:
Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie, monsieur le président. C'est un rare privilège et tout un honneur pour moi que d'être ici parmi vous ce matin. J'ai préparé une brève déclaration d'ouverture. Je vous épargnerai les détails de ma biographie et de mon cheminement professionnel, puisque je crois que tous les membres du comité ont reçu copie, dans les deux langues officielles, de mon curriculum vitae.
J'aimerais tout d'abord vous indiquer les raisons pour lesquelles j'ai accepté de poser ma candidature au poste de commissaire à l'information du Canada.
Je ne vous cacherai pas que je ne suis pas un expert en matière d'accès à l'information. Ce poste fort important va aux assises mêmes de la démocratie canadienne moderne. Le commissaire à l'information est avant tout un agent parlementaire, et c'est de là que vient mon intérêt.
[Traduction]
Les agents du Parlement sont un prolongement du Parlement en soi. On leur confère des pouvoirs spéciaux pour surveiller les activités du gouvernement et présenter leurs conclusions et leurs recommandations au Parlement.
En tant qu'ancien haut fonctionnaire du Parlement, j'ai souvent côtoyé de nombreux agents du Parlement. Quand j'ai commencé ma carrière à titre de greffier de comité, j'ai pu observer l'ancien commissaire aux langues officielles, M. Keith Spicer, défendre son budget des dépenses devant le comité, dans cette même salle.
M. Spicer a placé la barre si haute en ce qui a trait à la qualité des rapports présentés au Parlement que je ne crois pas qu'aucun autre agent du gouvernement ne l'ait encore égalé à cet égard.
En 1973, dans un contexte de gouvernement minoritaire, j'étais greffier du Comité spécial sur les dépenses électorales et j'ai travaillé aux côtés de l'ancien directeur général des élections, M. Jean-Marc Hamel. À mon sens, M. Hamel a établi la norme éthique des agents du Parlement, sans oublier qu'il a eu une profonde influence sur ma propre attitude et sur ma carrière.
Plus tard, à titre de greffier de la Chambre des communes, j'ai siégé au comité exécutif de l'Association des dirigeants des organismes de petite taille. Aux côtés de M. John Grace, ancien commissaire à l'information, je me suis efforcé de promouvoir la compréhension des principes d'indépendance et d'autonomie des agents du Parlement, plus particulièrement au sein des organismes centraux.
[Français]
En 2003, j'ai interrompu brièvement ma retraite pour accepter le poste intérimaire de commissaire à la protection de la vie privée, à la suite de la démission de M. George Radwanski. De concert avec la vérificatrice générale, la Commission de la fonction publique et le Comité permanent des opérations gouvernementales, j'ai consacré beaucoup d'efforts afin de rétablir la confiance qu'ont les Canadiens et le Parlement à l'égard du Commissariat à la protection de la vie privée.
Durant mon court passage au sein de cet organisme, j'estime avoir atteint non seulement les objectifs que je m'étais fixés en ce qui concerne le renouvellement du commissariat, mais j'ai aussi travaillé à certains des grands dossiers concernant la protection de la vie privée, comme l'initiative sur la carte d'identité nationale et la question des caméras de surveillance dans les lieux publics.
[Traduction]
Plus récemment, j'ai été, pour le compte du Conseil du Trésor — et je sais que votre comité est au courant de cela — à l'origine du projet pilote visant à établir un nouveau processus de financement des cinq principaux agents du Parlement. J'ai négocié une entente cadre avec le Secrétariat du Conseil du Trésor et le directeur général des élections, la vérificatrice générale, le commissaire à l'information, la commissaire aux langues officielles et la commissaire à la protection de la vie privée. Ce projet pilote en est à sa deuxième année, et j'espère qu'il servira à établir un processus permanent qui permettra aux parlementaires de jouer un rôle actif dans l'analyse du financement de ces agents.
Depuis que je suis à la retraite, j'ai fait partie du groupe de conseillers externes auprès de la vérificatrice générale, et du comité de vérification externe de la présidente de la Commission de la fonction publique.
Sur le plan international, j'occupe à titre bénévole la présidence du conseil d'administration du Centre parlementaire, une ONG qui fait la promotion du développement démocratique et parlementaire dans les États défaillants et dans les pays en développement.
Dans un récent discours que j'ai prononcé à l'occasion de l'assemblée annuelle des employés de la Commission de la fonction publique, j'ai évoqué le rôle des agents du Parlement dans la boucle de responsabilité de notre régime parlementaire. Je leur ai rappelé que pour conserver l'indépendance que leur confère la loi, ils doivent se dévouer corps et âme au Parlement. J'ai également souligné le fait que bien que la Commission de la fonction publique se soit vu confier par le Parlement le mandat de veiller à ce que nous disposions d'une fonction publique impartiale et compétente, dont les membres sont recrutés en fonction du mérite, elle ne doit pas oublier qu'elle est elle-même responsable devant le Parlement non seulement des résultats de son travail, mais aussi de sa conduite éthique et de l'administration des crédits qui lui sont alloués. Un agent du Parlement qui se voit attribuer un poste de confiance au nom de tous les Canadiens doit, à tout le moins, se montrer digne de cette confiance par ses actions.
[Français]
Lorsque j'ai quitté la fonction publique après 32 ans de service, je croyais fermement que je la quittais pour de bon. Lorsqu'on m'a offert le poste de commissaire à l'information, on m'a demandé de ne pas refuser d'emblée et d'y réfléchir sérieusement. Alors, pourquoi quitter le calme et le confort que me procure une retraite active aux côtés de mon épouse et de ma famille, me demanderez-vous? C'est la question que je me suis posée moi-même.
Après en avoir discuté avec mon épouse, nous en sommes arrivés à la conclusion que c'était tout simplement la bonne chose à faire. Voici ce que j'ai à offrir: une expérience du milieu parlementaire, une expertise des processus et procédures et une saine gestion. J'avoue d'emblée que je m'oppose au statu quo lorsqu'il s'agit de gestion. Si on me nomme à ce poste, l'une de mes priorités sera d'évaluer la structure et les pratiques de gestion du commissariat, question de m'assurer que les Canadiens et le Parlement obtiennent le maximum de ce qu'ils sont en droit de recevoir.
[Traduction]
En tant qu'ombudsman et médiateur, je suis de nature optimiste. Je suis de ces personnes qui voient un verre d'eau à moitié plein plutôt qu'à moitié vide. Lorsqu'il y a un différend, je cherche à trouver un terrain commun et de là, à négocier un accord commun. Je dois aussi vous avouer que j'aurai une réticence à me tourner vers les tribunaux. Pareil recours coûte cher aux contribuables et les résultats sont imprévisibles. L'automne dernier, l'ancien commissaire à l'information a dit devant votre comité qu'à peine 10 p. 100 des demandes d'accès à l'information faisaient l'objet de plaintes. Ce qui me laisse croire que le système fonctionne plutôt bien puisque 90 p. 100 des demandes se déroulent sans problème. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de place pour l'amélioration.
Le commissaire à l'information doit défendre avec vigueur son indépendance par rapport au gouvernement, mais il ne peut être efficace que s'il crée un dialogue posé, constructif et soutenu avec les organismes et les ministères qu'il surveille. Néanmoins, la Loi sur l'accès à l'information confère certains droits aux Canadiens, et ceux-ci méritent les meilleurs services que le commissariat peut lui offrir avec les ressources que lui accorde le Parlement. De plus, malgré ma réticence d'avoir recours aux tribunaux, si les droits fondamentaux du citoyen sont en jeu et que la médiation a échoué, le commissaire se doit de poursuivre l'affaire, jusqu'en Cour suprême s'il le faut.
[Français]
En ce qui concerne la prise de position, je tiens à préciser que de proclamer une plus grande transparence et une imputabilité accrue est une composante intrinsèque du rôle du commissaire. Cela fut unanimement reconnu lors du débat en deuxième lecture du projet de loi original, en 1981. Malheureusement, tous les anciens commissaires ont exprimé leur mécontentement du fait que des gouvernements successifs n'ont qu'offert études et consultations plutôt que des modifications de fond à la loi de 1983.
Je peux sembler trop optimiste en m'attendant à ce que dans le cadre de mon mandat, on fasse une réforme réfléchie de la Loi sur l'accès à l'information dans le but de renforcer ces dispositions et accroître ses répercussions. Si je suis confirmé dans le poste, la réforme de cette loi sera pour moi l'objet principal de mes efforts.
[Traduction]
Le commissaire à l'information n'est cependant pas le législateur. Malgré les conseils judicieux du commissaire, c'est le Parlement, dans sa sagesse, qui décidera du régime d'accès à l'information dont profiteront les Canadiens. Le commissaire demeure au service du Parlement et, par l'entremise de la loi, il est le prolongement de son autorité. Je crois que le Parlement doit être perçu comme étant le premier champion de l'accès à l'information.
Mesdames et messieurs les députés, vous ne pouvez pas simplement déléguer cette responsabilité à un individu et vous attendre ensuite à ce que le gouvernement refoule immédiatement son penchant naturel à éviter la transparence. Vous vous devez d'être de la partie et d'agir avec vigilance suite aux recommandations du commissaire.
Avec votre appui, j'estime pouvoir faire progresser la cause de la transparence du gouvernement grâce à des interventions continues, ciblées et faites en temps opportun. Ceux qui doutent de ma volonté n'ont qu'à prendre connaissance de mes réalisations durant mon court mandat à titre de commissaire à la protection de la vie privée. Ceux qui cherchent la preuve de mon indépendance n'ont qu'à examiner ma carrière comme greffier de la Chambre des communes.
[Français]
Monsieur le président, je vous remercie.
Mon sort est entre vos mains.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Marleau, je suis ravi du ton de votre déclaration d'aujourd'hui. Vous avez utilisé le mot « champion », et je crois fermement que le commissaire à l'information doit être bien plus qu'un administrateur. Il doit être un défenseur proactif. Vous avez constaté, je suppose, lors du débat entourant le projet de loi original que la notion de défenseur n'est en aucun cas contradictoire avec votre nomination, mais c'est ce qui nous manquait.
Parmi ceux qui s'intéressent à la question depuis un certain temps, bon nombre ont été tellement frustrés et déçus par les gouvernements qui se sont succédé: d'abord les libéraux, maintenant les conservateurs. Le NPD ne les a jamais déçus en ce qui a trait à l'accès à l'information. Nous sommes cohérents.
Toutefois, cette loi doit être revue. J'aime dire que l'accès à l'information est l'oxygène que respire la démocratie, et on ne dira jamais assez à quel point c'est important.
Alors j'aime bien le ton de votre déclaration préliminaire.
Cela étant dit, j'aimerais vous parler du processus. Nous venons d'adopter le projet de loi , qui recevra la sanction royale aujourd'hui, je crois. Lorsque le gouvernement a déposé le projet de loi C-2, il a dit qu'il agirait comme si ses dispositions étaient déjà en vigueur, qu'il s'attacherait à cette norme supérieure de responsabilité, même si le projet de loi n'avait pas encore été adopté. C'était en avril dernier, et le texte comporte toute une section sur le processus de nominations publiques — pour supprimer le favoritisme politique, etc.
Je n'essaie aucunement d'insinuer que votre nomination a quelque chose à voir avec le favoritisme, mais si nous devons nous attacher à une norme supérieure, pourquoi n'a-elle pas été appliquée à votre venue ici aujourd'hui? Que pensez-vous du processus suivi pour votre nomination? Est-il conforme à l'esprit de ce nouveau processus que nous sommes sur le point de ratifier aujourd'hui? Que recommanderiez-vous pour améliorer ce processus de nomination, pour qu'il soit plus ouvert et transparent, dans l'esprit du projet de loi sur lequel nous avons tous travaillé?
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C'est un grand défi. J'estime que le commissaire devrait, dans le cadre de son rôle de prise de position, effectuer une évaluation complète du projet de loi et publier sur son site Web un aperçu des incidences que ce projet de loi pourrait avoir à son avis. Je pense que cela doit se faire de concert avec les cadres supérieurs de manière à pouvoir également refléter leurs opinions. On ne peut tout simplement pas se permettre deux voix discordantes ou deux avenues parallèles à ce chapitre et c'est la raison pour laquelle j'ai parlé d'un dialogue soutenu. Je crois qu'il est possible de maintenir un tel dialogue sans renoncer à son indépendance et de dégager une certaine forme de consensus quant aux répercussions du projet de loi .
Le projet de loi a bien sûr un impact sur l'accès à l'information, et cela constitue une amélioration, bien que ce ne soit pas exactement celle que souhaitait l'ancien commissaire à l'information. L'amélioration récente de la situation à ce chapitre ne vient pas tant du projet de loi que de la création de votre comité. Je crois que depuis que le comité a été mis sur pied, le commissaire à l'information a comparu plus souvent devant des parlementaires qu'il ne l'avait fait au cours des 15 années précédentes. Maintenant qu'il existe un groupe de parlementaires qui s'intéressent précisément à ces questions, je pense que le commissaire peut compter sur une tribune privilégiée pour faire passer son message, comme vous l'indiquiez, et pour tenir les députés régulièrement aux faits des exigences à remplir et des incidences croissantes de la loi pour le gouvernement, et c'est peut-être par l'entremise de ce comité... Je sais par exemple que votre comité a déposé un rapport devant la Chambre pour demander au gouvernement de procéder à un examen approfondi de la loi. Voilà qui démontre concrètement, à mon avis, que le processus est bien enclenché.
Je vous prie de m'excuser pour ma réponse un peu longue, monsieur le président, mais je dois dire que la sensibilisation des nouveaux députés est une tâche qui peut être très complexe. Lorsque j'étais greffier de la Chambre, nous organisions des séances d'orientation pour les députés. La vérificatrice générale et le commissaire aux langues officielles s'adressaient alors à moi pour voir si nous pouvions y intégrer un module afin de tout au moins expliquer leur rôle et leurs liens avec le Parlement. Il est arrivé à l'occasion que nous les invitions à rencontrer les nouveaux députés, mais ceux-ci ont un horaire extrêmement chargé au cours des semaines cruciales qui suivent le retour de la Chambre. Il s'agit d'une période éprouvante où les députés sont surchargés d'information.
J'aurais donc tendance à adopter une approche à plus long terme, par le truchement de ce comité et en d'autres occasions où il est possible d'interagir avec les députés, ou même dans le cadre de rencontres individuelles, avec les gens de mon bureau, pour aider les députés à comprendre ce qu'ils peuvent faire et quelle direction ils souhaitent prendre ainsi que la manière dont nous pouvons les aider.
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Oui, je le comprends, mais je vous réponds parce que vous m'avez dit qu'il serait intéressant d'entendre mes commentaires sur le sujet. J'ai reçu l'appel le 17 novembre.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, je suis très conscient qu'on demande, dans le rapport du comité, une réponse du gouvernement avant le vendredi 15 décembre.
J'ai lu le témoignage du ministre et celui du commissaire Reid. Je comprends que le gouvernement dit qu'il faut étudier un peu plus la question, qu'il n'y a pas eu de consultations. L'ancien commissaire, pour sa part, dit qu'il y a eu plusieurs consultations depuis 15 ans et qu'on sait exactement ce qu'il faut faire. D'un côté, le gouvernement dit qu'il n'a peut-être pas évalué tous les coûts; de l'autre côté, on dit que les coûts ne sont pas tellement élevés, que la transparence devrait être gratuite.
Si je suis nommé commissaire à l'information, j'aborderai la question en disant qu'il faut laisser le passé de côté, oublier qui a ou n'a pas été consulté et essayer de trouver un terrain d'entente à partir de ma perspective, afin de conclure un accord pour faire avancer le dossier et discuter des différends, dans le cadre du même processus.
Je souhaite que le gouvernement dépose un projet de loi, parce que c'est l'essence même du travail des parlementaires, mais les études, c'est plus difficile.