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Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Bienvenue à la réunion no 24 du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le lundi 1er juin 2020, le Comité se réunit pour étudier la Loi sur Investissement Canada. Nous nous réunissons aujourd'hui par vidéoconférence, et les témoignages seront publiés sur le site Web de la Chambre des communes.
Je rappelle aux membres et aux témoins que vous devez attendre que je vous appelle avant d'intervenir. Lorsque vous êtes prêt à parler, allumez votre microphone et éteignez-le une fois que vous avez fini votre intervention. Veuillez parler lentement et bien énoncer afin que les interprètes puissent faire leur travail. Comme d'habitude, je vous montrerai un carton jaune lorsqu'il vous reste 30 secondes, et un carton rouge lorsque votre temps de parole est échu. Veuillez respecter le temps imparti, car nous voulons donner à tous la possibilité de poser des questions.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons aujourd'hui le président du Conseil canadien des innovateurs, Jim Balsillie. Brian Facey est le président du groupe chargé de la concurrence, des affaires antitrust et des investissements étrangers de Blake Cassels and Graydon. Joshua Krane est son associé du même groupe. Nous entendrons à titre personnel M. Christopher Balding, professeur adjoint de l'Université Fulbright du Vietnam, depuis le Vietnam, et M. Omar Wakil, partenaire de Torys LLP. Chaque témoin aura droit à sept minutes pour faire son exposé, et il y aura ensuite des séries de questions.
Sur ce, commençons par M. Balsillie, qui dispose de sept minutes.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs, merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je suis Jim Balsillie, président du Conseil canadien des innovateurs.
Je salue l'étude du Comité sur la Loi sur Investissement Canada, car cette loi est un outil réglementaire critique pour assurer la prospérité et la sécurité du Canada. Dans notre économie moderne axée sur les connaissances et des données, les sources de prospérité et les vecteurs de risque ont évolué. La Loi doit donc être modifiée en conséquence afin qu'elle corresponde toujours à son objectif.
Premièrement, il faut comprendre que l'investissement direct étranger ou l'IDE, sur lequel porte la Loi, correspond à l'investissement dans une production tangible. Or, cela ne tient pas compte de l'économie moderne, dans laquelle les biens nationaux les plus précieux pour l'économie et la sécurité sont la propriété intellectuelle et les données.
Deuxièmement, la Loi repose sur la prémisse que le Canada bénéficie des connaissances et de la technologie associées à l'IDE. C'était le cas autrefois lorsque l'IDE servait à la production industrielle. Ce n'est plus le cas dans une économie d'innovation, où l'IDE a l'effet inverse.
Troisièmement, le concept d'avantage ou de risque net pourrait être raisonnablement appliqué à l'économie industrielle compte tenu de l'importance des actifs commerciaux acquis. Dans une économie axée sur les connaissances et les données, la prospérité et le risque ne sont pas fonction du volume, mais plutôt des retombées.
La politique canadienne demeure solidement ancrée dans des concepts de l'ère industrielle et ne prévoit aucune stratégie nationale en matière de propriété intellectuelle ou de données. Les sociétés et les pays se font maintenant concurrence au moyen d'actifs intangibles qu'ils possèdent et contrôlent. L'Union européenne est en train de construire son propre nuage, non pas parce que les Européens ne font pas confiance au système de commerce multilatéral, mais parce que les décideurs européens comprennent que quiconque détient la propriété intellectuelle et les données a la mainmise sur les interactions des gens et des entités avec ces données, ce qui a des répercussions énormes sur la prospérité, la sécurité et la démocratie de l'Union européenne.
Le Canada se contente d'observer la concurrence mondiale dans le secteur de la PI et des données, car nous contribuons à leur création, mais nous ne nous battons pas pour en avoir la possession et en tirer des avantages. Par conséquent, nous voyons les connaissances fuir le Canada de façon régulière, cédées à des intérêts étrangers avec une simple signature sans qu'il y ait d'examen dans une optique économique ou de sécurité nationale. À titre d'exemple, la PI fondamentale de l'AI, financée par les contribuables canadiens pendant deux décennies, a été cédée par l'Université de Toronto à Google. De plus, Huawei a conclu 17 partenariats de recherche avec des universités canadiennes pour avoir un accès à une infrastructure de télécommunications tout aussi précieuse. Il y a bien d'autres exemples encore.
Parallèlement, des pays intelligents comme l'Allemagne et ses 72 instituts Fraunhofer ont un service centralisé qui assure de façon experte l'administration et la gestion des demandes visant la PI, son exploitation et les contrats. L'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis, la France et même l'Union européenne ont mis au point des stratégies visant l'IDE, tandis que le Canada n'a rien fait. L'Allemagne a même interdit l'embauche de l'un de ses ingénieurs informaticiens, car les décideurs avaient reconnu que l'incidence négative pour l'Allemagne était supérieure aux intérêts privés de l'ingénieur informaticien.
La PI et les données sont des biens publics puissants, ce qui fait que les décisions faites dans la sphère privée n'ont aucune incidence sur les effets externes positifs ou les dispositions contractuelles.
Trois aspects de la Loi sur Investissement Canada en cours sont tout à fait contre-indiqués dans le contexte de l'économie moderne: premièrement, les seuils de valeur; deuxièmement, un moratoire qui cible uniquement les acquisitions par des entreprises d'État de pays autoritaires; troisièmement, la priorité économique donnée aux emplois. Très peu de transactions stratégiques nécessiteraient un examen en fonction de ces critères et les décideurs chargés d'appliquer la Loi ne tiennent pas compte des facteurs qui sont pertinents dans l'économie moderne.
Il ne suffit pas de mettre l'accent sur les acquisitions par les entreprises d'État de pays autoritaires, car si les actifs jouent un rôle critique pour la prospérité, la sécurité et la souveraineté du Canada, nous devons continuer à en avoir la mainmise, quel que soit l'acteur étranger.
Enfin, il faut tenir compte de nombreuses autres conséquences économiques au-delà des emplois, surtout parce que les compétences clés dans une économie axée sur la PI et les données ne courent pas les rues. Nous devons plutôt nous poser les questions suivantes: quelle en est la valeur pour notre économie; comment la valeur que nous générons est-elle liée à la prospérité et à la sécurité; la Loi est-elle structurée afin de nous permettre d'effectuer une évaluation éclairée d'un investissement donné dans une économie axée sur l'innovation, les connaissances et les données?
Notre approche actuelle consiste à gérer les actifs nationaux économiques les plus précieux du Canada en mettant un verrou supplémentaire sur la porte de devant, tout en laissant la porte de côté grande ouverte.
Vous trouverez dans l'annexe que j'ai jointe à mon mémoire un cadre analytique à jour pour la Loi sur Investissement Canada.
Merci.
Bonjour à tous. Merci de m'avoir invité à comparaître. Je suis ravi d'être ici.
Permettez-moi de vous dire d'emblée que je pense que le régime d'examen des investissements étrangers actuel fonctionne bien pour ce qui est des examens des acquisitions d'entreprises canadiennes. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de baisser les seuils déclencheurs d'examen prévus par la Loi. Je n'estime pas nécessaire ni même souhaitable d'imposer un moratoire temporaire sur les acquisitions par les entreprises d'État.
À mon avis, la Loi et sa mise en application actuelle par le gouvernement suffisent déjà pour répondre aux préoccupations à l'égard des investissements étrangers, même pendant la crise de la COVID-19, et ce, pour de nombreuses raisons.
Premièrement, pour ce qui est du processus, le gouvernement détient déjà de vastes pouvoirs qui lui permettent d'examiner la quasi-totalité des acquisitions de toute entreprise canadienne. Les investisseurs étrangers risquent notamment de faire l'objet d'examens pour des raisons de sécurité nationale, quelle que soit la valeur de l'entreprise canadienne, et ce, même s'il y a eu dépréciation de l'entreprise à cause de la COVID-19.
De plus, les entreprises d'État qui souhaitent investir sont également assujetties à des examens de l'avantage net en fonction de seuils qui sont beaucoup plus bas que les seuils auxquels font l'objet les investisseurs du secteur privé. Il convient de souligner que le seuil spécial qui est très bas dans le cas des investisseurs qui sont des entreprises d'État est établi en fonction de la valeur comptable des actifs de l'entreprise canadienne. Dans bien des cas, une dépréciation temporaire suivant la crise de la COVID-19 ne devrait pas influer sur la nécessité éventuelle d'un examen.
Deuxièmement, sur la question du fond, le gouvernement a déjà de grands pouvoirs d'application afin de défendre les intérêts canadiens et de procéder sur une base individuelle. Dans le cas des examens pour des raisons de sécurité nationale, le gouvernement peut prendre, et je cite la Loi, « toute mesure qu'il estime indiquée pour préserver la sécurité nationale ». Cela comprend l'interdiction d'une acquisition, l'imposition d'un désinvestissement ou toute autre condition qui viserait l'investissement.
Dans le cas des investissements faits par des entreprises d'État, les entreprises d'État doivent respecter certaines exigences spéciales afin d'obtenir une approbation attestant un avantage net. Ces investisseurs doivent s'engager à respecter les normes canadiennes en matière de gouvernance d'entreprise et ils doivent gérer l'entreprise canadienne sur une base commerciale. Ces engagements sont permanents. Ils s'appliquent pendant toute la durée de l'investissement et font l'objet d'une surveillance active par le gouvernement. En d'autres mots, une rigueur et une vigilance spéciales s'appliquent aux investissements faits par les entreprises d'État afin de s'assurer qu'elles se comportent de la même façon que les acteurs du secteur privé.
À mon avis, il est fortement préférable de continuer à examiner les investissements en tenant compte des nuances et des faits plutôt que d'imposer une interdiction générale. Les investissements problématiques peuvent être interdits ou restructurés sur une base individuelle. Les investissements qui ne posent pas de problème peuvent être approuvés et avoir lieu.
Il y aurait également au moins trois risques et obstacles pratiques importants si l'on baissait les seuils d'examen ou imposait un moratoire sur certains investissements.
Tout d'abord, en règle générale, le fait de baisser les seuils ou d'imposer un moratoire pourrait décourager l'apport en capitaux des investissements étrangers. Cela pourrait nuire à notre relance économique et être préjudiciable aux Canadiens. Ainsi, certaines entreprises en détresse qui ne sont pas reprises par des acheteurs canadiens n'auront pas comme choix le statu quo; ce sera l'insolvabilité.
Deuxièmement, un moratoire général peut être difficilement mis en œuvre. Le fait d'apposer l'étiquette « autoritaire » à certains pays pourrait accentuer les tensions diplomatiques existantes et en créer d'autres.
Enfin, et c'est peut-être le point le plus important, il pourrait y avoir des obstacles juridiques complexes si l'on change les seuils visant l'avantage net fixés par la Loi sur Investissement Canada. Les accords de libre-échange, tel l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, prévoient des exceptions aux seuils actuels qui ont fait l'objet de négociations. En d'autres mots, au moins une partie de nos accords de libre-échange pourraient obliger le gouvernement à maintenir les seuils actuels visant l'avantage net, donc le fait d'éventuellement modifier la Loi sur Investissement Canada dans ce domaine pourrait avoir une incidence non voulue qui devrait être étudiée avec circonspection.
En somme, je crois que le régime actuel est bien équilibré pour cerner et traiter les acquisitions d'entreprises canadiennes qui pourraient poser problème. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas moyen de l'améliorer. Il serait souhaitable d'apporter des changements graduels au régime prévu par la Loi et à son administration. Toutefois, ces mesures seraient souhaitables à long terme, à mon avis, et ne s'imposent pas de façon urgente dans la foulée de la crise de la COVID-19.
Le gouvernement devrait notamment s'assurer que la Division de l'examen des investissements et ses collaborateurs reçoivent un financement suffisant afin d'effectuer rapidement et efficacement les examens visant l'avantage net et la sécurité nationale. Ensuite, on pourrait songer à fournir des conseils supplémentaires adaptés à certains cas dans le cadre des examens visant la sécurité nationale. Troisièmement, il serait peut-être intéressant de permettre aux investisseurs de déposer les formulaires d'avis lorsqu'il y a acquisition d'intérêts minoritaires significatifs, ou encore de les y obliger, non pas lorsqu'il y a des acquisitions de contrôle, ou comme l'a dit M. Balsillie, pour donner au gouvernement davantage de compétence pour ce qui est des transactions qui ne portent pas sur les acquisitions de contrôle ou la participation dans des entreprises canadiennes.
Sur ce, je vais terminer. Je demeure à votre disposition si vous avez des questions.
Merci beaucoup.
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Madame la présidente, honorables membres du Comité, merci beaucoup. Je suis reconnaissant d'avoir l'occasion de témoigner ce matin. Je comparais à la fois en mon nom et celui de mon associé, Brian Facey, qui est le président du groupe responsable de la concurrence, des activités antitrust et des investissements étrangers de notre cabinet. Il regrette de ne pouvoir être des nôtres ce matin.
Nous offrons régulièrement des conseils à la fois aux investisseurs étrangers et aux entreprises canadiennes sur tous les aspects de la Loi sur Investissement Canada. Nous sommes également les coauteurs de Investment Canada Act: Commentary and Annotation, 2020 Edition, publié annuellement par l'éditeur juridique LexisNexis. Nous en sommes à la huitième édition et le livre connaît un franc succès auprès des juristes, des entreprises canadiennes et des investisseurs étrangers qui cherchent à comprendre la façon dont la Loi s'applique aux investissements au Canada.
Je comparais à titre personnel et mon avis ne représente pas celui de notre cabinet ou de ses clients.
Je vais commencer en donnant un aperçu d'ensemble des questions soulevées par le Comité et je ferai ensuite trois recommandations, fort de notre expérience. Bref, nous pensons que la Loi sur Investissement Canada et les mécanismes d'examen ne doivent pas être modifiés et qu'il ne devrait pas y avoir de modifications ou de politiques générales en ce moment. La Loi est un cadre législatif qui offre une grande discrétion au ministre pour ce qui est d'approuver, rejeter ou modifier les investissements étrangers sur une base individuelle. Nous croyons que c'est un domaine prioritaire qui s'avère critique en ce moment et que la Division de l'examen des investissements devrait notamment être dotée de suffisamment d'employés et de fonds afin de mener à bien son mandat important.
Les défis découlant de la crise de la COVID-19 auxquels font face les entreprises et le gouvernement sont sans précédent, et même si nous reconnaissons les risques potentiels associés à l'acquisition par des intérêts étrangers des entreprises canadiennes qui occupent un rôle essentiel pour la sécurité nationale, la Loi confère déjà des pouvoirs étendus au gouvernement afin qu'il effectue des examens en profondeur des investissements étrangers et puisse interdire ou modifier tout investissement qui soulève des préoccupations sur le plan de la sécurité nationale.
Dans bien des cas, les examens peuvent durer plus de 200 jours, mais selon notre expérience et ce que nous avons observé au cours des derniers mois, l'interdiction générale des investissements par certaines catégories d'investisseurs ou dans certaines industries ne se justifie pas, et il faudrait plutôt procéder au cas par cas. Le fait d'imposer des obligations supplémentaires aux investisseurs, surtout en l'absence de ressources supplémentaires pour la Division de l'examen des investissements et ses collaborateurs et de mesures supplémentaires de transparence, pourrait signaler à la communauté des investisseurs qu'ils risquent probablement d'être confrontés à plus de bureaucratie s'ils cherchent à investir au Canada. Or, le Canada a besoin d'investissements étrangers directs pour alimenter sa reprise économique.
Il faut également se souvenir que le Parlement a modifié la Loi en profondeur en 2009 pour mettre en œuvre des mesures de protection de la sécurité nationale, et qu'il a augmenté les montants seuils et a réduit le nombre d'examens de l'avantage économique ou net en 2015. Ces changements ont permis de trouver le juste équilibre pour ce qui est d'encourager les investissements de nos partenaires commerciaux et veiller à la propriété intellectuelle et à la capacité manufacturière canadiennes, afin qu'elles ne soient pas reprises par des investisseurs dont les intentions ne concordent pas forcément avec les intérêts des Canadiens. Le fait de baisser les seuils déclencheurs d'examen serait un pas en arrière pour ce qui est d'ouvrir le Canada aux investissements étrangers directs dont il a grandement besoin.
Voici maintenant nos recommandations.
À l'heure actuelle, la Loi n'exige pas que les investisseurs avisent le gouvernement avant de clôturer l'acquisition, à moins que l'investissement porte sur l'acquisition directe d'une entreprise canadienne dont la valeur est supérieure au montant seuil applicable. Toutefois, les investisseurs ont comme pratique usuelle d'aviser les gouvernements avant de conclure l'acquisition lorsqu'un investissement a une incidence potentielle sur la sécurité nationale.
À notre avis, cette pratique fonctionne bien, mais s'il faut apporter des changements, on devrait se limiter aux investissements dans les industries qui sont d'une importance critique pour la sécurité nationale canadienne, et les investisseurs assujettis à un accord commercial devraient également être exemptés de l'obligation de déposer un avis avant la clôture. La liste des industries critiques devrait être précise, afin que les investisseurs et les entreprises canadiennes puissent vérifier facilement si un avis s'impose. De plus, le gouvernement ne devrait pas rallonger le délai, déjà lourd, de 200 jours dans le cas des examens visant la sécurité nationale. La Division de l'examen des investissements doit détenir les ressources et avoir les directives nécessaires afin de faire le tri des cas rapidement. Permettez-moi de m'y attarder un peu.
Nous avons également observé que lorsque les investissements font l'objet d'un examen, notamment lorsqu'il s'agit de sécurité nationale, les délais peuvent être assez longs, ce qui cause des problèmes surtout lorsque les investisseurs prévoient établir, au Canada, de nouvelles entreprises qui créent des emplois, qui mènent de nouvelles recherches et qui mettent au point des produits et services au profit de l'économie canadienne. Une personne devrait être nommée prochainement à la direction permanente des investissements, et le gouvernement devrait ajouter, aux équipes d'examen, du personnel technique qui a l'expertise nécessaire pour évaluer plus rapidement si les investissements posent ou non des problèmes de sécurité nationale.
Enfin, nous encourageons les membres de votre comité à prendre des mesures pour améliorer la transparence dans le processus d'examen. Selon notre expérience, les investisseurs se demandent souvent pourquoi leurs investissements sont pris dans les méandres d'un examen lié à la sécurité nationale. De plus, pendant ce processus, on ne les informe presque pas des préoccupations soulevées et des mesures qui pourraient être nécessaires pour les régler. Il est dans l'intérêt de tous les Canadiens de disposer d'un cadre d'examen solide en matière de sécurité nationale, mais sa mise en œuvre doit être transparente et fondée sur des principes. Les investisseurs doivent avoir la possibilité de répondre de manière significative aux préoccupations qui ont été soulevées, et ce processus doit être intégré dans les lois et les règlements.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous parler de ce sujet très important qui est lié à l'avenir économique du Canada. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Je vous remercie beaucoup.
Je dirai d'emblée que, bien que je ne sois pas un expert du droit canadien de l'investissement, je pense avoir l'expertise nécessaire pour parler de la menace représentée par les investissements d'État.
Mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui d'un sujet qui, à mon avis, revêt une grande importance dans le monde actuel. Je dis cela à titre d'économiste et de citoyen d'un pays démocratique préoccupé par l'influence des États autoritaires dans divers secteurs.
Par conviction intellectuelle, les obstacles au commerce, à l'investissement et à la libre circulation des travailleurs sont pour moi un anathème. J'ai passé la plus grande partie de ma carrière à travailler en Asie et à enseigner dans des universités qui font la promotion de ces idéaux et de ces valeurs. Je crois que les démocraties libérales ouvertes tirent profit de leur ouverture.
Toutefois, après avoir travaillé pendant neuf ans comme employé de la fonction publique à la Peking University HSBC Business School — l'École de commerce HSBC de la Peking University, en Chine —, j'ai été assailli par la réalité de la Chine moderne et de l'autoritarisme musclé. La Chine moderne, sous le président Xi, est en opposition totale avec les valeurs auxquelles le Canada, à titre de démocratie libérale ouverte, a à cœur.
Comment pouvons-nous concilier les exigences des marchés ouverts avec la menace très réelle des entreprises d'État subventionnées et prédatrices? Pour répondre à cette question, nous devons d'abord répondre à la question sur la menace que représentent les entreprises d'État à contrôle autoritaire et expansionniste. Il s'agit d'entreprises qui utilisent des fonds publics pour cibler des entreprises stratégiques et contrôler des ressources, des actifs ou des technologies clés.
En Chine, nous voyons de nombreux exemples d'entreprises d'État ou d'entreprises qui sont liées à l'État et qui reçoivent les largesses de l'État pour les aider à se développer à l'étranger. Qu'il s'agisse de fournir un financement accordé par le vendeur qui ne serait pas autorisé en vertu des règles de l'OCDE, d'un financement soutenu par l'État pour effectuer des acquisitions ou d'industries ciblées par les dirigeants politiques, des entreprises d'État et des entreprises liées à des États autoritaires reçoivent des avantages importants que les entreprises privées du reste du monde ne reçoivent pas. Elles ciblent également des actifs, qu'il s'agisse de ressources naturelles ou de technologies, qui sont privilégiés par les dirigeants politiques plutôt que les forces du marché. Nous avons vu des exemples où la Chine achète des entreprises de technologies étrangères et tente ensuite de rapatrier l'ensemble des activités de l'entreprise en Chine. Ce n'est pas le comportement des forces du marché ou même celui d'une contrepartie digne de confiance.
Plus inquiétant encore, nous avons vu des exemples où la Chine essaie différentes méthodes pour éviter le contrôle de ses activités d'investissement et utilise diverses mesures pour dissimuler ses activités, qu'il s'agisse d'investissements de tiers par l'entremise de divers fonds ou qu'il s'agisse de l'omission de soumettre les investissements étrangers à un contrôle réglementaire, ce qui nécessite ensuite un désinvestissement obligatoire. Dans d'autres exemples, la Chine a encouragé la signature d'ententes, par exemple en proposant d'ouvrir le marché chinois si la technologie lui était transférée.
Nous avons des preuves selon lesquelles la Chine tient des registres détaillés sur la propriété intellectuelle détenue par les entreprises, avec une série de renseignements connexes qui évaluent l'actif. Il est évident que la Chine dispose d'une liste ciblée avec une hiérarchie des actifs en matière de technologies et de propriété intellectuelle. Tous ces comportements soulèvent des inquiétudes justifiées quant à la question de savoir si l'État autoritaire chinois est une contrepartie digne de confiance dans les investissements internationaux.
Étant donné les risques évidents liés aux investissements de la Chine, je crois qu'il est dans l'intérêt du Canada de réfléchir sérieusement aux risques liés à un pays qui a démontré un comportement d'investissement visiblement menaçant et prédateur.
Je suis prêt à répondre aux questions des membres du Comité.
Je vous remercie beaucoup.
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Je pense qu'il est juste de dire qu'un grand nombre de ces investissements sont effectués beaucoup plus à des fins d'influence ou à des fins stratégiques pour l'État chinois. Par exemple, une entreprise britannique de semi-conducteurs a été vendue à un conglomérat chinois, et une partie de l'accord prévoyait que l'entreprise resterait en Grande-Bretagne. Une dispute liée à la sécurité nationale est en cours. Essentiellement, les Chinois cherchent à faire sortir l'ensemble de l'entreprise de la Grande-Bretagne et à ne laisser que peu ou pas de personnel dans ce pays.
Ce n'est pas seulement une question d'influence, mais on cherche visiblement à acquérir une certaine influence. Il y a aussi des considérations stratégiques... Cela répond-il à l'objectif stratégique de la Chine et dans ce cas précis, à l'objectif de la Chine pour 2020 à 2025, et à son désir d'améliorer la production de fabrication de semi-conducteurs?
Il est également très important de souligner qu'il existe de nombreux autres exemples dans le monde d'investissements ayant pour objectif ce que vous avez appelé « l'influence ». Au fond, ces investissements semblent moins axés sur les rendements économiques et financiers, mais plutôt sur les politiques de l'État.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Avant de m'adresser aux témoins, j'aimerais préciser que le greffier a distribué un avis de motion. Je tiens seulement à m'assurer qu'elle est inscrite au compte rendu public. Je la proposerai jeudi, mais pour que tout le monde soit informé, voici la motion:
Que, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, le Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie invite les dirigeants des Compagnies Loblaw Ltée, de Metro inc. et d'Empire Company Ltd. à justifier leur décision d’annuler, le même jour, la légère augmentation de salaire de leurs employés d’épicerie de première ligne durant la pandémie, et d’expliquer comment cette décision est conforme aux lois régissant la concurrence.
Je sais qu'un certain nombre d'entre nous ont éprouvé une grande frustration lorsque cette décision a été prise, et je pense qu'il est important, pour les Canadiens, que les représentants de ces entreprises viennent s'expliquer. Il faut espérer qu'ils ne se parleront pas entre eux au préalable.
Ma question sur la Loi sur Investissement Canada s'adresse à tous les témoins. Selon des témoignages précédents, les orientations politiques publiées à la mi-avril par le cabinet du ministre prévoient une surveillance accrue des entreprises d'État ou des entreprises associées à un régime autoritaire. Une surveillance accrue est actuellement exercée au cas où ces acquisitions sont proposées. Toutefois, des témoins précédents ont affirmé qu'à la place de ces orientations politiques, on devrait formuler des directives plus fermes et plus précises. Cette recommandation qui provient des témoignages semble raisonnable.
J'aimerais savoir si vous pensez que nous devrions appuyer cette recommandation. J'aimerais d'abord entendre la réponse de M. Wakil.
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Oui, je crois que nous devrions l'appuyer. J'aimerais ajouter que selon moi, le gouvernement a fait du bon travail, au fil des années, pour accroître la transparence des examens de sécurité nationale dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada. Le rapport annuel que publie la Division de l'examen des investissements est une source d'information précieuse pour les membres du Barreau, les investisseurs étrangers et les entreprises canadiennes à la recherche d'investissements étrangers en ce qui concerne les informations statistiques sur les types de valeurs mobilières nationales qui ont été entreprises, les résultats des examens, les recours et les échéanciers. Il existe également des lignes directrices sur les examens de sécurité nationale qui sont utiles.
Toutefois, comme je l'ai dit dans mon exposé, je crois qu'il serait nécessaire de fournir des orientations supplémentaires. Les investisseurs dans les entreprises canadiennes ne sont pas contre l'imposition de règles, mais ils aiment avoir le plus de certitude possible à l'égard de ces règles.
En ce qui concerne les orientations supplémentaires qui peuvent être utiles, on pourrait, dans la mesure du possible, offrir des orientations précises pour chaque cas. Parfois, ces examens liés à la sécurité nationale, en raison de leur nature, empêchent la divulgation de renseignements qui peuvent être précieux. Je pense que le gouvernement pourrait donner des orientations supplémentaires à mesure qu'il acquiert une plus grande expérience en matière d'examen de la sécurité nationale dans des cas précis, par exemple des renseignements supplémentaires sur l'industrie à laquelle s'intéresserait le gouvernement ou des renseignements sur les résultats de l'examen.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur Balding, vous nous avez brossé principalement le portrait de la puissance chinoise, qui parviendrait à profiter de certaines failles. Or, même si le modèle chinois est celui d'une économie de marché, c'est quand même un régime de collusion entre les grands groupes industriels et l'État. C'est donc un modèle très agressif.
Cependant, il y a également une forme de collusion avec de grands groupes industriels issus de ces mêmes démocraties libérales. Le modèle chinois, par exemple, travaille souvent de concert avec des multinationales étrangères.
Au fond, le problème n'est-il pas que nous sommes dépendants de la Chine? On a pu le constater dans le cas des médicaments ou des métaux rares, entre autres.
Ne s'agit-il pas également d'un problème de collusion entre l'État chinois et les entreprises de chez nous et des États-Unis?
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Il y a beaucoup de vérité dans ce qui vient de se dire. Par exemple, dans les secteurs les plus stratégiques, le plus souvent on verra que le président-directeur général de la première entreprise de télécommunications de Chine, par exemple, deviendra celui de China Unicom, qui deviendra celui de la prochaine entreprise chinoise de télécommunications. Ce sont toutes en réalité une seule entreprise.
Il importe beaucoup, d'après moi, de le remarquer. Souvent, quand une entreprise chinoise, quelle qu'en soit la taille, investit notablement au Canada, c'est visiblement avec la bénédiction de l'État et elle aura été diversement financée par des banques chinoises, tout en accédant à des capitaux étrangers.
Il est assez juste d'appeler collusion ce mariage de l'État et de l'entreprise. Voilà pourquoi j'ai dit que, essentiellement, on leur désigne des industries comme champs d'action, et que leurs investissements à l'étranger sont censés se faire dans des industries dont on a dressé la liste.
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Que peut-on faire maintenant?
Par exemple, même si la Chine est membre de l'Organisation mondiale du commerce, elle n'en est pas un membre fondateur, et même si elle en fait partie, on peut dire que son fonctionnement en soi fait mentir le modèle de l'Organisation mondiale du commerce. Alors, que peut-on faire?
Les relations entre le Canada et la Chine ont beau avoir déjà été excellentes, ce n'est plus le cas. Il y a quelques années à peine, il était question de conclure une entente de libre-échange entre le Canada et la Chine, et maintenant, il n'en est plus du tout question. Les relations sont devenues exécrables. Cependant, malgré tout, cette forme de collusion continue.
Encore une fois, que peut-on faire?
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Si nous nous focalisons sur les investissements au Canada, la question essentielle est « qu'est pour nous la sécurité nationale? ». Tous les pays, particulièrement à la suite de la COVID, y reviennent. Il y a six mois, on n'aurait pas pris au sérieux celui qui aurait annoncé que l'équipement médical de base comme l'équipement de protection individuelle serait considéré comme un enjeu de sécurité nationale. Maintenant, ça obsède tout le monde.
L'un de nos premiers sujets de réflexion... Je remarque que, aujourd'hui, nous sommes sur Zoom, essentiellement une entreprise chinoise. Tout son cryptage, tout passe par la Chine actuellement. À ce que je sache, cette vidéo sera rendue publique, mais si nous préférions le huis clos ou sécuriser nos discussions d'une manière ou d'une autre, ça pourrait causer de véritables problèmes au gouvernement du Canada.
Je pense que, notamment — et je serais d'accord avec certains des témoins qui en ont parlé — nous manipulons une lame à deux tranchants. Il faut de la transparence sur les règles et la procédure. Il faut aussi noter que la Chine se sert de la transparence contre des gouvernements comme celui du Canada et qu'elle a pris des mesures pour s'assurer que ses investissements échapperont à l'examen ou à la détection réglementaire et ensuite, quand elle est obligée de s'en défaire, elle possède déjà les données nécessaires ou la propriété intellectuelle lui permettant de partir et de fabriquer son propre produit.
Il faut concilier la transparence nécessaire, sur laquelle, avec les autres témoins, je suis d'accord, et le maintien de la confidentialité de certains renseignements pour le gouvernement.
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Merci, madame la présidente.
Rapidement, mais je tiens à le dire, je remercie M. Erskine-Smith de sa motion. Je l'appuierai.
N'est-il pas irréel que, dans la période que nous traversons, alors que notre système monopolistique a permis aux épiceries d'engranger des revenus importants, cette décision ait été prise. J'espère que nous pourrons approfondir l'analyse dans une circonscription comme la mienne, où la réduction du service dans les secteurs pauvres ou éprouvés, présente un écart démesuré avec les secteurs économiquement favorisés. Ça se reflète également dans l'embauche, le soutien aux consommateurs, l'établissement des prix, l'apparence des magasins et le plan régional global d'affaires. De fait, certaines de ces chaînes ne desservent même plus certains de ces quartiers, en raison des difficultés qu'ils présentent. J'espère que nous pourrons avoir une bonne discussion sur ce phénomène, parce que l'alimentation est importante pour l'égalité et qu'il existe un problème de discrimination systémique parmi ces chaînes, en ce qui concerne certains des services fournis dans certains quartiers.
Sur ce, voici ma première question à MM. Wakil et Krane: Vous préconisez en grande partie le statu quo. Alors précisément, qu'est-ce que le Canada a réussi à faire que d'autres pays ratent? Je le demande, parce qu'une analyse révèle notre différence. Quels résultats tangibles et quelles statistiques précises pouvez-vous désigner, qui nous ont avantagés sur le plan économique, soit par la création de produits et de services, le PIB, notre type de système différent de ceux des autres pays?
Vous, d'abord, monsieur Krane, puis vous, monsieur Wakil.
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D'accord. Merci beaucoup.
Vous savez, notre processus de sécurité nationale existe depuis environ 11 ans, et, jusqu'ici, il a donné d'excellents résultats. Le gouvernement a publié des conseils à répétition, à l'intention des investisseurs, pour qu'ils se manifestent tôt, quand leurs opérations soulèvent des inquiétudes pour la sécurité nationale, et, pour la plupart, les investisseurs en ont tenu compte.
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Certainement. D'abord, le Canada se distingue beaucoup des autres pays en s'étant doté d'un type d'examen des investissements étrangers axé sur l'avantage économique net. L'immense majorité des pays soit examine ces investissements en fonction de la sécurité nationale, soit n'en fait pas de cas. Le Canada, l'Australie et une poignée d'autres pays font figure d'exceptions en examinant les avantages de certains investissements.
Ensuite, sur les renseignements que vous demandez, le gouvernement, à ma connaissance, ne les a jamais rassemblés ni analysés, ce qui serait très difficile ou très peu simple. La difficulté, en partie, proviendrait de notre ignorance des conséquences de l'absence d'investissement étranger pour l'entreprise canadienne, de ce qui lui serait advenu faute d'investissement.
D'après mon expérience personnelle, mais c'est anecdotique, beaucoup d'investissements ont eu d'excellents résultats. L'autre partie de l'alternative, pour beaucoup d'investissements, était l'insolvabilité, tandis que l'investissement a permis un apport de connaissances de l'étranger, de capitaux étrangers, qui ont aidé l'entreprise canadienne et sauvé des emplois, ce qui...
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Merci beaucoup, madame la présidente. J'espère que ma connexion Internet ne flanchera pas.
Je m'adresse à vous, messieurs Balsillie et Balding. Le reste du monde semble comprendre l'importance de ce qui se passe, dans la mesure où la propriété intellectuelle est concernée. Peut-être que, après le vote de mercredi sur la composition du Conseil de sécurité de l'ONU, nous pourrons revenir aux emplois au Canada et nous soucier comme il se doit des politiques destinées aux Canadiens.
Monsieur Balding, vous avez écrit dans un tweet: « Pékin, depuis quelque temps, annonce qu'elle veut en finir avec l'ordre mondial libéral. Les petits pas multilatéraux conduisant à plus d'ouverture et au respect des droits de la personne sont vains si vous acceptez cette vision chinoise ».
Vous qui avez une connaissance intime du gouvernement chinois et de l'économie de la Chine, je me demande si vous pouvez situer cette déclaration dans le contexte de notre étude de la Loi sur Investissement Canada. Selon certains témoignages, par exemple, le Canada doit clarifier ses règles sur les investissements étrangers et, comme la pandémie de COVID-19 expose notre pays à un risque accru de prises de contrôle stratégiques par des acteurs étrangers agressifs comme la Chine, il a été avancé que les prises de contrôle faites notamment par des entreprises d'État chinoises pouvaient servir à promouvoir les intérêts stratégiques étrangers du Parti communiste chinois.
Sur le court comme le long terme, pourriez-vous en dire un peu plus sur ce que vous croyez être les intérêts stratégiques du gouvernement chinois à l'étranger? Quels sont les risques pour les actifs canadiens? Devrions-nous imposer un moratoire complet à ces investissements ou, à tout le moins, sensiblement renforcer les dispositions de cette loi qui concernent la sécurité nationale?
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Merci beaucoup pour la question.
Je pense que mon tweet a visé juste. Permettez-moi d'abord d'expliquer un peu comment fonctionne l'économie chinoise et quels objectifs d'investissement stratégique de ce pays entrent en jeu.
Chaque année, les Chinois se voient remettre une liste de secteurs prioritaires. Actuellement, il y en a neuf. Nous voyons qu'ils obtiennent beaucoup d'argent à investir à l'étranger et en Chine. Les secteurs sont hiérarchisés selon des critères politiques. Nous le constatons essentiellement dans les performances des entreprises. Croyez-le ou non, le rendement des capitaux propres et de l'actif des sociétés chinoises, des entreprises d'État, notamment, est très faible, parmi les plus faibles dans le monde. Les sociétés à forte capitalisation de la bourse chinoise ont produit des rendements annuels d'environ 1 % au cours des 25 dernières années.
Nous le voyons aussi dans la façon dont le capital est alloué à l'intérieur du pays et à l'étranger. Un exemple simple le montrera: les Chinois ont accordé la priorité à des secteurs comme les mégadonnées et la reconnaissance faciale, principalement pour des motifs de sécurité intérieure. Ils utilisent des techniques comme l'intelligence artificielle, à l'Université de Toronto et dans certains autres pôles très spécialisés, d'une manière qui pourrait répugner aux démocraties libérales.
Même si l'entreprise n'est pas nécessairement achetée, la délocalisation des emplois hors Canada, du moins très probablement, mérite un deuxième coup d'œil sur ce que ces compagnies chinoises fabriquent, particulièrement avec les ressources technologiques, et sur leur façon de s'en servir dans des endroits comme le Xinjiang.
Les méthodes par lesquelles les sociétés chinoises investissent à l'étranger présentent des exemples très évidents de leur infiltration d'entreprises à capital-risque pour accéder à la technologie d'une firme ciblée, accéder à sa technologie, la copier ou en obtenir une licence d'exploitation — façon de faire qui possède plusieurs variantes — pour essentiellement l'exporter et l'utiliser en Chine. Nous avons vu des exemples aux États-Unis et dans d'autres pays où ils ne se sont pas soumis à un examen axé sur la sécurité nationale.
Nous considérons que c'est le comportement auquel nous avons affaire. Quant à l'ordre fondé sur les règles et aux pratiques économiques normalisées que nous tenons pour acquises, d'habitude la Chine ne les respecte pas.
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À l'instar de M. Balsillie, je m'inquiète qu'il y ait des lacunes dans la loi. Je pense que la loi, tel qu'elle est rédigée actuellement, est très efficace pour surveiller la prise de contrôle d'entités canadiennes. Dans certains cas, sa portée juridique peut faire en sorte que l'acquisition d'un élément de propriété intellectuelle soit visée par la Loi sur Investissement Canada et fasse ainsi l'objet d'un examen.
Je crois qu'il pourrait être utile de faire exactement ce que propose M. Balsillie et déterminer si la loi comporte ou non des lacunes. Je pense qu'en ce qui concerne sa portée, il y a sans doute des lacunes, précisément en ce qui concerne les transactions qui n'impliquent aucune prise de contrôle ou acquisition de titres de participation dans d'autres entités ou éléments d'actifs. Il pourrait y avoir des situations où des transferts de technologie portent atteinte à la sécurité nationale, mais ils ne sont pas visés par la loi en raison de sa portée juridique.
Je crois que la loi est très efficace. Pour répondre à la question que se pose le Comité dans le cadre de la présente étude, c'est-à-dire s'il devrait ou non y avoir des seuils d'évaluation ou s'il faudrait imposer un moratoire, je dirais qu'il n'est pas nécessaire de modifier la loi.
En ce qui concerne des questions qui ne sont pas liées à la crise de la COVID, des questions plus vastes, à savoir s'il faudrait réévaluer la loi périodiquement et si la loi doit être actualisée, je dirais qu'il faudrait le faire, à mon avis.
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Merci, madame la présidente.
Je souhaite encore une fois la bienvenue aux témoins qui participent au Comité. Vos propos sont fort intéressants.
Monsieur Balsillie, je vais consacrer les cinq minutes qui me sont imparties à poser des questions sur la propriété intellectuelle et l'économie contemporaine dont vous avez parlé, à savoir la propriété intellectuelle et les mégadonnées.
En me préparant à la réunion, je me suis penché sur le nombre de demandes qui ont été soumises, leur valeur monétaire, le seuil, et ainsi de suite. Je n'ai toutefois trouvé nulle part les chiffres sur la propriété intellectuelle associée à ces investissements. Je regardais les 428 millions de dollars d'actifs, et j'essayais de trouver la définition d'un actif pour savoir si la propriété intellectuelle englobe cet élément. J'ai examiné différentes entreprises d'État, pour lesquelles les chiffres s'élèvent à 1,6 milliard de dollars, ou 1,07 milliard.
Je viens du secteur de la consultation en gestion. J'ai travaillé avec beaucoup d'entreprises du palmarès Fortune 500, ainsi qu'avec des petites entreprises. Même au ministère de l'Industrie du gouvernement canadien, qui dépense 2,2 milliards de dollars pour mettre à niveau des organisations — il y a beaucoup de propriété intellectuelle de ce côté —, je n'ai pu trouver aucun chiffre relatif à la propriété intellectuelle qui passe à des investissements étrangers ou à des pays étrangers, peu importe.
Je sais que la majeure partie de nos investissements vont aux États-Unis, c'est-à-dire 54 %. L'Union européenne en reçoit 24 %, et la Chine, 5 %. Je n'ai toutefois pu obtenir aucune donnée sur la propriété intellectuelle. Pouvez-vous nous dire où aboutit notre propriété intellectuelle?
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Oui, une étude récente de l'Institut de recherche en politiques publiques, ou IRPP, dit essentiellement qu'une proportion énorme de la propriété intellectuelle canadienne quitte le pays. De plus, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, ou OMPI, a récemment indiqué que nous sommes le seul grand pays dans le domaine de l'intelligence artificielle à avoir enregistré une baisse du nombre de brevets déposés au cours des trois dernières années.
Depuis 20 ans, les contribuables canadiens financent la propriété intellectuelle fondamentale derrière l'intelligence artificielle qui est transférée à Google sans aucune révision. D'ailleurs, Google a dit que la technologie se trouve dans tous ses produits et lui vaut des milliards de dollars de profits chaque année. Il y a 17 de nos meilleurs chercheurs en télécommunications stratégiques qui travaillent avec Huawei, sans aucune forme de révision stratégique ni des fonds de recherche ni de notre Loi sur Investissment Canada.
Comme je l'ai dit, nous avons une grande porte-moustiquaire sur le côté accompagnée d'un écriteau qui indique « Veuillez entrer par ici », alors que nous parlons d'ajouter un autre verrou à la porte d'entrée.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Ma question s'adresse à M. Wakil.
Dans votre allocution, vous avez mentionné la possibilité de modifier progressivement la loi. À mon avis, pour pouvoir changer la loi, il faut la comprendre, et pour la comprendre et l'évaluer, il faudra de la transparence.
Seriez-vous d'accord pour donner accès aux archives et revoir les décisions des ministres afin de voir quels motifs ils ont invoqués et quelles conditions ils ont imposées dans le cadre de la Loi sur Investissement Canada? Seriez-vous disposé à le faire afin de mieux comprendre les faiblesses de la Loi?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Une partie du défi que nous devons maintenant relever est attribuable au fait que la Loi sur Investissement Canada a été modifiée en 2013 par le gouvernement Harper au moyen d'un projet de loi d'exécution du budget. Cela signifie qu'il n'y a pas eu de travaux en comité sur ce dossier donné. En fait, au cours de la législature suivante, j'ai présenté une motion pour faire exactement cela, mais elle n'a pas été adoptée non plus.
Cela signifie que nous n'avons jamais eu de discussion en profondeur ou d'occasion de discuter des ramifications, de même que des changements nécessaires à la modernisation. En fait, nous avons vu le seuil passer à 1 milliard de dollars en 2017. Tout cela s'est fait sans la moindre participation de la population à un véritable projet de loi, et sans aucune consultation ouverte nécessaire à une démocratie.
Monsieur Balsillie, pensez-vous que les intervenants de divers secteurs souhaiteraient maintenant participer à un examen plus complet de la loi? Même si nous parlons de l'examen qui a été réalisé en 2013, il a fallu des décennies avant que le projet de loi ne donne lieu à des mesures concrètes.
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Oui, les parties intéressées sont les Canadiens. Le plus important est donc de comprendre ce dont nous avons besoin pour être prospères et souverains dans une nouvelle réalité.
C'est pour cette raison que j'ai parlé des intérêts publics par rapport aux intérêts personnels. Il y a des facteurs extérieurs au marché ou des retombées qui ne sont pas pris en compte dans la décision d'une personne. C'est pourquoi j'ai donné l'exemple de l'ingénieur en informatique qui pourrait accepter un emploi dans une entreprise d'État allemande: c'est une bonne chose pour cette personne puisqu'elle reçoit une augmentation, mais c'est néfaste pour le pays dans son ensemble.
Je sais très précisément que ceux qui administrent ces politiques réclament des directives politiques à ce sujet. Il faut donc voir les choses dans l'optique du pays, et non d'un secteur en particulier, car celui-ci s'intéressera uniquement aux intérêts privés d'un groupe restreint, et non pas aux facteurs extérieurs au marché ou aux retombées plus larges.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Tout d'abord, je tiens à préciser aux fins du compte rendu que les conservateurs appuient la motion de M. Erskine-Smith. Nous nous intéressons plus particulièrement au contexte dans lequel la décision a été prise, étant donné que le gouvernement libéral a versé 12 millions de dollars à Loblaws pour des réfrigérateurs lors de la dernière législature, je crois, ou plus tôt cette année.
Nous nous intéressons également aux conditions de travail auxquelles les travailleurs de première ligne ont été soumis pendant la crise de la COVID. Ce sera une très bonne conversation. Nous espérons que les travailleurs seront également représentés dans le cadre de cette étude. Nous allons donc appuyer la motion.
Monsieur Balding, je vais commencer par vous adresser quelques questions. Je vais vous donner deux éléments contextuels de cette étude que j'ai trouvé intéressants en tant que législatrice.
Premièrement, le Canada est unique, à l'instar de tous les pays. Or, nous n'avons pas le même niveau de capital à grande échelle auquel d'autres pays peuvent essentiellement avoir accès, et qui permet de tirer parti de grands gisements de ressources naturelles, si bien que nous avons souvent recours à des investissements directs étrangers pour ce type d'investissement.
Le deuxième élément contextuel est mon expérience dans la recherche de témoins pour l'étude. Je pense qu'il y a cinq domaines différents où il peut y avoir un conflit ou une volonté de maintenir le statu quo. Je pense notamment aux sommes d'argent qui proviennent des fusions et des acquisitions entourant les entreprises d'État ou influencées par l'État dans des pays autoritaires. C'est une large part des affaires dans le milieu juridique canadien, ainsi que dans le milieu bancaire canadien.
Je pense aussi aux universités canadiennes, où l'administration universitaire a tendance à attirer des étudiants qui proviennent de pays autoritaires, étant donné qu'ils versent beaucoup d'argent à nos universités pour y suivre des cours en tant qu'étudiants étrangers. J'ai également une formation en parapolitique, en gestion de la propriété intellectuelle et en recherche subventionnée dans diverses universités canadiennes, et il y a une incitation à participer à divers contrats de recherche subventionnés par des gouvernements autoritaires ou par leurs entreprises d'État ou influencées par l'État.
Ensuite, notre gouvernement est en pleine campagne fort importante visant à obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations unies, qui s'accompagne de ses propres politiques. Je trouve donc qu'il y a une propension à ne pas en parler. C'est comme si nous voulions faire fi de toute la question en espérant maintenir le statu quo.
Étant donné que vous n'êtes pas touché par un éventuel conflit, je me demande si vous pourriez nous nommer d'autres pays ou peut-être d'autres témoins qui ne seraient pas biaisés et qui pourraient nous aider dans nos délibérations sur les prochaines étapes, en tant que législateurs.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous nos témoins de s'être joints à nous aujourd'hui pour répondre à nos questions.
Ma première question est pour M. Wakil.
Dans la Loi sur Investissement Canada, le concept de sécurité nationale n'est pas explicitement défini afin de donner une marge de manœuvre au en consultation avec le pour signaler ou examiner des investissements qui semblent menacer la sécurité et porter préjudice au Canada.
Par conséquent, pensez-vous que cette marge de manœuvre et le fait que ce n'est pas clairement défini ont des conséquences négatives sur notre sécurité? Croyez-vous qu'il devrait y avoir au moins certaines limites moindres dont les gens ont besoin pour s'orienter, étant donné que les gouvernements changent et que différents ministres sont responsables à différents moments?
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Je pense qu'il est important d'avoir une marge de manœuvre et qu'il est difficile de trouver un équilibre entre la nécessité de cette marge de manœuvre et le besoin de certitude. Je crois que le gouvernement a tenté de faire du bon travail en cherchant cet équilibre au cours des dernières années depuis la mise en place du processus d'examen de la sécurité nationale.
La Loi, comme vous le dites, ne définit pas la sécurité nationale. Elle donne plutôt des lignes directrices sur ce qu'elle peut comprendre. Les rapports annuels prévus par la Loi divulguent le genre de dossiers faisant l'objet d'un examen dans le cadre du processus d'examen de la sécurité nationale, ce qui est bon et utile pour nous, mais je pense qu'un changement graduel serait mieux. Ce serait utile. Ce que je veux dire, c'est qu'une divulgation améliorée des dossiers, davantage comme ce que nous avons à mesure que le gouvernement gagne en expérience grâce au processus d'examen de la sécurité nationale, serait utile et souhaitable.
Je ne pense pas qu'un changement global est nécessaire. Je ne crois pas que le gouvernement devrait donner une liste des 10 choses qui relèvent de la sécurité nationale et qui en relèveront toujours. C'est une liste exhaustive. Je pense qu'il devrait poursuivre dans la même voie, tout simplement.
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Oui, je crois que la Loi est bien rédigée en général. Elle porte sur beaucoup de transactions, de nombreuses acquisitions au moyen d'investissements étrangers — pratiquement toutes. Je pense toutefois qu'il y a peut-être une lacune dans certains des aspects dont M. Balsillie a parlé, en ce qui a trait aux transferts de technologie.
Prenons par exemple les situations où l'on fait l'acquisition d'une entreprise ayant des droits de propriété intellectuelle de nature délicate. Lorsqu'une entreprise conclut une entente avec une entité étrangère pour y transférer la propriété intellectuelle, le dossier ne fait pas l'objet d'un examen. L'effet est le même — l'acheteur étranger, l'entité étrangère, exerce un contrôle sur la propriété intellectuelle ou y a accès— , mais une sorte d'accord commercial fait l'objet d'un examen, tandis que l'autre sorte de transaction commerciale, l'accord commercial, n'y est pas assujettie.
J'estime qu'il serait prudent d'examiner la mesure législative pour voir s'il y a des lacunes à combler, comme celle que je viens de donner en exemple.
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Merci, madame la présidente.
Pendant les délibérations d'aujourd'hui, des témoins ont fait allusion au fait que nous n'avons pas vraiment de moyen de savoir rapidement si des prises de contrôle ont lieu à moins qu'une société cotée en bourse ait dû en informer ses investisseurs ou que la prise de contrôle soit terminée. C'est une caractéristique qu'on voit à peu près seulement dans le système canadien, je crois.
Je me demande, monsieur Balding, si vous avez quelque chose à dire sur le principe de transparence, sur un cadre d'examen mis en place par d'autres pays pour que la population soit informée des investissements effectués dans d'autres pays par des entreprises d'État ou des entreprises influencées par l'État, et plus particulièrement sur les pratiques exemplaires.
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Je pense qu'il y a deux points à aborder. Les États-Unis se sont attaqués essentiellement au même problème il y a, je crois, un ou deux ans, peut-être 18 mois. Ils se sont essentiellement retrouvés dans une situation similaire après avoir découvert un nombre important de transactions portant sur des intérêts minoritaires, des licences de technologie, comme M. Balsillie y a fait allusion, tout comme, je crois, M. Wakil, et d'autres choses du genre conçues pour éviter un examen.
Même aux États-Unis, c'était essentiellement un système d'honneur, pour que les investissements étrangers soient présentés à l'acquéreur et soumis à un examen. Ils ont essentiellement revu ce système, trouvé une grande partie des mêmes lacunes qui ont été mentionnées aujourd'hui et resserré les règles, souvent de la même façon, que ce soit pour l'octroi de licences de technologie de nature délicate, l'acquisition d'intérêts minoritaires ou des transactions effectuées par l'entremise de fonds de capital de risque afin d'obtenir une participation en passant par des tiers. Je suis d'accord avec les témoins précédents, M. Balsillie et M. Wakil. Je pense qu'il y a probablement des lacunes et qu'il faudrait resserrer les règles.
Je crois que surtout dans le cas de la Chine, nous devons nous assurer qu'il ne s'agit pas tout simplement d'entreprises d'État, déterminer si l'État a un intérêt en jeu ou si c'est une entreprise ayant des liens avec l'État, comme Huawei, qui n'appartient techniquement pas à l'État, mais qui est néanmoins une entreprise d'État en réalité. La définition exacte d'une entreprise d'État pose beaucoup de problèmes.
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Nous sommes aux prises avec le même problème au Canada. Je constate que l'usage penche davantage vers « influencé par l'État ». Il semble que le terme pourrait être mieux défini et utilisé.
Je suppose que je vais aussi passer à vos connaissances des pratiques exemplaires d'application. En général, au Canada, sans tomber dans des détails techniques, lorsque l'approbation d'une prise de contrôle est assortie de conditions, notre cadre législatif offre vraiment des moyens très limités pour les faire respecter à l'heure actuelle. Je pense que cela pourrait encourager de mauvais acteurs ou, essentiellement, un désintéressement par rapport au résultat.
Avez-vous quelque chose à dire sur les pratiques exemplaires pour resserrer les règles lorsque l'investissement est assorti de conditions? Y a-t-il d'autres pays au monde qui ont des pratiques exemplaires que nous devrions examiner en vue de renforcer cet aspect de notre cadre législatif?
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Je pense que la plupart des pays européens avec qui j'ai discuté des investissements chinois sont probablement dans une situation très similaire. La plupart d'entre eux revoient leurs pratiques d'investissement. La question fait l'objet d'un débat en Europe.
Aux États-Unis, nous avons vu quelques transactions où, par exemple, des acheteurs chinois ont fait une acquisition ou plutôt commencé à la faire — et on peut se demander s'ils s'attendaient à ce qu'elle tombe à l'eau — et où ils ont eu accès à des technologies de nature délicate et se sont ensuite retirés ou ont décidé de ne pas faire d'offre dans un cas. Dans un autre cas, il y a eu un désinvestissement forcé à cause de l'application de rencontres pour hommes homosexuels, Grindr, qui exposait essentiellement les utilisateurs de partout dans le monde aux utilisateurs du gouvernement chinois.
À vrai dire, il y a des questions auxquelles, je crois, tout le monde fait face. À ma connaissance, il n'y a pas de pratiques exemplaires pour régler ces questions, car elles sont relativement nouvelles dans le monde.
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J'en ai. Merci beaucoup, monsieur Longfield.
L'un des risques des règles uniformes, c'est que nous ne voyons pas toujours les conséquences imprévues possibles. Par exemple, le Canada dépend encore beaucoup d'autres pays pour s'approvisionner en équipement de protection individuelle, et nous collaborons avec d'autres pays pour mettre au point des vaccins et des traitements pour lutter contre la COVID-19, qui touche non seulement des Canadiens, mais aussi des citoyens de partout dans le monde. Je souligne que le gouvernement a annoncé un partenariat de recherche avec une entreprise chinoise afin de travailler à la mise au point d'un vaccin contre la COVID-19 au Canada. Ce que je crains, c'est que l'imposition de restrictions uniformes visant les investissements nous empêche de profiter de ces occasions et nuit à notre capacité à collaborer avec d'autres pays pour atteindre des objectifs communs.
Je ne suis pas en désaccord avec M. Balsillie, il y a effectivement des domaines dans lesquels nous devons accroître la surveillance et mettre l'accent sur la protection d'industries et de technologies essentielles, mais l'imposition de restrictions uniformes n'envoie pas le bon message au reste du monde et laisse entendre que le Canada n'est pas prêt à faire des affaires. Nous devons collaborer avec d'autres pays pour atteindre des objectifs communs.
Plus tôt ce matin, j'ai eu une réunion Zoom avec le comité sur la recherche en santé composé de représentants de tous les partis, pendant laquelle des scientifiques de partout au Canada ont parlé de l'importance de mettre en commun l'information pour nous permette de lutter ensemble contre une pandémie mondiale et de collaborer à la reprise mondiale subséquente. Je pense que nous avons plus de liens que nous le pensions compte tenu des conséquences imprévues.
Pour faire rapidement un suivi, le libellé actuel de notre loi prévoit un examen relatif à la sécurité nationale, bien entendu, et cet examen se prête actuellement à interprétation, ce qui nous donne une marge de manœuvre, et nous avons ensuite l'examen de l'avantage net. Pensez-vous qu'il est nécessaire de modifier ces parties de la Loi?
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C'est une excellente question.
La Loi sur Investissement Canada fonctionne très bien en ce moment. Elle couvre actuellement, du moins sur le plan de la sécurité nationale, la vaste majorité des investissements au Canada. J'admets que des situations lui échappent, mais même une situation dans laquelle une entreprise ferait l'acquisition d'une importante technologie serait considérée comme un investissement touchant la sécurité nationale qui est susceptible d'examen dans les bonnes circonstances si le bien était important et faisait partie intégrante des activités de l'entreprise. La Loi vise ce genre de situation.
L'autre point soulevé plus tôt, c'est que rien ne prouve que des entreprises évitent de donner des avis conformément à la Loi sur Investissement Canada. Les investisseurs étrangers qui viennent au Canada ne connaissent pas les règles au pays et collaborent étroitement avec des conseillers juridiques et d'autres conseillers pour être certains de respecter la législation canadienne lorsqu'ils investissent ici. D'après mon expérience, les investisseurs font très attention de respecter les lois; ils soumettent des documents au gouvernement pour l'informer d'une transaction. Lorsque le gouvernement exprime des préoccupations, il n'hésite pas à nous en informer. Un processus d'enquête long et détaillé commence alors, comme je l'ai mentionné, et il peut s'écouler jusqu'à 200 jours avant qu'il soit terminé, soit deux fois plus de temps que la période consacrée au processus aux États-Unis.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur Balsillie, votre intervention était, ma foi, l'une des plus pertinentes que nous ayons entendues à ce comité. D'ailleurs, j'aimerais aller un peu plus loin et vous entendre sur la notion des parties prenantes dans la loi. La semaine dernière, un témoin a mentionné que la loi devrait inclure les actionnaires, les employés, les fournisseurs, les créanciers, les consommateurs, le gouvernement et l'environnement.
Êtes-vous d'accord sur l'idée de modifier la loi et d'y intégrer ces parties prenantes?
À la lumière de votre témoignage d'aujourd'hui, il faudrait aussi y enchâsser les brevets et les innovations, de même que les technologies stratégiques.
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Je vais tenter de répondre.
J'aimerais d'abord dire que M. Krane a décrit mon témoignage comme une approche uniforme pour tous les investissements, mais je parlais des facteurs externes et des retombées de la technologie, ce qui est absent de l'économie contemporaine.
Pour la gouverne de M. Longfield, je signale que je suis du côté du Canada. En examinant ces questions, nous avons appris que des technologies ont une incidence sur notre santé, notre sécurité et notre économie. Par conséquent, au moment de questionner des intervenants, le plus important, c'est de ne pas oublier que c'est censé être dans l'intérêt public, un examen de l'avantage net, qui consiste à se pencher sur les effets globaux de ces mesures. Il faut rencontrer beaucoup d'intervenants, mais au bout du compte, des experts sont nécessaires pour mesurer ces différents effets. J'ai eu beaucoup d'interactions avec les gens qui appliquent la Loi sur Investissement Canada, et Huawei est considéré comme une entreprise canadienne compte tenu de sa filiale canadienne. L'entreprise nous demande de présenter des choses de notre plein gré si nous acceptons des investissements, car un problème pourrait survenir, et je suis profondément engagé auprès d'un certain nombre d'entreprises de haute technologie.
Les gens prennent des décisions en fonction de leurs propres intérêts particuliers, et il revient aux gens chargés d'élaborer les politiques de faire en sorte que c'est dans l'intérêt de notre pays.
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Merci, madame la présidente.
Je ne sais pas qui a dit cela, mais je sais que je viens de remporter un pari avec le slogan qui dit que le Canada n'est pas prêt à faire des affaires. J'avais dit à mon personnel que j'entendrais cela aujourd'hui, alors nous avons gagné un café Tim Hortons, qui sera maintenant profitable à 3G Capital, le fonds qui a essentiellement permis à l'entreprise canadienne iconique de café de passer du 13e au 67e rang des entreprises de bonne tenue du Canada, ce qui représente la pire descente de l'histoire.
Quoi qu'il en soit, j'ai une question à poser à M. Balding. Même les sociétés de capital-investissement sont des options d'investissement inconnues dans l'optique d'un examen. Est-ce que cela devrait soulever des préoccupations? Il y a quelques facteurs à tenir en compte. Que ce soit au moyen de réductions de l'impôt des sociétés ou de subventions municipales, provinciales ou fédérales directes pour l'obtention d'emplois ou même au moyen de subventions de recherche et développement et de renonciation aux dépens, les Canadiens contribuent à la croissance économique et à l'expansion de certaines de ces entreprises par les emplois. Quand les entreprises sont rachetées, que ce soit par la Chine ou par d'autres gouvernements non démocratiques, nous ne savons pas dans quoi nous embarquons.
Y a-t-il un avantage à déterminer qui est propriétaire en fonction d'un autre modèle?
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Monsieur Wakil, j'aimerais revenir sur notre discussion de tout à l'heure, concernant les données qui existent sur le plan des mesures. Je crois qu'il convient de dire qu'il n'y a pas assez de mesures.
Comment pouvons-nous procéder pour changer cela? Je crois qu'il serait logique, à un moment donné, d'avoir des mesures, quand une société est achetée au Canada, concernant les brevets ou les types d'innovations qui nous arrivent de l'étranger, par rapport à ce qui sort de notre pays.
Êtes-vous au courant d'un modèle qu'un autre pays utiliserait? Je crois que c'est une bonne façon de faire une évaluation. Autrement, quand nous regardons certaines des sociétés que nous avons perdues, on dirait que nous ne retournons pas en arrière pour déterminer si ce que nous faisons est censé ou pas. Donc, puisque nous n'avons réalisé aucun examen approfondi de la Loi sur Investissement Canada, ne serait-il pas logique de mesurer au moins le succès ou l'échec de notre modèle?
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D'après moi, c'est certainement quelque chose qu'il vaudrait la peine d'explorer, afin de déterminer s'il est possible de concevoir une méthodologie qui nous permettrait de savoir avec exactitude si le régime de la Loi sur Investissement Canada ou, du moins, la portion du régime visant l'avantage net a bien fonctionné au fil des années.
Nous aurions le problème que j'ai commencé à vous signaler précédemment, soit celui du scénario « en l'absence de », dans la mesure où… et c'est là le problème avec l'évaluation des investissements en ce moment. Par exemple, le gouvernement essaie de prédire l'avenir. Comment seront vraisemblablement la prochaine année, puis les deux, trois ou quatre années suivantes pour l'entreprise canadienne, et de quelle façon cela s'harmonise-t-il aux plans de l'investisseur, et est-ce que c'est avantageux ou pas? Est-ce qu'il y a un avantage à procéder avec la transaction compte tenu du résultat futur vraisemblable de l'entreprise canadienne? C'est une évaluation très délicate et compliquée à faire.
Nous avons un problème semblable concernant l'examen ex post d'un investissement qui a été fait. Qu'est-ce qui se serait produit si l'investissement n'avait pas été fait? Avons-nous accès à l'information? Théoriquement, je crois qu'il serait bon de faire un retour en arrière pour voir s'il est, oui ou non, possible de bâtir un test servant à évaluer le succès des mesures législatives, mais je vois bien qu'il y aurait de nombreuses difficultés sur le plan pratique.
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Merci, madame la présidente. Je vous en suis très reconnaissant.
Étant donné que c'est le dernier tour, je crois qu'il va me servir à faire du nettoyage et à éclaircir tout ce que j'ai eu de la difficulté à comprendre.
Un des membres du Comité a indiqué qu'après avoir examiné le rapport annuel, il ne pouvait déterminer lesquelles des acquisitions comportaient un élément de propriété intellectuelle.
Monsieur Wakil, si vous me le permettez, c'est à vous que je vais poser ma question. Je ne crois pas que le rapport annuel serve à préciser les acquisitions qui comportent une propriété intellectuelle et celles qui n'en comportent pas. Est-ce que je me trompe?