:
Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord vous remercier de m'avoir invité. Je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant votre comité.
Comme vous le savez, depuis la présentation en avril dernier de la Loi fédérale sur l'imputabilité et du plan d'action qui l'accompagne, beaucoup de progrès ont été accomplis dans la foulée de notre engagement de rendre le gouvernement plus accessible et davantage comptable. Nous avons présenté des mesures précises visant à renforcer la reddition de comptes, la transparence et la supervision des activités gouvernementales. Au moyen de ce projet de loi et du plan d'action, le gouvernement réforme le financement des partis politiques, renforce le rôle du commissaire à l'éthique et ressert la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Nous garantissons aussi la vérité budgétaire en créant le poste de directeur parlementaire du budget; nous précisons les règles pour l'octroi de contrats gouvernementaux dans le domaine des sondages; nous accordons une véritable protection aux dénonciateurs; nous renforçons le pouvoir du vérificateur général; nous créons un directeur des poursuites pénales; et enfin, nous renforçons la Loi sur l'accès à l'information.
Je suis venu ici aujourd'hui pour discuter avec vous de ce qui devrait être, à mon avis, les prochaines étapes relativement à notre objectif commun qui est de renforcer la Loi sur l'accès à l'information. Depuis que cette loi est entrée en vigueur en 1983, beaucoup de choses ont changé au gouvernement fédéral, au Canada et partout dans le monde. En conséquence, beaucoup de voix se sont élevées pour réclamer la refonte de la Loi sur l'accès à l'information. Notre gouvernement croit qu'il doit renforcer la confiance du public et respecter l'intérêt public en encourageant le degré le plus élevé d'ouverture et de transparence. En même temps, nous devons tenir compte de préoccupations légitimes comme le respect de la vie privée, la confidentialité des dossiers commerciaux, la protection de la sécurité nationale et les relations du gouvernement avec ses alliés internationaux.
Dans ce but, la Loi fédérale sur l'imputabilité comprend déjà un certain nombre de modifications à la LAI. La Loi sur l'imputabilité va étendre la portée de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection de la vie privée pour y assujettir sept agents et fonctionnaires du Parlement; toutes les sociétés d'État et leurs filiales à part entière ou à participation majoritaire; et cinq fondations. De plus, la loi obligera toutes les institutions à aider tous ceux qui leur font des demandes, quelle que soit leur identité, et précisera les délais pour porter plainte aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. La loi va aussi augmenter le nombre d'enquêteurs auxquels le commissaire à l'information peut recourir pour mener des enquêtes sur des renseignements dans les domaines de la défense ou de la sécurité nationale.
Monsieur le président, comme vous le savez pertinemment, depuis deux mois, un comité législatif étudie le projet de loi C-2. Beaucoup d'amendements ont été proposés au comité et dans plusieurs cas, on a jugé que le consensus était suffisamment solide pour que le comité adopte les amendements en question. Je suis content que nous ayons réussi à progresser à ce chapitre, mais je suis ici aujourd'hui pour dire que je ne crois pas que nous devrions nous en tenir là; nous pouvons continuer nos efforts en vue d'atteindre notre objectif commun qui est de renforcer la Loi sur l'accès à l'information, et j'ai bon espoir que votre comité acceptera de tenir des consultations sur la refonte de la Loi sur l'accès à l'information.
Vous vous rappellerez que le 11 avril, j'ai déposé à la Chambre des communes un document de travail renfermant des observations sur diverses approches possibles pour une éventuelle refonte de la Loi sur l'accès à l'information et des commentaires sur plusieurs des principales propositions avancées par le commissaire à l'information en vue de cette refonte. Depuis, le commissaire à l'information a présenté un rapport spécial au Parlement dans lequel il se penche sur le plan d'action du gouvernement en vue d'une refonte de la Loi sur l'accès à l'information.
Je voudrais vous dire qu'à titre de ministre de la Justice, je ne suis pas d'accord avec plusieurs des observations du commissaire. Je fais observer en particulier que l'automne dernier, quand il a présenté ses propositions de refonte, le commissaire à l'information a dit très clairement que ses propositions n'avaient pas bénéficié de consultations publiques et qu'il était ouvert à l'idée d'y apporter des rajustements. Je dois dire que je trouve étonnant que le commissaire ait fait des déclarations contradictoires dans son rapport spécial et devant le comité. En fait, la raison pour laquelle nous avons procédé comme nous l'avons fait, c'était justement parce que le commissaire avait admis très clairement que son bureau n'avait pas eu la possibilité de faire des consultations publiques.
Cela dit, les membres du comité savent que la Loi sur l'accès à l'information est une mesure législative complexe qui touche beaucoup de gens dans plusieurs secteurs de la société. Il y a des divergences de vues sur son application et son administration. En gardant cela à l'esprit et afin de réaliser une refonte globale, je trouve essentiel que le comité poursuive le travail nécessaire.
J'espère que votre comité entreprendra des consultations exhaustives avec un vaste éventail d'intervenants. On pourra ainsi entendre divers points de vue et concilier l'importance de la transparence et les intérêts légitimes de particuliers, d'autres gouvernements et de tiers. Une analyse exhaustive et un débat complet permettront au bout du compte à la réforme qui en résultera d'obtenir un vaste appui.
Le gouvernement considère que la loi doit être remaniée et nous sommes d'accord en principe avec le souhait exprimé par le commissaire à l'information de consolider la loi. Nous considérons que les amendements apportés à la Loi sur l'accès à l'information par le biais de la Loi fédérale sur l'imputabilité représentent un excellent début à cet égard.
Cela m'amène à parler du rôle que comité envisagera de jouer, du moins je l'espère. En tant que ministre de la Justice, je suis convaincu qu'il serait utile pour le gouvernement de connaître le point de vue du comité sur la réforme de la loi. Votre travail, en tant que parlementaires, contribuera de façon importante à orienter cette réforme. Par conséquent, j'espère que votre comité étudiera le document de travail et prendra en considération entre autres les questions suivantes.
Tout d'abord, qui devrait être visé par la Loi sur l'accès à l'information? En ajoutant les agents du Parlement, les sociétés appartenant exclusivement à l’État et à leurs filiales également propriétés exclusives de l’État ainsi que cinq fondations à la Loi sur l'accès à l'information par le biais de la Loi fédérale sur l'imputabilité, le gouvernement élargit la portée de la Loi sur l'accès à l'information. De plus, le comité législatif a modifié la Loi sur l'accès à l'information la semaine dernière pour prévoir un pouvoir de réglementation permettant d'établir les critères pour y assujettir d'autres entités. Le gouvernement est en train de demander conseil au comité sur la définition de ces critères.
Comment détermine-t-on les institutions qui devraient être visées par la loi? Pour accomplir cette tâche, vous pourriez vous fonder sur ce que vous considérez être l'objectif de la loi. Par exemple, si le comité considère que l'objectif principal de la Loi sur l'accès à l'information est de favoriser la participation publique aux décisions des politiques publiques en autorisant un accès à une information non filtrée, les institutions visées pourraient être celles qui élaborent et appliquent les politiques publiques. Par contre, si le comité considère que l'objectif principal de la loi est l'obligation de rendre des comptes, il faudrait alors assujettir à la loi les institutions que l'on considère opérationnelles. Ou encore si le comité considère que l'objectif principal de la Loi sur l'accès à l'information est l'obligation de rendre compte de l'argent dépensé, alors l'accent devrait être porté sur les institutions financières.
Une fois que l'on aura déterminé les institutions ou certains de leurs éléments qui devraient être visés par la Loi sur l'accès à l'information, il faudra prendre une autre décision, à savoir si les mécanismes de protection actuels sont suffisants, et dans la négative, quels sont les nouveaux mécanismes ou les mécanismes supplémentaires qu'il faudrait prévoir.
La deuxième question concerne les bureaux des ministres, des députés, la Chambre des communes, le Sénat et la Bibliothèque du Parlement. Comme vous le savez, les premiers ministres précédents ont systématiquement adopté la position selon laquelle la Loi sur l'accès à l'information ne s'applique pas aux documents détenus dans les cabinets des ministres. Selon l'interprétation qui avait été faite de la Loi sur l'accès à l'information, le cabinet d'un ministre était une entité séparée et distincte de l'organisme gouvernemental ou du ministère dont le ministre est responsable.
Cependant, le commissaire à l'information n'accepte pas la position qui a été adoptée et soutient que certains documents détenus au cabinet d'un ministre devraient être visés par la Loi sur l'accès à l'information. Il a proposé que les documents que détient un bureau de ministre et qui portent sur des dossiers ministériels devraient être visés par la loi mais non les documents personnels ou politiques que détiennent les ministres. Une autre question sur laquelle le comité pourrait se pencher consisterait à étudier la possibilité d'élargir la portée de la Loi sur l'accès à l'information à la Chambre des communes, au Sénat et à la Bibliothèque du Parlement, pour ce qui est de leur administration.
La troisième question concerne les documents confidentiels du Cabinet. Vous savez tous que la question de l'accès aux documents confidentiels du Cabinet a suscité beaucoup d'intérêt au cours des dix dernières années, mais jusqu'à présent on ne s'entend pas sur la façon de donner suite à cette question. Selon les dispositions législatives actuelles, la loi n'autorise pas le commissaire à l'information à examiner les décisions prises par le greffier du Conseil privé pour déterminer les renseignements visés par le secret du Cabinet. Cependant, selon une pratique qui existe en matière d'information, le commissaire à l'information peut faire enquête sur les décisions de refuser de communiquer des documents confidentiels du Cabinet.
Le gouvernement estime qu'il conviendrait de légiférer sur un processus d'accréditation dans la Loi sur l'accès à l'information qui serait analogue à celui que l'on retrouve dans la Loi sur la preuve au Canada. Ce processus garantirait au commissaire un droit de regard sur les certificats qui sont émis par le greffier du Conseil privé, ce qui garantirait ainsi son droit de regard sur les exceptions en ce qui a trait au secret du Cabinet. Nous serions intéressés à connaître le point de vue du comité en ce qui a trait à cette proposition.
Le quatrième point concerne les exceptions. Les membres du comité se souviendront que dans cette proposition législative, le commissaire à l'information a proposé trois grands changements importants aux exceptions actuelles : changer la plupart des exceptions obligatoires en des exceptions discrétionnaires, ajouter d'autres critères subjectifs et ajouter un critère général de primauté de l'intérêt public à toutes les exceptions. Plusieurs préoccupations ont été soulevées au sujet de l'impact que pourraient avoir de tels changements sur les rapports entre le gouvernement et ses intervenants, sur le fonctionnement de base du gouvernement et sur les tierces parties comme telles. Étant donné que le principal objectif consiste à renforcer la Loi sur l'accès à l'information, nous sommes d'avis qu'il serait utile que le comité examine chacune des exceptions afin de déterminer si ces changements sont nécessaires, plutôt que de modifier tout le système d'exception comme le propose le commissaire à l'information.
Par exemple, le comité voudra peut-être examiner l'article 13, qui est une exception obligatoire selon laquelle le responsable d'une institution fédérale est tenue de refuser la communication de documents contenant des renseignements obtenus à titre confidentiel auprès du gouvernement d'un État étranger. Le paragraphe 13(2) permet la communication de renseignements si le gouvernement qui les a fournis consent à leur divulgation ou les diffuse publiquement. Le commissaire à l'information propose de modifier cette exception obligatoire pour la rendre discrétionnaire, et il propose également d'ajouter un critère subjectif à l'article 13. Plus précisément, il recommande d'ajouter ce qui suit :
13.(1)(b) la communication des renseignements nuirait aux relations avec le gouvernement, l'institution ou l'organisation.
Je suis d'avis qu'en modifiant l'article 13 pour créer une exception discrétionnaire qui se fonde sur des critères subjectifs, le Canada se retrouverait dans une catégorie à part de celle de ses principaux partenaires et cela aurait une incidence négative sur d'autres gouvernements qui seraient alors moins disposés à partager leurs renseignements avec le Canada. Si l'on ne peut garantir que les renseignements qu'ils fournissent en toute confidence demeureront confidentiels, ils seront très peu disposés à nous fournir quelque renseignement que ce soit.
Une autre question que j'aimerais porter à l'attention du comité est la proposition du commissaire à l'information d'ajouter un critère subjectif à l'article 23 qui porte sur le secret professionnel des avocats. À l'heure actuelle, l'article 23 permet aux responsables d'une institution fédérale de refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client. Le secret professionnel qui lie un avocat à son client se fonde sur une présomption selon laquelle la divulgation des communications entre un avocat et son client pourrait nuire à la franchise qui est nécessaire dans les relations avocat-client. La Cour suprême du Canada a dit que ce secret professionnel était « presque absolu ».
Il est important de souligner que le secret qui lie un avocat à son client ne vise pas uniquement les avis fournis par l'avocat. Il s'applique également à toutes les communications du client avec son avocat pour obtenir des conseils, ainsi qu'aux conseils donnés lors de la rédaction d'un projet de loi, de la préparation d'un litige et les conseils sur les droits individuels, le fonctionnement des enquêtes des ministères du gouvernement et les transactions du gouvernement. L'exception de l'article 23 garantit au gouvernement la même protection pour ses documents juridiques que celle qui est accordée dans le secteur privé. Cette exception devrait être discrétionnaire pour être analogue à la règle de common law selon laquelle le secret professionnel appartient au client, qui est libre d'y renoncer.
Selon la proposition du commissaire, les renseignements visés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client ne seraient protégés que si « on pouvait s'attendre raisonnablement à ce que la communication des renseignements nuise aux intérêts de la Couronne ». J'encourage donc le comité à examiner si l'introduction de critères subjectifs aurait pour conséquence d'étouffer la communication entre les avocats du gouvernement et les ministres, les agents et les fonctionnaires qui sont les clients de ces avocats. Si les ministres du gouvernement ne peuvent se voir assurer une discussion complète et détaillée des questions, comment peuvent-ils en fait recevoir les meilleurs renseignements possibles et prendre les meilleures décisions possibles?
Je dirais donc que l'ajout d'un critère subjectif à l'article 23 pourrait faire en sorte qu'il risquerait d'y avoir un plus grand risque de divulgation étant donné qu'il est difficile de prouver que la divulgation d'un document particulier puisse porter préjudice. Cela aurait également une incidence sur la capacité du gouvernement de se confier à ses agents juridiques.
Je voudrais également attirer l'attention du comité sur le fait qu'aucune loi provinciale sur la liberté d'accès à l'information au Canada n'applique un critère subjectif à l'exception sur le secret professionnel qui lie un avocat à son client. On peut dire la même chose au sujet des lois sur la liberté d'accès à l'information du Royaume-Uni, de l'Australie, de l'Irlande et de la Nouvelle-Zélande.
Je suis convaincu que le comité voudra également examiner le recours à l'article 24 qui porte sur les interdictions fondées sur d'autres lois fédérales. Cet article a fait l'objet d'un débat presque depuis sa mise en oeuvre. D'aucuns estiment que l'article 24 à l'annexe 2 est nécessaire afin de protéger les régimes de confidentialité valides tandis que d'autres estiment que ce genre de dispositions nuit aux principes et aux objectifs de gouvernance transparente et responsable sous-jacente au régime d'accès à l'information.
Le commissaire à l'information propose d'abroger l'article 24 et l'annexe 2. Il déclare qu'il y a suffisamment de protection ailleurs dans la loi pour les documents protégés aux termes de l'article 24 obligatoire et que la disposition concernant le secret nuit à l'efficacité de la loi.
Cette exception protège les renseignements exigeant un degré de protection très élevé qui n'est pas garanti par les autres exceptions, notamment les renseignements les déclarations d'impôt sur le revenu et les données de recensement. Il ne faut pas perdre de vue le fait que les Canadiens fournissent ces renseignements aux gouvernements croyant qu'ils seront traités en toute confidentialité.
Le comité devrait tenir compte des engagements du gouvernement à l'égard de la sécurité nationale, de la sécurité publique et de l'application de la loi. Il devrait également se demander si l'abrogation de cette protection obligatoire à l'égard de certains renseignements recueillis conformément à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et au Code criminel, ainsi que pour des renseignements sensibles du secteur aéronautique, maritime et d'autres secteurs du transport pourraient faire en sorte que les Canadiens et leurs alliés internationaux puissent perdre confiance dans la capacité du gouvernement de protéger des renseignements sensibles.
Plutôt que d'abroger l'article 24, le comité voudrait peut-être envisager d'ajouter des critères et un processus d'examen à l'article 24 pour régir l'ajout et l'élimination des dispositions de l'annexe 2, ou les deux. Cette approche garantirait que seules certaines catégories spécifiques de renseignements sensibles seraient clairement protégées par l'article 24.
Ces critères pourraient viser uniquement les dispositions de confidentialité qui interdisent la communication au public en termes absolus pour établir des limites clairement définies pour toute communication discrétionnaire.
Cinquièmement, en ce qui concerne la réforme administrative, j'aimerais attirer votre attention sur les recommandations du commissaire à l'information en vue de modifier le processus administratif aux termes de la Loi sur l'accès à l'information. Ces propositions comprennent notamment des droits, des délais, le droit d'accès et des procédures générales.
Le gouvernement aimerait bien connaître le point de vue du comité sur ces aspects de la réforme. Avant d'entreprendre son étude, votre comité devrait prendre note qu'on n'a pas encore pleinement évalué quelle serait l'incidence des propositions du commissaire à l'information sur les coûts. À cet égard, nous avons pensé qu'il serait utile de vous fournir une estimation préliminaire de l'ampleur éventuelle des coûts.
Alors que votre comité s'apprête à recommander des mesures additionnelles pour renforcer la Loi sur l'accès à l'information, vous aiderez ainsi le gouvernement à moderniser le cadre qui sert de base à notre système d'accès.
J'espère qu'un aspect crucial de votre examen comprendra une discussion ouverte et générale avec les intervenants représentant tous les aspects du système — les demandeurs, les agents à l'accès, les organisations et les institutions de l'extérieur qui pourraient être visées, et les représentants des institutions qui pourraient être les plus touchées par les changements proposés.
En conclusion, je voudrais tout simplement ajouter qu'à titre de ministre de la Justice, j'apprécie l'important travail qu'on vous demande de faire. C'est une tâche difficile que de trouver un juste équilibre entre les intérêts qui se font concurrence, de sorte qu'il faut le faire avec soin, et de manière détaillé. Je suis impatient de connaître vos points de vue une fois votre travail sera terminé.
Merci beaucoup.
:
Bonjour, monsieur le ministre. Je suis très heureuse de vous rencontrer aujourd'hui. J'aimerais vous parler de l'approche de votre ministère et de votre gouvernement à l'égard du projet de loi portant sur ce qu'on appelle la transparence présenté par le commissaire à l'information.
Vous n'êtes certes pas sans savoir qu'en novembre dernier, le présent comité a demandé à l'unanimité, ce qui inclut vos amis conservateurs, de nouvelles dispositions législatives, en l'occurrence un projet de loi. Nous avons demandé que le gouvernement nous présente un projet de loi sur l'accès à l'information, de façon à ce que nous puissions en débattre. Je suis moi-même revenue à la charge récemment, c'est-à-dire après le 15 mai.
Ce que vous avez dit est exact. Nous avons d'ailleurs ici un beau rapport de la Bibliothèque du Parlement qui précise chacune des démarches. Au Commissariat à l'information, tous les titulaires du poste de commissaire ont demandé qu'on modernise et qu'on renforce la loi. Il y a eu beaucoup d'études à cet égard. En novembre dernier, ce comité s'est dit prêt à passer à l'action. Malheureusement, cette décision, qui avait été prise à l'unanimité, a été renversée le 15 mai.
Entre-temps, le comité législatif chargé du projet de loi C-2 a abordé certaines dispositions concernant l'accès à l'information. Or, je sais que l'étude article par article du projet de loi se fait rapidement. Je ne sais pas à quelle étape est rendu ce comité ni ce qu'il advient des dispositions concernant l'accès à l'information.
Quoi qu'il en soit, on sent qu'il y a deux approches. D'une part, on étudie le projet de loi C-2 en mode accéléré, sans qu'il y ait une analyse complète ou un débat réel et, d'autre part, il existe un projet de loi sur l'accès à l'information qui a donné lieu à beaucoup d'analyses. Le commissaire à l'information a même élaboré un projet de loi, que vous ne semblez pas aimer beaucoup.
On se dit, dans un tel contexte, que la transparence à laquelle aspire votre gouvernement est superficielle. Vous voulez être un gouvernement responsable, comme le mentionne votre projet de loi C-2, mais pas nécessairement plus transparent.
Je voudrais que vous commentiez un peu cette approche, qui m'apparaît à tout le moins bizarre.
:
Merci, monsieur le président.
N'étant pas membre titulaire du comité, je trouve la discussion intéressante, mais je suis certainement d'accord avec ceux qui disent que c'est au gouvernement qu'il incombe de présenter le projet de loi. Tout ce que peut faire le comité c'est finalement de présenter un rapport, que vous pouvez examiner et dont vous pouvez faire ce que vous voulez. J'estime donc que le gouvernement a la responsabilité de proposer le projet de loi; voilà comment il vous faudrait procéder.
Mais, monsieur le ministre, sauf tout le respect que je vous dois, vous êtes complètement à côté de la plaque en ce qui concerne cette question. J'étais de ceux qui ont eu à répondre à vos questions à ce sujet, dans vos efforts pour obtenir les confidences du Cabinet, même quand elles concernaient des questions de sécurité. Pour ma part, je ne conteste pas la plupart des arguments que vous avez présentés dans votre exposé. Je partage d'ailleurs votre point de vue pour ce qui est des informations sur la sécurité que nous recevons d'autres pays; vous mettriez le pays en péril puisque nous ne pourrions pas obtenir d'informations de ce genre d'autres pays si les informations en question étaient soumises à l'accès à l'information. Mais c'est là une position qui est tout à fait à l'opposé de celle que vous défendiez, et cela me dérange beaucoup.
Je suis aussi d'accord avec vous sur le caractère confidentiel des échanges entre un avocat et son client. Quand on est ministre ou sous-ministre, il faut pouvoir compter sur des échanges francs et ouverts et il faut également que ceux qui nous conseillent n'aient pas à s'inquiéter que les informations qu'ils nous donnent puissent retourner contre eux à la suite d'une demande d'accès à l'information. Je suis donc d'accord avec vous là-dessus.
Mais il s'agit d'un revirement pour vous, monsieur le ministre. Tout cela m'amène à dire qu'il faut prendre garde que les élus ne puissent pas utiliser la Loi sur l'accès à l'information à des fins politiques. La loi devrait permettre d'obtenir les informations nécessaires pour prendre des décisions, et elle devrait aussi permettre d'exiger des comptes du gouvernement. Nous devons toutefois prendre garde qu'elle ne puisse pas, dans certains cas, être utilisée par les élus pour faire avancer leur intérêt politique, comme cela peut se produire.
J'ai une question au sujet de quelque chose un petit peu moins anodin. Il s'agit d'accroître l'accès à l'information. À mon avis, la loi pose un réel problème à l'heure actuelle en raison du coût de l'accès à l'information. Je vous donne un exemple. Dans ma province, nous essayons de régler un épineux litige avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Ce que nous cherchons à obtenir en fait d'information, c'est une donnée statistique qui nous permettrait de savoir ce que cela coûte et s'il n'y aurait pas une meilleure façon de s'y prendre. Pour obtenir cette information, il nous faudra débourser 1 600 $, en raison du travail qui devra être fait pour nous la donner. C'est là un des importants dilemmes auxquels nous nous heurtons à l'heure actuelle en raison de ce qu'il en coûte à un simple citoyen, même à un député, pour obtenir des photocopies et les informations dont on a besoin pour faire le travail d'enquête. Il s'agit donc là d'un facteur qui limite énormément la capacité des Canadiens d'obtenir l'information à laquelle ils sont censés pouvoir avoir accès; le coût est prohibitif.
Je me demande ce que vous pensez du coût de l'accès à l'information de manière générale. Il est peut-être possible d'avoir accès à l'information, mais le coût limite la capacité des particuliers d'obtenir l'information qu'ils souhaitent.
Monsieur le ministre, vous avez toute l'information nécessaire et vous savez ce que vous voulez; vous l'avez dit tout à l'heure. Vous connaissez les mesures à prendre et vous avez tout l'été pour ce faire.
Je vous invite à travailler tout l'été et à nous revenir en septembre avec un projet de loi. Si vous n'arrivez pas en septembre avec un projet de loi, je vais considérer que vous n'avez pas la volonté politique d'en faire un. Je vais certainement faire d'autres suggestions au comité, mais certainement pas celle de faire votre travail à votre place alors que vous ne voulez pas vraiment de ce projet de loi.
Cela dit, je vais vous faire une vraie demande d'accès à l'information. Ce que je vais vous dire vous semblera un peu hors contexte, mais quand je vais formuler ma question, vous allez comprendre qu'elle porte vraiment sur la Loi sur l'accès à l'information et sur votre ministère.
À plusieurs reprises au cours des dernières années, le Bloc Québécois s'est plaint de la Loi sur l'accès à l'information parce qu'elle ne nous permettait pas d'obtenir toutes les informations que nous voulions.
Cinar Films, une importante maison de production audiovisuelle de Montréal, avait utilisé des prête-noms pour dissimuler l'origine étrangère des scénaristes, afin d'obtenir d'importants crédits d'impôt du gouvernement fédéral.
Le Bloc Québécois a maintes fois dénoncé et déploré le fait que le premier ministre de l'époque, M. Paul Martin, refusait de nous dévoiler les informations permettant de faire la lumière sur ce dossier. Plus particulièrement, il ne nous donnait pas les raisons pour lesquelles le ministre de la Justice avait décidé de ne pas intenter de poursuites criminelles pour violation de droits d'auteur contre Cinar Films et ses fondateurs, alors qu'un rapport de la GRC recommandait le contraire.
Est-ce que le projet de loi, que vous présenterez peut-être un jour prochain, prévoira la possibilité d'obtenir ce genre d'information du ministre de la Justice? Est-ce que vous pouvez, à titre de nouveau ministre de la Justice, nous informer des raisons pour lesquelles l'ancien ministre de la Justice a refusé d'intenter des poursuites criminelles contre Cinar Films alors que la GRC recommandait de le faire?
Ma prochaine question n'a rien à voir avec la Loi sur l'accès à l'information, mais je vous la pose quand même. Est-ce que votre gouvernement a l'intention d'intenter des poursuites criminelles contre Cinar Films, comme le recommandait la GRC?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis accompagné de Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information, et de Daniel Brunet, avocat général.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à vous prêter assistance dans vos délibérations. Je sais qu'il y a de nombreux nouveaux membres parmi vous; je vous félicite et vous souhaite du succès dans l'exercice des importantes responsabilités qui sont les vôtres. Sachez que, dans le cadre de vos travaux, vous en viendrez à bien comprendre comment fonctionne le gouvernement et comment il prend ses décisions.
Votre comité a un rôle crucial à jouer afin de soutenir les valeurs qu'exige toute gouvernance responsable et conforme à l'éthique. Cette grande responsabilité deviendra immédiatement évidente lorsque vous vous pencherez sur la réponse à donner d'abord au document de travail du gouvernement portant sur le renforcement de la Loi sur l'accès à l'information et, ensuite, à mon rapport spécial au Parlement à la suite du dépôt du projet de loi C-2 et du document de travail et, enfin, à la proposition de la Loi sur la transparence du gouvernement que le Commissariat à l'information a rédigé en tant que modèle de réforme de l'accès à l'information, à la demande de votre comité l'an dernier.
La Loi sur l'accès à l'information a pour objectif principal de faire en sorte que les gouvernements soient tenus de rendre compte de leurs activités et d'assurer ainsi la santé de notre démocratie en permettant aux citoyens d'en connaître les véritables intentions — et non pas uniquement la version officielle. Elle vise aussi à prévenir et à dénoncer toute corruption et toute mauvaise gestion. La Cour suprême du Canada a affirmé à plusieurs reprises l'importance de la Loi sur l'accès à l'information pour notre société.
C'est précisément parce que l'enjeu est si crucial dès que l'on cherche à modifier cette loi que je suis extrêmement déçu du fait que le gouvernement n'ait pas respecté sa promesse électorale de proposer une loi sur la transparence du gouvernement en tant qu'élément constituant de la Loi fédérale sur l'imputabilité. J'ai déjà mentionné à une autre occasion à quel point je suis déçu que les modifications apportées à la Loi sur l'accès à l'information, proposées dans le projet de loi C-2, ne tiennent pas compte des principes que le gouvernement avait promis de suivre pour effectuer la réforme de l'accès à l'information. Enfin, c'est aussi une déception pour moi de constater que le contenu du document de travail du gouvernement parle très peu de renforcer le droit à l'accès; au contraire, il préconise davantage de discussions et non de l'action, et ses propositions auront pour effet d'accroître le secret et d'affaiblir la surveillance indépendante des décisions du gouvernement relatives à la nécessité de garder les documents secrets.
Mes commentaires n'ont rien d'une attaque partisane dirigée contre le gouvernement. Ils sont, en réalité, presque identiques aux critiques que j'adressais l'année dernière au gouvernement libéral. Les deux gouvernements ont insisté pour que votre comité poursuive son étude de la réforme de l'accès à l'information sans disposer de l'avantage que procure un projet de loi émanant du gouvernement. Ils ont tous les deux remis au comité un document de travail qui affaiblira la réforme de l'accès à l'information au lieu de la renforcer.
Je demande aujourd'hui la même chose que l'an dernier: il faut cesser de parler de réforme, c'est le moment de passer à l'action.
L'année dernière, à la demande du comité, j'ai proposé la loi sur la transparence du gouvernement comme plan directeur pour la réforme. Cette proposition de loi tient compte du contenu et de la conception des législations modernes portant sur l'accès à l'information; elle s'inspire des recommandations des études parlementaires, des groupes d'études gouvernementaux et des commissaires à l'information antérieurs. Elle n'est pas radicale et elle assure le maintien du secret lorsque cela est justifiable.
Cette année, je suis encore plus convaincu de la sagesse et des propositions que renferme la Loi sur la transparence du gouvernement puisque nous disposons aujourd'hui des résultats de l'enquête menée par la commission Gomery selon laquelle une réforme de la Loi sur l'accès à l'information est nécessaire. Vous vous souviendrez peut-être qu'une partie du mandat du juge Gomery consistait à faire des recommandations sur les changements à apporter à la Loi sur l'accès à l'information, afin d'accroître la responsabilisation du gouvernement et d'aider à prévenir et à repérer des actes répréhensibles et la mauvaise gestion. Le juge Gomery a entendu de nombreux témoins et experts provenant de tout le Canada et a fait part de ses conclusions dans son deuxième rapport publié le 1er février 2006. Vous trouverez les recommandations du juge Gomery relatives à la réforme de l'accès à l'information énoncées à l'annexe A du rapport spécial au Parlement que j'ai déposé le mois dernier. Sur pratiquement toutes les questions soulevées dans le document de travail du gouvernement, le juge Gomery appuie l'approche adoptée dans la proposition de loi sur la transparence du gouvernement.
À titre d'exemple, il recommande que :
1. Les documents conservés dans les cabinets des ministres soient visés par le droit d'accès
2. La portée du secret du Cabinet soit réduite
3. Les exceptions comprennent un critère subjectif et soient restructurées comme nous le proposons dans la Loi sur la transparence du gouvernement
4. L'exception de catégorie que renferme l'article 24 de la Loi sur l'accès à l'information, donnant une force obligatoire aux dispositions sur le secret dans certaines autres lois, soit abolie
5. Les administrations publiques aient l'obligation prépondérante de communiquer des documents chaque fois que l'intérêt public prime le besoin de préserver le secret
6. La Loi sur l'accès à l'information renferme une obligation absolue en droit pour les fonctionnaires de créer des documents et que toute dérogation à cette obligation en vue de refuser le droit d'accès constitue une infraction
7. Toutes les institutions relevant du gouvernement fédéral soient visées par le droit d'accès selon des critères définis, et que des plaintes puissent être adressées au commissaire à l'information si les gouvernements négligent d'ajouter des institutions au champ d'application de la loi
8. Des procédures incitatives pour que les réponses aux demandes de communication soient faites en temps utile, comme le recommande la Loi sur la transparence gouvernementale, soient adoptées
9. Les propositions que renferme la Loi sur la transparence gouvernementale visant à accroître les pouvoirs du commissaire de porter des affaires devant la Cour fédérale et de rendre le processus d'enquête plus transparent soient adoptées.
Le document de travail du gouvernement n'appuie aucune de ces recommandations faites par le juge Gomery. Le rapport spécial que j'ai déposé présente la critique que j'ai faite du plan d'action que propose le gouvernement pour réformer l'accès à l'information.
J'ai aussi distribué un document qui contient la proposition de loi sur la transparence du gouvernement présentée parallèlement à la version actuelle de la Loi sur l'accès à l'information, des notes explicatives pour chaque changement proposé et la transcription de l'exposé général au sujet de la Loi sur la transparence du gouvernement que le sous-commissaire à l'information, Alan Leadbeater, a donné au comité le 29 septembre dernier.
Aujourd'hui et dans les jours qui viennent, le commissariat est prêt à aider les membres du comité à veiller à ce que le droit au public à l'information ne perde rien de sa force et à ce que, grâce à la transparence, le gouvernement du Canada demeure redevable envers l'ensemble de la population.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire cet exposé d'ouverture et je serai ravi de répondre à vos questions.