est-ce pas?
La présidente: À l'exclusion de la partie trois.
(La motion est acceptée [voir le Procès-verbal].)
[Français]
L'hon. Robert Thibault: Mais ce n'est pas la responsabilité du comité...
[Traduction]
La présidente: Merci d'avoir exprimé vos opinions, nous sommes dans les temps.
Comme nous devons entendre des témoins de même qu'une autre motion de Mme Demers, je vais recommander que, plutôt que de passer une heure sur les deuxième et troisième parties de notre ordre du jour, nous nous limitions à 45 minutes par partie. Cela nous laissera assez de temps à la fin pour entendre la motion de Mme Demers.
Puis-je inviter nos témoins à s'avancer?
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Madame la présidente, nous attendons que ces témoins comparaissent devant le comité depuis un certain temps déjà. Avec 45 minutes, tous les députés n'auront pas la possibilité de poser les questions qu'ils veulent.
La présidente: Nous avons déjà reçu ces témoins, mais si c'était leur première visite je serais d'accord avec vous.
Je suggère que vous acceptiez une réduction du temps réservé aux questions. Je me suis entretenue avec M. Merrifield et je lui ai demandé si nous ne pourrions pas réduire le temps réservé à la première série de questions à huit minutes, et j'aimerais savoir si nous ne pourrions pas passer de cinq minutes à quatre minutes. Cela vous va-t-il?
M. Rob Merrifield: L'autre possibilité serait de réserver une heure à ces gens là et de faire venir M. Bernstein pour qu'il nous présente son dossier, parce qu'il s'agit d'un examen de la situation. Nous pourrions alors réduire le temps de nos questions à ce moment-là. Cela pourrait faciliter les choses. Pourquoi ne pas essayer?
La présidente: Effectivement, c'est une autre possibilité.
Eh bien, nous allons voir comment nous nous en sortons. Essayons d'abord par appliquer cette nouvelle limite de temps.
L'hon. Robert Thibault: Madame la présidente, j'estime que quatre minutes ce n'est pas beaucoup. Cinq minutes c'est déjà très peu pour nous permettre de contre-interroger les témoins ou de leur poser des questions, et voilà que vous ramenez cela à quatre minutes.
L'hon. Brenda Chamberlain: Dans ce cas-là, Mme Demers ne pourra pas déposer sa motion.
L'hon. Robert Thibault: Nous pourrions traiter de la motion à la prochaine réunion.
La présidente: À moins que M. Bernstein n'ait besoin que de 15 minutes. Si vous n'avez pas de question à lui poser...
L'hon. Brenda Chamberlain: Je pense que nous devrions suivre la présidente. Votons!
[Français]
Mme Nicole Demers (Laval, BQ): Madame la présidente, je vous assure que ma motion ne sera pas très longue. Cela ne nous prendra pas beaucoup de temps. Je pense que nous aurons assez de huit à dix minutes pour débattre de ma motion et pour en arriver à une décision à ce sujet.
M. Réal Ménard: Ne pourrions-nous pas voter maintenant sur la motion de Mme Demers? Ainsi, ce serait fait.
Mme Nicole Demers: Ce ne sera pas très long.
[Traduction]
La présidente: Pouvons-nous le faire maintenant?
Des voix : D'accord!
La présidente : Eh bien, chers témoins, je vais changer d'avis. Je vais vous inviter à être un peu patients et à conserver vos places pendant que nous traitons d'une autre motion.
Nous avons reçu l'avis de motion à temps. Tout est en règle et, madame Demers, je vous invite à présenter votre motion, puis à la proposer.
[Français]
Mme Nicole Demers: D'accord. Je vais simplement vous faire un bref historique.
La vente des implants mammaires au gel de silicone et au soluté physiologique a débuté en 1962 au Canada. Du début des années 1980 jusqu'à 1992, il y a eu plusieurs plaintes de femmes qui affirmaient souffrir de maladies auto-immunes à la suite de fuites de silicone dans leur corps. Au début des années 1980, M. Pierre Blais, un scientifique de Santé Canada qui avait dénoncé les risques associés aux implants mammaires, a été congédié. Il a par la suite été réintégré dans son poste par ordre de la cour.
Il y a aussi Mme Nirmala Chopra, qui avait dénoncé l'absence d'études et l'approbation automatique des licences pour les implants mammaires, qui a été congédiée à la fin des années 1970.
En 1992, Santé Canada a demandé au fabricant de cesser de vendre ses implants au Canada en attendant la réalisation d'autres études. En 1997, le Dr Gordon Robinson, dans une étude de 300 cas consécutifs, constatait un taux plus de 70 p. 100 de rupture ou de dégradation importante des implants après un recul de 14 ans.
Présentement, beaucoup de femmes victimes d'un cancer du sein, qui ont pourtant un système immunitaire défaillant, se voient proposer des reconstructions mammaires au moyen de prothèses remplies de solution saline dans une enveloppe de silicone. Je suis l'une de celles-là. Je le sais, car on me l'a proposé. Compte tenu de leurs dispositions personnelles et individuelles, cette silicone peut causer chez ces femmes une symptomatologie appelée la siliconose. La silicone est toxique. Il y a eu 20 000 victimes au Québec, dont 800 à 900 faits connus. Il y en a eu beaucoup plus dans tout le Canada.
Les 22 et 23 mars derniers, Santé Canada a réuni à huis clos, pendant deux jours, un comité d'experts pour discuter des enjeux actuels et nouveaux relatifs à la sécurité et à l'efficacité des implants mammaires. Deux des consultants du groupe d'experts, le Dr Michael A. Brook, de l'Université McMaster de Hamilton, et le Dr Brandon, qui est professeur adjoint à la recherche en chirurgie plastique et reconstructive à l'Université de Washington, participaient à cette rencontre. Ils étaient considérés comme des experts. Ils seraient rémunérés par Inamed, une des deux firmes qui veulent obtenir des licences pour ces implants mammaires.
C'est pour cela que nous déposons une motion. Il y aura d'autres rencontres. Nous voudrions avoir l'ensemble des transcriptions de cette rencontre et des documents qui ont été déposés à ce moment-là. Nous voudrions aussi avoir la possibilité d'être présents aux prochaines rencontres, parce que c'est vraiment une tragédie. Si on accepte de réintroduire les implants mammaires au gel de silicone, ce sera vraiment une tragédie pour l'ensemble des femmes du Canada.
Des voix: Bravo!
Á (1120)
[Traduction]
La présidente: Pouvez-vous la proposer, madame Demers?
[Français]
Mme Nicole Demers: Oui, je la propose, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Merci.
La motion a été dûment proposée.
Si vous me le permettez, j'aimerais vous poser une question. Vous avez dit que le Dr Brandon est salarié d'un des manufacturiers qui a demandé un permis. Y a-t-il quelqu'un d'autre dans cette situation?
Ms. Nicole Demers: Le Dr Brook.
La présidente: Le Dr Brook également.
Merci beaucoup.
[Français]
Mme Nicole Demers: Oui.
Madame la présidente, je n'en ai pas la preuve ici, mais ils ont comparu devant un comité sénatorial aux États-Unis quelques semaines après être venus ici. À ce moment-là, ils ont admis être rémunérés par Inamed.
Une voix: Incroyable! Unbelievable!
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Thibault.
[Français]
L'hon. Robert Thibault: Je voudrais indiquer que Santé Canada n'est aucunement en désaccord sur cela. On pourrait présenter au comité toutes les informations. On organise même maintenant des audiences publiques, auxquelles on aura la chance de participer. On créera un panel et on inclura des gens qui ont participé à ce panel pour que le public puisse s'exprimer. La documentation qui a été reçue par les experts-conseils apparaîtra sur le site web de Santé Canada et sera largement diffusée au public en général.
Le ministère serait très content de faire parvenir ces informations au comité, à l'exception des informations qui sont la propriété protégée des compagnies, qu'on ne peut pas diffuser.
Mme Nicole Demers: Pouvez-vous nous faire parvenir les transcriptions des délibérations?
L'hon. Robert Thibault: Absolument. Ce sera fourni en même temps. Comme je le disais, on ne pourra pas vous fournir certaines informations qui sont la propriété des industries.
Mme Nicole Demers: Je comprends.
Pouvons-nous voter, madame la présidente?
( La motion est adoptée.)
[Traduction]
La présidente: Merci, madame Demers de si bien suivre tout cela.
L'hon. Robert Thibault: Madame la présidente, compte tenu de ce que M. Merrifield a recommandé plus tôt, comme le temps que nous allons pouvoir réserver au Dr Bernstein risque d'être relativement limité et que le Dr Bernstein est présent dans cette pièce, je pense que nous devrions commencer par l'entendre. Ce faisant, vous n'auriez plus de problème pour le temps à consacrer à la deuxième partie de notre séance. Vous savez que vous devez vous absenter.
Á (1125)
M. Rob Merrifield: J'estime que nous devrions plutôt entendre les témoins du premier groupe après quoi, si nous avons encore du temps, nous pourrons passer à autre chose. Les choses pourraient aller vite.
La présidente: Êtes-vous d'accord pour huit minutes et quatre minutes? Si vous n'êtes pas d'accord avec cela, si vous pensez que ce n'est pas assez, veuillez lever la main.
Une voix : Cinq.
Une voix : Cinq et quatre?
La présidente : Je vois que deux personnes qui s'opposent. Tous les autres sont d'accord avec huit et quatre?
L'hon. Robert Thibault: Nous ne sommes pas d'accord. Pas quatre minutes, c'est illogique. Nous devons parler d'un sujet très important.
La présidente: C'est ce que vous pensez. Personnellement, j'estime que huit minutes et quatre minutes, ça suffit, et je demande que l'on vote à ce sujet. Que ceux qui sont opposés à huit minutes et à quatre minutes lèvent la main. Je vois quatre mains en l'air.
Que ceux qui sont d'accord lèvent la main.
Eh bien, nous allons revenir à dix minutes et cinq minutes, parce que pas assez de députés sont d'accord avec l'autre solution.
Qui d'entre vous va commencer?
M. Shiv Chopra (à titre personnel): Merci, madame la présidente. Nous sommes prêts et nous sommes à votre disposition.
Nous sommes reconnaissants à M. Ménard pour avoir déposé sa motion au comité. Nous sommes reconnaissants à ce comité pour avoir souhaiter nous entendre sur les circonstances qui ont conduit à notre renvoi par la direction de Santé Canada.
Je dois dire, d'entrée de jeu, que la question dont vous êtes saisi se trouve actuellement devant le conseil du travail et que nous allons donc nous abstenir de faire des commentaires au sujet du renvoi en tant que tel, ce qui n'empêche que nous sommes tout à fait disposés à vous parler de tout ce qui appartient déjà au domaine public et de répondre à vos questions sur ce plan.
Je dois vous dire, pour commencer, que les circonstances de notre renvoi ne datent pas d'hier, puisqu'elles prennent racine il y a 15 ans voire plus. Tout cela tient à des pressions qui ont été exercées sur nous pour faire adopter des médicaments dont la sécurité était douteuse. Cela nous ramène donc au début de 1988 à propos de deux médicaments en particuliers qui posaient des risques sur le plan de la production alimentaire canadienne. Le premier est l'hormone de croissance bovine et l'autre est le Baytril, un antibiotique. J'ai eu à traiter ces deux dossiers et je me suis objecté à l'adoption de ces médicaments pour des questions de sécurité de la personne, parce que j'étais alors à la division de la sécurité humaine.
Les trois témoins que vous avez devant vous, bien qu'ayant vécu des expériences différentes, ont tous tiré la sonnette d'alarme au sujet de l'hormone de croissance bovine qui n'a finalement pas été approuvée au Canada. L'Union européenne a suivi l'exemple du Canada. L'hormone a été bannie en Europe, bien que son approbation ait été recommandée dans un premier temps, mais après l'action du Canada, les Européens l'ont rejetée. Il nous revient donc un certain crédit à ce titre—et au Parlement du Canada également—parce que nous sommes intervenus et que nous avons fait ce qu'il fallait faire. Nous avons de la chance que ce médicament n'ait pas été approuvé au Canada.
Le deuxième médicament était encore plus controversé. Il s'agit d'un antibiotique qui produit une résistance croisée contre un antibiotique critique nécessaire à l'homme appelé Ciprofloxacine. Il appartient à la même classe que ce dernier. Employé chez le poulet, le boeuf, le dindon, le porc ou d'autres animaux de ferme, il provoque une résistance croisée au niveau de l'intestin. À cause de cela, des bactéries comme la salmonelle, la campylobactérie ou le colibacille sont transférées à l'homme chez qui ils peuvent occasionner une morbidité voire une mortalité.
C'est le dossier dont je me suis occupé personnellement à partir de 1988, et j'ai fait l'objet de pressions parce que les Américains avaient approuvé ce médicament en 1995. Moi, je ne voulais pas l'approuver et je ne l'ai jamais approuvé.
On m'a demandé de rédiger un rapport. L'affaire est remontée jusqu'au sous-ministre et on m'a spécifiquement demandé de rédiger un rapport. C'est ce que j'ai fait sur le thème des difficultés que soulevait l'approbation du Baytril pour la sécurité humaine. J'y ai fait ressortir la corruption qui régnait dans mon ministère, jusqu'à l'échelon du sous-ministre, David Dodge.
Deux ou trois jours après que nous avons comparu devant ce comité à propos du projet de loi C-28, la dernière fois, vous avez invité des fonctionnaires de Santé Canada parmi lesquels un lobbyiste du nom de Dittberner. Nous n'étions pas là, mais nous avons lu leurs déclarations.
Á (1130)
Nous avons été très troublés par les fausses déclarations et les impérities de déclarations qu'on vous a faites, par les déclarations trompeuses de Diane Kirkpatrick, directrice générale qui nous a congédiés pour insubordination.
Jusqu'ici, nous n'avons pas parlé des causes réelles de l'insubordination. Malheureusement, le premier ministre en a parlé et, dans la lettre qu'il a adressée à le sénateur Spivak, il a même indiqué qu'il avalisait la décision de Santé Canada. Nous estimons que cette déclaration du premier ministre est très regrettable parce que nous sommes en plein dans l'arène politique et qu'il faudrait examiner de près les circonstances de notre congédiement. Nous sommes des fonctionnaires. Nous ne prenons pas pour un parti ou pour un autre. Notre travail consiste à servir la population en étant apolitiques.
C'est ainsi que nous nous conduisons depuis toujours. Si la santé et la sécurité publique sont mis en danger à cause de la façon dont nous nous acquittons de notre travail, nous sommes directement responsables. Si nous n'agissons pas dans le respect de la santé et de la sécurité, nous pouvons être tenus pour responsables et nous retrouver en prison.
Nous avons appris dans les médias que l premier ministre s'était déclaré d'accord avec Santé Canada, mais il se trouve que nous faisons partie de ce ministère et le premier ministre aurait dû, soit attendre l'avis de la cour pour se prononcer, soit nous consulter également. Nous avons estimé que cette déclaration du premier ministre était totalement injuste.
Nous ne sommes pas en train de dire que le premier ministre a agi de façon délibérée, parce qu'à cause de leur proximité du pouvoir, les hauts fonctionnaires ont l'oreille des politiciens.
Nous avons appris, en lisant les déclarations du juge Gomery ces deux ou trois derniers jours, comment fonctionne la corruption. Le juge Gomery parle d'une corruption qui se chiffre en quelques centaines de millions de dollars. Nous, nous parlons d'une corruption vieille de plusieurs années, qui touche à l'approvisionnement alimentaire canadien, aux emplois dans l'agriculture et au fait que les fonctionnaires que nous sommes se retrouvent en plein milieu de la bataille.
J'ai travaillé 35 ans pour le ministère, mon collègue le Dr Lambert a été fonctionnaire 31 ans et le Dr Haydon a travaillé 22 ou 23 ans pour Santé. Songez donc que les trois fonctionnaires que nous sommes, qui ont accumulé beaucoup d'ancienneté au ministère, ont tous été congédiés le même jour pour la même raison : pour insubordination, à cinq minutes d'écart, pendant que tous trois étaient en congé de maladie prolongé à cause du stress que nous avait fait vivre la même directrice générale. Un quatrième fonctionnaire est même décédé des suites de ce stress.
Nous avons lu les déclarations de Mme Kirkpatrick quand elle a comparu devant vous, à votre demande. Elle était directrice générale de la Direction des médicaments vétérinaires. Elle a déclaré devant votre comité—et à plusieurs reprises dans les médias—que tout dans la nature est chimique et dangereux, mais que ce n'est qu'une question de concentration.
Je suis horrifié. J'ai honte qu'une directrice générale puisse faire de telles déclarations devant un comité et vous dire que vous pouvez avaler des substances cancérigènes quand on sait qu'une seule molécule qui se fixe sur la cellule appropriée peut provoquer un cancer et occasionner des troubles de la reproduction. C'est cette même directrice générale qui a depuis démissionné du ministère et qui—c'est connu—a déclaré vouloir suivre une formation de puéricultrice.
Elle était directrice générale. Elle n'avait aucune qualification. D'un autre côté, c'est elle qui a congédié trois scientifiques très qualifiés qui ont collectivement accumulé plus de 90 années d'expérience au sein du ministère et c'est elle qui a démissionné par la suite et qui peut s'en aller sans avoir à rendre de compte.
Á (1135)
Madame la présidente, voilà ce que nous avions à déclarer avant tout au sujet des circonstances de notre renvoi. Cela fait 15 ans qu'on en parle, nous avons écrit à tous les premiers ministres depuis, nous avons écrit à de nombreux ministres, nous sommes allés devant les médias, nous sommes allés partout. Que devons-nous faire?
Merci. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons passer aux questions.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield: Je vais partager mon temps avec M. Lunney, cinq minutes et cinq minutes.
Je veux commencer parce que ce que vous venez de déclarer à notre comité est alarmant. Nous avons entendu d'autres témoignages tout aussi inquiétants quand nous effectuions une étude sur l'approbation des médicaments à Santé Canada et sur des documents qui avaient été falsifiés. Il y a également eu des problèmes du côté des essais cliniques des pharmacothérapies. Ce genre de témoignages nous amène effectivement à nous intéresser à ce qui se passe à Santé Canada.
Je ne veux pas entrer dans les détails, parce que cette cause est devant un tribunal, et qu'elle sera tranchée par la justice. La dernière fois que vous avez comparu devant nous, vous avez parlé des deux produits que vous avez mentionnés, mais aussi du problème de l'ESB. À l'époque, vous aviez dit avoir prévenu Santé Canada à ce sujet en insistant sur le fait que le fait de donner à du bétail des moulées faites à partir de carcasses de ruminants risquait de répandre la maladie de la vache folle. Vous avez alerté Santé Canada à cette époque. Est-ce que je me trompe?
M. Shiv Chopra: Tout à fait. D'ailleurs, j'ai même une lettre du président de notre syndicat, datée du 16 décembre 1997, qui est une lettre ouverte adressée au premier ministre Jean Chrétien dans laquelle on peut lire que les problèmes à Santé Canada sont tellement graves que l'EBS pourrait survenir au Canada. Nous l'avions prédit parce que nous sommes des scientifiques. Nous savions ce qui s'était passé en Europe et comme nous ne nous étions pas préoccupés de cette affaire au Canada; nous savions que nous allions y avoir droit. Nous avons piloté ce dossier. J'ai cette lettre avec moi. Cela remonte à 1997, et nous avons tous les quater écrit au sous-ministre adjoint Gorman pour lui dire : Voici ce qui se passe, voici comment enrayer ce problème, parce que c'est comme cela que les Européens s'y sont pris. Il suffisait d'arrêter de nourrir des animaux avec des restes d'animaux pour que l'ESB soit automatiquement éradiquée. On n'a pas tenu compte de notre avis.
Nous avons alors écrit à la ministre de la Santé de l'époque, Anne McLellan.
M. Rob Merrifield: N'est-ce pas à partir de cela que nous avons changé le protocole en 1997?
M. Shiv Chopra: Voilà une autre déclaration trompeuse du ministère de la Santé. Le ministère répète sans cesse qu'il a imposé un protocole. Malheureusement, vous pouvez toujours interdire aux gens de conduire à plus de 100 kilomètres à l'heure sur la 401, mais si vous n'avez pas de policiers pour émettre de contraventions...
M. Rob Merrifield: Vous nous dites que cette interdiction n'a pas été appliquée et que nous n'avons aucune façon de savoir si elle l'a été ou pas.
M. Shiv Chopra: L'interdiction était volontaire. On demandait aux gens de ne pas nourrir le bétail avec des moulées à base de restes de ruminants. L'interdit n'a pas été respecté.
M. Rob Merrifield: Parfait. Avant cela, quand avez-vous alerté le ministère quant aux risques qui se posaient? Était-ce juste après les incidents en Grande-Bretagne?
M. Shiv Chopra: Nous avons prévenu le ministère des risques qui se posaient dès 1997.
M. Rob Merrifield: Bien. Ainsi, c'est à peu près à la même époque que le ministère a appliqué son interdit.
M. Shiv Chopra: Tout le monde en parlait et nous disions que le problème pouvait surgir au Canada parce que les Européens avaient été frappés et que nous faisions exactement les mêmes erreurs ici. Nous exhortions donc les autorités à faire quelque chose à ce sujet.
La FAO avait dit qu'il fallait faire quelque chose, mais le Canada ne s'en est jamais préoccupé. Le Canada importait d'Europe, d'Angleterre, des moulées faites de restes d'animaux pour nourrir nos ruminants. Le ministère a bien émis un avis pour interdire ce genre de pratique, mais il n'a mis aucun contrôle en place. Il n'a poursuivi personne. Tout a continué. Aujourd'hui encore, on pratique l'hématoplagie. Voilà ce qui se produit de nos jours. Il n'y a pas d'interdit.
Et puis, quand le problème est survenu, nous avons émis des conseils sur la façon de le régler. Nous avons dit que si l'on n'agissait pas tout de suite, la maladie se répandrait. En agissant, elle aurait complètement disparu du Canada en cinq ou six ans. On n'a pas tenu compte de nos avis.
Nous avons écrit à Anne McLellan qui, devant les caméras de la télévision, a déclaré que c'était la première fois qu'elle entendait parler de dissensions internes. Eh bien, je suis désolé, elle était ministre de la Justice. C'était elle qui avait dépêché ses avocats pour nous combattre pendant des années. Elle a également été ministre de la Santé et elle est maintenant vice-première ministre. Pourquoi est-ce que personne ne parle au Canada? Le gouvernement du Canada fait actuellement l'objet d'une poursuite de 7 milliards de dollars. S'il avait écouté ce que nous avons dit au sujet de l'ESB au Canada... Même aujourd'hui, nous continuons à dire que si l'on fait ceci ou cela, il sera possible d'enrayer complètement l'ESB et de permettre la réouverture des frontières au boeuf canadien. Mais nous ne le faisons pas à cause de la corruption. Nous acceptons cette corruption collective. Nous jouons le jeu des intérêts américains plutôt que des intérêts canadiens. C'est ça ce que nous faisons au Canada.
Á (1140)
M. Rob Merrifield: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney: Merci, madame la présidente.
Je dois dire à nos trois témoins, qui sont des scientifiques ayant de longs états de service, que les membres du comité ont été particulièrement scandalisés par leur renvoi survenu pendant l'été qui a suivi l'élection, quand le Parlement ne siégeait pas et que nous étions loin d'Ottawa.
Vous venez de soulever des problèmes très graves. Je vais revenir à la situation d'une de vos anciennes collègues, Michèle Brill-Edwards, qui était responsable de la division des produits pharmaceutiques et qui a démissionné il y a quelque temps. Elle a prétendu, à l'époque, qu'il y avait de graves difficultés au sein de la Direction générale de la protection de la santé, devenue depuis la Direction générale des produits de santé et des aliments, à cause des fabricants qui intervenaient de façon persistante et délibérée. Êtes-vous au courant de telles interventions directes de la part de fabricants auprès de fonctionnaires de Santé Canada?
M. Shiv Chopra: Michèle Brill-Edwards et moi-même étions collègues, puisque, pendant 18 ans, j'ai travaillé dans le domaine des médicaments d'application humaine. On commence à voir certains des problèmes qui surgissent aujourd'hui, avec les oreillons et la rougeole notamment. Les vaccins destinés à combattre ces maladies me sont passés entre les mains, mais je m'étais opposé à la façon dont ils étaient utilisés. Je m'en tiendrai là.
Une compagnie du nom d' a porté plainte contre moi et cette cause se trouve à présent devant le Tribunal canadien des droits de la personne. Les fabricants disent qu'ils ne travaillaient pas uniquement pour leurs intérêts commerciaux.
Nous disons que les pressions qui s'exercent sur nous ne viennent pas directement des compagnies, mais plutôt du Conseil privé et qu'elles sont délibérées. Le Conseil privé, c'est le cabinet du premier ministre, c'est le cabinet au complet, c'est le greffier du Conseil privé, c'est le sous-ministre et tous les autres. Nous sommes soumis à des pressions et c'est ainsi que nous avons été congédiés.
M. James Lunney: Michèle Brillé-Edward a déclaré que certains dossiers à propos desquels elle entretenait des réserves scientifiques fondées avaient été traités de façon accélérée par des bureaucrates qui n'avaient aucune connaissance scientifique et qui ne se souciaient pas du tout de l'aspect scientifique du travail. Ainsi, d'un côté, certaines approbations étaient retardées tandis que d'autres étaient accélérées, à l'encontre de préoccupations légitimes.
Elle a laissé entendre que les pressions venaient de... Vous disiez que vous aviez l'impression que ces pressions venaient des échelons supérieurs du CPM?
M. Shiv Chopra: Du BCP, pas du CPM. Je dis que c'est le Conseil privé et nous ne savons pas si quoi que ce soit venait du cabinet du premier ministre. Il s'agissait du BCP parce que nous sommes des fonctionnaires. Les pressions nous venaient directement du Conseil privé.
M. James Lunney: Très bien, du Conseil privé. Je vous remercie.
Ce faisant, Paul Cochrane, qui est un ancien...
Mme Margaret Haydon (à titre personnel): Je vais vous donner un exemple. Avant que nous ne nous présentions devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts au sujet de l'hormone de croissance recombinante bovine, un fonctionnaire du Conseil privé nous a conseillé sur ce que nous devions dire au Sénat.
M. James Lunney: C'est intéressant que vous ayez besoin de conseils, vous qui êtes des scientifiques.
L'un de vos anciens collègues à Santé Canada, Paul Cochrane, qui a été sous-ministre adjoint...
Excusez-moi, pourriez-vous d'abord nous donner le nom de cette personne, docteur Haydon?
Mme Margaret Haydon: La personne du Conseil privé? Malheureusement, je ne m'en souviens pas.
M. James Lunney: Très bien. Merci beaucoup.
Revenons-en à M. Cochrane qui est en train de purger une peine de prison parce qu'il a reçu des avantages financiers directs de laboratoires, comme des VLT, des tickets pour une valeur de 15 000 $, des voyages dans les Caraïbes et ainsi de suite. Savez-vous si d'autres fonctionnaires de Santé Canada ont éventuellement été achetés par des cadeaux ou d'autres formes de dédommagements financiers venant des fabricants?
Á (1145)
M. Shiv Chopra: Commençons par parler de Paul Cochrane. J'ai déposé plusieurs plaintes pour racisme à Santé Canada, pas uniquement contre le ministère, mais aussi contre la Commission de la fonction publique et contre le Conseil du Trésor. Il s'agit de la célèbre cause Alliance de la Capitale nationale sur les relations interraciales c. Canada. Nous l'avons gagnée. Elle a été la plus importante mise en accusation du gouvernement du Canada en matière de racisme contre des minorités visibles à la suite d'une plainte concernant essentiellement le ministère de la Santé et moi-même.
À la suite de l'ordonnance du tribunal, Paul Cochrane a été nommé pour veiller à l'application de cette ordonnance. Or, c'est lui et lui seul qui m'a suspendu cinq jours sans paie sous prétexte que j'avais critiqué le ministère parce qu'il n'avait pas appliqué l'ordonnance et qu'il s'était placé en situation d'outrage au tribunal. J'ai parlé de cette ordonnance à Paul Cochrane, quand nous nous sommes rencontrés, et il m'a alors demandé ce que pouvait signifier un outrage au tribunal. L'un de mes collègues lui a répondu que cela pouvait lui valoir deux ans en prison. Il a rit en disant qu'il n'aimerait certainement pas s'y retrouver. Nous savons maintenant ce qui est advenu de Paul Cochrane.
Diane Kirkpatrick a été filmée par les caméras de la télévision anglaise de Radio-Canada dans l'émission The Nature of Things en train de recevoir des cadeaux lors d'une émission de David Suzuki sur la maladie de la vache folle.
Il a été question d'une autre personne dans cette émission : Gordon Dittberner. À cette époque, David Dodge lui avait remis 20 000 $ sous la forme de deux contrats de 10 000 $ chacun. Il s'agit d'un lobbyiste qui s'est autoproclamé ambassadeur du Canada en Chine sur toutes les questions traitant de l'introduction d'aliments génétiquement modifiés. Il a comparu devant votre comité et a déclaré que les hormones ne posent pas de danger. Il est vétérinaire. Je suis horrifié de voir qu'un homme comme lui puisse tromper le Comité de la santé au sujet d'hormones qui ont été interdites en Europe. Elles causent le cancer. Or, voilà qu'il vient vous dire, à vous membres du Comité de la santé, que le fait de donner des hormones à des animaux est sans risque.
Pourtant, des femmes attrapent le cancer et présentent les troubles de reproduction. Voilà le genre de chose dont nous parlons entre scientifiques, de problèmes de santé pour les enfants, pour les petits-enfants et les femmes enceintes. Et voilà ces gens-là qui ont le culot de venir vous raconter que les hormones ne posent pas de danger et que les antibiotiques sont sûrs, même si des excès d'antibiotique provoquent des décès dans les hôpitaux. C'est ce que l'on vient vous dire.
La présidente: Merci, monsieur Lunney.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Bonjour.
Madame la présidente, vous conviendrez que ce n'est pas un témoignage banal.
Il est assez troublant de se rendre compte que, dans une fonction publique qu'on prétend sophistiquée, à l'abri de... Vous avez employé le mot « corruption », mais je vous invite à faire preuve d'un peu de prudence. En tout cas, il y a eu une ingérence indue et on aurait dû respecter votre expertise de scientifique. Je ne crois pas que beaucoup de professionnels de la fonction publique accepteraient le type d'ingérence dont vous avez été l'objet.
Je veux m'assurer de bien comprendre. Rappelez-nous la chaîne de commandement. Premièrement, au moment où ces événements se sont passés, de quelle direction générale du ministère de la Santé releviez-vous précisément?
[Traduction]
M. Shiv Chopra: C'était à la Direction des médicaments vétérinaires, qui s'appelait avant le Bureau des médicaments vétérinaires à la Direction des médicaments.
[Français]
M. Réal Ménard: D'accord. Si je comprends bien, on a exercé des pressions sur vous afin que vous donniez votre accord, votre aval à un processus tendant à l'homologation d'un produit qui aurait été disponible sur le marché, alors que vous aviez l'intime conviction qu'il n'était pas souhaitable, pour la santé des Canadiens, d'aller dans cette direction. Il s'agissait d'hormones de croissance pour des animaux
Rappelez-nous précisément le type de trafic d'influence et d'ingérence que vous avez subi.
Á (1150)
[Traduction]
M. Shiv Chopra: À l'époque, l'un de ces médicaments était la Tylosine. La tylosine est une classe d'antibiotiques à laquelle appartient l'Érythromycine. L'Érythromycine est un antibiotique critique utilisé chez les enfants. Si vous utilisez un autre antibiotique de la même catégorie, comme la Tylosine et tque celle-ci produit une résistance à certaines bactéries, les bactéries deviennent résistantes à l'Érythromycine. C'est le genre de chose qui se produit. Dans une présentation concernant ce médicament, il était question d'en donner à des animaux qui recevaient des hormones afin d'éviter qu'ils ne développent d'abcès dans les oreilles, là où on faisait les injections d'hormones. De plus, on leur administrait de la tylosine.
Je vais céder la parole à mon collègue Gérard Lambert parce qu'à cette époque, c'est lui qui s'occupait de ce dossier. Ensuite, le dossier a été transmis à Chris Bassude qui est mort à ce moment-là, puis à moi. Chris avait été rétrogradé. Tout ce qu'il voulait, c'était qu'on lui accorde une réunion, mais cela lui a été refusé, après quoi il a subi de nombreux avatars, comme nous.
[Français]
Dr Gérard Lambert (à titre personnel): Lorsque j'ai soulevé des objections à l'approbation d'une combinaison de tylosin et d'hormones, j'ai perdu mon poste de chef d'équipe intérimaire.
Á (1155)
M. Réal Ménard: Qui vous a congédié?
Dr Gérard Lambert: Mme Diane Kirkpatrick.
M. Réal Ménard: Mme Kirkpatrick.
Dr Gérard Lambert: À ce moment, on a fait une plainte au Bureau de l'intégrité de la fonction publique et il y a eu une enquête. Ensuite, il y a eu les résultats de l'enquête. M. Keyserlingk, l'agent de l'intégrité de la fonction publique, a conclu que nos allégations quant aux actes fautifs étaient non fondées. Par contre, il a conclu que Santé Canada avait exercé des représailles contre moi parce que j'avais soulevé des problèmes internes: j'avais perdu mon poste de chef d'équipe intérimaire. Le Bureau de l'intégrité de la fonction publique, dans son rapport, a conclu qu'il y avait eu des représailles contre moi et qu'on devait redresser les torts que j'avais subis. C'était au mois de mars 2003.
Ensuite, il a envoyé des lettres au bureau du sous-ministre demandant que des mesures soient prises. C'était au mois d'octobre 2003. Rien n'a été fait par la suite. Ensuite il a dit que s'il n'y avait pas de résultat dans un délai d'un mois, il allait soulever cette question au Conseil privé. Rien n'a été fait. Ensuite, au mois de mars, il a envoyé une autre lettre confirmant qu'il allait donner suite aux recommandations. Rien n'a été fait. Au mois de juillet, j'ai perdu mon poste. J'ai été congédié avec mes deux collègues.
Ensuite, le Bureau de l'intégrité de la fonction publique a dit que les torts que j'avais subis n'avaient pas été réparés et qu'il devait y avoir un mécanisme pour régler cette question. À ce moment-là, j'ai reçu une lettre de Santé Canada m'annonçant que le ministère rejetait la conclusion du Bureau de l'intégrité de la fonction publique, mais qu'il était prêt à me dédommager en raison des circonstances.
M. Réal Ménard: D'accord. Merci.
Merci, madame la présidente.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, les membres du comité devraient peut-être réfléchir à la façon dont nous allons aborder ce genre de chose dans l'avenir. Nous venons d'entendre de sérieuses allégations, mais nous n'entendons qu'une seule version et la réputation de certaines personnes est remise en question pour ne pas dire que la personne est diffamée.
Mme Kirkpatrick a pris sa retraite cette semaine. Elle n'a pas démissionné à cause de son incompétence, elle a pris sa retraite. Elle a décidé d'entamer une autre carrière, de devenir puéricultrice. Je la félicite et j'espère qu'elle sera très heureuse. J'espère que les enfants seront heureux.
Il est malheureux que l'on diffame son nom de la sorte, sans entendre son point de vue. J'estime que c'est très dangereux d'agir ainsi et je vais poser une question après quoi je ferai deux ou trois remarques.
Nous avons bien compris que des sanctions disciplinaires ont été prises contre ces trois personnes et je ne vais d'ailleurs pas me prononcer sur le bien-fondé de ces sanctions. Je n'en sais rien. Je ne suis pas en mesure de juger. En revanche, ces personnes ont fait appel auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou d'un autre tribunal et, depuis 2001, la Cour fédérale s'est également prononcée à leur égard et dans tous les cas le point de vue de Santé Canada a été confirmé.
J'ai devant moi cinq pages d'extraits de décisions. Je ne vais pas toutes vous les lire, mais voici le passage d'un arrêt de la Cour fédérale à propos d'une décision de la Commission des relation de travail dans la fonction publique. C'est à la page 43, paragraphe 69 :
De toute évidence, nous ne sommes pas en présence d'un cas de dénonciation. Selon moi, les déclarations que les demandeurs semblent avoir faites ne touchent pas à des questions d'intérêts publics de la même nature que celles mentionnées dans l'arrêt Haydon (précité). Ces questions n'ont pas de caractère urgent, car elles ne menacent pas la santé ni la sécurité publiques et qu'elles ne placent pas le gouvernement dans l'illégalité. Qui plus est, la preuve a révélé que la partie requérante n'a pas vérifié les faits ni cherché à obtenir satisfaction à propos de ses préoccupations à l'interne. |
Je viens de vous lire l'extrait d'un arrêt de la Cour fédérale relativement à une décision de la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui avait fait l'objet d'un appel. Dans un autre cas, voici ce qu'a déclaré la Commission :
Deuxièmement, je conclus que les déclarations répétées de M. Chopra, des déclarations qui allaient au-delà de ce qui constitue un débat scientifique acceptable, sapaient son utilité comme fonctionnaire. Ses attaques contre le Ministre, contre son Ministère et contre sa superviseure étaient répétées et dérogatoires. Je n'ai aucun doute que sa conduite en l'espèce a sérieusement sapé son utilité comme fonctionnaire. |
Et ce genre de raisonnement se poursuit sur plusieurs pages.
Je comprends que vous ne soyez pas forcément d'accord avec toutes ces décisions et que vous ayez décidé de faire appel, ce qui est votre droit, mais je rappelle aux députés assis autour de cette table que nous pourrions exprimer bien d'autres points de vue que ceux que nous avons entendus aujourd'hui. Il est toujours possible que des témoins se présentant devant un comité veuillent bien paraître et imprimer une tangente à leur point de vue. Je sais que cette suggestion peut être choquante, mais il est important de ne pas perdre cette réalité de vue.
J'ai deux questions. Est-ce que vos collègues à Santé Canada appuyaient votre point de vue et les mesures que vous avez prises pour attirer l'attention du ministère sur ces préoccupations?
Encore une fois, il serait important que le comité entende les professionnels dont les points de vue ont fait l'objet de commentaires ici.
Pouvez-vous également nous expliquer pourquoi vous avez demandé à être séparée physiquement de vos collègues à Santé Canada?
Mme Margaret Haydon: Pour ce qui est de votre première remarque au sujet de la première audience de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, la décision rendue par la Commission a fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire par la Cour fédérale. Il y a deux jours, la cause a été entendue par trois juges de la Cour fédérale d'appel. Je ne puis vous parler davantage de ces questions, mais j'étais...
L'hon. Robert Thibault: Dans les deux premiers cas, il demeure que la décision a été favorable à Santé Canada.
Mme Margaret Haydon: Cependant, des appels ont été interjetés pour des questions d'ordre juridique et j'ai été absolument scandalisée. Malgré tout le respect que je dois aux trois juges, il y a plusieurs jours, on les a trompés. Dans un cas, on les a amenés à penser à tort que Mme Kirkpatrick avait le titre de docteur, ce qui est faux. On les a trompés en leur faisant croire qu'elle était experte en matière d'ESB. Je me suis retrouvée en face d'elle il y a plusieurs années quand elle a reconnu avoir reçu pour toute instruction trois années au Collège Loyola après quoi elle était rentrée à Santé Canada en qualité de technicienne de laboratoire.
En outre, les juges ont été trompés parce qu'on les a amenés à penser que j'étais un électron libre, à partir d'informations fausses communiquées par cette gestionnaire.
 (1200)
M. Shiv Chopra: Si vous me permettez de poursuivre dans la même ligne, sauf le respect que je vous dois, monsieur, vous ne pouvez prendre un seul cas à part. Il est question de dénonciation : la dénonciation sur la maladie de la vache folle et la dénonciation sur la guerre de l'Irak, quand le ministre a acheté des médicaments qui ont été gaspillés. Je ne vous ai pas parlé de cela. J'ai simplement dit que les terroristes n'utiliseraient jamais l'anthrax comme arme biochimique. Je le maintiens. Et l'histoire m'a donné raison. Ainsi, sur le plan scientifique, j'ai fondamentalement raison. C'est la seule déclaration que j'ai faite en qualité de particulier et non de fonctionnaire de Santé Canada. Si vous voulez dire le contraire à ce comité, vous faites fausse route.
Ce faisant, revenons-en aux autres questions, à toutes celles qui ont été portées à l'attention du Commissaire à l'intégrité dans la fonction publique et à l'attention de la Cour fédérale. Le commissaire a rejeté nos plaintes. Il ne voulait pas faire ce qu'il était censé faire. Il n'a pas accepté de faire ce qui était convenu selon les pouvoirs que lui a conférés le Conseil privé. Nous l'avons finalement traîné devant la Cour fédérale qui, il y a une semaine à peine, nous a donné raison et nous allons maintenant nous tourner de nouveau vers le commissaire pour lui demander de faire ce qu'il est censé faire, ce qu'il était censé faire depuis le début. Je vous parle du médicament Baytril.
J'aimerais vous montrer quelque chose d'autre et je vais d'ailleurs le remettre au comité...
L'hon. Robert Thibault: Docteur Chopra, vous êtes en train de me dire que Santé Canada est incompétent, que l'examen de la fonction publique n'est pas valable et que la Cour fédérale était incompétente. Tous se sont prononcés contre vous et l'on pourrait même s'attendre à ce que vous jugiez la Cour fédérale incompétente si jamais elle portait un jugement qui vous est défavorable.
M. Shiv Chopra: Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que la Cour fédérale avait rendu un jugement en notre faveur contre le Commissaire à l'intégrité dans la fonction publique au sujet de ce médicament précis du nom de Baytril. Si vous voulez en avoir le coeur net, vous devriez lire le Washington Post d'il y a une semaine. Le même problème a été soulevé à la FDA et 26 membres du Congrès américain ont essayé d'influencer la FDA pour qu'elle ne tienne pas compte de la décision d'un juge.
Vous êtes en train de me dire que les juges sont contre moi? Excusez-moi, mais on vous a trompé. Peut-être qu'on vous a mal informé. Les juges ont toujours été de notre côté. Vous prenez deux cas très isolés—qui ne sont même pas clos—tandis que nous parlons...
Il a été question de « corruption ». Je vous ai donné des preuves, des dessous de table ont été versés et ainsi de suite. Ce n'est pas ce dont nous parlons. La corruption ce n'est pas toujours quand il y a un échange d'argent.
Nous parlons ici de la corruption du système que nous sommes censés faire fonctionner, parce que c'est notre travail, tandis que nous faisons l'objet de pressions pour que nous adoptions ceci ou cela sous peine d'être congédiés. C'est cela qui se passe.
L'hon. Robert Thibault: Merci, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Thibault.
Madame Crowder.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier également nos témoins de s'être présentés.
Beaucoup parmi nous, et je ne parle sans doute pas pour tout le comité, sont très préoccupés par le manque de transparence et d'ouverture de Santé Canada. Nous avons entendu parler de bien des choses. Vous avez parlé de l'hormone de croissance bovine et de l'ESB et il se trouve que, récemment, des exploitants de fermes laitières sont venus nous dire que nous importons au Canada des produits de lait modifiés sans savoir ce qu'ils contiennent.
Quand nous nous sommes penchés sur le projet de loi C-28, le comité a entendu parler de plusieurs choses, notamment de l'Estradiol, à propos duquel le ministère s'était engagé à revenir nous voir, mais je n'ai encore rien entendu à cet égard. D'aucuns prétendent que des études sont en cours, mais ce n'était pas clair d'après les témoignages.
Mme Demers vient juste de parler des implants mammaires à base de gel de silicone—processus qui a été utilisé à l'époque—et ce n'est qu'à cause de la pression publique que ce dossier a éclaté au grand jour.
L'année dernière, l'Association canadienne des journalistes a décerné à Santé Canada le prix du ministère fédéral le moins ouvert et le moins transparent.
Cela étant posé, je n'ai pas une grande confiance dans le système.
Je vais vous lire une citation extraite d'une retranscription de séances d'un comité sénatorial sur l'hormone de croissance bovine :
Plusieurs scientifiques de Santé Canada qui ont témoigné devant le Comité s’inquiétaient de l’avenir de leur emploi au point d’avoir retardé leur comparution jusqu’à ce qu’on les ait assurés qu’il n’y aurait pas de représailles. En outre, ils ont procédé à l’étape inhabituelle du serment avant de témoigner. Ces préoccupations sont graves, et le Comité réitère la demande qu’il a formulée durant la comparution de ces témoins : il désire être contacté si l’un d’eux estime souffrir de représailles concernant sa comparution, que ces représailles aient lieu à court ou à long terme. |
L'autre nous vient du Conseil des Canadiens qui est un groupe de défense d'intérêts publics qui se préoccupe de santé et de sécurité. Le passage que je vais vous citer provient d'un communiqué de presse de juillet 2004, à l'époque où ce groupe était intervenant dans une cause concernant la BST, au côté du Sierra Club. Voici ce qu'on peut lire :
C’était l’avis de la Cour fédérale, qui a déclaré qu’il était justifié que les scientifiques s’adressent aux médias et que dans le cas d’une question légitime d’intérêt public qui exige un débat public, l’obligation de loyauté ne peut pas être absolue au point d’empêcher un fonctionnaire de la révéler aux médias. |
Maude Barlow ajoute dans ce même communiqué que :
Cela sera un test important pour le nouveau gouvernement Martin qui se doit de signaler clairement que les fonctionnaires ont la responsabilité de se faire entendre pour défendre l’intérêt public. Si cette affaire ne fait pas l’objet d’une enquête, la confiance des Canadiens envers la sécurité de nos aliments pourrait être en jeu. |
Que voudriez-vous que notre comité fasse?
 (1205)
M. Shiv Chopra: Tout d'abord, je tiens à féliciter le comité de nous avoir invités à lui parler. Nous ne sommes pas ici pour salir la réputation de qui que ce soit. Tout ce que nous vous disons, c'est ce que nous savons, ce que nous avons vécu.
D'un autre côté, le Sénat nous a fait bien des promesses quand nous hésitions à comparaître en nous disant notamment que si les députés à la Chambre vont et viennent, les sénateurs restent. Ils ont ajouté : si quelque chose vous arrivait, même dans cinq ans d'ici, vous pourriez revenir nous voir et nous vous défendrions. Nous leur avons donc écrit, nos avocats leur ont écrit et le sénateur Kinsella a fait adopter une motion à l'unanimité au Sénat. Or, rien n'est arrivé. Le Comité des règles s'est réuni pour se pencher sur l'outrage que Santé Canada avait porté au Parlement. Rien n'est arrivé. La motion n'a toujours pas été appliquée. Il y a deux semaines, le sénateur Kinsella a de nouveau soulevé la question au Sénat pour demander au Comité des règles ce qu'il comptait faire. Tout le monde est resté silencieux. Ce sont ces mêmes parlementaires qui nous ont garanti que nous étions des témoins parlementaires et que rien ne pourrait nous arriver.
Je vois maintenant M. Thibault qui laisse entendre que nous voulons peut-être porter atteinte à la réputation de certains et ainsi de suite. Nous ne diffamons personne. Nous vous disons simplement ce que nous savons et ce qui nous est arrivé. Si c'est de la diffamation eh bien qu'il en soit ainsi. Nos noms aussi ont été diffamés. Nous avons été détruits simplement parce que nous essayons de faire notre travail, qui était de protéger l'intérêt du public. Nous parlons de diffamation, nous parlons de défendre l'intérêt du public dans nos emplois.
Je pense que votre comité a fait et j'espère qu'il continuera de le faire... Très honnêtement, je ne pensais pas que qui que ce soit serait présent à cette réunion et, malgré ce qui se passe actuellement dans l'édifice du centre, vous avez agi en députés responsables disposés à nous écouter. Ce que vous ferez de nous maintenant ou après vous appartient.
Mme Jean Crowder: Est-ce qu'une enquête publique serait de mise?
M. Shiv Chopra: C'est précisément ce que nous demandons depuis 15 ans : une enquête publique. Nous nous sommes adressés à Jean Chrétien. Notre syndicat lui a écrit. Nous avons vu tous les ministres qui se sont succédé. Nous avons écrit au greffier du Conseil privé. Celui-ci nous a répondu qu'il n'allait pas nous répondre.
La présidente: Merci, madame Crowder.
Madame Dhalla.
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.): Merci beaucoup à vous trois de vous être présentés et de nous avoir fait part de votre expérience. J'ai été intéressée par votre témoignage et j'ai deux questions à vous poser.
Que disent vos lettres de congédiement?
M. Shiv Chopra: Elles disent que nous sommes tous rendus coupables d'insubordination dans les deux ou trois derniers mois d'un projet. Dans mon cas, c'était le dernier mois après 35 ans de service au ministère sans une seule tâche à mon dossier. On m'a diffamé, mais il n'y a rien au dossier indiquant que j'aie fait quelque chose de mal. Un beau jour, la directrice générale m'envoie cette lettre dans laquelle elle dit m'avoir confié un projet, mais avoir déterminé que je n'avais pas l'intention de le faire étant donné que j'étais en congé de maladie chez moi. Cet avis m'est parvenu avec une montre en or.
Mme Ruby Dhalla: Avez-vous indiqué à la direction que vous ne vouliez pas faire ce projet, comme cela est dit dans cette lettre?
 (1210)
M. Shiv Chopra: Il n'y a rien de plus et les tribunaux sont à présent saisis de cette affaire. Je ne vais donc pas rentrer dans les détails... La direction a déclaré que nous avions fait preuve d'insubordination. Nous, nous estimons que tous nos avatars sont dus au fait que nous avons dénoncé quelque chose.
Mme Ruby Dhalla: Et vous, Margaret?
Mme Margaret Haydon: Dans mon cas, cela concernait un rapport intérimaire qu'on m'a demandé de rédiger un matin et, avant que je ne prenne mon congé de maladie prolongé, j'avais terminé trois rapports définitifs. Malheureusement, les médicaments concernés présentaient des défauts et ce n'est pas ce que gens-là voulaient entendre.
Mme Ruby Dhalla: Et Gérard?
[Français]
Dr Gérard Lambert: Dans mon cas, c'était un rapport intérimaire sur un projet de trois mois. On a utilisé le premier rapport que j'avais fait pour me congédier. On disait que ce rapport ne faisait état d'aucun progrès, mais c'était mon premier rapport sur un projet de trois mois.
[Traduction]
Mme Ruby Dhalla: Monsieur Chopra, vous avez également déclaré plus tôt, dans votre témoignage, que vous aviez été victime de racisme à Santé Canada. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Shiv Chopra: En 1989, j'ai préparé un rapport sur l'équité en matière d'emploi au niveau de la fonction publique. Il a été distribué et lu par de nombreuses personnes afin de leur rappeler que le Canada a changé, que les choses ont évolué, que l'on trouve de plus en plus de groupes de minorités visibles ici et qu'il faut appliquer la Loi sur l'équité en matière d'emploi. J'ai réalisé cette étude à partir des statistiques du Conseil du Trésor et j'ai conclu qu'il fallait faire quelque chose.
Je me suis adressé au président de la Commission de la fonction publique, à la Commission des droits de la personne, au premier ministre, à mon propre sous-ministre et, dans les trois jours ayant suivi la publication de ce rapport qui obéissait pourtant à de bonnes intentions, le ministère et le gouvernement tout entier s'en sont pris à moi—tout cela est maintenant du domaine public, puisque l'affaire a été portée devant les tribunaux des droits de la personne—et l'on a essayé de me discréditer, de me casser. C'est ce qui s'est produit pendant 15 ans, jusqu'à ce que je sois congédié. Voilà ce qui s'est passé.
Mme Ruby Dhalla: Je n'ai plus d'autres questions à poser.
Quand on entend ce genre de témoignage, j'estime qu'il est important de recueillir les avis de tous les côtés parce que, comme nous venons de le voir, les témoins d'aujourd'hui nous ont fait part de leur expérience, mais il est difficile pour nous d'appréhender l'autre version. Or, il y a toujours deux versions d'un même récit. Ainsi, la prochaine fois, nous devrions peut-être veiller à faire venir des représentants des deux côtés.
La présidente: Monsieur Carrie.
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC): Merci, madame la présidente.
Je tiens tout d'abord à vous remercier tous les trois de vous être déplacés. J'estime que vous êtes des fonctionnaires courageux qui essayez d'assumer la responsabilité de vos actes et des actions de Santé Canada. Je trouve incroyable ce qui est en train de se passer. Nous avons déjà entendu parler de certaines situations au sein de Santé Canada, mais étant donné que vous venez de mentionner l'hormone de croissance bovine, les antibiotiques, l'ESB et même les vaccins, je pense que l'on peut parler d'une tentative de musellement de toute personne désirant s'exprimer contre Santé Canada.
Je suis en fait d'accord avec M. Thibault et le Dr Dhalla. Je pense que nous devrions pousser notre enquête et je me demande, à l'instar de mon collègue du NPD, s'il ne faudrait pas mener une enquête complète à ce sujet. En tant que Canadien représentant la population canadienne, je trouve tout à fait inacceptable que vous ayez été ainsi fustigés pour avoir dénoncé certains faits, parce que c'est exactement ce qu'il faut à Santé Canada pour garantir la sécurité des Canadiens.
Savez-vous si des fabricants sont directement intervenus pour faire modifier la réglementation concernant des produits différents ou des produits qu'ils vous avaient envoyés? Vous avez parlé de vaccins. J'aimerais que vous m'éclairiez un peu à ce sujet. Il semble que cela s'est produit il y a quelques années et que vous ne vouliez pas que certains produits se retrouvent sur le marché, contrairement au désir des fabricants. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Shiv Chopra: Je préfère ne pas me lancer sur cette voie, parce que les choses sont en train d'évoluer et que nous ne voulons pas nous en mêler. Je ne veux pas vous en dire trop parce que je suis en train de surveiller l'évolution de la situation, mais celle-ci n'est pas nouvelle puisqu'elle a commencé il y a 35 ans de cela.
Je vais vous parler d'une situation relativement récente où une compagnie du nom d'Elanco, détenue par Eli Lilly, un géant du milieu, a déposé une plainte contre moi à la sortie d'une réunion, les représentants de la compagnie en question ayant déterminé d'après ma gestuelle lors de la réunion que j'étais fondamentalement opposé à la molécule qu'ils voulaient mettre en marché.
Des voix : Ah, ah!
 (1215)
M. Colin Carrie: À partir de votre gestuelle?
M. Shiv Chopra: C'est cela, à partir de mon langage corporel.
M. Colin Carrie: Toute une preuve scientifique!
M. Shiv Chopra: On a déterminé à partir de mon non-dit que j'étais foncièrement opposé à la molécule proposée et que, si l'on m'en donnait l'occasion, je n'approuverais jamais ce médicament pour des coccidioses subcliniques et des cétoses subcliniques. Je vais vous dire ce que cela signifie.
Quand on parle de subclinique, on ne parle pas d'une maladie comme telle. Il s'agit plutôt d'une transition vers la maladie ou la guérison. On utilise un antibiotique pour combattre une maladie fabriquée, un médicament qui va chercher à s'attaquer à la maladie. Cette compagnie voulait faire approuver une molécule, mais elle était en concurrence avec un autre médicament, le BGH. Les deux fabricants en lice—Monsanto et Elanco—se faisaient la lutte pour obtenir les droits mondiaux. Elanco a ensuite trompé tout le monde : si cette molécule ne pouvait être approuvée, il suffisait de la mettre dans un autre médicament et le résultat serait le même.
C'est à l'issue de cette manoeuvre que j'ai déclaré que le médicament modifié ne pouvait être homologué. La même compagnie a alors déposé une demande spéciale auprès de mon patron, mais j'étais le chef intérimaire pour une période de quatre mois à cette époque, et l'on m'a demandé d'approuver une ordonnance—pas une présentation, mais bien une ordonnance émanant d'un vétérinaire qui équivalait à 64 camions de ce médicament fabriqué au Canada que l'on voulait envoyer de l'autre côté de la frontière. En apposant ma signature, j'étais censé indiquer que l'utilisation de ce médicament ne posait pas de risque au Canada, tandis qu'il n'avait même pas été homologué à l'époque.
M. Colin Carrie: Ce que vous dites est simplement une autre preuve, madame la présidente, que nous devons vraiment faire un suivi à ce sujet. Il faudrait qu'il y ait une enquête approfondie sur ce qui se passe, et mettre les deux parties en présence ici, pour que les personnes visées par ces allégations puissent se défendre.
J'ai une question précise pour vous. Je parraine un projet de loi d'initiative parlementaire qui porte sur les produits de santé naturels. Je me demandais si vous connaissiez la Dre Michèle Brill-Edwards? Si je ne me trompe pas, elle a travaillé à la Direction générale de la protection de la santé à titre de spécialiste des médicaments d'ordonnance et elle a démissionné en 1996 parce qu'elle voulait dénoncer publiquement le laxisme excessif de la direction pour ce qui est de réglementer les produits à risque élevé, comme le sang, que vous avez mentionné tout à l'heure, et les médicaments d'ordonnance. Par ailleurs, selon elle, on se montrait d'une sévérité injustifiable à l'égard des produits à base d'herbes médicinales et des suppléments alimentaires.
Je me demandais une chose. Avez-vous de plus amples informations sur des fabricants qui seraient susceptibles d'influencer Santé Canada, en encourageant des préjugés ou l'application de règlements d'une sévérité injustifiable aux produits de santé naturels et à base d'herbes médicinales.
M. Shiv Chopra: Sans répondre spécifiquement à cette question spécifique, disons que les compagnies exercent des pressions, ce que je trouve légitime étant donné que ce sont des entreprises commerciales. Elles doivent faire cela, et je n'y vois pas d'objection. Mais lorsque la pression vient de la direction ou du Conseil privé et que l'on modifie les règles de recouvrement des coûts sans l'autorisation du Parlement, et que les compagnies deviennent des partenaires... Sous prétexte qu'elles ont versé des droits, les compagnies exigent d'obtenir une approbation rapide ou une approbation qui autrement n'aurait pas été accordée. Cela pose de sérieux problèmes, et le Parlement est à blâmer si de tels règlements sont adoptés sans son autorisation.
C'est ce qui s'est produit dans notre cas. On a imposé un système de recouvrement des coûts pour les médicaments vétérinaires, les implants mammaires, les matériels médicaux, etc. Une fois que c'est fait, les compagnies disent : maintenant que nous vous avons payés, vous avez intérêt à livrer la marchandise. Nous nous retrouvons donc entre l'arbre et l'écorce, et on nous dit que c'est la politique du gouvernement. Comment pouvons-nous appliquer la politique gouvernementale alors qu'il existe une loi, la Loi sur les aliments et drogues, qui relève du Code criminel? Une politique n'a pas préséance sur le Code criminel. Si nous signons, c'est la prison.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Carrie.
Je n'ai personne d'autre sur la liste... Très bien, madame Demers.
[Français]
Mme Nicole Demers: Excusez-moi, madame la présidente. Ce ne sera pas très long.
Madame Haydon, en 1994, votre bureau personnel a été dévalisé et on y a pris des documents traitant justement des hormones de croissance. À ce moment-là, avez-vous été victime de menaces directes vous enjoignant de ne pas témoigner de ce que vous aviez appris sur les produits Monsanto et sur les hormones de croissance? Vous a-t-on fait des menaces?
 (1220)
[Traduction]
Mme Margaret Haydon: À ce moment-là, c'est juste. Mon classeur, qui était verrouillé, a été ouvert et mes documents, seulement ceux qui portaient sur l'hormone de croissance bovine, avaient disparu. J'ai signalé cela à mon supérieur immédiat et à son supérieur. La GRC a fait enquête. En outre, une enquête de sécurité interne a eu lieu et, dans un rapport d'environ six pages, on a relevé de nombreuses lacunes. Elle a finalement été rétrogradée, mais l'enquête de la GRC n'a rien permis de découvrir.
J'ai reçu à l'époque plusieurs coups de téléphone du directeur général qui m'a interrogé. J'étais tout à fait isolée. On a dit à mes collègues de couper tout contact avec moi. Ce genre de choses.
[Français]
Mme Nicole Demers: Monsieur Chopra, à la fin des années 1970, votre épouse a également été congédiée par Santé Canada parce qu'elle prétendait qu'il fallait effectuer des études supplémentaires avant d'approuver les implants mammaires. A-t-elle contesté ce congédiement, et qu'est-il arrivé par la suite?
[Traduction]
M. Shiv Chopra: Ma femme était auparavant responsable des matériels médicaux. Elle devait approuver l'implant mammaire. La demande était sur son bureau. Elle a été la première au Canada à soulever des questions au sujet de cet implant. Elle voulait davantage de données. Une compagnie le vendait au nom d'une autre compagnie. Ma femme, Nirmala Chopra, a dit qu'elle aimerait recevoir les données. On lui a dit que ce n'était pas nécessaire, qu'il s'agissait de droits acquis et que la demande était déjà approuvée. Elle a répliqué que la loi exigeait que l'on sache qui était le fabricant, qui en assurait la transformation, etc. Elle a transmis l'information qu'elle a reçue à un autre scientifique, Pierre Blais. Pierre Blais a rédigé un rapport et a été renvoyé.
Par la suite, tout le service a été démantelé. Ma femme a perdu son poste. Elle a été harcelée. Malheureusement, elle a été victime d'un terrible accident. Elle a été heurtée par une voiture, et cela a détruit ma famille.
Je dirais que, comme les autres, j'ai moi aussi participé à la corruption puisque j'ai gardé le silence pendant toutes ces années même si je savais que ces choses se passaient, mais aussi longtemps que personne n'exigeait que je signe directement... J'élève mes enfants; je suis comme tout le monde. C'est ce que nous faisions.
Nous nous sommes écartés de leur chemin. Ma femme s'est écartée de leur chemin. Nous avons fait toutes sortes de choses, mais lorsque cela s'est produit et qu'elle arrivait en larmes à la maison, même si elle a eu gain de cause lorsqu'elle a déposé une plainte pour harcèlement—le ministère a accueilli sa plainte de harcèlement—, on lui a dit qu'elle ne pourrait pas reprendre son emploi et que la direction recevait des lettres de ses collègues disant qu'ils ne voulaient pas travailler avec elle. Si je dis que je ne veux pas travailler avec telle ou telle personne, va-t-on les congédier? Mais c'est ce qu'on lui a fait.
Après avoir atteint ce creux dans ma vie personnelle, j'ai trouvé Dieu. Il était irresponsable de garder le silence face à ce type de corruption—et j'utilise encore le fois le terme « corruption ». Lorsque ce genre de chose se produit, peu importe les conséquences, on ne peut garder le silence. Il serait irresponsable de ne rien dire. Peu importe les conséquences, il faut faire face à la réalité, et c'est pourquoi j'ai décidé d'agir. Autrement, je menais une vie tranquille. Si on ne m'écoutait pas,je me disais que je partirais, je lirais, je prendrais des cours sur les religions, j'écrirais des poèmes, j'étudierais la Bible, etc., je passerais le temps agréablement. Mais depuis 15 ans, ma vie a été un enfer.
 (1225)
La présidente: Merci beaucoup.
Mme Dhalla a une autre brève question, ce qui mettra fin au deuxième tour de table. Nous pouvons sans doute passer à M. Ménard. Je crois qu'il a une suggestion.
Madame Dhalla.
Mme Ruby Dhalla: Merci, madame la présidente, de me donner l'occasion de prendre la parole. J'ai deux petites questions pour chacun des témoins.
Premièrement, depuis combien de temps êtes-vous sans travail? Deuxièmement, qui paie vos frais juridiques, qui, j'en suis sûr, ont été extrêmement élevés?
M. Shiv Chopra: Nous sommes sans travail depuis le 14 juillet 2004. Nous avons suivi le processus car d'après ce qu'on nous a dit, nous devions présenter des griefs. Nous avons franchi toutes les étapes au ministère, et puis nous avons été congédiés. Autrement dit, l'affaire est allée jusqu'aux échelons supérieurs, jusqu'au sous-ministre, et maintenant c'est la commission du travail qui en est saisie.
Arrivés à ce stade, on nous a dit que le ministère de la Justice n'avait pas d'avocat qui pouvait comparaître avant l'automne. On nous a ensuite demandé si nous voulions aller en médiation. Nous avons répondu que nous étions disposés à aller en médiation, pourvu que nos vis-à-vis soient sérieux. Nous leur avons demandé au moins de nous verser à tous les trois nos salaires. Ensuite, vous pourrez prendre dix ans pour régler cela si ça vous chante. Ils nous ont dit que non, ils ne voulaient pas faire cela. Vous n'avez qu'à souffrir. Dans l'intervalle, nous souffrons effectivement. Nous n'avons pas de revenu. J'ai mis ma maison en vente. Voilà ce qui nous arrive.
Mme Ruby Dhalla: Qui paie vos frais d'avocat?
M. Shiv Chopra: Notre syndicat.
Mme Ruby Dhalla: C'est votre syndicat à tous les trois.
Merci. C'est tout.
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: J'invoque le Règlement, madame la présidente.
Tous les parlementaires sont certainement un peu atterrés, abasourdis et tristes devant l'information qu'on a partagée avec eux. Cependant, M. Thibault a raison. Il y a des principes de justice fondamentale qui doivent s'appliquer. Aussi, je pense qu'il ne serait pas sage que le comité ne regarde qu'un seul côté de la médaille.
Maintenant, je pense qu'il faut agir avec une extrême vigilance. Je sais que le gouvernement est en phase terminale. On ne sait pas ce qui va se passer ce soir. Madame la présidente, au cas où le gouvernement survivrait au vote de ce soir, pouvez-vous vérifier s'il y a consentement pour que Santé Canada soit invité à comparaître d'urgence dès la semaine prochaine pour nous éclairer sur les allégations et sur les choses qui se sont passées? Il y a des choses très troublantes. On est à la limite d'une enquête publique. Je ne sais pas quel sera le voeu du comité et je ne veux pas en présumer, mais je pense qu'on doit au moins entendre Santé Canada de toute urgence, afin que nous gardions frais à l'esprit les témoignages de nos trois collègues, qui sont des martyrs de la science dans une certaine mesure.
Madame la présidente, pouvez-vous vérifier? Je sais que je n'ai pas donné le préavis réglementaire, mais avec le consentement du comité, tout est possible. Si vous vérifiez le consentement du comité, on pourra agir assez rapidement, si le gouvernement survit, bien sûr. Ne nous emballons pas, car tout est possible. Si le gouvernement survit, je pense que dès la semaine prochaine, il nous faudra entendre les gens de Santé Canada.
[Traduction]
La présidente: Monsieur Thibault.
[Français]
L'hon. Robert Thibault: Madame la présidente, j'accueille très favorablement la suggestion du député. Je suis d'accord sur cela. De plus, je suggérerais que les conseillers juridiques de la Chambre discutent avec les conseillers juridiques du ministère afin que nous ne préjudiciions pas aux cas de ces personnes, qui sont devant les tribunaux présentement. S'il doit y avoir des limites à nos questions, ces limites doivent être fixées par nos conseillers juridiques.
M. Réal Ménard: Mais c'est un cas d'urgence, n'est-ce pas? On ne vous demande pas votre démission comme secrétaire parlementaire, parce que cela ferait trop de peine à la présidente, mais c'est quand même un cas troublant. C'est un cas très troublant.
[Traduction]
La présidente: Je ne pense pas que nous ayons besoin du consentement unanime ou d'une motion. Il suffit que les députés qui souhaitent approfondir ce sujet en convoquant des témoins, qu'il s'agisse de fonctionnaires de Santé Canada, d'avocats ou d'autres personnes, lèvent la main. J'invite ceux et celles qui voudraient en savoir plus long à être ouverts aux suggestions de nos attachés de recherche.
Que tous ceux qui sont en faveur de donner suite à la suggestion de M. Ménard, bien qu'il soit possible de faire plus.
Des voix : D'accord.
La présidente : Mme Dhalla voulait faire un commentaire.
Mme Ruby Dhalla: Au début, lorsque notre comité a commencé ses travaux, nous vous avions donné une liste de priorités et d'initiatives que nous souhaitions concrétiser au cours de notre mandat. Même s'il s'agit là d'une question très importante, personnellement, je considère que l'affaire est devant les tribunaux à l'heure actuelle. Certains éléments peuvent être apportés en preuve et d'autres non. Certaines personnes peuvent parler et d'autres pas, selon qu'elles sont plus ou moins impliquées dans l'affaire.
Personnellement, je souhaite faire avancer autant que possible certains des dossiers sur lesquels nous nous étions entendus collectivement, en tant qu'équipe. Même si M. Merrifield a présenté une motion, je ne crois pas qu'elle fasse partie des trois ou cinq priorités que nous avions convenu de retenir en tant que comité. Le temps du comité est limité, et je pense que c'est très important.
 (1230)
[Français]
Mme Nicole Demers: Madame la présidente, j'aimerais dire à Mme Dhalla qu'au contraire, ce serait très important que nous le fassions maintenant, parce que nous avons des projets de loi à étudier et des choses à débattre. Nous devons donc faire confiance à Santé Canada. Je pense qu'il est très important que nous recevions les gens de Santé Canada rapidement, pour que nous puissions ensuite passer aux autres points importants qui figurent à notre programme.
M. Réal Ménard: Ce peut être un mercredi. Il n'est pas obligatoire que ce soit dans une salle...
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, vous n'avez pas la parole.
M. Merrifield l'a, lui.
M. Rob Merrifield: J'aimerais entendre l'autre version, et peut-être davantage. La façon de contourner le problème à l'heure actuelle serait de demander à notre équipe d'attachés de recherche de nous présenter leurs recommandations dans les plus brefs délais. À la lumière de cette information, nous pourrions décider à ce moment-là de la marche à suivre.
La présidente: Je pensais leur demander simplement de dresser une liste de témoins pour la prochaine séance, après quoi nous pourrions décider si nous voulons aller de l'avant.
M. Rob Merrifield: Cela me conviendrait aussi.
La présidente: La prochaine opportunité, à supposer que nous soyons encore ici, est le 30 mai. C'est le premier lundi après notre retour. C'est tout ce que je demande aux gens d'appuyer, madame Dhalla. Je crois savoir qu'il y a deux...
Premièrement, nous avons une ou deux requêtes du ministre, et aussi l'étude sur le mieux-être. Toutefois, je sais que c'est à cette dernière que vous pensiez. Cela dit, il serait très inhabituel de la part d'un comité d'entamer une étude d'envergure alors qu'il ne reste que trois semaines au calendrier parlementaire. Indépendamment de ce qui se passe ce soir, je doute que nous commencions une étude sur le mieux-être. D'habitude, les premiers témoins nous renseignent sur le sujet. Nous aurions ces séances d'information et ensuite, nous rentrerions chez nous pour deux mois et demi environ. Je pense qu'il serait sans doute plus sage d'attendre à l'automne.
Êtes-vous d'accord avec cela?
Mme Ruby Dhalla: Oui, pour autant que l'on étudie la question.
Merci. Je pense que le mieux-être est une question importante.
La présidente: Je comprends. Je sais que vous êtes impatiente. Je sais que M. Savage l'est ainsi que—j'oublie qui d'autre—M. Carrie, je crois.
Mme Crowder voulait faire un commentaire.
Mme Jean Crowder: Brièvement.
Je suis favorable à l'idée d'aller de l'avant et d'entendre des témoins, mais je pense qu'il nous faut obtenir une opinion juridique quant à ce que nous pouvons entendre et ne pas entendre étant donné que l'affaire est devant les tribunaux. Je suppose qu'après avoir entendu ces témoins, le comité décidera ensuite de sa marche à suivre.
La présidente: Exactement.
Nous nous engageons seulement à tenir une autre séance à ce stade-ci. Cela dit, nous avons reçu des conseils juridiques dans une lettre où l'on évaluait notre position face aux scientifiques, face à Santé Canada, etc. Nous pourrions peut-être obtenir une autre lettre analogue qui ferait le point, qui prendrait en compte l'évolution de la situation depuis la dernière lettre. Cela pourrait nous guider quant à ce qu'il convient de faire maintenant. Nous pourrions essayer d'obtenir cette lettre et nous en servir comme premier critère pour fonder notre décision. Si cette lettre nous interdit de faire quoi que ce soit parce que l'affaire est devant les tribunaux, à ce moment-là, nous pourrions demander au greffier d'aviser toutes les personnes concernées, même avant notre retour, bien qu'il ne soit peut-être pas possible d'obtenir cette lettre aussi rapidement. Nous allons essayer.
Merci de votre suggestion, monsieur Ménard. Je pense qu'elle recueille l'appui général.
En votre nom, je remercie les témoins d'être venus et d'avoir partagé leur histoire avec nous. Comme vous pouvez le constater, nous allons à tout le moins consacrer une séance additionnelle à cette question, et peut-être plus.
Merci beaucoup.
J'invite maintenant notre prochain témoin, le Dr Bernstein, à venir à la table.
Au nom de mes collègues, je souhaite la bienvenue au Dr Alan Bernstein, président des Instituts de recherche en santé du Canada,les IRSC. Il en est le premier président et sa nomination doit être renouvelée à ce stade-ci. Pour garantir un processus de renouvellement démocratique, sa candidature en vue d'une reconduction dans ses fonctions est soumise au Comité de la santé.
Je suis heureuse de l'accueillir en votre nom et de l'inviter à faire sa déclaration liminaire. Ensuite, nous passerons aux questions et réponses.
Docteur Bernstein, je dois présider une autre séance à compter de 13 heures. Si la période des questions et réponses n'est pas terminée, je demanderai à mon collègue, M. Merrifield, de prendre le fauteuil. J'espère que vous m'excuserez si je ne peux entendre toutes les questions et réponses.
Veuillez maintenant faire votre déclaration liminaire.
 (1235)
Dr Alan Bernstein (à titre personnel): Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis très heureux de comparaître devant le comité aujourd'hui.
[Français]
J'ai le plaisir et l'honneur d'être depuis cinq ans le premier président de l'histoire des IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada.
[Traduction]
Je voudrais vous décrire les progrès que nous avons réalisés depuis cinq ans et vous parler de nos plans pour l'avenir. Depuis que la création es IRSC en 200, nous avons lentement et soigneusement évolué, rompant avec leurs origines de conseil subventionnaire peu enclin à prendre des initiatives pour devenir une organisation stratégique fondée sur l'excellence et orientée vers les résultats. Nos 13 instituts étaient opérationnels avant la fin de 2001, et chacun d'eux avait à sa tête un directeur scientifique de réputation internationale. Plus de 200 membres des conseils consultatifs des instituts, tous bénévoles, avisent et appuient leurs instituts respectifs, assurant le lien entre chacun des instituts et l'ensemble des IRSC, les chercheurs et les utilisateurs de la recherche, le public et les autres intervenants.
Nous avons élaboré un plan stratégique intitulé Investir dans l'avenir du Canada : Plan stratégique des IRSC pour l'innovation et la recherche en santé, qui a été l'aboutissement de vastes consultations nationales auprès des chercheurs en santé et des autres intervenants dans tout le Canada. Nos 13 instituts créent des équipes multidisciplinaires et multisectorielles de chercheurs en santé, rassemblant des chercheurs de presque toutes les disciplines, chercheurs qui se joignent aux groupes communautaires, aux syndicats, aux soignants, aux décideurs dans le secteur des soins de santé et aux groupes d'affaires pour s'attaquer à d'importants problèmes de santé et à des problèmes scientifiques stimulants.
Nous avons mis sur pied avec nos partenaires un nouveau programme de formation d'envergure, l'Initiative stratégique pour la formation en recherche en santé, qui a permis la création des premiers centres de formation multidisciplinaire du Canada, qui sont plus de 90. De concert avec nos partenaires, nous avons financé des initiatives à hauteur de 125 millions et plus dans une vaste gamme de domaines, allant de la protéomique à la douleur chez les enfants en passant par le droit et l'éthique appliqués à la la santé. Ces centres réunissent des chercheurs en santé et leurs stagiaires de partout au pays.
Nous avons élaboré et lancé de nouveaux programmes d'innovation en matière de santé, comme Démonstration des principes ou PDP I et PDP-II, conçus pour aider les chercheurs à commercialiser les résultats de leur recherche.
En quelques semaines seulement, nous nous sommes attaqués à une nouvelle menace pour la santé, le SRAS, en mobilisant la communauté de recherche en santé du Canada pour établir la séquence du génome du virus du SRAS, mettre au point des épreuves diagnostiques et un vaccin, et en examinant les conséquences de l'épidémie sur la santé publique et sur le plan social.
Nous avons aussi contribué à la formulation conceptuelle de la création de l'Agence de santé publique du Canada. De concert avec l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, nous avons financé la première étude nationale sur les événements indésirables, ou erreurs médicales. Il s'agit là d'une étude charnière qui a servi de point de départ à d'autres recherches sur la sécurité des patients.
En créant des partenariats au niveau national et international, les IRSC jettent un nouvel éclairage sur les questions de santé et s'assurent que les résultats de la recherche sont appliqués là où ils sont nécessaires.
Qu'en est-il des cinq prochaines années? Nos plans pour l'avenir sont tout aussi ambitieux. À partir des acquis des cinq dernières années, nous voulons réaliser le mandat audacieux et transformateur que le Parlement nous a confié dans la Loi sur les IRSC de 2000. Je crois que notre pays est vraiment bien placé pour devenir un leader de premier plan dans le domaine de la recherche en santé au cours de la prochaine décennie. Nos instituts planifient de nouvelles initiatives d'envergure avec leurs partenaires dans de nombreux domaines, notamment la santé mondiale, la recherche clinique, la médecine régénérative et l'application des connaissances.
Manifestement, notre avenir en tant que société prospère et humaine dépend essentiellement de nos succès scientifiques et de notre capacité à tirer parti de la recherche sur les plans économique, social et sanitaire.
Je veux vous livrer deux messages clés aujourd'hui : le premier, c'est que nous avons réussi à être à la hauteur de notre mandat des cinq premières années. Et le deuxième, c'est que grâce au précieux et ferme soutien du gouvernement fédéral, nous pouvons nous appuyer sur cette réussite pour réaliser le large et ambitieux que nous a confié le Parlement.
Comme je l'ai dit au début, j'ai eu le privilège de diriger la formation de cette magnifique nouvelle organisation au cours de ses cinq premières années d'existence. Grâce à votre inlassable soutien, je suis convaincu que les investissements du gouvernement dans la recherche en santé par l'intermédiaire des IRSC continueront d' apporter d'importants avantages à tous les Canadiens.
Merci beaucoup.
 (1240)
La présidente: Merci, docteur Bernstein.
Nous allons commencer la période de questions avec M. Fletcher.
M. Steven Fletcher (Charleswood—St. James—Assiniboia, PCC): Merci, madame la présidente.
Je vous remercie, docteur Bernstein, d'être venu au comité.
J'ai vu énormément de CV dans ma vie, mais je n'en ai jamais vu un qui soit aussi épais et impressionnant que celui-ci. Votre contribution à la santé de l'humanité est vraiment impressionnante.
Docteur Bernstein, il y a environ deux mois de cela, j'ai soumis au comité une motion sur la reddition de comptes de diverses fondations, dont les IRSC, je crois. Dans cette motion, je demandais que la vérificatrice générale soit autorisée à examiner les livres de ces fondations. À titre de président des IRSC, auriez-vous des objections à ce que la vérificatrice générale vérifie vos livres?
Dr Alan Bernstein: Merci.
Madame la présidente, permettez-moi d'apporter une précision.
Je crois qu'il y a un malentendu, monsieur Fletcher. Nous ne sommes pas une fondation. Nous sommes une agence du gouvernement fédéral qui tire son financement de l'affectation annuelle de crédits du gouvernement. En fait, la vérificatrice générale se penche régulièrement sur nos livres. D'ailleurs, je crois que son équipe est chez nous en ce moment pour examiner nos livres. Nous faisons rapport au Parlement régulièrement, deux fois l'an, au sujet de notre budget et nous sommes soumis à des vérifications annuelles. Nous sommes donc entièrement responsables de nos activités devant le Parlement et votre comité.
M. Steven Fletcher: D'accord. Dans ce cas, c'est mon erreur.
J'ai une autre préoccupation : l'application des connaissances. À tort ou à raison, les universitaires sont réputés—j'allais dire notoires, mais je ne m'avancerai pas—pour faire de l'excellente recherche; mais souvent, ils ne sont pas capables de l'appliquer dans la vraie vie. En tant que président, pourriez-vous nous dire quelles initiatives vous avez prises pour assurer l'application des connaissances?
Dr Alan Bernstein: Madame la présidente, c'est une excellente question. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Il y a quatre ans, nous avons institué le Programme des alliances communautaires pour la recherche en santé, grâce auquel nous avons financé une vingtaine d'équipes de chercheurs qui ont oeuvré auprès de groupes communautaires pour faire exactement ce que vous avez mentionné, monsieur Fletcher. Comment faire pour sortir la recherche des universités, des laboratoires ou des bureaux et l'appliquer dans la vraie vie, comme vous dites? Ce programme a eu des résultats phénoménaux. Je vais vous en donner un exemple.
Au Manitoba, nous avons financé un groupe dirigé par une femme appelée Pat Martens, qui s'est consacré au besoin de connaître. Cette équipe est constituée de chercheurs du Centre d'élaboration et d'évaluation de la politique des soins du Manitoba, de fonctionnaires du ministère de la Santé du Manitoba et de fonctionnaires des régies régionales de la santé dans les régions rurales et éloignées de la province. Toutes les RRS du Manitoba, à l'exception de celles de Winnipeg, y participent. Ces intervenants ont consacré les premiers six mois du programme simplement à définir certaines des questions importantes auxquelles ils souhaiteraient trouver des réponses.
Ils se sont entendus, entre autres, pour étudier le dossier de la santé mentale dans les régions rurales et éloignées du Manitoba. Ils ont donc passé trois ans à faire des recherches sur l'état actuel de la prestation des services de santé mentale dans le Manitoba rural—qui est plutôt typique du Canada à cet égard—en vue de formuler des recommandations très étoffées sur la façon de mieux fournir ces services. Ces recommandations ont été adoptées par le ministère de la Santé du Manitoba, et Pat Martens s'est rendue en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse pour parler aux autorités des résultats des études menées par son groupe et disséminer les fruits de cette recherche dans ces deux provinces. Et ce n'est qu'un début.
Je pourrais vous donner des tas d'autres exemples, mais c'est celui qui m'est venu à l'esprit spontanément.
 (1245)
M. Steven Fletcher: Comme je suis un député du Manitoba, votre exemple local m'a laissé sans voix!
Des voix : Oh, oh!
M. Steven Fletcher : Je pense que je vais céder le reste de mon temps à M. Merrifield.
Merci.
M. Rob Merrifield: Tout d'abord, je veux reprendre là où vous avez laissé car à mon avis, c'est un aspect où le Canada accuse une faiblesse. Je pense qu'il se fait ici des travaux de recherche fort intéressants et j'estime que les instituts font de l'excellent travail dans le domaine de la recherche. À mon avis, nous pourrions faire mieux, mais on peut toujours faire mieux. Notre pays a énormément progressé à ce chapitre.
Ce qui me préoccupe, c'est que nous avons du mal à pousser les choses plus loin. Dans l'expression R et D, c'est dans le volet D que nous sommes à la remorque ou que nous n'avons peut-être pas encore réalisé notre plein potentiel, ce qui sera sans doute la prochaine étape. Je l'espère. Je me fais particulièrement du souci au sujet de la microbiologie et de l'orientation des travaux dans ce domaine, surtout l'aspect D de la R et D. Je me demande quelle vision pour avez pour les instituts et de quelle façon vous entendez la réaliser. Je pense qu'il faudrait que vous ayez un programme très solide pour l'avenir. Je voudrais savoir ce que vous prévoyez pour ce volet.
Comme mon temps est limité, je vous demanderais de répondre succinctement, si possible.
En fait, avant de manquer de temps, je voudrais vous poser une ou deux autres petites questions. J'ai une question précise au sujet de la sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Lou Gehrig. Je crois savoir qu'il existe un fonds d'une quinzaine de millions de dollars qui ne fait pas partie de l'enveloppe des IRSC pour l'instant mais qui devrait y être versé après l'an prochain. Je ne suis pas certain à quel institut cette somme sera remise.
Pouvez-vous me dire à quel point le financement de la recherche sur le SLA est vulnérable? J'entrevois un problème si ce financement est abandonné.
En dernier lieu, pouvez-vous faire le point sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires à laquelle vous participez?
Dr Alan Bernstein: Je vais répondre dans cet ordre, monsieur Merrifield.
Si j'ai bien compris votre question au sujet du développement, vous voulez savoir ce que nous faisons, de façon générale, pour favoriser le développement et veiller à ce qu'il ait des applications concrètes?
Premièrement, je conviens avec vous que c'est un volet qui nécessite beaucoup d'attention. D'ailleurs, c'est précisément l'une de mes priorités pour les cinq prochaines années que de promouvoir une culture, si vous voulez, qui soit propice à l'application concrète de la recherche dans la vraie vie, pour reprendre l'expression de M. Fletcher.
J'ai parlé du programme des alliances communautaires. À l'heure actuelle, nous avons un programme de subvention de recherche par équipe. Nous exigeons de voir pour chacun des programmes financés la preuve de ce que nous appelons l'application des connaissances, c'est-à-dire le fait de transposer les fruits de la recherche dans le monde réel. Pour nous, le monde réel représente trois choses : premièrement, le transfert direct à la population canadienne; deuxièmement, l'élaboration de changements au sein de notre système de soins de santé et, troisièmement, la commercialisation sur le marché.
Avec votre permission, je vais vous donner un autre exemple. Ou voulez-vous que je passe à une autre question?
M. Rob Merrifield: Pendant que vous répondiez, je me suis rappelé que les Canadiens investissent quelque 600 $ par année dans les instituts. Leur revient-il quelque chose, si tant est qu'on accède au volet développement de la recherche?
Dr Alan Bernstein: Nous n'investissons pas dans les compagnies qui voient le jour dans la foulée des recherches financées par les IRSC. Nous pourrions vous expliquer en détail pourquoi il en est ainsi, mais essentiellement, il serait très compliqué pour nous de commencer à agir en tant que bureau de transfert de la technologie et, qui plus est, nous serions quelque peu en conflit d'intérêts en tant que bailleur de fonds de la recherche si nous devions aussi être un investisseur dans cette recherche. Nous espérons que le pays bénéficiera de nos efforts et par là, je veux dire les Canadiens, directement, ainsi que le réseau des universités qui, je le souhaite, en profitera financièrement. Si vous le voulez bien, j'aimerais revenir sur la question du développement.
Pour ce qui est de la SLA, le financement que nous accordons à la recherche sur la SLA, en partenariat avec la Société de la SLA, a augmenté sensiblement depuis quatre ou cinq ans. Nous avons consacré au total près de cinq millions de dollars à la recherche sur la SLA depuis quatre ans et demi. Une partie de la somme provenait d'un partenariat avec la Société SLA. Des montants importants ont aussi été consentis à l'extérieur de ce partenariat.
Nous avons rencontré les porte-parole de la Société SLA et nous avons eu un excellent échange avec eux au sujet de notre partenariat. Sans entrer dans les détails quant à l'ampleur du partenariat envisagé, je leur ai communiqué le message que nous souhaitons l'élargir et le développer dans le contexte des initiatives stratégiques de nos instituts. Par exemple, notre Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies est en train d'élaborer des initiatives importantes sur la recherche neuromusculaire et la médecine régénérative, deux champs d'activité qui présentent de l'intérêt pour la SLA. Je voudrais que la Société SLA devienne notre partenaire dans une initiative beaucoup plus large. La Société y gagnerait un meilleur soutien et une plus grande publicité qu'aux termes du partenariat actuel.
Je pense que ses porte-parole comprennent cela tout à fait et ils sont très en faveur de cette initiative. Je leur ai aussi dit que nous n'allions pas aller de l'avant unilatéralement et apporter quelque changement que ce soit. Nous aurons des échanges constants avec eux. D'ailleurs, nous les rencontrons régulièrement.
 (1250)
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Je vais vous poser quelques courtes questions, puisque j'ai souvent eu le plaisir de vous voir. Vous avez comparu devant notre comité à plusieurs reprises. J'étais membre du comité quand nous avons étudié le projet de loi C-13, je pense, sur la création des instituts.
Votre budget est passé de 250 à 300 millions de dollars à plus de 600 millions de dollars, et vous voulez que ce budget passe à près de un milliard de dollars. C'était une recommandation de l'OCDE, puisqu'il y a quelques années, le Canada faisait partie des pays figurant au bas de la liste. Il faut quand même reconnaître qu'un effort considérable a été fait depuis.
J'ai eu à mon bureau la visite de quelques chercheurs qui s'inquiétaient de votre taux d'acceptation lors des appels d'offres pour la recherche et des concours. À ce moment-là, c'est le jugement par les pairs qui s'applique. Ils disaient qu'il était de plus en plus difficile d'obtenir des subventions, qu'il y avait de plus en plus de chercheurs et qu'il fallait de plus en plus être en haut de la liste.
Cette façon de faire ne devrait-elle pas nous inquiéter? N'existe-t-il pas une façon de corriger cette situation? Bien sûr, je ne remets pas en cause la façon de faire, qui est le jugement par les pairs. Je sais que c'est inévitable dans votre milieu. Il ne peut en être autrement.
[Traduction]
Dr Alan Bernstein: C'est une excellente question. À ce sujet, j'ai une ou deux choses à dire. Premièrement, grâce à votre soutien et à celui du gouvernement du Canada, notre budget est passé d'environ 350 millions, au départ, à un peu moins de 700 millions cette année. Comme je l'ai dit, cela reflète, à mon avis, l'appui extraordinaire du gouvernement fédéral et de la population du Canada.
En même temps, le mandat que nous a confié le Parlement est énorme. Il inclut non seulement la recherche clinique et biomédicale, mais aussi les services de santé et la recherche sur la santé de la population. En outre, comme nous l'ont suggéré MM. Merrifield et Fletcher dans leurs questions, nous faisons davantage d'efforts au chapitre de l'application des connaissances. De toutes les agences de recherche en santé dans le monde, nous avons sans doute le mandat le plus vaste.
Parallèlement, le nombre de chercheurs qui se consacrent à la recherche en santé au pays a tout simplement explosé. Toutes les universités et tous les hôpitaux de recherche au Canada accroissent leur capacité dans le domaine de la recherche en santé, et c'est une excellente nouvelle. Selon moi, cela montre que l'on comprend l'importance de la recherche pour l'avenir du Canada.
L'une des conséquences de cette évolution a été, comme vous l'avez dit, monsieur Ménard, que le taux de succès à nos concours a décliné quelque peu. Lors du dernier concours, un examen par les pairs, les chances des candidats d'obtenir l'approbation de leur demande de subvention s'établissaient à 28 p. 100 environ.
Je souhaiterais que ce pourcentage soit plus élevé, mais le bon côté de la chose, et c'est ce que votre comité devrait comprendre, c'est que nous ne finançons que les meilleurs projets scientifiques. La recherche qui se fait au pays est indubitablement la meilleure. Malheureusement, il y a un grand nombre de projets que nous ne pouvons nous permettre de financer pour le moment et qui, selon mon jugement, mériteraient de l'être.
[Français]
M. Réal Ménard: Merci. I don't have any more questions.
[Traduction]
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Monsieur Savage.
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci, monsieur le président.
Docteur Bernstein, je suis heureux de vous revoir.
En guise de préambule, je tiens à dire que les IRSC sont l'une des plus grandes réussites canadiennes des dernières années. En tant que membre de la Fondation des maladies du coeur, dans les années 90, lorsque le comité médical consultatif se réunissait pour octroyer des subventions de recherche, les chercheurs venaient nous dire que le Conseil de recherches médicales, le précurseur des IRSC, faisait des compressions, qu'ils ne pouvaient pas obtenir d'argent pour financer leurs travaux et que c'est pour cette raison qu'ils s'adressaient à nous. Depuis la création des IRSC, il y a eu un changement radical, et à mon avis, c'est un grand succès.
Deux éléments d'une importance cruciale méritent d'être signalés. Premièrement, nous avons réussi à renverser l'exode des cerveaux dont on a tellement entendu parler au Canada il y a cinq ans. Nous perdions, au profit des États-Unis, nos chercheurs, nos meilleurs professeurs et nos étudiants de niveau postdoctoral, et nous avons renversé cette tendance, ce qui n'est pas peu dire.
Je voudrais vous parler d'un domaine qui m'intéresse particulièrement et que les IRSC ont décidé d'explorer. Sans vouloir minimiser le travail très important que représente la recherche clinique et biomédicale de base, grâce en grande partie aux IRSC, à mon avis, nous avons commencé à nous intéresser à la santé de la population et aux systèmes de santé, à la cueillette de données et à la surveillance de populations spécifiques, comme les femmes et les habitants des régions rurales. Je sais qu'un certain Dr Bernard effectue pour le compte des IRSC une étude sur la race et la santé en Nouvelle-Écosse. La Dre Renée Lyons de Dalhousie et la Dre Judith Guernsey mènent aussi des travaux formidables. Leur équipe essaie de comprendre comment garder en santé la population de certaines régions du Canada où traditionnellement, elle ne l'était pas.
Je voudrais avoir vos commentaires au sujet de l'emphase que nous avons pu mettre sur les études des systèmes de santé et sur la santé de la population, au lieu de simplement se limiter à des travaux de recherches cliniques et biomédicales de base.
 (1255)
Dr Alan Bernstein: Je vous remercie de cette question et des bons mots que vous avez eus au sujet des IRSC au début de votre intervention. Je les apprécie beaucoup.
Cela nous ramène à la question qui a été soulevée tout à l'heure concernant la R et D, ou l'application des connaissances.
Comme vous avez mentionné Renée Lyons, permettez-moi de vous dire quelques mots sur ses travaux car je pense que cela intéressera le comité. Renée Lyons est un professeur de l'Université Dalhousie dont nous finançons les travaux. Elle reçoit de notre part des sommes importantes, près de trois millions de dollars, pour effectuer des recherches sur la prévention et la façon d'assurer des services aux victimes d'attaques cardiaques dans la Nouvelle-Écosse rurale, un projet que nous avons lancé en partenariat avec la Fondation des maladies du coeur. Son équipe se sert de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse, comme d'un espèce de laboratoire vivant pour déterminer comment améliorer la prestation des services de santé dans une petite ville.
Résultat, lorsqu'il a présenté son budget, il y a environ trois semaines, le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse a investi un demi-million de dollars dans cette initiative, qu'elle considère comme un projet pilote. Il ne s'agit pas de passer de la recherche au développement, mais bien de financer la prestation de services de santé selon la méthode dont le succès a été démontré par la Dre Lyons grâce au fonds de démarrage qu'elle a reçu de notre part. Pour moi, c'est un succès fabuleux, et c'est exactement le genre de chose dont vous parliez.
M. Michael Savage: Et c'est exactement dans cette direction que je souhaite voir s'orienter les IRSC. Les gens entendent le mot « recherche », et ils voient tout de suite un laboratoire et un microscope; ils pensent à un type en sarrau blanc. Je sais que c'est très important d'étudier des ventricules, des aortes, etc.
Dr Alan Bernstein: J'ai un sarrau blanc.
M. Michael Savage: Je suis sûr que vous avez un sarrau blanc, mais ce que font la Dre Lyons, la Dre Guernsey et bien d'autres, c'est se rapprocher de la communauté, c'est parler aux gens. Ces chercheurs nouent des partenariats avec les gouvernements provinciaux, les autorités municipales, les bureaux d'hygiène, des organisations et des particuliers, et ils travaillent sur le terrain. À mes yeux, c'est là l'un des grands succès des IRSC. Nous avons élargi la signification du terme recherche au Canada, et je n'ai que de bonnes choses à dire au sujet du travail des IRSC.
J'ai simplement une question relativement à l'exode des cerveaux. Comment comparez-vous la situation d'aujourd'hui à celle qui régnait il y a cinq ans?
Dr Alan Bernstein: Je siège au comité directeur du Programme des chaires de recherche du Canada et je prenais connaissance plus tôt cette semaine des dossiers de la dernière fournée des candidats présentés par les universités du pays qui souhaitent travailler dans le domaine de la recherche en santé. Je peux vous dire que j'ai été impressionné et enthousiasmé par des CV absolument remarquables—quelqu'un m'a complimenté tout à l'heure au sujet de mon propre CV—de candidats étrangers qui souhaitent venir travailler au Canada.
Je suis d'accord avec vous. Il y a eu une transformation complète dans l'atmosphère qui règne ici et dans la façon dont nous sommes perçus dans le monde. Le Canada est aujourd'hui un endroit de choix pour faire de la recherche en santé.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Mme Crowder est la suivante.
Je sais que nous allons dépasser 13 heures. Quelqu'un a-t-il un engagement pressant qu'il ne peut...?
Mme Ruby Dhalla: Malheureusement, je ne peux rester. Je dois partir.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Nous devons adopter une motion avant de perdre le quorum. C'est ce qui m'inquiète un peu.
L'hon. Robert Thibault: Nous pouvons nous prononcer sur la motion avant que Mme Crowder pose sa question, si elle veut bien.
Mme Jean Crowder: Je suis d'accord. Cela serait acceptable. Ma question sera très brève, mais je n'ai pas d'objection à ce que nous nous occupions de la motion en premier.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Je veux bien que M. Bernstein reste plus longtemps, mais je pense que le comité doit se prononcer d'abord sur la motion, si cela vous convient. Est-ce d'accord?
Allez-y.
L'hon. Robert Thibault: Monsieur le président, je propose la motion suivante : Il est convenu, que, conformément au paragraphe 111(2) du Règlement, le comité a examiné les qualités et la compétence du Dr Alan Bernstein à titre de président des Instituts de recherche en santé du Canada, tel que déposé sur le bureau de la Chambre des communes et renvoyé au Comité permanent de la santé le vendredi 22 avril 2005; et considère qu'il a les compétences requises pour exécuter les fonctions du poste auquel il a été nommé.
(La motion est adoptée.)
· (1300)
Le vice-président (M. Rob Merrifield): À l'unanimité.
Des voix : Bravo!
Le vice-président (M. Rob Merrifield) Vous pouvez relaxer.
Dr Alan Bernstein: Merci beaucoup. J'apprécie énormément votre soutien.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Maintenant nous pouvons retirer nos gants blancs et y aller gaiement.
Des voix : Oh, oh!
Le vice-président (M. Rob Merrifield) : Madame Crowder.
Mme Jean Crowder: J'apprécie que vous ayez pris le temps de venir et je fais écho aux commentaires de mes collègues au sujet de votre CV très impressionnant.
Je n'ai qu'une brève question. J'ai remarqué que vous avez mentionné l'Institut du cancer. On nous a parlé cette semaine d'une éventuelle une stratégie canadienne de lutte anticancéreuse, et je constate que le budget prévoit des investissements de 300 millions de dollars pour les maladies chroniques ainsi qu'une campagne de promotion d'un mode de vie sain dans le contexte de la lutte contre le cancer. Je voudrais avoir vos commentaires sur le rôle que joueraient les IRSC. À ce qu'il me semble, de nombreux groupes participent à la lutte au cancer et font la promotion de modes de vie sains, et je voudrais que vous nous précisiez votre rôle.
Dr Alan Bernstein: C'est une question très opportune.
L'Agence de santé publique du Canada a réservé de l'argent pour une stratégie de lutte contre les maladies chroniques, mais la somme que vous avez citée ne servira pas uniquement à combattre le cancer; elle vise l'ensemble des maladies. Ce n'est qu'une petite mise au point.
Comme vous l'avez dit, nous avons un Institut du cancer. L'institut dirige une discussion nationale engageant toutes les provinces, les agences provinciales de lutte contre le cancer, la Société canadienne du cancer, l'Institut national du cancer du Canada, diverses entreprises et d'autres petites organisations caritative liées au cancer. Cette discussion porte sur l'élaboration d'une stratégie nationale intégrée de recherche sur le cancer, ce qui est à mon avis le fondement même de toute stratégie nationale de la lutte anticancéreuse.
Mme Jean Crowder: Je crois savoir qu'il y a aussi un projet de loi au Sénat.
Dr Alan Bernstein: C'est exact.
Mme Jean Crowder: Et tous ces éléments unissent leur force d'une façon quelconque?
Dr Alan Bernstein: Comme je l'ai dit, notre objectif est d'élaborer une stratégie nationale de recherche sur le cancer dont pourrait découler une stratégie nationale de lutte anticancéreuse, et nous discutons avec l'Agence de santé publique à ce sujet. Cela dit, je peux donner au comité l'assurance que nous faisons sérieusement notre part pour ce qui est du volet recherche de la stratégie nationale de lutte contre le cancer.
Mme Jean Crowder: Merci.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Monsieur Lunney.
M. James Lunney: Merci.
J'ai une ou deux brèves questions. Encore une fois, félicitations. Je pense que le soutien unanime du comité traduit sa volonté de vous voir continuer de diriger l'excellent travail des IRSC.
Je voulais obtenir une précision. Tout à l'heure, M. Merrifield a posé une question, et je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la réponse. Il s'agissait du financement, à hauteur de quelque 15 millions de dollars, pour la sclérose latérale amyotrophique. Cet argent provient-il d'une autre enveloppe? Ces fonds seront-ils mis à votre disposition et utilisés par les IRSC? Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est?
Dr Alan Bernstein: Pour préciser, la Société de la sclérose latérale amyotrophique recueille elle-même de l'argent pour la recherche dans ce domaine. Ses dirigeants ont communiqué avec nous—en fait, avec l'organisation qui nous a précédés, il y a un certain nombre d'années dans le but de conclure un partenariat dans ce domaine, et nous avons accepté.
Ce partenariat exige que nous dépensions environ un demi-million ou trois quarts de million de dollars par année—je ne me souviens pas du chiffre exact—pour la recherche sur la SLA. Il va de soi que nous respectons cette obligation mais cela mis à part, nous dépensons des sommes additionnelles pour cette recherche simplement parce que ce sont des travaux scientifiques valables.
M. James Lunney: Et parce que c'est un sujet de préoccupation pour un grand nombre de Canadiens.
Dr Alan Bernstein: Et parce que c'est un sujet de préoccupation pour un grand nombre de Canadiens.
M. James Lunney: Une chose nous préoccupe... Récemment, notre comité a examiné un autre projet de loi, qui portait sur les produits de santé naturels. La nouvelle Direction des produits de santé naturels s'est engagée à consacrer un million de dollars à la recherche sur les avantages des produits de santé naturels.
Je me demandais si, sous les auspices des IRSC, on fait de la recherche sur certains produits qui ne sont sans doute pas brevetables, comme l'acide folique pour les maladies du coeur. Nous avons aussi entendu parler d'un produit appelé Empowerplus, à base de vitamines et de minéraux, qui serait susceptible d'aider les personnes bipolaires. Fait-on de la recherche en vue de promouvoir l'utilisation des produits de santé naturels dans le système des soins de santé?
Dr Alan Bernstein: En bref, la réponse est oui. Notre Institut des services et des politiques de la santé travaille en collaboration avec cette direction de Santé Canada et a constitué, si je ne m'abuse, le seul réseau national au monde de chercheurs qui font des travaux sur les produits de santé naturels, ou sur ce que nous appellerions les approches complémentaires et parallèles en santé. Nous avons créé, à l'échelle du pays, un réseau de chercheurs qui évalue, avec une rigueur toute scientifique, une gamme de différents produits de santé qui sont sur le marché à l'heure actuelle. Nous voulons vraiment faire de la recherche dans ce domaine.
M. James Lunney: En termes de dollars, avez-vous une idée des sommes qui pourraient être dépensées dans ce domaine?
· (1305)
Dr Alan Bernstein: Je n'ai pas le chiffre en tête. Je devrais pourtant.
Il s'agit d'un million étalé sur cinq ans, pour le moment.
M. James Lunney: Un million de dollars?
Dr Alan Bernstein: Oui.
M. James Lunney: Un million étalé sur cinq ans. Et nous consacrons approximativement un milliard de dollars à la recherche médicale. Est-ce que la somme d'un million vous semble suffisante pour faire de la recherche sur les produits de santé naturels sur une période de cinq ans, étant donné que cela représente 200 000 $ par année?
Dr Alan Bernstein: Oui, c'est 200 000 $ par année. En fait, c'est ce que l'équipe a demandé. Il s'agit d'une équipe interdisciplinaire.
Est-ce suffisant? Il est difficile pour moi de répondre à cette question. Si vous me demandiez si c'est suffisant pour la recherche sur le cancer, l'arthrite et la sclérose latérale amyotrophique, je vous donnerais la même réponse : non. Je vais vous répondre la même chose que j'ai répondu à M. Ménard au sujet de nos taux de succès. Nous n'avons pas les ressources que j'estime nécessaires pour respecter notre mandat. Si nous avions davantage d'argent, en investirions-nous davantage dans ce domaine? Probablement.
M. James Lunney: Cela ne semble pas être une priorité si l'on considère que vous disposez de 700 millions et que vous n'en consacrez qu'environ un million à ce domaine sur une période de cinq ans. Cela semble une priorité plutôt mineure.
Dr Alan Bernstein: Je vais vous expliquer. C'est la somme qu'a demandée l'équipe qui nous a pressentis, et c'est la somme qu'elle reçoit dans le contexte du Programme de renforcement des capacités. Nous espérons que ces chercheurs parviendront à renforcer les capacités de recherche et, si le programme est couronné de succès, qu'ils reviendront réclamer davantage d'argent, forts de leur réussite. Et si leur recherche a du succès, nous accueillerons très sérieusement leur demande.
M. James Lunney: Je veux signaler une chose. D'après l'Institut Fraser, les Canadiens dépensent environ 1,6 milliard de dollars par année pour des produits de santé naturels pour améliorer leur propre santé, et nous dépensons environ un milliard de dollars pour la recherche en santé, si je peux utiliser ce chiffre. Proportionnellement, les Canadiens dépensent 15 ou 16 milliards de dollars pour les produits pharmaceutiques. C'est environ un ratio de 10 contre 1. Il me semble que si les Canadiens eux-mêmes accordent aux produits de santé naturels une valeur élevée correspondant à un dixième de ce que nous dépensons pour les produits pharmaceutiques, la recherche devrait peut-être adopter une orientation qui reflète mieux la valeur que les Canadiens eux-mêmes accordent aux produits naturels.
Dr Alan Bernstein: Je suis tout à fait disposé à prendre la question en délibération. Nous allons étudier cela.
M. James Lunney: Merci, docteur Bernstein.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): C'est un bon argument.
Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Merci, docteur Bernstein d'être venu et de partager cette information avec nous.
Pendant que j'écoutais les questions de M. Merrifield et de M. Fletcher, et vos réponses, au sujet de la commercialisation de la recherche, cela m'a rappelé une histoire que j'ai entendue un jour au sujet de la différence entre un universitaire et un entrepreneur. L'entrepreneur voit quelque chose qui fonctionne et dit : il faut vendre cela; l'universitaire qui constate le même phénomène dit : oui, cela fonctionne en pratique, mais est-ce que cela fonctionnera en théorie?
Des voix : Oh, oh!
L'hon. Robert Thibault : Mais je suis heureux de voir que vous vous attachez à surmonter cet obstacle.
J'ai deux questions à vous poser. Je n'ai pas votre rapport annuel ici, mais lorsque je l'ai lu, une chose en particulier m'a surpris et encouragé, soit les économies qu'il serait possible de réaliser en apportant des changements aux procédures et en modifiant l'usage de certains médicaments. J'ai constaté cela lorsque j'ai pris connaissance de certaines des recherches que vous avez effectuées ou parrainées et de leur application dans les régies régionales de la santé et dans les ministères de la Santé provinciaux ou encore dans l'administration de la santé au niveau provincial. Si vous avez le rapport avec vous et que vous pouviez donner quelques exemples au comité, je crois que cela serait encourageant pour tout le monde. En effet, nous pourrions voir que les contribuables obtiennent un bon rendement sur les investissements que nous faisons par l'entremise des IRSC.
Deuxièmement, pour la gouverne du comité, qui voudra peut-être discuter de cela avec le ministre de la Santé, particulièrement à l'avenir, je voudrais que vous reveniez sur la question de M. Fletcher au sujet des fondations. D'aucuns ont des objections concernant leur mode de financement, le fait qu'elles sont indépendantes et qu'elles échappent en quelque sorte au contrôle et à la surveillance du Parlement. Mais les fondations ont un avantage, en ce sens qu'elles peuvent prendre des engagements de longue durée avec leurs clients, les gens qu'elles financent. Les chaires de recherche sont un bon exemple.
Pour votre part, vous recevez des crédits du Parlement tous les ans, de sorte que vous devez attendre le dépôt du budget et vous assurez que vous êtes en mesure de... Certains de vos clients, l'Institut de régénération du cerveau, par exemple, doivent prendre des engagements ou faire des investissements qui exigent des plans pluriannuels, mais vous pouvez leur garantir uniquement un financement annuel étant donné que le Parlement doit approuver votre financement au cours de l'année.
Avez-vous une idée de la façon dont on pourrait remédier à ce problème? Y a-t-il un moyen terme entre le mode de financement des fondations et le financement annuel?
Dr Alan Bernstein: Monsieur le président, ce sont là deux excellentes questions.
Je vais essayer de répondre à la seconde en premier. Vous avez raison de dire que la science est un engagement ou une entreprise à long terme. Très peu de projets que nous finançons ont une durée d'un an, et encore là, il s'agit généralement de projets pilotes pour voir s'il serait bon de les appuyer à plus long terme. Vous avez aussi raison de dire que nous recevons des crédits annuels. Par conséquent, je pense qu'il serait très opportun, maintenant que nous avons complété notre premier cycle de cinq ans, de voir s'il n'y aurait pas au Canada et à l'étranger d'autres modèles d'engagement et de financement à long terme pour les IRSC, en conformité avec notre mandat. Je participerais volontiers à un exercice comme celui-là.
Pour ce qui est des économies d'argent, je vous donnerai deux exemples, si vous le permettez. J'en ai peut-être déjà cité un devant votre comité. Si c'est le cas, monsieur le président, je m'en excuse à l'avance.
Ici, à Ottawa, Ian Stiell, un chercheur des IRSC, dirige une salle d'urgence à l'hôpital d'Ottawa. Nous finançons ses travaux depuis de nombreuses années. Il a mis au point les règles concernant les blessures au genou et à la cheville à Ottawa. En ce moment, nous finançons ses travaux sur les règles relatives aux lésions de la moelle épinière. C'est par défaut que dans les urgences, les médecins font passer des rayons-x à quiconque se présente. Cela coûte de l'argent et prend beaucoup de temps. Le Dr Stiell a élaboré des algorithmes et des diagrammes de cheminement qui expliquent ce qu'il convient de faire lorsqu'un patient présente telle ou telle blessure; il n'est pas toujours nécessaire de leur faire passer une radiographie. Il a calculé qu'en Ontario seulement, une fois son travail terminé, cela permettrait d'épargner 10 millions en radiographies inutiles, rien qu'en suivant son algorithme, ou ce que l'on appelle maintenant à l'échelle internationale les règles d'Ottawa concernant les blessures au genou et à la cheville. Les résultats de ses recherches ont été disséminés au Canada et à l'étranger.
Autre exemple, le financement de travaux sur les stimulateurs cardiaques. Une équipe que nous finançons a découvert que les stimulateurs cardiaques mono-chambre sont tout aussi efficaces que les stimulateurs à double chambre. Comme ils sont moins coûteux, cela permettrait au Canada d'épargner au total plus de 10 millions de dollars par année si l'on utilisait uniquement des stimulateurs mono-chambre.
Voilà des exemples d'économies potentielles. Dans le premier cas, ce sont des économies réelles.
Le prochain défi, bien sûr, est d'amener notre système de soins de santé à adopter concrètement ces recommandations. Pour en revenir à une question qui a été posée tout à l'heure, cela démontre qu'il faut connaître nos chercheurs et leur permettre de nouer des liens étroits avec des équipes pluridisciplinaires en santé et les décideurs pour s'assurer que les fruits de leur recherche trouvent une application dans le monde réel.
· (1310)
L'hon. Robert Thibault: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Merci beaucoup.
Avez-vous autre chose à ajouter? Vous avez évité une question au sujet de la recherche sur les embryons. Pouvez-vous faire le point là-dessus?
J'ai aussi une autre question. Faites-vous de la recherche privée, en sus de ce que vous faites pour les IRSC? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous dire qui sont vos associés et qui contribue au financement?
Dr Alan Bernstein: Pour ce qui est de la recherche sur les cellules souches, comme vous le savez, la loi a été adoptée et l'agence sera sur pied sous peu.
Nous travaillons en étroite collaboration avec Santé Canada pour établir l'agence. Nous avons mis sur pied un comité de surveillance. Ce comité examine toute la recherche intégrant des lignes de cellules souches embryonnaires, pour la plupart celles qui ont déjà été établies ailleurs et qui ont été importées au Canada, ou celles que le chercheur souhaite importer au Canada. Ce comité se réunit depuis environ un an.
À l'heure actuelle, nous finançons la recherche dans ce domaine à hauteur d'un demi-million de dollars. Pour mettre les choses en contexte, nous versons plus de 15 millions de dollars à la recherche sur les cellules souches qui ne fait pas appel à des embryons humains ou à des lignes de cellules souches embryonnaires humaines.
Je ne sais pas si cela répond à votre question, monsieur Merrifield.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Vaguement, mais ça va.
Dr Alan Bernstein: Pour ce qui est de ma propre recherche, j'ai conservé mon laboratoire à Toronto. Lorsque j'ai accepté ce poste, j'ai demandé l'avis d'un certain nombre d'experts dans le monde entier, y compris Harold Varmus, ancien prix Nobel et directeur du NIH aux États-Unis, qui est un ami à moi. Il m'a dit qu'il serait très important que je ne perde pas de vue le travail sur le terrain et que le fait d'avoir un laboratoire me permettrait de demeurer en contact avec la science. J'ai donc suivi son conseil, mais mon laboratoire n'a plus la même envergure. Les vendredis, je me consacre de plus en plus aux affaires des IRSC et non à mon laboratoire. Le laboratoire est financé par une subvention que j'ai reçue de l'Institut national du cancer du Canada que j'ai reçue juste avant de devenir président des IRSC. Depuis 25 ans, je recevais des subventions du Conseil de recherches médicales, mais je n'ai pas renouvelé cette subvention, car j'aurais été en conflit d'intérêts.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Merci. Cela répond à mes questions.
Je tiens à vous féliciter pour le renouvellement de votre mandat. Continuez votre excellent travail. Je suis sûr que nous aurons l'occasion de vous recevoir à nouveau de temps à autre. Je vous souhaite la meilleure des chances.
La séance est levée.