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La séance est ouverte. Bonjour à tous.
Bienvenue à la 13e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Conformément à l'ordre de renvoi du samedi 11 avril, le Comité se réunit afin de recueillir des témoignages sur diverses questions concernant la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19. La réunion se déroulera par vidéoconférence et le procès-verbal sera publié sur le site Web de la Chambre des communes.
Tout d'abord, je rappelle aux membres du Comité et aux témoins qu'il faut attendre que j'appelle votre nom avant de prendre la parole. Pour intervenir, ouvrez votre microphone, puis fermez-le avec la touche Discrétion quand vous avez fini. Je vous demande aussi de parler lentement et clairement pour faciliter le travail des interprètes. Comme à l'habitude, je vais brandir un carton jaune pour indiquer qu'il reste 30 secondes, et un carton rouge quand votre temps de parole est écoulé.
Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons le directeur général de la Canadian Communication Systems Alliance, Jay Thomson, qui est accompagné d'un membre de son conseil d'administration, Ian Stevens, directeur général d'Execulink Telecom. Nous recevons aussi le maire de la City of St. Clair Township, Steve Arnold; la directrice exécutive d'OpenMedia, Laura Tribe; le président du conseil d'administration et directeur du conseil électoral, section C, du District régional de Kootenay de l'Est, Rob Gay, ainsi que le vice-président, Affaires réglementaires et distributeurs chez TekSavvy Solutions, Andy Kaplan-Myrth.
Chaque organisme nous fera un exposé de cinq minutes, puis nous passerons aux rondes de questions. Nous commençons avec la Canadian Communication Systems Alliance, dont le porte-parole est M. Thomson, je crois. Vous avez cinq minutes.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux membres du Comité, et tout particulièrement à mon député, M. Amos.
Je suis ravi de vous voir, monsieur Amos.
Je vais me présenter à nouveau. Je m'appelle Jay Thomson et je suis le directeur général de la Canadian Communication Systems Alliance, ou CCSA. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Ian Stevens, membre de notre conseil d'administration et directeur général d'Execulink, une entreprise établie dans la ville de Woodstock, dans le sud-ouest de l'Ontario.
Merci de me donner l'occasion de participer à ces importantes délibérations concernant la réponse du Canada à la pandémie de COVID-19.
À l'instar d'Execulink, les membres de la CCSA sont de petites et moyennes entreprises de communications indépendantes qui fournissent des services Internet à large bande, de vidéo et de téléphonie dans les petites collectivités et les régions rurales du pays principalement. Leurs services sont devenus essentiels pour les Canadiens durant la pandémie, comme tous les gouvernements l'ont reconnu et confirmé.
Je peux vous garantir que nos membres prennent la désignation de services essentiels très au sérieux. Ils ont vraiment à cœur de garder les Canadiens branchés durant ces temps difficiles et de satisfaire aux demandes grandissantes d'installations, de vitesse et de bande passante mensuelle.
C'est pourquoi nos membres ont été très proactifs et ont pris l'initiative de suspendre les limites d'utilisation de données Internet et la facturation des frais de dépassement, de continuer à répondre aux appels de service — en prenant garde de renforcer leurs mesures de sécurité —, et d'annuler les pénalités de retard de paiement. Comme nos membres fournissent aussi des services vidéo, ils sont en pourparlers avec divers télédiffuseurs pour offrir l'accès à des chaînes en visionnement gratuit, et notamment à certaines qui se spécialisent dans les contenus pour enfants afin d'élargir le choix d'activités pour ceux qui devront rester plus longtemps à la maison.
Comme vous le savez, madame la présidente, la Chambre des communes a tenu la première séance virtuelle de son histoire la semaine dernière. Les parlementaires se sont réunis par vidéoconférence, comme le font des milliers de Canadiens depuis quelques semaines quand ils veulent parler aux membres de leur famille et à leurs amis, accéder à l'éducation en ligne et à des services d'urgence, ou continuer de travailler, comme nous le faisons en ce moment.
Cela dit, nous savons que le déroulement de la séance parlementaire virtuelle de la semaine dernière a connu quelques ratés. Certains participants entendaient mal les interventions de leurs collègues ou avaient de la difficulté à se connecter au système d'interprétation simultanée. Selon l'endroit où ils vivent, les députés n'avaient pas la même capacité de participer pleinement aux délibérations puisque la qualité de la connexion à Internet varie d'un lieu à l'autre.
La majorité des Canadiens vivent dans des centres urbains et peuvent avoir une bonne connexion à un réseau à large bande, mais les millions d'autres qui ne vivent pas en ville n'ont pas cette chance. Les problèmes rencontrés par les députés lors de la séance parlementaire virtuelle offrent un exemple parfait des lacunes qui existent au Canada pour ce qui concerne l'accès à un service d'accès Internet à large bande de qualité.
C'est à cause de ces lacunes que la CCSA et d'autres organismes représentant les petits fournisseurs de services de communications ont uni leurs voix pour convaincre le gouvernement d'investir au plus vite dans les services à large bande dans les régions rurales afin de permettre à un plus grand nombre de Canadiens de se brancher rapidement. Parmi les pistes qui seront envisagées pour favoriser le redressement financier et social du Canada après la pandémie de COVID-19, le Comité devrait placer en tête de liste l'accélération des investissements dans les services à large bande dans les régions rurales.
Il est essentiel d'investir davantage et plus rapidement dans une infrastructure à large bande pour améliorer la capacité de tous les Canadiens de contribuer à notre économie numérique. Cet investissement jouera un rôle déterminant dans la relance économique, la création de possibilités d'emploi et la croissance des entreprises.
Des centaines de fournisseurs locaux et indépendants de services Internet permettent aux Canadiens de rester branchés durant la crise. Ils aimeraient étendre leurs réseaux pour que plus de personnes encore aient accès à Internet mais, à cause des faibles densités de population dans les régions visées, ce genre de projet ne peut pas être rentable sans une aide gouvernementale.
Une aide suffisante et bien répartie, ainsi que la création de partenariats avec le gouvernement permettraient aux fournisseurs locaux d'offrir rapidement leurs services à beaucoup plus de Canadiens.
Au fil des années, nous avons établi une collaboration constructive avec tous les ordres de gouvernement afin d'offrir à l'ensemble des Canadiens, peu importe où ils vivent, la possibilité de contribuer activement à notre société et à notre économie numériques. Plus que jamais, nous avons la conviction qu'il faut unir nos efforts pour que les Canadiens puissent avoir accès aux services de communications essentiels et à des données cruciales, exactes et à jour, et pour qu'ils puissent rester en contact avec leur famille, leurs amis et leurs collègues.
Il est évident qu'un investissement dans les services à large bande en région rurale profitera au Canada. L'accès universel à ces services donnera la possibilité à davantage de Canadiens de participer et de contribuer pleinement à notre économie moderne. C'est essentiel pour aider notre pays à se relever plus rapidement.
Avec un accès universel, plus aucun parlementaire, peu importe où se trouve sa circonscription dans notre vaste et merveilleux pays, ne sera empêché de remplir ses responsabilités démocratiques à cause d'un problème de connexion.
De nouveau, merci pour cette occasion de participer à vos travaux. Nous répondrons à vos questions avec grand plaisir.
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Bonsoir. Merci de votre accueil.
J'aimerais tout d'abord souligner que je me trouve actuellement à Ottawa, le territoire ancestral non cédé de la nation algonquine.
Je m'appelle Laura Tribe et je suis la directrice exécutive d'OpenMedia, un organisme communautaire qui milite pour Internet libre, abordable et exempt de surveillance.
Il y a huit semaines, l'Organisation mondiale de la santé déclarait un état de pandémie. Aujourd'hui, je vais parler de l'outil qui nous permet à tous de passer à travers cette période, et j'ai nommé Internet, bien entendu. Il a fallu quelques jours à peine pour que le pays tout entier opère une migration en ligne que jamais nous n'aurions crue possible. En un tournemain, des milieux de travail ont commencé à fonctionner à distance, des magasins ont adopté des solutions de cybercommerce, des restaurants sont passés aux applications de livraison et des écoles ont commencé à offrir de l'enseignement en ligne.
C'est Internet qui maintient la cohésion du pays, qui garde les gens au travail, qui permet aux familles de rester en contact et à notre démocratie de continuer de fonctionner. C'est aussi grâce à Internet que je peux m'adresser à vous en toute sécurité depuis mon domicile.
Imaginez votre état de stress si vous perdiez votre connexion Internet maintenant. Comment vous sentiriez-vous si la panne durait une semaine ou un mois? Comment réagiriez-vous si le gouvernement vous demandait d'attendre encore 10 ans avant que la connexion soit rétablie? C'est impensable, n'est-ce pas? C'est pourtant ce que vivent les résidants des régions rurales du Canada. Si vous ne faites rien immédiatement, c'est le sort qui attend des centaines de milliers de Canadiens pendant les 10 prochaines années. C'est cette aberration que je vous demande de corriger.
Je vais vous donner quelques statistiques sur les services Internet résidentiels au pays. Parmi les ménages canadiens, 1 sur 10 n'a pas de connexion Internet à la maison. Seulement 41 % des ménages ruraux ont accès à une vitesse de téléchargement de 50 mégabits par seconde et de téléversement de 10 mégabits par seconde, qui est la cible établie par le CRTC. Dans les réserves de Premières Nations, ce pourcentage tombe à 31 %. C'est inacceptable, et la COVID-19 n'a pas aidé. Avant la pandémie, ceux qui n'avaient pas accès à Internet à la maison pouvaient compenser en utilisant les connexions sans fil des bibliothèques publiques, des écoles ou du Tim Hortons. Ce n'est plus possible, et ce n'est pas forcément plus rose pour ceux qui ont Internet. Un sondage récent a révélé que plus du tiers des Canadiens se plaignent que les vitesses sont plus lentes depuis l'éclosion de la COVID-19. Encore là, c'est inacceptable.
Il y a quand même des nouvelles encourageantes. Vous avez déclaré, tous partis politiques confondus, qu'il fallait éliminer le fossé numérique. La a promis d'accélérer le déploiement des services à large bande en région rurale. a publié un nouveau plan pour brancher les Canadiens d'ici 2021 et non 2030. a réclamé une stratégie nationale en matière de services à large bande. Vos partis représentent la très vaste majorité des Canadiens, et tous ont déclaré qu'il fallait en faire davantage pour que l'ensemble des Canadiens aient accès à Internet durant la crise de la COVID-19. Nous avons assez discuté de la question de savoir s'il faut agir ou non. Il faut en faire davantage, c'est évident.
La question qui se pose maintenant est celle de savoir comment nous allons procéder. Il faut réfléchir à des solutions à court terme, mais nous avons aussi besoin de solutions à long terme pour régler les problèmes systémiques. Nous pouvons vous fournir une longue liste de suggestions mais, pour le moment, je me contenterai de vous indiquer les mesures que vous, comme parlementaires, pouvez prendre immédiatement.
Premièrement, vous devez obliger les fournisseurs à offrir des forfaits de base pour que chaque personne au Canada ait accès à une connexion Internet à haute vitesse abordable. Plus de 3,5 millions de personnes ont demandé la Prestation canadienne d'urgence ces deux derniers mois, et les Canadiens paient actuellement des prix parmi les plus élevés dans le monde pour Internet. Ils ne devraient pas avoir à choisir entre l'épicerie, le loyer et Internet.
Deuxièmement, vous devez débloquer des fonds pour soutenir les projets de développement d'infrastructures prêts à démarrer et grâce auxquels les régions rurales pourraient avoir accès à une connexion à haute vitesse 50/10 mégabits par seconde durant la pandémie de COVID-19. Si des projets de mise à niveau sont prêts à démarrer, accordez-leur l'aide financière nécessaire, mais assurez-vous qu'elle contribuera à diversifier l'offre aux consommateurs en privilégiant les petits fournisseurs de services et exploitants de réseau indépendants. En temps de crise économique, les entreprises, et particulièrement les plus petites, peuvent hésiter à investir de grosses sommes dans les infrastructures, mais votre soutien financier peut leur donner l'élan nécessaire et, parallèlement, stimuler la concurrence.
Troisièmement, vous pouvez établir un plan détaillé et prévoir de nouveaux investissements pour assurer la connectivité universelle bien avant 2030. OpenMedia a commencé à réclamer une stratégie nationale en matière de services à large bande bien avant que le CRTC déclare qu'Internet était un service essentiel en 2016. Si j'étais la députée d'une circonscription rurale, je serais terrorisée à l'idée d'annoncer à mes électeurs qu'ils devront attendre jusqu'en 2030. Vous avez le pouvoir d'accélérer les choses. Je vous en prie, faites-le.
Pour éliminer le fossé numérique au Canada, il faut seulement deux choses: une volonté politique et de l'argent. Les deux sont dans vos cordes. La situation ne reviendra pas à ce qu'elle était avant quand la pandémie sera terminée. Notre monde a subi des changements irréversibles. Le télétravail est devenu la nouvelle norme. L'apprentissage en ligne est là pour de bon. Personne n'oserait dire aux communautés rurales, éloignées et autochtones qu'elles ne méritent pas mieux que des médecins, des enseignants ou des soins de santé de second ordre. Pourquoi leur demandons-nous d'accepter des services Internet de second ordre?
Après la réunion, je vous inviterais à vous imaginer dans une assemblée publique dans votre communauté. Qu'allez-vous dire aux gens? Que vous faites tout en votre pouvoir pour leur donner accès à un service essentiel ou qu'ils doivent être patients?
Si vous devez retenir une seule chose de cette réunion, ce doit être qu'Internet est un service essentiel. C'est votre travail de faire en sorte que chaque personne au Canada y ait accès. Le pays a besoin de champions d'Internet, et j'espère que vous en ferez partie.
Merci.
[Français]
Bonjour.
[Traduction]
Bienvenue. C'est un grand honneur pour moi d'être des vôtres ce soir. Je tiens à vous féliciter pour votre travail. Je dois reprendre à mon compte une partie des propos de M. Thomson et de Mme Tribe parce que je vais soulever exactement les mêmes points, mais dans une perspective régionale.
Je viens du district de Kootenay-Est, en Colombie-Britannique. Plus exactement, nous sommes à l'extrême Sud-Est de la province. Je suis engagé en politique locale depuis une quinzaine d'années. Je préside un comité sur le système à large bande régional, qui comme son nom l'indique s'intéresse aux enjeux régionaux. Il y a trois ou quatre districts régionaux. Nous représentons environ 160 000 personnes dispersées dans un territoire montagneux où, comme de raison, les coûts des services sont très élevés.
Actuellement, et c'est de là que vient le problème dans notre région, et probablement dans la plus grande partie du Canada... Les grandes sociétés de télécommunications viennent chez nous et pensent en termes de rentabilité. Comme leur rentabilité est directement liée à la densité de population, l'analyse s'arrête là. C'est normal dans le monde des affaires. Malheureusement, ceux qui se trouvent en marge, à 50 mètres ou à 10 minutes des limites, n'ont tout simplement pas accès aux services. Comme mes prédécesseurs, je rappelle que nous parlons de services essentiels pour tous, et que c'est donc un énorme problème.
Et qui nous a offert son aide pour résoudre ce problème? Les petits fournisseurs de services Internet dont les témoins précédents ont parlé. Ce sont de petites entreprises locales, et elles sont confrontées à l'épineux problème des coûts des infrastructures. Comme ils sont très élevés dans une grande partie du pays, les revenus sont très faibles. C'est encore pire dans les régions montagneuses parce qu'il faut installer beaucoup de tours à grands frais.
Ce n'est pas une formule rentable pour les entreprises. C'est pourquoi tous les ordres de gouvernement, autant les administrations locales et municipales que le gouvernement fédéral, doivent garantir à ces petits fournisseurs le financement nécessaire pour offrir des services aux résidants des régions rurales. Nous sommes conscients que ce n'est pas rentable dans la plupart des régions rurales du Canada, et notre rôle est de faire le nécessaire pour que le service soit offert.
Quant à vous, que pourriez-vous faire pour nous aider? Les administrations locales comme la nôtre fournissent des services essentiels. C'est notre rôle. Nous nous occupons des services comme l'aqueduc et les égouts, que nous finançons selon la formule de l'utilisateur-payeur, c'est-à-dire que les contribuables qui utilisent le service en paient le coût. Pour les infrastructures, le financement est généralement partagé entre les administrations locales, le gouvernement provincial et le fédéral. Une fois le service établi, il n'est pas vraiment difficile de financer les opérations courantes.
Encore une fois, notre expérience est semblable à celle qu'ont rapportée mes prédécesseurs. Notre pays n'a pas vraiment de plan stratégique. Nous avons des programmes. Depuis des années, le modèle de gestion est fondé sur les programmes. Le premier avec lequel j'ai travaillé s'appelait Un Canada branché. C'était un bon programme, qui mettait l'accent sur les régions rurales. Ensuite, nous avons eu le programme Brancher pour innover. Nous avons soumis une demande, mais nous n'avons pas été retenus.
Le résultat de ce programme a été que, et ce n'est pas une critique, dans les régions où le niveau de service était correct, il est devenu très bon. Dans les régions non desservies, et vous avez entendu les statistiques tout à l'heure, rien n'a changé. Le programme n'a pas très bien fonctionné. Il nous a fallu presque deux ans et environ quatre révisions de notre demande pour finalement se faire dire non. Les programmes qui sont très axés sur les objectifs s'adressent à une partie du pays seulement. Comme je l'ai déjà dit, ils ne sont pas guidés par une stratégie, du moins de notre point de vue. Nous avons besoin de programmes qui allègent le fardeau administratif des petits fournisseurs de services Internet. Il faut trouver autre chose que des programmes axés sur des objectifs.
Serait-il possible de créer un nouveau modèle de financement axé sur les besoins stratégiques des communautés et des régions? Ce modèle pourrait tenir compte par exemple des défis commerciaux très réels auxquels font face les fournisseurs de services Internet locaux. Pourrait-on repenser l'aide financière de manière à mesurer la réussite en tenant compte des réalités de chaque région? C'est par l'intermédiaire des petits fournisseurs que le secteur privé pourra nous procurer l'accès à des services Internet haute vitesse abordables.
L'autre piste de solution — je ne serai probablement pas le seul à vous en parler et peut-être est-ce déjà en place dans vos communautés — consiste à mettre la municipalité à contribution. Ce ne serait pas notre option de choix, mais nous le ferons si c'est nécessaire.
De nouveau, je réitère ce que les autres ont dit avant moi concernant les lacunes graves dans l'accès à Internet haute vitesse, pour toutes les raisons que vous connaissez. La COVID-19 ne fait qu'exacerber une situation qui était déjà très difficile pour nos résidants, nos étudiants qui doivent étudier de la maison, les services de télémédecine, les travailleurs.
J'ai joint à mon mémoire l'annexe d'un rapport publié le 23 avril 2020 par la B.C. Broadband Association sur les inégalités, dues largement à l'accès au spectre et à l'absence d'infrastructures.
Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps.
Bonsoir, madame la présidente, et bonsoir aux vice-présidents ainsi qu'aux membres du Comité.
Merci de me donner l'occasion de discuter avec vous.
Je m'appelle Andy Kaplan-Myrth, et je suis vice-président, Affaires réglementaires et distributeurs, chez TekSavvy.
TekSavvy est un fournisseur indépendant de services Internet et téléphoniques qui est établi dans le Sud-Ouest de l'Ontario et à Gatineau. En activité depuis 20 ans, nous fournissons des services à plus de 300 000 clients dans chaque province. Depuis le début, nous défendons les mêmes valeurs très simples à l'égard d'Internet. Nous croyons en un accès abordable et concurrentiel, et nous avons toujours milité pour la neutralité du réseau et le respect de la vie privée de nos clients.
TekSavvy investit dans la mise en place de réseaux à large bande dans le Sud-Ouest de l'Ontario, et offre des services partout au Canada par l'intermédiaire de services de gros achetés auprès de fournisseurs titulaires. Les concurrents comme TekSavvy qui utilisent des services de gros servent plus d'un million d'entreprises et de ménages canadiens, et constituent une solution de rechange concurrentielle pour beaucoup plus.
Depuis plus de 20 ans et avec des résultats mitigés, les gouvernements successifs ont essayé de stimuler la concurrence dans le secteur des télécommunications, mais toute la structure a atteint son point de rupture et des concurrents risquent de disparaître. Un sérieux coup de barre est nécessaire pour préserver la concurrence dans le secteur des services à large bande. Si on attend, on risque d'assister à une flambée des prix et à un effritement de la concurrence dans le marché des services Internet au sortir de la pandémie.
Comme vous le savez, c'est le CRTC qui fixe les tarifs que nous payons pour le dernier kilomètre des services à large bande. Ces tarifs doivent être justes, raisonnables et couvrir la totalité du coût des investissements des fournisseurs titulaires. Dans une décision importante rendue l'an dernier au terme de plusieurs années d'études, le CRTC a imposé une baisse importante des tarifs des services de gros d'accès Internet à large bande. Il a aussi ordonné aux titulaires de rembourser la différence entre les tarifs gonflés et les tarifs définitifs rétroactivement au début de 2016, soit une somme de 350 millions de dollars environ que les concurrents ont collectivement payée en trop aux titulaires.
Nous savions que les titulaires pouvaient en appeler de la décision, mais nous avons conclu qu'il valait mieux permettre aux Canadiens de bénéficier de ces tarifs réduits et nous avons immédiatement réduit nos prix. D'autres concurrents ont fait la même chose. Comme il fallait s'y attendre, les sociétés de téléphonie et de câblodistribution multiplient les appels de la décision sur les tarifs définitifs et, entretemps, ils nous facturent les anciens tarifs gonflés. Résultat: dès le début de 2020, nous avons commencé à enregistrer des pertes. Malgré tout, plutôt que d'augmenter les prix pour nos abonnés, nous avons jugé que notre situation était suffisamment solide et que nous pourrions continuer d'absorber les pertes subies au cours de l'année pendant que nous nous défendons contre les appels.
La pandémie de COVID-19 et la transition vers le télétravail ont accentué l'importance d'une connexion Internet fiable à domicile. Pour aider nos abonnés, nous avons immédiatement suspendu la facturation des frais de dépassement de la bande passante, mais la COVID-19 a eu pour principale conséquence d'exacerber les problèmes préexistants concernant les prix. Plus particulièrement, pour compenser la hausse du trafic générée par le télétravail, nous avons considérablement augmenté la capacité de réseau que nous achetons auprès des fournisseurs titulaires, qui continuent de nous facturer les anciens tarifs gonflés. Par conséquent, les revenus stagnent, mais nos coûts explosent.
Dans l'attente du règlement des appels des titulaires, nous avions projeté d'assumer les pertes financières sur une période d'un an au plus. La COVID-19 a tout chamboulé et nous sommes déjà où nous croyions être à la fin de l'année. Pour faire face à ces coûts, TekSavvy a dû prendre des mesures radicales et pénibles. Nous avons licencié près de 30 % de nos employés et haussé les prix des services de 5 $ par mois, et nous avons dû nous résoudre à reporter les investissements prévus dans les réseaux ruraux. Cette conséquence est particulièrement aberrante. En temps de pandémie, la logique aurait voulu qu'on accélère l'accès aux services dans les régions mal desservies, mais elles devront attendre encore plus longtemps, à moins que le gouvernement se décide à combler les lacunes dans le financement.
TekSavvy encourage fortement le gouvernement à garder une vision à long terme même s'il n'a pas le choix de répondre aux besoins plus pressants de la crise de santé publique liée à la COVID-19. Il faut que le marché reste concurrentiel pour répondre aux besoins de l'ensemble des Canadiens. Il faut à tout prix éviter qu'il devienne un marché de monopole.
Chez TekSavvy, nous ne pensons pas que la COVID-19 explique à elle seule les problèmes que vivent les concurrents. Le régime réglementaire qui encadre la concurrence fondée sur les services de gros reposait déjà sur des bases fragiles. La pandémie a simplement ajouté de la pression et mis en lumière la gravité de la situation.
Merci de m'avoir consacré du temps.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, madame la présidente.
Tout cela est nouveau pour moi. Il y a un mois, je ne connaissais rien aux réunions par Zoom et à toutes ces choses. Je vous remercie de me donner la possibilité de parler de l'état des services Internet dans mon canton de St. Clair avant, pendant et après la pandémie de COVID-19.
Comme vous l'avez dit, je suis le maire Steve Arnold. Je représente une communauté d'environ 15 000 personnes dispersées sur un territoire de 640 kilomètres carrés qui partage une frontière avec les États-Unis à l'ouest. Ils sont à moins d'un demi-kilomètre de distance.
Les propriétés se trouvent à 90 % en zone rurale, et l'autre 10 % est en zone urbaine. La moitié de notre évaluation et de la consommation d'eau sont attribuables à l'industrie lourde, qui peut compter sur un réseau à câble à fibre optique très efficace. Comme ce sont de gros consommateurs, tous les fournisseurs se sont empressés de leur offrir des services.
En 2011, je siégeais au caucus des présidents de conseil de comté de l'Ouest qui a lancé l'initiative SouthWestern Integrated Fibre Technology, SWIFT, dans le Sud-Ouest de l'Ontario. En 2004, nous avions également tenté d'attirer des fournisseurs de services Internet haute vitesse afin d'étendre l'offre aux entreprises commerciales et de l'industrie légère, de même qu'aux résidences situées à l'extérieur des zones où sont installés les complexes industriels. Durant cette période, soit de 2004 à 2019, nous avons travaillé avec huit fournisseurs, sans grand succès. Typiquement, ils sont emballés au début et ils facturent 60 $ pour déterminer si le signal diffusé par la voie des ondes est assez fort, ce qu'il n'est pas 90 % du temps. Nous payons les 60 $, ils nous disent qu'ils sont désolés, puis ils retournent d'où ils viennent.
Actuellement, même dans la zone plus bâtie, qui est Corunna, les résidants ont accès à Internet par l'intermédiaire de leur fournisseur de câblodistribution, à un débit de 45 mégabits par seconde. Pour ceux qui ont un accès par la voie des ondes, les débits se situent entre 5 et 7 mégabits par seconde et, si on prend la peine de faire des contrôles, ils peuvent descendre à 0,5 aux limites extrêmes. Avec des débits aussi lents, il est à peu près impossible de faire quoi que ce soit.
Les gens me rapportent que le téléchargement d'un gros fichier peut prendre deux heures, et qu'il faut parfois jusqu'à deux jours pour les films et les devoirs. J'ai reçu des plaintes à ce sujet d'enseignants qui doivent maintenant faire de l'éducation en ligne à cause de la COVID et qui ne peuvent tout simplement pas joindre leurs élèves dans les communautés rurales. Même mon service Internet par satellite est interrompu quand le débit détecté est trop lent, et je dois parfois attendre des jours avant que la connexion soit rétablie. C'est extrêmement frustrant.
Certains ménages m'ont indiqué qu'ils utilisaient maintenant deux fournisseurs pour s'assurer d'avoir une capacité suffisante pour exécuter même les tâches simples. À cause de la proximité avec les États-Unis, le piratage des signaux est très courant. Même quand les fournisseurs canadiens installent de nouvelles tours de télécommunication, la réception et le débit ne s'améliorent pas. La culture est très entrepreneuriale de l'autre côté de la frontière.
Nous gardons toutefois l'espoir puisque, avec la collaboration de Cogeco, nous avons reçu une subvention du programme SWIFT pour l'installation de câbles à fibre optique qui permettra de brancher la population la moins bien servie et la plus nombreuse à l'extérieur du village de Corunna. Si tout va bien, le projet devrait être achevé d'ici 18 à 30 mois. Il s'agit d'un projet de 5,8 millions de dollars grâce auquel le service sera offert sur près de 30 % de notre territoire, et 5 000 résidants de plus y auront accès. Cependant, nous serons encore limités...
Mon temps est écoulé? D'accord. Merci beaucoup.
Je remercie tous les témoins.
Je dirai, pour commencer, qu’avoir accès à Internet n’est pas un luxe. C’est une condition indispensable à l’égalité des chances, mais c’est en train de devenir un obstacle à l’égalité des chances et à la croissance économique. Nous ne pouvons donc pas rester indifférents à ce problème, en espérant que les choses s’arrangeront toutes seules.
J’aimerais ce soir obtenir un consensus sur plusieurs points. Premièrement, 2030 n’est une cible ni ambitieuse ni appropriée pour ce qui est d’un accès universel et fiable à Internet.
Je vais commencer par poser une question à Mme Tribe. Les investissements sont un facteur important si l’on veut améliorer l’accès à Internet, mais pensez-vous que ce soit le seul à prendre en compte? Ne devrait-on pas plutôt avoir pour objectif d’offrir à tous les Canadiens une connexion de 50 mégabits par seconde en téléchargement et de 10 mégabits par seconde en téléversement, comme vous l’indiquez dans votre échéancier ambitieux? À mon avis, nous devrions avoir pour cible la fin de l’année prochaine.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie mes collègues et nos témoins de participer à nos délibérations d’aujourd’hui.
Je représente une circonscription rurale de l’ouest du Québec, et je ne pense pas qu’il existe un sujet qui soit davantage d’actualité pour l’ensemble de ma circonscription.
Je me suis justement entretenu ce matin avec le maire et le conseil d’une petite ville qui se plaignent de leurs conditions d’accès à Internet. S’agissant des infrastructures, c’est notre priorité numéro un, depuis que j’ai été élu député en 2015, et elle le restera jusqu’à ce que nous ayons une connexion à 100 %.
J’ai beaucoup apprécié les déclarations liminaires de nos témoins, dont je partage l’enthousiasme.
Je voudrais toutefois souligner que nous avons réussi à dégager un certain consensus au Canada. Beaucoup d’entre vous se souviennent que, pendant la législature précédente, j’ai proposé une motion d’initiative parlementaire, la M-208, dans laquelle je préconisais d’accroître les investissements dans nos infrastructures Internet dans les zones rurales du Canada. Nous avons réussi à obtenir l’appui de tous les partis, et je pense donc que tout le monde s’entend pour dire que c’est absolument nécessaire. Maintenant, il s’agit plutôt de savoir comment nous allons nous y prendre.
Je suis d’accord avec Mme Tribe, car les électeurs de ma circonscription n’attendront pas 2030. Ils n’ont que trop attendu, ils doivent avoir accès à Internet. Reste à surmonter le défi, qui est à la fois technique et financier. Je ne pense donc pas que ce soit une question de volonté politique. Je pense que notre gouvernement a fait la preuve qu’il était prêt à passer au braquet supérieur.
J’ajouterai — et cela été soulevé par le représentant de la région de Kootenay — qu’il y a eu des programmes avant 2015, mais qu’ils ne concernaient pas le raccordement des résidences privées. Les subventions du gouvernement fédéral s’adressaient alors aux écoles, aux municipalités, aux casernes de pompiers et aux bibliothèques, mais pas aux résidences privées. Les particuliers étaient donc à la merci des forces du marché.
Pour y remédier, nous avons décidé de lancer le programme Brancher pour innover, qui permet de raccorder des résidences privées à la fibre optique. Jusqu’à présent, notre gouvernement a raccordé près de 400 000 logements et a mobilisé 1,2 milliard de dollars de fonds fédéraux et provinciaux pour financer des projets. Ce n’est pas rien, mais il y a encore beaucoup à faire. Nous en sommes tous conscients.
Je vais m’adresser à Mme Tribe et à mon ami, M. Jay Thomson, qui habite dans ma circonscription. Qu’est-ce qu’il faudrait modifier dans la structure du prochain programme — je veux parler du futur Fonds pour la large bande universelle — pour qu’on obtienne les résultats escomptés?
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Je vais répondre la première, mais je tacherai d’être brève, pour que M. Thompson puisse avoir son mot à dire.
Il faut absolument que ce nouveau programme permette le raccordement des résidences à la haute vitesse, et pas seulement en théorie. Il faut s’assurer que les résidences sont vraiment raccordées. Il faut aussi consulter les collectivités, notamment les collectivités autochtones, qui veulent avoir leur mot à dire quant aux types de service qui leur seront offerts.
Il faut que la technologie soit vraiment une technologie d’avenir. Il ne faut pas se contenter des cibles de 2016, c’était un minimum. C’est essentiellement la fibre optique qu’il va falloir déployer. S’il faut mettre en place des solutions temporaires pour le moment, il faut néanmoins prévoir un plan de raccordement à long terme.
Il faut également s’assurer que les vitesses qu’on prévoit d’installer seront bien installées. C’est un gros problème à l’heure actuelle, parce que les gens n’obtiennent pas toujours la vitesse qu’on leur avait promise. C’est ce que beaucoup nous ont dit lors des tests technologiques qui ont été faits en préparation de ce nouveau programme.
Je crois que le plus gros problème — pour ne pas toujours revenir sur l’aspect financier — est l’absence de stratégie nationale. On a l’impression que tout se faisait au coup par coup. Il faut donc une stratégie nationale pour que chaque collectivité sache quand elle va recevoir le service, comment cela va se faire, ce qu’elle va pouvoir en tirer, assortie, bien sûr, de fonds suffisants. Les programmes des dernières décennies, et je ne vise pas un programme en particulier, ont permis certes de régler des problèmes, mais chaque fois qu’une annonce était faite, les collectivités qui n’étaient pas concernées se sentaient lésées.
Comme d’autres l’ont déjà dit, il est important de prendre en compte les petits fournisseurs locaux qui sont implantés dans les collectivités et qui comprennent bien les besoins de leurs clients locaux. On pourrait mettre des fonds à leur disposition, peut être pas autant que dans le passé. Dans les petites collectivités, nous n’avons pas nécessairement besoin de projets pharaoniques, mais nous avons par contre besoin d’avoir rapidement accès à des fonds, sans trop de formalités administratives, pour réaliser des projets locaux.
Mais il n’y a pas que l’investissement initial pour construire le réseau. Il faut ajouter à cela les budgets nécessaires à sa maintenance. Dans les zones rurales et peu peuplées, la construction d’un réseau et sa maintenance ont le même impact financier. Le soutien opérationnel est aussi important, car une fois qu’il est construit, le réseau doit être entretenu et même amélioré au fil des ans.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis très content que nous abordions enfin ce sujet, et je suis heureux de voir qu'il y a un consensus. J'aimerais quand même souligner un élément que j'avais en tête et que Mme Tribe vient de soulever, soit l'idée de nationaliser la fourniture du service. Je pense que ça vaut la peine de réfléchir à cette idée.
Ma question s'adresse à M. Kaplan-Myrth. Je suis content de vous revoir, monsieur Kaplan-Myrth.
La crise a manifestement eu un impact sur votre modèle d'affaires, notamment sur le prix mensuel, la capacité de générer du trafic et peut-être aussi la capacité d'offrir des données illimitées à vos clients. Est-ce bien le cas?
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Soyons clairs là-dessus. Bell — ou n’importe quel autre titulaire de licence, en fait —construit des réseaux à haut débit afin d’offrir des services de détail à ses propres clients. Elle fournit également un accès de gros à ses réseaux à des fournisseurs comme TekSavvy et d’autres qui sont basés sur les services de gros. Nous achetons donc ces services de gros et nous les regroupons avec les autres services qui composent l’offre globale que nous vendons à nos clients. Il est entendu que tous ceux qui achètent des services de gros à Bell achètent essentiellement les mêmes services. Il peut y avoir de légères différences, suite à des ententes négociées hors tarif, mais je pense que tous les services que nous achetons selon les tarifs établis sont essentiellement les mêmes. Tous les concurrents sont traités de la même façon, mais c’est très différent du service que Bell fournit à sa clientèle de détail.
Cela ne s’applique pas qu’à Bell, ça s’applique à tous les titulaires de licence qui ont l’obligation de vendre des services de gros. Quand ils vendent des services à leur clientèle de détail, ils bénéficient de nombreux avantages sur le plan des opérations et de l’efficience, car ils sont évidemment bien renseignés sur les services, la capacité et le type de raccordement qui sont disponibles et ils peuvent en tenir compte dans leur gestion des services de détail, ce que nous ne pouvons pas faire avec les services de gros.
Cela nous ramène à ce que disait tout à l’heure Laura Tribe au sujet de la séparation entre les infrastructures et les services. Si Bell, par exemple, était obligée d’acheter ses propres services à haute vitesse pour satisfaire sa clientèle de détail, tout le monde serait sur un pied d’égalité et les services que nous achetons à son réseau haute vitesse seraient probablement de meilleure qualité.
J’aimerais aborder une question dont on n’a pas beaucoup parlé jusqu’à présent et qui a son importance. La vente aux enchères des bandes de fréquences a permis au Canada d’engranger des revenus de 20 milliards de dollars pour la vente d’un produit qui ne lui a rien coûté. Autrement dit, le spectre a permis d’engranger une vingtaine de milliards de dollars — et ce chiffre ne va pas cesser d’augmenter dans les années qui viennent — et nous n’avons rien réinvesti dans le système.
En fait, nous n’avons réussi qu’à créer un marché très peu concurrentiel. Certaines régions du Canada sont volontairement négligées. Nous avons fait des expériences dans le passé, notamment avec Maxime Bernier, dans le but d’ouvrir davantage le marché à la concurrence étrangère, mais ce faisant, nous n’avons rien fait pour protéger cette concurrence, si ce n’est que faciliter l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché.
En attendant, le gouvernement ne s’est toujours pas engagé sur un forfait d’entrée de gamme, et la cible de 2030 est absurde. Elle est parfaitement inacceptable.
C’est à vous que je vais poser ma première question, madame Tribe, puisque vous avez parlé d’universalité. Nous nous y sommes très mal pris, jadis, lorsque nous avons obligé les fournisseurs de câble et d’Internet à offrir un forfait d’entrée de gamme pour les services de nouvelles et les services de base. J’estime qu’aujourd’hui, plus que jamais, le gouvernement se doit de les obliger à offrir un forfait d’entrée de gamme à un prix inférieur, avec la connexion minimum qui permet à tout Canadien qui en a besoin d’avoir accès à Internet.
Même avant la pandémie de la COVID, les services gouvernementaux avaient déjà commencé à être accessibles en ligne. Nous avons réduit le nombre de bureaux ouverts au public, où l’on pouvait obtenir un service, et nous avons canalisé les gens vers les services en ligne. Nous avons donc fait en sorte qu’il est plus que jamais important d’être branché pour obtenir ces services, et aussi, bien entendu, pour suivre des cours, pour travailler, etc.
Quand vous parlez d’un forfait d’entrée de gamme, à quoi pensez-vous précisément?
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L’un des problèmes que nous avons eus avec les forfaits d’entrée de gamme des câblodistributeurs, c’est que c’était pratiquement impossible de les trouver sur les sites Web. Je pense que, lorsqu’on parle d’un forfait universel, c’est à dire qui puisse être offert à tous les Canadiens, il faut qu’il soit inclusif et accessible au plus grand nombre.
S’agissant des forfaits bon marché qui ont été proposés dans le passé, ils sont généralement offerts par les titulaires de licences, surtout pour les téléphones mobiles ou pour la connexion Internet dans les logements subventionnés, et ils limitent le nombre de minutes et la vitesse de connexion accessibles aux utilisateurs. Autrement dit, ils ne coûtent pas cher, certes, environ 10 $ par mois, mais s’ils ne répondent pas aux besoins des clients, c’est un problème.
Aujourd’hui, on pense plutôt à un forfait de 20 ou 25 $ par mois, qui permet d’offrir un service haute vitesse. Si vous voulez les obliger à fournir un service plus rapide que le minimum fixé par le CRTC, c’est envisageable, mais il faut bien comprendre que, pour que des entreprises comme Teksavvy, qui fournissent des services de gros, ça représentera un gros problème à cause du niveau actuel des tarifs de gros.
C’est là qu’on voit qu’il ne s’agit pas seulement de réglementer les tarifs de détail. Il y a aussi toutes ces tensions systémiques et sous-jacentes qui font que, dès le départ, les gens paient trop cher le forfait d’entrée de gamme.
Vous soulevez un point important. J’étais présent lorsque M. Amos a présenté sa motion 208, mais le problème que nous avons, c’est que ce n’est qu’une motion, ce n’est pas une loi. Or, il faudrait que ça soit consacré dans la loi. C’est dommage, parce que c’était un bon texte, et nous avons eu une bonne discussion là-dessus. Cela a permis de faire avancer certaines choses. Je n’ai vraiment rien à redire, si ce n’est que ce texte devrait avoir force de loi.
Si vous voulez vraiment avoir une influence sur le marché, je pense que la vente aux enchères des bandes de fréquences est un bon moyen de le faire. Je préconise depuis un certain temps — mais vous êtes libre de ne pas être d’accord avec moi — de mettre davantage l’accent sur les services et sur des dates précises de reddition de comptes quant à la gestion de cet argent, plutôt que de se contenter d’engranger les produits de ces ventes aux enchères.
Nous tirons du régime actuel 20 milliards de dollars de revenus. Mais quant à vous dire où va cet argent, je n’en ai aucune idée. J’ai souvent posé la question au gouvernement, et apparemment, une infime partie de cet argent a servi à financer des forfaits à la Frankenstein dans tout le pays, pour essayer de combler les trous. S’agissant des revenus du spectre, je préférerais qu’on accorde moins d’attention à l’argent et davantage à l’accès aux services.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie vivement les témoins de comparaître devant notre comité. Si je comprends bien, il faut une volonté politique pour changer le statu quo et brancher toute la population canadienne. Tout cela nécessite des stratégies bien conçues, et j’apprécie d’autant plus ce que vous nous dites aujourd’hui.
Je vais m’adresser à vous, monsieur Gay, qui représentez le District régional de Kootenay de l’Est. Dans les collectivités rurales comme la vôtre, l’accès aux services de santé mentale devait être déjà assez limité avant la pandémie. Aujourd’hui, avec la distanciation physique et l’isolement qu’elle provoque, les problèmes de santé mentale sont en hausse. Les appels vidéo auprès de membres de la famille ou d’amis sont très importants pour atténuer ce sentiment d’isolement.
Dans votre collectivité, un meilleur accès à Internet aurait-il un effet bénéfique sur la santé et le bien-être des gens?
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Merci. C’est une excellente question. Il est difficile de prendre toute la mesure de cette problématique, car les gens sont chez eux, tout seuls.
Vous parlez de santé mentale, et je peux vous dire qu’un meilleur accès à Internet leur permettrait au moins de communiquer avec quelqu’un. Nous avons une population vieillissante, et pour beaucoup de nos personnes âgées, la solitude est l’un des plus gros problèmes. Comme quelqu’un l’a dit tout à l’heure, certaines personnes âgées n’ont peut-être pas les moyens d’avoir Internet, mais elles peuvent au moins se rendre à la bibliothèque locale pour se connecter. Or, ces bibliothèques sont fermées en ce moment.
Toutes nos collectivités sont rurales, et je pense que les gens souffrent inutilement. Ils pourraient avoir accès à des services de counselling et de coaching en ligne. En plus, nous n’avons pas assez de médecins. Nous essayons d’en faire venir dans notre collectivité. Il y a beaucoup de choses qui se passent dans le domaine de la santé mentale. En Colombie-Britannique, la télésanté se développe rapidement, mais en l’absence d’une bonne connexion et de la haute vitesse, la télésanté ne sert pas à grand-chose.
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En effet, j'ai vu le document. Je sais que le Comité consacrera également une étude aux différents aspects. Je crois que vous aboutirez aux mêmes conclusions. Il me semble que la plupart d'entre nous le savent.
Certes, votre document parle d'une stratégie nationale avec quelques priorités. Comme je le disais dans mon exposé, ces mesures reposant sur des programmes résolvent une question particulière pour quelqu'un, mais elles n'apportent pas de solution universelle. Je pense donc que cette stratégie est bonne. L'analyse parle de l'infrastructure et de la nécessité d'y injecter plus de fonds. Comme je le mentionnais, des ventes aux enchères dégageraient des fonds et permettraient de financer les services. Dans cette mise aux enchères du spectre, nous vendons des ondes. C'est la meilleure façon de réunir des fonds. Nous aimerions beaucoup avoir quelque chose comme cela en politique. Donc, réinjectez les fonds ou demandez à ces entreprises de fournir le service. C'est très important.
Le document parle d'une solution où les municipalités seraient propriétaires. Dans le district régional de Kootenay-Est, nous sommes propriétaires d'une partie de la fibre. Au départ, nous voulions essayer de le faire nous-mêmes. Nous avons organisé un vote. Les citoyens connaissaient l'importance de l'enjeu. Je crois que nous possédons une quarantaine ou une cinquantaine de kilomètres de fibre dans notre secteur de la vallée du Columbia. En fait, c'est drôle, parce que nous la louons à Shaw, qui est un de nos principaux fournisseurs.
Je vais changer d'angle pour me concentrer sur le traçage de proximité numérique.
Madame Tribe, je crois savoir qu'OpenMedia a publié, avec BCCLA et d'autres organisations de défense de la vie privée et des libertés civiles, une déclaration de principes relative au traçage de proximité numérique. Je crois également comprendre que les commissaires à la protection de la vie privée ont publié aujourd'hui une déclaration de principes commune similaire. Je suis d'accord avec presque tout ce que contiennent ces documents, mais je m'interroge sur l'importance du volontariat. Je le dis, bien que le ait souligné que le volontariat est essentiel aussi pour renforcer la confiance dans ce type d'application.
Mon problème, et je me demande comment vous le résoudriez, concerne l'efficacité, alors que les taux d'adoption sont tellement faibles. Nous voyons des taux d'adoption de 20 % dans d'autres pays, par exemple, qui ont un système fondé sur le volontariat. Ce taux d'adoption ne sera pas efficace. D'après une étude réalisée à Oxford, la norme serait un taux d'adoption national de 60 % pour que l'application soit efficace.
Voyez-vous une solution pour surmonter ce problème et assurer des taux d'adoption dans un système fondé sur le volontariat?
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Selon moi, nos préoccupations en ce qui concerne les principes relatifs à la protection de la vie privée... C'est une des autres choses que nous mettons dans le compte rendu écrit de ces travaux parce que le temps est limité aujourd'hui. Nous aurons plus à dire à ce sujet.
À mon avis, notre principale préoccupation dans le choix entre volontaire et obligatoire est que, si l'on opte pour une application obligatoire, la décision n'est plus consensuelle. Les mesures de protection de la vie privée prévues par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE, et la Loi sur la protection des renseignements personnels ne suffisent pas à réellement protéger les données des Canadiens. Il est très rare qu'on doive recourir au volontariat. Il y a, selon moi, d'énormes inquiétudes, si l'on met de côté les principes relatifs à la protection de la vie privée que nous avançons, en ce qui concerne l'efficacité de ces applications, même là où elles sont adoptées.
Je comprends votre remarque sur l'efficacité par rapport aux taux d'adoption, mais je pense qu'il faut d'abord procéder au dépistage et ensuite à la recherche des contacts. Cette application est, en fait, un élément supplémentaire et une toute petite pièce du casse-tête. À mon sens, une de nos préoccupations, ou ce que nous entendons dire, entre autres, au sujet de l'adoption volontaire, si le gouvernement opte pour cette solution... Tous les principes relatifs à la protection de la vie privée que nous avançons visent à favoriser la confiance, car si elle n'a pas confiance dans ce service, la population ne l'utilisera pas, même s'il est obligatoire. Les Canadiens laisseront leurs téléphones chez eux. Ils ne les emporteront pas.
Il me semble aussi que l'application présente un énorme désavantage pour les personnes qui, comme nous en parlions plus tôt, se trouvent de l'autre côté de la fracture numérique, à savoir qui n'ont pas de téléphone. Si on se sert de cette application pour autoriser nos concitoyens à sortir de chez eux ou à prendre les transports en commun et qu'ils n'ont pas d'appareil, ils sont en fait pénalisés et encore plus laissés de côté.
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C'est, à mon avis, une remarque très intéressante où vous liez le privilège à l'utilisation d'une application et dites que des citoyens sont laissés de côté à cause de la fracture numérique, qu'il s'agisse de personnes âgées, de sans-abri ou de personnes dans d'autres situations qui n'ont pas accès à la technologie. C'est un vrai problème qu'il faudrait surmonter.
Cependant, lorsque nous parlons, dans un premier temps, de ce qui est efficace, je me demande, la prédilection pour le volontariat... et je le dis en tant que parlementaire qui défend généralement bec et ongle la protection de la vie privée, mais nous ne nous rapprochons même pas d'un semblant d'efficacité ou d'utilité de l'application à cause de l'obstacle du volontariat, alors... Je prendrai un exemple. J'ai lu la déclaration des commissaires à la vie privée, et l'anonymisation est un principe essentiel, mais ils soulignent aussi que des données anonymisées, ou agrégées, devraient être utilisées dans la mesure du possible, à moins que cela ne permette pas d'atteindre l'objectif défini.
Ne pourrions-nous pas adopter la même approche de la nécessité et de la proportionnalité de façon générale en ce qui concerne le volontariat également?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Évidemment, on vient de me signaler que ma connexion Internet est instable. J'espère donc pouvoir continuer.
Tout d'abord, je tiens à remercier tous les témoins présents à cette audience virtuelle du Comité aujourd'hui. Ceux d'entre nous qui viennent de régions rurales passent nombre d'heures à essayer de régler leurs propres problèmes de connectivité. À l'évidence, c'est une bataille continue devenue encore plus difficile maintenant que la COVID-19 oblige tant de Canadiens à chercher à s'adapter à un nouveau paradigme de travail, d'études et de liens sociaux depuis un écran d'ordinateur.
Pour ma part, les deux oies qui essayaient de nicher sur ma tour de téléphonie cellulaire se sont envolées vers d'autres cieux ce matin, et nous pouvons continuer.
J'ai eu l'honneur, en qualité de vice-président du comité de l'industrie, d'aider à lancer une étude sur la large bande dans les régions rurales et éloignées, lors de la dernière législature. Les promesses du gouvernement dans son programme Brancher pour innover ont donné lieu à toute une série d'activités. Il a été question du programme Un Canada branché que nous avions auparavant, il y a cinq ou six ans.
Nous avons salué la mise en œuvre initiale de ces activités, mais évidemment, comme M. Gay l'a mentionné tout à l'heure, si vous étiez assez chanceux, vous avez peut-être réussi à obtenir des fonds du programme Brancher pour innover, comme beaucoup de citoyens dans ce pays, mais bien des endroits ont été laissés de côté. Je crois que c'est à cause de cela que nous sommes tellement préoccupés à ce propos.
Par ailleurs, il me semble qu'il y a eu des commentaires sur le processus de consultation mené par les conservateurs sur l'accès à Internet dans les régions rurales. Une de nos recommandations concerne le plan de stratégie détaillé nécessaire pour remédier aux disparités économiques et géographiques qui existent au moment où nous entreprenons d'améliorer l'accès à large bande dans les régions rurales. On pourrait, notamment, en prévision d'autres crises, envisager le déploiement temporaire d'antennes-relais portatives dans certaines des régions qui ont beaucoup de graves problèmes.
Au sujet de l'impact disproportionné sur la société canadienne de l'accès à la large bande dans les régions rurales, j'aimerais connaître votre avis sur cette mesure et sur d'autres que nous pourrions prendre pour atténuer cette inégalité.
Peut-être que les représentants de TekSavvy pourraient répondre, merci.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur présence.
Je pense que nous pouvons certainement convenir qu'avec la pandémie, il est devenu encore plus urgent de garantir la connectivité dans tout le Canada, comme tellement d'entre vous l'ont fait remarquer.
Ma circonscription de Markham—Stouffville comprend une région très rurale. Je suis très sensible à certaines observations de M. Gay et du maire Arnold parce que, depuis des années, il y a un effort concerté de la part des municipalités, de la région de York, pour essayer d'améliorer la connectivité dans les régions rurales. Évidemment, il arrive — comme vous le disiez, monsieur le maire — que des entreprises viennent faire une évaluation et concluent que cela ne vaut pas la peine pour elles d'investir. Il ne semble pas rentable d'améliorer la connectivité dans certaines régions. Il semble, en particulier — j'ai entendu des députés de régions rurales le dire — que certaines entreprises — Bell, Rogers, Telus — ont clairement fait savoir qu'il n'est pas rentable pour elles de connecter les régions rurales du Canada.
Monsieur le maire, pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
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Je vous remercie de votre question.
Vous avez tout à fait raison. On nous facture sans arrêt des frais d'itinérance aux États-Unis. On peut se trouver de 10 à 12 kilomètres de la frontière et on nous les facture quand même. Il faut faire refaire la facture et on finit toujours par payer plus.
Le service Internet est pire. Une nouvelle tour Rogers a été installée juste à la sortie du village de Sombra, au bord de la rivière St. Clair. Les deux premières semaines, Internet marchait parfaitement dans le village. Les résidants n'en revenaient pas. Puis, tout à coup, les Américains de Marine City ont découvert son existence. Ils ont capté toute la large bande de la tour et c'est devenu bien pire qu'avant. Rogers, dans son infinie sagesse, a inversé le signal satellite, ce qui n'a rien donné du tout.
Vous avez tout à fait raison. C'est un vrai problème. C'est pourquoi la fibre est la seule option pour nous.
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Je vous remercie, et merci de votre patience.
En ce qui concerne les plans de mise en oeuvre, pour nous, le plan doit être national, tout comme le financement. Quant à savoir qui le gouvernement finance, je ne crois pas nécessairement, et nous ne croyons pas nécessairement, que le gouvernement doit être propriétaire des réseaux.
Le gouvernement pourrait les construire sur un modèle en libre accès, puis autoriser d'autres fournisseurs à les utiliser pour offrir le service. À mon avis, le plus vraisemblable, et ce serait probablement plus rapide que de voir le gouvernement offrir des services Internet, c'est un renforcement des services existants, qui investissent dans ceux qui possèdent les compétences dans ces secteurs, afin de s'appuyer sur les services déjà mis en place.
Ma réponse vous aide-t-elle?
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En effet. L'un des plus gros problèmes que j'ai recensés aux quatre coins du pays tient au fait que de nombreuses entreprises utilisent une faible qualité de signal pour effectuer la cartographie plutôt qu'une bonne qualité. Je pense que le problème est une conséquence directe de ce choix.
Dans le document que nous venons de produire, nous avons notamment proposé plus d'exactitude et de transparence dans les déclarations présentées aux Canadiens, ainsi que la responsabilisation. Tout à l'heure, nous avons entendu Mme Tribe parler des 41 % de Canadiens vivant en zones rurales qui ont accès à des vitesses de téléchargement de 50 mbps, et de téléversement de 10 mbps. J'ai travaillé pendant 10 ans dans les télécommunications avant de me faire élire comme député, et je n'ai pas le souvenir d'un grand nombre de collectivités, si tant est qu'il en existe, qui bénéficiaient de ce genre de vitesses de téléchargement et de téléversement, soit 50 mbps et 10 mbps, respectivement.
Est-ce que tous les résidants dans votre région bénéficient de cette large bande à 50/10 mbps, ou cela concerne-t-il seulement la collectivité où vous vous trouvez?
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins.
Madame Tribe, vous avez indiqué trois, disons, étapes à court terme, qui pourraient nous aider dans la situation d'urgence dans laquelle nous nous trouvons. Pour la troisième étape, vous avez dit que l'on devrait établir un plan détaillé qui accélérerait notre progression bien au-delà de 2030. En réponse aux questions qui ont suivi, vous avez mentionné l'idée d'une stratégie nationale. Vous avez constamment fait référence au gouvernement, et je suppose que vous faisiez allusion au gouvernement du Canada, au gouvernement fédéral, en tant que principal moteur de ce plan, au moyen de subventions, par le truchement du financement de l'infrastructure.
Quels sont les autres acteurs, de votre point de vue, susceptibles de participer à ce projet? Il faut compter les provinces. Les régions. Et aussi, les municipalités. Il faut tenir compte des fournisseurs de services Internet, grands et petits. Et on sait qu'une partie de l'infrastructure est déjà en place. Et il faut compter également les résidants.
Quelles devraient être, selon vous, les interactions entre ces parties prenantes dans cette stratégie nationale et dans cette mise en place à l'échelle nationale dont vous parlez?
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Permettez-moi de vous faire part de l'expérience que j'ai vécue au cours des six dernières années pendant lesquelles le gouvernement fédéral a introduit beaucoup de programmes d'infrastructure. On se retrouve dans un goulot d'étranglement lorsque ces programmes d'infrastructure atteignent le niveau provincial ou municipal. Disons qu'il a fallu procéder à beaucoup de positionnement afin de s'assurer que ces programmes soient menés en priorité.
Malgré le fait que le gouvernement du Canada, du moins dans ma circonscription, avait indiqué que les investissements dans l'infrastructure étaient au premier rang des priorités, lorsque le moment est venu pour la province et pour la région de participer, on a connu des frictions, ou pourrait-on dire, un manque d'harmonisation. On ne s'est pas entendu sur le choix du moment, de sorte que nous n'avons pu mettre en place cette infrastructure dans les délais prévus.
Oui, bien entendu, nous pouvons diriger les programmes, mais il nous faut des partenaires à la table pour les élaborer et les faire accepter. Nous ne pouvons pas nous contenter de dire, voici les éléments du programme, et ensuite, à la province, c'est votre élément, à vous de voir comment le mettre en place. Qu'en pensez-vous?
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Vous savez tous mieux que moi à quel point il est difficile d'harmoniser des projets gouvernementaux pluri-niveaux, particulièrement en raison des élections, lorsque les gouvernements peuvent changer suivant différents cycles et moments différents. Des intérêts parfois divergents entrent en jeu. Toutefois, pour commencer, le problème se pose lorsqu'il faut procéder à l'harmonisation de tous les niveaux de gouvernement. Les gens ont besoin de connectivité, et je pense que ce devrait être un point de départ.
Ensuite, si le gouvernement est ferme dans ses engagements, et si les provinces, les municipalités, les régions savent qu'il demandera des comptes dans un an, deux ans ou trois ans pour faire le suivi et poursuivre le programme amorcé — on ne parle pas d'un simple communiqué de presse, ou d'une simple annonce, mais plutôt d'un plan qui fera l'objet d'un suivi sur toute la ligne — je pense que vous seriez surpris de voir à quel point elles sont désireuses de s'asseoir à la table sachant que soudainement vous allez les aider à brancher leurs collectivités à Internet.
Lorsque ces conversations se déroulent, on s'attend évidemment à ce que les collectivités visées y participent. Elles contribuent à déterminer le genre de services qu'elles recherchent ou le genre d'installation qu'elles souhaitent obtenir. Cela est vrai dans les villes de même que dans les collectivités des Premières Nations. Le gouvernement fédéral est bien placé pour faciliter ce processus de consultation dans ces cercles plus restreints.
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Merci, madame la présidente.
Hier, comme l'ont mentionné certains de mes collègues, en tant que représentants du Parti conservateur, nous avons déposé un document qui présente près de 14 recommandations au gouvernement. Ce sont des recommandations qu'il devrait prendre en considération concernant la manière d'aborder la question de l'accès à la large bande. Nous mentionnons notamment que souvent les entreprises annoncent les meilleures vitesses possible dans un environnement utopique, alors qu'en réalité, le consommateur obtient une vitesse moyenne bien inférieure à ce qui est annoncé.
Ma question s'adresse à Mme Tribe.
Serait-il juste d'affirmer que beaucoup de Canadiens n'obtiennent pas les vitesses qu'ils pensent être en droit de recevoir compte tenu du prix qu'ils paient? Pensez-vous que ce serait une bonne idée d'exiger des entreprises qu'elles annoncent la vitesse moyenne dans une région donnée?
J'aimerais remercier tous les témoins qui se sont joints à nous ce soir. Je n'étais pas en ligne parce que ma connexion Internet était en panne. Heureusement, elle s'est rétablie juste à temps.
De toute évidence, nous vivons à une époque où l'on dépend complètement d'Internet plus que jamais. Tous les Canadiens sans exception devraient avoir accès à Internet. Je suis heureuse que nous ayons cette conversation aujourd'hui.
Ma première question s'adresse à TekSavvy.
Vous disiez éprouver certaines difficultés avant le début de la pandémie, et avoir besoin de l'aide du gouvernement pour continuer à offrir des services. Je me demandais si vous aviez connu une augmentation de la demande après l'éclosion du virus et une fois que les gens ont été forcés de faire du télétravail.
J'aimerais commencer par cette question.
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Nous avions déjà constaté une augmentation radicale de la capacité nécessaire pour assurer le trafic Internet de nos clients à la fin de 2019, soit avant la pandémie. Les coûts allaient déjà croissant. Cela s'explique en partie par la quantité de nouveaux services de diffusion en continu qui se retrouvent en ligne en même temps. Nous avons également baissé les prix. Les clients ont augmenté la vitesse de connexion. Tout un ensemble de facteurs ont joué. Nous travaillions très fort pour augmenter la capacité de notre réseau aussi vite que possible.
Mais avec la pandémie, oui, en effet, nous avons assurément constaté une hausse du volume de trafic sur nos réseaux. Pas seulement durant la journée, mais de manière générale, et également durant les périodes de pointe, ce qui constitue un facteur limitatif pour nous. Notre façon de procéder pour approvisionner nos réseaux consiste à acheter le volume de capacité dont nous avons besoin en période de pointe.
Nous avons constaté une énorme augmentation du volume de la capacité dont nous avions besoin. Nous avons immédiatement placé un lot de commandes visant à accroître la capacité de nos réseaux. Mais ce processus prend du temps. C'est un service que nous achetons auprès des entreprises titulaires.
Nous avons connu un certain répit lorsque YouTube et Netflix, il me semble, ont réduit la qualité de leur diffusion en continu. Cette décision a permis d'économiser une bonne partie de la large bande, et nous a offert un certain répit.
Mais, vous avez raison, nous avons enregistré de très fortes augmentations du volume de trafic produit sur nos réseaux.
Je vis dans une collectivité non rurale. En fait, dans une collectivité urbaine, mais on y enregistre néanmoins beaucoup de plaintes. J'ai entendu beaucoup de plaintes au sujet de Bell et de Vidéotron, les principaux fournisseurs, parce que les gens trouvent qu'il s'agit en somme d'une sorte de monopole. Ce ne sont pas les seuls fournisseurs, mais ce sont les principaux fournisseurs traditionnels, et ceux que les gens choisissent en général.
Qu'est-ce que vous en pensez? Quel rôle, selon vous, notre gouvernement devrait-il jouer pour changer la donne?
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Merci, madame la présidente.
À mon avis, nous avons un devoir d'équité envers tous les consommateurs. Je réfléchis donc à l'idée d'un prix plancher universel au pays, c'est-à-dire au Québec et au Canada, en zone urbaine comme en zone rurale, prix qui serait fixé par un organisme gouvernemental. Ce serait donc un prix fixe universel quant à l'utilisation des données, prix qui serait offert par le fournisseur au distributeur. L'objectif est de faire en sorte que cela ne coûte pas plus cher au client, qu'il se trouve en zone urbaine ou rurale. Évidemment, cela pourrait donner des avantages concurrentiels aux petits fournisseurs.
Ma question s'adresse aux représentants de la Canadian Communication Systems Alliance, qui ont notamment mentionné plus tôt l'idée d'accélérer le soutien financier pour les services à large bande dans les zones rurales.
Êtes-vous d'accord sur ce principe d'indépendance entre le fournisseur et le distributeur?
Par ailleurs, êtes-vous d'accord que chaque distributeur devrait avoir l'obligation légale de conserver le même ratio de clients en zone urbaine et en zone rurale?
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais prendre un moment pour remercier nos analystes. Ils ont fait un travail formidable en réunissant des données importantes sur la couverture Internet dans chaque province et sur les entreprises privées qui l'assurent. Il convient de le mentionner, parce que nous bénéficions d'excellents services à cet égard.
Madame Tribe, je voulais vous reparler d'universalité, de diffusion en continu, ainsi que des questions liées à la neutralité du Net. Est-ce que ces questions ont été reléguées au second plan compte tenu de ce qui se passe sur le plan de la connectivité? Ce qui m'inquiète un peu, tout comme les droits de la protection des renseignements personnels, c'est de savoir si ces questions deviennent accessoires en temps de crise. Je veux savoir si elles sont délaissées au profit de l'opportunisme, une situation susceptible d'affaiblir les piliers de la démocratie. J'aimerais savoir en outre s'il en va de même avec la neutralité du Net et la diffusion en continu, la publicité et d'autres aspects qui pourraient être touchés. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
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Merci. J'adore parler de la neutralité du Net.
Pour ce qui est de la situation quant à la neutralité du Net au Canada en ce moment, le CRTC a pris un certain nombre de décisions fermes à l'appui de la neutralité du Net, notamment pour ce qui est de ne pas privilégier un contenu au détriment d'un autre. Ces décisions sont ouvertes à la discussion, dans le cadre de l'examen de la Loi sur les télécommunications, et de ce à quoi devrait ressembler toute nouvelle loi.
La chose la plus importante que je retire de cette pandémie, eu égard à la neutralité du Net, c'est le fait qu'un grand nombre des arguments invoqués par les titulaires pour privilégier certains contenus plutôt que d'autres concernent les besoins liés à la gestion du trafic. Ce sont les mêmes raisons qu'ils utilisent pour justifier les plafonds de données bas dont ils ont supprimé l'usage artificiellement. Nous avons vu en effet que les principaux FSI ont éliminé complètement les plafonds de données en cette période de crise. Par conséquent, on peut se demander pourquoi ils seraient nécessaires le reste du temps. Si nous pouvons faire respecter la neutralité du Net en ce moment, je pense que cela créerait un solide précédent pour le moment où les choses reviendront à un état plus normal, peu importe à quoi cela pourrait ressembler. Mais ces principes devront demeurer eux aussi, à ce moment-là.