HESA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 21 mars 2005
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
M. John Trevithick (professeur, Biochimie, Faculté de médecine Schulich, Faculté de cinésiologie, The University of Western Ontario) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
La présidente |
M. Michel Perron (directeur général, Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La présidente |
Mme Wendy Burgoyne (consultante en promotion de la santé, Meilleur départ : Le Centre de ressources sur la maternité, les nouveau-nés et le développement des jeunes enfants de l'Ontario) |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
La présidente |
M. Steven Fletcher (Charleswood—St. James—Assiniboia, PCC) |
La présidente |
M. John Trevithick |
º | 1620 |
M. Steven Fletcher |
M. John Trevithick |
La présidente |
M. Michel Perron |
M. Steven Fletcher |
La présidente |
Mme Wendy Burgoyne |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC) |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Rob Merrifield |
Dr Gerald Thomas (Analyste principal des politiques, Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies) |
º | 1625 |
M. Rob Merrifield |
M. John Trevithick |
M. Rob Merrifield |
M. John Trevithick |
M. Rob Merrifield |
M. John Trevithick |
M. Rob Merrifield |
M. John Trevithick |
M. Rob Merrifield |
M. Michel Perron |
La présidente |
Mme Nicole Demers (Laval, BQ) |
º | 1630 |
M. John Trevithick |
Mme Nicole Demers |
M. John Trevithick |
Mme Nicole Demers |
Mme Wendy Burgoyne |
Mme Nicole Demers |
Mme Wendy Burgoyne |
Mme Nicole Demers |
La présidente |
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.) |
º | 1635 |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Michael Savage |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Michael Savage |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Michael Savage |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Michael Savage |
La présidente |
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD) |
º | 1640 |
Mme Wendy Burgoyne |
Mme Jean Crowder |
M. Michel Perron |
Mme Jean Crowder |
M. John Trevithick |
º | 1645 |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.) |
Mme Wendy Burgoyne |
L'hon. Keith Martin |
º | 1650 |
Mme Wendy Burgoyne |
L'hon. Keith Martin |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
M. Michel Perron |
L'hon. Keith Martin |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Mme Wendy Burgoyne |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC) |
Mme Wendy Burgoyne |
M. James Lunney |
Mme Wendy Burgoyne |
M. James Lunney |
º | 1655 |
Mme Wendy Burgoyne |
M. James Lunney |
Mme Wendy Burgoyne |
M. James Lunney |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
M. John Trevithick |
Le vice-président (M. Rob Merrifield) |
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.) |
M. John Trevithick |
Mme Ruby Dhalla |
M. John Trevithick |
Mme Ruby Dhalla |
M. John Trevithick |
Mme Ruby Dhalla |
M. John Trevithick |
Mme Ruby Dhalla |
» | 1700 |
M. John Trevithick |
Mme Ruby Dhalla |
M. Michel Perron |
Mme Ruby Dhalla |
M. Michel Perron |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ) |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.) |
La présidente |
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC) |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Colin Carrie |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Colin Carrie |
» | 1705 |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Colin Carrie |
M. Gerald Thomas |
M. Colin Carrie |
M. Gerald Thomas |
M. Colin Carrie |
M. Paul Szabo |
M. Colin Carrie |
M. John Trevithick |
M. Colin Carrie |
La présidente |
M. Paul Szabo |
» | 1710 |
Mme Wendy Burgoyne |
M. Michel Perron |
La présidente |
M. John Trevithick |
La présidente |
» | 1715 |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
La présidente |
M. Steven Fletcher |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
M. Rob Merrifield |
» | 1720 |
La présidente |
M. Rob Merrifield |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
M. Réal Ménard |
L'hon. Robert Thibault |
M. Réal Ménard |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
M. James Lunney |
» | 1725 |
La présidente |
L'hon. Robert Thibault |
La présidente |
Mme Jean Crowder |
La présidente |
M. Steven Fletcher |
L'hon. Robert Thibault |
M. Steven Fletcher |
L'hon. Robert Thibault |
M. Steven Fletcher |
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC) |
M. Steven Fletcher |
La présidente |
» | 1730 |
La présidente |
M. Réal Ménard |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
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l |
|
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 21 mars 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à la 27e séance du Comité permanent de la santé. Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 9 février, nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-206, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues.
Nous entendrons tout d'abord des témoins, dont le premier, qu'il me fait plaisir de vous présenter, est M. John Trevithick, professeur de biochimie à la faculté de médecine Schulich et à la faculté de cinésiologie de l'Université de Western Ontario.
Monsieur Trevithick, je vous cède la parole.
M. John Trevithick (professeur, Biochimie, Faculté de médecine Schulich, Faculté de cinésiologie, The University of Western Ontario): Merci, madame la présidente et chers membres du comité.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler de certains des travaux que j'ai effectués, qui ont un lien avec le projet de loi C-206. Ils portent principalement sur la diminution du risque de maladies liées au vieillissement. Nos recherches concernent la cataracte, et nous nous sommes rendu compte que les maladies du coeur constituent également d'importantes maladies liées au vieillissement, sur lesquelles les antioxydants ont une influence.
Je vais vous donner des explications sur le sujet et j'espère que vous comprendrez mieux par la suite pourquoi il peut s'avérer important selon nous d'encourager une consommation modérée d'alcool.
Pendant mon exposé, si certains d'entre vous ont de la difficulté à comprendre—car je suis conscient que je vous présente quelques graphiques scientifiques—n'hésitez pas à m'interrompre. Je vais vous demander de bien vouloir regarder l'écran.
Premièrement, le concept de l'hormèse a récemment acquis beaucoup d'importance. Il est important sur le plan de la radioprotection, car il semble que certains types de radiation, à faibles doses, puissent être bénéfiques. Le concept de l'hormèse est généralement lié à une courbe dose-réponse en j. Dans une telle courbe, le bienfait se trouve à basse concentration et la toxicité à haute concentration.
Ce qui se produit est démontré par une courbe établie par une de mes collègues à Édimbourg. Sur la ligne verticale, se trouve le risque, et sur la ligne horizontale, se trouve le nombre de consommations quotidiennes. On peut voir qu'en prenant un verre par jour, le risque de cataracte diminue d'environ 50 p. 100. Cela est vrai pour un certain nombre de groupes d'âge, à savoir tous les groupes englobant les personnes âgées de 50 à 89 ans. Il semble donc que la consommation d'un verre par jour soit bénéfique en ce qui concerne la cataracte.
La consommation de 1 à 50 grammes d'alcool par jour a également démontré une diminution similaire du risque. On voit par contre que le risque augmente chez les personnes qui ne prennent pas d'alcool et celles qui prennent deux ou trois verres par jour. Le phénomène de l'hormèse semble donc être important.
Pourquoi observons-nous une réduction du risque chez les personnes qui prennent un verre par jour? C'est étonnant. Habituellement, les gens considèrent que l'alcool n'est pas très bon pour eux, mais peut-être comporte-t-il des bienfaits.
Nous avons entre autres examiné la destruction des radicaux libres par une boisson que beaucoup de gens ont consommée la semaine dernière. Il s'agit du stout. Nous avons utilisé les courbes de VS, qui permettent de mesurer la concentration des radicaux libres. Nous avons employé différents contrôles, dont le superoxyde, auquel nous avons ensuite ajouté du stout. Le superoxyde est un type de radical que nous produisons tous en petites quantités durant le métabolisme normal, mais en grandes quantités, il peut s'avérer dangereux. Par exemple, lors de la transplantation d'un organe, de grandes quantités de superoxyde sont produites. Nous avons aussi utilisé l'hydroxyle comme contrôle, auquel nous avons ajouté également du stout par la suite.
On peut voir sur ces courbes les radicaux et ce qui leur arrive lorsque nous ajoutons du stout. Presque tous les radicaux disparaissent. Il en va de même pour l'hydroxyle : lorsque nous ajoutons du stout, il disparaît.
Il est intéressant de se demander pourquoi cela se produit. C'est en raison des composés polyphénoliques qui se trouvent dans le stout. Ce sont des composés normalement produits durant le processus du maltage, car lorsque l'on procède au maltage de l'orge, on produit des composés comportant des groupes phénoliques et d'hydroxyles, similaires à la vitamine E. Lorsque l'on fait griller l'orge pour stopper sa croissance au cours du processus de maltage, on extrait des éléments, qui sont de petits précurseurs du poids moléculaire de la composante de la paroi cellulaire dont vous avez tous entendu parler, qui s'appelle la lignine.
¹ (1540)
Nous pouvons alors utiliser également un dosage par luminescence. Nous en avons élaboré un qui permet de mesurer la quantité de peroxyde grâce à une réaction photochimique, dans le cadre de laquelle nous produisons des photons. Le compte est établi à l'aide d'un instrument qui compte le nombre de photons, qui constitue une mesure directe de la quantité de peroxyde qui était présente. Si nous détruisons le peroxyde, nous pouvons connaître l'activité antioxydante.
Nous pouvons observer que la plupart des boissons détruisent plus de 90 p. 100 du peroxyde et que leur activité antioxydante s'établit aussi à plus de 90.
Nous pouvons examiner un certain nombre de bières et de vins différents, notamment une bière contenant un demi-pour cent d'alcool. Vous savez que l'alcool éthylique détient une activité antioxydante, mais moins élevée que les autres boissons alcoolisées.
Il serait bien de pouvoir comparer la puissance relative des différentes boissons énumérées ici. Toutes ces bières et ces vins rouges et blancs semblent détenir une activité antioxydante très élevée. C'est là une bonne chose. Si nous pouvions trouver le lien entre eux, nous pourrions les examiner.
Nous pouvons aussi nous pencher sur le rhum. L'activité antioxydante de ces différents rhums est aussi très élevée, sauf dans le cas de celui-ci, qui est un rhum léger; de celui-là, qui est un rhum blanc; et de celui-ci, qui est aussi un rhum blanc. Il semble donc que l'élément qui donne sa couleur au rhum ait de l'importance. Il s'agit en fait d'un tanin, qui s'apparente aux tanins qui se trouvent dans le thé. Il possède aussi une activité antioxydante. Où obtenons-nous ce tanin? Il est extrait des foudres dans lesquels s'effectue la maturation du rhum. Plus le rhum est brun, plus son activité antioxydante est élevée.
Ce que nous pouvons faire, c'est procéder à une dilution et utiliser le IC50. Nous pouvons diluer la boisson. En la diluant jusqu'à ce que nous ayons détruit uniquement 50 p. 100 du peroxyde, nous pouvons déterminer quelle quantité de peroxyde sera détruite à ce niveau. Une boisson qui possède un CI50 faible détient la teneur en antioxydants la plus forte, car la dilution est grande. Par exemple, une mesure de 0,001 signifie une teneur plus forte qu'une mesure de 0,01.
Le graphique suivant, qui porte sur les mêmes rhums que tout à l'heure, permet de constater que certains de ces rhums détiennent un IC50 très faible, ce qui est bien. Par exemple, le rhum de la Barbade Mount Gay, que j'ai acheté en vacances, est l'un des plus puissants. Mais les rhums légers, comme vous le voyez ici, ne possèdent pas un IC50 très élevé.
Le concept est important.
Pour ce qui est de l'activité antioxydante, nous pouvons examiner un certain nombre de whiskies canadiens. Nous pouvons examiner notamment le Wiser et bien d'autres, dont le Canadian Club, qui est probablement le plus connu. Ils possèdent tous un pourcentage élevé d'activité antioxydante. Si l'on compare leur puissance, on peut dire que le whisky canadien très vieux Wiser est probablement le meilleur.
Nous pouvons aussi examiner l'activité antioxydante des bières. Certaines d'entre elles, notamment la bière à un demi-pour cent d'alcool et l'une des bières gazeuses, ne détiennent pas un taux très élevé d'activité antioxydante, mais le reste d'entre elles possèdent un pourcentage assez élevé, à l'exception des bières légères comme la Bud Light. Les bières légères n'ont pas une activité antioxydante aussi grande que les autres. Nous pouvons utiliser ici aussi le IC50. Lorsque le IC50 est faible, le taux d'activité antioxydante est très bon.
Nous avons décidé d'effectuer une étude chez les humains. Nous voulions savoir si les antioxydants contenus dans la boisson consommée avaient une incidence sur le plasma sanguin. Nous nous sommes aussi demandés si nous pouvions obtenir une diminution du stress oxidatif dans le plasma en ajoutant des antioxydants dans une boisson et si l'alcool ou les polyphénols ont une influence sur la concentration d'antioxydants dans le plasma. Nous voulions également savoir s'il existe une corrélation avec les courbes de l'hormèse.
Dans le cadre de la recherche, les participants, qui étaient à jeun depuis la veille au soir, ont consommé une ou trois boissons alcoolisées. Les concentrations d'antioxydants et d'alcool dans le plasma ont été mesurées pendant quatre à six heures. Nous avons offert aux participants de la lager, du vin rouge, du stout et une solution d'alcool—comportant chacun 13,4 grammes d'alcool—ainsi que du stout sans alcool en vue d'observer les polyphénols en eux-mêmes, sans présence d'alcool.
¹ (1545)
Comme vous pouvez le voir, la seule boisson dont le pourcentage d'activité antioxydante est faible est celle qui contenait uniquement de l'alcool. Les autres—le vin rouge, la bière, le stout, même le stout sans alcool—ont enregistré une activité antioxydante élevée.
Nous pouvons établir des moyennes pour la période en question. Les concentrations moyennes d'antioxydants obtenues durant la période de quatre à six heures ont été comparées pour une et trois consommations. Après une consommation, le plasma est devenu très antioxydant, ce qui est probablement une bonne chose. Après trois consommations, le plasma est devenu pro-oxydant, ce qui n'est pas une bonne chose. C'est comme recevoir une dose de radiations. Sauf chez deux participants, c'est le résultat que nous avons obtenu. Après trois consommations, l'alcool semblait s'être métabolisé en radicaux libres, ce qui signifie que l'alcool n'a pas de bienfaits.
Après un verre de vin rouge, on a noté un effet antioxydant positif, et après trois verres, le plasma est devenu pro-oxydant. Par contre, après une consommation d'eau avec alcool, on a observé aucun effet antioxydant, et après trois consommations, le plasma est devenu pro-oxydant.
Nous avons aussi voulu nous pencher sur le risque de maladies du coeur, comme en faisait mention la première diapositive, car la lipoprotéine de basse densité (LDL) oxydée est le précurseur de la formation de plaques d'athérosclérose. Chez les animaux, si l'on diminue l'oxydation de la LDL par l'entremise d'antioxydants alimentaires, l'athérosclérose diminue.
Ainsi, 30 minutes après que les participants aient consommé du stout, leur LDL était de 14 p. 100 plus résistante à l'oxydation par le cuivre qu'avant la consommation. Il semble donc que la LDL oxydée diminuait, ce qui signifie que la formation de plaques d'athérosclérose diminuerait également. Cela pourrait expliquer la diminution de 50 p. 100 du risque de crises cardiaques chez les personnes qui consomment un verre de boisson alcoolisée par jour.
La situation est un peu différente chez les buveurs excessifs. Deux buveurs excessifs avaient un plasma antioxydant après avoir consommé de la lager ou du vin rouge; les autres avaient un plasma pro-oxydant. Ces deux buveurs excessifs en question n'ont pas métabolisé l'alcool aussi rapidement. Les antioxydants luttent contre les substances comburantes produites par l'alcool. Si l'alcool n'est pas métabolisé, les antioxydants peuvent entrer en jeu. C'est en fait ce qui se produit.
On peut voir ici que les participants qui ont consommé du vin rouge et de la lager avaient un plasma antioxydant, tandis que les autres, dont le métabolisme était plus rapide, avaient un plasma pro-oxydant. Dans le cas des autres boissons, le niveau d'alcool monte puis redescend, comme nous nous y attendons.
Pour conclure, je dirai que les boissons alcoolisées contiennent des polyphénols et des flavonoïdes aux propriétés antioxydantes. L'alcool lui-même semble se métaboliser en métabolites oxydants, alors l'équilibre entre les deux fait en sorte que le plasma est antioxydant ou pro-oxydant après une ou trois consommations. La courbe en j du risque traduit le phénomène que j'ai appelé hormèse. Nous ne nous attendions pas à ce que le plasma soit pro-oxydant après trois consommations du stout non alcoolisé. Mais il existe certaines boissons non alcoolisées qui peuvent ne pas être bonnes pour vous si elles contiennent une trop grande quantité de polyphénols.
Nous avons effectué une analyse coûts-avantages, car nous disposions de renseignements provenant du régime d'assurance-maladie de l'Ontario sur la diminution du risque de crises cardiaques et de cataractes selon l'âge et le sexe. Nous avons établi un modèle informatique qui faisait état d'économies de productivité se chiffrant à 10,2 milliards de dollars pour un groupe de 788 000 Ontariens âgés de 50 à 54 ans, d'après des données de 2001, si la province assumait le coût d'une consommation par jour. À l'échelle du Canada, cela engendrerait des économies de 402 milliards de dollars. Si le projet de loi C-206 avait pour effet de faire baisser le nombre de personnes qui prennent une consommation par jour, cette économie de 402 milliards de dollars pourrait diminuer considérablement.
¹ (1550)
Comme vous, ces chiffres m'ont étonné, mais ils proviennent du modèle informatique et ils sont réels.
Nous avons des recommandations à formuler au sujet du libellé des étiquettes et du financement. Consommer quotidiennement 341 millilitres de bière ou 155 millilitres de vin rouge ou bien un verre de whiskey ou un verre de rhum contenant la même quantité d'alcool diminue le risque de maladies du coeur et de cataractes.
Les Instituts de recherche en santé du Canada devraient obtenir davantage de fonds pour effectuer des recherches sur les bienfaits de la consommation d'alcool sur la santé et non seulement sur les effets négatifs. Nous avons eu beaucoup de mal à obtenir des fonds pour mener notre recherche. Les entreprises de boissons alcoolisées semblent réticentes à financer de telles recherches car elles craignent que des poursuites soient intentées contre elles et qu'elles se retrouvent dans le même genre de situation que les fabricants de cigarettes. Une fondation canadienne devrait également obtenir des fonds pour financer des recherches sur les effets de la consommation d'alcool sur la santé par les sociétés de boissons alcoolisées, au même titre que les constructeurs d'automobiles effectuent des essais de choc pour améliorer la sécurité de leurs véhicules. Nous croyons que le comité devrait réfléchir à cela. Je sais que le projet de loi ne peut contenir des dispositions à cet égard, mais vous pouvez émettre des recommandations.
Je vous remercie pour votre temps. Je serai ravi de répondre à vos questions.
La présidente: Merci, monsieur Trevithick. Les questions auront lieu après tous les exposés.
Nos prochains témoins proviennent du Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Nous avons avec nous le directeur général, M. Michel Perron, la directrice de la recherche et des politiques, Patricia Begin, et M. Gerald Thomas. Je ne sais pas qui d'entre vous fera l'exposé.
M. Michel Perron (directeur général, Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Ce sera moi. Je vous remercie beaucoup, madame la présidente et chers membres du comité.
Je veux d'abord remercier le comité de nous donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui à propos des étiquettes de mise en garde au sujet de la consommation de boissons alcoolisées.
Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a été créé par voie législative en 1988 pour centraliser à l'échelle nationale les efforts déployés en vue de réduire les dommages causés par l'abus d'alcool et d'autres drogues au Canada. Le renouvellement de la Stratégie canadienne antidrogue en 2003 a confirmé le rôle du Centre en tant qu'agence nationale de prévention de la toxicomanie.
Nous sommes particulièrement heureux lorsque le Parlement se penche sur les questions liées à la consommation d'alcool et d'autres drogues, car ces substances entraînent un coût important sur le plan social, médical et économique. Comme vous le savez, ces substances sont visées par une série de politiques et de lois complexes liées entre elles et elles concernent tous les paliers de gouvernement.
[Français]
Le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, le CCLAT, s'attache à collaborer avec tous les intervenants voulus afin de relever les approches les plus pratiques et les plus efficaces pour réduire les méfaits causés par ces substances.
Au cours de la dernière année, nous avons été actifs dans le dossier des politiques de contrôle de l'alcool, notamment en organisant en novembre 2004, à Ottawa, un atelier thématique national traitant de la politique sur la consommation d'alcool. Nous parlerons des résultats de cette activité dans quelques minutes.
Ce n'est pas la première fois que le CCLAT comparaît devant le Comité permanent de la santé au sujet des étiquettes de mise en garde sur les produits d'alcool. En 1996, nous avons présenté un exposé pendant lequel nous avons appuyé, avec des réserves, les étiquettes de mise en garde obligatoires en faisant valoir les arguments suivants.
¹ (1555)
[Traduction]
Voici les conclusions que nous avons présentées au comité en 1996.
Premièrement, les recherches révèlent que les étiquettes de mise en garde ne sont pas efficaces pour changer les habitudes de consommation problématiques. Toutefois, il est probable qu'à long terme elles contribuent à la mise en place d'autres mesures de contrôle, tant formelles qu'informelles.
Deuxièmement, tout produit de consommation comportant un risque potentiel reconnu pour la santé devrait porter une étiquette appropriée; les boissons alcoolisées ne devraient pas être exemptées des exigences en matière d'étiquetage s'appliquant aux autres produits toxiques.
Troisièmement, les étiquettes de mise en garde sont une mesure de contrôle passive et ne peuvent pas remplacer l'investissement continu dans une gamme d'interventions dynamiques. Une telle mesure doit s'inscrire dans le cadre d'une stratégie exhaustive sur les drogues et l'alcool.
Neuf années se sont écoulées depuis notre exposé, et, malheureusement, il n'y a toujours aucune preuve de l'efficacité des étiquettes de mise en garde pour changer les habitudes de consommation des personnes qui abusent de l'alcool. Nous nous appuyons principalement sur une étude d'évaluation menée pendant sept ans aux États-Unis au moyen de sondages pour examiner la Loi nationale sur l'étiquetage avant et après son entrée en vigueur, en 1989.
Voici les principales constatations de cette évaluation exhaustive, annoncées en octobre 1996 :
la population soutient vigoureusement l'utilisation d'étiquettes de mise en garde; la sensibilisation au contenu des étiquettes a augmenté considérablement avec le temps; la connaissance des risques décrits était élevée avant l'apparition des étiquettes, mais n'a pas augmenté en général; les étiquettes n'ont pas eu d'effets importants sur les comportements à risque, bien que certains effets puissent laisser entrevoir l'amorce d'un certain changement. |
Ces constatations confirment qu'il n'existe pour le moment pas de preuve scientifique quant à l'efficacité des étiquettes de mise en garde pour influencer les habitudes malsaines de consommation d'alcool.
Vu le manque de données empiriques sur l'efficacité des étiquettes de mise en garde pour changer le comportement, nous croyons que l'argument le plus convaincant en faveur de l'étiquetage obligatoire est le deuxième point que nous avions avancé en 1996, c'est-à-dire que la consommation d'alcool peut être dangereuse et que les produits alcoolisés devraient comporter des avertissements comme tout autre produit dangereux vendu au Canada. Comme nous l'avions dit à cette époque, nous ne pouvons trouver aucune raison logique d'exempter les boissons alcoolisées de l'étiquetage prescrit pour les autres produits dangereux en vente au Canada.
On pourrait faire raisonnablement valoir, pour équilibrer les messages—et je présume que vous avez déjà entendu cet argument—, qu'il devrait aussi être écrit sur les contenants de produits alcoolisés que certains segments de la population peuvent tirer des bienfaits sur le plan de la santé d'une consommation modérée d'alcool, d'après des preuves scientifiques concluantes, comme l'a mentionné le témoin qui m'a précédé.
J'aimerais souligner un troisième point important que nous avions soulevé en 1996, c'est-à-dire que les étiquettes de mise en garde sont une réponse passive aux problèmes associés à la consommation excessive d'alcool et ne devraient pas remplacer les investissements considérables qui doivent être faits dans beaucoup d'autres types d'interventions actives, comme celle entreprise récemment par le CCLAT.
[Français]
Il y a environ quatre mois, le CCLAT a tenu un atelier thématique national sur les politiques relatives à l'alcool dans le contexte plus vaste de l'élaboration d'un cadre national sur la consommation et l'abus des substances. Ce cadre, si vous ne le connaissez pas déjà, est au coeur du renouvellement de la Stratégie canadienne antidrogue. Cet atelier a réuni des intervenants des secteurs les plus variés dans le but de cerner des mesures précises qui permettraient de réduire les méfaits de l'abus d'alcool. À cette occasion, deux grandes approches pour la résolution des problèmes d'alcool ont été comparées: l'approche axée sur la santé de la population, qui a recours à des moyens d'action relativement peu raffinés, comme la taxation, pour réduire les niveaux de consommation globaux et, par conséquent, les méfaits sur la santé et la société; l'approche des interventions ciblées, qui recourt à des politiques et à des programmes plus précis pour s'attaquer au comportement problématique de certaines personnes, comme la conduite en état d'ébriété.
[Traduction]
Dans l'ensemble, cinq grand sujets et stratégies ont été discutés en long et en large lors de l'atelier, y compris la promotion de l'utilisation de tests de dépistage systématique et la mise en oeuvre de brèves interventions auprès de personnes ayant des problèmes d'alcoolisme ou de celles qui sont à risque d'en avoir; l'élaboration et la promotion de politiques visant à réduire les maladies chroniques, dont le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale; la redistribution ciblée et éclairée des taxes perçues sur la vente de produits alcoolisés; l'étude du contexte favorisant la consommation d'alcool et l'utilisation de mesures ciblées; et le développement d'une culture de modération contrairement à une culture d'intoxication au Canada.
Tous les participants à l'atelier se sont entendus pour dire qu'il faudrait aller de l'avant en s'appuyant sur des preuves et en présentant des recommandations équilibrées et éclairées par suite d'une analyse attentive de la documentation scientifique. Sur ce point, la question des étiquettes de mise en garde a été mentionnée, mais étant donné le manque de preuves quant à leur efficacité, ce type d'intervention n'a pas été retenu comme une politique viable dans les recommandations finales.
L'atelier a donné lieu à un ensemble de recommandations visant à encourager l'utilisation de mesures ciblées de promotion de la santé qui, selon les données recueillies, auraient le plus grand impact sur la réduction des méfaits de l'abus de l'alcool tout en permettant de conserver les avantages sur le plan financier, social et de la santé d'une consommation responsable de boissons alcoolisées au Canada.
Nous sommes confiants que les stratégies cernées à l'atelier thématique national sont un bon point de départ pour la mise en oeuvre de programmes visant à réduire les méfaits associés à l'alcool au Canada, mais nous croyons que l'approche systématique et inclusive de cet atelier, qui a rassemblé toutes sortes d'intervenants ayant des points de vue différents pour échanger de l'information et parvenir à un consensus, est peut-être la plus grande contribution faite dans ce domaine. C'était la première fois depuis de nombreuses années qu'un consortium de partenaires intéressés par cette question s'assoyait à la même table pour discuter de questions d'intérêt commun.
º (1600)
[Français]
En réalité, lorsqu'il s'agit d'une question aussi litigieuse et politisée que celle de l'alcool, les processus sont importants. Nous estimons que ce travail est le plus susceptible de donner lieu à une solution efficace et durable aux problèmes liés à l'abus d'alcool au Canada.
Maintenant que nous avons réitéré la position que nous avions prise en 1996 et les mises en garde qui s'y rapportaient, nous aimerions formuler trois recommandations correspondantes qui, à notre avis, méritent d'être sérieusement examinées.
[Traduction]
D'abord et avant tout—sans présumer le résultat final de vos délibérations sur les étiquettes de mise en garde—, nous exhortons le comité à soutenir et à exiger la création d'un groupe de travail national sur l'alcool pour faire avancer les recommandations découlant de l'atelier thématique national traitant de la politique sur la consommation d'alcool, qui a eu lieu en novembre dernier. Ce groupe de travail pourrait aborder une liste exhaustive de priorités, dont le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale et d'autres enjeux. Nous savons que Santé Canada s'est engagé à entreprendre un tel processus en partenariat avec le CCLAT. Nous serions très heureux de recevoir l'appui du comité à l'égard de ce projet.
Aussi, si vous décidez d'aller de l'avant avec le régime d'étiquetage, nous suggérons au comité qu'il recommande de modifier la Loi sur les aliments et drogues pour y prescrire uniquement l'utilisation d'étiquettes de mise en garde, mais pas le contenu, le type ni le format de ces étiquettes, qui seraient plutôt déterminés dans un règlement. Ainsi, le gouvernement pourrait s'assurer que ces étiquettes s'appuient sur des données à jour et qu'il a la souplesse nécessaire pour les changer par suite d'évaluations subséquentes. Par exemple, nous recommandons l'utilisation d'étiquettes standard de boissons au lieu des avertissements pour la santé et la sécurité proposés actuellement dans le projet de loi C-206.
Les étiquettes standard de boissons visent à réduire les méfaits associés à l'alcool en donnant aux consommateurs de l'information sur la quantité recommandée selon la teneur en alcool et des conseils pour une consommation d'alcool à faible risque. D'une certaine façon, on pourrait établir un lien avec les diverses campagnes de sensibilisation par le biais des étiquettes. En Australie, on a constaté que les étiquettes standard de boissons, qui ressemblent aux étiquettes indiquant la portion recommandée et qui sont utilisées pour d'autres produits de consommation au Canada, pouvaient être utiles pour modérer la consommation d'alcool.
Pour terminer, il faut mentionner l'aspect qui est probablement le plus important, c'est-à-dire les ressources. Voici ce que nous avons à dire. Chaque année, tous les paliers de gouvernement au Canada reçoivent plus de 5 milliards de dollars provenant des taxes à la consommation et des frais associés à la vente et au contrôle des boissons alcoolisées. Et on ne parle même pas de la taxe de vente. Pour vous donner une idée de ce que ça représente, disons que pendant les deux heures qu'a duré la séance aujourd'hui, plus de 1 million de dollars seront perçus par les gouvernements au Canada sur la vente d'alcool. Voilà pourquoi notre troisième recommandation est que le comité exige qu'une partie de ces revenus considérables soit réservée au financement d'une stratégie exhaustive et soutenue de lutte contre le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale, mesure qui s'inscrirait dans le Cadre d'intervention en matière de toxicomanie.
Bien que ces suggestions puissent sembler radicales, particulièrement celle concernant la politique fiscale, il existe néanmoins un précédent. Le gouvernement du Québec, qui a le monopole sur la vente de produits alcoolisés, verse déjà 1¢ pour chaque bouteille d'alcool vendue dans l'une de ses succursales aux fins des mesures de prévention et de sensibilisation. Plusieurs provinces réservent maintenant un pourcentage de leurs recettes provenant du jeu pour la prévention des problèmes liés au jeu.
[Français]
En terminant, je dirai que le processus du cadre d'action national montre—nous en sommes fermement convaincus—que les principaux intervenants dans le dossier de l'alcool veulent et peuvent se concerter pour promouvoir des solutions rationnelles et fondées sur des données probantes aux problèmes complexes que pose l'abus d'alcool pour la santé et la société. Nous prions instamment le comité d'exploiter ce potentiel au cours de ses délibérations.
Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, monsieur Perron.
Nous entendrons maintenant Mme Wendy Burgoyne, consultante en promotion de la santé pour le programme Meilleur départ : Le Centre de ressources sur la maternité, les nouveaux-nés et le développement des jeunes enfants de l'Ontario.
Madame Burgoyne, la parole est à vous.
Mme Wendy Burgoyne (consultante en promotion de la santé, Meilleur départ : Le Centre de ressources sur la maternité, les nouveau-nés et le développement des jeunes enfants de l'Ontario): Je vais parler au nom du programme Meilleur départ, qui est financé par le ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse de l'Ontario. Je veux signaler que nous sommes en faveur de l'utilisation d'étiquettes de mise en garde pour indiquer les conséquences de la consommation d'alcool pendant la grossesse.
Le programme Meilleur départ vise à donner du soutien aux fournisseurs de services qui travaillent à promouvoir la santé des femmes enceintes, des bébés et des jeunes enfants. Nous nous intéressons à la consommation d'alcool pendant la grossesse depuis le début des années 1990; au cours des quatre dernières années, nous avons mis particulièrement l'accent sur cet enjeu.
Nous avons mené divers projets, dont des campagnes de sensibilisation provinciales, des conférences et des programmes de formation destinés aux médecins sur l'évaluation et le traitement de la consommation d'alcool pendant la grossesse. Nous venons de terminer l'enregistrement d'une vidéo sur le dépistage de la consommation d'alcool pendant la grossesse à l'intention des médecins de famille. Nous offrons aussi de la formation à des groupes sur la prévention et le traitement de la consommation d'alcool pendant la grossesse et transmettons de l'information aux fournisseurs de services sur les façons d'aborder efficacement et avec délicatesse cette question. Nous avons donné de la formation en Ontario, en particulier, mais aussi ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Australie. D'habitude, la formation se donne sur place. Nous offrons aussi de la formation par courriel et par téléphone.
Nous avons eu le privilège de travailler cette année avec le ministère des Services aux consommateurs et aux entreprises de l'Ontario sur la présentation écrite et visuelle des nouveaux panneaux d'avertissement de l'Ontario concernant la consommation d'alcool pendant la grossesse. Une copie de ces panneaux et de certaines des ressources utilisées lors de la campagne menée en mai 2004 sur la consommation d'alcool et la grossesse se trouvent dans la chemise devant vous.
Mon plus récent projet dans ce domaine est avec l'Agence de santé publique du Canada pour revoir les campagnes de sensibilisation sur le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale, ou TSAF, partout au pays, et cerner les images, les messages et les stratégies qui se sont avérés efficaces, les éléments qui ont fait l'objet d'un consensus ou d'une controverse, etc., en vue de transmettre cette information à d'autres qui essaient de sensibiliser la population.
Je crois que nous sommes particulièrement bien placés pour dire ce dont ont besoin les femmes enceintes pour changer leurs habitudes, et j'aimerais vous remercier de m'avoir donné cette occasion de le faire.
Les femmes enceintes boivent de l'alcool pour différentes raisons. Certaines consomment de l'alcool car elles ne sont pas au courant de faits importants concernant ses effets pendant la grossesse. D'autres boivent en raison de normes sociales, par dépendance ou pour mieux endurer des conditions de vie difficiles, comme la pauvreté ou la violence. Une femme peut également boire parce qu'elle est mal informée et croit que certains types d'alcool ne sont pas nocifs pendant la grossesse ou qu'il y a des périodes où il n'est pas dangereux d'en consommer.
Pour contrôler leur consommation d'alcool, les femmes ont besoin de différents types d'interventions en fonction des raisons qui les poussent à boire. Il n'y a pas de solution magique. Il n'existe pas non plus une stratégie parfaite qui couvre toutes les raisons. Idéalement, nous devrions avoir des stratégies de prévention qui sont exhaustives et qui prévoient la diffusion d'informations importantes sur la consommation d'alcool pendant la grossesse, le dépistage de la consommation d'alcool pendant la grossesse ainsi que la prestation de soins, de services d'aiguillage et de soutien dont ont besoin de nombreuses femmes enceintes pour arrêter de boire de l'alcool pendant leur grossesse. L'Agence de santé publique du Canada dispose d'un excellente cadre d'action qui couvre tous ces domaines.
Il est également utile de regarder quelles sont les femmes qui boivent de l'alcool pendant qu'elles sont enceintes. Souvent, lorsqu'on pense à la consommation d'alcool pendant la grossesse, on s'imagine une femme à risque élevé. Une femme qui est célibataire, qui est isolée, qui n'est pas instruite, qui est pauvre, qui vit peut-être dans un environnement violent et qui consomme d'autres drogues. Évidemment, ce genre de femme nous inquiète. Elle aura d'ailleurs besoin de beaucoup d'outils pour régler son problème de consommation. Il est toutefois intéressant de voir que les femmes les plus susceptibles de consommer modérément ou quotidiennement de l'alcool et de signaler une consommation d'alcool pendant leur dernière grossesse sont des femmes instruites, ayant un bon emploi et âgées de plus de 30 ans.
Le premier groupe de femmes dont j'ai parlé n'est pas sensible à une campagne de sensibilisation. Mais le dernier groupe, si. Ces femmes cherchent de l'information, veulent faire des changements, ont le soutien nécessaire et sont assez efficaces personnellement pour apporter des changements après avoir pris connaissance de l'information offerte, ce qui s'inscrit dans les résultats visés par les étiquettes de mise en garde.
Quelles sont les mesures dont on a le plus besoin? Il nous en faut certainement plusieurs. L'utilisation d'étiquettes de mise en garde sur les contenants de boissons alcoolisées n'est qu'une des stratégies importantes dont nous avons besoin. Leur rôle est d'informer les gens des risques et de faire des rappels. Évidemment, elles ne peuvent pas renfermer toute l'information dont ont besoin les femmes pour gérer leur consommation d'alcool.
º (1605)
Si nous jetons un coup d'oeil aux campagnes de sensibilisation sur la consommation d'alcool pendant la grossesse, nous constatons que les plus efficaces ont eu recours à de multiples stratégies. Par exemple, elles peuvent s'adresser aux femmes qui boivent peu et qui peuvent arrêter de consommer dès qu'elles ont pris connaissance des faits et qui n'ont pas besoin d'autres mesures de soutien pour gérer leur consommation d'alcool.
Il ne fait aucun doute dans notre esprit que la réglementation fédérale concernant les étiquettes de mise en garde obligatoires sur la consommation d'alcool pendant la grossesse est la preuve de l'engagement du gouvernement et de l'importance que revêt cette question pour toute la population canadienne.
Si l'on regarde les chiffres, nous voyons qu'un bébé sur 100 naît au Canada avec le TSAF, ce qui comprend de graves lésions au cerveau et des malformations congénitales. C'est un problème qui est très coûteux et qui préoccupe grandement toute la population.
Il est important aussi d'examiner ce que peuvent faire les stratégies de sensibilisation. Celles-ci sont un outil utile à certains égards; mais elles ne peuvent pas tout faire. Les stratégies de sensibilisation peuvent surtout influer sur le niveau de sensibilisation de la population, ce qu'elles font très bien d'ailleurs. Elles peuvent aussi influencer les comportements et les normes sociales et, dans certains cas, les habitudes de consommation.
Le changement de comportement ou des habitudes n'est pas le rôle ni le résultat principal d'une stratégie de sensibilisation. Pour changer de façon mesurable le comportement, il faut une combinaison d'approches. Dans le cadre de la campagne Meilleur départ, par exemple, nous avons mené une enquête avant et après la campagne. Nous nous sommes réjouis de constater qu'en Ontario le nombre de femmes en âge de procréer qui avaient répondu que des malformations congénitales pouvaient résulter d'une consommation d'alcool pendant la grossesse avait augmenté de 65 p. 100. Nous avons choisi très prudemment nos messages en fonction de ce que savaient les gens en Ontario au sujet de la consommation d'alcool pendant la grossesse. En raison des moyens que nous avions à notre disposition, nous ne voulions pas renforcer des messages qui étaient déjà véhiculés.
Les étiquettes de mise en garde au sujet de la consommation d'alcool peuvent être un élément important d'une stratégie plus élargie pour appuyer de nouvelles données ou corriger de l'information qui était mal comprise par les femmes enceintes. Est-ce que ces avertissements fonctionnent? Je sais que vous avez entendu le point de vue de bon nombre de personnes qui disent qu'ils ne fonctionnent absolument pas et d'autres qui sont passionnément d'avis contraire. Les preuves sont partagées. Cela s'explique en partie parce qu'il est très difficile de mesurer l'efficacité de chaque stratégie prise individuellement. Si nous plaçons des affiches un peu partout dans la ville, pouvons-nous nous attendre à voir des changements de comportement? Pas vraiment. Ce n'est qu'une stratégie. Si les médecins se contentent uniquement de dépister la consommation d'alcool sans fournir de l'aide aux femmes, les comportements changeront-ils? C'est peu probable. Ce n'est pas efficace tout seul. Nous avons besoin d'une combinaison d'approches.
Aussi, beaucoup de choses peuvent changer entre la période qui précède une campagne et celle qui la suit. La campagne Meilleur départ s'est déroulée en mai 2004. Nous avons fait notre enquête préalable en mars et celle suivant la campagne en août; il s'est donc passé quelques mois. Pendant la campagne Meilleur départ, le livre de Bonnie Buxton a été publié et nos nouveaux panneaux d'avertissement ont fait le tour des gouvernements, sans parler des nombreuses choses qui ont été dites dans les médias. Il ne faut pas se surprendre de voir toute cette confusion entourant les données sur l'impact des étiquettes de mise en garde. C'est parce qu'il est très difficile de cerner les effets d'une telle stratégie car des interventions sont rarement efficaces seules.
Une chose qu'il est bon de se rappeler lorsqu'on parle de l'efficacité des étiquettes de mise en garde, c'est que certaines évaluations ont révélé qu'il s'agissait d'une mesure efficace auprès des groupes à faible risque. Lorsqu'on voit que l'efficacité n'est associée qu'à des groupes à faible risque, on est tenté de penser que ce type d'intervention ne fonctionne pas. Il ne faut pas oublier que la consommation d'alcool pendant la grossesse, même à faible dose, est nocive. Ce niveau de consommation n'est qu'une indication que la personne est moins susceptible d'avoir des problèmes de consommation, mais ça n'a rien à voir avec le fait que la consommation d'alcool pendant la grossesse n'est pas sans conséquence.
Au Canada, on définit une faible consommation d'alcool comme étant la consommation de neuf verres standard d'alcool au plus par semaine, sans dépasser deux verres par jour. Cette norme était plus élevée il y a un an, mais elle a été revue à la baisse l'année dernière. Ça ne constitue pas un niveau de consommation sécuritaire pendant la grossesse. Si certaines études—ici encore nous avons des données divergentes—rejoignent des consommatrices à faible risque pendant leur grossesse, elles sont utiles. Mais il faut absolument d'autres stratégies pour les femmes alcooliques.
Que sait la population canadienne des effets de l'alcool pendant la grossesse? Des études révèlent que la population est très renseignée sur certains aspects, mais l'est moins sur d'autres. Par exemple, 92 p. 100 des répondants canadiens à l'enquête Environics en 2002 savaient que la consommation d'alcool pouvait entraîner des handicaps permanents. La même étude a révélé que 24 p. 100 des répondants croyaient qu'une consommation modérée pendant la grossesse était sans danger. Ce n'est pas ce genre de réponse que nous aimons obtenir. Nous aimerions amener les gens à comprendre qu'aucune quantité d'alcool pendant la grossesse n'est sécuritaire.
º (1610)
D'une part, certaines personnes ont sûrement fait valoir que les gens savent tout cela. Ce n'est pas nouveau. C'est une perte d'argent. D'autre part, il y a des choses que les gens ignorent toujours; à preuve, les quiproquos sur les quantités et les types d'alcool qui ne seraient pas nocifs et les périodes de la grossesse où la consommation d'alcool ne présenterait aucun risque. Les messages à apposer sur les étiquettes doivent être choisis avec soin.
Certains changements ont été observés au Canada. Les taux de consommation d'alcool et la connaissance des risques diffèrent d'une région à l'autre. Par exemple, dans l'est du Canada—en Ontario, au Québec et dans les provinces de l'Atlantique—, on a tardé à lancer des stratégies pour prévenir la consommation d'alcool pendant la grossesse, et le niveau de sensibilisation est plus faible. C'est au Québec qu'on observe le taux le plus élevé de consommation d'alcool chez les femmes enceintes, soit 25,1 p.100 comparativement à 14,6 p. 100 dans l'ensemble du Canada, selon le plus récent Rapport sur la santé périnatale au Canada.
Au Canada, 77 p. 100 des Canadiens sont au courant du SAF et ont une idée de ce que c'est, contre 48 p. 100 au Québec. De même, les taux de sensibilisation au TSAF sont inférieurs au Québec. Les Québécois sont plus portés à croire que la consommation d'alcool est sans danger et les Québécoises sont les moins susceptibles de s'abstenir d'alcool durant la grossesse. Si l'on tient compte seulement du fait que 92 p. 100 des Canadiens savent que la consommation d'alcool durant la grossesse est risquée, on pourrait être tenté de croire que les étiquettes de mise en garde ne sont pas nécessaires. Toutefois, les niveaux de sensibilisation et les comportements à risque varient dans l'ensemble du pays, et des mythes et des opinions fausses existent toujours.
De plus, les provinces de l'ouest qui se sont attaquées à ce problème il y a longtemps ont enregistré une baisse constante des taux de consommation d'alcool pendant la grossesse. C'est ce qu'on voit également dans le plus récent Rapport sur la santé périnatale au Canada. Nous n'avons pas observé cette tendance dans les provinces de l'est—en Ontario, au Québec et dans les provinces de l'Atlantique.
Personne ne vous a dit, je crois, qu'il n'y avait aucun risque associé à la consommation d'alcool pendant la grossesse. Le gouvernement fédéral et tous les témoins reconnaissent qu'il y a des risques graves. Il n'y a, pendant la grossesse, aucune période où la consommation d'alcool est sans danger, aucune quantité ni aucun type d'alcool qui soit sans risque. Le gouvernement fédéral a montré qu'il entend promouvoir la santé et la sécurité des femmes enceintes et des enfants en adoptant des mesures législatives pour exiger des mises en garde relativement aux médicaments, aux aliments, aux produits de nettoyage chimiques, aux harnais d'auto, etc.
Les étiquettes de mise en garde constituent un élément efficace d'une plus vaste stratégie visant à contrer la consommation d'alcool pendant la grossesse. Avertir les femmes des risques graves connus que comporte la consommation d'alcool pendant la grossesse est une responsabilité sociale. Les étiquettes de mise en garde montrent que le gouvernement fédéral se préoccupe des enfants et qu'il considère que la consommation d'alcool est un grave problème pour les femmes enceintes.
Meilleur départ demande au gouvernement fédéral d'exiger que des étiquettes de mise en garde sur la consommation d'alcool pendant la grossesse soient apposées sur les contenants de boissons alcoolisées.
Je vous remercie de m'avoir offert la possibilité de m'adresser à vous.
º (1615)
La présidente: Merci, madame Burgoyne.
Nous allons passer à la période des questions et réponses. La première intervention de dix minutes accordée au Parti conservateur sera partagée entre M. Fletcher et M. Merrifield.
M. Fletcher va commencer.
M. Steven Fletcher (Charleswood—St. James—Assiniboia, PCC): Merci, madame la présidente. Vous serez ravie de savoir que ma question sera brève.
Je crois comprendre, d'après ce que tous les témoins ont dit, que la mesure à adopter, peu importe ce qu'elle est, doit faire partie d'une stratégie plus vaste. Je comprends cela et je suis aussi de cet avis. Toutefois, on nous demande de nous prononcer, par un oui ou par un non, sur une proposition bien précise, le projet de loi C-206, et compte tenu du libellé de l'étiquette de mise en garde, qui porte sur le SAF et l'alcool au volant en particulier, j'aimerais demander à chacun des témoins s'il appuie le projet de loi dans sa forme actuelle, oui ou non, parce que c'est ce qu'on va demander aux parlementaires.
Voilà ma question, madame la présidente.
La présidente: Merci.
Monsieur Trevithick.
M. John Trevithick: Dans le rapport que j'ai rédigé au sujet des effets de l'alcool sur les yeux, il est clair, du moins chez les animaux, qu'une seule bière, qui donne 100 milligrammes d'alcool par décilitre de sang pendant une heure, est suffisante pour causer des dommages rétiniens chez les rats. Donc, entre le deuxième et le troisième trimestre, je crois qu'il est important que les femmes enceintes soient très bien informées, parce que ces effets pourraient causer des problèmes de santé publique. Par ailleurs, je ne sais pas si les autres effets sur la santé doivent nécessairement être mentionnés sur l'étiquette de mise en garde.
º (1620)
M. Steven Fletcher: Appuyez-vous le projet de loi, oui ou non?
M. John Trevithick: Dans sa forme actuelle, je ne pourrais pas l'appuyer totalement, parce que je crois qu'il ne tient pas compte des effets sur la santé.
La présidente: Monsieur Perron.
M. Michel Perron: Je comprends que vous devez répondre par oui ou par non, mais avec tout le respect que je vous dois, ce n'est pas une réponse facile.
Il y a un argument irréfutable. Le libellé actuel du projet de loi C-206 pourrait entraîner des problèmes d'ordre opérationnel, puisqu'on dit « Nul ne peut vendre une boisson contenant... ». Est-ce à dire que les verres doivent alors être étiquetés?
Le texte sur lequel vous devez vous prononcer peut créer divers problèmes opérationnels, et c'est pourquoi nous avons dit que les consommateurs ont droit de connaître les effets de l'alcool, y compris les effets non désirables. Par conséquent, nous avons dit en 1996, et nous le répétons maintenant, que les gens doivent être sensibilisés à ces questions. Comme M. Trevithick vient de le dire, nous avons également fait valoir les effets bénéfiques possibles.
Je ne sais pas si c'est là où vous voulez en arriver, mais j'aimerais souligner ce que vous avez dit au début, c'est-à-dire que cette mesure doit s'inscrire dans une stratégie plus vaste. Avec le plus grand respect, je ne crois pas que cette mesure seule témoigne d'un engagement suffisant. C'est une solution rapide.
C'est important. Il ne fait aucun doute que l'intention est fort louable. Nous sommes tous en faveur de cela, mais nous ne voulons pas que les gens pensent que nous avons réglé le problème parce que nous avons cette mesure en place.
M. Steven Fletcher: D'accord.
La présidente: Madame Burgoyne, je crois que vous avez clairement manifesté votre appui.
Mme Wendy Burgoyne: Je l'ai dit clairement. Je n'ai pas les compétences voulues pour me prononcer sur les autres questions. J'appuie sans réserve le projet de loi avec le message sur la consommation d'alcool pendant la grossesse, et je me réjouis à l'idée que ce n'est pas le seul enjeu, pour que les femmes enceintes n'aient pas l'impression d'être ciblées comme étant les seules à courir des risques en matière de santé.
J'aimerais aussi que le règlement d'application comporte des précisions sur des aspects moins connus de la consommation d'alcool pendant la grossesse, des renseignements qui devraient être diffusés, peut-être sur les types et les quantités d'alcool soi-disant sans danger.
J'aimerais également préciser que dans le cadre du sondage Environics mené en 2000, 66 p. 100 des Canadiens se disaient en faveur des étiquettes de mise en garde sur la consommation d'alcool pendant la grossesse. J'ai examiné le rapport de 2002, et je ne sais pas si on a omis de poser cette question dans le sondage de 2002 ou si elle n'a pas été incluse dans le rapport. Il semble bien que la majorité des Canadiens soient en faveur des étiquettes de mise en garde sur la consommation d'alcool pendant la grossesse.
La présidente: Merci, madame Burgoyne.
Monsieur Merrifield.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC): J'aimerais poursuivre cette idée, d'abord en posant une question bien précise. À quel moment durant la grossesse la consommation d'alcool est-elle le plus risquée? J'entends des témoignages contraires, et c'est pourquoi je pose la question. Des études ont-elles été réalisées à ce sujet?
Mme Wendy Burgoyne: Il y a des risques durant toute la grossesse. Au cours des trois premiers mois, des anomalies congénitales peuvent apparaître parce que c'est à ce moment-là que les organes, les membres, etc. sont en formation chez le bébé. L'alcool cause des dommages à tout ce qui est en formation durant cette période. Si les os des poignets ou les doigts sont en train de se former, ce sont eux qui seront affectés. Cette période est donc très critique.
Toutefois, le cerveau se développe durant toute la grossesse, si bien qu'il n'y aucune période qui ne présente aucun risque. Nous nous préoccupons particulièrement du début de la grossesse, mais il n'y a aucune période sans risque.
Par ailleurs, durant le dernier mois, le bébé prend beaucoup de poids, près d'une livre par semaine. Si la mère consomme beaucoup d'alcool durant cette période, l'enfant peut présenter un faible poids à la naissance.
Il faut se rappeler que ce n'est pas seulement le SAF qui est en cause. On ne parle pas seulement des enfants qui présentent des traits faciaux caractéristiques, des problèmes de croissance et des anomalies congénitales attribuables à la consommation d'alcool. On parle aussi des avortement spontanés attribuables à la consommation d'alcool, des enfants mort-nés, des enfants qui présentent des quotients intellectuels légèrement inférieurs et qu'on ne peut diagnostiquer.... Toutes sortes de problèmes sont liés à ce phénomène. Ce n'est pas seulement le SAF, qui est clairement défini.
M. Rob Merrifield: Aucun d'entre vous ne s'y oppose? Vous êtes tous du même avis?
Dr Gerald Thomas (Analyste principal des politiques, Centre canadien de la lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies): Je pourrais ajouter que tout récemment, aux États-Unis—la semaine dernière, je crois—, le Surgeon General a modifié une politique adoptée en 1981 selon laquelle une consommation modérée d'alcool était acceptable. Les Américains sont revenus sur cette position et disent maintenant que les femmes qui sont susceptibles de devenir enceintes ne devraient consommer aucun alcool, pour ces raisons.
º (1625)
M. Rob Merrifield: On a joué avec les chiffres et les mots auparavant. Nous en avons tous été témoins; nous sommes des politiciens. Cette économie de 402 milliards de dollars à laquelle vous arrivez est certes impressionnante, mais difficile à croire.
M. John Trevithick: Le modèle que nous avons repose sur les risques de crise cardiaque selon l'âge et le sexe. Ce sont, en fait, les incidences de crises cardiaques et de cataractes en Ontario. Le coût de ces problèmes peut être comptabilisé en calculant les coûts d'hospitalisation, etc., si bien que toutes ces données entrent dans notre modèle informatisé.
M. Rob Merrifield: Êtes-vous en train de dire que les cataractes sont attribuables à une consommation insuffisante?
M. John Trevithick: Non, je parle de prévention, de la réduction des risques.
M. Rob Merrifield: Si vous prenez un verre par jour, vous prévenez la formation de cataractes? C'est ce que vous êtes en train de dire?
M. John Trevithick: Le premier graphique montre que les risques sont réduits d'environ 50 p. 100 chez les gens qui consomment un verre par jour.
Pour ce qui est des crises cardiaques, et c'est là où nous avons fait des rapprochements avec la productivité, vous n'aurez pas de crise cardiaque parce que les risques sont 50 p. 100 moins élevés et, en moyenne, vous aurez sauvé deux ans de votre vie. Si l'on tient compte de la productivité, le salaire annuel en Ontario est...
M. Rob Merrifield: Je pourrais dire que j'obtiens les mêmes résultats en faisant du jogging, une bonne marche ou d'autres exercices chaque jour. C'est là où les chiffres compliquent les choses, lorsque vous commencez à jouer avec les chiffres pour arriver à une économie de 402 milliards de dollars—j'ignore d'ailleurs sur quelle période de temps.
Ce sont les chiffres que je remets en question.
M. John Trevithick: Cette étude compare les gens qui ne consomment rien aux gens qui prennent un verre par jour. Comme vous le savez probablement, la consommation moyenne de bière au Canada est de 234 millilitres par jour. Cela signifie que seulement une partie du 402 milliards de dollars serait réduite si les gens arrêtaient de prendre un verre par jour.
J'attire l'attention du comité sur cette thèse, parce que c'est une façon de réduire les risques pour la santé. Si vous adoptez le projet de loi sur les étiquettes de mise en garde, vous pourriez priver les gens d'un effet bénéfique. Vous pourriez leur causer du tort s'ils décident de ne pas prendre un verre par jour alors que c'est bénéfique pour eux.
M. Rob Merrifield: D'accord. Je voulais simplement faire ressortir ce point dans votre témoignage. C'est une statistique que je conteste. Je comprends votre idéologie derrière tout cela. Nous pouvons fonder des arguments de part et d'autre.
J'aimerais revenir au projet de loi qui est devant nous, qui porte sur l'étiquetage des bouteilles d'alcool et qui vise à dissuader des personnes d'en abuser ou d'en consommer lorsqu'elles ne le devraient pas—ce qui, évidemment vise, les femmes enceintes. J'ai été assez intrigué par le témoignage de Michael concernant vos recommandations.
Je comprends que si nous faisons quelque chose dans ce domaine, nous ne devons pas nous contenter de mettre une étiquette. Il nous faut un plan global et un programme qui nous amènera là où nous voulons aller en tant que société. S'il y a quelque chose que notre comité peut faire... et M. Szabo serait peut-être même de cet avis, c'est-à-dire qu'on ne gagne pas nécessairement en mettant une étiquette. On gagne si les femmes enceintes comprennent et cessent de consommer de l'alcool. On gagne si la société comprend l'abus d'alcool ainsi que les dangers qu'elle court.
Je crois que vous avez répondu à cette question lorsque M. Fletcher vous a demandé si vous étiez en faveur du projet de loi. J'étais intrigué lorsque vous avez répondu non. Est-ce à cela que vous pensiez? Est-ce pour cette raison que vous avez dit « non »?
M. Michel Perron: Ce que j'ai répondu, et ce que j'ai écrit, c'est que compte tenu de l'information seulement, nous sommes du côté du oui. Si vous voulez savoir si le CCLAT est en faveur ou non de ce projet de loi, compte tenu de notre témoignage, nous disons oui, mais avec certaines réserves, dont celles que nous avons exposées.
La présidente: Merci.
C'est tout, monsieur Merrifield.
Madame, vous avez la parole.
[Français]
Mme Nicole Demers (Laval, BQ): Merci, madame la présidente.
Professeur Trevithick, dans l'étude que vous avez faite sur les personnes de plus de 40 ans, vous avez démontré qu'une consommation d'alcool normale ou non abusive pouvait avoir des effets bénéfiques. Avez-vous porté une attention particulière à la consommation d'alcool des hommes pour savoir si elle pouvait avoir des effets sur la procréation et sur les enfants à naître? On dit que les femmes peuvent nuire au foetus en consommant beaucoup d'alcool. Croyez-vous que c'est aussi vrai dans le cas des hommes?
º (1630)
M. John Trevithick: Je ne suis pas certain de comprendre votre question. Quand on prend de l'alcool, les risques peuvent être très importants, en particulier pour les femmes.
Mme Nicole Demers: Est-ce que cela peut avoir un effet sur la procréation? C'est la semence de l'homme qui est mise dans la femme. Est-ce que la consommation d'alcool peut avoir un effet sur la semence?
M. John Trevithick: Je crois que c'est un sujet de recherche. On ne le sait pas.
Mme Nicole Demers: Madame Burgoyne, pouvez-vous me répondre?
Mme Wendy Burgoyne: Il y a de la recherche au sujet des hommes et de leurs enfants. Je vais vous expliquer cela en anglais parce que les mots me viennent plus vite dans cette langue.
[Traduction]
Il est certain que l'homme a une influence sur la santé de son enfant, et l'alcool peut affecter la qualité du sperme. Par contre, les dommages sont bien différents. La consommation d'alcool chez un homme ne cause pas de TSAF. Lorsqu'un homme boit beaucoup, ce sont les traits génétiques de son sperme qui peuvent être modifiés, et l'enfant à naître pourrait présenter des problèmes génétiques. Si vous comparez les deux situations, un enfant présentant le SAF...
Je vais commencer au début. C'est comme faire un gâteau. Si vous prenez de bons ingrédients et que vous faites bien cuire le mélange, vous obtiendrez un bon gâteau. Si vous prenez de bons ingrédients et que vous ne faites pas bien cuire le mélange, votre gâteau ne sera pas bon. C'est ce qui arrive dans le cas du SAF. La mère et le père fournissent de bons gènes, mais durant la grossesse, un dommage est causé et la grossesse ne se déroule pas bien. La mère ne mange pas bien, elle boit, etc. Si, au départ, le sperme comporte des défauts génétiques, c'est comme si vous faisiez un gâteau avec des ingrédients médiocres, et l'enfant à naître peut présenter des problèmes également.
L'autre aspect important qu'il faut retenir, c'est que durant la grossesse le rôle du père influe considérablement sur l'abstinence de la mère. La consommation d'alcool chez l'homme ne peut pas causer le SAF, mais elle peut causer des problèmes génétiques et elle peut influencer la consommation d'alcool chez la femme.
[Français]
Mme Nicole Demers: Vous avez parlé d'un sondage tout à l'heure. Pour ma part, j'ai des résultats différents. Lors d'un sondage CROP effectué au Québec en 2002, 88 p. 100 des répondantes ont dit qu'il fallait s'abstenir complètement d'alcool quand on était enceinte. Cela ne concorde pas du tout avec vos données. Ce sont des données tout à fait différentes. Je me demande ce qui explique cela.
[Traduction]
Mme Wendy Burgoyne: Dans le sondage CROP, les questions ont été posées de différentes façons, si bien que vous pouvez regarder les résultats et trouver des choses différentes. J'ai une copie ici. Je peux souligner la partie dont je parle dans ma présentation et laisser le document ici pour vous.
[Français]
Mme Nicole Demers: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci, madame.
Monsieur Savage.
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci, madame la présidente.
Bienvenue à nos témoins. Merci d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous de cette question très importante.
Règle générale, je ne précède pas mes questions de préambules autant que certains de mes collègues peuvent le faire, mais je vais me permettre une petite exception aujourd'hui parce que j'ai été surpris de constater l'attention suscitée par ce projet de loi. Je félicite d'ailleurs M. Szabo pour avoir soulevé cette question.
J'ai été stupéfait d'entendre le commentaire du Dr David Johnstone, un cardiologue du QEII Health Sciences Centre de Halifax, qui a cité de nombreuses études révélant que la consommation modérée d'alcool, et de vin particulièrement, peut être bonne pour le coeur. Cela m'a vraiment surpris parce que David Johnstone, avec qui j'ai travaillé au sein de la Fondation des maladies du coeur, a été un fervent partisan de l'étiquetage du tabac en plus d'être aux premiers rangs de la lutte antitabac. Il me semble que plusieurs commencent à dire que nous devons nous montrer très prudents à cet égard.
Ma première question s'adresse à Mme Burgoyne.
Vous avez indiqué que votre groupe est très bien placé pour nous parler des besoins des femmes. Vous avez mentionné le sondage mené par Environics en 2000.
º (1635)
Mme Wendy Burgoyne: J'ai parlé de ceux de 2000 et de 2002. La plupart du temps, il était question de celui de 2002.
M. Michael Savage: J'ai ici les résultats d'un sondage réalisé en février dernier par Ipsos-Reid pour le compte, je crois, de l'association Brasseurs du Canada. On a demandé à des Canadiennes en âge de consommer de l'alcool et d'avoir des enfants de se prononcer sur l'efficacité de trois stratégies visant à réduire la consommation d'alcool durant la grossesse. Parmi les trois options proposées, 53 p. 100 des femmes ont indiqué qu'un programme de sensibilisation assorti de conseils de médecins serait l'approche la plus efficace; 28 p. 100 ont choisi une campagne télévisée; et seulement 17 p. 100 ont penché en faveur des étiquettes de mise en garde sur les bouteilles d'alcool. Les mises en garde ont donc pris le dernier rang parmi les trois stratégies proposées.
Je trouve logique l'approche que vous préconisez—dans le sens de cette troisième option. Je me demande seulement si le fait d'exiger de l'industrie des boissons alcoolisées qu'on appose ces étiquettes pourrait entraîner une réduction des efforts de sensibilisation consentis via les cabinets de médecin, dans le cadre de programmes comme Motherisk, notamment. N'existe-t-il pas une meilleure façon de procéder à cet égard?
Mme Wendy Burgoyne: Comme votre question comporte plusieurs parties, je vais essayer de faire un tri pour y répondre.
Lors du sondage mené en 2000 par Environics, 66 p. 100 des répondants étaient en faveur des étiquettes de mise en garde. Il n'était pas question de classer les différentes approches par ordre d'importance ou d'efficacité; on demandait seulement si on y était favorable. C'est pour cette raison que les données diffèrent de celles du sondage Ipsos-Reid. Il est bien certain que lorsqu'il s'agit d'investir des fonds, il est absolument essentiel que les médecins fassent le dépistage de la consommation d'alcool durant la grossesse et aident les femmes aux prises avec ce problème. mais cela ne signifie pas que l'étiquetage ne peut pas s'inscrire dans une stratégie plus globale. Considérées séparément, les étiquettes de mise en garde n'auraient pas un effet très marqué. Même si leur contribution ne peut être que limitée, elles occupent une place importance dans le cadre de la stratégie d'ensemble.
M. Michael Savage: Croyez-vous que les services dont j'ai parlé, Motherisk notamment, sont efficaces?
Mme Wendy Burgoyne: Oui, Je pense que Motherisk est efficace. Il y a aussi le CCLAT qui offre d'excellents services d'information et de consultation relativement aux troubles du spectre de l'alcoolisation foetale.
M. Michael Savage: Il est bien certain que nos intentions sont bonnes. Nous voulons tous réduire les problèmes liés à l'alcoolisation foetale. Nous voulons lutter contre l'alcool au volant. Mais nous devons aussi penser aux répercussions sur l'industrie, qui devra assumer les coûts de cette initiative. À un moment donné, il est possible que les gens de l'industrie en viennent à renoncer à d'autres mesures qu'ils estiment plus efficaces parce qu'ils doivent défrayer les coûts de cet étiquetage. Je ne sais pas si vous, ou peut-être M. Perron, avez des commentaires à ce sujet.
Mme Wendy Burgoyne: Il est difficile de prendre ce genre de décision sans connaître les coûts des projets que l'industrie finance déjà. Les brasseurs, les distilleries et d'autres intervenants de l'industrie financent sans doute certaines mesures très efficaces, comme les services d'information et de consultation du CCLAT pour l'alcoolisation foetale, comme Motherrisk, ou comme la campagne With Child Without Alcohol du Manitoba. Je ne sais pas comment les coûts de l'étiquetage de mise en garde peuvent se comparer à ceux qui sont actuellement assumés à ce chapitre. Il est bien évident que j'espère que l'obligation d'apposer des étiquettes ne les empêchera pas de poursuivre leurs excellents efforts.
M. Michael Savage: Il est possible que M. Perron ait des observations à ce sujet.
Vous avez raison; nous ne connaissons pas les coûts et c'est une autre de mes préoccupations. Si ce projet de loi est adopté, nous demandons à l'industrie de ramasser la facture, laquelle pourrait être assez salée et l'empêcher d'offrir d'autres services semblables qui permettent d'atténuer les troubles du spectre de l'alcoolisation foetale. Nous pourrions empirer les choses, plutôt que d'améliorer la situation. En bref, c'est cela qui m'inquiète.
La présidente: Merci, monsieur Savage.
C'est à vous, madame Crowder.
Mme Jean Crowder (Nanaimo—Cowichan, NPD): Ma question s'adresse à Mme Burgoyne.
Nous avons entendu l'un des groupes de l'industrie parler du fait que les femmes étaient considérablement plus nombreuses que ce que vous avez indiqué à être sensibilisées à la question. Je me demandais si vous pouviez nous en dire davantage à ce sujet. J'aimerais aussi savoir si vous vous êtes intéressée à la quantité d'alcool dans une consommation. Je sais bien que pour les femmes enceintes, il est préférable de ne pas boire du tout, mais quand les gens commencent à parler des effets bénéfiques de l'alcool pour la santé, il est sans doute question d'une quantité très précise d'alcool. Je me demandais si on faisait également de la sensibilisation quant à la quantité d'alcool dans une consommation.
º (1640)
Mme Wendy Burgoyne: On me demande de comparer les résultats que je vous ai présentés aujourd'hui avec ceux de différentes études réalisées, notamment par les brasseurs. J'ai choisi de m'intéresser en priorité aux études financées par l'Agence de santé publique du Canada, en présumant que ces études seraient impartiales. Il est extrêmement difficile d'établir des comparaisons entre différentes études parce que le libellé des questions peut varier légèrement, de même que les populations visées. Malheureusement, le plus récent sondage mené par Environics remonte à deux ans. Nous pouvons également compter sur les résultats d'un sondage réalisé en Ontario en août dernier, qui a produit des données assez semblables. Certains éléments sont maintenant bien établis, mais il subsiste de la confusion quant à d'autres aspects—le type d'alcool, la quantité et le moment de la grossesse. Ce sont des éléments qui semblent revenir dans tous les sondages.
Est-ce que cela répond à votre question?
Mme Jean Crowder: Pas exactement. Peut-être serait-il préférable que je demande à quelqu'un d'autre de nous parler de la quantité d'alcool dans les consommations—M. Perron, peut-être.
Certaines personnes soutiennent que si l'on appose des étiquettes pour prévenir les gens des risques, il faudrait en mettre aussi pour leur vanter les avantages. Je ne suis pas médecin, et je sais qu'il y en a quelques-uns parmi nous, mais je suppose que l'alcool n'a des effets bénéfiques que pour un groupe très restreint de la population. Ce n'est pas le cas des personnes qui prennent certains types de médicaments. Ce n'est pas le cas des femmes enceintes. Il y a beaucoup de situations différentes dans lesquelles l'alcool n'est pas bon pour les gens.
J'ai parlé également de la quantité d'alcool dans les consommations. Je pense que là aussi la marge bénéficiaire est plutôt mince. Je me demande dans quelle mesure les gens sont vraiment sensibilisés à cette question, parce qu'il devient très difficile de savoir si vous avez une once d'alcool ou...
Monsieur Perron.
M. Michel Perron: Merci. Pour répondre d'abord à la dernière partie de votre question—et mon collègue Gerald pourrait certes vous en dire davantage—l'étude a démontré que les gens servent généralement des portions trop généreuses et que leur perception de la quantité d'alcool à utiliser est faussée par la taille du contenant dans lequel ils versent la consommation et par une variété d'autres facteurs.
Le lien entre la quantité d'alcool dans une consommation et les directives de consommation d'alcool à faible risque—une politique qui a déjà été soumise à votre comité—est un aspect important qui nous permet de déterminer à quels segments de la population peuvent s'appliquer ces directives. Elles ne s'appliquent pas aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent ou à celles qui pensent à devenir enceinte. Il existe donc certaines mises en garde quant à l'application de ces directives de consommation. Mais c'est une politique qui a sa place, jumelée à un étiquetage indiquant les quantités à utiliser sur les contenants de boissons alcooliques, de façon que les gens puissent savoir quelle quantité ils sont censés servir, ou ne pas dépasser, et qu'ils puissent comparer des pommes avec des pommes.
Pour ce qui est des avantages et des risques, vous avez tout à fait raison; c'est certainement le médecin qui peut nous aider à y voir plus clair. Le fait demeure qu'il peut y avoir des avantages à consommer de l'alcool de façon modérée pour certains segments de la population. Mais il y a les risques correspondants, et même des risques élevés pour les jeunes de 18 à 24 ans, notamment pour ce qui est de l'alcool au volant, compte tenu des conséquences très graves qui peuvent s'ensuivre et des coûts sociaux qui s'y rattachent.
Comme dans le cas des femmes, le scénario n'est pas très simple. Les femmes ne constituent pas un groupe homogène—je n'ai pas besoin de vous le dire. Nous devons cibler certains segments particuliers de la population féminine. Encore là, les intentions sont très bonnes. Nous espérons pouvoir élaborer une stratégie globale à plusieurs volets nous permettant de rejoindre les femmes pour lesquelles nous pouvons faire une plus grande différence, en ciblant nos interventions vers les populations les plus à risque.
Mme Jean Crowder: Je suis d'accord avec vous. Il est important d'adopter une approche à plusieurs volets.
Vous avez parlé des bénéfices, mais je me demande si vous avez pensé aux coûts. Je crois que les abus d'alcool entraînent des coûts considérables. Il y a notamment des pertes au chapitre de la productivité. Il serait intéressant d'établir des comparaisons entre les deux chiffres.
M. John Trevithick: Nous n'avons pas tenu compte de cet élément dans notre modèle. Il y a toutefois différents points que j'aimerais faire valoir. Un de mes collègues aux États-Unis a travaillé pendant presque toute sa carrière à l'hôpital des anciens combattants de Minneapolis. Il a élaboré des stratégies diététiques simples pour prévenir la cirrhose du foie chez les anciens combattants, laquelle pose un problème considérable pour les personnes qui boivent trop. Il vient tout juste de développer des médications plutôt efficaces à cet égard. Il est possible que l'on puisse obtenir des résultats semblables pour prévenir les dommages causés aux foetus qui sont exposés à une trop grande quantité d'alcool avant la naissance.
Comme nous l'avons indiqué, les recherches indiquent qu'après trois consommations, le plasma devient pro-oxydant. Nous ne savons pas exactement ce qui se produit. Nous ne savons pas ce qui pourrait empêcher ce phénomène. Nous nous sommes adressés à quelques reprises à l'IRSC pour financer des recherches à ce sujet, mais nous n'avons pas réussi à obtenir des fonds. Comme je suis maintenant professeur émérite, j'ai un peu renoncé à pousser cela plus loin. Par ailleurs, j'estime qu'il est très important que nous continuons à chercher à déterminer les moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour prévenir ce genre de situation.
On parle notamment de dommages génétiques. Nous avons choisi de cibler les dommages liés à l'oxydation. S'il était possible de produire quelques-uns de ces médicaments, comme ceux que mon ami veut que nous mettions à l'essai... Nous avons également un contrat avec l'Agence spatiale canadienne dans le but d'étudier les dommages causés aux astronautes par les radiations—afin de prévenir les cas de cataracte. Une stratégie semblable pourrait être utilisée à cet effet, parce qu'il s'agit également de dommages liés à l'oxydation. L'abus d'alcool cause de tels dommages. Le diabète également. Des recherches plus poussées dans ce secteur pourraient donc être bénéfiques à bien des égards.
Par exemple, dans le cas de la cirrhose du foie, on vient de développer un médicament appelé SAM-e qui est très efficace pour les gens qui commencent à ressentir des troubles du foie. La découverte de nouveaux médicaments dans ce secteur serait fort bénéfique et il serait également bon que nous puissions compter sur davantage de fonds pour effectuer des recherches quant aux effets sur la santé et aux interventions possibles.
º (1645)
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Merci.
Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.): Un grand merci à tous pour votre présence aujourd'hui.
Monsieur Trevithick, si les bienfaits cardiovasculaires—dont vous nous avez bien expliqué les fondements biochimiques—sont bien connus, il en va de même des effets totalement désastreux de l'alcool sur le foetus, comme on nous l'a fait valoir aujourd'hui également. J'espère sincèrement que notre comité saura faire la distinction entre les bienfaits de l'alcool pour la santé des personnes non enceintes et les effets désastreux qu'il peut avoir pour les femmes enceintes.
Je suis heureux que mon collègue, M. Szabo, ait soulevé cette question. Je suis persuadé qu'il a l'intention, tout comme nous, d'élaborer différentes stratégies.
Pour ce qui est des mises en garde, je suis d'avis que les étiquettes devraient être claires et simples. Car les patientes que bon nombre d'entre nous ont rencontrés, comme cette femme de 17 ans qui a été enceinte pendant la plus grande partie des 52 dernières semaines et qui est ivre cinq jours sur sept, et boit seulement le septième jour pour éviter le delirium de sevrage alcoolique ou, pis encore, le délire toxico-alcoolique, ont besoin d'un message clair qui leur indique sans ambiguïté qu'il ne faut pas boire d'alcool pendant qu'on est enceinte.
Ma question s'adresse à Mme Burgoyne. Vous avez accompli de l'excellent travail dans ce dossier. Je suppose que votre programme s'inscrit dans la lignée des programmes de type Bon départ. Pourriez-vous nous dire si vous disposez de données concrètes permettant de comparer les populations qui ont bénéficié de votre programme Meilleur départ ou d'un programme de type Bon départ? Avez-vous établi des comparaisons entre ces deux populations pour ce qui est de l'incidence du syndrome d'alcoolisation foetale et des effets de l'alcool sur le foetus?
Mme Wendy Burgoyne: Pour ce qui est du programme Meilleur départ, dans le dossier de l'alcool et de la grossesse, nous n'offrons pas directement des services aux femmes, mais plutôt aux fournisseurs de services. Nous avons mené une campagne de sensibilisation et offert de la formation aux médecins, et nous fournissons les outils et les ressources nécessaires pour le dépistage de la consommation d'alcool pendant la grossesse, notamment.
Vous demandez entre autres si on connaît les effets de ces programmes sur la fréquence des troubles du spectre de l'alcoolisation foetale. Comme ces troubles sont rarement diagnostiqués à la naissance et bien souvent pas diagnostiqués du tout, il existe très peu d'études permettant d'évaluer les répercussions. Ainsi, dans certaines régions de la province où la consommation d'alcool est très élevée, mais où l'on s'est peu intéressé à la question des troubles du spectre de l'alcoolisation foetale, les gens se disent que cela ne représente pas un problème. Vous pouvez entendre certaines personnes déclarer : « Il y a eu seulement deux cas qui ont été diagnostiqués dans notre district ». Mais ces résultats sont surtout attribuables au manque de diagnostic et à l'absence d'un mécanisme central d'enregistrement pour ce genre de données.
Il n'existe donc pas d'études portant sur l'incidence des différentes interventions sur la fréquence des troubles du spectre de l'alcoolisation foetale.
L'hon. Keith Martin: Nous savons que l'incidence—et vous me corrigerez si j'ai tort—des troubles liés à l'alcoolisation foetale est d'environ 50 p. 100 dans le cas d'un parent qui a déjà eu un enfant souffrant de tels troubles. Croyez-vous qu'il serait bon que la déclaration des troubles liés à l'alcoolisation foetale soit obligatoire de telle sorte que les ressources puissent être ciblées vers les parents concernés en vue de prévenir de nouveaux cas?
º (1650)
Mme Wendy Burgoyne: C'est vraiment une question très délicate, parce qu'en plus de diriger la mère vers des services, on la stigmatise en quelque sorte. Il m'est vraiment très difficile de répondre à cette question.
Je pense qu'il serait utile d'avoir une base de données nationale sur les anomalies congénitales, les problèmes constatés à la naissance, et d'intégrer à cette base les cas de troubles liés à l'alcoolisation foetale, parce que nous pourrions ainsi mieux connaître les incidences de notre travail. Cependant, si les données permettent d'identifier une personne, j'ai beaucoup de réticence à dire que ce serait une bonne chose, si l'on tient à respecter cette personne et à l'aider efficacement.
L'hon. Keith Martin: Ce n'est toutefois pas de cette façon...
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Monsieur Martin, M. Perron souhaite répondre.
M. Michel Perron: La semaine dernière, le CCLAT et l'Agence de santé publique du Canada ont organisé une réunion qui nous a permis de faire connaître et de mettre en oeuvre les lignes de conduite nationales en matière de diagnostic du trouble du spectre de l'alcoolisation foetale. Dans l'examen de la question dont vous êtes saisis aujourd'hui, il est donc essentiel premièrement de se doter de moyens de diagnostic uniformes, et deuxièmement de pouvoir consigner l'incidence et la prévalence de ces diagnostics, pour que les médecins puissent tabler sur ces moyens et que nous puissions adapter nos lignes de conduite en fonction de cette population donnée.
Je voulais simplement faire valoir ce point, parce qu'il s'agit d'une solution essentielle qui est mise en oeuvre dans le cadre de notre politique nationale relative au trouble du spectre de l'alcoolisation foetale. Encore une fois, il ne s'agit cependant que d'une des solutions qui doivent être appliquées.
Je vous remercie.
L'hon. Keith Martin: Si vous me le permettez, je terminerai pas une dernière observation.
Et je souhaite remercier infiniment Mme Burgoyne. Vous le saurez mieux que nous. En ce qui concerne les programmes Bons départs à Ypsilanti au Michigan ou certaines des autres initiatives mises en oeuvre à Montréal ainsi qu'au sud de la frontière, quelqu'un est-il au courant de données ou d'études irréfutables montrant que des interventions pertinentes à la période prénatale réduisent particulièrement l'incidence de l'EAF? Je crois comprendre que, si nous avions des programmes Bons départs...
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Le temps de parole est écoulé. Cependant, donnez simplement une brève réponse, puis nous passerons à l'étape suivante. Nous voulons offrir à tous l'occasion d'intervenir.
Mme Wendy Burgoyne: Des études portent sur les efforts intensifs visant les femmes à risque très élevé qui étaient des buveuses excessives ou irrégulières. Elles ont montré que ces femmes ont pu résoudre leur problème d'alcool et réduire les risques pour les grossesses ultérieures.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Monsieur Lunney.
M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Merci infiniment, monsieur le président.
À écouter les conversations précédentes, on pourrait dire qu'il serait certes utile d'avoir davantage d'information.
Je voudrais notamment demander—et la réponse me semble intuitive—si vous possédez des statistiques quelconques. Vous avez signalé qu'un bébé sur cent naît avec une forme de TSAF. Quelle est la répartition par âge? Pouvez-vous citer des chiffres?
Mme Wendy Burgoyne: Non, il n'y a pas de répartition par âge. Il s'agit de chiffres estimatifs de l'Agence de santé publique du Canada. En fait, c'est neuf bébés sur mille, et il n'existe aucune répartition par âge de la mère, si j'ai bien compris ce que vous demandiez.
M. James Lunney: Oui.
Apparemment, il est question de deux populations distinctes. Vous parlez à un moment donné des bienfaits d'une consommation modérée d'alcool sur la santé cardiovasculaire. Naturellement, ce ne sont certainement pas les jeunes femmes qui sont aux prises avec les troubles cardiaques que vous évoquez. Cependant, ce sont elles qui risquent de tomber enceintes et d'être les moins informées. Il me semble qu'elles constituent notre groupe cible. C'est le groupe qu'il faudrait parvenir à toucher.
Les jeunes—naturellement, nous l'avons tous été—semblent également constituer le groupe qui risque d'abuser de l'alcool et des drogues. Ils se livrent à des expériences pour évaluer leur place dans le monde et jauger leur pouvoir, mais ils n'ont pas encore appris les dures leçons que la vie a enseignées à certains d'entre nous. Nous devons donc trouver un moyen de toucher ce groupe très vulnérable, et il convient de se demander si les étiquettes nous aideront à atteindre ce but.
Je suis surpris qu'il n'y ait pas de statistiques portant au moins sur l'âge. Si des bébés sont aux prises avec le syndrome d'alcoolisation foetale, ils ont naturellement des mères qui leur ont donné naissance. Ces mères devraient être connues. La plupart des bébés devraient être connus et leurs noms, consignés. Nous devrions être en mesure de déterminer l'âge de ces personnes. Dois-je comprendre que vous me dites que Santé Canada ne recueille pas ce genre de statistique? Un autre organisme le fait-il?
Mme Wendy Burgoyne: Il n'y a pas de répartition par âge. Selon certaines études, les lacunes en matière de diagnostic constituent le problème. S'il y avait une méthode uniforme d'établir des diagnostics précoces, nous pourrions examiner les chiffres. Actuellement, un enfant adopté est beaucoup plus susceptible d'être diagnostiqué, car le médecin est plus à l'aise pour soulever ce genre de problème. Cependant, cela ne nous donne pas une idée précise de tous les enfants souffrant du TSAF. C'est simplement que le médecin est plus à l'aise pour demander si l'enfant a été exposé à l'effet de l'alcool au stade foetal.
M. James Lunney: J'ai une autre brève question à vous poser, madame Burgoyne. Vous avez fait valoir que la consommation d'alcool chez les hommes pourrait causer des dommages génétiques au sperme. Est-ce simplement votre opinion ou pouvez-vous nous faire part de données probantes à cet égard?
º (1655)
Mme Wendy Burgoyne: Les recherches montrent que la consommation d'alcool chez les hommes peut causer des dommages au sperme.
M. James Lunney: Pouvez-vous nous donner des précisions sur ces recherches?
Mme Wendy Burgoyne: Oui. Je ne peux le faire de but en blanc, mais je pourrai vous transmettre ces précisions ultérieurement.
M. James Lunney: Très bien, parce que le professeur Trevithick ne semble pas en être au courant, et personne d'autre n'a vraiment soulevé ce point. Mais c'est une autre question, naturellement.
Professeur Trevithick, vos observations sur les antioxydants m'ont passablement intrigué. Vous avez indiqué qu'un collègue ou une autre spécialiste s'intéressait à la cirrhose du foie, et que les antioxydants semblaient réduire les risques à cet égard. Nous savons qu'il existe de puissants antioxydants naturels et nous sommes au courant des lignines et des tanins auxquels vous avez fait allusion et que contiennent particulièrement les boissons plus foncées.
Est-ce que vous nous dites que ces recherches sembleraient indiquer que des antioxydants puissants comme la coenzyme Q10 ou tous les produits végétaux, qui abondent dans la nature—comme le bleuet pour la dégénérescence maculaire—, pourraient réduire les risques s'ils étaient consommés avec de l'alcool ou à la place de celui-ci, ou encore si nous nous assurions que les jeunes ont un régime comprenant des antioxydants?
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Nous avons le temps d'obtenir une brève réponse. Par la suite, je céderai la parole à Mme Dhalla.
M. John Trevithick: Ma réponse sera brève : oui. Nous avons essayé d'encourager le gouvernement ontarien ou Agriculture Canada à promouvoir la culture du cassis et du bleuet à Malahide dans le comté d'Elgin. Cette région est durement touchée. Cette culture ne semble pas intéresser les tabaculteurs, mais le sol dans cette région semble y être propice. Si vous pouviez obtenir un jus de cassis ou de bleuet, vous pourriez donner naissance à une toute nouvelle industrie au Canada qui viendrait compléter en fait ce que nous faisons dans cette région.
Nous avons analysé le jus de bleuet et avons trouvé qu'il contenait beaucoup d'antioxydants. C'est assez amer et un peu acide, mais nous pourrions créer une nouvelle industrie si nous pouvions compter un peu sur l'aide du gouvernement au chapitre de la recherche et si les agriculteurs étaient encouragés à opter pour une telle culture. Je pense que cette solution a beaucoup à offrir.
Le vice-président (M. Rob Merrifield): Très bien. Merci.
Madame Dhalla.
Mme Ruby Dhalla (Brampton—Springdale, Lib.): Je veux réitérer mes remerciements à l'endroit des témoins qui ont pris le temps de nous faire part de leurs connaissances spécialisées et de leur sagesse pour nous aider à prendre, selon moi, une décision fort délicate.
Ma première question s'adresse à M. Trevithick.
Par rapport à votre étude—et je pense que vous avez accompli un travail remarquable et je vous remercie de nous avoir fait part de certaines de vos conclusions—, vous n'avez pas traité des contrôles dans la documentation que nous avons reçue. Pourriez-vous nous donner des précisions sur vos contrôles dans l'étude?
M. John Trevithick: Faites-vous allusion aux contrôles dans l'étude que nous vous avons exposée sur les êtres humains?
Mme Ruby Dhalla: Oui.
M. John Trevithick: Il s'agit en fait du temps zéro avant que la personne ne consomme de la boisson.
Mme Ruby Dhalla: Très bien.
M. John Trevithick: Les augmentations étaient donc toutes liées à la valeur au temps zéro de la luminescence du plasma, selon notre essai.
Tout changement était donc positif s'il y avait plus d'antioxydants, ou nous arrivions à un dénombrement supérieur à ce que nous aurions obtenu avec uniquement le peroxyde, si le plasma était pro-oxydant.
Mme Ruby Dhalla: Qui a financé votre recherche?
M. John Trevithick: Qui a financé l'étude? Elle a été parrainée par Guinness et Labatt, et nous avons pu compter sur une subvention inconditionnelle nous permettant de publier ce que nous voulions. Les brasseurs ne nous ont imposé aucune restriction, et c'est pourquoi j'affirme que nous devrions vraiment avoir un genre d'institut canadien qui financerait ce genre d'activités. La nôtre a été subventionnée par l'industrie.
Mme Ruby Dhalla: Vous ne croyez donc pas que le financement offert par Guinness ou Labatt entache de partialité les résultats de votre étude, n'est-ce pas?
» (1700)
M. John Trevithick: Absolument pas. En fait, les consultations que nous avons engagées avec eux ont permis d'améliorer notre projet parce qu'ils ont proposé des contrôles supplémentaires, notamment au sujet de la stout sans alcool pour limiter les polyphénols des boissons non alcoolisées. Cela nous a permis de distinguer les effets de l'alcool de ceux des autres composantes.
Mme Ruby Dhalla: J'ai une dernière brève question, qui s'adresse à M. Perron.
À propos de la présente mesure législative, vous avez signalé qu'il fallait une stratégie exhaustive à volets multiples. Je crois que Wendy a abondé dans votre sens. Compte tenu des témoignages antérieurs, je pense que nous sommes nombreux, au sein du comité, à partager la même opinion : nous voulons tous donner au public le plus d'information possible et espérons l'empêcher de prendre les mauvaises décisions. Croyez-vous que c'est une première étape? J'ai perçu de la résistance chez certains face aux étiquettes de mise en garde. Ceux-ci font valoir essentiellement qu'une telle mesure doit s'inscrire dans une stratégie générale ou qu'elle ne constitue pas la première étape pertinente. Qu'en pensez-vous?
M. Michel Perron: Merci.
Il y eu récemment certaines premières étapes, notamment la Stratégie canadienne antidrogue qui a été mise en oeuvre par le gouvernement fédéral en 2003 grâce à un investissement de 245 millions de dollars pour se pencher sur les problèmes liés à la consommation d'alcool et d'autres drogues. Nous venons de consulter les provinces et les territoires, qui sont disposés à collaborer dans le cadre d'une politique nationale exhaustive pour s'attaquer à la consommation et à l'abus d'alcool ou d'autres drogues, de concert avec le plan d'action national sur le trouble du spectre de l'alcoolisation foetale.
Nous disposons d'un document magnifique intitulé Ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale: Un cadre d'action. Ce document a été publié par l'Agence de santé publique du Canada, mais ne s'est accompagné d'aucun montant d'argent. C'était-là une excellente première étape.
Ce qui nous préoccupe, et je pense m'exprimer sincèrement, c'est la mise en garde sur les étiquettes... Si nous devons adopter une telle étiquette, nous vous demandons d'envisager de le faire par la voie réglementaire et de commencer par les formats réguliers, etc. Nous craignons qu'une telle solution détournerait peut-être l'attention, parce qu'il faudra s'attaquer à d'autres problèmes. Je pense que cela s'est produit dans d'autres domaines. Nous recommanderions simplement... Si je dois investir de l'argent, quelle devrait être ma priorité?
Mme Ruby Dhalla: Votre priorité ne porterait pas sur les étiquettes de mise en garde, n'est-ce pas?
M. Michel Perron: Non.
La présidente: Merci, madame Dhalla.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Madame la présidente, je ne vais pas poser de questions, car on a répondu à celles que je me posais. Je souhaite que nous cheminions tranquillement vers l'étude des motions. Vous savez que je suis un homme raisonnable. Ne l'oubliez pas pour l'avenir.
[Traduction]
La présidente: Vous l'êtes certainement. Monsieur Ménard, vous vous attirez tout simplement la faveur de beaucoup de monde aujourd'hui.
Monsieur Carrie.
L'hon. Robert Thibault (Nova-Ouest, Lib.): Madame la présidente, je ne parlerais pas de faveur. Je dirais plutôt qu'il s'agit d'un leurre.
La présidente: Cela pourrait vouloir dire qu'il mettra un plan à exécution ultérieurement.
Monsieur Carrie, vous avez la parole.
M. Colin Carrie (Oshawa, PCC): Merci, madame la présidente.
Ma question portera sur les statistiques qui ont été citées, madame Burgoyne. Vous avez parlé des différences entre l'Est et l'Ouest du Canada, différences qui sont assez importantes. Selon vous, le Québec a la plus forte proportion de consommation d'alcool pendant la grossesse, soit 25,1 p. 100, alors que ce taux s'établit à 14,6 p. 100 dans l'ensemble du Canada. Vous avez indiqué que, dans l'Ouest, les taux sont de beaucoup inférieurs, et je me demande ce qu'on y fait de différent?
Mme Wendy Burgoyne: Encore une fois, je veux préciser que le pourcentage est inférieur dans l'ensemble du pays. Celui observé au Québec est le plus élevé.
Dans les provinces de l'Ouest, nous avons assisté à une baisse constante du taux de consommation d'alcool pendant la grossesse. Je parle des provinces à l'ouest de l'Ontario. Elles ont pris des mesures différentes, c'est-à-dire que, pendant plus d'une décennie, elles ont adopté des stratégies à volets multiples pour s'attaquer au problème de la consommation d'alcool pendant la grossesse, par exemple la formation des médecins, les campagnes de sensibilisation, la vérification de la consommation d'alcool, l'aide aux femmes enceintes grâce à de l'appui, à de la consultation, à de l'orientation, etc.
L'Ontario et les provinces de l'Est ont été beaucoup plus lentes à s'attaquer à ce problème. L'Ontario a pris des mesures intensives il y a à peine quatre ans.
Les chiffres que j'ai cités proviennent du tout dernier rapport sur la santé périnatale au Canada. Nous avons donc été témoins d'une baisse de la consommation de l'alcool pendant la grossesse dans les provinces de l'Ouest entre 1994 et 1999. Il serait formidable d'avoir les chiffres pour les dernières années, mais ils ne sont pas disponibles pour l'instant.
M. Colin Carrie: Avez-vous des statistiques sur l'ampleur de cette baisse dans l'Ouest entre 1994 et 1999?
Mme Wendy Burgoyne: Elles figurent à la page 6 du rapport que voici. Je donne des chiffres approximatifs pour les différentes provinces. Dans les Prairies, c'est passé de 17 à 11 p. 100; pour la Colombie-Britannique, c'est de 17 à 8 p. 100. Il y a eu des baisses et des augmentations en Ontario, dans les provinces de l'Atlantique et au Québec, pendant cette période.
Je le répète, les provinces de l'Ouest se sont attaqué activement à cette question pendant cette période, contrairement à ce qui se faisait dans les provinces de l'Est.
Alors, où se situe la différence? Où est-elle exactement?
M. Colin Carrie: Je sais que c'est ce que le comité souhaiterait vraiment apprendre. J'ignore si vous l'avez remarqué, mais différents membres du comité veulent savoir où nous en obtiendrons le plus pour notre argent.
C'est baisse de 6 à 9 p. 100 ont été enregistrées sans les étiquettes de mise en garde, n'est-ce pas?
» (1705)
Mme Wendy Burgoyne: Elles ont été enregistrées sans les étiquettes de mise en garde, mais des campagnes intensives de sensibilisation avaient porté sur la consommation d'alcool pendant la grossesse.
M. Colin Carrie: Avez-vous d'autres chiffres à nous donner?
Je crois, monsieur Perron, que vous avez parlé de l'Australie et de la façon dont ce pays a changé ses étiquettes en fonction des formats et d'autres considérations analogues. Avez-vous des chiffres à nous citer? La consommation a-t-elle baissé?
M. Gerald Thomas: Malheureusement, elle n'a pas baissé...
Un chercheur australien travaille au Canada actuellement. Il est affecté en Colombie-Britannique et travaille à cette question depuis le tout début du projet. Je lui ai demandé une évaluation. Il a répondu qu'il n'en avait pas vraiment.
Ils ont déployé beaucoup d'efforts initialement. Ils ont constaté qu'on en faisait trop et ont cherché à structurer le message. Ils ont eu beaucoup recours aux groupes de réflexion pour structurer le message de façon à ce que les gens comprennent le contenu des étiquettes, etc. Cependant, à ma connaissance, ils n'ont pas effectué d'évaluation finale.
Le tout est en vigueur depuis 1995, ce qui donne environ 10 ans.
M. Colin Carrie: Très bien.
M. Gerald Thomas: En fait, nous avons un exemple de ce que cela donnerait, si vous voulez y jeter un coup d'oeil.
M. Colin Carrie: Ce serait formidable si vous pouviez nous le montrer ultérieurement.
Je crois comprendre que l'utilisation des étiquettes sur les contenants n'a pas eu d'effet marqué aux États-Unis. Quelqu'un parmi vous est-il au courant des coûts que l'industrie a dû assumer lorsque les étiquettes de mise en garde ont été adoptées aux États-Unis? Quelqu'un peut-il nous citer des chiffres? En êtes-vous au courant?
M. Paul Szabo: C'est beaucoup moins que les autres mesures prises.
M. Colin Carrie: Nous avons beaucoup entendu parler des hausses de coûts qui en découleront pour les industries canadiennes, particulièrement les petits brasseurs, et des autres problèmes techniques du fait qu'il y a deux langues officielles et que l'étiquette sera plus grosse, j'imagine. J'essaie seulement de comprendre la situation, afin que nous en ayons pour notre argent, je le répète.
Monsieur Trevithick, vous avez dit ne pas recevoir beaucoup d'appui du gouvernement dans vos recherches sur les bienfaits. Le gouvernement fédéral vous aide-t-il de quelque façon? Le gouvernement fédéral offre-t-il des programmes dont vous pouvez vous prévaloir?
M. John Trevithick: Il existe des programmes, mais la plupart porte sur les méfaits des boissons alcooliques et la consommation à des degrés que nous ne jugeons pas sains, comme trois consommations par jour.
Pour être précis, nous avons conservé beaucoup d'échantillons de notre expérience et nous avons envoyé notre dossier à deux reprises pour analyser les microréseaux d'ADN. Nous aurions besoin d'environ 100 000 $. Nous avons déjà des leucocytes des personnes qui prenaient trois verres par jour. Nous pourrions examiner les gênes qui ont été activés et ceux dont l'activité a diminué en raison du niveau d'antioxydants et du degré d'alcool dans le sang.
Notre soumission à cet égard est arrivée presque dernière à deux comités différents des IRSC. J'ai l'impression que la plupart des gens se préoccupent des méfaits des boissons alcooliques, mais pas nécessairement des éléments qui amélioreraient la santé.
M. Colin Carrie: Merci beaucoup, madame la présidente.
La présidente: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci.
Je me réjouis que vous participiez à nos délibérations, parce que j'aime savoir ce que les témoins ont à nous dire. Je tiens à ce que vous sachiez que je suis ravi de ce que le ministre de la Santé a annoncé dans la période des questions il y a quelques semaines. Santé Canada est en train d'élaborer une stratégie détaillée pour remédier à bon nombre des problèmes que vous avez soulevés. C'est une promesse, donc c'est très important.
J'aimerais simplement vous citer un article écrit par les spécialistes de la grossesse du programme Motherisk du Hospital for Sick Children sur les étiquettes de mise en garde. Il date de mars 2004 et voici ce qu'on y lit sur l'étiquetage :
Des études concluent que les étiquettes de mise en garde sont inefficaces pour changer les comportements de consommation d'alcool. Cependant, même si elles ne permettent pas directement de changer les habitudes des gens qui boivent trop, elles contribuent efficacement à changer la culture de consommation d'alcool, de la même façon qu'elles peuvent faire changer les attitudes par rapport à la conduite ou au tabagisme. |
Il y a une différence entre changer un comportement et changer une culture. Je pense que c'est important, parce que nous parlons de sensibilisation, de connaissances, de changement de comportements, de culture et tout le reste, mais je ne sais pas vraiment comment ces éléments peuvent s'harmoniser.
Je sais toutefois qu'il y a amplement de preuves attestant qu'aux États-Unis, les étiquettes de mise en garde ne sont ni visibles, ni lisibles, ni efficaces. Personne ne le conteste. Toutes les recherches portent à conclure que ces étiquettes ne sont pas efficaces en raison du modèle des États-Unis. Le fait est que ces étiquettes sont inefficaces et qu'on réclame des modifications depuis déjà dix ans, mais rien ne se passe.
Par conséquent, comment pouvons-nous faire accepter que l'étiquetage fait partie de la démarche et quel est l'effet souhaité? Comme Mme Burgoyne l'a dit, aucune recherche ne prouve qu'une chose va changer quoi que ce soit, mais nous ne savons pas quelle est la synergie entre les multiples approches. À quoi pouvons-nous nous attendre et comment pouvons-nous harmoniser sensibilisation, connaissances et comportements?
» (1710)
Mme Wendy Burgoyne: Je peux vous répondre brièvement.
Lorsqu'on tente de changer un comportement, l'une des premières choses qui change est la prise de conscience du problème. Ensuite, si nous faisons les choses comme il faut, nous voyons que les gens essaient de changer leurs comportements, puis nous observons des changements dans la fréquence de ce comportement. Enfin, nous pouvons voir un changement dans les problèmes de santé chroniques.
Pour ce qui est du tabagisme, par exemple, nous constaterions d'abord que les gens savent qu'il est dangereux de fumer pendant la grossesse. Ensuite, nous verrions des gens essayer de cesser de fumer pendant la grossesse. Puis le degré de tabagisme diminuerait pendant la grossesse. Enfin, nous pourrions observer des incidences sur l'insuffisance de poids à la naissance. Il est vraiment très difficile de mesurer l'effet de telle initiative sur l'insuffisance de poids à la naissance.
C'est l'une des difficultés que nous avons concernant l'étiquetage. Il manque de preuves. Au mieux, nous disposons de preuves modestes qu'il y a des changements dans certaines populations, au mieux. Le manque de preuves ne signifie pas nécessairement que ces initiatives sont inefficaces. Il signifie en grande partie qu'il est très, très difficile d'étudier ce phénomène.
M. Michel Perron: Je vous remercie de votre question. En clair, c'est intimement lié au fait d'avoir une stratégie intégrée pour étudier la chose, de sorte que l'étiquetage soit examiné dans le cadre d'une campagne élargie de prévention et de sensibilisation, qui ne vise pas seulement la population générale des consommateurs d'alcool, mais aussi ceux qui présentent les plus grands risques, dont les femmes et les jeunes qui conduisent. Le message sur l'alcool n'est pas assez simple. Il l'est pour la grossesse. C'est essentiellement un message de tolérance zéro, si l'on veut. Pour les autres groupes, le message n'est si simple. Il n'est pas si direct.
Le fait est que peu importe ce que nous faisons en matière d'étiquetage, il faut le faire dans le cadre de stratégies élargies, afin que le message soit le même partout. La dernière chose que nous voulons, c'est qu'un message ici entre en conflit avec un message là, ce qui ne ferait que mêler plus de gens : est-ce que je peux prendre un verre si je suis enceinte ou non? Qu'arrive-t-il si je le fais? Je pense que tout le monde nous demande de nous arrêter et de nous demander où l'étiquetage s'insère dans la stratégie globale sur l'alcool, la stratégie sur les TSAF, la stratégie sur la conduite en état d'ébriété et tout le reste.
Il n'y a peut-être pas qu'un seul message. Les messages peuvent différer d'un moment à l'autre. Je pense, encore une fois, que notre recommandation que ce message soit prescrit par un règlement, qui laisserait une certaine marge de manoeuvre au fil du temps, pourrait être un pas dans la bonne direction.
La présidente: Merci, monsieur Szabo.
M. John Trevithick: Il ne fait aucun doute que les gens ont raison d'être cyniques à ce sujet en raison des problèmes aux États-Unis. Lorsque j'y suis allé, j'ai demandé au commissionnaire à l'entrée du stationnement ce qu'il pensait des étiquettes de mise en garde sur l'alcool. Il m'a répondu que lorsqu'on prend un verre avec une cigarette, on aurait quelque chose à lire.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Trevithick, et merci, monsieur Szabo.
Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais remercier nos témoins d'être venus ici et d'avoir ajouté aux connaissances que nous recueillons avant de prendre une décision.
Cette partie de la réunion est maintenant terminée. Je vais demander aux personnes qui se sont jointes à nous pour discuter des étiquettes de mise en garde sur les boissons alcoolisées de quitter la pièce en silence, parce que le comité doit maintenant examiner une motion. Vous seriez bien gentils de ne pas faire de bruit en sortant.
Mesdames et messieurs les membres du comité, M. Merrifield m'a demandé que M. Fletcher dépose sa motion le premier, donc nous allons passer tout de suite à la motion de M. Fletcher.
» (1715)
L'hon. Robert Thibault: J'invoque le Règlement, madame la présidente. Selon la procédure, les motions ne devraient-elles pas être examinées dans l'ordre où elles apparaissent?
La présidente: C'est habituellement le cas, en effet, mais le vice-président doit se rendre ailleurs sous peu, et il se demandait si nous pouvions examiner sa motion en premier.
L'hon. Robert Thibault: Je pense qu'il est important que sa motion soit examinée aujourd'hui, mais elle pourrait nous prendre un peu de temps. Je doute que nous puissions l'adopter en vitesse.
La présidente: C'est vrai.
Puis-je demander aux membres du comité s'ils sont prêts à voter immédiatement sur cette motion, qui a été proposée essentiellement par la greffière pour surmonter cette petite difficulté de procédure? Est-ce que tout le monde est d'accord?
Des voix : D'accord.
La présidente : Très bien. Nous allons l'examiner en premier, si tout le monde est prêt.
Est-ce que je peux demander à quelqu'un de la proposer?
M. Ménard la propose et Mme Dhalla l'appuie.
(La motion est adoptée [voir le Procès-verbal].)
La présidente: Je vais maintenant demander à M. Fletcher de présenter sa motion que l'indemnisation soit étendue à toutes les personnes ayant contracté l'hépatite C par transfusion de sang contaminé.
Monsieur Fletcher.
M. Steven Fletcher: Merci, madame la présidente.
J'aimerais proposer la motion suivante :
Que le comité fasse rapport à la Chambre pour lui signifier que non seulement il continue de presser le gouvernement d'étendre l'indemnisation à toutes les personnes ayant contracté l'hépatite C par transfusion de sang contaminé, mais aussi d'agir dès à présent, compte tenu du premier rapport du comité, des recommandations de la commission Krever et de l'important surplus du fonds fédéral d'indemnisation des victimes de l'hépatite C. |
Madame la présidente, c'est une motion importante. Le comité en a déjà discuté par le passé et a voté à l'unanimité en faveur de l'indemnisation de ces victimes. Cette motion diffère de la précédente parce que le nouveau Règlement nous permettra de la présenter à la Chambre, d'en débattre, puis de la mettre aux voix. Je pense que quiconque est capable de compassion, quiconque veut sincèrement que ces victimes soient indemnisées ne verra aucun problème à appuyer cette motion, et je demanderais à tous les membres du comité de l'appuyer.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Madame la présidente, comme vous et tous les autres membres du comité le savez, nous sommes d'accord avec l'intention d'indemniser ces victimes et nous avons voté en ce sens à l'unanimité. Mais avant de voter en faveur de cette motion, nous devons examiner les faits.
Le ministre de la Santé a annoncé le 22 novembre 2004 l'intention du gouvernement du Canada d'entreprendre des pourparlers sur les options pour indemniser financièrement les personnes ayant contracté l'hépatite C par transfusion de sang avant le 1er janvier 1986 et après le 1er juillet 1990. Des représentants des victimes d'avant 1986 et d'après 1990 inscrites au recours collectif nous ont demandé d'étudier toutes les options possibles pour l'indemnisation. Le gouvernement s'est dit d'accord, et le ministre de la Santé a indiqué que la bonne chose à faire pour agir de façon responsable était d'entreprendre des discussions sur les options d'indemnisation.
Cette décision a aussi été prise à la lumière du premier rapport de ce comité et des opinions que les députés ont exprimées pendant les deux débats à la Chambre des communes l'automne dernier. Les discussions se sont amorcées immédiatement après l'annonce du ministre et elles se poursuivent depuis.
Comme les députés le savent, ces discussions doivent englober beaucoup de personnes, dont les avocats des personnes ayant contracté l'hépatite C par transfusion sanguine avant le 1er janvier 1986 et après le 1er juillet 1990, de même que le comité mixte chargé de l'examen de la Convention de règlement des recours collectifs relatifs à l'hépatite C de 1986 à 1990, les avocats des gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que les juges et les avocats du fonds de la Convention de règlement des recours collectifs relatifs à l'hépatite C de 1986 à 1990.
Je rappelle aux députés que lorsqu'il a fait son annonce, le ministre a dit que ces discussions se dérouleraient le plus rapidement possible, mais qu'elles nécessiteraient de nombreux mois. Ce sont des questions complexes et difficiles, comme je l'ai mentionné, qui touchent beaucoup de parties.
La bonne nouvelle, c'est que ces discussions progressent. Le 10 mars 2005, le négociateur principal du gouvernement fédéral a rencontré l'avocat des personnes qui ont contracté la maladie avant le 1er janvier 1986 et après 1990. La prochaine rencontre est prévue pour le 21 avril 2005. Cet horaire a été accepté par les deux parties et tient compte du travail qui doit être fait pour que nous puissions conclure une entente de règlement pouvant être présentée aux tribunaux.
Bien que je puisse vous dire que les discussions avancent...
M. Rob Merrifield: J'invoque le Règlement. Je sais que vous faites une revue des faits, mais nous sommes ici depuis assez longtemps pour connaître les faits; je ne pense pas que nous ayons besoin de revoir tous les faits en comité. Cela ne me semble pas nécessairement pertinent pour l'examen de la motion qui nous est présentée. Nous ne parlons pas du passé, mais du présent, c'est l'objet de la motion.
» (1720)
La présidente: Le rappel au Règlement n'est pas fondé. Il peut s'exprimer pour ou contre la motion s'il le souhaite.
M. Rob Merrifield: Ce qu'il dit doit être pertinent.
La présidente: C'est l'orateur qui décide si c'est pertinent, et je serais portée à dire que ce l'est. Il réagit à la motion en donnant la position actuelle du gouvernement, et c'est essentiellement un résumé des derniers faits à ce sujet pour nous tous.
Continuez, monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Bien que je puisse vous dire que les discussions avancent, il est important de préciser que toutes les parties ont convenu de garder l'essence de ces discussions entre elles pour l'instant. Je pense que nous reconnaissons tous que c'est aussi la façon la plus efficace d'avancer.
La motion proposée par le député fait mention d'un surplus du fonds d'indemnisation des victimes de 1986 à 1990, comme on l'a souligné à maintes reprises. Si vraiment il y a un surplus dans ce fonds, il n'appartient pas au gouvernement du Canada; il ne nous revient donc pas de décider comment il sera dépensé. Ce fonds est administré par les tribunaux; ce sont eux qui décideront s'il y a un surplus et, s'il y a lieu, comment il sera distribué.
La Convention de règlement de 1986-1990 prescrit que les tribunaux tiennent une audience sur la suffisance des fonds en juin 2005 ou le plus tôt possible après cette date. Les tribunaux ont tenu une réunion de gestion des instances le 16 février en vue d'établir un horaire pour déterminer s'il y a effectivement un surplus et comment il doit être réparti. Cet horaire tiendra compte de la production et de l'examen des rapports concernant les données les plus récentes sur le fonds et les personnes inscrites au recours collectif. Ces rapports feront principalement état de données actuarielles sur le fonds et de données médicales sur la progression de la maladie.
Comme je l'ai déjà mentionné, les discussions sur les options pour indemniser les victimes ayant contracté l'hépatite C par transfusion sanguine avant 1986 et après 1990 ont commencé immédiatement après l'annonce du ministre en novembre. Ce comité s'est exprimé clairement à ce sujet. Les députés de la Chambre ont tous eu l'occasion de se prononcer. Le ministre a confié le mandat à ses négociateurs d'étudier toutes les options possibles pour l'indemnisation.
Je reconnais que ces discussions prennent du temps. Je reconnais aussi l'importance d'agir le plus rapidement possible et le fait qu'il y a des personnes et des familles qui attendent un résultat. Il est juste et responsable de laisser les discussions progresser le plus rapidement possible en vue d'une résolution, et c'est pourquoi je n'appuierai pas cette motion.
La présidente: Merci.
Monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard: Madame la présidente, avant que nous nous prononcions sur la motion, que nous allons appuyer, je voudrais demander un renseignement au secrétaire parlementaire. Lors du débat exploratoire en Chambre, le ministre de la Santé a indiqué qu'il devait présenter au Conseil des ministres un mémoire allant un peu dans le sens de l'information que nous présentait le secrétaire parlementaire. Je ne mets pas en cause la bonne foi du gouvernement lorsqu'il dit vouloir élargir l'indemnisation.
Le secrétaire parlementaire sait-il si le ministre a déposé un mémoire au Conseil des ministres? Il avait bon espoir que le dossier puisse être réglé avant l'ajournement de l'été. Comme le secrétaire parlementaire le sait, il reste les mois d'avril et de mai, car nous quittons habituellement la première ou la deuxième semaine de juin.
A-t-on toujours bon espoir qu'il puisse y avoir un règlement final d'ici le mois juin, et un mémoire a-t-il été présenté au Conseil des ministres?
L'hon. Robert Thibault: Premièrement, madame la présidente, il m'est impossible d'indiquer si ces discussions seront terminées avant le mois de juin. On sait que la cour devra se prononcer sur l'existence d'un surplus actuariel en juin.
Un mémoire a-t-il été présenté? Je ne le sais pas, mais étant donné que le ministre a nommé les négociateurs et que les négociations avec tous les intéressés vont bon train, je crois que le ministre a reçu du gouvernement l'autorisation d'accomplir ces tâches.
M. Réal Ménard: Vous êtes donc optimiste?
L'hon. Robert Thibault: Très optimiste.
[Traduction]
La présidente: Merci.
M. Lunney a une question.
M. James Lunney: J'ai une observation à faire, madame la présidente.
La Chambre examine la situation depuis longtemps, et ce Parlement étudie depuis longtemps les options pour indemniser les victimes de l'hépatite C. J'entends maintenant le secrétaire parlementaire nous expliquer que le gouvernement discute avec les avocats, que c'est compliqué et qu'il faut du temps. Pendant que nous tardons à nous décider, certaines victimes meurent. Il serait bien que certaines d'entre elles survivent jusqu'au jour de leur indemnisation.
Je pense qu'il faut agir avec diligence. J'espère vivement que ce comité va accepter d'accélérer les choses, de renvoyer la question à la Chambre et de la régler plutôt que de passer une autre législature ou deux à en discuter. Les avocats peuvent certainement tenir le coup encore longtemps.
» (1725)
La présidente: Merci.
En tant que présidente, je me sens dans l'obligation de faire une observation. Je pense que nous devons vraiment prendre en considération une chose que M. Thibault a dite. Nous ne savons pas s'il y a ou non un surplus.
Ensuite, s'il y a effectivement un surplus, je ne crois pas que ce soit notre argent. Nous pouvons adopter toutes les motions que nous voulons. Je me trompe peut-être.
Monsieur Thibault.
L'hon. Robert Thibault: Je pense que l'élément clé de l'annonce du ministre, c'est qu'il va examiner toutes les options pour l'indemnisation. L'une des options proposées par notre comité consiste à utiliser les surplus de ce fonds, si surplus il y a. Il peut y avoir d'autres options d'indemnisation, comme d'y affecter des fonds publics, s'il n'y a pas de surplus. Nous ne fermons la porte à rien.
Les négociations sont actuellement en cours avec prestataires potentiels de cette indemnisation et les personnes touchées. Comme bon nombre d'entre vous, probablement, je reçois beaucoup d'appels de personnes qui demandent à être ajoutées à ce recours collectif. Des victimes de troubles sanguins ou d'autres problèmes que l'hépatite C demandent à y être inscrites aussi. Beaucoup de choses doivent être débattues.
Nous avons demandé à ce que les surplus actuariels soient pris en compte. Nous devons attendre de savoir s'il y a bel et bien des surplus, puis il faudra discuter le plut tôt possible avec les administrateurs de cet argent.
Enfin, j'aimerais rappeler une chose. Je ne connais pas les détails de la progression de ces négociations. Il y a une entente de confidentialité parmi tous les partenaires pour que ces négociations se déroulent dans le secret, et c'est ce qui se passe.
La présidente: Mme Crowder veut dire quelque chose.
Mme Jean Crowder: Très rapidement, je vais appuyer cette motion. Selon ce que j'en comprends, elle recommande d'étendre l'indemnisation, mais ne dit pas qu'on doit utiliser les surplus du fonds. On y précise seulement que ces surplus font partie des facteurs à prendre en considération.
Comme mes collègues l'ont souligné, il y a des gens qui meurent pendant que nous discutons. Je vous presse d'appuyer cette motion pour que nous puissions les indemniser rapidement.
La présidente: M. Fletcher, qui est le parrain de cette motion, a la chance de conclure.
M. Steven Fletcher: Oui. Je tiens seulement à dire que ces victimes doivent être indemnisées. C'est ce que la compassion exige de nous.
Malheureusement, nous constatons que ce gouvernement fait fi des recommandations du comité. Il y a parmi nous Lee Richardson, qui siège au Comité de l'environnement. Nous avons vu que le Comité de l'environnement avait recommandé de ne pas nommer l'ancien maire de Winnipeg à la table ronde sur l'environnement.
L'hon. Robert Thibault: Ce n'est pas pertinent.
M. Steven Fletcher: Si, c'est pertinent, parce que cela démontre que ce gouvernement n'écoute pas le comité. Il n'y a aucune raison de croire qu'il va suivre notre première recommandation.
C'est une motion plus forte. Elle va susciter le débat sur le parquet. Je vois que le secrétaire parlementaire tente de faire obstruction au comité, tout comme le gouvernement a fait obstruction lorsque nous aurions eu l'occasion de voter sur la question à la fin de l'an dernier.
Le gouvernement a eu amplement le temps d'examiner la question. J'aimerais souligner...
L'hon. Robert Thibault: Objection. Je ne pense pas qu'il soit juste de qualifier mon intervention de tentative d'obstruction; si j'avais tenté de faire obstruction, j'aurais utilisé tout le temps du comité et vous aurais empêchés de voter. J'ai donné de l'information au comité.
M. Steven Fletcher: Ce n'est pas un rappel au Règlement, madame la présidente.
M. Lee Richardson (Calgary-Centre, PCC): Je parlerais plutôt de tergiversation.
M. Steven Fletcher: Je vais accepter l'idée de tergiversation.
Le refus de répondre à la question du Bloc, qui demandait si la question avait été soumise au cabinet, est dérangeant. Comme la députée du Nouveau Parti Démocratique l'a souligné, il y a des gens qui meurent. Il faut résoudre ce problème le plus vite possible, et j'enjoins toute personne capable de compassion pour ces victimes de voter en faveur de cette motion.
Merci.
La présidente: Je suis désolée, madame Dhalla, mais on ne peut plus intervenir sur cette motion, parce que c'est toujours le parrain qui a le dernier mot.
Nous allons maintenant mettre la question aux voix.
(La motion est adoptée.)
» (1730)
La présidente: Je ne sais pas si vous le savez, mais nous avons énormément de pain sur la planche, mesdames et messieurs. Vous savez que nous avons un projet de loi du gouvernement à examiner, un autre projet de loi d'initiative parlementaire, le budget et nous avons déjà commencé notre étude à propos des médicaments sur Internet. Entre-temps, le ministre nous a envoyé une lettre pour nous demander d'examiner un autre sujet extrêmement important.
J'ai demandé aux vices-présidents s'ils pouvaient me rencontrer demain, et je vais vous avertir tout de suite qu'il semble que d'ici juin, nous devrons prévoir de très longues journées de réunion pour essayer d'en faire le plus possible. Nous devrons établir un ordre de priorités.
L'objet de la dernière demande du ministre est le processus d'approbation des médicaments, qui...
[Français]
M. Réal Ménard: Je m'excuse de vous interrompre, madame la présidente, mais une séance du Sous-comité sur le racolage doit avoir lieu ici à 17 h 30. Accepteriez-vous que nous reprenions là où vous aurez terminé à la prochaine séance, soit jeudi?
[Traduction]
La présidente: Je veux seulement vous prévenir qu'après la rencontre de la présidente et des vices-présidents, il pourrait y avoir un nouvel horaire beaucoup plus chargé que ce à quoi vous êtes habitués, si nous arrivons même à finir le travail qui nous est attribué.
Merci.
La séance est levée.