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Bonjour à tous. La séance est ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 18e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi adopté le samedi 11 avril, le Comité se réunit pour entendre des témoignages au sujet des questions relatives à la réaction du gouvernement face à la pandémie de la COVID-19. La séance d'aujourd'hui se tient par vidéoconférence, et nos délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Je voudrais rappeler aux témoins et aux membres du Comité d'attendre que je les nomme avant de prendre la parole. Quand vous êtes prêts à parler, activez votre micro, puis désactivez-le lorsque vous avez terminé. Quand vous parlez, exprimez-vous lentement et clairement pour que les interprètes puissent faire leur travail. Conformément à la pratique habituelle, je brandirai le carton jaune quand il reste 30 secondes à votre intervention et le carton rouge quand votre temps d'intervention est écoulé.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons M. Jim Balsillie, président, du Conseil canadien des innovateurs; M. David Paterson, vice-président, Affaires publiques et environnementales, de General Motors du Canada Limitée; M. Donald Walker, directeur général, de Magna International Inc.; M. Christian Alan Buhagiar, président et directeur général, Mme Simona Zar, directrice, Affaires industrielles et politiques publiques, et M. Mike Owens, ancien vice-président, Logistique, à Nestlé Canada, tous de la Chaîne d'approvisionnement Canada; et enfin, M. David Montpetit, président et directeur général, de la Western Canadian Shippers' Coalition.
Chaque témoin dispose d'une période de cinq minutes pour présenter son exposé, et nous passerons ensuite à la période de questions. Sur ce, nous allons commencer par monsieur Balsillie.
Je vous cède la parole. Vous avez cinq minutes.
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Merci, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Je suis le président du Conseil canadien des innovateurs, une association nationale d'entreprises comptant plus de 120 dirigeants qui sont à la tête des sociétés technologiques à la croissance la plus rapide du Canada.
En mars et avril, notre conseil a préconisé de soutenir les entreprises technologiques à forte croissance qui sont touchées par la crise. Nous avons d'abord demandé au gouvernement fédéral de créer la subvention salariale d'urgence du Canada pour nos membres, puis de l'accroître de 10 % à 75 % des coûts salariaux. Nous avons également plaidé avec succès en faveur de l'utilisation stratégique de divers programmes comme ceux destinés à la recherche industrielle, à la recherche scientifique et au développement expérimental et aux organismes de développement régionaux, ou encore comme le Fonds stratégique pour l'innovation, car le critère de la baisse de revenus de 30 % ne convenait pas à certains types d'entreprises de haute technologie. Ces programmes sont essentiels pour préserver la relation employeur-employé.
Il est essentiel que nos innovateurs ne se contentent pas de survivre, mais fassent des heures supplémentaires pendant ce ralentissement, car leurs entreprises seront le moteur de la prospérité future du Canada dans l'économie transformée qui émergera de cette pandémie. Nous sommes reconnaissants des mesures de soutien prises à ce jour et des efforts déployés par votre comité et les fonctionnaires dévoués dans l'ensemble du gouvernement, mais nous avons besoin d'aide maintenant pour orienter les efforts du gouvernement vers les priorités supplémentaires qui suivent.
Premièrement, créer une « brigade de l'innovation » afin de mobiliser des milliers de nos étudiants coop les plus brillants dont les offres d'emploi dans la Silicon Valley ont été annulées. Le conseil a mis en place un portail radar afin de mettre en contact des milliers de jeunes diplômés talentueux dans le domaine de la technologie avec des innovateurs canadiens. Le gouvernement peut profiter de cette occasion pour contrer l'énorme fuite des cerveaux au pays et les coûts qui y sont associés.
Deuxièmement, instaurer le système de gestion collective de la propriété intellectuelle qui se fait attendre depuis longtemps pour optimiser la valeur des investissements des contribuables dans la recherche et développement, et aider à stimuler et à protéger les nouveaux actifs incorporels créés par les fonds que vient d'investir le gouvernement dans la relance.
Troisièmement, créer une stratégie nationale en matière de données pour notre secteur des soins de santé et d'autres secteurs stratégiques, notamment l'agriculture, les villes intelligentes, l'énergie et les mines.
Quatrièmement, accélérer l'adoption de normes et de règlements nationaux en matière d'identification numérique, de communication des données et de cybersécurité afin de s'adapter à la transition vers la prestation des services en ligne et le travail à distance.
Cinquièmement, actualiser la Loi sur Investissement Canada afin de prévenir les fuites de propriété intellectuelle stratégique dans les universités et les établissements de recherche canadiens, ainsi que les fuites de données dans des secteurs stratégiques, notamment les soins de santé, les villes intelligentes et l'agriculture.
Sixièmement, s'attaquer à la résilience des chaînes d'approvisionnement et de valeur, et maximiser la croissance économique en réinventant des stratégies d'approvisionnement qui renforcent l'écosystème de l'innovation au Canada. Les chaînes de valeur sont le lieu où les entreprises canadiennes innovantes sont en concurrence.
Septièmement, utiliser les entreprises de technologie financière nationales pour aider à distribuer les prêts de relance du gouvernement, comme l'ont fait les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, et reprendre les consultations sur le système bancaire ouvert afin que les entreprises de technologie financière canadiennes puissent jouer un rôle significatif dans la modernisation de notre système bancaire fermé.
L'intervention du Canada dans cette crise économique doit être différente de celle de la grande récession. Il y a 12 ans, le prix élevé du pétrole albertain et la demande insatiable de l'Asie ont été le moteur de la reprise. Aujourd'hui, les prix du pétrole se sont effondrés en raison d'un déséquilibre entre l'offre et la demande, et une partie de la réduction de la demande est structurellement permanente.
Le renouveau économique doit reposer sur des entreprises canadiennes innovantes qui commercialisent leurs idées à grande échelle et jouissent d'une plus grande liberté d'action dans les chaînes de valeur mondiales de l'économie du savoir et de l'économie des données. Le Canada doit diversifier ses produits, et non pas seulement ses marchés.
Le recours habituel aux projets d'infrastructure physique prêts à démarrer, que ce soit pour les routes, les ponts ou les patinoires de hockey, afin de stimuler la demande et la productivité n'a aucun intérêt dans l'économie mondiale du XXIe siècle où la propriété intellectuelle et les données sont les biens les plus précieux pour l'économie et la sécurité nationales. Ce dont le Canada a plutôt besoin, c'est d'une infrastructure de politiques numériques qui favorise la productivité, la prospérité et la sécurité par l'entremise des chaînes de valeur mondiales.
Les décideurs politiques du Canada doivent se débarrasser des dogmes néolibéraux dépassés et dévastateurs qui nous ont rendus vulnérables. Les politiques ancrées dans la pensée économique des XIXe et XXe siècles appliquées à l'économie du savoir et des données du XXIe siècle ont entraîné une baisse de notre productivité nationale pendant 25 ans, une dette record des ménages, des entreprises et des gouvernements et, selon le FMI, une décennie de réduction du PIB par habitant, alors que le PIB par habitant des États-Unis a grimpé de 35 %.
Les crises clarifient toujours les priorités. La crise de la COVID-19 crée, paradoxalement, une occasion à saisir pour le Canada, car elle induit en quelques mois des changements structurels normalement étalés sur de nombreuses années. En mobilisant leur ambition et leur ingéniosité avérées, les innovateurs canadiens peuvent aider le gouvernement canadien à construire une économie nationale innovante, durable, inclusive et résiliente, mais seulement si nos gouvernements leur donnent les moyens d'agir et utilisent stratégiquement des mesures politiques judicieuses.
Merci.
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Merci beaucoup, et au nom de General Motors, je tiens à remercier les membres du Comité du leadership dont ils ont tous fait preuve dans la crise sanitaire à laquelle nous faisons face.
C'est dans les situations d'urgence que les Canadiens font vraiment preuve de leur bravoure, de leur résilience et de leur esprit de collaboration unique. Nous l'avons fait pendant les guerres mondiales et nous le faisons de nouveau. Nous allons traverser cette épreuve ensemble, et je crois qu'en fin de compte, comme mon ami Jim Balsillie vient de le dire, nous avons la possibilité de faire du Canada une économie plus forte et plus concurrentielle si nous tirons des leçons de cette période et si nous prenons des mesures pour nous préparer au monde concurrentiel en pleine mutation qui nous attend.
J'aimerais faire ressortir trois éléments importants et j'attends avec impatience la discussion qui suivra.
Premièrement, tout ce que nous faisons aujourd'hui doit reposer sur la sécurité. J'ai fourni au Comité un lien vers le guide de General Motors du Canada sur la reprise sécuritaire de nos activités dans le secteur automobile, qui a commencé il y a deux semaines dans nos usines ici au pays. Notre approche repose sur les recommandations de Santé Canada, de l'Organisation mondiale de la santé et de notre personnel médical, ainsi que sur les enseignements que nous avons tirés du succès de la reprise des activités de General Motors en Asie. Certains d'entre vous auront assisté à nos webinaires. Nous avons diffusé nos protocoles et nos procédures à grande échelle en préparant nos employés, nos syndicats et nos collectivités à un retour au travail en toute sécurité. Je suis heureux d'annoncer que General Motors n'a pas eu un seul cas de propagation de la COVID-19 en milieu de travail dans toutes nos usines sur la planète.
Deuxièmement, la COVID-19 est une urgence comme nulle autre, assortie de répercussions tant économiques que sanitaires. Cela est particulièrement vrai pour le secteur automobile. En mars, le secteur nord-américain, qui est totalement intégré, a vu ses usines s'arrêter. En avril, les ventes de véhicules ont chuté de 75 % au Canada. Cette situation crée des défis hors du commun dans une industrie complexe comme celle de l'automobile pendant que nous nous efforçons de soutenir nos activités commerciales, puis de relancer le moteur manufacturier de notre économie au moment où nos revenus se sont effondrés. Nous pensons que le secteur automobile sera l'un des principaux moteurs de la reprise économique en Amérique du Nord et qu'il innovera rapidement en se tournant vers les technologies électriques, autonomes et autres à mesure que nous avançons, mais nous savons que cela exigera des efforts et des partenariats exceptionnels.
Nous sommes profondément reconnaissants des initiatives audacieuses de nos gouvernements dans tout le Canada pour soutenir les gens et nos entreprises, mais nous savons que nous ne sommes qu'à mi-chemin. Le secteur automobile canadien appuie solidairement quelques recommandations de base. La première est d'assurer les liquidités, notamment en rétablissant la Facilité de crédit garanti du Canada pour aider les sociétés de financement automobile, les fournisseurs et les concessionnaires afin qu'ils puissent survivre et soutenir nos employés et les clients qui financent ou louent des véhicules dans tout le Canada.
Le secteur automobile canadien appuie aussi solidairement l'instauration d'un programme de mesures incitatives à la mise à la casse pour les consommateurs qui veulent se départir d'un véhicule à fortes émissions vieux de 12 ans ou plus. Le retrait permanent de ces vieux véhicules permettrait de réduire considérablement les gaz à effet de serre et les autres émissions du parc automobile, tout en améliorant la sécurité routière. Nous pensons qu'en misant sur le bon programme, cela peut contribuer à enclencher et à soutenir la reprise des ventes d'automobiles au Canada, ce qui est essentiel si nous voulons que les usines automobiles, les fournisseurs et leurs employés continuent de travailler.
Je terminerai là où j'ai commencé, c'est-à-dire en parlant de leadership. Je suis fier de faire partie d'un secteur qui n'a pas hésité à se réoutiller rapidement pour fabriquer et livrer gratuitement le matériel médical et l'équipement de protection individuelle dont ont besoin nos héros de première ligne et tous les Canadiens qui retournent au travail. Il existe de nombreux exemples, notamment celui des milliers de concessionnaires automobiles dans nos collectivités partout au Canada qui ont fait la différence lorsqu'une voiture était indispensable pour fournir de la nourriture, des conseils médicaux ou de l'aide à un voisin.
GM Canada a annoncé, en collaboration avec le gouvernement du Canada, avoir converti des sections de l'usine automobile d'Oshawa pour fabriquer des millions de masques faciaux pour les Canadiens, et ce, sans aucun profit. Je n'aurais jamais imaginé que nous deviendrions un fabricant de produits médicaux autorisé, mais c'est le cas maintenant et nous sommes fiers de pouvoir apporter notre aide.
Nous pouvons et devons tous faire davantage pour que le secteur automobile redémarre et continue à se transformer de mille et une façons. Nous réussirons et le Canada aura lui aussi des occasions de le faire. Je me réjouis de pouvoir en discuter avec vous.
Bonjour à tous.
Je vous ai fait parvenir une lettre, mais je ne vais pas la lire au complet. Je vais m'en tenir aux faits saillants.
Je m'appelle Don Walker. Je suis le directeur général de Magna. J'ai commencé à travailler pour l'entreprise en 1994, alors Magna et la plupart des membres de notre équipe de gestion et moi avons traversé la récession de 2008-2009, et nous en avons tiré de nombreuses leçons.
Nous employons environ 20 000 personnes au Canada sur les 160 000 que nous employons dans le monde et qui sont répartis dans 27 pays.
Lorsque la pandémie a commencé, nous avons presque immédiatement mis en place nos propres interdictions de voyager, en empêchant les gens de venir de Chine, ce qui a beaucoup aidé. Nous avons également demandé aux gens de se mettre en quarantaine.
Nous travaillons à la production d'équipement de protection individuelle. Nous avons fait don de plus de 500 000 masques KN95 à l'Ontario, et nous les avons aidés à en trouver un million de plus. Les masques viennent de Chine, et je pense que nous pouvons en obtenir davantage. Nous produisons également des écrans faciaux, des masques, des ventilateurs, des blouses, etc.
Je ne vais pas répéter tout ce que David Paterson vient de dire parce que c'est probablement très similaire. Du point de vue de la santé et de la sécurité, qui est notre principale préoccupation, l'industrie automobile a très bien collaboré dans toute l'Amérique du Nord et a tiré des leçons des activités et de tout le monde, y compris de nous-mêmes. En Chine, les activités ont repris. En Europe, les activités ont également repris. Nous procédons à l'échange des pratiques exemplaires, alors nous disposons d'un guide très complet, probablement très similaire à celui de General Motors, car il a été élaboré avec la participation de tous les acteurs effectuant les mêmes tâches, ce qui est essentiel pour garantir un redémarrage sûr et durable de l'industrie.
Moins de 150 de nos 160 000 employés ont été testés positifs. Nous pensons qu'aucun cas ne provient d'une propagation en milieu de travail, mais nous effectuons un suivi des contacts dans tous les cas.
Pour vous donner un exemple des effets sur une grande entreprise, les répercussions sur nos ventes ont été d'un milliard de dollars au cours du premier trimestre. Le montant sera beaucoup plus important au deuxième trimestre. Au premier trimestre, cela nous a coûté plus d'un quart de milliard de dollars; la pression est donc énorme.
Nous avons profité de divers programmes gouvernementaux offerts partout dans le monde. Ils sont parfois un peu difficiles à comprendre, mais nous avons effectué un suivi à l'échelle mondiale et nous avons essayé de soutenir nos employés.
Je vais être bref, car David Paterson a déjà abordé quelques sujets. Nous devons relancer l'industrie automobile et la maintenir en activité. Si nous la mettons à l'arrêt à nouveau, nous en aurons sans doute pour des mois avant de la remettre en marche. Les dommages à la base d'approvisionnement seront incroyables et les liquidités se tariront. Il faut donc que l'industrie demeure en activité.
Il faut que les concessionnaires ouvrent leurs portes et il est à espérer que les gens commenceront à acheter des véhicules, ce qui, en fin de compte, soutient l'industrie. M. Paterson a mentionné le programme de mise à la casse, qui serait très bon pour inciter les gens à acheter de nouveaux véhicules et pour retirer des routes ceux qui sont en mauvais état.
Il a également été suggéré d'accorder un congé de taxes, par exemple de six mois, pour la TVH ou la TPS sur les achats de voitures neuves. Je pense que nous devons emboîter le pas aux États-Unis dans tout ce que nous faisons, qu'il s'agisse de réglementation ou de retour au travail, car l'industrie est très interconnectée.
Quant à ce qui sera la nouvelle norme, nous avons des milliers d'employés qui ont travaillé de la maison. Comme tout le monde commande maintenant en ligne, nous examinons également les répercussions que cela aura sur la prestation des produits et services. Nous pourrons sans doute en parler pendant la période des questions. Je pense que le gouvernement a bien réagi dans une situation très difficile en cherchant des solutions. Je suis sûr qu'avec le recul, nous aurons beaucoup de leçons à tirer de cette expérience.
Je pense que nous devons nous retirer des programmes gouvernementaux dès que possible pour inciter les gens à retourner au travail, à moins qu'ils ne puissent le faire. Je suis très préoccupé par les déficits publics, la dette, les taux d'intérêt, la politique commerciale, etc., et j'en parlerai un peu lors de la période des questions.
Il sera très intéressant de nous remettre tous au travail. Je pense que le Canada doit se concentrer sur la façon de rester un pays en bonne santé financière pour l'avenir.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner.
Fondée en 1919, la Chaîne d'approvisionnement Canada est une société non partisane à but non lucratif qui agit en tant que porte-parole de la communauté des chaînes d'approvisionnement au Canada.
J'aimerais commencer par exprimer mes sincères remerciements aux centaines de milliers de professionnels des chaînes d'approvisionnement qui travaillent sans relâche pour que le Canada poursuive ses activités dans tous les secteurs de l'industrie d'un océan à l'autre. Je demande respectueusement au Comité de reconnaître également le travail formidable de nos professionnels des chaînes d'approvisionnement au Canada.
Pour gagner du temps, je concentrerai mes remarques sur les leçons que nous tirons de la crise.
De nos jours, les chaînes d'approvisionnement sont mondiales, interconnectées et vulnérables à toute une gamme de risques et disposent d'une marge d'erreur moindre pour absorber les retards et les perturbations. Elles sont extrêmement efficientes, ce qui vise à réduire les coûts, mais elles sont souvent plus efficientes qu'efficaces. Beaucoup sont trop linéaires et transactionnelles et sont confrontées à une longue latence. La plupart des chaînes d'approvisionnement sont souvent lentes à détecter l'évolution du marché et de la demande des consommateurs et à s'y adapter. L'offre est principalement établie à partir des données historiques sur les commandes clients et non sur la consommation réelle et les données du marché.
Pendant la présente crise, la latence a provoqué la dichotomie entre les pénuries de certains produits et les excédents d'autres. Les futures chaînes d'approvisionnement agiles et résilientes doivent réduire les temps de latence et renforcer leur capacité à prévoir les demandes des consommateurs liées à l'évolution du marché. Pour ce faire, il faudra une plus grande transparence tout au long de la chaîne de valeur. La transparence exigera davantage de données et d'analyses, ce qui nécessitera une stratégie de numérisation des chaînes de valeur de bout en bout. Nous pensons que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour soutenir cette transition vers la numérisation.
Pour avoir des chaînes d'approvisionnement agiles et résilientes, il faudra accroître leur diversification géographique. Nous avons vu pendant la crise qu'une dépendance excessive à l'égard d'un seul pays ou d'une seule région est un risque. Nous avons vu également que les longues chaînes d'approvisionnement sur de vastes distances géographiques sont un risque. Il ne fait guère de doute qu'une augmentation du nombre de chaînes d'approvisionnement régionales et locales sera, à tout le moins, une conséquence à court terme de la crise, en particulier pour les articles essentiels. Il reste à déterminer si la délocalisation deviendra une stratégie générale à long terme.
La résilience des chaînes d'approvisionnement passe également par la sécurité de leur personnel. La sécurité et la résilience sont indissociables. Il est dans l'intérêt des entreprises de protéger leurs travailleurs, et nous pensons que les entreprises peuvent être laissées libres de déterminer comment respecter les lignes directrices.
Les lignes directrices doivent émaner des pouvoirs publics plus rapidement qu'elles ne l'ont fait jusqu'à présent. Elles doivent être claires et cohérentes dans tout le pays. Nous pensons que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans l'établissement de lignes directrices cohérentes et dans la gestion des urgences nationales. Pendant la crise, les lignes directrices province par province ont créé une approche disparate et parfois conflictuelle pour les entreprises qui doivent exploiter des chaînes d'approvisionnement à l'échelle nationale et internationale.
Les obstacles au commerce interprovincial doivent également être examinés afin de garantir qu'en cas d'urgence nous puissions rapidement et facilement déplacer la production et la distribution d'une région à l'autre. Nous encourageons le gouvernement fédéral à assurer le leadership national nécessaire pour revoir toute la réglementation sur le commerce interprovincial qui, en cas d'urgence, peut entraver l'agilité.
On parle beaucoup aujourd'hui de la nécessité de disposer de stocks plus importants, notamment en ce qui concerne les articles essentiels. Il ne fait aucun doute que les stocks devront être examinés à la lumière des défis auxquels nous avons fait face pendant la crise. Cet examen doit comprendre notamment un cadre sur l'état futur des chaînes d'approvisionnement pour les biens essentiels, y compris la sélection des fournisseurs, l'approvisionnement et la gestion des stocks en cas de pandémie, dans un système assurant une transparence totale pour toutes les parties prenantes, fédérales et provinciales.
Nous recommandons vivement que l'examen soit chapeauté par un responsable des chaînes d'approvisionnement qui dirigera l'exercice de manière stratégique, élaborera la solution de numérisation et déterminera les options de bout en bout pour assurer son succès. Toutefois, nous pensons également que ce qui est plus important encore que la gestion des stocks, c'est d'avoir ce que nous appelons une capacité stratégique, soit la capacité de comprendre et de prévoir rapidement ce dont nous avons besoin et ce que nous pouvons produire au Canada, et d'être en mesure de déployer cette capacité rapidement et efficacement.
Il s'agit d'une occasion qui, selon nous, renforcera et protégera le Canada et qui nécessitera probablement un partenariat public-privé. Nous encourageons le gouvernement fédéral à mener une telle stratégie nationale en collaboration avec l'industrie. À long terme, il est clair que les chaînes d'approvisionnement devront changer.
Notre façon de former les professionnels des chaînes d'approvisionnement devra également changer. Investir dans la réforme de leurs compétences augmentera notre capacité à gérer des chaînes d'approvisionnement résilientes. Le Canada doit viser à devenir un chef de file mondial, et nous encourageons le gouvernement fédéral à investir dans la formation.
Merci beaucoup, madame la présidente. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Bonjour, madame la présidente, et mesdames et messieurs les députés.
Au nom de la Western Canadian Shippers' Coalition, ou WCSC, je tiens à vous remercier de l'invitation à participer à cette séance. Je m'appelle David Montpetit, et je suis le président et directeur général de la coalition.
La WCSC est un organisme multiproduits qui se concentre sur la circulation sûre, efficiente et concurrentielle des marchandises tout en optimisant le secteur des transports, ce qui, en fin de compte, profite à l'économie canadienne. Notre organisme représente des entreprises basées dans l'Ouest canadien qui, collectivement, expédient chaque année des milliards de dollars de produits à des clients nationaux et internationaux et fournissent des dizaines de milliers d'emplois directs et indirects dans tout le Canada, y compris dans de nombreuses petites collectivités où elles sont des employeurs clés.
Permettez-moi tout d'abord de remercier le gouvernement de ses efforts pour minimiser les répercussions de la pandémie de la COVID-19 sur les Canadiens, notamment les fonctionnaires et le personnel ministériel de Ressources naturelles Canada et de Transports Canada qui se sont montré disponible et à l'écoute des membres de la WCSC en tenant régulièrement avec eux des conférences téléphoniques, de même que les autres députés du gouvernement et de l'opposition officielle qui se sont mis à notre disposition pour discuter de nos préoccupations. Je remercie également tous les expéditeurs et les partenaires des chaînes d'approvisionnement de continuer à faire tout leur possible pour gérer et livrer en toute sécurité les biens et les services pendant cette période stressante et imprévisible.
La COVID-19 n'est que l'un des défis qui touchent la chaîne d'approvisionnement du Canada. Des pressions sont exercées sur nos corridors commerciaux nationaux depuis plusieurs années, et c'est pourquoi la WCSC a participé à l'examen de la Loi sur les transports au Canada lancé par Transports Canada en 2014, a formulé des recommandations en réponse au projet de loi et continue de représenter ses membres dans le cadre des initiatives de suivi liées à la Loi sur la modernisation des transports.
La COVID-19 a frappé à un moment où les expéditeurs se remettaient encore des récentes perturbations dans la chaîne d'approvisionnement dont, premièrement, les problèmes dans la prestation des services résultant de la grève du CN en novembre 2019 et des conditions météorologiques hivernales habituelles; deuxièmement, un ordre de marche au ralenti émis par Transports Canada à la suite du déraillement d'un train en Saskatchewan le 6 février; et troisièmement, les barrages illégaux sur des lignes ferroviaires au Canada qui ont également commencé le 6 février et se sont poursuivis jusqu'en mars.
Les conséquences des mesures prises par les industries et le gouvernement en réponse à la COVID-19 comprennent des problèmes d'horaires, des retards d'expédition et des pénuries de conteneurs; une augmentation des coûts de transport pour le camionnage et les navires; des problèmes liés à la diminution ou l'augmentation de la main-d'œuvre pour répondre à une demande décroissante ou croissante; une baisse des importations et des exportations vers l'Asie et l'Europe; et une réduction de la demande de produits, par exemple dans le secteur de l'énergie.
Les barrages ferroviaires et la pandémie de la COVID-19 n'ont pas seulement démontré l'importance de la chaîne d'approvisionnement du Canada pour fournir aux Canadiens ordinaires les produits de première nécessité, ils ont également révélé sa vulnérabilité.
Au moment où le Canada émerge des pressions exercées par la COVID-19, notre principale préoccupation est le plan de relance, la capacité de la chaîne d'approvisionnement à disposer de ressources adéquates pour reprendre ses activités lorsque les entreprises entameront leur retour à la normale. Les membres de la WCSC continueront à collaborer avec Transports Canada et Ressources naturelles Canada à cet égard.
Nous avons quelques recommandations. Premièrement, il faudrait procéder à un examen complet pour déterminer précisément ce dont les principaux corridors commerciaux du Canada auront besoin pour maximiser la performance de nos routes, de nos voies ferrées et de nos ports. Il s'agit notamment de déterminer leur capacité actuelle et future, l'efficacité du premier et du dernier kilomètre, et les goulots d'étranglement dans les régions congestionnées comme la vallée du Bas-Fraser et le nord de l'Alberta.
Deuxièmement, nous avons besoin d'une collecte et d'une analyse de données plus solides. Le réseau de transport ferroviaire doit devenir plus transparent. Dans le projet de loi , le gouvernement a prévu des dispositions transitoires de rapport sur les indicateurs de service et de rendement. Ces indicateurs manquent toutefois de contexte pertinent, en particulier pour ce qui est de la capacité des chemins de fer. En conséquence, ces dispositions ont en grande partie été inefficaces à promouvoir la transparence et la responsabilité.
Les données qui sont regroupées et dont la moyenne est calculée sur l'ensemble du pays ne donnent pas à une usine de produits forestiers du nord de l'Alberta ni à une mine de la Colombie-Britannique des informations utiles. Les expéditeurs ont joué un rôle beaucoup plus assuré en élaborant leurs propres indicateurs de rendement ferroviaire internes par région, et ils attendent du gouvernement des points de référence pour effectuer des comparaisons.
La perte de confiance des clients à l'égard de la fiabilité du Canada comme fournisseur de biens et de ressources qui résulte des difficultés constantes dans la chaîne d'approvisionnement nous préoccupe énormément. Nous continuerons à travailler avec le gouvernement et d'autres organismes d'expéditeurs pour trouver des solutions aux problèmes liés à la COVID-19, y compris, comme je l'ai mentionné, un plan de relance stratégique, un examen complet de la chaîne d'approvisionnement et la production de données et d'indicateurs plus robustes.
Merci beaucoup.
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Merci, madame la présidente.
Je veux remercier les témoins d'être avec nous aujourd'hui. Je pense que nous avons dans cette salle virtuelle certains des meilleurs experts dans le monde, et j'aimerais faire appel à vous de nouveau.
Pour ceux d'entre vous qui me connaissent, j'aimerais remercier tout spécialement David Paterson et Don Walker. Nous avons travaillé ensemble — et j'ai trouvé votre rapport du Conseil du Partenariat du secteur canadien de l'automobile excellent à l'époque — à la préparation du plan d'action pour le secteur de l'automobile du gouvernement conservateur, une stratégie sectorielle. J'aimerais mentionner qu'à ce moment, lorsqu'il était en place, ce plan était une stratégie que nous pouvions tous mettre en œuvre concrètement. Je pense que c'était un succès dans l'ensemble.
La situation est différente aujourd'hui. Je remarque une chose au sujet de la COVID, et c'est que les Canadiens commencent à se rendre compte de l'importance de la fabrication, de la chaîne d'approvisionnement, et aussi des biens essentiels, et si nous ne pouvons pas tout fabriquer au Canada, que ce soit le matériel pour les soins de santé ou la sécurité, qu'il est important d'avoir des partenaires fiables dans le monde afin de nous assurer de pouvoir obtenir les produits dont nous avons besoin en temps de crise.
J'aimerais vous parler du plan pour l'avenir. Nous savons ce que disait le rapport du Conseil du Partenariat du secteur canadien de l'automobile il y a de nombreuses années, mais le monde a changé. Il change si vite. En effet, selon l'indice de la facilité de faire des affaires de la Banque mondiale, le Canada se classait, si je me souviens bien, au 14e rang dans le monde en 2015, lorsque nous avons quitté le pouvoir. Nous nous classons aujourd'hui au 23e rang, ce qui veut dire, en passant, que nous sommes plus près de la Russie, qui se trouve au 28e rang, que de nos deux plus importants partenaires commerciaux. Je pense que le Royaume-Uni arrive en huitième place, et les États-Unis en sixième.
Quel doit être notre plan après la crise de la COVID? Le gouvernement n'avait pas de plan avant la COVID, mais nous avons besoin d'un plan très vigoureux après la COVID. À quoi doit ressembler le nouveau plan pour les chaînes d'approvisionnement? M. Balsillie et M. Montpetit pourraient sans doute répondre aux questions concernant les chaînes d'approvisionnement et la nature du nouveau plan.
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Je suis président du Conseil du Partenariat pour le secteur canadien de l'automobile depuis ses débuts il y a environ 14 ans. Je pense que nous avons accompli beaucoup de bon travail.
Personnellement, je pense qu'après la pandémie, la situation reviendra en grande partie à la normale. Dans certains cas, les gens pourraient s'habituer à travailler de la maison. Ils pourraient avoir un protocole différent lié à la sécurité au cours des 6, 12 ou peut-être 18 prochains mois.
Ce qui risque d'avoir des répercussions plus importantes que cela sur l'industrie automobile au Canada, c'est le nouvel Accord Canada-États-Unis-Mexique. J'ai été heureux de voir que le gouvernement fédéral, l'Ontario, le Québec et l'industrie ont bien collaboré. Je pense que a fait un excellent travail de consultation avec l'industrie. Beaucoup de gens compétents ont collaboré dans ce dossier afin de déterminer les mesures à prendre pour assurer notre compétitivité et notre accès aux marchés américain et mexicain. Je considère qu'il s'agit d'un bloc commercial assez imposant qui peut faire concurrence à la Chine et qui peut lutter à armes égales avec l'Europe.
Je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de changements dans la base d'approvisionnement de l'industrie automobile. Pour ceux qui ne la connaissent pas très bien, l'industrie automobile est, à mon avis, l'industrie la plus avancée du point de vue technologique, et de loin, dans le monde. Elle utilise l'électronique et la conduite autonome. À mon avis, le fait d'avoir une base de fabrication et une base d'ingénierie en Amérique du Nord favorisera la hausse du niveau de vie de tous les citoyens.
Je ne m'attends donc pas à ce qu'il y ait beaucoup de changements. Je pense, par contre, que le gouvernement doit se pencher sur la nouvelle réalité, en raison de la dette et de tout le reste. Cela alourdira-t-il le fardeau fiscal des entreprises? À Magna, nous sommes fiers d'être une entreprise canadienne, mais nous devons aller là où nous pouvons faire des profits. Espérons que nous pourrons remettre de l'ordre dans nos finances. Les autres pays seront dans la même situation. Il sera très intéressant de voir ce qui se passera du point de vue de la concurrence.
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Je m’attends à ce que la pleine production de masques commence cette semaine. Les choses avancent vraiment bien. Je suis tellement fier de la capacité de mon entreprise aux États-Unis, premièrement, de concevoir la machinerie pour confectionner les masques afin de les faire entrer dans notre chaîne d’approvisionnement. Une des choses essentielles pour entamer la production au Canada est d’obtenir les matériels dont nous avons besoin pour confectionner les masques. Nous sommes très bons pour fabriquer des automobiles, mais c’est un tout nouveau secteur. Nous avons besoin d’être sécuritaires. Nous devons travailler avec les autorités afin de veiller à ce que les choses que nous produisons soient appropriées.
Il est très intéressant de voir qu’au Canada, on discute beaucoup des masques N95. Ce sont des masques qui couvrent entièrement le visage. Ils sont vraiment importants dans certains contextes médicaux. Nous les utilisons dans notre usine de peinture. Ils représentent probablement 5 % des besoins et sont primordiaux pour les travailleurs de la santé.
J’ai vu des estimations. Nous aurons besoin de trois milliards de couvre-visages au Canada. Nous en confectionnerons environ 10 millions, mais nous aurons besoin de nombres bien plus élevés qui proviendront de différents fournisseurs. D’autres excellentes entreprises du secteur de l’automobile, comme Woodbridge, transforment aussi leurs opérations pour pouvoir fabriquer des masques rapidement.
Nous avons une salle blanche dans l’usine d’Oshawa. Je me suis dit qu’on devrait l’utiliser. Nous avons travaillé fort. Nous nous sommes rapidement mobilisés. Nous avons bénéficié d’un excellent appui à la grandeur du gouvernement, notamment de la part de Santé Canada et de Services publics et Approvisionnement Canada. Nous fabriquerons ces masques sans but lucratif. Nous le faisons entièrement au prix coûtant et offrons nos installations et notre expertise pour pouvoir le faire, et ce, rapidement. Nous avons embauché une soixantaine de personnes. Nous les ramenons au travail à l’usine pour assurer cette production. Elles ont été formées. Nous sommes prêts à commencer.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Il y a là des concepts extrêmement intéressants. Cela soulève la question de la souveraineté, de l'autonomie et de l'autosuffisance de notre industrie et, donc, de nos chaînes d'approvisionnement. On a constaté une réduction des exportations et des importations, ainsi qu'une perturbation dans les déplacements de nos biens et services. La très grande majorité des entreprises manufacturières ont constaté des répercussions sur leurs activités. Elles ont dû s'organiser autrement et innover.
La fiabilité et la prévisibilité des chaînes d'approvisionnement sont essentielles à la compétitivité de l'économie canadienne. Il faut voir à la visibilité et à la traçabilité des éléments qui touchent toute la chaîne d'approvisionnement, d'où l'importance de nos infrastructures, des données, de la confiance et de la sécurité. Il faut s'assurer que nos chaînes d'approvisionnement sont à la fois fiables et suffisamment souples.
Je vais adresser ma question à M. Buhagiar, de Chaîne d'approvisionnement Canada.
Quelles mesures et décisions le gouvernement fédéral doit-il prendre sur son territoire afin que les entreprises du Québec et du Canada puissent améliorer le rendement des chaînes d'approvisionnement?
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Madame la présidente, pour répondre au député, dans mes remarques, j’ai mentionné un certain nombre de points. Vous avez aussi employé des mots que nous utiliserions: prévisibilité, traçabilité, fiabilité, souplesse. Je parlerais de visibilité et de résilience.
D’autres intervenants l’ont aussi mentionné, mais pour nous, le défi actuel est que nous devons réduire le temps d’attente pour pouvoir être souples et résilients et faire en sorte que nos chaînes d’approvisionnement soient flexibles et adaptées. Le temps d’attente est le temps qu’il faut prévoir entre le moment où la demande du marché ou du consommateur change et celui où une entreprise est en mesure d’y répondre. À l’heure actuelle, le temps d’attente pour la plupart des chaînes d’approvisionnement est relativement long. Pour pouvoir faire preuve de souplesse et d’une résilience accrue, il nous faudra réduire le temps d’attente de façon à ce que les sociétés et les chaînes d’approvisionnement puissent se montrer plus souples pour s’adapter aux comportements des consommateurs.
Nous avons vu ce scénario. Nous l’avons vu se dérouler dans la crise actuelle. C’est cette dichotomie entre la pénurie de certains produits et l’excédent de certains autres.
Nous avons suggéré la numérisation, secteur dans lequel certaines des grandes entreprises dont les représentants sont venus témoigner aujourd’hui ont fait un très bon travail. La majorité des chaînes d’approvisionnement au Canada ne sont cependant pas numérisées. Elles n’ont pas cette visibilité dans les chaînes d’approvisionnement. C’est là que nous pensons que le gouvernement peut aider à faire avancer le Canada. David Montpetit a parlé d’une stratégie nationale relative à la chaîne d’approvisionnement, et la numérisation des chaînes d’approvisionnement doit s’inscrire dans cette discussion.
Comme M. Montpetit et son organisme, nous estimons qu’il est nécessaire d’avoir une chaîne sous réglementation fédérale...
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Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Lemire, de me le rappeler. J’ai montré Qui a tué la voiture électrique? en 2006. M. Paterson s’en souvient.
Quoi qu’il en soit, je veux poser une question. Je vais d’abord m’adresser à M. Balsillie.
Les points 3 et 4 de votre exposé vont de pair: une stratégie nationale en matière de données et, ensuite, l’adoption de normes nationales, grosso modo, pour le rappeler à tout le monde. Je vois ces choses comme d’importantes priorités. Nous avons même entendu le témoignage d’autres personnes aujourd’hui concernant un processus de normalisation.
Que pensez-vous de la proposition selon laquelle le commissaire à la protection de la vie privée pourrait contribuer à l’heure actuelle à rehausser la confiance à l’égard du partage accru de données et des règles qui le régisse pour les entreprises — non seulement canadiennes, mais aussi internationales qui cherchent à investir au Canada — et une série de règles et d’attentes communes pour les consommateurs ainsi que les simples citoyens pour protéger aussi leurs renseignements personnels? Avez-vous des commentaires à formuler à cet égard?
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Je pense que vous avez soulevé un point très important, car la réglementation et les normes constituent une part appréciable de la stratégie nationale en matière de données. J’inclurais le tout dans le grand dossier de l’infrastructure de la politique numérique.
Ce qu’il y a de particulièrement important au sujet des données est qu’elles sont transversales. Elles touchent nos valeurs, notre sécurité, notre économie, notre santé mentale, la compétitivité de notre économie et notre démocratie, alors je peux simplement dire qu’il nous faut agir de toute urgence dans ce dossier.
Je pense que nous avons un excellent commissaire à la protection de la vie privée. Il a imploré qu’on lui donne plus de pouvoirs d’application. Je fais l’éloge des efforts déployés par le commissaire du Bureau de la concurrence la semaine dernière. Le Bureau de la concurrence est entré dans la sphère de l’atteinte à la vie privée et a dit qu’il s’agit d’une atteinte aux droits des consommateurs. Vraiment, il faut y penser comme s’il s’agissait d’une trousse d’outils complète pour aborder la question de l’avenir sécuritaire, souverain et prospère d’une nation; il ne s’agit pas d’une approche à guichet unique. La trousse à outils est très différente de celles que nous avons utilisées dans le contexte de l’économie tangible néo-libérale traditionnelle.
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C’est une bonne chose que cela puisse améliorer l’efficacité de nos investissements au pays si nous faisons les choses rapidement et comme il se doit.
Je veux m’adresser à M. Paterson pour parler d’une de vos suggestions concernant des droits de mise à la ferraille. Nous en avons déjà parlé.
J’ai longtemps milité en faveur d’une stratégie nationale pour l’automobile. Je crois que c’est aussi important pour notre sécurité nationale que pour l’innovation dans le secteur. Le rendement du Canada n’a pas été à la hauteur. Impossible de ne pas constater que les usines du monde entier prennent de l’expansion, mais pas celles du Canada. Je vis de l’autre côté de Détroit, au Michigan. On a déjà investi 8 milliards de dollars dans cette ville seulement. Notre gouvernement n’a engagé que 6 milliards de dollars au cours des cinq dernières années.
Les choses doivent changer, selon moi. Monsieur Walker, j’ai vu votre travail au sein du Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l’automobile. J’estime que nous sommes loin de l’époque où le conseil était robuste, bien honnêtement, où il s’agissait plutôt d’une base militante dotée de groupes de travail qui faisaient des suivis régulièrement. Vous faites un travail remarquable, et je vous en remercie. Je suis constamment vos activités.
Nous savons que, par le passé, nous avions la taxation avec remise d’écoAuto. C’est lorsque Toyota a enlevé les coussins gonflables de la banquette arrière pour hausser la consommation d’essence et qu’elle a reçu 1 000 $. C’était il y a une dizaine d’années. Ils ont reçu une bonne partie de cet argent. Récemment, nous avons eu un programme gouvernemental qui a écarté le seul véhicule hybride produit au pays, celui de Chrysler, et le premier véhicule entièrement électrique ici à Windsor, que nous avons dû réparer.
Comment pouvons-nous élaborer un programme de mise à la ferraille qui soit adapté à nos besoins au pays? Honnêtement, je ne veux pas offrir d’incitatif pour que les gens achètent des véhicules étrangers qui n’ont aucun lien avec la fabrication nord-américaine en ce moment.
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Le problème avec cette approche, c’est que nous ne ferions la promotion que de quelques véhicules alors que le marché achète des centaines de véhicules de différentes personnes dans le monde entier.
Je dirais deux ou trois choses. Je pense que nous pouvons élaborer un programme de mise à la ferraille qui soit efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, et si nous pouvons le faire, nous devrions en profiter. Je pense que nous pouvons en avoir un qui inspire les propriétaires de véhicules qui ont de l’âge. En ce moment, lorsque vous remplacez un quelconque véhicule qui a 12 ans par un véhicule neuf, ses émissions de gaz à effet de serre seront au moins 35 % moins élevées. Nous avons fait l’analyse et nous sommes ravis de vous en faire part. Ensuite, vous avez des options de véhicules électriques qui s’en viennent.
L’autre point que j’aimerais mentionner à propos de certaines des choses que M. Basillie a dites est que l’industrie de l’automobile ne fait pas du surplace et ne se contente pas de faire les mêmes choses que dans les années 1900. C’est une industrie qui connaît des changements technologiques rapides, et elle offre d’importants débouchés du point de vue du Conseil du partenariat pour le secteur canadien de l’automobile. Nous avons embauché 1 000 ingénieurs qui travaillent à la mise au point d’une technologie autonome et de véhicules électriques. L’industrie de l’automobile connaîtra des changements de taille.
Je pense que le Canada a des occasions fantastiques de faire partie de l’économie mondiale des biens intangibles dont M. Basillie a parlé, et de le faire et d’augmenter le nombre de fournisseurs nationaux qui peuvent avoir des avantages réels sur le plan de la concurrence, mais nous devons nous doter d’une stratégie pour y arriver. Je serais ravi d’avoir la chance de pouvoir en discuter plus à fond.
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Merci, madame la présidente.
J’aimerais d’abord revenir au commentaire que M. Walker a formulé, je crois. Je vais aussi adresser la question à M. Paterson.
Monsieur Walker, je crois que vous avez dit que nous avions besoin d’ouvrir les concessionnaires. Je suis curieuse de savoir quelles sont vos prévisions en ce qui concerne la demande. Utilisons, par exemple, mai 2019 comme repère d’une année à l’autre.
Quand vous attendez-vous à revoir ces niveaux de demande sur le marché canadien, et sur quoi vous fonderiez-vous pour faire cette projection? Je comprendrai si vous n’avez pas encore fait ces prévisions.
Mes autres questions s'adressent à M. Balsillie.
Dans une vie antérieure, j'avais participé à des travaux de commercialisation de la propriété intellectuelle auprès de quelques-unes des meilleures universités canadiennes. J'ai récemment pris connaissance de quelques statistiques intéressantes qui montrent que les entreprises américaines détiennent 50 % de la propriété intellectuelle à l'échelle mondiale. Notre part de propriété intellectuelle a diminué par rapport à celle des Américains au cours des dernières années.
Pourquoi en est-il ainsi?
Au chapitre de la productivité — et vous avez une minute et demie —, quelles sont les principales recommandations que vous feriez, sous forme d'une liste par points, pour améliorer notre compétitivité? Les gens disent parfois qu'il nous suffit de diversifier l'économie, comme s'il s'agissait là d'une baguette magique, mais la réalité, c'est qu'il faut une capacité de réception.
Comment pouvons-nous conserver la propriété intellectuelle au Canada, et que faut-il changer? Puis-je avoir une liste, point par point?
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Premièrement, il faut des subventions en amont afin que les professeurs soient tenus de respecter une politique responsable en matière de propriété intellectuelle, de sorte qu'ils ne puissent pas céder une propriété intellectuelle simplement parce qu'ils en ont envie. Ils doivent le faire d'une façon qui est avantageuse pour le Canada.
Deuxièmement, il faut former les gens sur les règles du jeu de la propriété intellectuelle. C'est un domaine très technique, et il faut s'y prendre de manière stratégique.
Troisièmement, nous devons aborder cette question selon une approche collective et organisée, un peu comme dans le cas des coopératives agricoles de l'Ouest canadien. C'est ce qui s'impose. Nous sommes aux prises avec un grand déséquilibre sur le plan de la taille.
II est très important de dire, en terminant, que 3M possède 7 000 brevets distincts qui contiennent le mot « masque ». Ce n'est pas parce que nous pouvons fabriquer un masque que nous avons le droit de le faire. Nous devons donc faire attention à notre liberté d'action, car c'est là que se situent les batailles géopolitiques et économiques, ainsi que celles en matière de sécurité.
Voilà mes trois recommandations.
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Non seulement cela améliorerait le service à la clientèle que les gouvernements offrent aux Canadiens et aux citoyens, mais cela permettrait aussi d'obtenir un rendement élevé par rapport à un investissement modeste, comme vous le dites. L'Estonie a certainement récolté d'importants avantages économiques, tout compte fait.
En ce qui a trait à l'innovation, selon un article publié dans le Globe , le Conseil national de recherches a conclu un accord avec CanSino. Nous allons devoir payer la note, dans une certaine mesure, mais nous n'avons aucune propriété intellectuelle ni aucune garantie d'approvisionnement. Natalie Raffoul et Jim Hinton appellent cela une innovation « philanthropique ». Ils mentionnent non seulement cet exemple, mais aussi le cas de réseaux universitaires semblables qui soutiennent la recherche liée au réseau 5G, la recherche en intelligence artificielle et la recherche sur les batteries, comme celle qui est menée à l'Université Dalhousie et dont Tesla a su tirer profit.
En cours de route, nous finançons des travaux de recherche, sans toutefois en récolter les fruits. Ces deux auteurs recommandent la création d'un « collectif de propriété intellectuelle », et je pense que Jim Hinton participe à sa création. C'est aussi l'une de vos principales recommandations. En quoi cela vous aide-t-il? Expliquez-moi comment un collectif de propriété intellectuelle pourrait appuyer l'innovation canadienne.
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Si vous examinez les brevets qui ont été déposés aux États-Unis l'année dernière — on vient de publier hier la liste des 300 principaux titulaires de brevets —, vous verrez que ces entreprises se dotent de tout un arsenal. Le nombre de brevets déposés par Facebook a augmenté de 78 % l'année dernière. IBM a déposé 10 000 autres brevets. Après avoir négligé ce dossier pendant 20 ans, nous accusons un si grand retard que la seule façon de rétablir l'équilibre est de prendre des mesures collectives.
J'en reviens à l'histoire de l'Ouest canadien. Il y a 100 ans, cette région du pays était tellement déséquilibrée par rapport à la force des États-Unis que les communautés se sont réunies et ont créé des stratégies collectives. Nous avons besoin de la même approche pour la propriété intellectuelle. Nous avons beau parler de technologies propres, il reste que nous n'en possédons pratiquement aucune. Nous les avons financées par l'entremise de nos chercheurs et de nos programmes de subventions, mais elles ont toutes fait l'objet de fuites.
CanSino est un autre exemple. Nous comptons sur la bienveillance de la Chine, d'une entreprise chinoise et de l'armée chinoise pour assurer notre capacité souveraine de protéger notre santé grâce à un vaccin. Selon moi, ce n'est pas ainsi qu'un pays doit gérer sa sécurité, sa souveraineté, sa santé et sa prospérité au XXIe siècle.
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Dans le cas éventuel d'un collectif de propriété intellectuelle, l'idée est de permettre aux entreprises canadiennes de conserver la propriété intellectuelle ici, au Canada, et de mieux en tirer profit. S'agissant des investissements publics, je me demande à quoi ressemble le rendement pour l'État aussi.
Comme l'écrit Mariana Mazzucato dans The Entrepreneurial State, lorsque le gouvernement finance directement l'application d'une percée technologique, il devrait, en retour, être à même d'en percevoir des redevances.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de veiller à ce que ces travaux profitent non seulement aux entreprises canadiennes, mais aussi à l'État, sachant que nous investissons massivement des fonds publics dans nos réseaux universitaires et tout le reste. Si les entreprises, canadiennes ou étrangères, peuvent en tirer profit, pourquoi l'État ne devrait-il pas obtenir, lui aussi, un rendement direct?
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Oui, absolument. Les deux épreuves se sont suivies presque coup sur coup et, en effet, l'impact a été bien réel.
Une des particularités de la chaîne d'approvisionnement et de tous les intervenants qui y participent, c'est que nous sommes habitués à régler des problèmes. Il ne s'agissait donc que d'un problème parmi tant d'autres, mais oui, nous en avons certes subi le contrecoup. Il y a eu un effet boule de neige.
À vrai dire, comme je l'ai mentionné plus tôt, nous n'avons pas eu un seul instant de répit. La grève du CN a commencé en novembre — il y a donc six mois —, et la situation n'a pas cessé d'évoluer depuis lors. Je dirais, en toute honnêteté, que nous n'avions aucune chance de nous en remettre, car nous sommes passés d'une crise à une autre.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Ma question s'adressera à M. Paterson, de General Motors.
Tout comme mon collègue M. Lemire, je suis propriétaire d'une voiture Chevrolet. Je n'ai pas la Bolt, mais la Volt. J'en suis néanmoins très heureux. Un jour, je passerai à la Bolt.
Je crois que c'est vous qui avez évoqué l'Accord Canada—Étas-Unis—Mexique tout à l'heure. En tout cas, on parlait de l'industrie automobile et il en était question. On voit qu'il y a dans cet accord des dispositions concernant le contenu d'origine, qui doit être nord-américain. Au Bloc québécois, nous avons mené un combat pour l'aluminium. Selon la tendance, les pièces seront désormais faites en aluminium. Le secteur de l'automobile tend de plus en plus vers l'autosuffisance.
Maintenant, je voudrais soulever la question de l'énergie. La filière électrique est l'avenir de l'emploi au Québec. Cela semble clair. Seriez-vous favorable à une loi visant à ce qu'un nombre croissant de véhicules électriques à zéro émission soient construits?
La Californie, qui a la même population que le Canada, a une telle loi en vigueur, comme plusieurs États, et le Québec en a une depuis quatre ans.
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Si je peux répondre à cela, je veux tout d'abord vous remercier de conduire une voiture électrique de Chevrolet.
Nous nous attendons à ce que le passage aux véhicules électriques devienne une tendance lourde chez General Motors, autant pour nos camionnettes que pour l'ensemble des voitures que nous proposons. Nous procédons en ce moment même à la construction d'une énorme usine de batteries dans l'Ohio.
Je pense que le secteur automobile va connaître deux transformations majeures. La première est l'électrification. La seconde concerne la technologie des véhicules autonomes.
Je pense que ce changement est imminent, mais il faut être très prudent et se garder de proposer des lois qui forceront les choses à changer trop rapidement, car nous risquons de ne pas avoir la capacité d'opérer la transformation souhaitée.
Nous sommes très à l'aise avec la loi du Québec, mais nous devons travailler ensemble pour nous assurer que ces choses sont gérées à un rythme approprié.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Monsieur Walker, je tiens à souligner quelque chose. Mon frère travaille dans l'une de vos installations, ici, à Windsor. Il a fait beaucoup de sensibilisation pour préparer la main-d'oeuvre à reprendre le travail. On leur a fourni des équipements de protection individuelle et toute une procédure concernant les tests. Une partie de cette procédure était numérique et en ligne, tandis qu'une autre était flexible, de sorte que si vous vous présentiez au travail à l'avance et qu'il y avait un problème, il y avait déjà un triage pour les personnes qui n'étaient pas à l'aise avec ce qui était en ligne.
Pouvez-vous nous dire quelque chose à propos des fournisseurs qui sont sous vous et qui ne jouissent peut-être pas des mêmes types de soutien que vous? Il serait peut-être nécessaire d'établir des normes mondiales ou de fournir une assistance, car je connais d'autres usines — les fournisseurs de second plan du secteur automobile — qui n'ont tout simplement pas les ressources ou même les structures en place pour pouvoir appliquer certaines des normes plus rigoureuses que vous appliquez.
Je ne dis pas qu'ils sont dangereux et je ne connais pas tous les milieux de travail, mais je sais, par exemple, que les amis et les membres de la famille sont traités différemment selon les usines.
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Bien sûr. Je pense que le démarrage que nous avons préconisé — le Smart Start — a été repris par l'ensemble de l'industrie, et qu'il a été relayé par des sociétés comme General Motors et Ford jusqu'à la base des fournisseurs, y compris la nôtre.
En principe, tout le monde devrait l'apprendre et mettre en œuvre ce qu'il veut. Il y a des opinions différentes selon les régions géographiques, mais la démarche devrait être uniforme à l'échelle du Canada. Je pense que d'autres industries peuvent utiliser le même manuel si elles le souhaitent.
Je pense qu'il est absolument essentiel que nous remettions les gens au travail. Nous pouvons le faire en toute sécurité. Une fois que nous aurons repris le travail, nous ne pourrons fermer à nouveau puisque nous allons avoir intégré la recherche des contacts. Sauf que si je n'avais qu'une chose à dire au sein de ce groupe d'experts, c'est que nous devons relancer l'industrie. Nous devons redémarrer, car autrement, nous allons faire faillite.
Je ne pense pas que ce sera particulièrement difficile. Ce sera un peu plus cher, mais je pense que tout le travail nécessaire a été fait. Il est là maintenant.
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Merci, madame la présidente.
Ma première question s'adresse à M. Balsillie. Je vous remercie de votre présence.
Monsieur Balsillie, vous avez fait remarquer qu'au cours des 25 dernières années, les mesures de productivité du Canada ont été à la traîne par rapport à celles de certains de nos partenaires commerciaux, mais vous avez dit, et j'espère que je vous cite correctement: « Les crises clarifient toujours les priorités. »
J'aime cet optimisme, mais étant donné ce retard de longue date au chapitre de la productivité, est-il réaliste de penser que le Canada, dans une reprise post-COVID de son économie, puisse être concurrentiel dans la sphère de l'innovation?
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Nous le pouvons, il n'y a aucun doute là-dessus. Le seul problème, c'est que notre pensée stratégique est dépassée.
Il y a 25 ans, le monde entier s'est mis à envisager la productivité en fonction de deux grands vecteurs. Pour l'économie matérielle, il y a eu le néo-libéralisme, avec lequel on a tâché de supprimer les frictions et de mettre en place le libre-échange. Puis, pour l'économie immatérielle, basée sur la restriction, on a érigé un ensemble d'infrastructures stratégiques axées sur le numérique. Le Canada pensait qu'il n'y avait qu'un vecteur alors que le reste du monde était conscient qu'il y en avait deux. Tout ce que je dis, c'est que nous devrions peut-être nous intéresser au second.
C'est ce que j'entends par la mise à jour de notre réflexion. Nous avons beaucoup d'experts, mais ils ne sont pas utilisés parce que, sur le plan stratégique, les gardiens de l'orthodoxie pensent que cela n'a pas d'importance. Quelle est cette vieille expression? « J'ai vu l'ennemi, et l'ennemi, c'est nous. »
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De nombreux pays utilisent des collectifs de propriété intellectuelle. En fait, toutes ces industries d'État étaient, à l'origine, des collectifs de propriété intellectuelle par l'intermédiaire de leurs firmes de télécommunications et de leurs diverses sociétés d'État industrielles de par le monde. La Corée l'a fait. Singapour, la France, le Japon — ils en ont de multiples.
Nous devrions également recourir à une fiducie de données, ce qui n'est qu'une autre forme de collectif, mais pour les données. Il s'agit de boîtes à outils organisées grâce à la création d'institutions qui cristallisent un environnement dans lequel vous pouvez prospérer. Il s'agit de domaines techniques pratiques.
Nous devons prendre en charge notre propre avenir, notre propre destin, et construire notre pays. Personne ne le construira pour nous. Nous avons construit ce pays il y a 100 ans de façon courageuse et délibérée. Pour une raison quelconque, il y a 25 ans, nous nous sommes attachés à cette idée que le pays n'était pas interventionniste, alors que le monde entier l'était doublement.
J'ai fait des affaires dans le monde entier. Chaque pays est engagé dans son économie des idées. Nous sommes les seuls que je connaisse à ne pas intervenir dans tous ces domaines. C'est pour cette raison que j'essaie de vous expliquer cela. Nous n'avons pas besoin de faire quoi que ce soit de nouveau; il suffit de faire ce que font toutes les autres économies prospères.
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous les témoins. La séance est des plus informatives.
Permettez-moi d'abord de revenir sur différents points soulevés qui m'ont interpellée. Pour aller de l'avant, nous devons relancer l'économie. Ensuite, nous devons soutenir son élan ascendant.
On a aussi beaucoup parlé de résilience, de productivité fondée sur deux grands vecteurs, puis du fait que nous excellions dans le premier vecteur, mais que nous avions oublié l'autre, il y a environ 25 ans de cela.
M. Balsillie a aussi déclaré qu'il aurait aimé que notre comité ou le gouvernement ait une liste de secteurs prioritaires pour la relance de l'économie et le développement de la résilience.
On peut habituellement adopter une approche fondée sur le BIP selon le secteur et établir les secteurs qui seront mis de l'avant et y cultiver la résilience grâce à des mesures de sécurité, de suivi, de dépistage et toutes ces choses, pour leur donner de l'élan et veiller à susciter la confiance des consommateurs afin de créer à nouveau de la demande, mais ce que je comprends de vos propos, monsieur Balsillie — mes questions seront d'abord pour vous —, c'est que nous devons mettre en œuvre le Collectif de brevets et activer le deuxième vecteur.
Si c'est bien ce que vous dites, en l'absence d'une stratégie, pouvez-vous nous aider à en dresser une, à déterminer les secteurs qu'elle ciblera, à cerner où elle doit être lancée et, ce faisant, à établir comment nous pouvons y cultiver la résilience?
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Nos choix sont en quelque sorte un exercice normatif, donc dites-moi ce qui est important et je vous dirai de quelle façon bien faire les choses.
Si vous jugez qu'il est important pour le Canada d'avoir ses propres industries médicales, alors nous devrions faire bien des choses très différemment. Si vous croyez que le secteur énergétique est important pour nous, que le secteur agricole est important nous, alors nous devrions faire beaucoup de choses qui ont trait à la législation des investissements, aux fiducies de données, aux collectifs de brevets et à l'investissement vertical.
Vous décidez de ce qui est important pour qu'une nation soit souveraine. En un siècle, ce qui importe a changé, et il va sans dire qu'une pandémie accentue d'autres types de priorités, donc vous devez vous demander ce qui est important, puis concevoir une trousse d'outils grâce à laquelle vous pourrez protéger l'importance de ces choses. Il y a un siècle de cela...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je souhaite remercier tous les témoins qui ont comparu aujourd'hui. Vos allocutions nous ont vraiment donné matière à réflexion.
Je crois que la grande question est la suivante: quelle leçon le gouvernement tirera-t-il de cette pandémie? Continuera-t-il à s'en servir pour hypnotiser les masses ou renoncera-t-il à ses initiatives internationales pour se concentrer sur les Canadiens?
Ceux parmi nous qui ont des emplois assurés ou des revenus de retraite fixes peuvent, hormis le stress dû à l'effondrement des marchés, composer avec cette situation. Il n'empêche que nous allons payer pendant des générations pour les milliards de dollars qui sortent chaque semaine des presses pour financer les déclarations benoîtes que nous chante quotidiennement le comme un coucou sorti de son horloge. Ce sont les personnes qui travaillent pour des entreprises déjà au bord du gouffre qui devront faire des concessions salariales que la fonction publique jugerait révoltantes. Donc, il nous faut un plan. Nous ne pouvons pas refaire les mêmes erreurs.
Les décisions en matière de santé et d'éloignement physique applicables aux collectivités densément peuplées sont nécessairement différentes de celles prises pour les collectivités où la population est moins concentrée. Plutôt que de voir leur clientèle les déserter au profit des grandes surfaces, les propriétaires des petites et moyennes entreprises auraient été beaucoup plus réceptifs à l'obtention de fonds pour les aider à s'adapter à notre nouvelle réalité. Ce qui revient le plus souvent pendant ce cauchemar, ce sont les préoccupations suscitées par l'absence de plan fédéral pour redémarrer l'économie canadienne et de tout plan pour développer et soutenir l'économie future du pays. Disons un plan de dix ans pour l'économie de demain.
Le gouvernement libéral consacre d'énormes ressources aux soi-disant « entreprises de l'économie verte ». M. Balsillie vient de nous dire de quelle façon nous devrions vraiment envisager nos valeurs fondamentales et miser dessus. Indépendamment des dommages qu'il cause à ces secteurs, le gouvernement ne voit pas...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Si mes propos ont blessé le , alors je les retire.
Le gouvernement ne voit pas les autres possibilités relatives aux ressources canadiennes et est lent à réagir aux problèmes de transport ferroviaire. Comme l'a dit le Conseil canadien des innovateurs, ce gouvernement se tourne trop rapidement vers les géants technologiques américains. Il demande des attestations de bonne volonté dans l'atteinte des objectifs climatiques en échange de prêts gouvernementaux pour apaiser ses investisseurs du nouvel ordre mondial et a pour ainsi dire abandonné le secteur canadien des ressources agricoles de même que de nombreux secteurs émergents qui sont définis par les entrepreneurs.
Nous savons que le Canada est bien placé pour être un acteur mondial légitime dans ce que l'on appelle le « domaine des mégadonnées », surtout dans les industries où le pays a déjà un avantage, comme l'agriculture, les mines, les infrastructures, la santé, ainsi que le pétrole et le gaz.
Ma question s'adresse à M. Balsillie du Conseil canadien des innovateurs. Votre groupe demande depuis longtemps que le gouvernement développe une stratégie nationale en matière de données pour soutenir les entrepreneurs canadiens et les personnes les plus brillantes au pays, qui joueront un rôle crucial dans notre réussite économique future. Selon vous, quelles pourraient être les conséquences de l'inaptitude du gouvernement actuel à concevoir un plan efficace pour le redémarrage de l'économie au lendemain de la pandémie de COVID-19 et un plan pour l'économie de demain?
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Merci pour votre question.
Si nous n'adoptons pas de stratégie nationale en matière de données, car il faut savoir que les données ont une portée universelle et qu'elles affectent non seulement notre prospérité, mais aussi nos normes, notre démocratie, notre sécurité et notre santé mentale, bref, je crois que nous perdrons notre souveraineté sur les plans de la sécurité, de la prospérité et de la démocratie. Je ne peux pas concevoir une priorité stratégique plus importante.
Il est très important de savoir qu'environ 250 000 brevets internationaux ont été demandés uniquement dans le secteur de l'intelligence artificielle au cours des 20 dernières années. Le Canada est le seul pays cité dans le rapport de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les principaux demandeurs de brevets en intelligence artificielle à avoir enregistré un recul.
Nous n'avons peut-être même pas le droit d'appliquer des algorithmes à nos propres données, puisque nous n'avons pas les brevets de « liberté d'exploitation » nécessaires. Cet aspect ferait partie de la stratégie nationale en matière de données.
Je crois que l'on a également dit que le Canada doit diversifier ses produits, et pas seulement ses marchés. Pensons par exemple à la formule du pendant son premier mandat qui disait souhaiter que le Canada soit connu pour son ingéniosité plutôt que pour ses ressources.
Évidemment, c'est ce que le gouvernement a fait après avoir été obligé de consacrer la vaste majorité de ses ressources au soi-disant « secteur vert » tout en faisant essentiellement fi de tout le reste, et surtout de notre expertise de renommée mondiale en gestion durable des ressources naturelles, expertise que nous devrions promouvoir partout dans le monde plutôt que d'agir comme si nous en avions honte.
Voilà ce qui, de pair avec beaucoup d'autres facteurs critiques, accélère l'exode des plus brillants Canadiens. Je me demande si vous pourriez nous parler des façons de rapatrier certains d'entre eux qui ont été poussés vers Silicon Valley, aux États-Unis.
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Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins d'être avec nous aujourd'hui pour répondre à nos questions.
J'avais une question semblable à celle que M. Dreeshen vient de poser. Monsieur Balsillie, vous avez parlé de renverser l'exode des cerveaux et d'utiliser la pandémie pour garder au pays les Canadiens les plus novateurs et brillants. Je me demande si, en tant que président du Conseil canadien des innovateurs, vous seriez prêt à partager certaines stratégies avec nous.
Je sais, évidemment, qu'il y a la chaîne de valeur et que l'on doit s'assurer que ces personnes se sentent appréciées, mais je cherche quelque chose de plus précis. Pourriez-vous nous faire des recommandations très précises? Supposons que, dès demain, le gouvernement mette en place votre stratégie, quel serait votre conseil?
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Merci, madame la présidente.
Monsieur Balsillie, vous avez mentionné la Loi sur Investissement Canada.
Je me souviens quand notre comité étudiait la vente de Nortel. En fait, RIM a acheté une entreprise canadienne, mais il a tout de même fallu que l'entreprise subisse un contrôle de sécurité effectué par les Américains afin de procéder à cette acquisition. Pendant ce temps, nous n'appliquons pas les mêmes genres de mesures au Canada, aux termes de la Loi sur Investissement Canada. En fait, nous avons finalement réussi à ajouter dans cette loi quelques enjeux liés aux gouvernements non démocratiques et à un contrôle de sécurité nationale, mais ces questions sont encore abordées très rapidement et avec un manque de rigueur.
J'aimerais clarifier avec vous ce qu'il faudrait peut-être améliorer. Au fil des ans, les seuils déclencheurs d'examen ont été haussés considérablement. Par conséquent, un grand nombre d'entreprises en démarrage et d'autres entreprises sont maintenant assujetties à un processus d'examen. Je crois que ce problème doit être réglé, en particulier si nous planifions de mettre en oeuvre des aides financières sous forme d'investissements financés par l'argent des contribuables. Certains de ces investissements pourraient être engloutis parce que ces entreprises représentent de bonnes affaires pour quelqu'un d'autre qui pourrait venir nous les dérober.
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Oui. Premièrement, il y a des dizaines, sinon des centaines de professeurs qui participent à des partenariats et dont les premières idées ont été récupérées dans le cadre d'un partenariat ou d'une licence qui ne remplit jamais les conditions prévues par la Loi sur Investissement Canada.
En ce qui concerne l'affaire Nortel qui, selon moi, est intéressante et indicative pour le Comité, j'ai reçu de nombreux appels. Nous faisions partie du consortium qui a acheté l'entreprise, et notre part s'élevait à environ 800 millions de dollars américains. J'ai reçu de nombreux appels au petit matin — vers deux ou trois heures — au cours desquels le gouvernement américain, sous la forme du ministère du Commerce ou du ministère de la Justice, s'assurait que les licences et les consortiums ne perturbaient pas la compétitivité et le juste équilibre de l'accès de ces brevets 5G au sein de l'économie.
Je pourrais littéralement passer autant de temps que vous le souhaitez à expliquer à quel point la structure est très pratique même lorsque deux consortiums de risque rivaux cherchent à acquérir une seule licence de technologie étrangère. Il s'agit d'un concept abstrait pratique qui est très délibéré et organisé, et cela s'applique à tous les aspects de ce que nous faisons, qu'il s'agisse d'acheter une entreprise en démarrage, d'investir davantage ou d'établir un partenariat dans la recherche et le développement.
Vous devez examiner ce que les Autrichiens, les Allemands, les Français, les Britanniques, les Australiens...
À cet égard, un grand nombre d'universités canadiennes possèdent des bureaux de gestion de la propriété intellectuelle, et elles gardent une part des droits sur les propriétés intellectuelles commercialisées qui découlent de recherches menées dans leur établissement.
Pensez-vous que nous envisageons la question de la mauvaise façon — qu'au lieu de payer les universités canadiennes afin qu'elles gardent des droits de propriété intellectuelle, qui sont morcelés et disparates et qui découlent de recherches financées par les contribuables, nous devrions peut-être restructurer les choses de manière à ce que l'ensemble du pays en profite davantage et de manière à ce que la propriété intellectuelle soit commercialisée d'une façon plus stratégique, plutôt que par différents chefs de la liaison industrielle partout au Canada?
Je sais que cette question est brûlante, mais les choses n'ont pas vraiment fonctionné au cours des 20 dernières années.
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Je suis entièrement d'accord avec M. Walker. Il y a toujours des occasions qui s'offrent aux pays qui sont intelligents et qui fondent leur réussite sur leurs secteurs. M. Balsillie a parlé de certains de ces secteurs, et nous avons nous-mêmes mentionné certains de ces secteurs.
L'autre facteur important, c'est que le secteur de l'automobile fait l'objet d'une énorme transformation simplement pour tenir compte du nouvel ACEUM, et nous subissons une transformation technologique massive en même temps. Pour la première fois en 100 ans, nous modifions fondamentalement et rapidement la technologie de nos véhicules pour passer à des voitures électriques partout. Nous allons aussi lancer des véhicules qui fonctionneront à l'aide de pilotes automatiques et qui élimineront les erreurs de conduite qui coûtent la vie à 40 000 personnes par année, aux États-Unis.
Il y a d'énormes possibilités de changements, mais cela fait beaucoup de choses à concilier en même temps. Lorsque vous ajoutez la COVID-19 à tous les autres défis, comme les grèves du transport ferroviaire et les problèmes dont nous avons parlé dans le passé, la situation devient très difficile. Par conséquent, nous devons être agiles. Nous savons comment contourner les problèmes, et nous travaillons en étroite collaboration.
M. Walker et moi communiquons constamment par téléphone, parce que nous réglons des problèmes quotidiennement.