FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 1er février 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Merci, monsieur le président. Bonjour messieurs. J'aimerais remercier le comité permanent des pêches et des océans d'avoir offert à Inuit Tapiriit Kanatami l'occasion de témoigner devant lui aujourd'hui sur le dossier de la chasse aux phoques.
Je m'appelle Robin Anawak et je travaille pour ITK dans...
Très bien. C'est la première fois que je comparais devant un comité et...
Une voix: Nous avons 10 minutes.
Très bien. Merci.
Je travaille au département de l'environnement de l'ITK, m'occupant principalement de questions politiques touchant la faune et leur impact sur les Inuits au Canada.
Je désire vous présenter les excuses de Mme Mary Simon, notre présidente, qui ne peut être des nôtres aujourd'hui puisque son programme est très chargé. Comme vous l'avez signalé, Rosemary Cooper, notre coordonnatrice politique, m'accompagne aujourd'hui.
J'aimerais vous dire quelques mots sur notre organisation. ITK a été mis sur pied en 1971 et représente les Inuits du Canada dans les dossiers d'envergure nationale. Depuis sa création il y a environ 36 ans, ITK s'est fait le défenseur des Inuits et représente un forum permettant à ces derniers de soulever les questions qui les touchent.
Depuis le début des négociations touchant les revendications territoriales des Inuits et la reconnaissance constitutionnelle du rôle des Inuits et les efforts que ces derniers ont déployés pour obtenir un plus grand rôle dans les activités politiques sociales et économiques du Canada, ITK poursuit ses efforts pour représenter les Inuits, qu'ils vivent dans les régions arctiques ou dans les centres urbains du sud du Canada.
ITK collabore étroitement avec les quatre groupes inuits touchés par les revendications territoriales, qui en retour offrent des conseils à ITK. Ces groupes représentent les bénéficiaires des revendications territoriales de la région désignée des Inuvaluit, du Nunavut — d'où viennent nos collègues inuits — du Nunavik et de Nunatsiavut.
À l'échelle internationale, nous avons des liens étroits avec le conseil circumpolaire inuit, et au niveau national avec le Inuit Youth Council sur les questions qui touchent les jeunes Inuit au Canada.
J'aimerais signaler que la vice-présidente du National Inuit Youth Council est ici, elle fait partie des étudiants qui sont ici aujourd'hui. Entre autres choses elle s'occupe du dossier de l'environnement. Nous avons un très bon groupe ici aujourd'hui.
L'ITK, dans le cadre de ses travaux, collabore également avec divers ministères, fonctionnaires et ministres tant au palier fédéral, provincial que territorial, ainsi qu'avec d'autres organisations et leaders autochtones nationaux.
J'aimerais vous dire quelques mots sur la chasse aux phoques dans un contexte inuit, et dans un contexte que connaît bien l'ITK, tout particulièrement en ce qui a trait aux interdictions d'importations de produits provenant du phoque que proposent certains États membres de l'Union européenne et l'ensemble de l'Union européenne.
Les Inuits exploitent la faune sauvage. Par tradition, ils sont des chasseurs et des pêcheurs de subsistance et exploitent divers mammifères marins que l'on retrouve dans les eaux du nord de l'Atlantique et de l'Arctique. Ces mammifères, si je puis m'exprimer ainsi, font également partie de la culture inuite, ou peut-être vice versa.
Les Inuits accordent beaucoup de respect, d'importance également, aux mammifères marins, car ces animaux jouent un rôle très important pour tous les Inuits du Nord. Les mammifères marins représentent une part importante de l'alimentation et du régime des Inuits, un régime qui est le résultat de centaines d'années d'exploitation de la terre et de la mer. En dépit des changements que l'on retrouve dans le monde d'aujourd'hui, les mammifères marins revêtent toujours une très grande importance aujourd'hui pour les Inuits: ils représentent une source de nourriture, de culture, de connaissances, de valeurs spirituelles, et un moyen d'existence.
Les mammifères marins dont je parle incluent le narwhal, le beluga, la baleine boréale, le morse, l'ours polaire, et diverses espèces de phoques comme le phoque barbu, le phoque du Groenland et le phoque annelé.
Si vous demandez à un Inuit quel phoque il chasse, mange, et utilise le plus, il répondra probablement le phoque annelé. Le goût est bien supérieur. En plus de son goût, le phoque annelé peut être utilisé à diverses fins; c'est d'ailleurs le troupeau de phoques annelés qui est le plus important dans les eaux de l'Arctique et du nord du Canada. D'après les rapports provenant du Nunavut, le troupeau de phoques annelés compte environ 2 millions d'animaux. Puisqu'il n'y a qu'environ 30 000 personnes au Nunavut, vous pouvez reconnaître que la population de phoques est très importante.
En plus de manger le phoque, les Inuits se servent de ces animaux pour le commerce des peaux et des fourrures et s'en servent pour se vêtir et fabriquer de l'artisanat — vous pouvez d'ailleurs voir les gens autour de la salle qui portent les vêtements fabriqués de peaux de phoque. Ce sont de magnifiques vêtements. Il s'agit là d'incitatifs positifs et viables pour la communauté, et pour ceux qui doivent gagner leur vie. La chasse aux phoques est donc très importante pour nous.
Qu'il s'agisse d'une chasse pour des raisons culturelles, traditionnelles, pour l'acquisition de connaissances, pour la survie de notre histoire, pour des questions de valeur ou pratique moderne, j'aimerais signaler que les Inuits n'ont jamais chassé et ne chassent toujours pas ces espèces jusqu'à leur extinction, ou à un niveau qui serait jugé irréversible pour la population; ou comme on le dirait aujourd'hui, à un niveau non viable. Nous ne pouvons simplement pas nous permettre de le faire. Si c'était notre tradition, nous ne serions plus là aujourd'hui et nous ne serions donc pas en mesure de vous parler aujourd'hui d'une tradition.
J'ai beaucoup appris sur ma propre culture, sur les leçons et les valeurs que l'on peut tirer de la chasse et sur nos sources de survie, comme le respect des espèces fauniques, éviter de faire souffrir l'animal sans raison, la pleine utilisation de l'animal et de toutes ses parties, de prendre ce que l'on doit prendre mais de ne pas gaspiller, et chasser de façon responsable en s'inspirant de nos connaissances.
Les Inuits continuent à chasser le phoque à longueur d'année et tuent un nombre d'animaux qui permet d'assurer la viabilité du troupeau. Ce sont les connaissances traditionnelles des Inuits qui le confirment, des connaissances qui ont été accumulées au fil des ans, de la chasse et de l'exploitation de cette espèce. Nous pouvons ainsi observer et évaluer l'environnement, que ce soit d'année en année, de décennie en décennie ou de génération en génération. Ces paramètres culturels sont toujours applicables aujourd'hui, même lorsque les Inuits se servent d'outils modernes comme les motoneiges et les carabines. Il nous faut à l'occasion parcourir de longues distances, il nous faut plus de combustible, ce qui coûte plus cher ne serait-ce que pour le combustible, les réparations et le coût de l'entretien, l'achat de munitions et j'en passe. Il ne faut pas oublier qu'il y a de plus en plus de gens qui ont besoin de ces nourritures traditionnelles provenant de la terre et de la mer.
Il importe de noter que le régime de subsistance des Inuits ne dépend pas exclusivement du phoque, mais également d'autres espèces terrestres, marines et dulcicoles, et quoique les discussions aujourd'hui portent sur le phoque, cette espèce n'est qu'une des nombreuses espèces qui représentent une source importante de nourriture et de subsistance pour les Inuits. Je pense qu'il est important que le comité comprenne que les phoques et la chasse aux phoques représentent pour les Inuits un volet d'un contexte holistique général de notre mode de vie. Le phoque n'est qu'une partie irremplaçable de notre vie. Nous sommes venus vous parler aujourd'hui pour vous expliquer les rapports que nous avons avec ce mammifère marin, pour vous parler de notre mode de vie traditionnel et moderne. On pourrait sans doute vous parler tout aussi longuement d'une autre espèce importante comme le morse, le caribou ou l'ours polaire.
Quant aux interdictions touchant le phoque, les Inuits ont à plusieurs reprises exprimé leurs préoccupations à l'égard des menaces que ces interdictions et ces restrictions commerciales arbitraires visant les produits du phoque représentent pour leurs intérêts. Les mesures prises par les lobbys de lutte contre la chasse aux phoques qui essaient d'obtenir l'imposition d'interdictions de l'exportation de produits du phoque vers l'Europe visent à mettre fin à la chasse aux phoques tout simplement et ne visent pas à assurer une meilleure gestion ou une amélioration des pratiques viables des chasseurs. À notre avis cela représente une pente dangereuse car la disparition d'un type de chasse mènera à la disparition d'une autre chasse, la chasse des Inuits.
Les Inuits participent à la gestion et à la cogestion des ressources fauniques. Nos accords sur les revendications territoriales et les régimes connexes visent à assurer que la conservation, la chasse et la subsistance sont des réalités qu'on ne saurait ignorer. Nous sommes assujettis à des régimes, processus et règlements fédéraux, provinciaux et territoriaux qui visent à assurer que lorsque c'est nécessaire, si une espèce est en péril ou exploitée à un niveau non viable pour une raison ou pour une autre, la chasse ou l'exploitation cessera. Ces processus incluent la participation des communautés inuites comme signataires des ententes et détenteurs de droits au Canada.
Nous jouons également un rôle international au sein de l'UICN, l'Union mondiale pour la nature, groupe que vous connaissez sans doute. J'aimerais signaler qu'à Amman, en Jordanie, en l'an 2000, l'UICN a adopté une résolution, la résolution 2.92. J'aimerais vous lire un extrait important de cette résolution. Le Congrès mondial de la nature
prie instamment tous les gouvernements nationaux, sans pour autant compromettre leurs obligations au titre du droit international, de mettre en pratique leurs principes d'utilisation durable afin d'améliorer la viabilité des communautés autochtones et locales qui dépendent de l'exploitation des ressources renouvelables, en éliminant les barrières tarifaires et non tarifaires qui dissuadent actuellement cette communauté de pratiquer une utilisation durable des produits naturels provenant d'espèces qui ne sont pas menacées d'extinction.
Nombre des États européens qui songent à adopter une interdiction visant les produits du phoque sont membres de l'UICN. Vous comprendrez donc notre surprise puisque l'UICN exhorte l'application des principes d'utilisation durable et responsable des phoques et des autres populations d'animaux.
Permettez-moi de vous citer la résolution 3.092 de la l'UICN présentée à la conférence de 2004 à Bangkok. Le congrès mondial de la nature,
exhorte tout particulièrement les membres de l'UICN à appliquer les principes d'utilisation durable en n'adoptant pas de nouvelle législation interdisant l'importation et la commercialisation des produits du phoque provenant de populations abondantes de phoques, sous réserve que les obligations et dispositions au titre des autres conventions internationales telle la [Convention sur le commerce international des espères de faune et de flore sauvages menacées] soient respectées.
La participation des Inuits à ces conférences internationales démontre que nous ne fonctionnons pas en vase clos. Nous participons aux discussions régionales, territoriales, nationales et internationales touchant l'utilisation durable des phoques.
Nous sommes également les chefs de file, à l'échelle internationale, dans le domaine de l'adoption de normes de piégeage sans cruauté, principalement parce que nous respectons les animaux et reconnaissons qu'aucun animal ne devrait souffrir inutilement.
Les interdictions d'importation arbitraires menacent les Inuits sur un autre front, parce qu'une certaine incertitude entoure alors l'élément commercial et économique de la vie des Inuits, même s'il n'est pas attribuable à une interdiction directe, mais plutôt à des préjugés découlant de campagnes de propagande contre la vente de tout produit provenant du phoque. En d'autres termes, la culture et les produits découlant des activités culturelles sont exposés à une campagne publicitaire malicieuse par ceux qui ont un objectif idéologique ou même financier; tout cela nuit à un autre intervenant sur le marché.
Par exemple, si les lobbyistes peuvent convaincre un pays que tout produit provenant du phoque est un produit qui va contre l'éthique et ne devrait pas être acheté ou importé, à mon avis les produits provenant du phoque vendus par les Inuits seraient classés dans la même catégorie. Tout effort visant à obtenir une exemption pour les produits des Inuits, comme cela a été le cas lors de l'interdiction de 1983 de la Commission européenne, ne garantit aucunement la défense ou la protection des intérêts commerciaux et économiques des Inuits.
Les Inuits n'ont pas entendu parler d'une exemption qui pourrait protéger le commerce des produits du phoque provenant de Inuits avec les pays membres de l'Union européenne, et ils n'ont surtout pas été consultés à cet effet. Nous n'avons pas changé d'idée et nous n'appuyons certainement pas une interdiction commerciale arbitraire de vente des produits du phoque, que cela soit dans un pays européen ou au sein de l'Union européenne.
Permettez-moi de vous lire, soyez patients j'ai pratiquement terminé, la déclaration écrite du Parlement européen de mai 2006. On nous dit que le Parlement européen
estime que le présent règlement ne devrait pas avoir d'incidence sur la chasse au phoque traditionnelle des Inuits qui ne représente que 3 p. 100 du volume de chasse actuel.
Cette précision est bien jolie, et on laisse entendre que le règlement ne devrait pas avoir d'impact sur les Inuits; cependant, il n'existe aucune garantie dans ce texte qu'il n'y aura pas d'impact sur les Inuits.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir écouté. Je céderai la parole au représentant de NTI.
M. Ningeocheak veut savoir si nous pouvons offrir l'interprétation simultanée, parce que si l'on offre de la consécutive ça prendra trop de temps. Il veut savoir si nous pouvons tout faire en simultané.
Il n'aime pas prendre la parole et attendre qu'on interprète; il est habitué à des services d'interprétation simultanée. Malheureusement ce n'est pas possible aujourd'hui et nous devrons donc avoir recours à l'interprétation en consécutive.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités aujourd'hui et avoir ainsi reconnu l'importance de mes communications. Je vous remercie sincèrement.
Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux étudiants inuits du programme Sivuniksavut qui sont dans la salle aujourd'hui. Ils nous ont appuyés sans relâche dans le dossier du phoque. Nombre d'entre eux viennent de régions et de communautés côtières et je suis très heureux qu'ils puissent être ici et vous montrer ce dont on parle en portant des vêtements fabriqués de peau de phoque.
Voici mon exposé.
Je suis plutôt fatigué parce que j'ai voyagé pendant 15 heures à cause du mauvais temps. J'ai dû prendre une autre route que d'habitude. Je ne suis pas très en forme.
M. Raymond Ningeocheak: (Interprétation)
J'espère que vous me donnerez le temps voulu pour présenter mon exposé. Pour ajouter à ce qu'a dit Robin dans son exposé, depuis des milliers d'années il existe des rapports spéciaux entre les Inuits et les phoques. Les phoques permettent de nourrir les Inuits et leurs chiens. Nous nous servons de leurs peaux pour fabriquer des vêtements.
J'ai 65 ans et je sais ce dont je parle puisque j'ai survécu en exploitant les ressources fauniques.
La graisse et l'huile de phoque permettent aux Inuits de se chauffer et de s'éclairer. Nous utilisons également les os des phoques et leurs fourrures pour notre artisanat. Je sais, parce que c'est la vie que j'ai vécue dans nos communautés.
À titre de membres de la société canadienne, nous demandons au gouvernement canadien de nous aider à protéger notre mode de vie. Nous avons toujours mené ce genre de vie. Notre économie dépend de la chasse au phoque et nous exhortons notre gouvernement à nous aider à protéger cette activité.
Je suis un chasseur inuit qui a chassé le phoque, qui a mangé le phoque et dont la vie dépend de la chasse au phoque; si ce n'était du phoque, je ne serais pas ici pour vous parler aujourd'hui, je n'aurais pas survécu. Je ne me serais certainement pas déplacé jusqu'ici pour rencontrer le comité, mais lorsque nous parlons de l'interdiction de la chasse au phoque, à mon avis cela a un impact dramatique sur mon mode de vie, et celui des Inuits. À mes yeux cela est très important et c'est pourquoi je suis venu demander votre appui aujourd'hui.
Les phoques représentent un élément très nutritif et très important du régime alimentaire des Inuits, comme c'était le cas par le passé. Le phoque représente une source de vitamines, de protéines et de minéraux très importante dans notre régime alimentaire. Dans le bon vieux temps, les Inuits se nourrissaient, tout comme leurs chiens, pratiquement uniquement de phoque, et l'Inuit et son équipe de chiens coexistaient. Nous dépendions exclusivement de la viande de phoque pour nous nourrir. Il s'agit là d'un des meilleurs produits de viande faunique.
La peau, un sous-produit, a aujourd'hui une valeur ajoutée pour le chasseur puisque nous pouvons la vendre sur le marché. C'est ce que j'ai fait. Grâce à l'argent obtenu de la vente de peaux de phoque, j'ai pu m'acheter, en 1965, un Ski-Doo. La vente des peaux provenant de la chasse nous permet d'acheter de l'essence, des munitions, de l'huile, des pièces pour nos motoneiges, et d'autres choses pour nos familles. C'est pour ces raisons que le phoque est une espèce très populaire, à longueur d'année.
Les bons emplois ne sont pas très nombreux au Nunavut, tout particulièrement dans les petites collectivités, et le taux de chômage est très élevé. À moins d'avoir terminé ses études secondaires ou postsecondaires, il est très difficile de trouver un bon emploi. C'est tout particulièrement vrai pour les gens de mon âge. Nombre d'entre nous n'ont pas eu l'occasion d'aller à l'école, et nous sommes donc écartés en quelque sorte. L'éducation est la chose la plus importante de nos jours. Si vous avez une bonne éducation, vous avez de meilleures chances de trouver un emploi. Pour les gens de mon âge, ce n'est pas vraiment possible.
La chasse représente toujours un élément important de l'économie de la société inuite, et permet de compenser le coût de la vie très élevé qui caractérise le nord du Canada. C'est donc un aspect très important de la vie des chasseurs aujourd'hui. La chasse est une activité de subsistance qui coûte chère, et qui offre peu de débouchés économiques. La chasse nous permet d'être indépendants. Cependant, lorsque le marché des peaux de phoque est faible, les Inuits doivent dépendre de l'aide sociale, ce qui mine leur fierté.
Les prix internationaux du pétrole et du gaz montent en flèche aujourd'hui. Le Nunavut est durement touché par cette situation, encore plus que les autres régions. Aucune route ne nous mène vers le sud. Si nous avions une route, cela permettrait de réduire les coûts élevés du transport. Cependant ce n'est pas le cas. Le coût de la vie est beaucoup plus élevé dans le nord que dans le reste du Canada.
L'année dernière, plus de 6 000 peaux de phoque brutes ont été exportées du Nunavut. Cela représente quelque 530 000 $ de revenu pour les chasseurs inuits du Nunavut.
Lorsque je parlais du prix des peaux de phoque, et du revenu que cela représente pour les chasseurs de phoque inuits du Nunavut, je ne parlais évidemment que des peaux brutes, et non pas des vêtements que portent les étudiants aujourd'hui.
Je voulais également vous montrer ce que je porte pour aller à la chasse, ce que j'ai pratiquement toujours porté. Tous ces vêtements sont faits de peaux de phoque, une peau tannée en utilisant des méthodes traditionnelles pour qu'elle soit imperméable.
Je vous ai montré les chaussons qui vont dans mes bottes, qui sont imperméables, et deux paires de mitaines. Les gants à manchette dont je me sers lorsque je construis un igloo. De cette façon la neige n'entre pas dans les manches de votre manteau. Je me sers des mitaines un peu plus courtes, que je vous ai montrées, lors du dépeçage du caribou ou lorsque je travaille autour de mon site. Je m'en sers lorsque je vais chasser, lorsque je m'éloigne de ma résidence. Il s'agit de choses dont nous nous servons aujourd'hui pour survivre lors de la chasse. Nous dépendons énormément de ces vêtements. J'ai également une paire de pantalons et un parka qui sont également imperméables, que je porte lorsque je vais à la chasse.
Lorsque nous parlons des vêtements et des peaux de phoque dont nous dépendons pour nous garder au chaud lorsque nous allons chasser, je ne parle pas des jolis manteaux et vestons que portent les étudiants aujourd'hui. Je parle de vêtements de chasse fonctionnels qui nous gardent au chaud et nous protègent.
La valeur dont je parlais ne tient pas compte de la valeur ajoutée qui est associée à l'utilisation de ces peaux pour fabriquer les vêtements que portent ces étudiants. Cette industrie a un chiffre d'affaires dans les millions de dollars et commence enfin à redonner aux Inuits l'indépendance dont ils jouissaient jadis.
Malheureusement, les défenseurs des droits des animaux ont créé un climat négatif autour de cette question. Pendant les années 80, les intervenants du camp anti-fourrure et les défenseurs des droits des animaux faisaient campagne principalement en Europe contre la chasse au phoque du Groenland qui se déroulait sur la côte Est; cela a mené à une interdiction européenne d'importation des produits du blanchon en 1983.
Ces activités de la campagne anti-fourrure des défenseurs des droits des animaux a eu un impact dramatique sur l'industrie du phoque au Nunavut pour les Inuits. Les Inuits ont perdu une grande partie de leurs revenus et ne pouvaient même plus se permettre, faute de ressources financières, de participer à la chasse. Tout cela a créé nombre de problèmes sociaux qui n'ont toujours pas disparu. Chaque fois que des groupes de défense des droits des animaux font du lobbying à Ottawa, fort heureusement nous avons été défendus par les étudiants qui participent au programme Nunavut Sivuniksavut qui nous représente très fièrement.
Les défenseurs des droits des animaux ont dit que notre chasse était une chasse cruelle, ce qui est faux. Les Inuits se servent de toutes les parties du phoque pour se nourrir, se vêtir, ou pour d'autres activités. La chasse au phoque des Inuits a toujours été axée sur la conservation, car ils ne chassent que le nombre d'animaux dont ils ont besoin, et ils ne surexploitent pas cette espèce.
L'abattage du phoque semble être présenté par les défenseurs des droits des animaux sous un jour différent que l'abattage des animaux d'élevage. Pourtant, ce n'est pas vraiment différent.
Monsieur le président, j'aimerais signaler que Nunavut Tunngavik Incorporated et le gouvernement du Canada sont en train de préparer une politique sur l'industrie du phoque au Nunavut. Cette politique est fondée sur les quatre principes fondamentaux suivants:
La chasse doit être viable. La ressource doit être protégée contre toute forme de surexploitation et gérée dans le but de conserver le rôle des phoques au sein de l'écosystème, ce qui inclut également une bonne gestion des phoques et de la chasse aux phoques.
Il faut utiliser tout l'animal. Toutes les parties du phoque peuvent servir à quelque chose de précis, et toutes ces parties devraient être utilisées.
La chasse doit se dérouler sans cruauté. L'abattage doit être fait sans bavure et rapidement.
La sécurité du chasseur doit entrer en ligne de compte.
Nunavut Tunngavik Incorporated participe aux activités de divers comités de la West Atlantic Marine Mammal Commission dans le but de fournir des renseignements sur les populations de phoques annelés et la chasse.
La chasse aux phoques au Nunavut est très viable. Il y a plus de 2 millions de phoques annelés au Nunavut. D'après les statistiques, quelque 80 000 phoques sont abattus chaque année. Ce niveau d'exploitation est inférieur au niveau historique enregistré.
Les populations de phoques annelés sont réparties dans le Nord et ne migrent pas vers le sud. Les phoques annelés n'ont jamais été en péril, et les Inuits ne s'inquiètent pas de leur survie. Nous n'avons jamais surexploité le stock.
Le climat change, et nous avons noté qu'il en va de même pour la formation des glaces, ce qui a un impact sur le comportement des phoques. Par exemple, cet hiver, les phoques sont absents des endroits où on les aurait normalement retrouvés simplement parce que la glace s'est formée très lentement dans cette zone. Ils se sont donc déplacés. C'est donc une chose dont il nous faut tenir compte, car la population s'adapte et peut se déplacer.
La chasse aux phoques permet aux Inuits de manger de la bonne viande fraîche. Cela représente une source de revenu. Elle permet de redonner aux chasseurs leur fierté. Elle leur permet d'avoir de nouvelles mitaines, de nouvelles bottes, un nouveau parka, et bien d'autres choses qui sont nécessaires à leur survie.
La légère augmentation du prix accordé aux produits du phoque nous encourage et nous permet de croire qu'un jour il sera peut-être rentable pour nous de chasser à nouveau. Permettez-moi de vous assurer que lorsque nous disons que nous chassons le phoque pour vendre sa peau, nous mangeons quand même la viande. Nous nous servons des os et de toutes les parties du phoque pour diverses choses. Nous ne tuons pas le phoque simplement pour pouvoir en vendre la peau. Nous assurons une chasse axée sur la conservation parce que le prix payé pour la peau de phoque augmente, mais cela ne veut pas dire tout simplement que les Inuits iront chasser deux fois plus de phoques que maintenant simplement pour obtenir plus d'argent. La bonne gestion nous tient à coeur et nous n'avons jamais surexploité l'espèce simplement parce que le prix sur le marché était intéressant.
Enfin, monsieur le président, j'aimerais vous remercier de nous avoir offert cette occasion de rencontrer votre comité. Nous sommes des Canadiens et à ce titre nous jugeons que le gouvernement du Canada écoutera nos doléances et essaiera de mieux connaître notre culture — notre mode de vie — et appréciera à juste titre notre rôle de Canadiens.
De plus, monsieur le président, je désire vous inviter à venir dans le Nord pour voir comment le reste des Canadiens vivent. Nous serions très heureux de vous y accueillir.
Lorsque vous viendrez dans le nord du Canada, vous verrez que nous sommes différents des autres Canadiens. Nous vivons de façon différente, nous avons notre propre langue et notre propre culture, nous vivons dans une zone géographique différente de la vôtre. Notre chasse aux phoques se déroule de façon différente que vous ne l'imaginiez probablement. Nous n'utilisons pas de gourdins quand nous chassons le phoque. De nos jours nous avons des carabines et parfois nous avons recours au harpon traditionnel.
Encore une fois, nous vous invitons à venir au Nunavut nous visiter. Nous serions très heureux de répondre à certaines des questions que vous vous posez sur les Inuits et les phoques.
Ces bottes que je vous montre sont faites de peaux de phoque tannées imperméables, que nous appelons des « kamiks ». Elles sont en fait beaucoup trop chaudes pour porter dans cette salle aujourd'hui.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Merci.
Nous remercions nos témoins d'être venus. Nous savons que vous venez de loin. Nous vous en remercions et nous comprenons votre message.
Certains étudiants trouveront peut-être qu'il fait chaud avec ces manteaux de fourrure.
Je m'adresse à vous en tant que président du comité. Je suis rassuré et je suis sûr que certains députés vont soulever la question. En effet, vous comprenez le plan, à savoir « diviser pour régner », adopté par les Européens, les membres des associations non gouvernementales et des groupes de défense des animaux de par le monde. On voudrait absolument diviser les chasseurs de phoque en diverses composantes et, cela fait, les conquérir tous. Oublions cette exemption pour les Autochtones et les Inuits. Ce n'est pas leur intention. Leur intention est d'arrêter la chasse aux phoques.
Il est déplorable que certains d'entre eux ne comprennent pas ce que signifie vivre à même les ressources du territoire. Ils n'ont jamais chassé, ils n'ont jamais pêché et ils n'y comprennent rien.
Je suis souvent allé dans le Grand Nord, dans la partie orientale de l'Arctique. C'est une région de toute beauté et je serais ravi d'y retourner. J'aimerais bien manger du phoque annelé quand je retournerai. Le phoque gris que nous mangeons dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse est bon, mais il n'est pas aussi succulent que le phoque annelé, qui est bien meilleur.
Je donne la parole à M. Simms.
Merci, monsieur le président.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont venus car je n'ai jamais vu une telle foule à une séance de comité. Pas mal, eh?
Dans la même veine de ce que vous avez dit, je tiens à rappeler que tous les partis ici présents — même si je n'aime pas parler au nom des autres partis, mais en l'occurrence, j'ai raison de le dire — sont véritablement unis dans ce dossier. Les gouvernements passés, le gouvernement actuel et les gouvernements futurs sont tous d'accord.
Je suis allé en Europe avec mon collègue M. Blais. Nous avons parlé à des représentants des groupes de défense des animaux. Nous avons parlé également à des politiciens. Nous avons présenté nos arguments et nous les avons défendus. Je pense qu'il est nécessaire que vous alliez vous aussi en Europe, car s'agissant de mesures comme les exemptions, nous considérons que c'est là une passade, une affirmation politiquement correcte, qui ne tient absolument pas compte du fait que la chasse pour vous est une production viable, commerciale, comme cela se fait dans bien d'autres pays.
Cela dit, je voudrais poser quelques questions à M. Anawak. Plus tôt, vous avez parlé des exemptions au nom de la chasse traditionnelle. Je voudrais y revenir. Je suppose, d'après ce que vous avez dit, que vous n'êtes pas très chaud à cet égard. J'ai l'impression que comme moi, vous pensez que la notion n'est pas vraiment légitime.
Jusqu'à quel point l'interdiction d'importer des produits du phoque vous toucherait-t-elle?
Je vais répondre brièvement et je donnerai ensuite la parole à mes collègues. En 1983, l'Europe a interdit les peaux de phoque tout en accordant une exemption. En effet, les produits des Inuits qui étaient obtenus selon les méthodes traditionnelles ont été exemptés et ils pouvaient être vendus en Europe.
C'est bien joli tout cela mais malheureusement, dès le moment où l'interdiction est entrée en vigueur, le prix des peaux de phoque a chuté de façon assez spectaculaire même si, puisque c'était en 1983, je ne peux pas vous en parler par expérience. Ainsi, même s'il existait une exemption, les chasseurs de phoques ne pouvaient pas appliquer des méthodes modernes de chasse car ils ne pouvaient plus obtenir pour leurs peaux de phoque le prix qu'ils touchaient avant l'interdiction.
Étant donné que j'avais un an en 1983, je vais demander à mes collègues de poursuivre.
Merci, monsieur le président.
Merci de cette question. En effet, on nous a dit que nous étions des victimes par inadvertance, mais ce n'est pas vrai. La baisse des prix visait les chasseurs; que ce soit sur la côte est ou la côte nord, l'intention était la même. Malheureusement, les groupes de défense des animaux ont affirmé que nous n'étions pas visés mais nous le sommes. Nous le savons.
En fait, l'année dernière, lorsque le gouvernement du Groenland a tenté d'enrayer les exportations, le gouvernement du Nunavut et NTI se sont adressés à lui en faisant remarquer que l'interdiction des produits du phoque sur la côte avait des conséquences pour nous également.
Nous en sommes donc tout à fait conscients.
Je voudrais parler un instant de l'Union mondiale pour la nature. Vous avez invoqué le protocole signé à Amman, en Jordanie — est-ce que je me trompe?
Fait intéressant, il s'agit ici d'une exemption pour les produits du phoque qui appartiennent à... qui exactement?
Je ne parlais pas d'une exemption. Je parlais du fait que l'UICN reconnaissait que les espèces qui ont une population abondante et durable ne devraient pas être réglementées et leur commerce ne devrait pas être restreint, parce qu'elles sont abondantes. Dans la mesure où il existe un régime de gestion, l'UICN estime, et c'est le passage que j'ai cité, que les communautés locales et autochtones devraient pouvoir chasser ces espèces, si toutefois elles sont abondantes.
Je ne saurais vous dire. Les États-Unis sont membres de l'UICN et je pense que cette décision était unanime mais je n'en suis pas sûr. Je peux me renseigner et je vous enverrai la réponse par écrit.
Je vous en serais reconnaissant car je m'intéresse à la Loi sur la protection des mammifères marins, la MMPA, aux États-Unis, qui interdit toute importation.
J'ai entendu dire que les produits du phoque venant d'Alaska étaient importés par les États-Unis. Est-ce vrai? Le savez-vous?
Oui, je sais bien. Vous avez raison. Mais dites-moi si l'Alaska exporte — et j'utilise ce terme uniquement en raison de la grande distance — vers les États-Unis d'Amérique. Le savez-vous?
Voici ce que je veux savoir: existe-t-il un marché commercial aux États-Unis où ces produits sont écoulés malgré l'existence de la MMPA?
Je voudrais tenter de répondre à la question de M. Simms.
Les États-Unis permettent à leurs Autochtones de chasser mais ils ne leur permettent pas de vendre le produit de la chasse à moins que ce produit prenne une forme artistique. Si c'est de l'artisanat, c'est autorisé.
Je vois. Cela répond à ma question.
Je voudrais revenir à la question du phoque annelé. Monsieur Ningeocheak, vous dites que la population de phoques annelés s'élève à 2 millions et que 80 000 sont chassés, n'est-ce pas? Où avez-vous pris ces chiffres? Viennent-ils du MPO ou s'agit-il d'un chiffre calculé par votre propre association?
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation)
Je vais laisser le directeur du service de la faune répondre à cela mais personnellement, j'aimerais dire quelque chose auparavant. Les chiffres ont une grande signification pour les autres cultures. Pour vous renseigner sur la source de ces chiffres, je vais laisser M. Nirlungayuq vous répondre.
Merci de cette question. Nous avons obtenu ces chiffres auprès du conseil de la Commission des mammifères marins de l'Atlantique Nord (la NAMMCO). C'est le comité scientifique du conseil qui a publié ces chiffres dans ses rapports. Toutefois, le nombre des exportations est bien inférieur à ce qu'il était avant l'interdiction de l'exportation des fourrures.
Vous avez dit, monsieur, que vous avez constaté une modification des champs de glace. Je pense que vous avez dit notamment que les formations glacières étaient en train de changer. À la suite des récents changements dans les formations glacières, y a-t-il une différence appréciable dans la réduction du troupeau de phoques?
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
S'agissant du climat arctique et des changements qu'il subit, il faut rappeler que la région du Nunavut, le Nord, l'Arctique, est une immense étendue géographique. Par le passé, Rankin Inlet devenait libre de glaces, dans la Baie d'Hudson, deux semaines avant que Clyde River soit libre de glaces. Au printemps, je vivais à Rankin Inlet et j'ai contacté un de mes bons amis qui vit à Clyde River. De notre côté, il y avait bien deux semaines que nous étions libres de glaces et que nous pouvions naviguer alors que chez lui au même moment, ils étaient encore pris dans les glaces. Il était lui dans la partie septentrionale de la terre de Baffin et je vis moi-même sur la côte de la Baie d'Hudson, au nord de Churchill. Alors que moi je navigue, lui il emprunte encore sa motoneige sur la glace à Clyde River. Il s'agit de la même région, de la même zone du Nunavut.
Il me faut ajouter que les hivers dans la partie septentrionale de la terre de Baffin durent plus longtemps que dans la région de Keewatin. Il y a aussi cette différence. Nous ne parlons pas seulement de changement climatique, mais de modifications dans les saisons, qui arrivent plus tard ou plus tôt selon la localité où vous vous trouvez au Nunavut.
Je tiens à parler également de la fonte des neiges. Nous savons que la neige fond plus rapidement à l'intérieur des terres et qu'elle ne fond pas aussi vite dans les localités côtières. Plus on va vers le nord, moins la neige fond vite par rapport aux zones méridionales du Nunavut.
Donc quand il y a une intervalle de deux semaines, les phoques migrent vers le nord afin de profiter des floes pour s'étendre au soleil. Il y a donc ce déplacement dicté par les saisons également.
Merci.
Je poursuis dans la même veine que M. Simms. Une petite précision. Constatez-vous une réduction du troupeau? Y a-t-il moins de phoques à cause du changement climatique?
Dans le sud, on a constaté qu'il y a tout autant de phoques qu'auparavant, voire plus. On constate tout simplement que les phoques mettent bas sur les plages, sur les rebords et sur les petites îles rocheuses plutôt que sur la glace.
Je vous signale que dans son exposé M. Ningeocheak en a parlé. Il a dit que malgré les changements climatiques que l'on connaît dans le nord... il a constaté que la population de phoques s'adaptait bien.
Il a mentionné qu'il voyait des populations de phoques dans des zones différentes. Personne n'a constaté une baisse de leur abondance mais on a seulement remarqué qu'ils se retrouvaient dans des zones différentes. Ainsi, les phoques s'adaptent aux changements climatiques.
[Traduction]
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
Monsieur le président, j'ai vécu toute ma vie avec les phoques. Mon grand-père m'a appris à chasser le phoque. Ce sont nos ancêtres qui le faisaient avant que l'homme blanc arrive dans nos contrées. Les phoques ne cessent de se déplacer — nous le savons — car ils cherchent des aires d'alimentation. Nous savons que certains groupes hivernent dans une zone donnée, mais d'autres, ceux qui ont des blanchons plus petits et plus jeunes, peuvent migrer d'un endroit à l'autre à la recherche des aires d'alimentation. Ainsi, ils sont constamment en déplacement. C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Bonjour.
Je ne sais pas de quelle façon on va procéder pour se comprendre. Vous pourrez probablement lire dans mes yeux ce que je dis. J'ai beaucoup de respect pour ce qui touche votre témoignage. J'ai l'impression que vous êtes en train de nous révéler que les gens d'ici ont encore beaucoup de choses à apprendre. Vous parlez avec beaucoup de sagesse. Je pense que les Européens, les Canadiens et les Québécois ont besoin de cette sagesse.
Jusqu'à maintenant, vous avez, à certains égards, souffert de l'impact de la campagne contre la chasse. Dans le comté que je représente, il y a des chasseurs de phoques depuis environ 300 ans. Ça fait donc un peu partie de notre histoire également.
La campagne contre la chasse a débuté il y a 30 ans environ, et je me demandais quel genre d'interventions vous aviez réussi à faire, si le gouvernement canadien et Pêches et Océans Canada vous avaient donné leur appui et, le cas échéant, dans quelle mesure.
[Traduction]
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
Merci beaucoup. Je comprends exactement ce que vous dites et je peux comprendre votre sensibilité face à cette question.
Lorsque nous avons eu de la chance et que nous avons découvert que nous pouvions être représentés par votre président pour ce qui est des questions de la chasse au phoque, je lui ai écrit en lui disant fermement qu'à titre de gouvernement canadien, il vous incombe de représenter nos intérêts dans les pays européens et de vous occuper des politiques dans le cadre des relations intergouvernementales, tout en représentant nos intérêts d`'un gouvernement à l'autre, et nous vous avons demandé de représenter nos intérêts face aux divers gouvernements.
Nous savons qu'à titre individuel, nous n'avons pas beaucoup à dire sur ce qui se passe avec les politiques gouvernementales, ou même les tendances qui surviennent dans le monde, mais si notre gouvernement nous représentait, nous aurions une meilleure chance de nous faire entendre. Nous sommes Canadiens, et nous avons donc interpellé notre gouvernement canadien, qui nous représente et parle en notre nom sur ces questions.
Encore une fois, pour ce qui est de la chasse au phoque et de notre intérêt spécial dans ce domaine, je veux mentionner pour la dernière fois que nous sommes un peuple autochtone du Canada, mais que nous sommes distincts des autres peuples autochtones du Canada. Les Inuits sont des contribuables. Nous sommes fiers d'être des contribuables, parce que nous sommes Canadiens. Nous appuyons les gouvernements fédéral et provinciaux en payant des impôts; ainsi, nous nous attendons à ce que les gouvernements provinciaux et fédéral... Il y a des Inuits au Nunavut, au Québec, au Labrador et dans d'autres régions qui sont des contribuables, et nous nous tournons vers les gouvernements pour qu'ils nous appuient, parce que nous appuyons nos gouvernements, à titre de Canadiens.
Merci.
[Français]
Il s'agit d'un très bon message.
Maintenant, j'aimerais vous dire ceci : depuis que je me suis impliqué dans le dossier sur la campagne contre la chasse au phoque, j'ai compris que nous avions affaire à des puissants. Il s'agit, dans un sens, de multinationales. En effet, la Humane Society et le groupe IFAW disposent chacun d'environ 100 millions de dollars US provenant de dons du public. Ces fonds ont été recueillis dans le cadre des campagnes qu'ils mènent, de façon démagogique, en ayant largement recours à la désinformation.
Pour ce qui est de la chasse au phoque, je m'aperçois de plus en plus à quel point il est important que le message soit transmis par les gens qui la font, qui en vivent et qui ont en eux cette culture. Il faut que ces personnes aillent en Europe et rencontrent les Européens, notamment, de même que les Américains, éventuellement. De cette façon, le message sera davantage reçu. Pendant près de 30 ans, nous nous sommes fiés à nos politiciens, à nos représentants. Ils ont probablement essayé de régler le problème, mais je ne pense pas qu'ils y aient mis suffisamment d'efforts. De plus, le message transmis par une personne qui fait la chasse au phoque et en vit a plus de poids que celui d'un porte-parole.
Dans cette optique, j'ai fait venir des gens des Îles-de-la-Madeleine à Québec et à Ottawa pour qu'ils rencontrent des parlementaires européens. En outre, quelques parlementaires sont venus chez nous. Soit dit en passant, je serais honoré de vous recevoir chez nous. Vous pourriez alors parler avec d'autres chasseurs de phoques. Entre chasseurs, j'imagine que vous pourriez bien vous entendre. À mon avis, il est important — et ça va probablement faire partie de nos recommandations — que le message devant faire contrepoids à la campagne actuelle soit livré par des gens comme vous. Selon moi, ça peut porter fruit. La bataille sera vraiment très difficile, mais elle n'est pas encore perdue.
[Traduction]
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
Merci, monsieur le président. Vous avez dit plus tôt qu'il fallait exercer des pressions auprès des pays européens. Je suis d'accord. Mais je dis également qu'il incombe à notre gouvernement de nous représenter; et étant donné que le gouvernement représente notre lien avec les autres pays européens, il sait ce qui se passe, et il est invité à les rencontrer.
Ainsi, selon moi, notre gouvernement et les Inuits devraient s'entendre pour travailler ensemble, dans une même équipe, lorsque le gouvernement canadien est invité à envoyer une délégation à ces discussions sur la chasse au phoque, et nous devrions faire partie de cette délégation du gouvernement canadien. Je dis cela en raison des coûts très élevés du voyage et de la responsabilité du gouvernement de nous représenter. Nous sommes plus que prêts à travailler en partenariat avec notre gouvernement si celui-ci nous invite à participer à ces voyages.
Merci.
J'aimerais tenter de répondre à certaines des questions de Raynald au sujet des efforts que nous avons faits. Du point de vue du personnel, nous tentons de travailler en étroite collaboration avec le comité scientifique du ministère des Pêches et des Océans, ainsi qu'avec la NAMMCO et l'Institut de la fourrure du Canada afin de veiller à disposer de toutes les statistiques, au cas où certaines personnes diraient que ce que nous faisons n'est pas durable. À cet égard, nous avons travaillé avec ces organisations, mais pour ce qui est d'une campagne publique, je suis d'accord pour dire qu'il s'agit d'un domaine dans lequel nous devons être plus engagés, plus impliqués dans ces domaines.
Merci.
Je veux simplement ajouter quelque chose rapidement. Le programme d'étude Nunavut Sivuniksavut a été créé il y a plus de 20 ans ici, à Ottawa. En 1996, je crois, les étudiants se sont rendus en Europe pour présenter des produits faits à partir de peaux de phoque et pour discuter des questions touchant la chasse au phoque avec les Européens, ce qui fait que les Inuits se sont rendus là-bas pour discuter de cette question. Le président d'ITK a également communiqué avec le Roi de Belgique, par exemple, lorsque la Belgique a indiqué vouloir interdire les produits dérivés du phoque.
Nous nous sommes donc déjà rendus en Europe, mais comme mes deux collègues l'ont indiqué, nous croyons qu'il faut faire davantage, et nous aimerions que le gouvernement nous appuie.
Tout d'abord, monsieur le président, merci d'avoir organisé cette séance aujourd'hui. Et merci aux témoins d'avoir fait tout ce chemin pour expliquer l'importance des phoques dans vos vies.
Je veux simplement vous rassurer, mais je ne peux pas parler au nom du comité. Lorsque nous recevons des témoignages de membres des Premières nations ou des collectivités autochtones, il semble souvent que vous vous excusiez pour votre style de vie ou votre culture, et je veux vous assurer que vous ne devriez pas penser que vous devez vous excuser ou nous expliquer votre culture, parce qu'un grand nombre d'entre nous comprennent, respectent et tiennent en très haute estime la culture du Nunavut. Si certaines personnes au Canada choisissent de ne pas le faire, je crois que vous devriez simplement ne pas vous en occuper et poursuivre. Nous vous remercions de votre invitation, mais, je vous en prie, ne pensez jamais que vous devez vous excuser, en particulier lorsque vous avez transmis vos traditions à la jeune génération; nous espérons qu'ils pourront transmettre votre culture aux générations futures et à leurs enfants, et ainsi de suite.
Monsieur, vous avez mentionné une résolution du Conseil européen, selon laquelle cela ne devrait pas avoir d'incidence sur les modes de vie traditionnels. Je crois que vous avez utilisé le terme « devrait ». Tous ceux qui ont déjà participé à des négociations collectives savent que si on voit le mot « devrait » dans une résolution, une motion, ou toute autre chose du genre, cela peut signifier pratiquement n'importe quoi, et si, comme M. Blais l'a indiqué, le gouvernement du Canada a invité des gens de votre stature afin d'expliquer les répercussions que peuvent avoir sur votre culture les actions des groupes de protection des animaux, même s'ils comparaissent devant nos comités en disant qu'ils n'ont pas l'intention de faire du tort à votre mode de vie — eh bien, c'est exactement ce qu'ils font, même s'ils ne l'admettent pas, et je suis tout à fait d'accord pour dire que vous devriez faire partie de toutes les délégations à l'avenir.
Ma question porte sur l'utilisation de renseignements scientifiques dans le Nord, non seulement en ce qui concerne le réchauffement planétaire mais également le nombre de phoques, le nombre de prises. Selon vous, avez-vous suffisamment d'appui de la part du ministère des Pêches et des Océans au Nunavut? Pourriez-vous me parler de la relation de travail que vous entretenez avec les représentants du ministère? Croyez-vous que le ministère pourrait faire davantage — peut-être en vous accordant des ressources supplémentaires — ou croyez-vous que la situation actuelle est adéquate?
Et merci de votre présence.
Merci, monsieur Stoffer, pour ces questions, ainsi que pour votre appui et votre reconnaissance de notre potentiel, si nous faisions partie des campagnes à l'avenir.
Au sujet de vos questions sur le soutien fourni par Pêches et Océans Canada, malheureusement, peut-être pour des raisons d'orientation politique, l'appui au Nunavut diminue depuis quelque temps, que ce soit du point de vue de l'application de la loi ou du financement scientifique. Les gens du Nunavut se demandent où est le MPO, parce que nous chassons d'autres mammifères marins, pas seulement les phoques — des baleines et d'autres mammifères marins — et que nous faisons partie du Canada. Même si nous avons nos propres accords de revendications territoriales, nous sommes toujours régis par le Canada, avec la reconnaissance de nos revendications territoriales.
Je peux dire, sans beaucoup d'hésitation, que même si nous sommes des partenaires de gestion avec le MPO, le financement direct ainsi que l'appui et la présence du MPO ont diminué au cours des dernières années.
Merci.
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
Merci monsieur le président. Je suis d'accord avec ce que M. Stoffer a dit plus tôt. Nous devons travailler de concert avec notre gouvernement pour obtenir des résultats.
Nous avons déjà travaillé avec un gouvernement conservateur dans le passé. En 1993, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut a été approuvé par le gouvernement du Canada, qui était conservateur à l'époque. Aujourd'hui, nous avons à nouveau un gouvernement conservateur.
Toutefois, en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le gouvernement n'a pas respecté certaines de ses obligations. Il a fallu cinq ans pour obtenir des résultats avec les gouvernements.
Comme vous le savez, nous sommes prêts à travailler avec les gouvernements, et nous avons signé des accords avec les gouvernements canadiens en toute bonne foi. Mais parfois, travailler avec le gouvernement peut prendre beaucoup de temps; cela prend trop de temps. Une attente de cinq ans pour la mise en application de certains des objectifs des revendications territoriales, c'est trop long. Nous sommes prêts à travailler avec les gouvernements.
Je ne dis pas que seul le gouvernement conservateur, qui a signé l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut en 1993, est responsable. Ce que je dis, c'est que la façon dont le gouvernement prend des mesures aujourd'hui prend un peu trop de temps pour le Canadien moyen; je parle selon mon expérience pour ce qui est de la mise en application de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Cela n'a rien de personnel, si vous êtes le gouvernement conservateur.
Merci monsieur le président.
Monsieur Stoffer, au sein de notre organisation, et je crois que cela vaut aussi pour nos collègues régionaux, il y a une volonté de travailler avec le MPO. Malheureusement, l'un de nos problèmes porte sur la capacité. À ITK, au sein de notre département de l'environnement, il y a généralement trois personnes qui s'occupent des questions liées à la faune dans toutes les régions du Canada. Cela comprend les espèces en péril — ces jours-ci, on voit les ours polaires un peu partout dans les nouvelles — et cela comprend les espèces marines, et cela comprend la chasse aux phoques. Si je vous faisais part de notre budget pour ce qui est du travail sur les questions liées à la faune, vous ririez probablement de moi.
Comme je l'ai dit, il y a une certaine volonté, mais nous n'avons pas la capacité de travailler avec le MPO dans la mesure où nous le voudrions.
Tous ici comprennent, et nous comprenons, que la chasse aux phoques est un enjeu important pour le Canada. Nous faisons de notre mieux avec les ressources dont nous disposons. Il y a une volonté là-bas, et je suis certain qu'il y a aussi une volonté dans les régions, comme Gabriel l'a dit. Il est difficile d'égaler ce que le MPO fait avec nos propres ressources.
Nous comprenons certaines des limites auxquelles vous faites face, et certains des enjeux auxquels le MPO fait face. Nous tentons de régler le plus grand nombre possible de ces enjeux.
Monsieur Manning.
Merci monsieur le président, et merci à nos invités d'être présents ici aujourd'hui.
Je viens de l'Île de Terre-Neuve et du grand territoire du Labrador, et je comprends l'importance de la culture et du patrimoine. Je veux vous féliciter sincèrement, les jeunes et les plus vieux, pour vos efforts remarquables en vue de préserver votre culture et votre patrimoine. Pour ce faire, il faut une durabilité et un certain mode de vie, et je crois que l'objectif de votre présence ici aujourd'hui est de veiller à ce que nous comprenions à quel point il est important de pouvoir préserver le mode de vie que vous avez à l'heure actuelle.
L'une des observations de M. Ningeocheak portait sur l'éducation, le fait que l'éducation est essentielle. Selon moi, il est clair que votre courte présence ici aujourd'hui nous a tous beaucoup éduqués. Certainement, si le gouvernement du Canada quel qu'il soit — passé, présent et futur — ne travaille pas de concert avec vous afin de vous aider à préserver votre mode de vie, nous devrions tous avoir honte, à mon avis.
Dans l'une de vos observations, vous avez fait référence à vos mitaines à « manchettes », et il s'agit d'un terme que nous utilisons toujours à Terre-Neuve.
Vous avez mentionné que votre industrie des arts et de l'artisanat était d'une importance secondaire par rapport à la chasse aux phoques. Je regarde les jeunes qui sont ici aujourd'hui, et je vois des produits remarquables. Combien cette industrie vaut-elle dans vos collectivités, en dollars? Vous avez mentionné ce que les phoques eux-mêmes valent, et je comprends que vous utilisez les phoques en entier. Mais l'industrie des arts et de l'artisanat dans vos collectivités doit avoir une certaine valeur. J'aimerais savoir ce qu'elle représente, en dollars.
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
Merci monsieur le président. J'aimerais rediriger cette question à notre directeur de la faune. À titre de représentant élu, je m'occupe de politique, mais c'est M. Nirlungayuq qui pourra répondre à cette question, puisqu'il s'occupe directement de cette question.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Manning, merci de vos questions.
Nous en avons parlé plus tôt. Nous avons exporté 6 000 peaux l'an dernier, mais ce chiffre est extrêmement bas. Comme vous le comprenez, le prix des peaux recommence à augmenter. Traditionnellement, nous en exportions davantage. Pour ce qui est des peaux brutes seulement, les diagrammes à barres ici indiquent qu'en 1975, les exportations approchaient les 50 000 peaux. Il s'agit d'une très grande différence par rapport à la situation qui prévalait avant l'effondrement des prix du produit. La valeur ajoutée des peaux se compte en millions de dollars. Peu importe qu'on les vende à quiconque veut les acheter sur le marché ou à des gens qui les utilisent, je n'ai pas les chiffres exacts, mais nous parlons de millions de dollars.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup. Il est important de comprendre que nous ne parlons pas simplement de la chasse au phoque; c'est la transformation secondaire qui signifie tant pour vos collectivités, pour la survie de ces collectivités et, ainsi, pour la survie de votre patrimoine et de votre culture.
Vous avez mentionné, Robin, qu'il y a environ 20 ans, des jeunes gens de vos collectivités se sont rendus en Europe pour présenter certains produits d'artisanat. Ai-je raison? Vous ai-je bien compris?
C'était il y a environ 10 ans. Il s'agissait d'un groupe qui ressemble beaucoup à celui-ci. C'était le même programme. C'était en 1996.
Ils ont présenté certains produits d'artisanat, mais la principale raison pour laquelle ils se sont rendus là-bas, c'était pour discuter de la question de la chasse au phoque. Pour ce qui est de l'artisanat, ils ont pu présenter leurs vêtements, mais ils voulaient participer à un dialogue avec les Européens afin de leur faire comprendre pourquoi la chasse au phoque est si importante pour nous.
Ce que je veux dire, et peut-être pourrez-vous m'aider, c'est que des délégations sont parties du Canada avant ce temps et depuis. Vous avez dit que vos gens n'ont pas fait partie de ces délégations autant que vous l'auriez voulu. Des efforts ont-ils été réalisés, à part ceux d'aujourd'hui? Je veux simplement m'assurer que votre peuple a fait des efforts auprès du gouvernement du Canada auparavant et continue pour faire partie de ces délégations.
Je crois réellement, après avoir entendu votre exposé, que votre présence au sein de ces délégations ajouterait du poids au message que nous tentons de faire passer. Votre présence serait très importante. Je me demande simplement quels efforts vous avez faits et quels ont été les résultats de ces efforts.
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
Merci monsieur le président. J'aimerais répondre à la question de M. Manning.
Vous avez parlé du voyage qui a été fait il y a 10 ans en Europe; oui, il y a eu un voyage il y a 10 ans. Je m'en souviens. Les étudiants du programme Nunavut Sivuniksavut ont par la suite fait rapport à NTI de ce dont ils avaient discuté lors du voyage. Ils ont parlé de la culture des Inuits, de notre mode de chasse et de notre conservation. Les jeunes gens du programme Nunavut Sivuniksavut nous ont très bien représentés, à titre d'ambassadeurs.
Oui, nous aimerions pouvoir nous rendre dans d'autres pays pour faire la promotion de notre mode de vie et parlé de nos préoccupations, mais, encore une fois, nous n'avons pas les ressources financières nécessaires. Donnez-nous de l'argent et nous irons.
Encore une fois, monsieur le président, on ne nous a jamais demandé ce qu'étaient nos préoccupations au sujet de l'industrie de la chasse au phoque et de l'interdiction. On ne nous a jamais consultés afin de savoir quelles répercussions cela avait sur nos vies lorsque la situation a commencé à se détériorer.
Je veux vous assurer qu'il y a une volonté de notre part de travailler avec votre gouvernement, dans l'intérêt de notre peuple. Lorsque nous discutons avec un groupe de gens et que nous acceptons de travailler en partenariat, nous le faisons en toute bonne foi, et je suis impatient de travailler avec vous, dans un avenir très approché, afin de résoudre certains des problèmes qui nous touchent, comme Canadiens.
Merci.
Je ne suis ici — c'est-à-dire élu — à Ottawa que depuis un an, mais selon les comités dont j'ai fait partie, ce comité-ci, sur les pêches et les océans, fait fi des lignes de parti pour ce qui est de son appui à la chasse au phoque. Je crois donc que tous ont clairement compris votre message. Peu importe la langue dans laquelle vous vous exprimez aujourd'hui, je crois que le message est le même, et j'en suis heureux.
Je voudrais poser une question complémentaire à la dernière question, si vous me le permettez, Robin. Peut-être ne voudrez-vous pas nous donner ce renseignement, mais quel est votre budget pour ce qui est des questions liées à la faune?
Mon propre budget pour travailler sur les espèces en péril est de 190 000 $ sur deux ans; permettez-moi d'ajouter que je n'ai pas reçu ce montant. Nous avons présenté notre proposition il y a plusieurs mois, l'exercice financier tire à sa fin et nous n'avons toujours rien reçu. C'est le seul financement que mon mentor et moi-même recevons pour travailler sur toutes ces questions liées à la faune. La plus grande partie du financement, afin de payer pour le travail que nous faisons, provient de notre financement de base. Ça ne devrait pas être ainsi, mais il s'agit de la seule source de financement pour effectuer le travail.
La faune est très importante à nos yeux, de même que les 196 000 $ nécessaires pour que mon collège et moi-même puissions continuer à travailler à résoudre les questions liées à la faune, et cet argent n'a toujours pas été fourni.
Que diriez-vous de transmettre ce message?
Monsieur Lunney, vous avez une question rapide, une dernière question.
Oui. Il s'agit davantage d'une observation.
Je veux simplement vous remercier tous de vos exposés aujourd'hui. Ils ont été très éloquents et persuasifs. Je crois que vous êtes très convaincants. Je ne sais pas comment vous avez réussi à amener autant de jeunes gens ici aujourd'hui, parce que nous savons qu'il coûte terriblement cher de voyager à partir du Nord. Et aussi, à M. Raymond Ningeocheak, qui a dû voyager pendant 15 heures pour venir jusqu'ici sans pouvoir se reposer avant sa comparution... Nous apprécions énormément votre présence aujourd'hui.
Un grand nombre des membres autour de la table viennent de régions côtières, mais mon collègue Randy Kamp et moi-même venons de la côte ouest du Canada. Je crois pouvoir m'exprimer au nom des membres du comité autour de la table, mais nous croyons qu'il ne s'agit pas d'une question à laquelle les Terre-Neuviens devraient faire face seuls, pour ce qui est de la chasse au phoque. Il ne s'agit pas d'une question que les habitants des Îles-de-la-Madeleine devraient devoir résoudre seuls, ni les gens du Nunavut, par ailleurs. Il s'agit d'une question à laquelle il faut s'attaquer ensemble, à titre de nation.
Je veux vous mentionner qu'il y a un très fort appui autour de cette table, et nous croyons que votre présence avec nous aujourd'hui renforce beaucoup l'argument et la position du Canada au sujet de la raison pour laquelle nous agissons ainsi au pays et pourquoi nous n'avons pas à présenter nos excuses aux Européens, mais nous devons faire face ensemble.
Je suis heureux d'entendre le mot « ensemble » ressortir de la discussion aujourd'hui. J'ai entendu une suggestion selon laquelle il faut que vous vous y rendiez, et nous aimerions que vous vous y rendiez, mais je ne crois pas que vous devriez y aller seuls. Vous devriez y aller avec une délégation. Nous aimerions veiller à ce que vous y alliez ensemble, avec toutes les ressources dont nous disposons, pour rendre votre histoire aussi convaincante que possible.
Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui et d'avoir rendu votre histoire aussi claire.
J'en déduis, qu'il s'agissait là d'une déclaration et non pas d'une question. Merci, monsieur Lunney. Vous vous êtes fort bien exprimé.
J'aimerais remercier sincèrement nos témoins d'être venus de si loin pour participer à cette intéressante discussion aujourd'hui.
J'aimerais aborder une dernière question, soit celle qui touche les Inuits du Groenland. Ces Inuits ont des liens directs avec l'Europe, avec le Danemark. Je ne sais pas exactement la nature de l'association du Groenland avec le Danemark ou comment nous pouvons exploiter vos liens avec ce groupe; je crois cependant qu'il existe un lien et que cela vous offre une porte d'entrée à l'Europe, un outil qui n'a pas été suffisamment utilisé. Je me demande si vous avez pensé à cette possibilité, ou si vous avez déjà songé à des façons d'exploiter ces contacts.
Oui, monsieur Ningeocheak.
M. Raymond Ningeocheak (Interprétation):
J'aimerais d'abord, monsieur le président, vous remercier d'avoir pris le temps d'écouter nos doléances aujourd'hui. La chasse au phoque ne représente qu'un élément de la mise en oeuvre quotidienne de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Si vous étudiez cet accord, vous constaterez que l'article 5, qui en est le plus long, porte sur les ressources fauniques. Ces ressources ont toujours joué un rôle très important dans notre vie et occupent une bonne partie de notre temps.
Lorsque je parle des ressources fauniques, je parle également des autres questions que nous devons régler, comme l'utilisation des ours polaires et les quotas accordés. Les scientifiques et les biologistes annoncent pratiquement à toutes les semaines qu'il y a peut-être effondrement des populations de caribous, ou même d'espèces halieutiques. Ils font ces suppositions, ils font ces belles annonces sur nos ressources fauniques, sans pour autant nous consulter ou nous inviter à participer à ces études. On ne vient jamais faire appel à nos connaissances traditionnelles sur les ressources fauniques ou la gestion. Nous voulons participer au processus décisionnel.
J'aimerais signaler qu'en 1971 l'ITC, qui s'appelle aujourd'hui l'ITK, a vu le jour. Je me souviens que j'avais passé deux semaines à l'Université Carleton où un groupe d'Inuits participait à la rédaction des règlements ou à la vision de ce que serait Inuit Tapiriit du Canada. Nous étions là pour une seule raison, pour collaborer comme groupe d'Inuits pour obtenir notre autonomie politique. C'est ce qui m'anime aujourd'hui, ce qui m'a toujours animé.
Encore une fois, j'aimerais rappeler que nous avons des connaissances traditionnelles en ce qui a trait aux ressources fauniques et que nous devons avoir voix au chapitre dans l'élaboration de politiques qui touchent l'utilisation des ressources fauniques du Nunavut.
Merci.
J'aimerais répondre brièvement à votre question sur notre collaboration avec les Inuits du Groenland. Malheureusement, ils vivent dans un autre pays, qui fait partie du Royaume du Danemark. Il y a eu il y a quelques années un incident car ils essayaient d'interdire l'importation de produits provenant du Canada. Nous avons profité de nos liens, si vous voulez, puisque nous faisons partie de la même culture inuite et les avons exhortés à revenir sur cette décision en disant qu'ils allaient nuire à leurs compatriotes tout compte fait.
Vous avez raison, nous n'avons pas exploité ce lien. Je crois qu'il faut avouer que puisque nous partageons une culture, ces liens offrent peut-être certaines possibilités.
Merci.
J'aimerais dire quelque chose non pas vraiment pour répondre à votre question, mais pour apporter une précision suite aux commentaires qu'a faits M. Lunney.
J'espère qu'un jour nous pourrons assurer le transport par avion de 25 personnes pour venir à ce genre de réunion. Les étudiants qui sont ici aujourd'hui vont en fait à l'école à Ottawa. Je ne voulais pas que vous pensiez que nous avions l'argent nécessaire pour aller n'importe où; c'est une petite précision que je me devais d'apporter. Ils vont à l'école ici, sur la rue Dalhousie.
J'aimerais également signaler que nous avons appris que certains groupes de défense des droits des animaux organiseront une manifestation sur la Colline parlementaire le 15 mars. Les étudiants du programme Nunavut Sivuniksavut ont déjà organisé une contre-démonstration, l'année dernière, un événement assez réussi. Ils feront la même chose le 15 mars.
J'y serai. J'espère que nous pouvons compter sur votre appui.
J'aimerais apporter une petite précision car je ne voudrais pas que les gens soient déçus. Je crois que cette journée tombe pendant une semaine de relâche parlementaire et certains députés ne pourront peut-être pas être en ville. Je ne veux pas vous décevoir mais je pense que je dois être à Toronto ce jour-là.