HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 10 mars 2005
À | 1050 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. Steven Fletcher (Charleswood—St. James—Assiniboia, PCC) |
La présidente |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC) |
La présidente |
M. Steven Fletcher |
La présidente |
La greffière du comité (Mme Carmen DePape) |
M. Steven Fletcher |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.) |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
La greffière |
L'hon. Robert Thibault |
La greffière |
L'hon. Robert Thibault |
La greffière |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
M. Steven Fletcher |
La présidente |
À | 1055 |
La greffière |
La présidente |
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC) |
La présidente |
M. Colin Carrie |
La présidente |
La greffière |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ) |
La présidente |
M. James Lunney |
Á | 1100 |
La présidente |
Mme Karen Dunham (président national, Les mères contre l'alcool au volant) |
Á | 1105 |
M. Andrew Murie (directeur exécutif, Les mères contre l'alcool au volant) |
Á | 1110 |
La présidente |
M. Robin Walker (président, Société canadienne de pédiatrie) |
Á | 1115 |
Á | 1120 |
La présidente |
Mme Elspeth Ross (co-facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa) |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
La présidente |
M. Hubert Sacy (directeur général, Éduc'alcool) |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
La présidente |
Dr Robert Mann (chercheur scientifique principal, Centre de toxicomanie et de santé mentale) |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
La présidente |
M. Steven Fletcher |
 | 1200 |
M. Hubert Sacy |
M. Steven Fletcher |
M. Hubert Sacy |
M. Steven Fletcher |
Dr Robert Mann |
M. Steven Fletcher |
Dr Robert Mann |
M. Steven Fletcher |
M. Andrew Murie |
M. Steven Fletcher |
Mme Elspeth Ross |
M. Steven Fletcher |
 | 1205 |
Dr Robert Mann |
M. Steven Fletcher |
Dr Robert Mann |
M. Steven Fletcher |
M. Andrew Murie |
M. Steven Fletcher |
Mme Elspeth Ross |
M. Steven Fletcher |
Dr Robert Mann |
 | 1210 |
Le vice-président (M. Réal Ménard) |
M. Hubert Sacy |
M. Réal Ménard |
M. Hubert Sacy |
 | 1215 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Hubert Sacy |
La présidente |
M. Hubert Sacy |
La présidente |
M. James Lunney |
La présidente |
M. Robin Walker |
 | 1220 |
La présidente |
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.) |
M. Hubert Sacy |
La présidente |
Dr Robert Mann |
La présidente |
M. Andrew Murie |
M. Hubert Sacy |
 | 1225 |
Mme Ruby Dhalla |
M. Hubert Sacy |
Mme Ruby Dhalla |
M. Hubert Sacy |
Mme Ruby Dhalla |
M. Hubert Sacy |
Mme Ruby Dhalla |
M. Hubert Sacy |
Mme Ruby Dhalla |
M. Hubert Sacy |
Mme Ruby Dhalla |
M. Andrew Murie |
La présidente |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
M. Robin Walker |
Mme Jean Crowder |
Mme Elspeth Ross |
 | 1230 |
Mme Jean Crowder |
Dr Robert Mann |
Mme Jean Crowder |
Dr Robert Mann |
Mme Jean Crowder |
M. Robin Walker |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
 | 1235 |
Mme Elspeth Ross |
Mme Karen Dunham |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
M. James Lunney |
 | 1240 |
M. Andrew Murie |
La présidente |
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.) |
M. Robin Walker |
M. Michael Savage |
 | 1245 |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
Dr Robert Mann |
La présidente |
Mme Nicole Demers (Laval, BQ) |
M. Hubert Sacy |
 | 1250 |
La présidente |
M. Hubert Sacy |
La présidente |
M. Hubert Sacy |
La présidente |
M. Colin Carrie |
M. Hubert Sacy |
 | 1255 |
M. Colin Carrie |
M. Hubert Sacy |
M. Colin Carrie |
M. Hubert Sacy |
M. Colin Carrie |
M. Hubert Sacy |
M. Colin Carrie |
M. Hubert Sacy |
M. Colin Carrie |
M. Hubert Sacy |
M. Colin Carrie |
La présidente |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
M. Hubert Sacy |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 10 mars 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
À (1050)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à cette 26e séance du Comité permanent de la santé.
Nous commençons quelques minutes en avance ce matin car nous avons une petite affaire interne à régler avant de passer au sujet du jour, soit les étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées. Donc, avant de passer à cette partie de la séance, nous avons une affaire préalable à expédier.
Vous vous souviendrez que M. Merrifield a déposé à la Chambre un rapport de notre comité exposant notre point de vue sur la réglementation du tabac, que nous avions demandé à examiner. Il a présenté ce rapport et tout allait bien, mais nous apprenons maintenant que certaines règles de procédure ont changé juste au moment du dépôt de ce rapport. Nous demandions dans celui-ci une réponse du gouvernement, mais il y a eu un changement dans les délais, qui sont passés de 30 jours à 120 jours. Il semblerait que nous ne puissions faire cela car cela deviendra rétroactif ou quelque chose du genre. Je ne me souviens plus exactement quel est le problème, c'est une question de procédure exclusivement, et si quelqu'un s'intéresse réellement au détail de ces règles de procédure, nous pouvons demander à la greffière de les expliquer.
Elle m'a expliqué le problème l'autre jour et je lui ai proposé de vous soumettre une motion retirant le premier rapport, car c'est lui qui pose un problème au greffier, et de redéposer exactement le même contenu, mais sous forme de deux rapports distincts, un contenant nos conclusions sur le règlement et un autre demandant une réponse au gouvernement. Le contenu sera identique, mais se présentera sous la forme de deux rapports, ce qui permettrait de contourner d'une façon ou d'une autre cette modification des règles de procédure.
Donc une motion vous est soumise, que je vous lis : Que nonobstant le quatrième rapport déposé à la Chambre des communes le vendredi 16 février, la présidence dépose deux rapports distincts sur le projet de règlement renvoyé au comité le mardi 14 décembre. Un rapport portera sur l'amendement au projet de règlement adopté par le comité le 14 février. Le deuxième rapport contiendra la recommandation du comité concernant la Loi sur l'accès à l'information et la demande que le gouvernement dépose une réponse à la recommandation du comité.
Ce que nous faisons, c'est prendre le rapport que nous avons déjà déposé et le scinder tout simplement en deux.
M. Steven Fletcher (Charleswood—St. James—Assiniboia, PCC): S'agit-il donc d'un préavis de motion de 48 heures, ou bien voulez-vous...?
La présidente: Non, c'est une motion de procédure, en fait. Nous pouvons l'adopter quand nous voulons. Ce n'est pas une question de fond, uniquement de procédure. Il s'agit de contourner des règles. Cela ne répond nullement à un dessin du gouvernement de faire quoi que ce soit, il s'agit simplement de nous éviter des ennuis avec le greffier de la Chambre des communes. C'est tout.
Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Madame la présidente, puisque vous admettez que c'est un problème un peu technique et plutôt complexe, nous demandons un peu de temps pour l'examiner. M. Merrifield n'est pas ici aujourd'hui car il assiste aux funérailles dans l'Ouest. Nous aimerions avoir le temps d'examiner cela et de cerner les répercussions avant de voter.
La présidente: Vous savez que cela retardera les choses jusqu'à la semaine prochaine, qui est une semaine de congé.
M. Steven Fletcher: Est-ce qu'il y a urgence?
La présidente: Je ne sais pas.
Madame la greffière?
La greffière du comité (Mme Carmen DePape): La Loi sur le tabac stipule que le rapport doit être adopté dans les 30 jours de séance pour que l'amendement au règlement puisse prendre effet. Cela nous laisse jusque dans le courant d'avril, et nous avons donc un peu de temps.
M. Steven Fletcher: Dans ce cas, je préconise d'attendre.
La présidente: Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.): Je n'ai pas d'objection, mais avec votre permission, j'aimerais que la greffière nous explique, car...
La présidente: Je n'ai pas bien expliqué.
L'hon. Robert Thibault: Je me suis un peu perdu dans votre explication.
La présidente: Allez-y.
La greffière: Des changements récents ont été apportés au règlement de la Chambre disant que lorsqu'un comité dépose un rapport et demande une réponse au gouvernement—et c'est un changement par rapport à ce qui existait auparavant—ce rapport ne peut être adopté tant que le gouvernement n'a pas déposé sa réponse à la Chambre. Le problème est que la Loi sur le tabac stipule un délai de 30 jours de séance pour l'adoption d'un amendement, et si nous attendons la réponse du gouvernement, celui-ci dispose de 120 jours pour répondre. Donc, les 30 jours seront écoulés et nous perdrons l'amendement.
L'hon. Robert Thibault: Dans ce cas, la réponse que nous demandons au gouvernement est...
La greffière: Nous demandons simplement une réponse à la recommandation. Ce que nous faisons, c'est scinder en deux...
L'hon. Robert Thibault: Non, je demande simplement si c'est en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. C'est cela que nous demandons.
La greffière: Oui.
L'hon. Robert Thibault: Donc, le comité a donné son accord à cet amendement. C'est un amendement qui a été adopté, une recommandation, et il prendra effet mécaniquement, et le gouvernement doit quand même donner sa réponse au comité dans un délai de 120 jours?
La présidente: C'est juste.
L'hon. Robert Thibault: Je comprends mieux maintenant. Je suis en faveur de la motion. Je ne sais pas si l'opposition voudrait reconsidérer.
M. Steven Fletcher: Je préfère attendre. S'il n'y a pas urgence, j'aimerais en parler avec la greffière et mieux comprendre le problème de procédure qui se pose.
La présidente: À condition que nous ne laissions pas passer une échéance, madame la greffière.
À (1055)
La greffière: Oui, c'est en avril.
La présidente: Donc, à notre première réunion après le congé, j'espère que tout le monde sera prêt à adopter cette motion; sinon, nous perdrons notre amendement au règlement sur le tabac.
Merci beaucoup.
Nous renvoyons donc le point numéro un à la prochaine séance du comité.
Sur le point deux, le projet de loi C-206, les étiquettes de mise en garde au sujet de la consommation de boissons alcooliques—là encore nous avons une question administrative à régler. Nombre d'entre vous m'avez proposé des témoins supplémentaires. J'ai demandé au greffier de les appeler—particulièrement des témoins experts, des professeurs d'université, ce genre de personnes. Ai-je votre accord pour cela?
Monsieur Carrie.
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC): Madame la présidente, est-ce que Gideon Koren est l'un de ceux-là?
La présidente: Oui.
M. Colin Carrie: C'est celui que j'avais demandé.
La présidente: J'ai demandé à la greffière de l'appeler l'autre jour, mais elle a quelque chose à dire à ce sujet.
La greffière: Nous lui avons proposé le 21 mars, qui est la journée où nous allions recevoir les experts. Il m'a rappelé pour me demander de reprogrammer. Je lui ai dit que la seule autre date possible serait le 24 mars. Il ne peut pas venir non plus ce jour-là. Ce sont là les deux dates possibles, et il n'est disponible à aucune des deux. Je ne sais pas si vous souhaitez le recevoir à un autre moment.
La présidente: Avec votre permission, j'aimerais revoir la très longue liste d'experts dressée par nos chargés de recherche. Il se peut que nous devions ajouter une autre réunion à celle déjà programmée et, avec votre indulgence, j'ajouterai quelques noms et j'ajouterai une autre réunion, si cela vous convient, car nous ne voulons pas rater certaines de ces personnes. Je sais que M. Koren tient beaucoup à venir.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Madame la présidente, assurez-vous qu'il y ait quelqu'un de l'Université de Montréal. J'avais indiqué à la greffière que des gens du Département de psychologie de l'Université de Montréal ainsi qu'un groupe de travail sur la toxicomanie—le GRASP—ont étudié ces questions. Je ne crois pas que Mme Line Beauchamp y travaille elle-même, mais je sais que d'autres personnes le font. On m'a parlé d'une certaine Louise Nadeau. Quelqu'un de l'Université de Montréal éclairerait nos travaux.
Il me semble aussi que nous avons négligé un aspect dont il faudrait s'occuper. J'aimerais qu'on nous informe du point de vue constitutionnel. Serait-il possible que quelqu'un du ministère de la Justice vienne à ce comité? Dans nos caucus, on souligne le fait que si le projet de loi était adopté, on devrait connaître les implications pour les provinces sur le plan de la réglementation. Je crois que nous avons besoin de ce type d'éclairage également. Quelqu'un du ministère de la Justice devrait venir nous parler: vous savez comme les questions de nature constitutionnelle sont délicates, alors il vaut mieux avoir toute l'information.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
J'ai eu, tout comme vous, toutes sortes de conversations dans les couloirs avec divers membres du comité, et même des députés qui ne sont pas membres de ce comité et qui m'ont accrochée pour me parler de diverses personnes qu'ils aimeraient que nous invitions. Nous allons donc revoir tout cela, pour tenter d'avoir un éventail de témoins aussi grand que possible et avoir un calendrier de comparution prêt pour la première réunion après le congé. Cela vous convient-il?
Des voix: D'accord.
La présidente: Bien, je vous remercie.
Le troisième point concerne le budget des dépenses. Je l'ai inscrit à l'ordre du jour d'aujourd'hui pour vous rappeler qu'il y a une date limite et des pressions renouvelées sur les comités pour qu'ils fassent leur travail sur le budget des dépenses. Là aussi nous allons devoir décider quand placer ces réunions—nous en avons habituellement deux—et en guise de rappel j'ai également ajouté au bas le point quatre, le projet de loi C-28. Au cas où vous l'auriez oublié, c'est un projet de loi gouvernemental renvoyé par la Chambre à notre comité. Normalement, ces projets de loi sont prioritaires; je l'ai inscrit ici pour vous montrer qu'il pourrait se passer quelque temps avant que nous revenions à notre sujet de prédilection, les pharmacies Internet, à cause de ces obligations qui nous sont imposées par la Chambre—le projet de loi C-206, le budget des dépenses et le projet de loi C-28. Nous avons un autre projet de loi encore, le C-420, qui nous a été envoyé hier, et le projet de loi d'initiative parlementaire de M. Carrie viendra également à notre comité.
Il semble donc que nous soyons réellement accaparés par les affaires législatives cette saison. Nous devons expédier celles-ci avant de revenir aux sujets de notre choix. Nous ferons de notre mieux pour caser le budget des dépenses, le projet de loi C-28, puis le projet de loi C-420, mais tout cela va nous occuper pas mal de temps, je crois.
Y a-t-il des questions?
Monsieur Lunney.
[Français]
M. James Lunney: Je veux parler du projet de loi C-420.
[Traduction]
C'est un projet de loi important. Beaucoup de comités demanderont à comparaître à son sujet. Il suscite beaucoup d'intérêt. Il faudra prévoir suffisamment de temps pour entendre ces témoins, j'en suis sûr.
Á (1100)
La présidente: Oui. Je commence à voir qu'il nous faudra passer à ce que j'appelle notre « mode cocotte minute » et avoir peut-être une séance d'une journée complète pour l'audition des témoins concernant certains de ces projets de loi. Il ne faudrait pas que cela traîne au-delà de l'été. J'aimerais expédier tout cela avant les congés d'été.
Merci de cet avertissement, monsieur Lunney.
Voyant que nous sommes d'accord, nous pouvons maintenant mettre ces choses de côté.
Il est maintenant 11 h et nous pouvons passer à notre ordre du jour régulier. J'invite les témoins qui comparaissent au sujet du projet de loi C-206 à prendre place à la table.
Bonjour, et bienvenue à notre réunion.
Le premier groupe à comparaître est Mères contre l'alcool au volant, aussi connu sous le nom de MADD. Il est représenté par Mme Dunham, la présidente nationale, et M. Murie, directeur général.
Je vous donne la parole, à celui des deux qui veut commencer.
Mme Karen Dunham (président national, Les mères contre l'alcool au volant): Bonjour.
Je suis présidente nationale de MADD Canada depuis septembre 2004. Je suis de Saint John, au Nouveau-Brunswick, où j'ai aidé à fonder une section locale de MADD.
Ma famille est victime de la conduite en état d'ébriété. Mon fils Jonathan souffrira pendant le reste de sa vie des blessures à la tête reçues dans un horrible accident causé par un chauffard ivre qui avait dans le sang deux fois et demie la limite légale et a brûlé un feu rouge avant de heurter la moto de mon fils, l'abandonnant dans la rue. Aujourd'hui, Jonathan, notre famille et nos amis vivent avec les rêves de ce qui aurait pu être et les réalités de la victime survivante de la conduite en état d'ivresse.
Mères contre l'alcool au volant est heureuse de comparaître devant vous aujourd'hui. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de nous exprimer en faveur du projet de loi C-206. Nous sommes en faveur du placement d'avertissements sur les produits alcoolisés, pour deux raisons.
Premièrement, le gouvernement a le droit et l'obligation d'avertir les consommateurs des risques pour la santé et la sécurité des produits. L'étiquetage est une façon directe de s'acquitter de cette responsabilité.
Deuxièmement, le public a le droit de connaître les effets de l'alcool. Il est remarquable que l'alcool, sous toutes ses formes, reste l'un des rares produits dans notre société dont les ingrédients ne sont pas indiqués ou qui ne renseigne pas le consommateur sur ses emballages.
Aujourd'hui, pour pratiquement tous les autres fabricants de produits commerciaux, la réalité est que le public a le droit croissant d'être informé sur les ingrédients d'un produit et les facteurs de risque. McDonald's indique les calories, les jouets des enfants comportent des avertissements sécuritaires et même les grille-pain avertissent qu'il ne faut pas les plonger dans une baignoire.
Donc, le gouvernement a le devoir de prévenir des risques et le consommateur a le droit d'être mieux informé.
MADD Canada considère les mises en garde sur les produits alcoolisés comme une mesure efficace complétant les programmes publics d'éducation et les campagnes d'information sanitaire relatives à l'alcool. Tout comme l'action d'éducation publique des gouvernements sur les produits du tabac, les étiquettes d'avertissement seront efficaces en tant que l'un des éléments d'une campagne gouvernementale plus large visant à communiquer aux Canadiens les données sanitaires les plus récentes et les risques associés aux produits alcoolisés.
Un avantage du projet de loi C-206, c'est que M. Szabo a laissé à Santé Canada le soin de fixer la taille et le contenu des étiquettes. C'est une excellente idée, car elle confie cette responsabilité aux spécialistes de la santé qui possèdent les connaissances dans ce domaine et jouissent de l'expérience acquise avec les mises en garde sur les produits de tabac.
Cela dit, MADD Canada souhaite formuler deux suggestions aux fonctionnaires de Santé Canada qui seront chargés de créer les avertissements concernant l'alcool.
Premièrement, les mises en garde doivent être visibles et apparaître clairement. Elles ne doivent pas être cachées ou camouflées de manière à se fondre dans le dessin artistique de l'étiquette.
Deuxièmement, les avertissements doivent donner des renseignements précis sur les risques liés à la consommation.
Nous sommes d'accord avec la liste des dangers dressée par M. Szabo. Les mises en garde doivent faire mention des risques de malformation congénitale, des risques pour la conduite de véhicules ou de machines et d'effets sur la santé.
Je conclus ce bref exposé en disant aux députés autour de cette table, à nos législateurs, qu'il n'est pas déraisonnable pour notre société de placer des étiquettes de mise en garde sur les boissons alcooliques. L'Organisation mondiale de la santé a mis en évidence une relation de cause à effet entre la consommation d'alcool et plus de 60 types de blessures et maladies. La seule consommation—sans parler d'excès—accroît le risque de 60 maladies et lésions—cancer, cirrhose du foie, épilepsie et décès attribuables à des homicides et accidents automobiles.
Connaissant tous ces dégâts causés par l'alcool, je répète qu'il n'est pas déraisonnable pour le gouvernement de s'acquitter de son obligation d'avertir le public en imposant des étiquettes de mise en garde sur les produits alcoolisés.
Merci.
Á (1105)
M. Andrew Murie (directeur exécutif, Les mères contre l'alcool au volant): J'aimerais commencer par réfuter quelques-uns des arguments invoqués contre les mises en garde.
Premièrement, l'argument du coût. Le coût de l'introduction d'étiquettes d'avertissement n'est qu'un leurre. Je n'ai connaissance d'aucun fabricant de boissons alcoolisées qui ait fait faillite, ou qui ait dû licencier parce que son pays a introduit des avertissements obligatoires. Nombre de nos fabricants qui exportent aux États-Unis doivent déjà apposer de telles étiquettes et pourtant ils continuent à exporter avec ce coût supplémentaire.
Le deuxième argument intéresse les campagnes pour la modération des fabricants et l'affirmation que ces programmes renseignent efficacement les consommateurs sur les risques de leurs produits. Nous ne partageons pas ce point de vue. Il faut considérer ces programmes à la lumière des objectifs commerciaux ambitieux des fabricants. La production et la distribution de boissons alcoolisées sont une grosse industrie qui fera tout son possible pour protéger les marges bénéficiaires et les profits. Les messages de modération de l'industrie visent à émousser les arguments faisant ressortir les préjudices causés par leurs produits. Dans le contexte des étiquettes de mise en garde, ces programmes sont toujours invoqués pour défendre le statu quo, comme le sont leurs arguments contre la réduction du taux d'alcoolémie, malgré toutes les preuves empiriques. Nous ne croyons pas que l'industrie de l'alcool fournisse aux Canadiens une information complète et précise sur ses produits.
Permettez-moi de vous citer un exemple, celui des campagnes tant vantées de l'industrie sur les risques pour la santé des femmes enceintes. Les recherches actuelles nous disent que les effets les plus sérieux de l'alcool sur un foetus interviennent au tout début de la grossesse. Dans ces conditions, les femmes qui cherchent à concevoir ou risquent de tomber enceintes devraient s'abstenir totalement. Aujourd'hui, les messages relatifs à la grossesse de l'industrie ciblent les femmes qui savent être enceintes, et non les femmes sexuellement actives. D'une part, les programmes d'information des femmes enceintes permettent à l'industrie de prétendre renseigner sur les risques sanitaires inhérents, alors qu'en même temps l'industrie continue à axer ses efforts de marketing sur les jeunes consommatrices. La notion que la consommation d'alcool et le sexe peuvent constituer un mélange dangereux n'apparaît nulle part dans la promotion de masse et les publicités de l'industrie.
Sur une question connexe, le comité a entendu les fabricants répéter leur rengaine de 1996, donnant à entendre que c'est tout ou rien, s'agissant des programmes de modération et de l'introduction d'étiquettes de mise en garde. La menace implicite, c'est de retirer les produits du marché si on les oblige à placer des étiquettes d'avertissement. Le seul fait d'évoquer cette menace auprès des législateurs et autorités réglementaires jette le doute sur la sincérité de l'engagement de l'industrie pour l'éducation publique.
Dans la présentation d'hier des fabricants, il n'a pas été fait mention une seule fois du problème de la « beuverie ». Pourquoi? Parce que l'industrie sait deux choses au sujet de ce groupe : premièrement, 20 p. 100 de ces buveurs consomment 80 p. 100 de leurs produits; et nous savons aussi que ces buveurs là sont trois fois plus susceptibles de conduire en état d'ébriété que les autres chauffeurs.
Je dois dire que je trouve ironique que l'industrie fasse pression sur le gouvernement pour pouvoir inscrire des messages sur leurs étiquettes vantant les avantages pour la santé, alors qu'ils ne veulent rien entendre au sujet d'étiquettes informant sur les risques de l'alcool et les problèmes sanitaires associés à la consommation.
Les avantages pour la santé des produits alcoolisés sont très limités comparés aux risques. La plupart des recherches sur les avantages sanitaires de l'alcool sont financées par l'industrie des boissons alcoolisées elles-mêmes. C'est pourquoi notre organisation ne partage pas l'avis exprimé par Spirits Canada hier, à savoir que si l'on impose des mises en garde, il faudrait des messages équilibrés. Le message sur l'étiquette d'avertissement ne doit parler que du risque.
Enfin, j'aimerais parler du contenu du message et de la controverse entre des énoncés généraux et détaillés. La précision de l'avertissement sera la clé de l'efficacité de cette initiative. Notre recommandation est que l'avertissement ne soit pas de nature générique, mais reflète clairement les données empiriques disponibles.
Par exemple, des messages comme « ne buvez pas au volant » sont devenus banals, un énoncé de bon sens. Il faut présenter de façon plus frappante l'effet avéré de ces activités risquées. Les données scientifiques nous disent que même une petite dose d'alcool a un effet négatif sur les facultés motrices. De fait, un seul verre suffit à réduire la capacité d'une personne à conduire une machine ou une voiture.
L'image que l'industrie de l'alcool a présentée hier, en disant que le problème de la conduite en état d'ébriété n'est plus que le fait d'alcooliques invétérés, de récidivistes, n'est que l'un de plusieurs points de vue présentés par cette industrie qui sont dénués de tout fondement empirique. Le défi pour Santé Canada consiste à trouver un avertissement qui aille au-delà des généralités et reflète fidèlement des faits connus et qui traduise plus précisément les risques et les dangers pour la santé liés à la consommation d'alcool.
Á (1110)
En conclusion, MADD Canada applaudira le gouvernement et le Parlement d'avoir résisté aux pressions de l'industrie et d'avoir adopté cette législation responsable. Une meilleure sensibilisation du consommateur conduit à de meilleures habitudes de vie et à un comportement social plus responsable. On peut discuter de la profondeur de l'impact, mais MADD Canada, du fait de son expérience, croit fermement que des messages de mise en garde cohérents et fréquents ont un effet. Quiconque en doute n'a qu'à regarder l'évolution de l'attitude du public vis-à-vis de la conduite en état d'ébriété au cours des 20 dernières années. Grâce à des campagnes soutenues, la vaste majorité des Canadiens ont acquis de bonnes habitudes et ne prendront pas le volant s'ils ont trop bu.
Des étiquettes de mise en garde sur les produits alcoolisés donneront des résultats et compléteront les programmes d'éducation et les campagnes de sensibilisation des pouvoirs publics et des organisations oeuvrant pour la santé et la sécurité à travers le Canada. Nous parlerons volontiers plus en détail de l'effet que cette mesure pourrait avoir sur la conduite en état d'ébriété pendant la période des questions.
Merci.
La présidente: Merci, madame Dunham, et merci à vous, monsieur Murie.
Nous passons maintenant à la Société canadienne de pédiatrie. Son exposé sera présenté par son président, Robin Walker.
Monsieur Walker.
M. Robin Walker (président, Société canadienne de pédiatrie): Merci.
Je suis le Dr Robin Walker et je suis le président de la Société canadienne de pédiatrie.
La SCP est une association nationale qui se consacre aux besoins sanitaires des enfants et adolescents depuis 1922. À titre d'association professionnelle bénévole, la SCP représente environ 2 400 pédiatres, spécialistes en pédiatrie, internes en pédiatrie et autres dispensateurs de soins aux enfants qui militent pour la santé et le bien-être des enfants et adolescents.
Je veux vous parler aujourd'hui de l'« ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale », ou ETCAF. Il s'agit là d'une expression générique décrivant l'éventail des séquelles que peut manifester un sujet dont la mère a bu de l'alcool pendant la grossesse. On considère que c'est la cause non génétique la plus courante de troubles mentaux d'apprentissage et de comportement. Son taux de prévalence aux États-Unis est estimé à 9,1 p. 100 pour 1 000 naissances vivantes—autrement dit, presque 1 p. 100—mais la prévalence réelle pourrait être plus élevée car le diagnostic n'est souvent pas posé ou intervient après un long retard. La forme la plus facilement diagnostiquée et la plus visible de l'ETCAF, ce que l'on appelle le syndrome d'alcoolisation foetale, ou SAF, a une prévalence aux États-Unis d'environ 1 à 3 pour 1 000 naissances vivantes, soit un tiers de tous les cas d'ETCAF.
Il n'existe pas de statistique nationale de l'ETCAF au Canada; cependant, la prévalence signalée dans de petites populations canadiennes va d'un minimum de 0,5 pour 1 000 naissances vivantes dans une clinique de diagnostic en Saskatchewan à un maximum de 190 pour 1 000 naissances vivantes dans une collectivité autochtone isolée de Colombie-Britannique. Ces chiffres proviennent des nouvelles lignes directrices consensuelles qui viennent d'être publiées par le Journal de l'Association médicale canadienne. Par conséquent, globalement, il est probable que la prévalence canadienne soit au moins aussi élevée que celle des États-Unis. De fait, de nouvelles recherches présentées récemment par le programme Motherisk de Toronto donnent à penser que beaucoup plus de femmes enceintes boivent qu'on ne le soupçonnait auparavant.
L'ETCAF est une maladie grave qui dure toute la vie. Ses effets englobent des handicaps physiques et mentaux ainsi que des troubles du comportement et de l'apprentissage. Non seulement ces troubles compromettent-ils la vie de la personne touchée et celle de sa famille, mais aussi la société canadienne toute entière. Les problèmes de comportement des personnes touchées peuvent être difficiles à traiter, même si le diagnostic a été posé, et malheureusement ils conduisent fréquemment le sujet à la délinquance et à la prison. Ces difficultés concernent non seulement ceux qui sont affligés du syndrome d'alcoolisation foetale complet. De fait, des personnes ne portant pas de stigmate physique tendent à être diagnostiquées plus tard, voire jamais, et peuvent en fait connaître des difficultés plus grandes à l'école et avec la justice.
Il faut savoir également que l'ETCAF a été associé non seulement avec l'alcoolisme, mais aussi avec des beuveries ponctuelles commises pendant la grossesse et que les recherches les plus récentes n'ont pas permis d'établir de niveau sûr de consommation d'alcool en dessous duquel il n'y aurait aucun effet sur le foetus.
Il importe également que le comité ne croie pas que l'ETCAF est associé seulement à certains groupes ethnoculturels. Au contraire, les facteurs de risque englobent un large éventail de caractéristiques sociales et de modes de vie, en sus de l'origine de la mère et du comportement de son partenaire. À l'évidence, la connaissance des effets néfastes de l'alcool sur le foetus ne suffira pas toujours à empêcher une future mère de boire. Par exemple, une mère vivant en situation d'abus devra être identifiée, protégée contre les sévices et soutenue tout au long de sa grossesse pour qu'elle puisse changer de comportement. Malheureusement, nos systèmes actuels de soins et de services sociaux ne garantissent rien de cela.
En outre, rien n'indique qu'en dépit d'une sensibilisation croissante, la prévalence de l'ETCAF ait changé sensiblement depuis que le syndrome d'alcoolisation foetale a été décrit pour la première fois dans les années 70, mais il existe d'excellentes preuves scientifiques montrant que la connaissance des effets de l'alcool change sensiblement le comportement de nombreuses femmes, voire de la plupart. Alors que certains scientifiques continuent à douter de l'efficacité d'étiquettes d'avertissement sur les bouteilles, s'agissant d'éliminer la boisson pendant la grossesse, il existe des indications que les femmes remarquent les étiquettes et que celles-ci induisent des changements de comportement chez certains individus, notamment une réduction sensible de la consommation d'alcool chez certaines femmes enceintes.
Ces indications sont résumées dans un rapport récent de l'Alcohol Policy Network, un projet de l'Association pour la santé publique de l'Ontario. Ainsi que le dit cette étude, le but de la politique dans ce domaine devrait être la réduction des méfaits. Autrement dit, aussi imparfaites que puissent être les étiquettes pour éliminer la prise d'alcool pendant la grossesse, elles doivent être considérées comme un élément important d'une stratégie visant à réduire les méfaits dans autant de grossesses que possible.
La SCP se prononce depuis de nombreuses années en faveur d'une politique de réduction des méfaits afin de réduire la prévalence de l'ETCAF. En 1997, nous avons publié « Prevention of Fetal Alcohol Syndrome (FAS) and Fetal Alcohol Effects (FAE) in Canada », une prise de position conjointe avec 17 autres cosignataires. Nous avons réaffirmé cette position en 2004. La déclaration signale que le SAF et EAF, maintenant résumés par le sigle ETCAF, sont évitables. Pour cela, nous recommandions que les efforts de prévention ciblent les femmes avant et pendant leurs années fécondes, ainsi que ceux qui influencent ces femmes, soit leurs partenaires, les familles et la collectivité.
Á (1115)
L'étiquetage des contenants d'alcool représente clairement un élément légitime d'une large stratégie de prévention, bien que notre déclaration ait aussi précisé : « La communication entre chercheurs et soignants doit être assurée en continu pour déterminer et évaluer les moyens les plus efficaces de prévention primaire, secondaire et tertiaire du SAF/EAF ». Autrement dit, il ne faut pas considérer que nous connaissons toutes les solutions à la prévention de l'ETCAF, il faut poursuivre les recherches pour améliorer nos capacités à cet égard.
Par exemple, la recherche donne à penser que nous sommes proches d'une méthode de dépistage des buveuses à risque avant ou en début de grossesse, qui permettrait une intervention pour éviter les dommages au foetus, et un test nouvellement disponible sur le méconium du bébé—c'est-à-dire la première selle du nouveau-né—peut aider à identifier les bébés touchés immédiatement à la naissance.
Lors d'une déclaration ultérieure de 2002, intitulée « Fetal alcohol syndrome », rédigée par notre comité de la santé des Premières nations et des Inuits, nous ajoutions : « La prévention primaire du SAF devrait comprendre des programmes de sensibilisation scolaire; la détection précoce; le traitement des femmes à risque; et des programmes parrainés par les collectivités et culturellement adaptés ». L'étiquetage représente un élément logique de ces efforts de prévention communautaire, mais encore une fois nous signalions que l'intervention doit continuer à être évaluée pour en vérifier l'efficacité.
En conclusion, par conséquent, conformément aux déclarations de la Société canadienne de pédiatrie, je recommande, premièrement, que les boissons alcoolisées portent des étiquettes en bonne place renseignant sur les risques de la consommation d'alcool pour le foetus; deuxièmement, que les contraintes d'étiquetage ne représentent qu'un élément d'une large stratégie de prévention, et troisièmement, que le gouvernement fédéral appuie des recherches continues sur les méthodes efficaces de prévention de l'ETCAF, ainsi qu'une évaluation périodique de l'effet des stratégies actuelles et futures, dont l'étiquetage des emballages de boissons alcoolisées.
Je vous remercie.
Á (1120)
La présidente: Merci beaucoup.
Le prochain groupe est le Fetal Alcohol Spectrum Disorder Group of Ottawa, représenté par sa coanimatrice Elspeth Ross.
Madame Ross.
Mme Elspeth Ross (co-facilitatrice, L’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale - Groupe d'Ottawa): Merci de cette invitation de m'adresser au comité. J'ai amené des copies de mon mémoire ce matin. Je ne sais pas si elles vous ont été distribuées, mais j'ai apporté des copies.
Je ressens une lourde responsabilité, étant ici la seule représentante du milieu touché par les troubles causés par l'alcoolisation foetale. J'ai été très heureuse ce matin d'apprendre que vous allez peut-être recevoir à votre comité d'autres représentants. Nous voyons dans le projet de loi C-206 une importante initiative qui a notre appui. Il est bon d'avertir les consommateurs des risques de la conduite en état d'ébriété de voitures et de machines, des risques pour la santé, ainsi que des risques de déficience congénitale. C'est le fruit de nombreuses années de travail. J'applaudis le député Paul Szabo pour ses efforts et le félicite d'avoir porté cette mesure jusqu'à ce niveau d'aujourd'hui et donne acte également à la députée Judy Wasylycia-Leis des efforts qu'elle a déployés dans le même sens.
Je me nomme Elspeth Ross et je vis à Rockland, en Ontario. Je m'adresse à vous aujourd'hui comme éducatrice et mère qui vit avec l'ETSAF 24 heures par jour. Mes fils, qui sont entrés dans notre famille à l'âge de 19 mois et trois ans et demi respectivement, sont aujourd'hui âgés de 25 et 22 ans. Mon mari est avec moi dans la salle.
Ceci est la deuxième fois que je traite de ce sujet devant un comité parlementaire. La première fois était le 30 avril 1992, lorsque l'étiquetage était débattu par le sous-comité du Comité de la santé qui étudiait le syndrome d'alcoolisation foetale. Nous voici maintenant, 13 ans plus tard, parlant du même sujet. Il est difficile d'être patient lorsqu'on entend les gens dire aujourd'hui qu'il faut attendre et poursuivre les délibérations avant d'imposer des étiquettes de mise en garde.
En 1992, les gens étaient intéressés par le sort de notre cadet, Louis, alors âgé de neuf ans, et les difficultés qu'il connaissait. Il est aujourd'hui âgé de 22 ans et a son permis de conduire, depuis cette semaine, mais les choses sont toujours difficiles. Il vit à la maison et, lui comme nous, nous demandons si et comment il pourra vivre un jour de manière autonome.
Je dirige notre groupe de soutien et d'éducation ETCAF au Centre hospitalier pour enfants de l'Est de l'Ontario depuis plus de cinq ans, d'abord avec une infirmière, maintenant avec une psychologue, la Dre Virginia Bourget. Je suis membre de la FASD Coalition of Ottawa, le groupe communautaire d'action sur l'ETCAF pour la région Ontario de Santé Canada et suis membre d'un comité consultatif pour un projet national d'aide aux parents d'enfants ETCAF, et je travaille depuis des années avec le Conseil d'adoption du Canada.
J'organise des ateliers et j'informe par avis électronique une liste de personnes intéressées par les nouvelles résultant des recherches. Certains d'entre vous avez peut-être reçu quelques-uns de mes courriels. Je suis bénévole, mais je travaille actuellement à un bilan de la situation en Ontario sur le plan de l'ETCAF en étant rémunérée.
Le sigle ETCAF désigne l'ensemble des troubles, de gravité diverse, que connaissent les personnes dont la mère a bu de l'alcool pendant la grossesse. L'alcool est une substance tératogène lorsqu'il est consommé pendant la grossesse, causant des lésions cérébrales au foetus.
Nul ne prétend que les étiquettes de mise en garde soient la panacée ou devraient être substituées à d'autres efforts de prévention de l'ETCAF. Les étiquettes de mise en garde sont un élément important d'un programme communautaire de prévention de l'abus de substances. Les activités de prévention primaires visent à sensibiliser la population dans son ensemble. Il n'existe pas de méthode universellement efficace, comme on l'a vu aussi dans le cas du tabagisme.
Des étiquettes sur les boissons alcoolisées, des avertissements placés dans les points de vente et débits de boissons alcoolisées, la limitation de la disponibilité, des affiches et brochures, des annonces de service public et une éducation en dynamique de la vie dans les écoles et les collectivités, tout cela doit aller de pair. Les efforts dans tous ces domaines laissent à désirer. Ce sont tous là des éléments d'une campagne à messages multiples pour amener les femmes à s'abstenir d'alcool si elles sont enceintes ou susceptibles de le devenir.
Ma chemise est une autre façon de faire passer le message. Mon fils et moi l'avons trouvée dans un camp pour adultes atteints d'ETCAF, âgés de 15 à 40 ans, et leurs soignants, dans le Michigan, en août dernier. Le thème « Réussir avec le SAF » est aussi le nôtre, puisqu'il s'agit de maximiser le potentiel des enfants et adultes atteints. Le message au dos est « Renoncez à l'alcool pendant la grossesse ». Certains d'entre vous n'aiment pas cette formule. Que pensez-vous de cette autocollant de pare-choc : « L'alcool pendant la grossesse : l'arme silencieuse de destruction massive »? Je vais le remettre à votre présidente. Peut-être le collera-t-elle sur sa voiture.
Qui est la cible de ces messages? Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les femmes autochtones célibataires, pauvres, marginalisées qui ont besoin de ces messages de prévention. Les chiffres de Santé Canada pour 1995-1996 et une présentation Meilleur départ la semaine dernière indiquaient que les femmes de plus de 35 ans, instruites et jouissant d'un bon emploi, sont plus susceptibles de boire modérément chaque jour et plus susceptibles de consommer de l'alcool pendant la grossesse.
Á (1125)
Il s'agit là d'un nouveau groupe à cibler dans les campagnes de sensibilisation. L'alcool est un problème des campagnes, des régions isolées mais aussi des villes. Les taux de consommation d'alcool sont élevés, il existe des taux élevés de beuveries, devenues une norme sociale, et on manque de services pour les femmes enceintes.
Nous savons également que ce n'est pas seulement une forte consommation d'alcool qui nuit au bébé. Le Surgeon General des États-Unis a lancé un avertissement sur la consommation d'alcool pendant la grossesse le 21 février de cette année pour exhorter les femmes enceintes ou susceptibles de le devenir à s'abstenir d'alcool. Le terme employé auparavant était de « limiter » la consommation.
Pourquoi les bouteilles de boissons alcoolisées ne porteraient-elles pas une mise en garde? Les fabricants d'un produit qui peut causer autant de dégâts pendant la grossesse devraient en informer le public. Les produits du tabac doivent comporter un avertissement sur les dangers pour la santé. On doit nous informer de la présence d'arachide dans les biscuits et les céréales parce que certains enfants y sont allergiques. Les sacs en plastique mettent en garde contre les dangers. Tous les produits alimentaires indiquent maintenant les ingrédients et la valeur nutritive sur les étiquettes. Comment l'industrie de l'alcool peut-elle s'en tirer sans mentionner sur ses produits qu'ils sont dangereux pour les enfants en gestation? On rétorquera que les étiquettes ne sont pas très efficaces, mais elles ne vont pas disparaître pour autant.
Les avocats spécialisés en droit de la responsabilité délictuelle et en responsabilité civile nous disent que le droit a évolué pour ce qui est de l'obligation d'un fabricant d'avertir les consommatrices enceintes du danger de la consommation d'alcool. Les fabricants et fournisseurs de boissons alcoolisées s'exposent autrement à des poursuites.
Les étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées seront vues par les femmes en âge d'avoir des enfants et ceux qui boivent avec elles, leurs partenaires et amis. En les informant et en leur rappelant les effets de l'alcool, elles auront un impact.
En 2000, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, ou CCLAT, a publié un document sur les pratiques exemplaires. On y lit qu'il existe des preuves établissant que les étiquettes de mise en garde et affiches sont efficaces pour sensibiliser les femmes à faible risque et les amener à changer de comportement à court terme. On sait que les étiquettes ne sont pas efficaces auprès des femmes qui boivent fortement pendant la grossesse. D'autres stratégies de prévention tertiaire et de réduction des méfaits doivent être mises en oeuvre à leur égard.
Une étude de novembre 2004 de l'Université de Lethbridge, intitulée « State of the Evidence Review » indique que les campagnes médiatiques et étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées ont réussi dans une certaine mesure à modifier les comportements par la sensibilisation aux États-Unis. La théorie du marketing social considère elle aussi cette approche comme valable.
Mon fils Louis a une suggestion à vous formuler concernant les étiquettes. Il dit que les messages sur les bouteilles aux États-Unis sont trop petits et mal placées. Il dit qu'il regarde toujours les étiquettes pour voir la teneur en alcool et qu'il a remarqué que les femmes en font autant. Louis suggère de placer le message en grosses lettres juste en dessous du pourcentage d'alcool; là, il sera vu.
Les États-Unis ont des étiquettes depuis 1989, mais il est question maintenant de les rendre plus efficaces. Des recherches ont montré que le public est en faveur d'étiquettes plus visibles sur les bouteilles de boissons alcoolisées.
L'un des facteurs limitant l'efficacité des campagnes de sensibilisation publique pourrait être le fait qu'un message donné n'est tout simplement pas assez vu, vu l'avalanche de messages auxquels on est exposé dans les médias et le monde d'aujourd'hui. Une étude nationale américaine des personnes exposées à des messages sur la grossesse et l'alcool a établi une relation positive entre le nombre d'expositions à des sources de messages multiples et la consommation globale de la population générale.
Tout le monde ne sait pas qu'il ne faut pas boire pendant la grossesse. Le message n'est pas clairement compris. La plupart des écoles et collègues n'ont pas inscrit à leur programme la prévention de l'ETCAF. Une femme de mon stage ETCAF pour parents d'accueil du mardi soir m'a dit qu'elle connaît une grossesse à haut risque elle-même et que son médecin ne lui a jamais dit de ne pas boire d'alcool.
Les femmes ne savent pas clairement qu'il n'y a pas de moment pendant la grossesse où l'on peut boire de l'alcool sans danger. Il y a confusion sur la quantité tolérable et elles ne savant pas quand s'arrêter de boire. Certaines attendent que le médecin leur confirme qu'elles sont enceintes, et cela peut n'être qu'au cinquième mois vu la pénurie de médecins. Nous savons que les plus gros dommages ont lieu au début de la grossesse, avant même que la femme sache qu'elle est enceinte. Il vaut mieux s'arrêter de boire avant cela.
Des panneaux de mise en garde renforceraient ces messages. La plupart d'entre nous dans le milieu ETCAF faisons de la prévention sans aucun financement. Nous pourrions faire un travail plus efficace avec l'aide de messages multiples. J'espère que certains d'entre vous avez vu les affiches de la campagne Meilleur départ en Ontario au cours du mois de mai. Nous aimerions voir davantage de ces affiches et entendre plus d'annonces.
Á (1130)
Vous pouvez voir maintenant les panneaux résultant de la loi de Sandy dans les boutiques de vin et les magasins d'alcool. Ce sont des messages clairs et directs et qui ne se veulent pas la seule méthode de prévention. Les produits alcoolisés canadiens exportés aux États-Unis et dans quelques autres pays doivent maintenant comporter des étiquettes de mise en garde. Ne pourrait-on pas simplement étendre cela aussi au marché intérieur? On nous dit que les petites brasseries et maisons vinicoles encourront des frais énormes pour la modification des étiquettes et que des emplois disparaîtront. Mais si quelques femmes lisent ces mises en garde et s'arrêtent de boire pendant la grossesse, l'ETCAF pourra être épargné à un certain nombre d'enfants. Comparez les coûts pour l'industrie aux coûts pour la société de la perte de citoyens productifs et de familles heureuses. Certains chercheurs ont estimé que chaque personne atteinte d'ETCAF coûte aux contribuables environ 2 millions de dollars au cours de sa vie en soins médicaux, enseignement spécial, psychothérapie, aide sociale et criminalité.
L'ETCAF est une invalidité invisible. Parmi ceux atteints de ces troubles, nos garçons possèdent les meilleures capacités fonctionnelles. Ils ne sont pas petits. Leur visage n'est pas déformé. Ils sont d'intelligence moyenne. Ils ont achevé leurs études secondaires et l'aîné est même diplômé en études autochtones d'un collège communautaire. Tous deux travaillent. Mais l'aîné a du mal à compter, à organiser son temps et à remplir des formulaires. Sa femme lui sert de cerveau extérieur et il se débrouille bien. Notre plus jeune fils occupe un emploi assisté dans le cadre du programme ontarien de soutien aux personnes handicapées mais il éprouve de la difficulté à le conserver. Il a du mal à apprendre, à se souvenir, à réfléchir à fond, à résoudre des problèmes, à compter, à gérer l'argent et il tend à agir impulsivement. Ce sont là des problèmes qui dureront toute la vie.
Les étiquettes de mise en garde sur les bouteilles d'alcool ne feront pas disparaître l'ETCAF mais contribueront à la prévention. Nous sommes particulièrement préoccupés par la popularité actuelle des « beuveries » et la plus grande disponibilité d'alcool. Nous, dans le milieu ETCAF, sommes impatients de voir cette mesure adoptée et de travailler à d'autres campagnes et stratégies.
Santé Canada vient de publier ce document intitulé : Ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale (ETCAF) : un cadre d'action. Je suppose que vous avez vu ce document. Mettons-nous au travail.
La présidente: Merci beaucoup, madame Ross.
Notre prochain intervenant sera M. Hubert Sacy, d'Éduc'alcool du Québec.
Allez-y, je vous pris, monsieur Sacy.
[Français]
M. Hubert Sacy (directeur général, Éduc'alcool): Merci, madame la présidente.
Éduc'alcool est un organisme sans but lucratif qui mène, depuis déjà 15 ans, des actions de prévention, des programmes d'éducation et des campagnes d'information pour promouvoir la consommation responsable de l'alcool.
Les objectifs de l'organisme sont les suivants: éduquer le grand public, et particulièrement les jeunes, à la consommation; promouvoir la modération dans la consommation; prévenir et dénoncer les méfaits causés par l'abus d'alcool; et fournir de l'information sur les effets psychologiques et physiologiques de l'alcool.
Notre slogan « La modération a bien meilleur goût », en anglais « Moderation is always in good taste », est devenu plus qu'un slogan. Au Québec, c'est une expression courante, même un proverbe, qui jouit d'un taux de notoriété de 95 p. 100.
Depuis 15 ans, nous avons mené des programmes qui ont touché tous les groupes de la sociétés. Dans l'enveloppe qui vous a été remise, vous trouverez un certain nombre de nos publications, auxquelles je vais faire allusion tout à l'heure. Les versions anglaise et française y sont, bien sûr. Il y en a une qui s'appelle La grossesse et l'alcool en questions. Il y en a une autre qui traite justement du calage d'alcool, qu'on appelle binge drinking ou drinking games; on en parlait tout à l'heure. Il y a un guide pour aider les parents à parler d'alcool avec leurs enfants et également nos publications pour les apprentis conducteurs.
Éduc'alcool a fait pour plus de 60 millions de dollars d'actions, de programmes, d'éducation et de prévention au cours des 15 dernières années. Il est impossible de citer la multitude de ces actions. Sachez simplement que nous rejoignons tout le monde et que nous sommes devenus, croyons-nous, un modèle qui déborde les frontières du Canada.
Á (1135)
[Traduction]
Madame la présidente, la question qui se pose ici est de savoir si les étiquettes de mise en garde sont un moyen efficace de modifier les comportements. La réponse n'est pas affaire d'opinion, mais de science et de recherche. Nous ne sommes pas des scientifiques, mais nous connaissons un grand nombre de chercheurs, dont le Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la santé et de la prévention de l'Université de Montréal, auquel nous avons demandé il y a deux ans d'analyser toutes les recherches effectuées dans ce domaine—toutes, y compris celle dont on vous a parlé, en les comparant toutes. La conclusion est très claire : au mieux, les étiquettes pourraient être un outil d'information, mais elles seraient le moins efficace de tous les outils d'information. Ceci n'est pas une affaire d'opinion, c'est une conclusion scientifique.
Bien qu'elles soient inefficaces et inutiles, d'aucuns pourraient faire valoir qu'il n'y aurait pas de mal à placer les étiquettes néanmoins sur les bouteilles. Malheureusement, cinq raisons majeures militent contre cela.
Premièrement, une étiquette ne peut approfondir le problème. Tout ce qui touche l'alcool est sérieux et doit être traité avec sérieux. On ne peut résumer les problèmes en une phrase. Nous avons vu à quoi peut conduire le manque de subtilité et de nuances. Lorsque nous avons publié la première version de cette publication, nous avons décidé de jouer coup sûr et avons écarté toute nuance, disant simplement que l'alcool est nocif, néfaste, affreux.
Après un an, l'Ordre des médecins du Québec est venu nous voir pour nous demander de nuancer un peu notre message, car des femmes se présentaient chez leur médecin pour demander un avortement parce qu'elles avaient bu un verre ou deux alors qu'elles étaient enceintes sans le savoir. Elles disaient : « Je ne veux pas d'enfant mongolien ». Les médecins leur disaient : « Non, non, non, ne vous inquiétez pas, ce n'était qu'un ou deux verres ». Mais les femmes répondaient : « Non, non, c'est écrit ici... » Nous avons donc dû modifier le texte et ajouter les questions deux et trois pour que les femmes ne se sentent pas coupables parce qu'elles avaient consommé régulièrement.
Les messages sans subtilité ont donc des effets pervers.
Les étiquettes de mise en garde ne font que dramatiser à outrance le problème, ce qui peut conduire les consommateurs à invalider l'information qui ne correspond ni à leur expérience, ni à leur vécu. On ne peut régler un problème au moyen de messages éclairs superficiels; il faut plus que cela.
Je ne vous parlerai pas du troisième danger, celui de la surexposition que l'on obtient en plaçant des étiquettes sur toutes les bouteilles sans exception. Nous savons tous que cela engendre la fausse impression que le problème a été résolu.
Mais en outre, permettez-moi de vous rappeler très respectueusement que cette mesure pourrait servir de prétexte pour dispenser les autorités d'investir dans des mesures vraiment efficaces. Lorsqu'on leur demandera ce qu'elles font pour combattre le problème, elles pourront dire : « Oh, nous avons des étiquettes d'avertissement, tout va bien ».
Enfin, et ce n'est pas le moindre argument, je vous rappelle que les étiquettes de mise en garde n'existent que dans 20 pays et sont rejetées par 200 autres et n'ont jamais été créées pour informer les consommateurs ou les femmes. Les étiquettes de mise en garde sont apparues aux États-Unis pour protéger les fabricants contre les poursuites en justice de consommateurs. Les étiquettes aux États-Unis servent à protéger l'industrie et non pas à informer les consommateurs. Comme vous le savez, chez nos voisins du sud, il y a toujours quelqu'un pour traîner quelqu'un d'autre en justice pour une raison ou une autre, et en l'occurrence l'étiquette revient simplement à dire : « Oh, nous vous avons averti et nous ne sommes plus responsables ».
En l'occurrence, les deux mots clés sont « ciblage » et « rigueur ».
Permettez-moi de vous expliquer ce qu'il faut faire et ce que nous avons fait. Pour ce qui concerne les femmes enceintes, nous avons lancé il y a plusieurs années, conjointement avec le Collège des médecins du Québec, une brochure d'information qui répond simplement et clairement aux questions que se posent les femmes enceintes et celles qui ont l'intention de le devenir sur leur consommation d'alcool. Cette publication en est aujourd'hui à sa septième réédition : plus de 1,5 million d'exemplaires en ont été distribués un peu partout. Ne vous méprenez pas; c'est le ministère de la Santé provincial qui nous a demandé de cosigner notre publication tellement il la jugeait excellente.
Á (1140)
Nous avons également lancé des campagnes publicitaires. Permettez-moi de vous présenter juste une ou deux annonces que nous avons réalisées.
[Projection vidéo]
M. Hubert Sacy: Peut-être me permettrez-vous de vous en passer une autre en français. Je vois M. Ménard.
[Projection vidéo]
M. Hubert Sacy: Un sondage mené il y a six ans par Environics, en 1999, montrait que les Québécoises étaient dans le peloton de queue au Canada pour ce qui est de l'information sur les risques liés à la consommation d'alcool durant la grossesse. Aujourd'hui, après notre campagne, les recherches prouvent que près de 94 p. 100 des femmes de la province connaissent les recommandations relatives à la consommation d'alcool durant la grossesse et l'allaitement. C'est ce qui ressort d'un sondage CROP de 2002. Vous pouvez voir le chemin parcouru.
Il faut agir sur le plan de la consommation d'alcool pendant la grossesse. Nous l'avons fait, nous continuerons à le faire, car nous pensons qu'il faut que ce soit fait sérieusement. Placer des étiquettes de mise en garde sur les bouteilles est une façon de mal faire ce que nous faisons déjà bien. Je crois que l'État doit intervenir, mais non pas dans les domaines où nous faisons déjà bien le travail. Il devrait concentrer ses efforts là où les besoins sont les plus grands. Nous avons besoin de programmes de soutien spéciaux visant les femmes à risque d'avoir des enfants atteints d'ETCAF. Ces campagnes ne marchent pas. Nous le savons. C'est là-dessus qu'il faut faire porter l'effort.
La même chose vaut pour la conduite en état d'ivresse. Dire que les Canadiens ont besoin d'étiquettes sur les bouteilles pour apprendre ce qu'ils savent déjà revient, à toutes fins utiles, à faire fi du travail colossal d'éducation accompli au fil des ans.
Franchement, nous avons produit des tonnes de matériel. Le monsieur de MADD vient de vous rappeler combien nous avons déjà fait, et combien nos résultats sur ce plan sont impressionnants. Nous avons fait tout cela sans étiquette de mise en garde sur les bouteilles. Il faut parvenir à mieux comprendre le comportement de ceux imperméables à nos messages, ceux que nous ne parvenons pas à convaincre en dépit de tous nos efforts. C'est dans ce domaine épineux que nous avons besoin d'une aide du gouvernement, dans la recherche et l'intervention. C'est là que l'État doit agir.
La même chose vaut pour les effets de l'alcool sur la santé. Tout d'abord, il n'est pas vrai que l'alcool fasse du mal à tous les consommateurs. Quatre-vingt-cinq pour cent des Canadiens qui boivent le font de manière responsable, modérément, et ne connaissent aucun dommage pour leur santé. Au contraire, les buveurs modérés retirent parfois même des bienfaits de leur consommation d'alcool.
Pour ce qui est des effets de l'alcool, on pourrait facilement soutenir, et certains le font, que pour être objective, l'information devrait aussi mentionner les effets bénéfiques de l'alcool sur la santé lorsqu'il est consommé avec modération. Mais quelle que soit la nature du message placé sur les bouteilles, cela ne change en rien le fait que ces messages sont inutiles, inefficaces et potentiellement nuisibles.
En conclusion, je dirais qu'il faut rejeter le projet de loi C-206, parce que les étiquettes de mise en garde sont inefficaces. Elles dramatisent une question qui doit être traitée avec sérieux et rigueur. En dernière analyse, elles ne sont qu'une mesure superficielle qui n'apporte pas la moindre solution. Elles créent la fausse impression que le problème a été réglé et serviront d'excuse pour ne rien faire. Elles offrent une solution « made-in-U.S.A. » à un problème « made-in-U.S.A. » et visent davantage à protéger l'industrie qu'à informer les consommateurs. Elles ne sont pas adéquatement ciblées et risquent bien d'être contre-productives. Et elles présentent l'alcool comme un produit essentiellement dangereux sans laisser de place à la notion de consommation équilibrée et modérée.
Á (1145)
Dans les circonstances appropriées, l'État doit concentrer ses efforts sur les domaines où il est seul à pouvoir agir, soit étudier, comprendre et joindre les consommateurs à risque, ceux que nous ne parvenons pas à toucher et convaincre. Il y a tant de travail à faire dans ce domaine que seuls les pouvoirs publics peuvent assurer.
En outre, la recherche en matière de promotion de la santé montre que pour être pleinement efficaces, les campagnes d'information et d'éducation doivent être appuyées sur des mesures ayant un impact direct sur l'environnement des buveurs. Or, ces mesures relèvent des pouvoirs et de la responsabilité de l'État. Une concertation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial est essentielle à cet égard. Nous demandons à la Chambre des communes de prendre ses responsabilités et de reconnaître que nous prenons les nôtres.
Les résultats des années d'effort que nous avons investis méritent bien cela. De plus, nous pensons que les Canadiens méritent plus et mieux que des étiquettes qui cherchent à leur apprendre ce qu'ils savent déjà. La consommation d'alcool est une question sérieuse qui doit être traitée sérieusement. À chacun son métier. Que les organisations d'éducation à l'alcool poursuivent leurs campagnes d'information et de sensibilisation et que l'État investisse dans les domaines dans lesquels sont action est requise et urgente, dans le cadre d'une approche intégrée. Ce n'est qu'ainsi que nous obtiendrons les meilleurs résultats dans l'intérêt de tous.
Je vous remercie de votre attention, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Sacy.
Nous passons maintenant au Centre de toxicomanie et de santé mentale, représenté par M. Robert Mann, chercheur scientifique principal.
Monsieur Mann.
Dr Robert Mann (chercheur scientifique principal, Centre de toxicomanie et de santé mentale): Bonjour, tout le monde. Je m'appelle Bob Mann et je suis chercheur scientifique principal au Centre de toxicomanie et de santé mentale à Toronto. Je représente également ici l'Association pour la santé publique de l'Ontario.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale est une organisation qui a pour mandat provincial d'effectuer des travaux de recherche, de promouvoir l'éducation publique et de participer à l'élaboration de politiques publiques saines en matière de toxicomanie et de santé mentale. Le centre compte de nombreuses années d'expérience en promotion de la santé et en recherche sur les politiques relatives à la consommation d'alcool. Nous avons par exemple accès aux données les plus récentes sur la contribution de l'alcool au fardeau de la maladie, des déficiences et de la mortalité; sur la disponibilité de produits alcoolisés et ses effets sur la consommation; sur l'incidence de mesures visant à réduire les problèmes sociaux et de santé amenés par une consommation immodérée d'alcool.
L'Association pour la santé publique de l'Ontario est une organisation provinciale dont la mission est d'assurer un leadership relativement aux questions qui ont une incidence sur la santé publique et de renforcer l'action de quelque 3 000 personnes actives dans le domaine de la santé publique et communautaire à l'échelle de la province.
Et le CTSM et l'ASPO appuient fermement le projet de loi C-206 dont est présentement saisi le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Nous applaudissons à l'initiative du député Paul Szabo pour faire inscrire l'étiquetage des boissons alcoolisées au programme et nous félicitons les députés de tous les partis de l'appui qu'ils ont donné au projet de loi C-206 aux étapes de la première et de la deuxième lectures.
L'alcool n'est pas comme les autres produits. Son utilisation amène de sérieux risques, risques qui sont pour la plupart évitables. La consommation d'alcool est liée à des problèmes de santé et de sécurité tant aigus que chroniques, mais le public ignore très largement l'envergure des dégâts. L'alcool est lié à des blessures intentionnelles et non intentionnelles. Il est lié à des troubles organiques comme les TSAF, le cancer, les maladies neuropsychiatriques, le diabète, les maladies cardiovasculaires et les maladies gastro-intestinales—plus de 60 en fait.
Une étude de 2002 parrainée par l'Organisation mondiale de la santé, avec une participation importante de chercheurs du CTSM, a fait ressortir que l'alcool est l'un des principaux facteurs de risque pour les dommages cumulatifs, la maladie et la mort. Je pense qu'on vous a distribué un document ce matin. Celui-ci résume certains des problèmes de santé attribuables à la consommation d'alcool. Selon l'Organisation mondiale de la santé, le rang de l'alcool comme facteur contribuant à accroître le fardeau total de la maladie dans des pays développés comme le Canada est le troisième. L'alcool est le troisième facteur contribuant au fardeau total de la maladie dans des pays développés comme le Canada. La contribution approximative de l'alcool au fardeau total de la maladie est de 10 p. 100.
Le principal facteur contribuant à la mortalité attribuable aux accidents de la route est l'alcool. La principale cause criminelle de décès dans ce pays est la conduite en état d'ébriété. Le nombre estimatif de décès attribuables à la conduite en état d'ébriété entre 1977 et 1996 est de 35 421, ce qui est un chiffre parfaitement horrifiant. Le nombre estimatif de blessures attribuables à la conduite en état d'ébriété entre 1977 et 1996 est de 1 5050 035, chiffre qui est supérieur à la population de nombre de provinces du Canada. Le rang de la maladie chronique du foie et de la cirrhose parmi les causes de mortalité au Canada pour 1997 est le treizième. En d'autres termes, l'alcool est l'une des principales causes de décès dans ce pays, aux côtés du cancer, de la coronaropathie, des accidents cérébrovasculaires, etc. L'alcool compte pour environ 50 p. 100 de ces décès. Le nombre total de décès attribuables à l'alcool au Canada en 1992 a été estimé à 6 701.
Les boissons alcoolisées contiennent de l'éthanol, qui est un psychoactif. Elles devraient en conséquence être traitées à la manière d'autres produits qui renferment des éléments psychotropes. Les remèdes contre la toux contenant de l'alcool doivent comporter des étiquettes d'avertissement en matière de dépassement de doses recommandées, de conduite et d'opération de machines, et de contre-indications, tandis que les boissons renfermant des quantités plus importantes de cette même drogue ne sont accompagnées d'aucun avertissement du genre.
Comptent parmi les personnes qui ne devraient pas boire d'alcool ou qui devraient en restreinte leur consommation : celles qui ont des antécédents de consommation incontrôlée de drogues ou d'alcool, celles dont l'état pathologique pourrait s'en trouver aggravé ou qui prennent des médicaments, les femmes enceintes et les personnes devant demeurer alertes pour des raisons de sécurité.
Á (1150)
Les brasseries et les distilleries du Canada et Santé Canada reconnaissent les risques liés à l'alcool. Leurs fréquentes campagnes d'éducation publique visent à informer la population au sujet des risques potentiels de la consommation d'alcool, surtout au volant et pendant la grossesse.
Il importe également de souligner que le public est très en faveur des étiquettes de mise en garde. Lors de sondages menés entre 1989 et 1998 auprès d'échantillons représentatifs d'Ontariens adultes, 73 à 86 p. 100 des répondants ont dit que les boissons alcoolisées devraient comporter des étiquettes d'avertissement. Dans ce contexte, il serait logique que le gouvernement du Canada exige la pose d'étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées, ce de façon à veiller à ce que les consommateurs disposent des renseignements dont ils ont besoin au sujet d'un produit qui pose des risques pour la santé et la sécurité.
Le CTSM et l'ASPO appuient l'intérêt public en matière d'étiquettes d'avertissement, étant donné le potentiel que présentent de telles étiquettes pour prévenir la maladie, les blessures ou la mort si les consommateurs n'utilisent pas le produit d'une façon dangereuse. Si les étiquettes d'avertissement deviennent obligatoires pour les produits alcoolisés, le Centre de toxicomanie et de santé mentale et l'Association pour la santé publique de l'Ontario recommandent que l'on tienne compte de ce qui suit.
Premièrement, les étiquettes d'avertissement ne devraient pas être envisagées isolément du reste, étant donné que la connaissance à elle seule n'a qu'un effet modeste sur le plan changement de comportement. L'étiquetage ne devrait être perçu que comme un élément d'un effort de santé publique beaucoup plus large visant à réduire les effets néfastes de l'alcool—à réduire ces 6 000 à 7 000 décès aux niveaux national, régional et local. Cet effort devrait également inclure des initiatives d'éducation publique permanente, des stratégies efficaces de gestion et de contrôle de l'alcool et des services de traitement efficaces disponibles.
Deuxièmement, les étiquettes d'avertissement ne devraient pas cibler les seules malformations congénitales liées à l'alcool, étant donné que ces anomalies ne sont qu'un des problèmes posés par l'alcool pour la santé et le bien-être des Canadiens. L'étiquetage doit également faire état des hospitalisations, des déficiences et des morts précoces résultant de blessures liées à l'alcool, de maladies du foie, de troubles neurologiques et de problèmes d'accoutumance.
Troisièmement, avec l'introduction d'étiquettes d'avertissement, il conviendrait d'adopter des règles en matière de taille, de placement, de caractères et de couleurs en vue de veiller à ce que les étiquettes soient remarquées et lues. Le cas des produits du tabac nous a fourni la preuve que les étiquettes d'avertissement peuvent amener des effets positifs, et la conception des étiquettes, y compris le type et le nombre de messages ainsi que les mots employés, a une forte incidence sur leur impact et leur efficacité.
Quatrièmement, il conviendrait de changer périodiquement les messages et d'en faire un roulement, étant donné qu'un message aura de meilleures chances d'être retenu s'il renferme de nouveaux renseignements. Les messages sont par ailleurs plus convaincants s'ils sont personnalisés et s'ils parlent au consommateur.
Cinquièmement, les étiquettes d'avertissement ne devraient pas renfermer de mots équivoques tels « peut » ou « pourrait ». Elles devraient par ailleurs personnaliser le message et citer une autorité gouvernementale en matière de santé, comme par exemple Santé Canada, ce pour renforcer l'acceptation publique des conséquences pour la santé telles que présentées. Un message du gouvernement relatif à la santé sert par ailleurs à renforcer les renseignements obtenus de sources autres.
Sixièmement, les étiquettes de mise en garde auront une plus forte incidence si le message qu'elles livrent n'est pas bien connu. Les messages nouveaux et plus spécifiques devraient néanmoins être évalués aux côtés de ceux qui constituent davantage des conseils positifs en matière de comportement. Voici quelques exemples de messages un peu plus originaux : la consommation d'alcool provoque l'hypertension artérielle; l'alcool ne devrait pas être consommé par les personnes atteintes de troubles de saignement; il est dangereux de consommer de l'alcool si l'on prend certains médicaments; l'alcool augmente le risque de cancer; la réduction de sa consommation d'alcool pendant la grossesse augmente ses chances d'avoir un bébé en bonne santé.
Septièmement, il devrait être interdit d'apposer des étiquettes comprenant des messages au sujet d'effets potentiellement bénéfiques pour la santé. Il s'agit d'une question médicale complexe et seules certaines personnes à risque élevé de souffrir de maladie du coeur sont censées retirer le moindre bénéfice sur le plan santé de l'absorption de quantités modérées de boissons alcoolisées, comparativement à une situation d'abstinence totale.
Huitièmement, il y aurait lieu d'inclure sur l'étiquette, aux côtés des mises en garde, des renseignements sur la teneur en alcool de consommations normalisées. Le public ignore souvent ce qui constitue une consommation pour un produit donné, en volume, et sous-estime typiquement l'alcool y correspondant. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, l'Association pour la santé publique de l'Ontario et d'autres se sont attaqués à ce problème grâce à la promotion de lignes directrices en matière de consommation à faible risque.
Á (1155)
Neuvièmement, l'absence de mise en garde du gouvernement sur les emballages de boissons alcoolisées pourrait en soi envoyer un message indésirable du fait qu'il est de plus en plus courant de voir des avertissements apposés sur d'autres produits de consommation courante. Si les produits plus bénins comportent des mises en garde alors que ce n'est pas le cas des boissons alcoolisées, cela envoie le message erroné que l'alcool pose en fait moins de risques. Cela pourrait également avoir pour effet de rendre moins crédibles les autres renseignements au sujet de ses effets néfastes.
Dixièmement, il conviendrait de faire une évaluation des étiquettes de mise en garde tout au long de leur élaboration, de leur mise en oeuvre et de leur utilisation, ce afin d'en établir l'efficacité. Afin d'en garantir l'efficacité, nous recommandons que les étiquettes soient assujetties à un pré-testage formel et que leur format soit par la suite explicité dans des règlements.
Le plus gros avantage offert par cette approche visant à apposer des étiquettes de mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées est que l'exposition à l'alcool et les avertissements sont liés. Les utilisateurs fréquents voient ces avertissements à répétition et on leur rappelle les risques potentiels qu'ils prennent chaque fois qu'ils consomment. Il n'existe aucun autre moyen de livrer plus efficacement votre message aux personnes qui en ont le plus besoin. Bien que l'incidence d'une seule étiquette une seule fois puisse être limitée, il y aura un effet cumulatif, et les étiquettes de mise en garde représentent donc une dépense publique minime pour un outil de prévention rentable.
En résumé, le Centre de toxicomanie et de santé mentale et l'Association pour la santé publique de l'Ontario appuient fermement les efforts visant à afficher ce genre de renseignements sur les contenants de boissons alcoolisées. Nous recommandons cependant également que de telles étiquettes de mise en garde soient considérées comme une première étape d'une stratégie beaucoup plus large visant à réduire l'incidence de l'alcool sur le fardeau de maladie au Canada.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mann.
Mesdames et messieurs, nous allons maintenant passer à la période des questions et réponses, et nous allons commencer avec M. Fletcher.
M. Steven Fletcher: Bonjour, et merci à vous tous de vos exposés.
J'ai été particulièrement touché par Mme Dunham et Mme Ross du groupe sur les troubles causés par l'alcoolisation foetale. Cela a dû être une période très difficile pour vous, madame Dunham.
J'aimerais également dire que j'ai été membre du groupe TADD, Adolescents contre l'ivresse au volant, lorsque j'étais à l'école secondaire. J'avais été membre fondateur de la section locale à mon école, et je suis donc tout à fait en faveur des efforts déployés par le groupe MADD, comme c'est le cas, je pense, de nous tous dans cette salle.
Cela étant dit, en notre qualité de législateurs, il nous faut être très prudents quant à l'incidence de ce que nous faisons et c'est pourquoi nous devons y réfléchir mûrement.
J'ai été très impressionné hier par la représentante—je pense que c'était Mme Bas, de l'association des marchands de vins—qui a reconnu que les étiquettes ne suffiraient sans doute pas et qu'il faudrait une stratégie plus vaste afin que cela puisse porter des résultats. Elle a dit que Santé Canada songeait à une stratégie nationale et que s'il s'avérait que les étiquettes en faisaient partie, alors son industrie accepterait cela.
Je me demande si tous les intervenants autour de la table seraient ouverts à cela, si Santé Canada devait lancer une stratégie nationale pouvant ou non inclure des étiquettes, selon les éléments de preuve réunis. Je suis convaincu que Santé Canada en arrivera à cette conclusion, et j'aimerais donc savoir si vous jugeriez que ce serait là un programme ou une façon de faire acceptable. Je lance cette question à MADD, à M. Mann et à M. Sacy.
Monsieur Sacy, aimeriez-vous commencer?
 (1200)
M. Hubert Sacy: La raison pour laquelle nous nous opposons aux étiquettes d'avertissement est qu'elles sont inutiles—c'est ce que nous ont dit des chercheurs—et pour les autres raisons que nous vous avons livrées dans notre mémoire, que j'ai tenté de résumer pour vous.
Si jamais ce que nous disons venait à changer ou s'avérait être faux et si quelqu'un parvenait à démontrer que cela ne protégerait pas l'industrie de poursuites, que ce n'est pas une bonne raison ou que c'est un prétexte pour les gouvernements de dire, oh, nous avons fait quelque chose—quelque chose d'inefficient—s'il était prouvé que cela n'augmenterait pas la dramatisation de la chose...
M. Steven Fletcher: J'ai déjà entendu ces arguments-là.
M. Hubert Sacy: Si tel était le cas, alors bien sûr que nous dirions oui. Il n'y a aucun doute là-dessus.
M. Steven Fletcher: Très bien.
Monsieur Mann.
Dr Robert Mann: J'apprécie et je comprends que Santé Canada espère élaborer une stratégie exhaustive. Je ne sais trop quels éléments de cette stratégie exigeraient des textes de loi. Je pense que vous avez ici l'occasion de montrer la voie sur le plan législatif et de faire preuve de courage législatif en mettant en oeuvre une mesure dont les renseignements dont nous disposons du point de vue santé publique nous disent qu'elle serait vraisemblablement efficace.
Puis-je vous parler d'autres travaux de recherche?
M. Steven Fletcher: Eh bien, j'aimerais en fait qu'on réponde à ma question. Vous pourrez en discuter par la suite, si, absolument...
Dr Robert Mann: Absolument.
M. Steven Fletcher: MADD.
M. Andrew Murie: Une partie du problème est que si nous ne bougions pas en attendant chaque fois que la stratégie exhaustive dans son entier soit élaborée, alors il ne se produirait jamais rien. Je pense que vous vous trouvez dans une situation tout à fait unique pour bouger là-dessus. Ce qu'a dit M. Mann est que nous savons aujourd'hui ce qui contribue à l'efficacité; nous nous sommes penchés sur le cas du tabagisme. Nous avons examiné toutes ces autres choses, et si vous élaborez ces stratégies s'agissant d'étiquettes de mise en garde, alors elles seront très efficaces. L'accent devrait être mis sur la recherche pour prouver l'efficacité, au lieu d'attendre la stratégie.
M. Steven Fletcher: D'accord, c'est très juste. La bureaucratie ne fonctionne pas toujours aussi rapidement qu'on le souhaiterait.
Madame Ross.
Mme Elspeth Ross: J'avais l'impression que c'était déjà une stratégie. La publication intitulée Ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale : Cadre d'action, de Santé Canada, est sortie l'an dernier. Je ne pense pas qu'il nous faille attendre éternellement une stratégie. L'énoncé du cadre d'action dit que l'un des premiers grands objectifs est d'accroître la sensibilité et la compréhension du public et des professionnels. L'on n'y aborde pas tout le détail, mais il s'agit d'une stratégie. Il n'est pas nécessaire d'en attendre une.
M. Steven Fletcher: Très bien.
Le Canada est un pays très diversifié. Nous avons parlé étiquetage. Il faudrait que les étiquettes soient bilingues, et le texte serait sans doute écrit en petits caractères. Le pays compte par ailleurs de nombreux néo-Canadiens et d'autres Canadiens qui ne parlent ni l'une ni l'autre des deux langues officielles. C'est pourquoi je m'interroge quant au recours possible à un symbole, un peu à la manière d'une tête de mort. Cela incorporerait le genre de message que M. Mann a évoqué, car il y a toutes sortes d'autres questions également—risque accru de cancer, et ainsi de suite. On dit qu'une image vaut mille paroles, et si l'on pouvait dessiner une image englobant toutes ces questions, ou un message invitant les gens à la prudence avant qu'ils ne prennent de l'alcool, alors ce serait peut-être la piste à suivre.
Monsieur Mann, auriez-vous quelque chose à dire là-dessus?
 (1205)
Dr Robert Mann: Il s'agit là d'une suggestion raisonnable. L'idée d'utiliser des images est intéressante. C'est ce qui a été fait dans le cas des produits du tabac. D'après les données que l'on est en train de compiler, l'utilisation de ces nouveaux messages a été plutôt efficace dans le cas du tabac s'agissant de prévenir... d'encourager les gens à limiter leur consommation—la réussite n'a pas été totale, mais ces messages sont plus efficaces que ceux qui sont moins visuels.
M. Steven Fletcher: Oui. Bien sûr, si la personne a beaucoup bu, elle verra peut-être les images en triple exemplaire.
Dr Robert Mann: C'est exact.
M. Steven Fletcher: Les représentants de MADD aimeraient-ils nous dire quelque chose là-dessus?
M. Andrew Murie: Je suis du même avis que M. Mann. Si vous prenez le cas des produits du tabac, les emballages comportent des images très crues qui claironnent réellement les risques du tabagisme. Si Santé Canada considère que c'est là la meilleure chose à faire dans le cas de l'alcool, alors je suis certain que ce serait efficace.
Encore une fois, nous estimons que cela fait partie d'une stratégie. Cela signifie en partie que ce ne peut pas être un petit avertissement perdu dans un coin; si vous allez recourir à des étiquettes de mise en garde, alors il faut faire en sorte que ces étiquettes soient efficaces.
M. Steven Fletcher: Madame Ross.
Mme Elspeth Ross: J'aimerais simplement dire que quoi que l'on choisisse, il faudrait définitivement en faire l'essai au préalable. La campagne Meilleur départ, qui a débouché sur les enseignes Sandy's Law que l'on voit un petit peut partout en Ontario—cela avait fait l'objet de beaucoup d'essais. Je vous recommanderais Wendy Burgoyne, du programme Meilleur départ, et elle voulait justement comparaître devant le comité. Ce groupe a fait énormément de vérifications auprès des gens.
Il ne peut pas s'agir d'une chose qui amène la culpabilité chez les femmes. Les femmes n'aiment pas beaucoup l'image du gros ventre barré d'une croix à côté de la bouteille. Nous savons que les femmes n'apprécient pas cela. Nous savons que les femmes n'aiment pas l'image de la femme nue. Voilà ce que nous savons déjà. Il est très simple de faire des tests, alors nous vous y encouragerions vivement.
M. Steven Fletcher: Monsieur Szabo, c'est peut-être là quelque chose que l'on pourrait envisager dans le cadre de votre projet de loi.
Cette question s'adresse à M. Mann. Vous avez mentionné les autres effets sur la santé de l'alcool. Ce qui me frappe en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété et le SAF est que ces effets sont entièrement évitables et, deuxièmement, ils ont tendance à nuire à des tiers, qu'il s'agisse des enfants non encore nés ou des personnes qui se font frapper par un conducteur saoul. L'argument de la fumée secondaire dans le cas du tabagisme est vraiment celui qui a porté fruit : en effet, une personne peut se nuire à elle-même, mais c'est tout à fait autre chose de nuire à quelqu'un d'autre.
Je suis en train de me demander si cela aurait une incidence sur votre opinion ou vos déclarations s'agissant de cibler d'autres messages.
Dr Robert Mann: Je pense qu'en ce qui concerne les TSAF et la conduite en état d'ébriété, il y a beaucoup d'autres victimes—de personnes qui sont touchées sans qu'elles n'aient rien fait—et c'est pourquoi ces messages sont tout particulièrement percutants. Je vois très bien la logique et les raisons qui les sous-tendent.
D'un autre côté, je pense qu'il est également clair qu'il y a de nombreuses personnes qui sont touchées par l'alcool autrement qu'à travers la conduite en état d'ébriété ou les TSAF. De nouveaux travaux de recherche sont en effet en train de sortir. Nous savons que la conduite en état d'ébriété est la plus grande cause de décès, et elle est clairement la plus importante cause d'années de vie perdues, étant donné le jeune âge de nombre des victimes. Mais il existe également des preuves que l'alcool est beaucoup plus un facteur dans le cancer qu'on ne l'a jusqu'ici pensé. Je pense que cela va ressortir clairement dans des documents plus récents de l'OMS. Une fois terminés tous les calculs, le nombre de décès dus à un cancer lié à l'alcool pourrait très bien l'emporter sur le nombre de morts provoquées par la conduite en état d'ébriété.
 (1210)
Le vice-président (M. Réal Ménard): Je m'excuse, mais le temps dont vous disposiez est écoulé.
[Français]
Avec la permission du comité et en l'absence de la présidente, j'aimerais poser ma question d'ici pour ne pas perturber l'ordre des travaux. Je vous assure qu'on ne dépassera pas la limite de cinq minutes. Ma question s'adresse à M. Sacy.
Vous semblez remettre en cause, de manière scientifique et non pas impressionniste, l'étiquetage réglementaire. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur les observations scientifiques qui vont dans le sens de ce que vous avancez ce matin.
M. Hubert Sacy: Monsieur le président, je ne suis pas un expert scientifique. Je me fonde simplement sur les recherches que nous avons commandées à des experts scientifiques. La première fois, en 2001, et la deuxième fois, en 2003, nous n'avons pas passé la commande en disant aux gens de l'Université de Montréal de nous faire la démonstration que les étiquettes de mise en garde ne fonctionnaient pas. Ils ont examiné 150 études. Si vous le voulez, je vais vous faire parvenir la brique au complet. Ce serait un plaisir pour moi. Le tout a été résumé en un document de 14 pages dont j'ai des copies ici. On pourrait en distribuer à tout le monde. On n 'a pas voulu vous assommer avec la documentation, sachant que plus on vous donne de papier, moins vous lisez, et inversement. Vous êtes des êtres humains comme tout le monde.
Il a été prouvé-—et on n'insiste pas suffisamment sur ce fait—qu'en matière d'alcool, on ne peut pas, comme en matière de tabac, résumer le message à quelque chose de simple. Les questions relatives à l'alcool sont complexes. Un verre d'alcool peut être bon pour la santé, mais 20 verres d'alcool ne sont pas 20 fois meilleurs pour la santé. Par contre, une cigarette, c'est mauvais pour la santé, et 20 cigarettes, c'est 20 fois pire pour la santé. La logique n'est pas linéaire.
J'entendais tous mes collègues ici dire que des étiquettes de mise en garde devaient être utilisées pour renseigner les Canadiens sur tel ou tel problème. Tout ce que j'ai entendu m'amène à conclure que ce sont des encyclopédies et non pas des étiquettes qu'on va accrocher aux bouteilles. Il y a beaucoup trop de choses à dire et de nuances à apporter. On veut transmettre un message simple, précis et clair. Or, des effets pervers sont attachés à cela, et on ne sert pas l'éducation populaire en procédant de cette façon.
Les questions d'alcool sont complexes. Je vous en supplie, donnons-nous des moyens de démontrer, développer et aller au fond des choses plutôt que de prendre des mesures superficielles.
M. Réal Ménard: Enchaînons, si vous le permettez, avec deux courtes questions.
On a le sentiment que depuis quelques années, les brasseurs et les microbrasseries, contrairement aux compagnies de tabac, ont investi dans des programmes maison et dans des organismes communautaires afin de mener des campagnes de sensibilisation dans différents milieux. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur le sujet?
Ensuite, j'aimerais savoir si on a porté à votre attention des études qui seraient disponibles à Santé Canada et qui étayeraient le projet de loi de M. Szabo?
M. Hubert Sacy: Partout dans le monde, l'industrie du tabac a systématiquement nié que le tabac était un produit dangereux jusqu'à ce qu'elle soit obligée de le reconnaître. L'industrie des produits alcooliques, que ce soit au Canada ou ailleurs, est beaucoup plus consciente de ses responsabilités sociales. Elle a entre autres réalisé un certain nombre de campagnes et de programmes, ce qui ne déresponsabilise pas les gouvernements, mais met en évidence le fait que l'industrie prend des initiatives.
Veuillez m'excuser de dire ce qui suit en français, mais les mots techniques me viennent plus facilement de cette façon. J'espère que la traduction saura bien rendre les nuances. Un règlement du gouvernement du Québec dit que tout organisme ou entreprise qui fait la promotion de l'alcool dans la société québécoise est obligé, à la satisfaction de la Régie des alcools, des courses et des jeux, de faire un effort suffisant en matière de traitement, de recherche, de prévention ou d'éducation.
Cela oblige l'industrie, les agents de promotion et toute autre personne qui fait la promotion de l'alcool à faire un effort jugé satisfaisant par la Régie des alcools, des courses et des jeux. Je sais que ce règlement n'existe pas ailleurs au pays et qu'il est une des raisons pour lesquelles nous obtenons notre financement. Nous sommes financés par les consommateurs d'alcool. Cela nous a également permis de mettre sur pied tous ces programmes qui ont été repris ailleurs au Canada.
À notre connaissance, aucune recherche n'a démontré que les étiquettes de mise en garde étaient en soi un moyen efficace. Je n'ai sans doute pas besoin de vous dire, concernant les étiquettes de mise en garde en matière de tabac, que d'intenses campagnes de communication ont eu lieu à cet égard. Il y a eu de la publicité ad nauseam. En outre, des recherches concernant la façon d'agir, les attitudes et la façon de rendre la cigarette socialement inacceptable ont été réalisées, reconnues et disséminées un peu partout. C'est cela, bien plus que les étiquettes de mise en garde, qui a eu un effet, mais il n'y a aucune preuve scientifique en ce sens. Par contre, nous avons fait dans tout le pays des progrès spectaculaires en ce qui concerne la question de la conduite en état d'ébriété. Notre dossier est absolument remarquable. Je souligne que cela s'est fait sans étiquettes de mise en garde.
 (1215)
M. Réal Ménard: Est-ce que j'ai suffisamment de temps pour poser une question brève?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Ménard, je m'excuse.
Merci d'avoir occupé le fauteuil, monsieur le vice-président.
Le temps de M. Ménard est écoulé, mais avant d'aller plus loin, j'aimerais savoir si M. Sacy a bien voulu dire qu'il est financé par les consommateurs d'alcool.
C'est cela que vous avez dit. Je ne pense pas que ce soit le cas, si?
M. Hubert Sacy: Absolument, madame la présidente. Nous sommes financés par les consommateurs d'alcool au Québec. Pour chaque bouteille de vin vendue par le réseau de la SAQ, 1¢ est versé à Éduc'alcool. Sur chaque bouteille de vin fortifié, c'est-à-dire dès que le taux d'alcool atteint les 20 p. 100, nous recevons 2¢. Et pour chaque bouteille de spiritueux, nous recevons 3¢.
En conséquence, chaque fois que vous allez au Québec et achetez une bouteille, vous me donnez 1¢.
La présidente: Oui, mais cet argent ne vous est pas versé directement par les consommateurs sous forme de dons de 1¢. D'où viennent les chèques, du gouvernement ou des sociétés?
M. Hubert Sacy: De la Société des alcools du Québec, du monopole propriété d'État—l'équivalent de la LCBO, ici en Ontario.
La présidente: Merci.
M. James Lunney: Madame la présidente, M. Walker tentait très poliment d'entrer dans la discussion. Serait-il approprié de lui donner la parole?
La présidente: Oui, monsieur Walker.
M. Robin Walker: Je ne voudrais pas laisser entendre que j'ai quoi que ce soit contre l'industrie des alcools. Je respecte le point de vue de M. Sacy au sujet de l'industrie des vins et spiritueux.
Je respecte votre point de vue au sujet de la responsabilité de cette industrie. C'est très différent du tabac.
Je pense néanmoins qu'il est important que le comité comprenne les limites de la science à l'égard d'une question comme celle-ci. Je suis clinicien, mais je suis également chercheur. Je fais de la recherche, entre autres choses, sur la façon dont les gens prennent des décisions, et j'ai personnellement effectué des examens systématiques comme celui que M. Sacy a commandé auprès de chercheurs québécois. Je sais très bien comment interpréter des documents multiples sous forme d'examen systématique.
Sauf tout le respect que je vous dois, il y a d'autres examens de ces mêmes documents qui débouchent sur des conclusions différentes. C'est le cas de l'examen que vient tout juste de publier l'Alcohol Policy Network. Il y a des raisons à cette difficulté.
Lorsque vous regardez une seule stratégie, l'étalon or est l'essai aléatoire comparatif. Voilà quel est l'étalon or absolu. Mais dans le cas d'une chose qui pourrait être utile dans le contexte d'une stratégie à composantes multiples, nous ne disposons pas d'un étalon or semblable. Vous pouvez faire un essai aléatoire comparatif de la stratégie à composantes multiples. Vous pouvez dire si elle fonctionne ou pas, mais cela ne vous dit pas quelle composante fonctionne. Il est tout à fait possible de prendre quatre stratégies distinctes dont aucune ne fonctionne séparément en vertu d'un EAC, mais qui, ensemble, donneront une stratégie efficace.
C'est pourquoi la documentation, nonobstant les conclusions de cet examen systématique, n'est pas concluante. Il est très clair qu'en tant que stratégie unique, les preuves, une fois réunies, n'appuient pas l'efficacité des étiquettes lorsque celles-ci sont utilisées isolément. Il est également très clair—et cela répondra peut-être à une question antérieure—que les stratégies à composantes multiples englobant l'utilisation d'étiquettes d'information sur les contenants de produits alcoolisés donnent des résultats.
C'est pourquoi la Société canadienne de pédiatrie, qui ne publie des déclarations que sur la base d'un examen systématique de toutes les preuves disponibles, a publié des déclarations qui appuient en effet des stratégies à composantes multiples englobant l'étiquetage informatif.
 (1220)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à l'intervenant suivant, Mme Dhalla.
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.): Je profite de l'occasion pour remercier, au nom de tous mes collègues, tous les témoins que nous accueillons ici aujourd'hui. Je pense que vous nous avez tous fourni beaucoup d'éléments qui nous éclairerons dans les décisions que nous devrons prendre au fil de notre étude de ce dossier fort important.
J'ai plusieurs questions.
Premièrement, je tenais à remercier M. Walker d'avoir fourni au comité des renseignements au sujet des essais aléatoires comparatifs et des examens systématiques. Le comité a, tout au long de ses auditions de témoins, reçu quantité de travaux de recherche et de conclusions contradictoires. Je pense que cela va réellement nous aider à tirer au clair certaines de ces questions.
Ma première question s'adresse à M. Sacy, d'Éduc'alcool.
Vous avez mentionné que votre financement vous est fourni par la Société des alcools du Québec, par les consommateurs de produits alcoolisés, en vertu d'une formule grâce à laquelle vous touchez un pourcentage sur chaque bouteille vendue. Vous dites ici dans ce document que vous êtes une organisation sans but lucratif qui se consacre depuis 15 ans à des activités de prévention, à des programmes d'éducation et à des campagnes de sensibilisation. Je trouve très choquant que vous n'appuieriez pas une autre approche pour résoudre un problème de nature très sérieuse. Ne verriez-vous pas ici une amélioration du programme de prévention auquel vous vous consacrez déjà?
Vous avez mentionné que vous dépensez environ 20 millions de dollars au titre de quantité de programmes et de projets visant à sensibiliser les gens à certains des méfaits de l'alcool. Ne verriez-vous pas l'étiquetage comme constituant encore un autre élément de cette stratégie pancanadienne?
M. Hubert Sacy: Non, pas du tout.
Nous avons obtenu beaucoup de résultats sans étiquettes. Je m'efforce d'être très respectueux et de ne brusquer personne, mais y a-t-il quelqu'un ici qui croit qu'il nous faut des étiquettes d'avertissement pour savoir que la consommation d'alcool entrave les facultés nécessaires à la conduite? Y a-t-il quelqu'un au pays qui ne sache pas cela? Que ces étiquettes d'avertissement vont-elles dire aux gens qu'ils ne savent pas déjà? Y a-t-il quelqu'un qui croit réellement cela?
Ce qu'on vous dit c'est qu'il faut avertir le public que l'alcool au volant n'est pas une bonne idée. Qui allons-nous informer de cela? Tout le monde le sait. Ce travail-là est déjà fait. Ce qu'il nous faut c'est cibler ceux et celles qui continuent de conduire lorsqu'ils sont en état d'ébriété, lorsqu'ils ont deux, trois, quatre fois le taux d'alcoolémie toléré. Ce sont ces gens-là que nous ne parvenons pas à joindre. C'est là-dessus qu'il nous faudrait concentrer nos efforts—c'est là que nous avons échoué.
Nous ne croyons pas que nous devrions faire mal quelque chose que nous avons déjà fait raisonnablement bien et que nous continuons de faire, encore et encore, car le travail n'est jamais terminé. Nous savons cela. Il faut plus qu'une étiquette d'avertissement pour dire aux femmes ce qu'elles devraient savoir. Cela demanderait au moins trois pages, sinon plus.
J'ai dit ce que j'ai à dire.
La présidente: Je pense que M. Mann aimerait lui aussi répondre à cette question.
Dr Robert Mann: Oui. J'aimerais simplement dire qu'il existe vraisemblablement plusieurs manuels traitant d'information et de processus décisionnels et qui nous disent que ce sont les renseignements fournis le plus près possible du moment où intervient une décision qui influeront le plus sur cette décision. Et les renseignements qui sont disponibles plus près du moment de la décision de ce qui va être bu et quand sont sans doute ceux qui figurent sur la bouteille.
La présidente: M. Murie aimerait peut-être faire lui aussi quelques commentaires.
Je vais ajouter quelques minutes à votre période de temps, madame Dhalla.
M. Andrew Murie: Cinquante pour cent des coûts, des blessures et des décès liés à l'alcool sont le fait de personnes qui ne sont pas alcooliques; ce sont donc les consommateurs d'alcool responsables qui vivent des périodes de consommation épisodiques qui constituent un bien plus grand risque. Encore une fois, donc, pour revenir sur ce que disait M. Sacy, cette opinion marginalisée voulant que seules les personnes qui sont vraiment accro posent problème est tout à fait erronée et n'a aucun fondement.
M. Hubert Sacy: Je regrette. Tout ce que je dis c'est que ce sont des personnes que nous ne pouvons pas soigner. Non, je suis d'accord avec vous, sauf que nous pouvons joindre les autres. Mais, encore une fois, ce ne sont pas des étiquettes qui vont faire ce travail. Ceux qui vont boire dans les bars, boivent dans des verres; ils ne voient même pas la bouteille.
 (1225)
Mme Ruby Dhalla: Monsieur Sacy, vous avez lancé toute une gamme de programmes et de projets par l'intermédiaire de votre organisation. Un seul document d'information, qu'il s'agisse d'un dépliant ou d'un reportage que l'on entend, n'aura pas forcément un effet sur tout le monde.
M. Hubert Sacy: C'est exact.
Mme Ruby Dhalla: Ma question pour vous est donc la suivante : ne pensez-vous pas que cette initiative en matière d'étiquetage que nous envisageons tous ici serait encore une autre facette en vue d'éduquer les gens?
M. Hubert Sacy: La réponse est non, madame.
Mme Ruby Dhalla: Très bien.
M. Hubert Sacy: La réponse est tout simplement non.
Mme Ruby Dhalla: L'autre question est la suivante. Vous êtes financés par la Société des alcools du Québec—et peut-être que MADD Canada pourrait répondre également à cette question. Si le projet de loi est adopté et si du financement est requis, cela en enlèverait-il aux programmes existants, aux projets existants, et au financement dont vous bénéficiez à l'heure actuelle?
M. Hubert Sacy: Pour être franc avec vous, je ne connais pas la réponse à cette question, mais ce pourrait avoir une incidence sur les prix de certains produits. Mais, bien franchement, cela ne m'avait même pas traversé l'esprit, et ce n'est pas dans ce contexte que je vois les choses. Je ne sais vraiment pas. Non, il faudrait que je vérifie. Je ne connais pas la réponse à cette question—excusez-m'en—mais j'espère que ce ne serait pas le cas.
Mme Ruby Dhalla: Et combien de financement recevez-vous à l'heure actuelle?
M. Hubert Sacy: Environ 2 millions de dollars par an. Mais ce que nous faisons—car nous sommes une organisation sans but lucratif et parce que les médias nous aident beaucoup et que nous avons de nombreux partenariats—c'est que nous triplons le montant d'argent que nous recevons à cause de très nombreuses concessions et de partenariats avec le Collège des médecins, les enseignants, etc. Je ne connais donc pas la réponse à cette question.
Mme Ruby Dhalla: Et en ce qui concerne MADD Canada, d'où provient votre financement? Et subirez-vous des conséquences néfastes si ce projet de loi est adopté?
M. Andrew Murie: En vertu de notre politique, nous ne sommes pas autorisés à accepter d'argent en provenance de l'industrie des vins et spiritueux. En conséquence, environ 90 p. 100 de notre financement nous vient de Monsieur et Madame Tout-le-Monde, des consommateurs canadiens. Il y a en moyenne 700 000 Canadiens qui versent de l'argent à notre organisation, et nous comptons également 5 000 bénévoles actifs, et environ 10 p. 100 de notre financement nous vient d'entreprises privées.
Ainsi, les seuls groupes qui sont à risque ici, comme je l'ai entendu dire hier, sont ceux qui sont financés par l'industrie des vins et spiritueux. Et je déplore réellement cette attitude qui revient à dire « ou ce sont des étiquettes d'avertissement ou alors ce sont ces programmes ».
La présidente: Merci, madame Dhalla.
Le tour est maintenant à Mme Crowder.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): J'aimerais moi aussi vous remercier de vos exposés instructifs d'aujourd'hui. J'aimerais faire quelques commentaires avant de poser mes questions.
Premièrement, je pense que nous avons très clairement entendu dire que l'étiquetage n'est qu'un élément d'une stratégie, et je pense que nous conviendrions tous qu'il est important que cela s'inscrive dans une stratégie. J'appuie également les commentaires qui ont été faits quant à la nécessité de faire de la recherche pour améliorer l'efficacité de l'étiquetage si cela devait être mis en vigueur.
Madame Ross, vous avez fait état de quelque chose, et M. Mann l'a également évoqué. Madame Ross, vous avez dit que c'est en 1992 que l'on a pour la première fois parlé étiquetage informatif. Je n'ai pas de calculette et j'ignore combien de naissances ont été enregistrées depuis 1992, mais ce serait très intéressant... et, docteur Walker, vous voudrez peut-être dire quelque chose à ce sujet. Combien d'enfants atteints de TSAF sont venus au monde depuis 1992? Je conviens que l'étiquetage n'est pas la seule approche, mais pourriez-vous me dire en gros combien de personnes sont nées depuis 1992?
M. Robin Walker: Je n'ai pas de calculette moi non plus, mais l'on parle ici d'une période de 13 ans et donc d'environ 6,5 millions de bébés au Canada. Et selon les estimations actuelles—et n'oubliez pas que l'on sous-estime vraisemblablement l'envergure du problème—1 p. 100 de ces bébés auraient été touchés. À vous, maintenant, de faire les calculs. Des dizaines de milliers de bébés naissent chaque année. Sur la base d'un calcul très approximatif, quelque 5 000 personnes seraient touchées chaque année. Si l'on multiplie ce nombre par 13, cela donnerait en gros 65 000 bébés touchés depuis 1992.
Mme Jean Crowder: Madame Ross, vous avez dit très clairement que l'on ne parle pas d'un enfant qui est né, mais bien de toute une famille, de l'école et de...
Mme Elspeth Ross: J'aimerais souligner que nos chiffres sont bas du fait qu'il y a un si grand nombre de cas non diagnostiqués. Dans de nombreux cas, le problème est invisible. Il ne ressortira qu'en première année, ou bien seulement à l'adolescence.
Les femmes sont nombreuses à ne pas reconnaître avoir consommé d'alcool pendant leur grossesse. Les gens sont nombreux à adopter ou à accueillir en foyer nourricier des enfants dont ils ignorent qu'ils sont touchés. Les gens adoptent des enfants en provenance d'autres pays, notamment d'Europe de l'Est, où la consommation d'alcool est élevée, et ils ignorent que ces enfants sont touchés. Nos chiffres sont donc bas, mais nous craignons que l'incidence soit en train d'augmenter.
J'aimerais également souligner que d'après ce que nous savons la plus forte consommation d'alcool, selon les chiffres de Santé Canada, est enregistrée au Québec. Les chiffres que j'ai ici ne comprennent pas les territoires, mais le taux de consommation d'alcool au Québec est très élevé. Les campagnes et autres qui sont en cours au Québec sont bonnes, mais ce n'est clairement pas suffisant.
 (1230)
Mme Jean Crowder: Monsieur Mann, je sais que la Fondation de la recherche sur la toxicomanie a fait beaucoup de travail en la matière. Lorsqu'on parle de buveurs toxicomanes, l'on n'inclut pas... je ne connais pas le nombre, mais pour chaque buveur toxicomane, il y a plusieurs personnes qui sont touchées. Je vous invite à nous dire quelques mots à ce sujet, car nous ne parlons pas simplement pas ici des buveurs eux-mêmes.
Dr Robert Mann: Absolument. Si l'on parle buveurs toxicomanes, selon les estimations, 2 à 4 p. 100 de la population auraient une dépendance à l'alcool, et peut-être que jusqu'à 10 p. 100 des gens seraient cliniquement considérés comme étant des buveurs excessifs, pour employer le terme diagnostic formel. Une bien plus grosse proportion de la population est touchée par les problèmes liés à l'alcool.
Près de 30 p. 100 des gens font état de problèmes résultant de leur propre consommation d'alcool, et je pense que 60 à 70 p. 100 de la population font état de problèmes résultant de la consommation d'alcool par quelqu'un d'autre à un moment ou à un autre pendant l'année. Il pourrait s'agir de dommages matériels, d'agression, peut-être d'agression sexuelle ou...
Mme Jean Crowder: De perte d'emploi ou de perte de productivité.
Dr Robert Mann: Oui, beaucoup de perte de travail, de violence familiale, ce genre de choses.
Mme Jean Crowder: Docteur Walker, je vais revenir sur l'aspect recherche. Il existe tellement de renseignements contradictoires que j'aimerais ici faire un petit peu marche arrière.
L'on entend dire, d'un côté, que l'industrie aimerait pouvoir apposer sur les produits des étiquettes sur les bienfaits pour la santé, alors il semble que le message ici soit que dans ce cas-là l'étiquetage est acceptable. L'industrie dépense beaucoup d'argent sur la commercialisation et la recherche pour s'assurer que les étiquettes plaisent aux consommateurs.
J'aimerais que vous nous parliez un petit peu plus de la recherche.
M. Robin Walker: Il est clair que nous ne comprenons pas tout ce qui entre en ligne de compte lorsqu'une personne prend une décision. C'est le cas dans le domaine des soins de santé, où je m'occupe de soutien aux décisions prises en matière de santé. Il s'agit d'un processus très complexe. L'on sait cependant que même s'agissant de questions complexes, l'on peut parfois promouvoir des messages simples qui auront un effet.
Il est très simpliste de dire que du fait que ce soit une question complexe il est impossible de concevoir des étiquettes susceptibles d'avoir un effet. En vérité, d'après les sondages, 99 p. 100 des gens sont au courant des effets du tabagisme; or, l'on a recouru à des étiquettes hautement efficaces pour livrer ce message. Dire que le tabagisme est un phénomène simple... Eh bien, la consommation de produits du tabac provoque une gamme d'effets qui est tout aussi large que celle imputée à l'alcool. Il est vrai que le tabac ne peut pas être consommé sans effet nocif, alors que c'est chose possible dans le cas de l'alcool.
Je tiens à vous dire très clairement que j'apprécie mon verre de vin en mangeant le soir. Je consomme, absolument. Mais il me faut parfois quelque chose de plus que de simples renseignements, à titre de rappel. Ce que nous constatons c'est que le fait que les gens soient bien informés ne signifie pas forcément que ce sont les renseignements qu'on leur donne qui amènent leur comportement. Nous avons un groupe de personnes qui est sans doute beaucoup plus important encore que les 10 p. 100 qui sont des buveurs excessifs, et ce groupe plus important pourrait à un moment donné passer au cran supérieur, en conduisant en état d'ébriété ou en consommant de l'alcool avant ou pendant la grossesse, ou autre.
L'objet des étiquettes n'est pas d'informer les gens sur ce qu'ils savent déjà. Là n'est pas leur objet. Si c'est cela qui ressort de certains des exposés qui vous ont été faits, alors ce n'est pas là ce que font les étiquettes. Il vous faut reconnaître que la proportion des gens qui sont au courant des risques causés par la consommation d'alcool pendant la grossesse est élevée, mais l'étiquette sert d'alarme de dernière minute. C'est un petit choc électrique, mais il faut qu'il secoue. Mais permettez-moi de souligner qu'il n'existe pratiquement pas de contenant de produit alcoolisé qui ne soit pas plus gros qu'un paquet de cigarettes, et il y a donc beaucoup de place pour y apposer une étiquette qui soit efficace.
Il faut donc que ce soit gros et, oui, il faut que ce soit visuel. Mais c'est à titre d'avertissement de dernière minute, à la manière d'un choc électrique avant de faire une chose dont vous savez que vous ne devriez pas la faire, que les étiquettes semblent vraiment avoir un effet. C'est clairement ce qui a été fait dans le cas du tabagisme, et nonobstant la complexité de la science, il y a des preuves scientifiques que cela peut être efficace, comme nous l'avons dit, dans le cadre d'une stratégie beaucoup plus vaste pouvant également être utilisée dans le cas de la consommation d'alcool.
La présidente: Merci beaucoup, madame Crowder.
Il y a encore six personnes qui souhaitent intervenir et il ne nous reste plus que 25 minutes, alors je vais ramener à quatre minutes le temps accordé à chacun. Je m'en excuse, mais c'est la seule façon de faire si nous voulons être justes.
L'intervenant suivant sera M. Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Merci beaucoup, madame la présidente. Je tâcherai d'être aussi bref que possible.
J'aimerais me concentrer sur Mme Ross et Mme Dunham.
Je vous remercie d'être venues comparaître. Vous n'êtes pas ici pour protéger votre emploi ou votre industrie, mais bien à cause de votre vécu. Vous êtes ici pour faire une contribution au pays, aux Canadiens, afin que d'autres n'aient pas à vivre ce que vous avez vécu; c'est incroyable.
J'ai un ami qui a vécu la même situation que vous, madame Ross, avec un enfant adopté. Malheureusement, l'histoire n'a pas été aussi heureuse. J'ai été témoin des tribulations que cela a amené à la famille—aux enfants, aux parents et à l'enfant touché. Tous ont vécu des circonstances très difficiles. Je suis heureux de voir que les choses ont bien tourné pour vous, dans les circonstances.
Madame Dunham, votre organisation a fait beaucoup pour ce pays. Lorsque nous étions adolescents, nous ne pouvions pas compter sur les Adolescents contre l'ivresse au volant, ni sur votre organisation, et nous avons chaque été enterré des amis. Il y avait des accidents horribles. Je regrette ce qui est arrivé à votre fils, et j'espère que les choses vont bien aller. Vous pouvez être fière de ce que vous avez réalisé et de ce que vous continuez de réaliser.
Ma question concerne les commentaires faits par M. Sacy d'Éduc'alcool et sans doute également les commentaires—j'ai dû manquer la séance d'hier—des représentants des marchands de vins. Nous avons un processus, un processus multidisciplinaire et à participation multiple, qui vise l'élaboration d'une approche exhaustive à facettes multiples face à ces questions. S'il y a un risque que l'étiquetage puisse avoir des effets négatifs s'il est employé seul, mais qu'il pourrait être positif dans le cadre d'une approche à facettes multiples, pensez-vous qu'il vaudrait la peine d'attendre de voir les résultats du processus en cours?
 (1235)
Mme Elspeth Ross: À quoi cela servirait-il d'attendre? Nous attendons depuis très longtemps et je ne vois pas ce que cela nous donnerait d'attendre encore. J'aimerais voir les étiquettes faire partie de toutes les initiatives de prévention, et nous aimerions les voir apposées sur les produits le plus rapidement possible.
Mme Karen Dunham: Encore une fois, le simple fait qu'il y ait ces étiquettes sonnera l'alarme et évitera à une famille d'être victime d'un accident de la route causé par un conducteur en état d'ébriété. Cela va éviter à cette famille de devoir surmonter la perte à jamais d'un être cher, ou d'avoir à vivre avec les blessures de l'être aimé. Des vies sont transformées à jamais par la conduite en état d'ébriété. Les étiquettes serviront de rappel à l'ordre.
Pourquoi attendre? Nous attendons déjà depuis trop longtemps.
L'hon. Robert Thibault: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Thibault.
C'est maintenant au tour de M. Lunney.
M. James Lunney: Merci, madame la présidente.
J'apprécie moi aussi la présence ici de tous les témoins et les présentations qu'ils nous ont faites. Nous avons, comme vous pouvez vous l'imaginer, entendu au cours des dernières réunions une vaste gamme d'opinions, avec beaucoup de renseignements, de données, de rapports et d'études contradictoires. Je trouve intéressant l'éventail d'opinions que nous avons entendu, avec plusieurs experts intéressants ainsi que des récits personnels. Ceux d'entre vous qui avez cette expérience personnelle du problème ont toute notre sympathie. La plupart d'entre nous connaissons sans doute des personnes qui ont été touchées par le problème. C'est mon cas.
D'un autre côté, nous sommes confrontés à une situation face à laquelle le gouvernement a lancé beaucoup de programmes qui n'ont pas fonctionné. Si nous allons intégrer l'étiquetage à un programme, je pense qu'il nous incombe de veiller à ce qu'il s'agisse de quelque chose dont nous pouvons espérer des effets positifs.
J'appuie certaines des remarques faites par M. Sacy au sujet d'étiquettes inefficaces. En d'autres termes, si vous criez sans cesse au loup, les gens finissent par ne plus réagir. Pour qu'une étiquette soit efficace... et je pense que certaines des critiques exprimées par M. Sacy sont valables. Nous connaissons l'exemple d'étiquettes utilisées dans d'autres pays qui, franchement, ne semblent pas être efficaces du tout. Ce que nous cherchons donc...
Je suis intéressé par la suggestion de M. Mann—il s'agit d'une perspective toute différente et il y a beaucoup réfléchi—voulant que l'on varie les étiquettes, que l'on n'appose pas forcément le même message sur chaque bouteille. C'est ainsi qu'une personne qui a une bouteille devant les yeux pourrait par exemple réagir en disant « Que dit ta bouteille? La mienne dit que l'alcool peut provoquer l'hypertension ».
Vous avez mentionné cela; en fait, je pense que c'est la première fois que j'entends parler de cela.
Si nous allons mettre quelque chose en oeuvre ou recommander quelque chose au comité, il nous faut voir ce qui pourrait être porteur dans le cadre d'un programme plus vaste.
Sauf tout le respect que je vous dois, monsieur Sacy, nous apprécions le bon travail que fait votre organisation avec l'appui des marchands de vins, et j'applaudis à ces efforts. Vous nous avez certainement livré de façon très éloquente votre perspective. Mais nous tenons à voir ce que nous pourrions faire pour améliorer le message, et je pense que cela est valable.
Tout cela étant dit, j'en arrive ici à ma question au sujet des décès, aux statistiques sur la conduite en état d'ébriété que vous nous avez fournies, monsieur Mann—et peut-être que les représentants de MADD aimeraient dire quelque chose à ce sujet également—et selon lesquelles l'on a enregistré 35 421 décès entre 1977 et 1996. Cela remonte à il y a presque dix ans. Avec tous les efforts qui ont été déployés, par le biais de MADD et d'autres organisations, en vue d'éduquer les gens au sujet de leurs responsabilités en tant que conducteurs—et, comme vous l'avez souligné, les gens sont au courant—les chiffres ont-ils baissé entre 1996 et 2005?
 (1240)
M. Andrew Murie: Je vais répondre.
En vérité, après 1997 nous avons vécu une période de trois ans au cours de laquelle les chiffres ont en fait été supérieurs. Entre 1998 et les chiffres préliminaires que nous avons pour 2002, les choses n'ont en réalité pas beaucoup bougé, ni dans un sens, ni dans l'autre. Cela nous frustre. L'un des facteurs est l'élargissement de la consommation d'alcool, que ce soit le fait d'heures d'ouverture prolongées, de plus forte densités, d'une plus grande disponibilité ou autre. La recherche fait clairement ressortir que toutes ces choses ont une incidence côté problèmes liés à l'alcool, l'un d'entre eux étant la conduite en état d'ébriété.
Nous travaillons très fort avec des groupes comme le Centre de toxicomanie et de santé mentale en vue de l'élaboration de stratégies de santé publique, comme par exemple les étiquettes d'avertissement, qui soient véritablement dissuasives. Nous savons que l'abaissement du taux d'alcoolémie serait l'une des formules magiques qui auraient une forte incidence sur le nombre de vies perdues par la faute de conducteurs en état d'ébriété. Nos efforts visant à obtenir des pouvoirs publics qu'ils travaillent là-dessus ont été très frustrants au cours des six dernières années.
Des groupes comme le nôtre ont la solution; ce qu'il nous faut, c'est que le gouvernement réagisse. Cela me chagrine beaucoup lorsque vous dites que vous voulez attendre Santé Canada, que vous voulez attendre d'autres choses. Nous allons attendre, tout comme en 1992, 13 années encore avant d'avoir une nouvelle chance.
La présidente: Merci, monsieur Lunney.
La parole est maintenant à M. Savage.
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci, madame la présidente.
Bienvenue à nos invités. Je pense que vous avez tous fait un merveilleux travail, et je tiens tout particulièrement à souligner la participation de ceux d'entre vous qui nous avez aujourd'hui livré une histoire personnelle. Cela nous parle beaucoup.
L'une des raisons pour lesquelles j'ai voulu siéger à la Chambre des communes est que je souhaitais promouvoir la santé et la vie saine. Nous avons réussi, en tant que comité, à faire inscrire cela au programme. La promotion de la santé est en quelque sorte une passion pour moi, et pour d'autres membres du comité, et je me suis beaucoup démené dans la lutte contre le tabagisme et ai travaillé auprès d'autres groupes.
Il n'y a aucun doute que l'alcool contribue à la maladie. Son fardeau sur le plan santé, que nous voyons esquissé dans la documentation que vous nous avez fournie, est assez frappant. Mais ce qui n'est pas clair pour moi c'est l'incidence que pourraient avoir en la matière les étiquettes d'avertissement. Cela me pose un réel problème. Lorsque j'ai pour la première fois vu ce projet de loi, j'ai été porté à penser que ce devait être solide—sans même tenir compte de toute la considération que j'ai pour son auteur, M. Szabo.
Il me faut des preuves. Je regarde ce sondage d'Ipsos-Reid de février qui a été envoyé à certains d'entre nous. On nous y dit que dans la région de l'Atlantique, par exemple—et les résultats correspondent à la situation ailleurs au pays—on a demandé à des femmes canadiennes en âge de consommer de l'alcool et de procréer laquelle de trois approches serait selon elles la plus efficace s'agissant de réduire le nombre de personnes souffrant de problèmes de santé dus à la consommation d'alcool, dont le syndrome d'alcoolisation foetale. Plus de six sur dix d'entre elles ont donné pour réponse un programme d'éducation et de conseils par l'intermédiaire de leur médecin; 28 p. 100 d'entre elles ont dit privilégier des campagnes à la télévision ou d'autres formes de publicité; et seules 10 p. 100 ont choisi les étiquettes d'avertissement sur les bouteilles de boissons alcoolisées. Or, ce sont précisément ces personnes que nous voulons cibler, en tout cas pour ce qui est du syndrome d'alcoolisation foetale.
Je pense que les brasseries et que les viticulteurs ont fait du très bon travail pour promouvoir l'histoire du syndrome d'alcoolisation foetale et ce qu'il faut faire pour l'éviter. Cependant, étant donné qu'une part importante de la population que nous visons ne semble pas croire que des étiquettes d'avertissement donneraient les résultats escomptés, j'aimerais bien savoir ce que vous répondez.
M. Robin Walker: Je pourrais peut-être commencer. Demander aux gens ce qui pourrait selon eux changer leur comportement ne vous dit pas ce qui change leur comportement. Avec tout le respect que je vous dois, je vous dirais qu'un sondage d'opinion ne va pas vous donner une réponse scientifique à cette question.
Je conviens avec vous pour dire que les politiques devraient être fondées sur des preuves. Le problème ici est que les preuves que vous recherchez, les preuves quant à ce qui amène des changements de comportement, vont être très difficiles à obtenir au moyen de la science conventionnelle. Il est de beaucoup préférable d'établir la stratégie puis d'évaluer ensuite ce qui a amené des changements de comportement, comme cela a été fait dans le cas des emballages des produits du tabac. Nous connaissons maintenant la réponse en ce qui concerne les emballages de produits du tabac.
Je comprends votre besoin de disposer de preuves avant de prendre une décision, mais vous ne pouvez pas vous attendre à ce que la science vous livre des réponses à toutes les questions. Il vous faut parfois prendre une décision sur la base d'une interprétation de ce qui amène des changements de comportement chez les gens, et il y a en la matière des preuves scientifiques à l'appui de l'efficacité sur le plan changement de comportement des avertissements de toute dernière minute.
M. Michael Savage: Je sais que je ne dispose que de peu de temps, et je vois une autre main levée, mais j'aimerais simplement dire que pour adopter une loi une simple intuition ne suffit pas. Voilà ce qui me préoccupe. Si vous avez des preuves—et je pense que c'est vous qui avez indiqué plus tôt que vous avez des preuves selon lesquelles ces avertissements fonctionnent—j'aimerais en connaître le détail. J'aimerais pouvoir en tenir compte.
Mais je crois qu'il est crédible de demander aux femmes ce qui influe sur elles. Je pense qu'elles le savent mieux que nous. Je vais laisser l'autre personne intervenir.
 (1245)
La présidente: Bien sûr, tout dépend de qui a payé pour le sondage et des questions qui ont été posées.
L'hon. Robert Thibault: Je ne pense pas que cela dépende du sondage, à moins que vous ne vouliez mettre en doute Ipsos-Reid et sa capacité de produire un sondage impartial.
La présidente: Les sondages peuvent produire les résultats que vous voulez qu'ils produisent.
Monsieur Mann.
Dr Robert Mann: J'aimerais simplement revenir encore à certaines des questions que le Dr Walker a soulevées ici au sujet de ce que la science peut nous dire et au sujet des limites de la science relativement à des questions comme celle-ci.
Si vous regardez l'histoire de la compréhension de l'incidence du tabagisme sur la santé et des tentatives législatives qui ont été lancées face au problème, des audiences ont été tenues pendant de nombreuses années et l'industrie du tabac faisait venir des chercheurs qui disaient qu'il n'existait aucune étude prouvant que le tabagisme causait le cancer. D'ailleurs, c'est vrai. Ils ont fait cela pendant de nombreuses années, et je vais vous dire quelque chose : cela demeure vrai encore aujourd'hui. Il n'existe aucune étude qui prouve de façon définitive que le tabagisme cause le cancer chez les humains, car chaque étude, quelle qu'elle soit, comporte des limites. Une seule étude ne peut rien prouver. Ce qu'il faut, c'est réunir tous les renseignements disponibles.
Dans le cas qui nous occupe ici, les gens nous disent qu'il n'existe aucune étude qui prouve à elle seule que les étiquettes de mise en garde vont régler le problème de l'alcool. C'est sans doute vrai, mais je pense que l'ensemble de la preuve nous dit que les étiquettes d'avertissement sont une stratégie efficace.
La présidente: Merci.
C'est maintenant au tour de Mme Demers.
[Français]
Mme Nicole Demers (Laval, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci d'être présents parmi nous aujourd'hui. J'ai été très touchée par vos histoires personnelles. Monsieur Mann, j'ai regardé vos statistiques et je m'inquiète du fait qu'elles ne sont pas très récentes. J'aimerais, si possible, en obtenir de plus récentes.
Malheureusement, la catégorie de personnes qu'on rejoint par les campagnes sur le tabac est la même que celle touchée par les campagnes sur l'alcool. Dans mon comté, il existe des poches de pauvreté. Les personnes qui en font partie ne sont aucunement rejointes par les messages se trouvant sur les paquets de cigarettes. Ce sont les personnes les plus vulnérables; elles sont les plus touchées par la consommation de cigarettes, et probablement par la consommation d'alcool également.
Je présume que vos statistiques s'appliquent à l'ensemble du Canada. Mme Ross a parlé plus tôt du syndrome d'alcoolisme foetal. J'aimerais savoir si depuis le début des campagnes que vous menez à cet égard, ces dernières ont un impact et, le cas échéant, s'il est positif. Croyez-vous que ce type de campagnes ait un impact plus positif que l'étiquetage seul ou que ce dernier, combiné aux campagnes, pourrait avoir un effet?
M. Hubert Sacy: Je vais essayer de répondre le plus clairement possible.
Je vous dirais qu'il est extrêmement difficile de faire un lien de cause à effet entre une action et les résultats qui en découlent, particulièrement lorsqu'il est question d'éducation et de sensibilisation. Certaines données disponibles démontrent que la notoriété, qu'on peut traduire en anglais par awareness, influence le comportement, sans toutefois être la seule à le faire. La connaissance influence le comportement, mais elle n'est pas non plus le seul facteur. Autrement, aucun médecin ne fumerait. Les attitudes des gens qui nous entourent influencent nos comportements. La peur les influence aussi. Il suffit qu'il y ait une grève des policiers pour qu'on note à quel point les automobilistes roulent plus vite. Il s'agit d'une combinaison de facteurs.
En outre, le renforcement positif influence les comportements. Pour certaines personnes, il suffit d'un facteur. Pour ma part, le jour où j'ai lu les résultats des enquêtes démontrant que le tabac était nocif, j'ai simplement cessé de fumer. Pour certains, cela ne suffit pas. Les attitudes des gens autour de nous comptent également. Pour d'autres personnes, la peur est nécessaire. De plus—et je pense ici aux personnes dont vous parliez plus tôt—, rien de tout cela ne fonctionne lorsque les gens fument parce qu'ils sont dans la misère et la détresse. Ce n'est pas une étiquette de plus ou de moins qui va alors changer quoi que ce soit.
Tout le monde sait et dit que les étiquettes sont inefficaces. Tous les gens qui ont été présents à deux, trois, ou quatre de ces réunions vous diront la même chose: les étiquettes ne sont pas efficaces, mais elles font partie d'une immense stratégie. Où est la stratégie? Le projet de loi ne comporte qu'un article, mais pas de stratégie. Même si les étiquettes étaient efficaces, ce qu'elles ne sont en aucune façon, le bon sens vous forcerait de constater que tout le monde sait déjà ce qui est écrit dessus. Elles ne changeront pas davantage le comportement, tout simplement parce qu'il n'y a aucune raison au monde pour qu'elles le fassent.
Madame la présidente, j'aimerais dire une dernière chose, qui répondra en partie à votre question. On a dit ici un peu plus tôt qu'il y avait au Québec plus de problèmes qu'ailleurs au Canada parce qu'il s'y consommait plus d'alcool. Or, toutes les statistiques partout sur la planète démontrent que dans l'ensemble du Canada, bien que ce soit au Québec qu'il y ait le plus grand pourcentage de consommateurs d'alcool, c'est également au Québec qu'il y a le moins de problèmes liés à l'alcool. Dans tout le Canada, c'est au Québec qu'il y a le moins d'épisodes d'intoxication par habitant. Le dossier du Québec en matière d'alcool n'est pas plus mauvais que celui des autres. Il est vrai qu'on a des lois et une attitude un peu plus libérales et qu'il y a un pourcentage plus élevé de consommateurs, mais toutes les recherches, incluant celles qui vont être mises en circulation dans 15 jours, démontrent de manière éloquente que notre relation à l'égard de l'alcool est meilleure que dans le reste du pays. Ce n'est pas à cause de nos gènes ou parce que nous sommes meilleurs. Ce n'est pas non plus parce que notre ADN est supérieur à celui des autres, mais simplement parce que depuis 25 ans, nous travaillons comme des forçats à...
 (1250)
[Traduction]
La présidente: Monsieur Sacy, vous débordez du temps qui vous était alloué.
M. Hubert Sacy: Oui, madame la présidente.
La présidente: Je ne vais pas vous demander de répondre tout de suite à ma question. Je vais plutôt vous inviter à me faire parvenir une réponse.
Dans le cas de la plupart des organisations, le directeur exécutif ou directeur général rend compte à un conseil d'administration. La façon dont l'argent est dépensé—et vous avez dit qu'il s'agit dans votre cas de 2 millions de dollars par an—est la responsabilité du conseil d'administration. C'est lui qui prend les décisions finales relativement au budget pour l'année. Pourriez-vous nous communiquer le nombre d'administrateurs qui siègent à votre conseil d'administration auquel vous rendez compte et quels groupes ou entreprises ceux-ci représentent? J'aimerais savoir quel pourcentage d'entre eux sont des représentants de l'industrie des vins et spiritueux.
M. Hubert Sacy: Je peux vous dire très clairement qu'ils sont la minorité. Notre conseil d'administration est composé d'un représentant de la Société des alcools du Québec...
La présidente: Excusez-moi, mais il vous suffit de faire parvenir une réponse écrite au greffier du comité. Merci.
Monsieur Carrie.
M. Colin Carrie: Merci beaucoup madame la présidente, et merci beaucoup à toutes les personnes qui sont venues ici aujourd'hui.
Tout ce processus m'a réellement ouvert les yeux. Tout comme M. Savage, je souhaite fonder ma décision sur des preuves. Il s'agit en gros de savoir exactement ce que nous nous efforçons de faire ici. Nous nous efforçons de mieux sensibiliser les gens au problème. Nous nous efforçons d'amener des changements de comportement. Nous nous efforçons de réduire les dommages causés. Je vois que les étiquettes prises isolément ne vont pas amener un gros changement au total. Je vois qu'il manque une stratégie d'ensemble. Où résident la responsabilité du gouvernement et celle des associations médicales?
M. Sacy a mentionné qu'il y a plusieurs années c'étaient les femmes du Québec qui étaient le moins au courant des effets de l'alcool sur le foetus. Vous nous dites qu'aujourd'hui, depuis l'instauration de votre programme, 94 p. 100 des Québécoises sont au courant. Si vous estimez que les étiquettes ne fonctionnent pas, vous pourriez peut-être nous expliquer ce qui, selon vous, fonctionne.
M. Hubert Sacy: Comme je vous l'ai dit, nous avons commencé par aller voir le collège des médecins pour lui dire ce qu'il fallait mettre dans l'outil de communication. Nous avons effectué beaucoup de recherches et de sondages et avons constaté qu'il faut en fait agir à trois niveaux différents.
Premièrement, il faut faire de la sensibilisation, et c'est pourquoi nous avons élaboré une campagne de publicité. Vous avez entendu un ou deux messages, mais il en existe beaucoup plus encore. Il y a également la presse écrite. Je ne peux pas tout vous exposer ici, mais il s'agit d'une campagne de sensibilisation et de publicité gigantesque.
Deuxièmement, il faut mieux sensibiliser les médecins. Il vous faut savoir que ce ne sont pas tous les médecins qui sont au courant du problème de l'alcool. Un grand nombre de médecins n'étudient pas suffisamment la chose à l'école de médecine, alors nous distribuons cette documentation aux médecins.
Nous savions par ailleurs qu'il nous fallait traiter la question avec sérieux et de façon exhaustive, mais en employant des termes faciles à comprendre. Nous avons mis notre campagne à l'essai auprès de femmes. Celle-ci est livrée par les médecins et les CLCS, c'est-à-dire les centres locaux de services communautaires, dont j'ignore s'ils ont un nom anglais. Le degré de connaissance de la publication ainsi que de nos recommandations est mesuré chaque année au moyen de sondages effectués par des compagnies de sondages et de recherche indépendantes.
Cela change-t-il les comportements? Cela les change certainement en partie. Les femmes nous disent qu'elles ont modifié leur comportement et qu'elles sont beaucoup plus au courant qu'auparavant. Mais y a-t-il des femmes qui continuent de boire pendant leur grossesse et qui boivent trop pendant la grossesse? Absolument. Il y a des personnes que nous ne parvenons toujours pas à atteindre, et nous ne savons pas comment faire. C'est pour ces personnes-là qu'il nous faut le plus de soutien, car nous ne parvenons pas à faire notre travail dans leur cas.
 (1255)
M. Colin Carrie: J'aurais une petite question rapide. Pourriez-vous me donner un chiffre solide? Vous avez dit tout à l'heure que le Québec était autrefois au plus bas et que le chiffre est aujourd'hui de 94 p. 100.
M. Hubert Sacy: Oui, absolument.
M. Colin Carrie: Pourriez-vous me donner un chiffre pour la période antérieure? Peut-être que c'était 80 p. 100 et qu'aujourd'hui, grâce à ces efforts, cela est passé à 94 p. 100. Avez-vous un chiffre de départ? Comme je l'ai dit, j'aimerais vraiment avoir des données solides ou en tout cas une idée de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas.
M. Hubert Sacy: C'est avec plaisir que je vous enverrai les chiffres. Je n'ai pas le chiffre exact d'Environnics. Je sais que la question n'était pas exactement la même dans les deux sondages, mais je me ferai en tout cas un plaisir de vous envoyer le libellé exact de la question dans les deux cas et des renseignements au sujet de la façon dont la situation s'est améliorée.
Tout ce que je peux vous dire c'est que 94 p. 100 des Québécoises savent qu'on leur recommande de ne pas consommer d'alcool pendant la grossesse. Nous sommes absolument sûrs de ce chiffre-là.
M. Colin Carrie: Qui est un chiffre d'aujourd'hui.
M. Hubert Sacy: D'il y a un an.
M. Colin Carrie: Oui, mais vous ne pouvez pas nous dire très exactement quel était le pourcentage avant le programme.
M. Hubert Sacy: Non, malheureusement. Je ne sais pas. Je vérifierai et je communiquerai avec vous dès que j'aurai la réponse.
M. Colin Carrie: Si vous pouviez fournir cela au comité, ce serait formidable.
M. Hubert Sacy: Absolument.
M. Colin Carrie: Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Je pense que M. Szabo avait une question à poser au sujet du sondage.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Il s'agit du sondage CROP. Je pense qu'il a été effectué en 2002. Pourriez-vous fournir au comité les renseignements qu'il nous faudrait pour obtenir copie de ce sondage.
M. Hubert Sacy: Très certainement. Cela figure sur notre site Web, mais ce ne sera pas un problème de vous envoyer cela.
La présidente: Merci beaucoup.
Le temps dont nous disposions est écoulé. J'aimerais, au nom de tous les membres du comité, remercier les témoins, non seulement pour leurs présentations ici aujourd'hui, mais également pour le travail qu'ils font, ou dans le cadre de leurs activités professionnelles ou en tant que bénévoles.
J'aimerais dire à Mme Ross, à vous qui êtes la mère de deux garçons atteints de TSAF, que vous avez toute notre sympathie et toute notre admiration pour la patience qu'il vous a fallu avoir jour après jour pendant toutes ces années. Ce n'est pas quelque chose que vous faisiez en arrivant au bureau; c'est quelque chose que vous faisiez dès votre réveil.
Nous vous remercions tous et chacun de votre contribution à notre discussion et de votre contribution au Canada grâce à votre travail. Merci beaucoup.
La séance est levée.