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Je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue à la 25e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 1er juin 2020, nous nous réunissons pour procéder à l'étude de la Loi sur Investissement Canada.
La séance d'aujourd'hui se tient par vidéoconférence, et nos délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Je voudrais rappeler aux témoins et aux membres du Comité d'attendre que je les nomme avant de prendre la parole. Quand vous êtes prêts à parler, activez votre microphone, puis désactivez-le quand vous avez terminé. Lorsque vous parlez, je vous prie de vous exprimer lentement et clairement pour que les interprètes puissent faire leur travail. Je vous prie d'utiliser le canal de la langue dans laquelle vous vous exprimez dans l'application Zoom.
Conformément à la pratique habituelle, je brandirai le carton jaune quand il restera 30 secondes à votre intervention et le carton rouge quand votre temps d'intervention sera écoulé.
Nous recevons deux groupes de témoins aujourd'hui. Nous entendrons le premier groupe de 15 h à 16 h. Nous prendrons ensuite une pause à 16 h pour permettre le changement de témoins et pour nous dégourdir un peu, parce que nous reprendrons ensuite pour deux heures avec le deuxième groupe de témoins.
Je ne lirai pas à voix haute le titre de tous les témoins, puisque je l'ai fait la semaine dernière, mais je souhaite à nouveau la bienvenue à M. Hahlweg, du Service canadien du renseignement de sécurité; à M. Davies, du ministère de l'Industrie; et à M. Dominic Rochon, du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Vous disposerez chacun de cinq minutes pour présenter votre déclaration préliminaire. Les séries de questions suivront.
Nous allons commencer avec M. Hahlweg.
Monsieur Hahlweg, vous disposez de cinq minutes. Allez-y.
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Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Bonjour.
Je suis directeur adjoint des exigences au Service canadien du renseignement de sécurité. Entre autres choses, ma direction est chargée de l’analyse des renseignements que le SCRS collecte sur les menaces pour la sécurité du Canada. Elle fournit des évaluations du renseignement et des conseils au gouvernement afin de l’aider à prendre des décisions.
Je tiens à vous remercier de m’avoir invité à participer à l’examen de la Loi sur Investissement Canada que réalise le Comité.
Je tiens à commencer en mettant brièvement l’accent sur la mission du SCRS, celle d’enquêter sur des activités qu’il soupçonne de constituer des menaces envers la sécurité du Canada, de conseiller le gouvernement du Canada au sujet de ces dernières et de prendre des mesures visant à les réduire. Les menaces pour la sécurité du Canada sont définies à l’article 2 de la Loi sur le SCRS comme étant l’espionnage ou le sabotage, les activités d’ingérence étrangère, le terrorisme ou les activités destinées à saper le gouvernement par la violence.
Comme nous l'expliquons dans notre récent rapport public, l’ampleur, la gravité et les conséquences possibles des activités d’espionnage économique menées au Canada par des États continuent de croître. Pour satisfaire leurs intérêts nationaux en matière d’économie, de renseignement et de défense, certains pays se livrent à des activités d’espionnage. Or, l’espionnage a des répercussions importantes au Canada sur le plan économique: il se traduit par des pertes d’emplois, de propriété intellectuelle et de revenus pour les entreprises comme pour l’État, et par une réduction de l’avantage concurrentiel.
Avec notre prospérité économique, notre monde universitaire et les milieux de la recherche ouverts, le Canada offre des avenues attirantes pour les investisseurs étrangers. Bien qu’ils soient essentiels à la prospérité canadienne, les investissements de pays étrangers ont le potentiel, dans certains cas, de nuire à nos intérêts de sécurité nationale. L’acquisition de propriété intellectuelle ou de technologies sensibles, ou de grandes quantités de données privées concernant des citoyens canadiens, si elles sont destinées à être utilisées par des États étrangers ou placées sous leur contrôle, peut menacer la sécurité nationale. La grande majorité des investissements étrangers au Canada se fait de manière ouverte et transparente. Cependant, un certain nombre de sociétés d’État et d’entreprises privées liées au gouvernement ou aux services secrets d’un pays, ou soupçonnées de l’être, peuvent chercher à acheter des entreprises au Canada ou à mener d’autres activités économiques motivées par des raisons autres que commerciales basées sur leurs objectifs stratégiques.
Des États étrangers se livrent à de l'espionnage et à de l'ingérence étrangère visant le Canada depuis des années. Ce n'est pas une nouvelle activité. Le directeur du SCRS, M. Vigneault, a parlé publiquement de l’impact de ces menaces sur l’économie et les intérêts nationaux du Canada, y compris les menaces posées par la Chine et la Russie. Dans son examen de 2019 de l'ingérence étrangère et son rapport public, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement indique également que ces États, parmi d'autres, sont préoccupants.
Bien que je ne puisse pas parler en détail de questions opérationnelles, je peux vous assurer que le SCRS enquête activement sur toutes les menaces d'ingérence étrangère et d'espionnage et collabore avec vos collègues du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement sur ces questions importantes dans un contexte classifié.
Cette menace est particulièrement marquée pendant la pandémie de COVID-19, qui a fragilisé de nombreuses entreprises canadiennes. Des auteurs de menaces étrangères pourraient chercher à en profiter.
Afin d’évaluer les répercussions possibles, en vertu de la Loi sur Investissement Canada, le gouvernement est autorisé à examiner les investissements étrangers pour protéger la sécurité nationale. Le SCRS est un organisme d’enquête prévu par le règlement, aux termes des dispositions relatives à la sécurité nationale de la Loi. À ce titre, il enquête sur les préoccupations de sécurité découlant d’investissements étrangers attribués à des entités associées à d’autres États. Le SCRS collabore avec divers ministères et organismes fédéraux, notamment Innovation, Sciences et Développement économique Canada, le ministère de la Défense nationale, le Centre de la sécurité des télécommunications et la GRC, pour fournir des conseils dans le cadre de l’examen réalisé pour la sécurité nationale.
Bien que je ne puisse pas citer publiquement de conseils donnés par le SCRS ni de transactions particulières, je tiens à souligner que c’est au gouverneur en conseil qu’il revient d’autoriser ou d’interdire certains investissements, ou encore d’imposer des mesures d’atténuation dans les cas où un investissement porterait atteinte à la sécurité nationale.
L’achat de sociétés n’est pas le seul moyen par lequel des acteurs hostiles peuvent menacer la sécurité économique du Canada. Les auteurs de menaces peuvent aussi obtenir des informations canadiennes exclusives en menant des cyberattaques ou des activités d’espionnage, ou en utilisant la menace interne. La menace interne est attribuable à des personnes qui ont directement accès aux systèmes et à la propriété intellectuelle des milieux d’affaires ou de recherche; il peut donc s’agir de gens d’affaires, de scientifiques ou de chercheurs. Autrement dit, les espions d’aujourd’hui portent plus souvent le sarrau que l’imperméable.
Le SCRS a observé que la technologie et le savoir-faire, en particulier dans le monde universitaire et les petites et moyennes entreprises, étaient souvent plus vulnérables quant à l’espionnage parrainé par des États.
Merci beaucoup. Voilà qui met fin à ma déclaration liminaire.
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Madame la présidente, merci de nous donner l’occasion de discuter de la Loi sur Investissement Canada en lien avec l’étude du Comité.
En qualité de sous-ministre adjoint principal du secteur de l’industrie d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada et de directeur adjoint des investissements, je suis chargé d’aider le directeur des investissements et de conseiller le à propos de la Loi sur Investissement Canada.
Au cours de mes observations préliminaires, permettez-moi d’expliquer brièvement au Comité comment nous appliquons la Loi, y compris selon le présent contexte défini par la COVID-19.
Comme il a été généralement reconnu, les investissements directs étrangers — ou IDE — jouent un rôle important dans le développement de l’économie du Canada, puisqu’ils contribuent à la productivité et permettent l’établissement des liens vitaux aux chaînes de valeur mondiales. Ils favorisent l’innovation et créent des emplois bien rémunérés. Les IDE seront un élément important lorsque l’économie se remettra des effets de la pandémie. Parallèlement, le gouvernement a la responsabilité de veiller à ce que ces IDE profitent au Canada et de protéger les Canadiens contre les menaces à la sécurité nationale que peuvent représenter les investissements étrangers.
En ce qui concerne la façon dont les pouvoirs conférés par la Loi sont appliqués, l’information liée aux décisions est rendue publique par l’entremise d’un rapport annuel sur la Loi sur Investissement Canada, qui comprend des statistiques sommaires sur la mise en application des processus d’examen relatifs à l’avantage net et à la sécurité nationale.
Les pouvoirs d’examen de l’avantage net détenus par le gouvernement reposent sur la valeur de l’entreprise canadienne. Selon le rapport publié par un comité d’experts en 2008, les gouvernements qui se sont succédé ont relevé le seuil déclencheur de l’examen de l’avantage net des investisseurs du secteur privé issus de pays membres de l’OMC et de pays partenaires en vertu d’accords commerciaux. Le seuil se situe maintenant à 1,613 milliard de dollars en valeur d’entreprise pour les investisseurs du secteur privé issus de pays partenaires du Canada en vertu d’accords commerciaux, et à 1,075 milliard de dollars pour les investisseurs du secteur privé issus de pays membres de l’OMC, alors qu’il est de 428 millions de dollars au titre de la valeur des actifs pour les investisseurs publics issus de pays membres de l’OMC. Chaque année civile, ces montants sont mis à jour en fonction du changement du PIB nominal.
Les trois principaux pays ou régions d’origine des investisseurs selon le nombre des dossiers d’investissement déposés aux termes de la Loi ont été les États-Unis, à 59 %, l’Union européenne, à 24 % et la Chine, en troisième position, à 4 %. Les États-Unis et l’Union européenne ont toujours été les plus importants investisseurs au Canada aux termes de la Loi. En outre, tous les investissements étrangers, peu importe la valeur, l’investisseur ou le pays d’origine, peuvent faire l’objet d’un examen en application du processus d’examen relatif à la sécurité nationale prévu par la Loi.
Les menaces à la sécurité nationale sont complexes et évoluent constamment. C’est pour cette raison que la Loi sur Investissement Canada et son règlement connexe ne définissent pas la sécurité nationale. Toutefois, par souci de transparence pour les investisseurs et pour les entreprises canadiennes, le gouvernement a publié les Lignes directrices sur l’examen relatif à la sécurité nationale des investissements en décembre 2016. Ces lignes directrices sont complémentaires aux dispositions sur la sécurité nationale de la Loi.
Conscient des enjeux particuliers causés par la COVID-19, le a publié, le 18 avril 2020, un énoncé de politique indiquant que le gouvernement examinera de plus près les investissements étrangers liés à la santé publique ou à l’approvisionnement en biens et en services essentiels selon les dispositions relatives à l’avantage net et à la sécurité nationale de la Loi.
En outre, étant donné que les investissements faits au Canada par des entreprises d’État pourraient être motivés par des motifs non commerciaux qui pourraient nuire aux intérêts économiques ou de sécurité nationale du Canada, l’énoncé indique que tous les investissements étrangers provenant d’investisseurs publics seront soumis à un examen approfondi aux termes de la Loi. Ce contrôle renforcé pourrait se traduire par des demandes de renseignements supplémentaires de la part du ministre dans le cadre d’un examen ou par des examens plus longs de manière à permettre au gouvernement d’évaluer à fond les investissements.
L’énoncé avait pour but d’informer les investisseurs étrangers que nous allions exercer ces pouvoirs dans toute la mesure où nous y sommes autorisés afin de préserver les avantages nets des investissements proposés pour le Canada et de protéger la sécurité nationale. De plus, dans le cadre des processus d’examen, une attention particulière serait accordée à l’incidence des opérations proposées sur les risques potentiels pour l’approvisionnement en biens et services essentiels pendant la période de pandémie.
Cette approche, dans le cadre de la Loi, notamment telle qu’elle est formulée dans l’énoncé de politique dans le contexte de la COVID-19, correspond aux évaluations générales du renseignement communiquées par les ministères et les organismes responsables de la sécurité nationale. Je suis heureux que mes collègues de Sécurité publique Canada et du Service canadien du renseignement de sécurité soient avec moi aujourd’hui pour parler des rôles importants que leurs organisations jouent dans l’administration des dispositions de la Loi relatives à la sécurité nationale.
Merci, Madame la présidente. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions que pourraient avoir les membres du Comité.
Je dois mentionner que je devrai m’abstenir d’aborder des sujets ou de répondre à des questions relatives à des examens sur des investissements particuliers, étant donné les strictes dispositions de confidentialité de la Loi.
Merci.
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Madame la présidente, je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de parler de la Loi sur Investissement Canada. Bonjour à tous.
Je suis le sous-ministre adjoint principal du Secteur de la sécurité nationale et de la cybersécurité à Sécurité publique Canada, et l’une de mes fonctions consiste à conseiller le sur les éléments de la Loi liés à la sécurité nationale. Je traiterai principalement des dispositions de la Loi relatives à la sécurité nationale. La Loi sur Investissement Canada est appliquée par le , qui consulte le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans le cadre de ses délibérations.
Les dispositions de la Loi relatives à la sécurité nationale sont délibérément générales, et permettent au Canada d’évaluer tout investissement étranger, y compris l’établissement d’une nouvelle entreprise canadienne ou d’une entité exerçant des activités au Canada, l’acquisition du contrôle d’une entreprise canadienne, toutes valeurs confondues et l’acquisition de toute une entité exerçant des activités au Canada ou d’une partie d’une telle entité.
La Loi sur Investissement Canada ne comporte pas de définition explicite de la sécurité nationale, ce qui permet au gouvernement de s’adapter rapidement dans un milieu où les menaces sont en constante évolution. Sécurité publique Canada est responsable d’un processus d’examen relatif à la sécurité nationale, en collaboration avec 18 ministères et organismes. Comme l'a fait valoir M. Hahlweg, il s'agit notamment du SCRS, du Centre de la sécurité des télécommunications, du ministère de la Défense nationale, de la GRC, d'Affaires mondiales Canada, de Ressources naturelles Canada, de l'Agence de la santé publique du Canada et du ministère des Finances. Une telle approche pangouvernementale permet de tirer parti d’une expertise pertinente lors de l’évaluation des risques pour la sécurité nationale que présente chaque transaction.
Plusieurs facteurs sont pris en considération lors de l’examen, dont les effets potentiels de l’investissement sur les capacités et les intérêts en matière de défense du Canada; les effets potentiels de l’investissement sur le transfert de technologies de nature délicate ou de savoir-faire à l’extérieur du Canada; la participation à la recherche, à la fabrication ou à la vente de biens ou de technologies qui revêtent une importance pour la défense nationale au Canada; l’incidence possible de l’investissement sur la sécurité des infrastructures essentielles du Canada; la mesure dans laquelle l’investissement risque de permettre la surveillance ou l’espionnage par des intervenants étrangers; la mesure dans laquelle l’investissement pourrait compromettre des activités actuelles ou à venir de représentants du renseignement ou des forces de l’ordre; la mesure dans laquelle l’investissement pourrait influer sur les intérêts internationaux du Canada, y compris les relations internationales; et la mesure dans laquelle l’investissement pourrait mettre en jeu ou faciliter les activités d’acteurs illicites tels que des terroristes, des organisations terroristes ou le crime organisé.
Dans la foulée de la COVID-19, nous avons également fait preuve d’une vigilance accrue face à toutes les entités étrangères qui investissement directement dans les entreprises canadiennes essentielles à la santé publique et à la sécurité de la chaîne d’approvisionnement en biens essentiels.
L’examen relatif à la sécurité nationale est un processus rigoureux composé de nombreuses étapes et de critères qui doivent être respectés avant que des mesures puissent être prises. Contrairement à de nombreux pays, le Canada dispose d’une procédure obligatoire de notification qui prévoit que les investisseurs doivent informer Innovation, Sciences et Développpement économique Canada de leur intention d’établir une entreprise ou de prendre le contrôle d’une entreprise existante.
L’examen débute lorsque le gouvernement est informé d’une transaction. On procède alors à un examen préliminaire de tous les dossiers et des communications entre les partenaires. S’il existe des motifs raisonnables de croire que l’investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale, s’amorce alors une période d’avis, soit une période de 45 jours au cours de laquelle il est possible d’enquêter sur les préoccupations. Si, une fois cette période terminée, des préoccupations demeurent quant au préjudice à la sécurité nationale que pourrait causer la transaction, le gouverneur en conseil ordonne qu’un examen relatif à la sécurité nationale soit effectué, à la suite de la recommandation formulée par le , qui a au préalable consulté le .
Lorsqu’un examen relatif à la sécurité nationale est lancé, le gouvernement du Canada dispose de 45 jours civils — avec une période optionnelle supplémentaire de 45 jours — pour enquêter sur l’atteinte à la sécurité nationale qui pourrait découler de l’investissement. Globalement, du moment où la notification est reçue au moment où le Cabinet formule une recommandation, il peut s’écouler jusqu’à 200 jours. Des prolongations additionnelles peuvent aussi être accordées, avec le consentement de l’investisseur.
Une fois l’examen relatif à la sécurité nationale terminé, trois options s’offrent au gouvernement. Si rien n’indique que l’investissement portera atteinte à la sécurité nationale, le feu vert est donné aux investisseurs. Si le gouvernement détermine que l’investissement porterait atteinte à la sécurité nationale, il peut alors décider de donner le feu vert aux investisseurs en leur imposant des mesures d’atténuation pour gérer le risque résiduel ou d’interdire l’investissement — s’il n’a pas déjà eu lieu— ou d’ordonner sa cession, s’il a eu lieu.
Pour terminer, j’aimerais souligner que l’examen relatif à la sécurité nationale est un processus rigoureux, dans le cadre duquel de multiples organismes d’enquête collaborent pour veiller à ce que le Canada soit à l’abri des menaces à la sécurité nationale qui peuvent découler des investissements étrangers directs.
Madame la présidente, c'est avec plaisir que je répondrai maintenant aux questions des membres du Comité. Comme mon collègue d'ISDE, je dois souligner qu'il se peut que je ne puisse pas aborder les questions relatives à des examens, en cours ou passés, sur des investissements en particulier.
Merci.
Je viens justement de préciser que les dispositions prescrivant un examen pour des raisons de sécurité nationale sont très vastes et qu'il n'y a pas de seuil de valeur en dollars. La définition de la « sécurité nationale » est laissée à la discrétion du gouvernement, selon l'évolution des événements, puisqu'il doit tenir pleinement compte des circonstances actuelles. Cela fait partie intégrante de la loi.
Ensuite, c'est vraiment au cas par cas. Les avis contiennent toutes sortes d'informations qui sont entrées dans le système sur toutes les nouvelles entreprises créées et toutes les prises de contrôle. Nous pouvons aussi être proactifs et décider d'examiner n'importe quel investissement auquel la loi pourrait très bien s'appliquer, puis effectuer une enquête.
C'est très vaste. En fait, bien des pays optent pour ce modèle, qui laisse beaucoup de marge de manoeuvre pour enquêter sur différents types d'investissement. Il n'y a pas de restrictions sectorielles. C'est très ouvert.
Ce que je veux surtout savoir et ce sur quoi je veux vous entendre, c'est si nos options restent ouvertes dans la perspective de nouvelles menaces, parce que la loi pourrait ne pas s'y appliquer si nous sommes trop précis.
Monsieur Davies, je m'adresserai encore à vous, si vous me le permettez. Qu'arrive-t-il, alors, si une société d'État contrevient à une entente en manquant de transparence, en contrevenant aux lignes directrices ou en omettant de faire l'évaluation de l'avantage net? Par ailleurs, qu'arrive-t-il si ses activités sont a priori jugées conformes, puis qu'elle ne respecte pas ses engagements ensuite?
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En général, je vous dirais que le processus nous fournit... Tout dépend de l'avantage net ou de l'évaluation des risques pour la sécurité nationale, selon la loi, parce que les lignes directrices sur les sociétés d'État s'appliquent dans les deux cas, mais qu'évidemment, il y a aussi d'autres éléments à prendre en considération.
Concernant l'avantage net, on se penche avant tout sur les pratiques de la société, sa transparence et son orientation commerciale. Tout cela peut être évalué quand nous cherchons à établir quel en est l'avantage net pour l'économie canadienne. Si un investissement est autorisé, que le ministre souhaite l'autoriser, nous pouvons assortir les engagements de garanties, qui s'appliqueront ensuite.
Pour ce qui est de la sécurité nationale, bien sûr, le degré selon lequel les différents éléments seront pris en considération varie beaucoup plus. Quand un investissement est autorisé — et toute la question est là — toutes sortes de mesures d'atténuation du risque peuvent être imposées et s'appliquer en tout temps ensuite. La loi prescrit le processus d'examen applicable en amont, les engagements que doit prendre l'investisseur, puis les mécanismes qui s'appliquent ensuite pour qu'il respecte ses engagements, s'il les accepte.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie également les témoins d'être avec nous. En tant que nouveau député, je dois dire que j'ai trouvé leurs présentations très instructives et l'exercice très intéressant. Par ailleurs, j'ai pris beaucoup de notes.
Monsieur Davies, vous avez d'abord rappelé quels étaient les seuils, puis vous avez ajouté que les gouvernements ont relevé ces seuils déclencheurs au cours des années.
Je m'inquiète au sujet de la valeur de nos entreprises dans le contexte actuel lié à la pandémie de la COVID-19. S'il y avait une baisse de la valeur des entreprises compte tenu des seuils actuels, est-ce que nos entreprises seraient davantage exposées à un risque?
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans le contexte actuel, de réviser ces seuils à la baisse pour s'assurer de protéger l'intérêt des entreprises canadiennes?
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Ma prochaine question s'adresse d'abord à M. Davies.
Monsieur Davies, dans le contexte de la révision de la loi, je crois qu'on aurait tout avantage à renforcer ce qui a trait aux parties prenantes en y intégrant tout ce qui touche les actionnaires, les employés, les fournisseurs, les créanciers, les consommateurs, le gouvernement et l'environnement.
Lors de la dernière rencontre, M. Jim Balsillie a soulevé un point intéressant concernant l'importance d'encadrer aussi la question des brevets, de l'innovation et des technologies stratégiques, puisqu'il estime que l'économie d'aujourd'hui est basée sur la propriété intellectuelle et les données.
Quels mécanismes pourrions-nous insérer dans cette loi pour nous assurer de protéger l'économie moderne du Canada et du Québec?
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Merci, madame la présidente.
Pour répondre à cette question, dans le contexte des témoignages présentés précédemment, dont nous avons pris bonne note, je vous dirais qu'il me semble important de tenir compte des modifications apportées à la Loi sur Investissement Canada, lors d'un examen précédent, afin que l'évaluation se fonde sur la « valeur d'affaires ». On entend par là la valeur sur le marché de la propriété intellectuelle de l'entreprise. L'ancien seuil, qui se fondait sur la valeur de l'actif, n'en tenait pas compte. Aujourd'hui, le genre d'entreprises dont la valeur se fonde beaucoup sur la PI... Évidemment, on peut comprendre la nécessité d'examiner l'avantage net dans certaines circonstances, lorsque le seuil est dépassé.
Du point de vue de la sécurité nationale, évidemment, tout ce qui concerne la propriété intellectuelle importante et des risques relatifs à la sécurité nationale peut faire l'objet d'une évaluation des organismes d'enquête dans le cadre d'un examen, quelle que soit l'ampleur ou la valeur en dollars de l'investissement.
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Merci, madame la présidente.
J'espère que ce microphone permet aux interprètes de bien m'entendre. Je remercie les responsables des services de la Chambre des communes de leur rapidité.
Ma première question s'adresse au SCRS.
Au sujet des investissements au Canada, nous avons un beau tableau ici qui nous a été fourni par nos analystes et qui montre que la vaste majorité de ces investissements proviennent des États-Unis, puis des Pays-Bas. Le Luxembourg se classe au troisième rang, suivi de quelques autres. Je me demande si on procède à un examen en général de la provenance des investissements — et j'ai une question supplémentaire à ce sujet —, et examinez-vous également ceux provenant des États-nations?
Je suis surpris de constater que le Luxembourg arrive au troisième rang. Je me demande si l'examen va au-delà de la personne et porte aussi sur l'entreprise, pour savoir d'où elle vient.
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Je vous remercie beaucoup de poser la question.
Je peux vous dire que peu importe la provenance des investissements, s'ils constituent une menace à la sécurité ou s'ils risquent de porter atteinte à la sécurité nationale, nous allons procéder à un examen sous cet angle et faire porter tous nos efforts d'enquête sur cet élément. La source des investissements n'a pas vraiment d'importance. Ce qui importe pour nous, en tant qu'un des organismes d'enquête, ce sont les répercussions négatives potentielles de l'auteur des menaces.
Je peux vous dire, quand il est question d'ingérence étrangère et d'espionnage économique, qu'on me cite souvent disant que notre meilleure défense est l'éducation. C'est pourquoi je suis très fier du service et de nos efforts de sensibilisation, en particulier dans le contexte de la pandémie. Nous allons rencontrer de façon proactive les entreprises dans le domaine biopharmaceutique et celui des sciences de la santé. Nous leur fournissons de l'information sur les auteurs de menaces qui pourraient s'en prendre à elles afin qu'elles puissent déployer leur propre stratégie d'atténuation des risques. C'est une mesure qui connaît beaucoup de succès.
En fait, je pense que c'est il y a deux semaines que nous avons eu des discussions avec BIOTECanada, qui représente de nombreuses entreprises dans l'industrie biopharmaceutique. La démarche a été très bien accueillie. Nous allons poursuivre nos efforts de sensibilisation le plus possible.
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Cela répond en bonne partie, mais pas en totalité, à ma question.
Si nous descendons un peu dans la liste, nous avons le Royaume-Uni, la Suisse, le Japon, Hong Kong, la Chine, les Bermudes et le Brésil. Étant donné ce qui se passe à Hong Kong et en Chine en ce moment même... Ils arrivent respectivement au sixième et septième rang, mais si on les regroupe, il remonte dans la liste. Pousseriez-vous plus loin l'analyse...? Disons, par exemple, qu'un investissement vient de Hong Kong. Étant donné la situation là-bas, procéderait-on à une analyse plus poussée? Le deuxième plus important ensuite est la Chine. Cela m'inquiéterait. Y a-t-il du travail sur le terrain ou quoi que ce soit que vous pouvez mentionner?
Les Bermudes sont un cas très intéressant. Je suis prêt à parier que si nous recevons beaucoup d'investissements des Bermudes, c'est parce qu'il s'agit d'un paradis fiscal. C'est sans compter Hong Kong. Au sujet de Hong Kong, vous pourriez peut-être répondre à la question.
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Madame la présidente, je vais répondre à cette question.
Au risque de me répéter, je ne saurais trop insister sur l’importance de la sensibilisation. Cette loi est conçue pour servir d’instrument de réserve lorsque les parties en cause n’ont peut-être pas pris les mesures nécessaires pour tenir compte des intérêts du Canada, notamment dans le domaine de la sécurité. Plus les parties seront en mesure d’en tenir compte dans leur planification, plus elles pourront mener à bien les transactions d’investissement. Faire l’objet d’un examen et d’un avis de notre part, ou d’un processus d’examen qui empêche un investissement, entraîne de grandes perturbations.
Autrement dit, l’ensemble de la société doit en prendre conscience. Nous devons sensibiliser davantage la population en général afin que les transactions en cours, qui sont évidemment gratifiantes et utiles pour ces entreprises, respectent également les intérêts en matière de sécurité nationale, qui sont tout aussi importants.
La sensibilisation n’est pas une question sans importance. Elle ne relève peut-être pas nécessairement de la loi; à vrai dire, elle la précède.
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Je vais tenter de répondre à la question. Je vous remercie de porter ce point à notre attention.
Sachez que l’Agence du revenu du Canada est l’un des 19 ministères et organismes qui participent aux discussions lorsque nous examinons des dossiers liés à la sécurité nationale.
Au fond, la plupart des questions que vous nous posez consistent à savoir si telle ou telle situation justifie un examen proactif d’un aspect particulier, par exemple, en ce qui concerne un pays ou un enjeu précis. Aux termes des dispositions sur la sécurité nationale, lorsque quelque chose soulève des inquiétudes — et il peut s’agir du Luxembourg ou d’un autre pays ou encore, d’une région donnée —, nous mettons à contribution tous les renseignements fournis par les divers ministères et organismes, dont l’Agence du revenu du Canada, si jamais nous repérons un élément d’intérêt dans cette partie du monde.
Voilà comment je répondrais à la question.
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Merci, madame la présidente.
Je vais poser d’emblée ma question. Monsieur Davies, je crois que vous êtes peut-être le mieux placé pour y répondre, mais les autres témoins peuvent intervenir, eux aussi.
En vertu des lois actuelles, si un investisseur étranger vient acheter une société, il aura une présence ici. Plus tard, si son exploitation est rachetée par la Chine, par une entreprise d’État ou par une autre forme d’entreprise à capitaux propres ou peu importe, y aura-t-il un examen? L’entreprise canadienne change automatiquement de mains à la suite de son acquisition par une entité étrangère.
Les pouvoirs dont nous disposons actuellement par l’entremise d’ISDE, du SCRS, du ministère de la Sécurité publique ou même du ministre justifient-ils un désinvestissement pour protéger les Canadiens? Pouvons-nous rendre une ordonnance de désinvestissement?
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Je m'excuse, mais les consentements unanimes ne sont pas admis dans ces réunions virtuelles. Nous devons tenir un vote par appel nominal.
Je vais demander au greffier de s'exécuter.
(L'amendement est adopté par 11 voix contre 0. [Voir le Procès-verbal])
Nous allons maintenant procéder à la mise aux voix par appel nominal de la motion modifiée.
(La motion modifiée est adoptée par 11 voix contre 0. [Voir le procès-verbal])
Sur ce, nous allons maintenant passer à nos témoins.
Mesdames et messieurs les témoins, merci beaucoup pour votre patience.
Comme nous sommes un peu en retard sur l'horaire, je vais vous faire un petit rappel. Assurez-vous de bien choisir le canal qui correspond à la langue que vous parlez. Lorsque vous voyez ce carton jaune, c'est qu'il ne reste plus que 30 secondes à votre intervention. Le carton rouge signifie que votre temps est écoulé. Chaque groupe représenté dispose de cinq minutes pour livrer sa déclaration liminaire. Quand tous les groupes auront terminé, nous passerons aux questions des membres du Comité.
Pour gagner du temps, je vais présenter les témoins au moment où ils prendront la parole.
Nous allons commencer par M. Houlden.
Vous avez la parole pour cinq minutes.
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Distingués membres du Comité, merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Le China Institute, que je dirige depuis que j'ai quitté le gouvernement, est le seul groupe de réflexion au Canada qui s'intéresse uniquement à la Chine. D'autres couvrent toute l'Asie ou d'autres questions. Nos travaux portent sur l'économie, les enjeux sociaux, les questions politiques et les relations bilatérales.
Lorsque je suis arrivé au China Institute en tant que premier directeur de cet organisme, j'ai été frustré de constater l'absence de données fiables sur les investissements étrangers et chinois au Canada. Il nous a donc fallu créer à grands frais — et à nos frais — une base de données complète. Cette base de données remonte jusqu'à la société mère, qu'elle soit à Hong Kong ou sur le continent.
Par exemple, Statistique Canada recense moins de 20 milliards de dollars canadiens d'investissements chinois, et le ministère chinois du Commerce présente des lacunes similaires. Il y a des failles dans les deux cas. Ils ont leurs propres services publics.
Nous avons recensé plus de 93 milliards de dollars canadiens d'investissements chinois dans ce pays. Nous vendons des abonnements. Je ne suis pas ici pour l'annoncer, mais nos abonnés comprennent la Bibliothèque du Parlement, Sécurité publique Canada, Affaires mondiales Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, Ressources naturelles Canada, l'ambassade des États-Unis et le Bureau du représentant américain au Commerce. Nous avons également de nombreux abonnés qui sont des cabinets d'avocats et des entreprises privées.
Nous faisons largement appel à des doctorants très intelligents. Nous compilons toutes ces informations en utilisant une série de logarithmes et de bases de données au Canada, en Europe, aux États-Unis et en Chine.
Nous sommes remontés jusqu'en 1993, c'est-à-dire jusqu'au moment où les investissements chinois étaient presque inexistants. La grande accélération a eu lieu au cours de ce siècle. En 2003-2004, la Chine a commencé à faire des investissements à hauteur de 2 à 3 milliards de dollars, en grande partie dans le secteur de l'énergie, mais aussi dans les mines. Ensuite, il y a eu la mégatransaction de 2013, lorsque la China National Offshore Oil Corporation, la CNOOC, a pris le contrôle de Nexen. C'était, à l'époque, le plus grand investissement chinois jamais réalisé à l'étranger. Depuis, il y en a eu de bien plus importants.
Les investissements chinois ont atteint un sommet cette année-là, soit 21 milliards de dollars. Ils ont chuté depuis. En 2018-2019, ils se situaient entre 2 et 4 milliards de dollars. Nous nous attendons à ce que cette baisse se poursuive en 2020. Il y a trois raisons à cela: la récession économique mondiale, les difficultés bilatérales dans les relations Canada-Chine et les règles plus strictes de la Chine au sujet des entités qui peuvent sortir de l'argent du pays et de ce qu'elles peuvent acheter. Par exemple, on a dit à Anbang: « Renoncez à faire l'acquisition de maisons de retraite. Restez fidèle à votre activité principale, qui est l'assurance. »
De mon point de vue, le plafonnement des interventions sur les marchés n'est pas une bonne chose. Les investissements étrangers ont, pendant des siècles, littéralement aidé notre pays à se développer, comme cela a aussi été le cas pour les États-Unis. Traditionnellement, ces capitaux provenaient d'Europe et des États-Unis, mais au fur et à mesure que le centre de gravité se déplace vers l'Asie, les choses sont en train de changer. Les investissements étrangers sont particulièrement importants dans les industries de ressources qui demandent beaucoup de capitaux. Nous avons beaucoup d'industries de ce type et elles ont effectivement besoin de capitaux.
Les investissements étrangers peuvent être à la source d'innovations très prisées et favoriser l'inclusion dans les chaînes d'approvisionnement, mais il y a toujours un risque. En Chine — et je peux être franc puisque je ne fais plus partie du gouvernement —, les entreprises d'État ne sont pas des acteurs indépendants. Même les entreprises privées peuvent être contrôlées par l'État. Toutes les entreprises d'État ne sont pas créées sur un pied d'égalité. Il y en a près de 300 000. Certaines d'entre elles pourraient être des entreprises d'État axées sur la production alimentaire quelque part dans une petite municipalité de Chine, ce qui présenterait peu de risques.
À vrai dire, je m'inquiète davantage à l'idée de voir une société privée chinoise acheter une entreprise de haute technologie pour 20 millions de dollars, dans lequel cas la propriété intellectuelle risque d'être emportée dans une mallette ou transmise par fibre optique. Cette perspective me rend plus nerveux que de voir un investissement de 100 millions de dollars dans une mine de charbon, où tout est visible en surface, où la Chine repart avec le produit et où le Parlement peut, in extremis, exercer sa suprématie et empêcher cette sortie. Dans le cas de la propriété intellectuelle, une fois qu'elle est partie, il n'y a plus de recours. À mon avis, le risque est là. Vous avez besoin d'une analyse plus sophistiquée qu'une simple comparaison entre entreprises d'État et entreprises privées, ce qui ne veut pas dire que les entreprises d'État ne peuvent pas se comporter de façon répréhensible.
En Afrique, où j'ai pu acquérir une certaine expérience à l'égard des investissements chinois, les entreprises d'État ont parfois de meilleures pratiques, des pratiques plus respectueuses de l'environnement et des travailleurs que certaines entreprises pirates, qui se comportent en effet très mal. Il n'y a pas de solution universelle.
Les investissements dans les installations nouvelles sont, à mon avis, généralement meilleurs. Je pense à ce fabricant de laine métallique dans une localité du sud des États-Unis qui compte un pourcentage très élevé d'Afro-Américains. Il a fait faillite. La Chine est venue, elle a acheté l'entreprise et l'a remise sur pied avec beaucoup d'argent frais. Le maire de cette ville est très heureux, et le chômage a diminué. De la même façon, et en prenant un exemple canadien, nous pourrions parler de Feihe International, qui a investi 225 millions de dollars dans de nouvelles installations pour produire des préparations pour nourrissons. Or, il s'agit d'une société qui a commencé comme entreprise d'État et qui a ensuite été privatisée.
Parfois, même en cherchant bien, il est difficile de dire ce qui est une entreprise d'État et ce qui ne l'est pas…
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Madame la présidente, distingués membres du Comité, merci. Je vous suis très reconnaissant de m'avoir invité à prendre part à ces consultations sur la Loi sur Investissement Canada.
Le Conseil canadien des affaires représente les PDG de 160 grandes entreprises canadiennes. Notre organisme est présent partout au pays, dans tous les secteurs et dans toutes les régions. Nos membres emploient environ 1,7 million de Canadiens et représentent environ la moitié de la valeur du TSX.
Je voudrais commencer par souligner l'importance cruciale des investissements étrangers pour l'économie canadienne. Avant la COVID-19 et le ralentissement économique qui l'a accompagnée, les pays avancés du monde entier connaissaient déjà des perspectives de croissance plus lentes attribuables en grande partie aux forces démographiques et à une faible croissance de la productivité. En plus de ces problèmes, le Canada devait aussi composer avec une incertitude commerciale accrue, des tensions permanentes avec la Chine, des blocages ferroviaires contre-productifs et une détérioration du climat d'investissement attribuable aux incertitudes sur le plan des réglementations.
Les perspectives économiques déjà peu reluisantes d'avant la pandémie sont maintenant plus sombres que tout ce que l'on aurait pu imaginer auparavant. Selon l'analyse du directeur parlementaire du budget publiée aujourd'hui même, l'économie devrait se contracter de 6,8 % cette année, ce qui est le plus faible taux enregistré depuis le début de la série en 1961.
Maintenant que nous commençons à songer à la reprise économique, le commerce et l'investissement doivent absolument jouer un rôle central. Nous sommes une nation commerçante. Nous dépendons d'un accès ouvert au monde. Les investissements étrangers ne produisent pas seulement des emplois. Ils permettent et promeuvent l'adoption de technologies et de nouvelles techniques de gestion, et ils créent des occasions d'accéder aux marchés. Nous avons un intérêt évident à créer une dynamique de stabilité, de transparence, de prévisibilité, de non-discrimination et de protection pour les entreprises canadiennes qui investissent à l'étranger, mais aussi pour les investisseurs étrangers qui souhaitent investir au Canada. Nous devons veiller à ce que toute modification des règles régissant l'investissement au Canada soit aussi cohérente et stable que possible. Nous ne pouvons absolument pas nous permettre, en tant que pays, d'être perçus comme un endroit où il est difficile d'investir.
Je suis navré de le dire, mais je pense que le Canada pourrait faire mieux pour attirer les investissements. Le stock mondial d'investissements étrangers directs a augmenté de façon spectaculaire au cours des 25 dernières années, mais la part réservée au Canada a diminué. Selon les données de 2018, notre part du stock mondial total d'investissements étrangers est tombée à 2,8 %, soit son niveau le plus bas depuis les quelque 20 dernières années. Parallèlement, les pays dont l'environnement commercial est plus concurrentiel que le nôtre ont vu leur part augmenter à ce chapitre. Nous devons faire mieux.
En ce qui concerne plus particulièrement la Loi sur Industrie Canada, sachez que nous soutenons l'énoncé de politique dont le gouvernement a fait l'annonce le 18 avril dernier et aux termes duquel il s'engage à renforcer l'examen de la Loi sur Industrie Canada à la lumière des circonstances extraordinaires dans lesquelles nous nous trouvons. La pandémie et les retombées économiques qui en découlent pourraient créer des opportunités d'acquisitions par des entreprises motivées par des facteurs non commerciaux, ce qui pourrait mettre en danger les intérêts canadiens. Toutefois, comme nous dépendons du commerce et de l'investissement, nous pensons que le gouvernement devrait faire très attention à ne pas décourager les activités d'investissement étranger motivées par des raisons commerciales. De plus, étant donné que les marchés ont quelque peu rebondi depuis le début de la crise, les possibilités d'acquisitions prédatrices par des entreprises d'État, par exemple, diminuent. Nous pensons que ces mesures devraient être de nature temporaire.
Enfin, en ce qui concerne les industries stratégiques, soulignons que la Loi sur Industrie Canada prévoit des dispositions très claires pour protéger la sécurité nationale et qu'elle doit absolument continuer à le faire. Je suis toutefois d'avis que nous aurions intérêt à définir avec plus de précision quelles industries doivent être considérées comme stratégiques et veiller à mettre en place le cadre économique idoine pour soutenir ces secteurs.
Par exemple, je pense que ce dont nous avons pu nous rendre compte tout au long de cette pandémie, c'est l'importance d'avoir une forte…
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Je vous remercie. Permettez-moi d'abord de planter le décor.
Madame la présidente, distingués membres du Comité, bonjour.
Je suis un avocat salarié de l'Association du Barreau canadien. Nous sommes très heureux de participer à votre étude.
[Français]
L'Association du Barreau canadien, ou ABC, est une association nationale qui regroupe plus de 36 000 juristes de partout au pays.
Le principal objectif de l'ABC est l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous sommes ici aujourd'hui au nom de la Section du droit de la concurrence de l'ABC.
[Traduction]
Notre mémoire écrit a été préparé par la Section du droit de la concurrence de notre association, et plus particulièrement par les experts de notre Comité sur l’examen de l’investissement étranger. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Debbie Salzberger et M. Michael Kilby, qui sont respectivement la présidente et le vice-président de ce comité.
Je laisse maintenant la parole à M. Kilby et Mme Zalzberger, qui vont passer en revue les principaux points abordés dans notre mémoire.
Merci.
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Merci, monsieur O'Rourke.
Merci au Comité et à la présidente.
Au nom du comité sur l’Examen de l’investissement étranger de l'Association du Barreau canadien, nous présentons deux conclusions principales en ce qui a trait aux propositions de réforme dans le contexte de la pandémie actuelle.
Je parlerai de la première conclusion qui a trait à l'examen relatif à la sécurité nationale et mon collègue, Michael Kilby, traitera de la deuxième conclusion sur l'examen des avantages nationaux.
Notre première conclusion est que le gouvernement n’a aucun besoin pratique de modifier le régime d’examen au titre de la sécurité nationale prescrit par la Loi en réaction à la crise de la COVID-19, étant donné les pouvoirs très étendus que ce régime lui confère déjà et l’Énoncé de politique daté du 18 avril 2020, dans lequel il a déclaré son intention de resserrer le contrôle de certains investissements aux termes de la Loi.
La Loi autorise le gouvernement à examiner toute demande d'investissement étranger lié à une entreprise canadienne par un non-Canadien quand il estime que cet investissement pourrait porter atteinte à la sécurité nationale.
Les dispositions de la Loi en matière de sécurité nationale ne précisent aucune exigence minimale quant à la taille de la cible, à la transaction ou à l'ampleur de l'intérêt acquis par l'investisseur étranger, voire à la portée des activités qui pourraient toucher la sécurité nationale. Donc, les dispositions de la Loi en matière de sécurité nationale s'appliquent à un éventail extrêmement large d'investissements, y compris les investissements minoritaires dans une vaste gamme d'industries, à la discrétion du gouvernement.
L'Énoncé de politique du 18 avril vient amplifier le pouvoir discrétionnaire et la latitude dont jouit déjà le gouvernement dans l'examen des transactions qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale du Canada et inclut explicitement des investissements opportunistes comme ceux dans les entreprises qui sont liées à la santé publique ou qui participent à l'approvisionnement en biens et en services essentiels, dont la définition n'est pas fournie, et ceux par des entreprises d'État ou par des investisseurs privés considérés comme étroitement liés à des gouvernements étrangers.
Aux termes de la Loi, le gouvernement peut envoyer un avis qui enclenche le processus d’examen relatif à la sécurité nationale de tout investissement dans les 45 jours suivant la date de réception de la demande au titre de la Loi sur Investissement Canada ou dans les 45 jours suivant la date où il est mis au fait d'un investissement si celui-ci n'est pas visé par une demande d'examen au titre de la Loi. Bref, la Loi accorde au gouvernement et à ses partenaires du renseignement un délai important pour établir si un investissement suscite des craintes et, le cas échéant, le gouvernement a un large pouvoir discrétionnaire pour pousser son examen et, au bout du compte, limiter tout risque établi ou carrément bloquer l'investissement.
L'Énoncé de politique du 18 avril précise l'intention du gouvernement d'utiliser pleinement ces outils dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
Pour ces raisons, il n'y a aucune raison pratique qui justifie la modification immédiate de la Loi en réaction à de possibles menaces découlant de l'environnement actuel.
Je cède maintenant la parole à M. Kilby qui vous communiquera notre conclusion sur l'examen de l'avantage net.
Merci, madame Salzberger.
Je serai très bref.
Notre deuxième conclusion est que la capacité du gouvernement à adapter les seuils d’examen de l’avantage net prévus par la Loi aux réalités de la crise risque d’être sérieusement limitée par les obligations commerciales internationales du Canada, et que, de toute façon, de telles adaptations pourraient avoir comme conséquence inattendue de faire fuir les investissements étrangers souhaitables au Canada.
Je vois que je ne dispose que d'une minute, alors je vais faire très vite.
Les seuils d'examen de l'avantage net sont établis dans le document que nous avons soumis. Ils vous ont probablement déjà été communiqués dans un autre témoignage. Ces seuils ont augmenté de façon importante depuis 2015. Il s'agit d'une décision stratégique prise par les gouvernements qui se sont succédé. Le fait que ces seuils soient très élevés signifie que très peu de transactions sont assujetties à ce type d'examen. Environ neuf transactions ont fait l'objet d'un examen l'an passé.
Je vois qu'on me montre un carton rouge, donc je vais m'arrêter ici. Je souhaite respecter le temps alloué.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Distingués membres du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je me nomme Marc-André Viau, et je suis le directeur des relations gouvernementales chez Équiterre. Je vais partager mon temps de parole avec Mme Tzeporah Berman, de Stand.earth.
Nous sommes ici aujourd'hui dans le cadre de l'étude de ce comité sur les investissements étrangers, à la suite de l'adoption de la motion. Notre apport aux travaux de ce comité consiste à vous présenter les résultats d'une étude que ma collègue a effectuée, et à laquelle Équiterre s'est associée, sur la propriété étrangère des sables bitumineux.
Il s'agit d'un état des lieux dans lequel on constate que 70 % des sables bitumineux sont de propriété étrangère. Nous nous demandons donc s'il s'agit encore réellement d'une ressource canadienne.
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Je vais essayer, madame la présidente.
Si les profits se dirigent de plus en plus dans les poches des investisseurs étrangers, on doit alors se demander qui tire profit de cette exploitation. S'agit-il des Canadiens et des Canadiennes, qui sont aux prises avec la facture de nettoyage? Ma collègue en parlera plus en détail dans quelques minutes.
Maintenant, en ce qui a trait à la motion adoptée et aux éléments précis de l'étude, notre rapport offre des éléments de réponse quant à la mesure dans laquelle les entreprises des industries canadiennes stratégiques ont été dépréciées en raison de la crise liée à la COVID-19.
Comme vous le verrez, nous constatons que la perte de valeur des entreprises exploitant les sables bitumineux précède la pandémie, et nous invitons les membres du Comité à se pencher sur les raisons de cette dépréciation.
De plus, si le phénomène est antérieur à la pandémie, les membres du Comité sont invités à se pencher sur un second élément de la motion, à savoir si le Canada devrait imposer un moratoire temporaire sur les acquisitions par des entreprises d'État de pays totalitaires, en lien avec la pandémie de la COVID-19.
Nous invitons également les membres du Comité à préciser pourquoi un tel moratoire est plus pertinent maintenant qu'il ne l'était en 2012 lorsque le gouvernement a approuvé l'achat de Nexen par la société CNOOC. On doit donc se demander si la nature du régime politique dont provient l'investissement est déterminante et si cela pourrait être corrélé avec la dépréciation.
Finalement, les seuils d'évaluation de la Loi sur Investissement Canada sont appropriés pour faire un examen des avantages nets. Nous sommes favorables à la révision des critères liés aux avantages nets, tels qu’ils sont définis à l'article 20.
Nous invitons les élus à réviser l'alinéa 20e), qui traite de la compatibilité de l'investissement avec les politiques nationales en matière industrielle, économique et culturelle.
Considérant que les politiques industrielles, économiques et culturelles sont de plus en plus liées aux politiques environnementales et considérant le programme commercial progressif du Canada, je crois qu'il serait bien d'inclure le concept de compatibilité environnementale dans l'article 20 afin que nous puissions réellement parler d'avantages nets pour le Canada.
Je cède maintenant la parole à ma collègue Tzeporah Berman.
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Madame la présidente, merci beaucoup de m'accueillir aujourd'hui.
On m'a demandé de parler brièvement des résultats de notre enquête sur la propriété et les avantages financiers relatifs aux sables bitumineux.
D'abord, je traiterai très brièvement de la méthode. Ce rapport est fondé sur des données de Statistique Canada, les rapports annuels et trimestriels des sociétés pétrolières et les données obtenues du terminal Bloomberg.
La pandémie planétaire de COVID-19 est dévastatrice pour l'économie mondiale et a fait chuter les cours du pétrole qui ont atteint un creux historique.
Permettez-moi de vous expliquer brièvement pourquoi nous avons mené cette enquête. Comme l'a souligné mon collègue, avant même que la première pandémie planétaire depuis un siècle mette le monde sens dessus dessous, l'industrie du pétrole et du gaz naturel au Canada, malgré une production croissante, effectuait des mises à pied et payait moins de redevances tout en demandant toujours plus de subventions. Pour être plus précise, malgré une exploitation accrue des sables bitumineux, le nombre d'emplois créés par l'industrie du pétrole et du gaz naturel a continué de régresser.
Depuis 2014, l'industrie a perdu 53 000 emplois. De plus, les coûts de la remise en état des sites d'exploitation des sables bitumineux, des puits de pétrole et de gaz naturel traditionnels et des pipelines en Alberta sont désormais estimés à au moins 260 milliards de dollars. On craint de plus en plus que ce soit les contribuables plutôt que les pollueurs qui aient à régler la facture du nettoyage de cette imposante charge toxique.
Enfin, en se fondant sur les définitions de l'OMC, les études du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique ou ISDE nous montrent en outre que le gouvernement fédéral subventionne l'industrie en versant des milliards de dollars aux producteurs et non aux consommateurs, ce qui donne un avantage démesuré aux producteurs de carburants fossiles par rapport à ceux d'énergie renouvelable.
Pendant de nombreuses années, les lobbyistes et représentants de l'industrie ont avancé que le soutien accru et les subventions plus importantes étaient équitables parce que nous bénéficions tous de l'industrie du pétrole et du gaz naturel. Le Canada a certes tiré bien des avantages de l'industrie du pétrole et du gaz naturel, mais cette enquête révèle que la majorité des profits engendrés par cette industrie quittent le pays.
Nous savons maintenant que la majorité des activités d'exploitation des sables bitumineux n'appartiennent pas aux Canadiens. Dix des quatorze sociétés cotées en bourse qui œuvrent dans le secteur des sables bitumineux ont leur siège social au Canada, mais seulement deux d'entre elles sont détenues en majorité par des intérêts canadiens.
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Merci, madame la présidente, et distingués membres du Comité, de m'avoir invité aujourd'hui. Mes commentaires sont à titre personnel et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de mon cabinet ou de ses clients.
Je conseille des clients sur la Loi sur Investissement Canada depuis plus de 30 ans. Durant tout ce temps, j'ai vu la structure de la Loi évoluer. Au début de ma pratique, les seuils d'examen étaient extrêmement bas. On examinait trop d'investissements étrangers. La Loi ne tenait pas compte des investisseurs qui sont des entreprises d'État ni des atteintes à la sécurité nationale. En revanche, aujourd'hui, la Loi permet d'examiner strictement les investissements majeurs et tous les investissements qui pourraient porter atteinte à la sécurité nationale.
En raison de la pandémie de COVID-19, l'administration de la Loi doit être temporairement peaufinée, sans que des changements majeurs s'imposent.
Je suis en faveur d'un examen minutieux des investissements par les entreprises d'État et d'un examen relatif à la sécurité nationale pour tous les investissements, comme le précise l'Énoncé de politique du ministère du 18 avril. Je suis toutefois contre des seuils d'examen plus bas ou encore un moratoire sur les investissements d'entreprises d'État de pays totalitaires, comme le propose la motion du 1er juin.
Baisser les seuils va à l'encontre de la tendance établie par nos accords commerciaux des 30 dernières années. Si nous allons de l'avant avec ce changement, le Canada enverra un signal fort qu'il est fermé à tout investissement étranger. Les entrepreneurs canadiens, qui vivent une période de grande détresse financière, auraient ainsi moins d'options, et cette décision remettrait en question le respect par le Canada de ses obligations internationales.
Le moratoire proposé sur les acquisitions des entreprises d'État de pays totalitaires est tout aussi préoccupant. Qu'entend-on par « totalitaire »? Les entreprises d'État ne sont pas toutes de simples pions gouvernementaux. Certaines sont des investisseurs légitimes, avec une gouvernance d'entreprise et une orientation commerciale. D'autres sont cotées en bourse et doivent rendre des comptes à leurs actionnaires publics.
La Loi comprend déjà des outils pour examiner minutieusement les investissements des entreprises d'État au cas par cas. Tous les investissements des entreprises d'État ont un seuil d'examen beaucoup plus bas, fondé sur la valeur comptable. Ils sont en général plus susceptibles d'être visés que les investissements du secteur privé. La définition d'une entreprise d'État englobe un large éventail d'investisseurs qui sont des entreprises d'État ou qui sont influencés par un État. Le ministre a le pouvoir de déclarer quel investisseur est une entreprise d'État et si l'acquisition du contrôle par une entreprise d'État a eu lieu. Dans le cas d'un investissement qui est sujet à examen, il doit être établi qu'il sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada. L'investisseur qui est une entreprise d'État doit également respecter un critère supplémentaire, c'est-à-dire avoir une bonne gouvernance d'entreprise et adhérer aux principes du libre marché.
Les investissements d'entreprises d'État de pays totalitaires qui sont problématiques peuvent aussi être examinés pour des raisons de sécurité nationale. Des investissements de toute taille peuvent être examinés sur ces fondements. Les délais établis dans la Loi permettent une étude poussée et minutieuse pour des raisons de sécurité nationale. S'il est adopté, le projet de loi permettrait au ministre de prolonger ces délais. L'examen relatif à la sécurité nationale s'applique quand un investisseur n'acquiert pas toute une entreprise canadienne, et il y a des lignes directrices qui précisent toute la gamme des facteurs dont il faut tenir compte dans l'examen. Grâce à ces pouvoirs, le gouvernement peut bloquer un investissement, ordonner une cession ou permettre un investissement conditionnel.
En conclusion, les seuils d'examen pour le secteur privé et les investissements des entreprises d'État sont actuellement appropriés. Le processus d'examen existant pour les investissements des entreprises d'État est assez fouillé et il y a un processus fiable d'examen relatif à la sécurité nationale.
Merci de votre temps. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Je m'appelle Michelle Travis et suis directrice de recherche de la section 40 de UNITE HERE, qui représente les travailleurs du secteur touristique partout en Colombie-Britannique et est affiliée au syndicat national, qui représente des travailleurs de partout au Canada et aux États-Unis.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui à propos de la Loi sur Investissement Canada.
Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, le Comité étudie la pertinence des seuils d'examen actuels prévus par la Loi et de l'adoption d'un moratoire temporaire touchant certaines entreprises d'État. En avril, le ministre a annoncé que certains investissements directs étrangers dans des entreprises canadiennes seraient étudiés de plus près. Ces mesures seront en place jusqu'à ce que l'économie se relève de la pandémie. Nous estimons qu'un examen plus serré est nécessaire, mais jugeons que c'est le processus d'examen prévu par la Loi comme tel qui est vraiment préoccupant.
Il devrait y avoir un examen plus serré de toutes les transactions analysées par Ottawa et cet examen ne devrait pas s'arrêter une fois la pandémie derrière nous. Le seuil d'examen de l'avantage net pour les investisseurs privés a été relevé de manière marquée à 1 milliard de dollars en 2017 et est maintenant revu annuellement. C'était une augmentation énorme et ce seuil plus élevé laisse entendre que moins de transactions touchant des investissements directs étrangers seront analysées pour en établir l'incidence sur les Canadiens.
Bien qu'un moratoire temporaire puisse être envisagé pour les entreprises d'État de pays totalitaires, nous aimerions aussi savoir s'il s'appliquera aux entreprises qui ne sont pas officiellement des entreprises d'État, mais qui sont intimement liées à des gouvernements totalitaires. Nous pressons le Comité de s'intéresser plus largement à la rigueur du processus d'examen prévu dans la Loi comme tel.
Nous demandons au Comité de réfléchir aux questions suivantes: À quel point l'examen de l'avantage net de certaines transactions effectué par le gouvernement est-il rigoureux, et de quelle façon cet examen peut-il être rendu plus transparent? Quel examen de diligence raisonnable fait-on par rapport aux bénéficiaires ultimes qui souhaitent investir dans les entreprises canadiennes? Quels protocoles de protection des renseignements renforcés s'attend-on que les acheteurs étrangers adoptent quand ils font l'objet d'un examen prévu par la Loi? Quel serait le déclencheur d'un nouvel examen relatif à la sécurité pour les transactions déjà approuvées au titre de la Loi? Quels sont les recours pour obtenir l'examen public des démarches et des engagements des investisseurs étrangers?
Le travailleur moyen dans le secteur de l'hôtellerie au Canada peut sembler bien peu concerné par ces questions, et pourtant, certains de nos membres travaillent pour des entreprises acquises par des entités obscures dans le cadre de transactions approuvées au titre de la Loi. En 2016, le régime public de pensions de retraite de la Colombie-Britannique, le BCI, a vendu sa société de gestion hôtelière, SilverBirch, et son portefeuille de 26 hôtels à Leadon Investment pour plus d'un milliard de dollars.
Le véritable propriétaire de Leadon demeure obscur. Le Vancouver Sun a essayé d'en apprendre davantage sur Leadon à l'époque et n'a trouvé que l'adresse postale d'un cabinet d'avocats installé au centre-ville de Vancouver, de même qu'un seul dirigeant, qui fournissait une adresse en banlieue de New York. Le lien avec Hong Kong n'était pas évident.
Toujours en 2016, l'entreprise pékinoise Anbang a entamé des négociations pour acquérir la société de placement immobilier InnVest, l'un des plus importants portefeuilles hôteliers au Canada, mais s'est soudainement désistée. Selon le Financial Post , Anbang ne voulait pas être nommée en tant qu'acquéreur. Face aux objections soulevées par cette demande, sa représentante, Lydia Chen, a déclaré représenter Bluesky, un nouveau fonds de capitaux établi à Hong Kong. Bluesky a d'ailleurs acquis InnVest pour plus de 2 milliards de dollars, une transaction qui a été approuvée dans le cadre du processus d'examen prévu par la Loi.
À l'époque, Anbang faisait aussi l'objet d'un examen mené par l'organisme chinois de réglementation des assurances. L'entreprise a nié toute connexion à Bluesky, mais l'ancienne représentante d'Anbang, Mme Chen, est aujourd'hui PDG de Bluesky et d'InnVest. Le bénéficiaire ultime ici n'est pas clair. D'après les dossiers obtenus du registre des entreprises de Hong Kong, Bluesky mène à une société prête-nom des îles Vierges britanniques.
Les questions sur la propriété de Bluesky nous ramènent à Anbang, qui a fait l'objet d'un examen au titre de la Loi quand elle a acquis Retirement Concepts pour environ 1 milliard de dollars en 2017. Retirement Concepts est la plus importante chaîne d'établissements de soins de longue durée privés pour personnes âgées en Colombie-Britannique, où elle compte 21 établissements, en plus d'autres en Alberta et au Québec. Les établissements continuent d'être exploités par une société affiliée à Retirement Concepts. Nous ne représentons pas les travailleurs de ces établissements, mais nous représentons ceux des hôtels américains détenus par Anbang, de même que ceux qui travaillent dans un hôtel détenu par une société affiliée à Retirement Concepts.
Les critiques de cette prise de contrôle se sont dits préoccupés par la propriété douteuse d'Anbang et par les liens de son PDG avec l'État chinois. D'autres ont remis en question la capacité d'Anbang à maintenir le personnel adéquat et la qualité des soins. Un an après avoir reçu son approbation au titre de la Loi, Anbang a été saisie par les autorités chinoises; son PDG a été condamné à 18 ans de prison pour fraude et détournement de fonds, et le gouvernement chinois a pris 98 % des parts d'Anbang. Fait remarquable, le gouvernement de la Colombie-Britannique a depuis pris temporairement le contrôle de quatre de ces foyers pour personnes âgées qui n'arrivaient pas à assurer les soins adéquats à ses résidants.
Malgré une propriété nébuleuse et d'autres préoccupations, les transactions relatives à Leadon, Bluesky et Anbang semblent avoir été traitées assez rapidement dans le cadre du processus d'examen prévu par la Loi. Nous nous demandons quels ont été les critères utilisés pour établir l'avantage net de ces transactions.
Il faut également tenir compte du contexte politique plus large, à tout le moins dans le cas d'Anbang. Avant que nos relations avec la Chine s'enveniment, il y avait déjà des préoccupations quant aux efforts de ce pays pour obtenir des renseignements sensibles grâce à l'espionnage économique et à des investissements directs. Et ces pratiques ne se limitent pas aux secteurs soi-disant stratégiques.
En 2018, la chaîne hôtelière Marriott a révélé avoir été la cible d'une cyberattaque massive qui a compromis les renseignements personnels de plus de 300 millions des clients de Starwood sur une période de 4 ans. Des pirates au service du ministère de la Sécurité de l'État de la Chine se sont avérés être à la source de cette attaque.
En conclusion, si le but du processus d'examen prévu par la Loi est de veiller à ce que les investissements étrangers soient à l'avantage de tous les Canadiens, nous estimons qu'une analyse du bénéfice net et un examen de la sécurité plus rigoureux et transparents devraient exiger plus des investisseurs étrangers, peu importe leur pays d'origine.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Je m'adresserai d'abord à M. Houlden.
Vous avez donné une allocution au club Rotary de Sherwood Park, dont j'étais membre, il y a huit ou neuf ans de cela. Vous ne vous en souvenez probablement pas, mais je veux vous remercier d'être ainsi actif dans notre collectivité, dans ma circonscription.
J'aimerais approfondir un peu certaines des distinctions que vous avez faites. Je trouve fort intéressant que, actuellement, la Loi sur Investissement Canada porte sur la valeur monétaire et généralement sur les entreprises d'État. Toutefois, vous avez fait valoir, de façon fort éloquente, je crois, que nous pouvons faire la distinction entre les entreprises d'État qui sont d'une certaine taille et que nous devons être particulièrement vigilants par rapport aux entreprises privées qui sont affiliées à un État.
Pourriez-vous nous parler de ces entreprises privées affiliées dans le contexte chinois? Nous savons que l'on s'attend à ce que la quasi-totalité des entreprises privées d'une certaine taille aient des comités de parti qui sont au cœur de leur processus décisionnel et qu'on s'attend à ce que ces entreprises recueillent de la propriété intellectuelle qui est utile à l'armée et qu'elles s'associent à l'armée de manière continue. Il n'y a pas vraiment de distinction entre entreprise d'État et secteur privé, comme dans les autres économies; il y a une centralisation des pouvoirs et du contrôle. Peut-être devrions-nous faire d'autres types de distinctions quand il est ou non question de propriété intellectuelle.
Pourriez-vous parler des changements que nous pourrions apporter à la Loi et qui permettraient d'y intégrer ce concept d'entreprise privée affiliée à l'État?
Je suis toujours heureux de donner une allocution pour un organisme communautaire, c'est un principe, et je suis ravi de cultiver ce lien.
Je crois que vous avez bien raison. Les entreprises d'État ne s'équivalent pas toutes. Il y en a 300 000; certaines présentent un risque plus faible ou plus élevé que d'autres. En général, une entreprise d'État qui est plus directement liée à des secteurs sensibles est plus risquée, mais si vous êtes, par exemple, le ministère de la Science et de la Technologie ou le ministère de la Défense chinois et que vous vous intéressez à une possible technologie à double emploi, vous pourriez bien envisager cette acquisition par l'intermédiaire d'une entreprise privée.
Si vous consultez nos données, vous verrez que nous séparons les entreprises d'État des entreprises privées dans les investissements au Canada. Un de mes chercheurs m'a d'ailleurs fait remarquer l'an dernier: « Regardez, il y en a environ 5 % qu'on ne peut même pas démêler, parce qu'il semble y avoir des tendances historiques, des liens là. » Je lui ai donc demandé: « Devons-nous les mettre dans une catégorie ou l'autre ou encore les diviser? » Et il m'a répondu: « Non, laissez-les sous la désignation inconnue parce que, de cette façon, on montre qu'il n'est pas toujours possible d'établir s'il s'agit ou non d'une entreprise d'État. »
Je vous dirais ceci: Ne mettez pas l'accent sur la grosse minière de charbon où nous connaissons la destination du produit, qui est probablement la Chine — la société peut avoir besoin d'un marché, la province peut avoir besoin d'un marché. Attardez-vous plutôt aux entreprises novatrices en haute technologie — qui ne sont pas assez nombreuses. C'est là que je concentrerais un maximum d'efforts. La capacité de ce pays en matière de sécurité publique et de renseignement n'est pas illimitée. Il y a une entreprise à Edmonton, par exemple, qui produit des jiaozis et les expédie au Japon, aux États-Unis et ailleurs au Canada. C'est sans intérêt. C'est une entreprise d'État, mais elle me paraît inoffensive. Allez vers ce qui est le plus risqué, et c'est l'innovation, la menace à la propriété intellectuelle. Concentrez-vous sur cela autant que nécessaire. Selon moi, c'est encore plus important que la question des seuils: se concentrer sur les bonnes cibles.
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Bien sûr. Je dirais qu'il y a deux façons de répondre à cela.
D'abord, il y a le fait que, par définition, ce n'est pas défini. Et par non défini, j'entends que le pouvoir discrétionnaire prévu par la Loi est très large de sorte qu'il englobe toute menace évolutive, actuelle et ainsi de suite, dans un large éventail d'industries, y compris celle des technologies, de la propriété intellectuelle et ainsi de suite. Je crois que ce comité en a discuté au cours des derniers jours.
Ensuite, les Lignes directrices aux termes de la Loi font référence à la consultation de la Sécurité publique sur le type de questions qui peuvent être incluses ou sur les préoccupations qui peuvent être incluses d'après les dispositions sur la sécurité nationale de la Loi. Pour ceux qui connaissent moins bien les Lignes directrices, elles comportent une longue liste d'effets potentiels de l'investissement. Cette liste comprend entre autres les capacités en matière de défense, le transfert de technologies de nature délicate ou de savoir-faire, bref le genre de choses auxquelles vous pouvez vous attendre, mais compte tenu de l'Énoncé du 18 avril 2020, nous devons aussi comprendre, et on insiste là-dessus, que les Lignes directrices englobent également des choses comme l'approvisionnement en biens essentiels et d'autres choses qui figurent aux contrats du gouvernement.
Bref, je crois qu'elles sont très larges. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
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Le processus d'Investissement Canada s'applique dans le contexte d'une acquisition de contrôle. L'acquisition de contrôle d'une entreprise canadienne par n'importe quel étranger exige la soumission d'un avis ou d'une demande d'examen auprès de la Division de l'examen des investissements.
Le passage que vous avez cité souligne que les dispositions sur l'examen relatif à la sécurité nationale aux termes de la Loi vont au-delà des investissements devant faire l'objet d'un avis, c'est-à-dire au-delà des acquisitions de contrôle, et qu'elles pourraient inclure, d'après les pouvoirs du gouvernement, l'examen d'investissements minoritaires qui, autrement, ne feraient pas l'objet d'un avis.
Je crois que votre question porte en fait sur la façon dont le gouvernement serait mis au fait de ces investissements.
M. Ali Ehsassi: Oui, exactement.
Mme Debbie Salzberger: Il y a différentes façons. Il est possible que ce soit par le biais de la divulgation publique. Aussi, comme vous l'avez probablement entendu plus tôt de nos amis du SCRS et de la Sécurité publique, il y a, selon toute vraisemblance, des moyens d'assurer une surveillance. Cela déborde certes du champ d'application de la Loi dans le cas d'investissements qui ne font pas l'objet d'un avis, mais pas en ce qui a trait aux pouvoirs du gouvernement.
Je vous remercie, madame la présidente.
Monsieur Viau, je vous remercie de votre présentation au nom d'Équiterre.
Vous avez mentionné que, selon votre rapport, une part majeure de l'industrie des sables bitumineux était de propriété étrangère. Je serais curieux d'avoir les chiffres de même que la tendance parce que, en 2016, j'avais lu un texte de M. Daniel Breton, ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs en 2012 au gouvernement du Québec, dans lequel il établissait que de moins en moins de compagnies étrangères s'intéressaient au secteur pétrolier. Je précise qu'il s'agissait du secteur pétrolier en général, pas seulement des sables bitumineux. C'est peut-être cela, la différence; vous le confirmerez ou non puisque c'est vous l'expert.
M. Breton indiquait que, finalement, il y avait ainsi de moins en moins de redevances, et que la grande part, d'ailleurs croissante, était plutôt les fonds de pension. Autrement dit, on exposait les retraites des Canadiens et des Québécois à un risque. D'ailleurs, la Caisse de dépôt et placement du Québec avait sauté à pieds joints dans cela pendant une certaine période. On mettait les retraites à risque pour ce secteur qui, en fin de compte, était tout sauf intéressant à long terme.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le député, de la question.
Je commencerai à répondre, puis je vais céder la parole à ma collègue, qui pourra la compléter.
Notre étude montre que 70 % de la production est contrôlée par des intérêts étrangers. En ce qui a trait à la progression, le contrôle des profits d'exploitation serait passé de 31,6 % en 2012 à 58,4 % en 2016. Ce sont des profits qui vont dans les poches des intérêts étrangers. Il y a quand même une progression de ce côté. De l'autre côté, on note une diminution des emplois, soit 53 000 emplois en moins comparativement au sommet de 2014, et une augmentation des coûts de nettoyage des puits orphelins. Il y a donc une combinaison de facteurs.
[Traduction]
Peut-être souhaiteriez-vous ajouter quelque chose là-dessus?
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Vous avez raison: les grandes pétrolières se retirent en masse du secteur des sables bitumineux. Au cours des 5 dernières années, les grandes pétrolières ont retiré de 30 à 50 milliards de dollars de ce secteur, qu'il s'agisse de Statoil, Total, etc. Nous avons aussi vu de grandes sociétés de placement et compagnies d'assurance déclarer qu'elles n'assureraient plus les sables bitumineux ou les activités connexes, et qu'elles n'investiraient plus dans les sables bitumineux ou les activités connexes, parce qu'il s'agit de sources importantes de carbone, et aussi en raison de certaines préoccupations liées aux droits des Autochtones.
Malgré le retrait direct de la propriété étrangère du secteur des sables bitumineux, la propriété des entreprises actuelles, les investisseurs dans ces entreprises, continue de dépasser les 70 %, ce qui est dû à l'investissement accru des pétrolières nationales chinoises qui contrôlent désormais 5,2 % des activités d'exploitation des sables bitumineux, soit 3,5 fois plus que la majorité des entreprises appartenant à des intérêts canadiens. Plus de 52 % des activités d'exploitation des sables bitumineux appartiennent aujourd'hui à des intérêts américains, soit plus du double des actionnaires canadiens, et plus que tous les autres investisseurs non américains réunis.
Nous nous sommes intéressés à chacune de ces entreprises et avons examiné dans quel pourcentage elles appartiennent à des intérêts canadiens. Si vous jetez un coup d'œil à la moyenne de la propriété canadienne au sein des 8 plus grandes compagnies canadiennes, vous verrez qu'elle n'est que de 18,8 %.
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Merci, madame la présidente.
Madame Travis, en ce qui concerne Anbang, la situation met vraiment en lumière les résultats réels de cette démarche. Les gens pensent souvent que les investissements étrangers au Canada sont essentiellement axés sur les produits, que ce soit les sables bitumineux ou la fabrication, et qu'ils pourraient obtenir un produit au bout du compte. Or, ici, le produit, ce sont nos propres citoyens et notre peuple qui, en fin de compte, avaient besoin d'aide, et il aurait fallu que la Colombie-Britannique intervienne.
Peut-être pourriez-vous mettre un peu en évidence ce qui se passe là-bas, car le problème qui est survenu n'est pas un facteur inconnu. De nombreux signaux d'alarme ont été détectés en cours de route.
Enfin, que pensez-vous du dessaisissement de certains de ces établissements? Il semble étrange qu'en fin de compte, le gouvernement chinois possède et contrôle l'avenir de nos aînés ainsi que les établissements qu'il exploite, alors que, selon la Loi, il n'a même pas le droit de le faire.
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Je pense que lorsque l'on examine l'entente conclue avec Anbang — et je précise encore une fois que nous ne représentons pas les travailleurs de ces établissements, mais nous observons Anbang depuis un certain temps en raison de son intervention dans l'industrie hôtelière —, ce qui nous frappe, c'est que des questions ont été soulevées à propos d'Anbang avant et pendant l'examen en vertu de la LIC, et qu'il est étonnant que l'entente ait été approuvée.
Compte tenu de ce qui est survenu depuis cette approbation, c'est-à-dire la prise de contrôle et le démantèlement, en gros, de la société par le gouvernement chinois, on ne sait pas très bien ce qui va se passer ensuite. Étant donné ce qui s'est produit sur le plan des conditions observées dans les établissements de soins de longue durée... Les syndicats qui représentent ces travailleurs ont soulevé des questions liées à des problèmes d'effectifs et à la qualité des soins, ce qui a incité le gouvernement de la Colombie-Britannique à prendre le contrôle de plusieurs de ces établissements. Je ne sais pas ce que le gouvernement va faire ensuite, car la situation est temporaire.
En ce qui concerne le dessaisissement, c'est une tendance qu'Ottawa devrait vraiment examiner de plus près.
Je voudrais également formuler des observations relatives à une remarque qui a été exprimée par deux ou trois des témoins au sujet des outils qui sont actuellement disponibles en vertu de la LIC. Il semble bien que le gouvernement dispose en ce moment des outils nécessaires pour examiner minutieusement ces investissements. Je pense que la question est de savoir ce qui s'est passé en 2017, au cours du processus d'examen qui a permis à cette entente d'aller de l'avant. Quelle a été la rigueur de la diligence raisonnable?
Selon nous, cela se reflète dans l'approbation de ces autres ententes liées au secteur hôtelier, dans lesquelles nous ne savons toujours pas qui est propriétaire de ces hôtels, ce qui est problématique. Il est étrange de se trouver dans une situation où les employés des hôtels ne savent pas à qui appartiennent les hôtels dans lesquels ils travaillent, et lorsque nous posons des questions, nous n'obtenons pas de réponses fermes.
Je pense que cela remet en question la nature du processus d'examen. Comment pouvons-nous rendre ces processus plus rigoureux? Je crois qu'il est bon que le gouvernement veuille renforcer le processus d'examen, notamment en ce qui concerne les investissements dans ces secteurs, mais cela aurait dû être le cas depuis le début.
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Nous parvenons à déterminer la nature de la majorité de ces entreprises, et notre groupe de réflexion compte 20 personnes. Dans la majorité des cas, les entreprises sont l'une ou l'autre, et nous sommes en mesure de le déterminer.
Toutefois, il y a un petit nombre de cas, soit environ 5 % des investissements chinois au Canada, où certains des cadres supérieurs semblent provenir d'entreprises d'État et où le capital semble provenir d'une banque d'État ou peut-être d'une entreprise d'État qui existait auparavant. Certaines entreprises d'État ont été privatisées, mais on ne sait pas vraiment en quoi elles ont changé, si ce n'est qu'elles émettent des actions.
Il s'agit d'une minorité de cas, mais il y a tout de même une minorité importante d'investissements où, sur mes directives, nous avons décidé de garder leur statut incertain plutôt que de diviser ces investissements en deux, comme l'a suggéré l'un de nos chercheurs, parce que cela révèle clairement que certains des renseignements sur les entreprises d'État sont ambigus.
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C'est concevable, je suppose. Pour ces 5 %, imaginons que les responsables canadiens de l'examen étudient la question et déterminent qu'il ne s'agit pas d'une entreprise d'État, alors qu'en réalité, c'est peut-être le cas. Donc, il s'agirait d'un petit nombre de cas, mais oui, cela pourrait poser un problème.
Une entreprise d'État ne cherche pas nécessairement à se faire passer pour quelque chose d'autre. Dans certains de ces cas, les dirigeants — comme cela s'est produit dans l'ancienne Union soviétique — se sont déplacés avec des capitaux, et leur organisation peut avoir l'air d'une entreprise privée. Ou bien ils ont quitté leur ancienne entreprise d'État, mais d'une manière ou d'une autre, ils ont, par inadvertance, reçu des fonds qui provenaient de l'entreprise d'État ou des mêmes personnes. Il y aurait des cas de ce genre. J'aimerais penser, là encore, qu'en employant des analystes vraiment compétents, nos organismes de toutes sortes seraient en mesure de tirer ces questions au clair.
Nous y parvenons très bien lorsque nous remarquons des investissements en provenance de la Barbade ou des îles Caïmans, donc de paradis fiscaux, qui semblent avoir des dimensions chinoises. Si nous tenons compte du fait que, pour atteindre la somme provenant des îles Caïmans, il faudrait que chaque homme, femme et enfant au Canada investisse 5 millions de dollars, nous sommes en mesure de tirer la situation au clair. Les données chinoises... elles indiquent la première destination, c'est-à-dire Hong Kong dans tous les cas; 80 % des investissements semblent passer par Hong Kong, mais ils sont transférés ensuite à d'autres endroits qui offrent des avantages fiscaux, et l'argent arrive de quelques-unes de ces autres destinations. Ces transactions ne sont pas toujours répréhensibles, mais il faut repousser cet écran pour savoir d'où ces fonds proviennent réellement.
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C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. J'aimerais que vous posiez des questions plus faciles.
La vérité est que, oui, la Chine se comporte mal. Elle s'intéresse à des cibles d'influence. Il incombe à nos organismes de sécurité de détecter ces tentatives d'ingérence et de régler ces problèmes. Très franchement, je suis d'avis que la dénonciation et l'humiliation aident. Les Américains font un meilleur travail que nous à cet égard. À tout moment, les tribunaux américains sont généralement saisis d'une trentaine d'affaires différentes, alors que nous demandons souvent à la personne de partir tranquillement.
Cela rendrait les relations bilatérales douloureuses, mais ce serait parfois la meilleure chose à faire. Nous l'avons fait à quelques reprises, lorsqu'une procédure judiciaire a effectivement été intentée ou lorsque nous avons indiqué clairement ce que les personnes avaient fait, même si elles avaient déjà fui.
En général, leurs principales cibles sont les Canadiens d'origine chinoise — et je mentionne ici qu'ils ont besoin de notre aide. Ils sont les principales cibles et, pour un tas de raisons historiques, les Chinois craignent ce groupe.
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Vous soulevez un point très important. Je pense bien franchement que même le gouvernement chinois a tapé fort sur les doigts d'Anbang, car il a commencé à se rendre compte qu'il y a des fuites de capitaux. Les entreprises d'État investissent dans des initiatives qui n'ont rien à voir avec leurs activités de base.
En rétrospective — ce qui n'est pas vraiment la manière dont nous voulons examiner l'affaire —, la question aurait effectivement pu être soulevée au titre de la Loi sur Investissement Canada. Cette entreprise a-t-elle la capacité, l'expérience et le savoir-faire nécessaires pour prendre soin des aînés dans la région du Pacifique? C'est une question qu'on aurait pu se poser si on regarde en arrière. À l'époque, je ne pense pas... [Difficulté technique], mais il est probablement évident maintenant que ces activités ne s'inscrivaient pas dans son domaine d'expertise.
Il faudrait donc modifier la manière dont le processus d'examen se déroule. Il faudrait examiner la capacité qualitative de l'entreprise qui prend le contrôle d'assurer une saine gestion. Je peux également voir qu'il faudrait se pencher sur l'aspect environnemental pour déterminer si l'entreprise peut gérer un endroit délicat sur le plan de l'environnement se trouvant dans l'Arctique, par exemple. Est-elle en mesure de le faire?
C'est le genre de questions d'envergure dont je ne voudrais pas qu'on fasse un usage abusif, mais il faudrait peut-être bien se les poser quand on examine l'effet global d'un investissement étranger direct.
Je pense que notre premier groupe de témoins nous a fait comprendre également que ces affaires sont en grande partie confidentielles.
Monsieur Glossop, je ne suis pas du domaine juridique, venant davantage du domaine des affaires multinationales, où il importe d'avoir des normes prévisibles. Ainsi, lorsque le conseil d'administration prend des décisions qui ne seront peut-être pas mises en œuvre avant quelques trimestres, on sait que rien n'a beaucoup changé au chapitre de la diligence raisonnable et de la manière dont on prend des décisions.
Nous avons observé un bond du nombre d'examens, qui sont passés de 1 à 9 % au cours de l'exercice 2018-2019, alors que le pourcentage était de 4 % les années précédentes. Il y a eu un changement, un bond à cet égard. Savez-vous pourquoi nous réalisons plus d'examens?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Madame Travis, je veux revenir à l'hôtel et à la cyberattaque.
Je pense qu'il y a certains points à soulever au sujet des cyberattaques qui surviennent. Nous n'avons pas vraiment... Nous avons reçu de bons témoignages selon lesquels les cibles des cyberattaques se cachent en arrière-scène, évitant de rendre des comptes sur les données qui ont été volées et s'en sortant en ouvrant leur escarcelle. D'autres sont des institutions publiques qui ont été victimes de cyberattaques et qui concluent également des règlements. Certains ont fait appel à la police, mais d'autres pas. C'est ce que les témoins nous ont indiqué.
Ma question concerne la cyberattaque qui s'est produite, voire celles qui pourraient survenir dans l'avenir. Si l'hôtel appartient au gouvernement d'État chinois, en cas de cyberattaque, nous pourrions ne jamais connaître l'ampleur de l'attaque ou ce que les propriétaires font à ce sujet, qu'il s'agisse d'un problème interne qui a mené à quelque chose de bien plus spectaculaire que nous le penserions ou de quelque chose qu'ils ont laissé passer parce qu'ils ont d'autres intérêts nationaux.
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Je dirais que c'est juste.
L'examen relatif à la sécurité nationale peut s'appliquer dans tous les cas, même pour les petites transactions. Je pense que c'est là où les vrais dangers apparaissent. Dans une mine — laissons de côté toutes les autres considérations environnementales —, on connaît l'emplacement, la nature et la destination du produit. C'est très bien compris. Ces petites entreprises sont souvent dirigées par un esprit brillant qui a inventé une formidable innovation, mais qui n'en sait pas nécessairement beaucoup sur les affaires internationales, et encore moins sur la Chine. Ces entreprises sont donc vulnérables. Il se peut aussi que le propriétaire, ébloui par l'argent, décide de vendre son entreprise.
Un problème semblable se pose quand un professeur conclut une entente avantageuse. Peut-être travaille-t-il en collaboration avec une entreprise chinoise. Où le produit sera-t-il fabriqué? Avec tout le respect que j'éprouve pour ma ville natale de Calgary, je sais que ce ne sera pas à Calgary, à Edmonton ou à Prince George, mais à Hangzhou, Ningbo ou Guangzhou, où se trouve déjà un écosystème de fabrication.
C'est un défi, même pour la collaboration universitaire et pour les petites entreprises qui envisagent des projets conjoints.