Je suis heureux de pouvoir vous présenter mon point de vue. Je tiens à préciser que je ne représente ni un parti ni un groupe d'intérêt particulier. On m'a demandé de comparaître à titre personnel.
J'aimerais vous donner un aperçu de mon parcours. Je suis un avocat spécialisé en droit commercial, mais j'ai travaillé dans l'ancien ministère des Affaires extérieures. Je m'occupais des questions sur le commerce international dans le cadre de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou GATT, à l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, ainsi que dans les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis pendant de nombreuses années. J'ai affaire aux questions de politique commerciale régulièrement, voire au quotidien.
Je serai très bref. Le projet de loi vise à mettre en œuvre un accord qui a déjà été conclu, signé et ratifié par deux parties, à savoir les États-Unis et le Mexique. Il incombe maintenant au Canada de le ratifier. L'entente est déjà conclue. Il n'est pas possible de la renégocier. Il est totalement irréaliste de penser que le Congrès des États-Unis soit disposé à changer quoi que ce soit à un accord qu'il a approuvé et que le président a ratifié.
Je pense que le Comité comprend bien qu'il est question ici de modifier les lois canadiennes afin de les harmoniser, s'il y a lieu, à un accord déjà conclu. Si vous examinez les dispositions dont vous êtes saisis, vous constaterez qu'elles sont conformes, à mon avis du moins, à tout ce qui a été convenu dans l'Accord Canada–États-Unis–Mexique, ou ACEUM. Votre tâche consiste à approuver la loi afin d'apporter, au besoin, des ajustements — et je ne vois aucun domaine qui en nécessite, bien franchement — afin que nos lois soient conformes sur le plan technique à ce qui a été conclu dans l'accord commercial.
Tout compte fait, comme je l'ai dit, il n'est pas possible de renégocier l'accord. Ce que le Parlement doit faire, c'est adopter des dispositions législatives qui, s'il y a lieu, harmoniseront nos lois à ce qui a été convenu avec les États-Unis et le Mexique. Certains des ajustements sont purement techniques. Ce ne sont rien de plus que de légères modifications des lois canadiennes visant à nous conformer à l'accord. Comme vous le savez tous, il y a des dispositions de fond qui traitent de questions de douane, de tarifs et de règles d'origine, mais ce sont des choses que le Canada a déjà acceptées dans le cadre de l'ACEUM. Il revient maintenant au Parlement d'adopter la législation nécessaire.
En guise de conclusion, si le Parlement rejetait le projet de loi dont vous êtes saisis, ou refusait d'approuver l'ACEUM, ce serait du jamais vu et, bien franchement, cela ferait reculer de plusieurs années nos relations économiques, commerciales et politiques. Il serait fort étonnant que le Canada refuse la ratification.
Voilà ce que j'en pense.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour, tout le monde. Je suis heureux d'être ici au nom des 90 000 manufacturiers et exportateurs du Canada, et des 2 500 membres directs de notre association afin d'appuyer le projet de loi , Loi portant mise en œuvre de l'Accord entre le Canada, les États-Unis d'Amérique et les États-Unis mexicains, ou ACEUM.
Avant de commencer, j'aimerais saluer les efforts déployés par le , la , le négociateur en chef Verheul et tout leur personnel dans le cadre de la négociation de l'ACEUM. Chez Manufacturiers et exportateurs du Canada, ou MEC, nous comprenons à quel point ces négociations ont été difficiles puisque nous avons pris part au processus. Il était primordial pour les entreprises canadiennes et tous leurs employés que nous parvenions à un dénouement heureux, et c'est ce que nous avons fait. C'est pourquoi MEC appuie sans réserve le projet de loi. Nous demandons instamment au gouvernement et à tous les parlementaires de ratifier l'ACEUM au plus vite.
Mon objectif aujourd'hui est simple: je veux expliquer en quoi le libre-échange est important pour le secteur manufacturier et en quoi l'ACEUM est préférable à l'ALENA.
Pourquoi le libre-échange est-il aussi important? En résumé, l'industrie manufacturière du Canada repose sur les échanges commerciaux en Amérique du Nord. À lui seul, notre secteur emploie 1,7 million de travailleurs de l'ensemble des communautés au pays. En 2019, nous avons exporté 455 milliards de dollars de marchandises aux États-Unis et au Mexique, ce qui représentait 77 % de nos exportations totales cette année-là, toutes destinations confondues. Les deux tiers de ces exportations, qui valent environ 305 milliards de dollars, étaient des produits manufacturés. Ces chiffres sont éloquents.
Voyez-vous, les manufacturiers canadiens, américains et mexicains ne se font pas vraiment concurrence. Nous créons plutôt des produits ensemble dans un écosystème manufacturier continental qui est uni par des chaînes d'approvisionnement intégrées. Le libre-échange nord-américain est donc un pilier de notre économie nationale. C'est pour cette raison que le secteur manufacturier produit la majeure partie des exportations canadiennes. C'est ainsi que le secteur peut soutenir la concurrence mondiale. Voilà pourquoi l'ACEUM est aussi important — tout comme l'ALENA l'était. Sans l'accord, et sans la chaîne de production intégrée avec les États-Unis et le Mexique, nous n'aurions tout simplement pas l'envergure nécessaire pour jouer un rôle sur la scène mondiale. Le Canada peut seulement tirer profit d'un autre accord commercial si l'Amérique du Nord continue de fabriquer des produits et de croître.
En quoi l'ACEUM est-il meilleur que l'ALENA? L'ACEUM préserve les activités manufacturières intégrées qui permettent une circulation relativement libre des produits et des services entre nos trois marchés. Au début des négociations, nos membres ont clairement indiqué que l'objectif premier du Canada devait être de ne pas nuire à cette économie intégrée au sein du secteur manufacturier. L'ACEUM y parvient d'ailleurs. À vrai dire, l'accord conserve de nombreux éléments clés de l'ALENA initial que les États-Unis voulaient éliminer. Je parle notamment des mécanismes de règlement des différends et des dispenses de visa pour les voyageurs d'affaires. Ces éléments étaient loin d'être assurés au départ, mais ils sont toujours bien présents dans l'accord.
Ce qui est plus important encore, c'est que l'ACEUM actualise des éléments névralgiques de l'ALENA et fait entrer l'accord au XXIe siècle. Voilà qui suffira à améliorer considérablement le commerce nord-américain. Par exemple, le nouveau chapitre sur le commerce numérique reconnaît qu'Internet est une réalité et établit un cadre pour le commerce électronique en Amérique du Nord. Le chapitre sur l'administration douanière et la facilitation des échanges contribuera également à moderniser les frontières dans toute l'Amérique du Nord en permettant la libre circulation des marchandises.
En dernier lieu, le nouveau chapitre 26 sur la compétitivité n'a pas beaucoup attiré l'attention, mais nous sommes d'avis que c'est une des plus grandes réalisations. Pourquoi? Parce qu'il fournit un cadre qui permettrait aux trois pays souverains de devenir un seul bloc commercial. Grâce à une meilleure coordination et intégration de nos industries manufacturières, nous pourrions relever ensemble les défis du commerce mondial. Il s'agit d'une réalisation importante. Nous avons toujours demandé instamment au gouvernement de commencer à mettre en œuvre certaines parties de l'accord — notamment le chapitre 26 — qui ne nécessitent aucune modification législative. Nous devrions essayer de réaliser des progrès initiaux en créant des comités chargés de la compétitivité nord-américaine et des bonnes pratiques réglementaires, comme le prévoit l'accord. Voilà qui démontrerait le leadership du Canada, indiquerait à nos autres partenaires que nous prenons l'ACEUM au sérieux et nous permettrait de nous mettre au travail sans tarder.
Une fois que l'ACEUM aura force de loi, nous devrons alors aider les manufacturiers et les exportateurs à tirer profit du nouvel accord. Le marché américain est, et restera toujours notre plus grand marché d'exportation. Nous devons utiliser les excellentes ressources gouvernementales qui existent, comme le Service des délégués commerciaux et Exportation et développement Canada, pour aider les entreprises à faire la transition entre l'ALENA à l'ACEUM.
L'accès limité aux marchés publics du gouvernement américain constitue également un grand défi.
C'est ainsi que le gouvernement peut jouer un rôle positif et aider les entreprises à tirer parti de l'ACEUM une fois qu'il sera en vigueur…
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Je m'appelle Dave Cassidy. Je suis le président d'Unifor section locale 444, à Windsor.
La section locale 444 représente un peu moins de 10 000 membres actifs, qui travaillent dans toutes sortes d'industries, notamment le jeu, les soins de longue durée, l'aérospatiale, l'énergie et les transports. Bien sûr, nous représentons aussi les secteurs de l'assemblage automobile et de la fabrication de pièces d'automobiles.
Notre local représente quelque 6 500 travailleurs de l'usine d'assemblage de Fiat Chrysler à Windsor, qui produit des véhicules comme les modèles Grand Caravan, Voyager et Chrysler Pacifica. Nous représentons également des milliers d'autres travailleurs dans les usines satellites avoisinantes qui se trouvent le long de la chaîne d'approvisionnement.
Je vous remercie de me donner la chance de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de loi , qui porte mise en œuvre de l'Accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ou ACEUM. Comme les membres du Comité le savent, le président international de notre syndicat, Jerry Diaz, s'est intéressé très activement aux renégociations de l'ALENA. Puisque je viens de Windsor, je peux vous assurer que la réouverture, ou même l'abolition de l'ALENA est au cœur des préoccupations des travailleurs depuis l'entrée en vigueur de l'accord initial en 1994.
Je sais que les dispositions de l'ALENA ne se limitent pas au secteur de l'automobile. L'accord vise pratiquement tous les produits et services qui traversent nos frontières continentales. Or, c'est pourtant l'industrie de l'automobile qui semble faire les manchettes, et pour cause. La création et l'expansion d'une industrie automobile de pointe sont des activités lucratives. C'est aussi un outil de développement économique important. Le Canada a la chance d'avoir investi massivement dans le secteur de l'automobile. Chaque emploi du secteur de l'assemblage automobile en crée 10 autres au sein de l'économie.
Une usine d'assemblage de véhicules attire en quelque sorte les investissements additionnels dans le secteur manufacturier. Les fournisseurs de pièces, qu'il s'agisse de sièges, de portes, de roues ou d'autres composants, sont intentionnellement situés à proximité pour aider à respecter les calendriers de production et à répondre à la demande. C'est exactement ce qui se passe à Windsor, où l'industrie de l'automobile demeure un maillon essentiel de l'économie locale, malgré des années de fermetures dévastatrices, de réaffectations d'usines, d'externalisation des emplois et de licenciements.
En 1994, l'ALENA a changé les modalités des échanges commerciaux et a redéfini la chaîne d'approvisionnement nord-américaine. Il n'est pas surprenant que les constructeurs automobiles et les fabricants de pièces aient commencé à déménager leur production au Mexique ou parfois même au sud des États-Unis, où les salaires sont dérisoires.
Nous avions auparavant un déficit commercial de 3,5 milliards de dollars avec le Mexique dans le secteur de l'automobile et des pièces. Ce déficit avoisine désormais les 30 milliards de dollars. Nous nous attendions à ce que cela se produise. C'est notamment pour cette raison que les travailleurs canadiens de l'automobile s'opposent depuis longtemps à l'ALENA. Au fil du temps, et grâce à nos négociations collectives, nous avons réussi à obtenir de bons salaires et avantages sociaux pour nos membres qui font un travail très difficile, répétitif et spécialisé. Mais tout cela est réduit à néant lorsque les usines mexicaines apparaissent et que les travailleurs reçoivent un salaire qui représente une fraction de ce que nous gagnons.
Je ne sais pas si vous le savez, mais une nouvelle usine d'assemblage d'Audi située au Mexique, qui fabrique par exemple un VUS de luxe à 40 000 $, paiera ses travailleurs environ 2,25 dollars américains l'heure. Les travailleurs canadiens ne vont pas soutenir une telle concurrence, et ne devraient pas avoir à le faire. Je vous dirai qu'il est rare que les constructeurs automobiles canadiens ne soulignent pas ces disparités lorsqu'ils tentent de réduire nos salaires, de diminuer nos avantages sociaux ou de remanier nos régimes de retraite. Voilà donc l'incidence qu'a l'ALENA sur les conditions de travail au Canada.
Comme je l'ai dit, notre syndicat a consacré beaucoup de temps et de ressources aux renégociations de l'ALENA et au travail avec les autorités fédérales dans le but d'y apporter des modifications substantielles. Personne ne pensait que le rafistolage de l'ALENA allait à lui seul réparer des décennies de dommages et de négligence, mais des changements importants ont bel et bien été apportés, et nous le reconnaissons.
Le seuil prévu à l'ACEUM afin de déterminer si une voiture a été fabriquée en Amérique du Nord est beaucoup plus élevé qu'il ne l'était dans l'ALENA. L'octroi de préférences tarifaires aux constructeurs automobiles qui construisent une voiture réellement fabriquée à partir de composants nord-américains renforce l'intégrité de l'accord. C'est très différent de l'approche que le gouvernement Harper avait adoptée lors de la renégociation du Partenariat transpacifique, ou PTP, où il s'était engagé à diminuer le seuil de l'ALENA. Dans le cadre du PTP, auquel Unifor s'est fortement opposé, une préférence tarifaire pouvait être accordée même si plus de la moitié d'une voiture n'avait pas été construite dans la zone commerciale.
Il est bien que l'ACEUM renverse cette tendance. Nous pensons que cela pourrait attirer au Canada des fournisseurs de première et de deuxième catégorie, étant donné que les constructeurs automobiles tenteront de respecter les nouvelles règles.
L'ACEUM améliore également les règles d'origine sur les pièces déterminantes par rapport à l'entente initiale. Pour la première fois, des règles d'origine concernant les automobiles s'appliquent aux ressources d'acier et d'aluminium, et exigent que les fabricants d’équipement d’origine achètent au moins 70 % de ces matériaux en Amérique du Nord.
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Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour. Merci de me donner la chance de comparaître devant vous.
Je m'appelle Jonathon Azzopardi, ancien président de la Canadian Association of Mold Makers. Je suis présentement directeur des affaires internationales de l'association et président de Laval, un fabricant de moules et de pièces situé à Windsor, en Ontario.
Notre association compte 100 membres. Il y a 216 fabricants de moules au Canada, ainsi que 14 000 travailleurs qualifiés, plus de 230 membres associés et plus de 1 400 entreprises de fabrication rien que dans le Sud-Ouest de l'Ontario.
J'aimerais d'abord dire que je n'envie pas la posture dans laquelle vous vous trouvez. Votre comité a été chargé d'accélérer la ratification d'une entente déjà négociée, tout en essayant de mettre en place une structure permettant de saisir les occasions qui en découlent. Ce n'est pas une mince tâche, mais c'est nécessaire. Nous sommes ici pour appuyer la ratification du projet de loi , ou plutôt de l'ACEUM.
Être fabricant au Canada n'est pas simple, mais c'est un privilège. Ce n'est pas sans poser de nombreux défis. Je ne perdrai pas mon temps à énumérer chacun d'eux, mais je dirai que l'exportation est essentielle pour fabriquer ou cultiver des choses au Canada.
Je prendrai les dix prochaines minutes — ou plutôt cinq minutes — pour vous montrer en quoi l'accord peut nous aider à créer un effet de levier ou un tremplin. Je pense qu'il est important de commencer par rappeler les événements. En 2015, Donald Trump a annoncé qu'il allait renégocier l'ALENA alors qu'il était le président désigné. Lorsqu'il est devenu président en 2016, je dois admettre que l'annonce a complètement bouleversé notre industrie. Cette onde de choc et l'incertitude qu'elle a engendrée, réelle ou non, ont complètement découragé les travailleurs et les entreprises. À l'époque, notre industrie était écrasée par la pression puisque les relations commerciales n'étaient pas équitables. La politique américaine « Made in America » causait assez de problèmes, sans parler du fait que 85 % de nos exportations vers les États-Unis subissaient déjà la pression de pays où les coûts sont bas, comme la Chine, qui produit ce que nous fabriquons à une fraction de nos coûts.
Nous avons eu la chance que cet accord soit négocié rapidement. Je crois que notre partenaire commercial américain s'est assuré que les règles soient en sa faveur, mais retarder la ratification ne peut que nous nuire davantage. Nous perdons de plus en plus d'occasions chaque jour. Pourquoi est-il important de ratifier l'accord? Parce que cela va dissiper l'incertitude. Vous devez comprendre que nous vivons ce climat d'incertitude depuis 2015, soit depuis près de cinq ans, et que nous perdons des occasions chaque jour. Vous devez également comprendre qu'en raison de nos cycles et de nos ententes avec nos clients, nous ne serons pas au bout de nos peines avant cinq années suivant la ratification.
La deuxième raison pour laquelle je veux vous parler aujourd'hui se rapporte aux investissements futurs. Avec l'accord, les investissements futurs au pays viseront surtout les fournisseurs de première, deuxième et troisième catégorie. Il est très important de comprendre que, plus on est loin sur la chaîne d'approvisionnement du secteur de l'automobile, moins on a de chances d'être aux États-Unis. Si l'accord est mis en œuvre, toutes les usines d'assemblage — plus de 20 milliards de dollars d'investissement aux États-Unis depuis 2016 — deviendront nos nouveaux clients, pourvu que la ratification se fasse rapidement.
Par ailleurs, je représente l'industrie de la fabrication de moules, qui est généralement de deuxième catégorie. C'est très important. Nos politiques commerciales doivent refléter celles de notre principal partenaire commercial. En décembre 2019, par exemple, un droit de douane de 25 % a été imposé sur les moules en provenance de la Chine qui entrent aux États-Unis. Cette situation illustre que si le Canada n'adopte pas des politiques similaires, il favorisera le dumping des produits chinois. Une fois l'accord ratifié, il est important que le Canada adopte en deuxième lieu des politiques similaires pour l'acier, l'aluminium et les moules américains. Si nous ne le faisons pas et n'adoptons pas de telles politiques, vous commencerez à miner notre secteur manufacturier de l'intérieur.
Le dernier point que je veux faire valoir se rapporte à notre vulnérabilité entourant le Partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Sans le nouvel ACEUM, je suis d'accord avec M. David Cassidy pour dire que le Partenariat pourrait être catastrophique pour le Canada. Le PTPGP n'augure rien de bon pour les fabricants canadiens sans l'ACEUM. Il ne nous aidera pas et va même nous nuire, puisque nous deviendrons une cible de dumping pour les entreprises qui veulent avoir accès aux États-Unis. Si le Canada n'adopte pas des politiques fortes relatives à la teneur en valeur régionale, ou TVR, il ratera une occasion. Nous perdrons alors du terrain.
Le Canada doit ratifier l'ACEUM le plus tôt possible, puis nous protéger contre ce dumping en adoptant au Canada des mesures similaires à celles des États-Unis. Nous pourrons ainsi profiter pleinement de l'accord. Pour y arriver, nous pouvons notamment allonger la liste des produits et renforcer les méthodes de calcul de la TVR. Il faut donc adopter des politiques commerciales à l'image de celles des États-Unis, et mettre en œuvre cet accord dès que possible.
Je serai heureux de répondre à toutes vos questions et de vous aider activement à faire avancer le dossier.
Merci.
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Je suis content que vous souleviez cela, parce que nous le voyons aussi. Nous constatons cela pour l'acier depuis bien des années. L'aluminium devient manifestement plus populaire, ce qui fait que nous voyons cela de plus en plus en ce qui concerne l'aluminium. Si nous étions devant un comité composé de représentants du gouvernement mexicain, je dirais exactement la même chose. Si vous ne suivez pas le rythme des mesures protectionnistes des États-Unis, vous serez aussi le chaînon faible en Amérique du Nord. Il faut qu'il en soit ainsi. Vous n'avez pas le choix. À moins de souhaiter que l'érosion continue, vous devez adopter les mêmes politiques que les États-Unis. C'est vraiment important. Nous le voyons constamment sur le terrain.
La Chine est capable d'acheminer ses produits par le marché canadien grâce aux investissements. Je serai absolument honnête avec vous. Depuis que l'accord a été envisagé, puis négocié et ratifié, nous avons en fait eu davantage d'occasions d'investissement au Canada. Le problème, en ce moment, c'est que vous devez faire le tri de ces occasions. Est-ce qu'elles vont profiter au Canada, ou est-ce qu'elles vont nuire au Canada?
Dans bien des cas, les investisseurs ne souhaitent qu'avoir des zones de largage, et nous surveillons cela de très près. Il faut se débarrasser de cela.
D'un autre côté, j'ai aussi eu des investissements de pays étrangers qui veulent avoir accès aux États-Unis en passant par le Canada. Nous voulons manifestement davantage de tels investissements.
Pour faire le tri… Ce que nous pouvons faire sur le terrain est limité et nous faisons des efforts, mais il faut que le gouvernement nous donne du mordant et nous donne la capacité de les empêcher. C'est essentiel. Ce n'est rien de neuf. Honnêtement, ce n'est pas nouveau, mais cela va se poursuivre, et en fait, c'est là où les dispositions de l'accord peuvent soit nous faire du tort soit nous aider. En ce moment, ces dispositions vont nous aider si nous pouvons empêcher cela.
Si nous ne prenons pas de telles mesures, les augmentations de la teneur en valeur régionale, ou TVR, dont M. David Cassidy a parlé, vont se mettre rapidement à jouer contre nous. Une fois qu'elles seront en place, il nous sera très difficile de les changer. Je m'inquiète en fait beaucoup de ce que si cela ne se fait pas rapidement, elles seront déjà en place et vous allez alors essayer de les faire sortir au lieu de les empêcher d'entrer.
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Bonjour, madame la présidente. Merci de nous avoir invités.
Bonjour, mesdames et messieurs du Parlement du Canada. Merci de votre intérêt envers notre industrie de l'aluminium. Je suis ici pour vous en parler.
Je viens du Saguenay—Lac-Saint-Jean et je préside une firme d'études économiques. Nous avons au Saguenay la plus grande concentration d'alumineries qui soit au monde. Dans un rayon de 50 kilomètres, nous avons cinq alumineries, et elles produisent plus de 1 million des 3 millions de tonnes d'aluminium produites par le Canada. Le Canada occupe le troisième rang des producteurs d'aluminium dans le monde. De plus, c'est le meilleur aluminium, le moins cher et celui qui a la plus faible empreinte carbone du monde.
Nous avons une grande société, Rio Tinto, le successeur d'Alcan. En 2007, Rio Tinto a acheté Alcan, qui avait des projets au Saguenay—Lac-Saint-Jean, notamment le projet AP-60 et celui visant à terminer la construction d'une aluminerie à Alma. Rio Tinto, en tant que fiduciaire, continue le travail relatif à l'engagement de réaliser ces projets. En juillet 2019, puisque l'entente avec Alcan venait à échéance en 2020, Rio Tinto a prolongé l'entente jusqu'à 2025, se donnant jusqu'à cette date pour réaliser ces deux projets. D'ailleurs, on avait annoncé des investissements de 300 millions de dollars relatifs à ces deux projets, soit celui d'Alma et de l'usine AP-60. Cependant, trois mois plus tard, au mois d'octobre, coup de théâtre, Rio Tinto nous a dit que, à la lumière du nouvel accord de libre-échange et des nouvelles dispositions sur l'aluminium, il allait suspendre ces projets de 300 millions de dollars.
Nous travaillons là-dessus, mais nous ne sommes pas les seuls. Il y a aussi Rio Tinto et les ingénieurs. Ce sont de grands projets de grande qualité qui ont été développés pendant plusieurs années. Des centaines de millions de dollars ont été investis là-dedans pour produire le meilleur aluminium possible. Cependant, à cause d'une disposition de l'ACEUM que vous connaissez, celle sur les règles d'origine, qui fait en sorte que l'aluminium n'a pas le même traitement que l'acier, nous perdons notre accès au marché américain.
Sur le territoire de la ville de Saguenay, il y a des alumineries. Dans la ville d'Alma, les travailleurs de l'aluminium d'Unifor et du Syndicat des Métallos, qui représentent les travailleurs des usines, ainsi que la Société de la Vallée de l'aluminium, qui représente les 4 000 personnes qui travaillent dans la centaine d'entreprises autour de la grande industrie de l'aluminium, se sont unis pour financer une étude afin d'évaluer ce qui arriverait si on maintenait l'ACEUM dans sa forme actuelle. Le résultat est que cela suspendrait la réalisation de projets qui pourraient produire 850 000 tonnes de nouvel aluminium extrêmement avantageux sur le plan des émissions de gaz à effet de serre.
La production d'une tonne d'aluminium québécois ou canadien génère deux tonnes de gaz à effet de serre, contre 18 tonnes de gaz à effet de serre pour chaque tonne d'aluminium chinois. C'est la production d'aluminium qui génère le moins d'émissions de gaz à effet de serre au monde, parce qu'elle s'appuie sur l'hydroélectricité en Colombie-Britannique et au Québec.
Les projets que j'ai mentionnés produiraient 850 000 tonnes d'aluminium et généreraient 6,2 milliards de dollars d'investissements au Québec dans les projets déjà annoncés. Un projet d'expansion est prévu chez Aluminerie Alouette, qui a investi 50 millions de dollars dans une étude de préfaisabilité, mais il a été suspendu à cause de la nouvelle disposition. Les deux projets qui étaient déjà annoncés au Saguenay ont été suspendus. Cette industrie est fortement préoccupée par cela.
Vous savez, le monde est complexe — je ne vous expliquerai pas cela, vous travaillez sur des dossiers complexes —, et cette industrie est capable de gérer le monde complexe dans lequel elle vit. Cependant, cette nouvelle disposition crée une incertitude totale quant à l'entrée de n'importe quel aluminium dans le monde en passant par le Mexique. En effet, la disposition actuelle permet à n'importe quel aluminium d'entrer au Mexique et d'être considéré ensuite comme de l'aluminium nord-américain.
Nous avons déjà une industrie qui emploie 80 000 personnes au Québec, et les projets en cours pourraient générer 1 milliard de dollars de dépenses de plus par année, sans compter les 6 milliards de dollars pour la construction. Ils généreraient ainsi 3 000 nouveaux emplois de base à un salaire annuel d'environ 80 000 $ chacun. C'est une industrie extrêmement importante. C'est donc la goutte qui fait déborder le vase.
Le président de l'association est venu ici et vous a dit qu'il soutenait l'accord du bout des lèvres. Il disait qu'au moins, on avait un accord. Ensuite, il vous a sorti une douzaine de choses qui manquaient dans l'Accord. Ils sont extrêmement inquiets et ils suspendent les projets. Il est donc dans l'intérêt national de régler cette question et de fermer cette porte.
Croyez-moi, nous sommes ouverts au monde. Nous sommes un pays qui fait du commerce, c'est évident. Notre commerce avec les Français, les Britanniques et les Américains nous a enrichis. Nous sommes pour le commerce, mais pour le commerce équitable. Nous venons de l'Amérique du Nord, où il y a des compagnies. Prenons l'aluminium, par exemple. Alcoa, la plus vieille compagnie d'aluminium du monde, est une compagnie. Rio Tinto est une compagnie. Toutefois, dans le reste du monde, ce ne sont pas des compagnies qui produisent de l'aluminium, ce sont des gouvernements qui ont des intérêts politiques légitimes.
Au Brésil, en Inde et en Chine, les gouvernements se servent de l'aluminium pour créer de l'emploi, et ils réduisent les prix. Ils font du dumping. Nous avons de l'aluminium économique; ils ont de l'aluminium politique. Si vous laissez entrer cet aluminium, c'est sûr que notre industrie ne pourra pas concurrencer un gouvernement comme celui de Dubaï qui va réduire les prix.
C'est pourquoi c'est dans l'intérêt national de réglementer l'accès du marché nord-américain à de l'aluminium illégitime, tel que cela a été dit par le président de l'Association de l'aluminium du Canada. Nous soutenons aussi cette proposition.
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Merci. Je me suis préparé pour 10 minutes, mais je vais le faire en 5 minutes.
Je suis Scott Smith. J'ai le privilège de représenter les 160 employés de Honey Bee Manufacturing. Je suis accompagné de Jamie Pegg, notre gestionnaire général. Nous tenons à vous remercier de nous donner l'occasion de discuter de ces questions, en particulier concernant les enjeux liés aux lois visant la concurrence et le droit d'auteur que le Comité examine.
Depuis 1979, soit plus de 30 ans, nous fabriquons de l'équipement agricole qui se fixe aux principales marques d'équipements de FEO, notamment John Deere, Case, New Holland, AGCO et ainsi de suite. Nous exportons nos produits. Je dirais que 40 % de notre production est consommée au Canada, et 66 % est exportée, dont 33 % vers les États-Unis. Nous exportons nos produits vers environ 26 pays, mais nous rencontrons une difficulté, celle de l'interopérabilité. Récemment, avec les mesures de protection techniques et ainsi de suite, les entreprises se sont mises à utiliser des verrous et clés numériques pour empêcher l'interopérabilité de notre équipement avec ces grandes marques de FEO. C'est une forme de protectionnisme qui leur permet de posséder et d'exploiter la chaîne de valeur tout entière en excluant les fabricants indépendants.
Au Canada, nous avons 1 400 fabricants de dispositifs qui se fixent à de l'équipement d'exploitation agricole, minière ou forestière, ou à de l'équipement de construction. Parmi ces fabricants, 500 produisent de l'équipement agricole. Cet équipement agricole est principalement fabriqué près de petites collectivités au Canada, des collectivités rurales, où se fait la majorité de ce type de fabrication. C'est un défi pour nous de pouvoir continuer à fabriquer légalement nos produits et à les vendre sur ces plateformes. La Copyright Act des États-Unis comporte des dispositions qui permettent le contournement à des fins d'interopérabilité. Ce n'est pas le cas de la Loi sur le droit d'auteur du Canada, par rapport à l'accord.
Nous aimerions que cela soit ratifié avant la signature de l'accord commercial, de sorte que nous ne soyons pas dans une situation injuste qui nous empêcherait de faire concurrence légalement sur le marché, ici et à l'étranger. Les moissonneuses-batteuses pour lesquelles nous fabriquons notre équipement sont les mêmes qui sont vendues partout dans le monde. Il n'y a pas de différence. Le blocage ici au Canada équivaut à un blocage à l'échelle mondiale. Cela représente environ 2,1 milliards de dollars par année en exportations d'équipements agricoles du Canada, dont environ 1,9 milliard de dollars en exportations vers les États-Unis. Si l'interopérabilité avec les plateformes américaines ne nous est plus possible — des plateformes mondiales, dans ce cas —, les répercussions sur nos collectivités seront très graves.
Nous employons 160 personnes dans un village qui en compte 300. Nos employés viennent d'un secteur qui s'étend à 100 kilomètres vers l'est, l'ouest et le nord de nos installations, et le Montana se trouve dans notre cour arrière. Nos employés viennent de partout dans le monde, notamment de la Syrie, de l'Allemagne, du Venezuela et de l'Inde, de même que des localités environnantes. Bon nombre de nos employés sont des enfants de quatrième ou de cinquième génération de fermiers. Nous ne voulons pas voir cela mourir. Ce serait dévastateur pour nos collectivités.
Nous devons au moins avoir une disposition sur le droit d'auteur correspondant à celle des États-Unis, qui permet les exceptions relatives aux adaptations d'interopérabilité. Ces adaptations sont très coûteuses, et il faudrait que nous le fassions pour chaque plateforme. À long terme, la solution idéale serait un projet de loi présenté par des élus qui garantirait que l'équipement importé au Canada est soumis à des normes d'interopérabilité ouvertes plutôt qu'à un principe de rétro-ingénierie adaptée. Par exemple, pour un produit, il nous en coûte entre 800 000 $ et 1 million de dollars pour la rétro-ingénierie et la création d'une solution de contournement ou pour compléter un système parallèle permettant l'interopérabilité de notre équipement avec l'équipement des FEO.
Les FEO n'ont pas facilité l'accès à cette interopérabilité. Ce n'était pas un problème dans le passé. C'était simple comme brancher un clavier dans votre ordinateur, mais maintenant qu'ils recourent aux verrous et aux clés numériques, nous voyons déjà que plusieurs plateformes ont été bloquées. Il nous faut une permission pour le faire. Quand ils finissent par nous donner la permission et nous fournir ce qu'il faut pour notre équipement, ils disent qu'ils restreignent la vente de ce produit à tel marché et à tel client — personne d'autre. Ce n'est pas acceptable, et c'est ce que nous voulons résoudre aujourd'hui.
Vous trouverez tous nos commentaires dans les documents que nous avons distribués et que vous pourrez examiner ultérieurement.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour, mesdames et messieurs.
Je suis très heureux d'avoir été invité à venir représenter Fiat Chrysler, Ford et General Motors du Canada. Nos membres exploitent quatre usines de montage, ainsi que des usines où sont fabriqués des moteurs et des pièces. Ils investissent des milliards de dollars dans le développement de technologies à émission zéro et de technologies avancées de sécurité des véhicules. Nous avons plus de 1 300 concessionnaires indépendants à l'échelle du Canada et nous contribuons à créer des emplois de qualité pour plus d'un demi-million de Canadiens.
L'adoption de l'ACEUM est essentielle pour apporter des assurances aux fabricants automobiles de l'Amérique du Nord. Les dispositions visant l'automobile et les lettres d'accompagnement qui offrent une protection contre les mesures tarifaires américaines relevant de l'article 232 sont des éléments critiques qui viennent soutenir la compétitivité de l'industrie de l'automobile à l'intérieur du bloc commercial de l'Amérique du Nord. Il est important de garder à l'esprit que, pour le secteur de l'automobile du Canada, l'option autre que la conclusion de cet accord serait l'annulation de l'ALENA, le retour des tarifs sur les véhicules finis et les pièces, et le retour vraisemblable des tarifs relevant de l'article 232 sur le matériel de production. Nous avons très hâte à la ratification finale de l'accord, et c'est ce qui explique notre hâte. Encore une fois, nous voulons remercier l'équipe de négociation canadienne d'avoir travaillé si étroitement avec nous pendant toute la durée des négociations et d'avoir au bout du compte veillé à ce que le secteur automobile du Canada reste une partie intégrante de l'industrie nord-américaine.
Cet accord était tout simplement essentiel à l'existence de la plus importante industrie canadienne de fabrication et d'exportation. L'accord raffermit l'intégration de longue date de la chaîne d'approvisionnement de l'industrie, qui est absolument nécessaire à sa compétitivité, et confirme le besoin continu d'harmoniser les règlements techniques relatifs aux véhicules automobiles avec ceux des États-Unis — une partie intégrante du commerce et de l'environnement —, tout en garantissant au consommateur un meilleur choix de produits et une meilleure abordabilité. Les parties du nouvel accord qui visent l'automobile, y compris les règles d'origine et les dispositions relatives à la teneur en main-d'œuvre ainsi que les lettres d'accompagnement sur l'article 232 de la loi américaine, sont des éléments que tous nos membres appuient et auxquels ils peuvent s'adapter sur une période de temps raisonnable de manière à ce que nous soyons conformes, ce qui nous permettra de continuer à jouir d'un accès en franchise de droits au marché le plus important et le plus profitable de l'automobile dans le monde.
Depuis le Pacte de l'automobile qui remonte à 1965, l'industrie de l'automobile au Canada et ses chaînes d'approvisionnement se sont profondément intégrées avec les États-Unis et, au fil du temps, avec le Mexique. Les véhicules sont montés de façon intégrée des deux côtés de la frontière, et cela se traduit par une profonde intégration qui mène à une industrie de l'automobile canadienne plus compétitive, à des choix accrus pour les consommateurs, et ce, à des prix abordables, et à un bloc commercial nord-américain robuste.
Quand l'ALENA original a pris effet en 1994, il a servi de base à un bloc commercial solide et compétitif à l'échelle mondiale — vous verrez que je parle constamment d'un « bloc commercial », ce qui est vraiment crucial. La proximité géographique des trois partenaires de l'ALENA facilite le secteur des pièces automobiles, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars, et les chaînes d'approvisionnement juste à temps ont été essentielles aux activités de montage de véhicules en Amérique du Nord. Elles ont aussi donné lieu à des avantages sur le plan des coûts du transport et de la logistique de la chaîne d'approvisionnement.
Aujourd'hui, l'industrie de l'automobile est le deuxième plus important secteur automobile canadien, avec des échanges commerciaux de 54 milliards de dollars en 2019, soit environ 92 % de la valeur totale, pour les exportations vers les États-Unis. Les États-Unis sont notre principal partenaire du secteur de l'automobile. Il est absolument essentiel qu'un accord commercial soit en place pour servir de base à la production automobile au Canada et aux exportations.
Nous devons toujours garder à l'esprit que le Canada forme tout simplement le dixième d'une industrie complexe, entièrement intégrée et caractérisée par de longs délais. Les plans de produits et les plans d'investissement manufacturier d'une valeur de plusieurs milliards de dollars s'amorcent habituellement plus de cinq ans avant le début de la production. Les planificateurs doivent avoir des certitudes en matière de réglementation pour prendre leurs décisions. Ils ont particulièrement besoin que le Canada maintienne des normes entièrement harmonisées avec les États-Unis concernant la sécurité, les véhicules, les GES et les critères. C'est impératif pour que nous puissions continuer de faire partie de cette industrie entièrement intégrée qui exige d'importants investissements et qui se caractérise par de longs délais. Je dirais simplement que nous n'avons pas travaillé aussi fort à moderniser le commerce intégré et réglementé de l'Amérique du Nord, pour ensuite perdre de vue nos objectifs et nous mettre à dériver à cause d'orientations réglementaires uniques ou différentes. Cela pourrait nous ramener à la case départ et nous laisser en marge.
Les représentants du Canada doivent aussi maintenir un degré élevé d'engagement avec leurs homologues des États-Unis et du Mexique. Nous ne pouvons relâcher nos efforts si nous voulons veiller à ce que le Canada soit suffisamment compétitif pour attirer de futurs investissements dans le secteur manufacturier sur lesquels s'appuiera une grande partie de la chaîne d'approvisionnement de l'automobile au Canada. Les coûts de l'exploitation dans le secteur de l'automobile au Canada doivent être compétitifs — plus que compétitifs, en fait —, et cela comprend les incitatifs à l'investissement, les coûts du carbone, les conventions collectives, des taxes qui suivent le rythme des États-Unis, des prix compétitifs pour l'électricité et un contexte concurrentiel en ce qui concerne la réglementation.
Il est important de se rappeler que le secteur automobile traverse l'une des périodes les plus arides de ses 100 ans d'histoire. Nous devons travailler en étroite collaboration avec tous les ordres de gouvernement. Nous respectons totalement le besoin du Comité d'entendre les Canadiens et de poser des questions.
Je comparais devant divers comités de la Chambre depuis maintenant 36 ans. Nous comprenons certainement le processus et nous vous encourageons à faire ce qui s'impose, dans le cadre de votre mandat, pour que le tout se concrétise. Au cours des deux dernières années, nous avons collaboré avec tous les partis afin de discuter des questions très complexes qui entrent en ligne de compte, et nous vous sommes reconnaissants de l'intérêt que vous portez à la tenue d'un dialogue ouvert.
Je vous remercie encore une fois de cette invitation, et je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci beaucoup, madame la présidente, distingués membres du Comité, de nous donner l'occasion de témoigner devant vous. Je suis ici aujourd'hui avec Casey Chisick, conseiller juridique externe du cabinet d'avocats Cassels pour l'organisme Éditeurs de Musique au Canada, ainsi que pour mes propres entreprises.
Depuis près de deux décennies, j'ai le bonheur d'exploiter une entreprise indépendante d'édition musicale dont je suis propriétaire et qui appartient à des intérêts canadiens. Je suis ici pour vous parler de la nécessité de mettre en œuvre immédiatement, intégralement et inconditionnellement la prolongation de la durée de protection du droit d'auteur, en conformité avec l'Accord Canada-États-Unis-Mexique. Ainsi, les petites et moyennes entreprises du secteur de l'édition musicale et les auteurs-composieurs pourront continuer à innover, à croître et à exporter des chansons dans le monde entier.
L'édition musicale canadienne est une industrie de 329 millions de dollars, qui prend de l'expansion d'année en année grâce à des entrepreneurs innovateurs qui contribuent à créer de la valeur à partir de chansons. À l'ère du numérique et de la mondialisation, les chansons, la musique et la culture ne connaissent pas de frontières, si bien que de nombreux auteurs-compositeurs canadiens parviennent à remporter du succès sur la scène internationale grâce à l'étendue des possibilités qui leur sont offertes à l'étranger.
Le marché canadien est tout simplement trop petit pour permettre aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs de musique de réussir uniquement à l'intérieur des frontières du pays. Par conséquent, les éditeurs de musique travaillent fort et effectuent des investissements pour aider les auteurs-compositeurs à gagner en popularité et à s'imposer sur les marchés internationaux. En fait, les deux tiers des revenus des éditeurs de musique proviennent maintenant de sources étrangères, ce qui constitue un changement radical par rapport à 2005, où seulement le quart de leurs revenus provenaient de ces mêmes sources étrangères.
L'élément déterminant qui nous a permis de composer avec les changements technologiques a été notre capacité de prendre de l'expansion à l'échelle mondiale. Les éditeurs de musique se servent de leurs relations dans d'autres pays, relations forgées pendant de nombreuses années, pour créer des occasions favorables à la réussite des auteurs-compositeurs.
L'édition musicale consiste à représenter les auteurs-compositeurs et leurs chansons tout au long de leur carrière, ainsi qu'à défendre les droits d'auteur. Nous adoptons une perspective à long terme et nous travaillons beaucoup en coulisse pour créer de la valeur. Nous sommes les partenaires des auteurs-compositeurs. Nous ne nous contentons pas d'investir financièrement en eux; nous investissons aussi du temps et nous misons sur nos relations pour faire évoluer leur carrière.
Il s'agit de mettre en liaison des auteurs-compositeurs comme Jeen O'Brien avec des partenaires qui œuvrent sur des marchés lucratifs comme le Japon pour la coécriture de chansons qui seront interprétées par d'autres artistes ou utilisées à la télévision, au cinéma, dans des publicités ou des jeux vidéo. Il s'agit d'organiser des séances de coécriture, comme nous l'avons fait pour Dan Davidson à Londres, en Angleterre et en Chine, en plus de financer la promotion radiophonique. Ces efforts ont abouti à la création d'une chanson qui s'est hissée au palmarès des 20 chansons country les plus populaires au Canada.
Il s'agit aussi de prendre des risques, par exemple, en signant un contrat avec Tom Probizanski, un auteur-compositeur en devenir qui a quitté Thunder Bay pour s'installer à Toronto. Nous avons payé ses voyages à Los Angeles et au Danemark afin qu'il puisse coécrire des chansons. Il a sorti son microalbum, sous le nom de « Zanski », et nous avons payé la promotion de son blogue et de sa liste de diffusion afin que l'on parle de lui dans le magazine Clash et sur EARMILK et afin qu'il figure dans diverses listes de diffusion de Spotify.
Si nous avons pu prendre ces risques et investir ces sommes d'argent dans Jeen O'Brien, Dan Davidson et Tom Probizanski, c'est uniquement parce que nous pouvions compter sur les revenus tirés de plusieurs chansons dont mes entreprises détiennent les droits d'auteur. Ces efforts ont été rendus possibles grâce à la valeur que nous avons pu créer au moyen de chansons comme Imagine, de John Lennon, What a Wonderful World, My Way, Y.M.C.A., Start Me Up, des Rolling Stones, Skinnamarink, de Sharon, Lois et Bram, et même le thème des Simpsons.
Voilà qui nous amène à la discussion d'aujourd'hui. Je tiens à remercier le gouvernement d'avoir accepté, dans le cadre de l'ACEUM, de prolonger de 20 ans la durée de la protection du droit d'auteur pour les œuvres. Il est toutefois essentiel que le gouvernement mette en oeuvre cette disposition de façon intégrale, immédiate et inconditionnelle, au lieu d'attendre le délai de 30 mois prévu dans l'ACEUM. Le projet de loi prolongerait la durée de la protection du droit d'auteur pour quelques œuvres seulement: les œuvres anonymes, les œuvres audiovisuelles, etc. Il ajouterait cinq années de plus à la durée de la protection pour les prestations et les enregistrements sonores, durée qui a déjà été prolongée en 2015. Il y a donc certes de quoi s'en réjouir.
Cependant, le projet de loi ne va pas jusqu'au bout. En effet, il ne prolonge pas la durée de la protection pour les compositions musicales, c'est-à-dire les chansons. Au nom de l'organisme Éditeurs de Musique au Canada et des auteurs-compositeurs avec qui je travaille, j'implore les membres du Comité d'amender le projet de loi afin d'aligner le Canada sur ses partenaires commerciaux dans le monde en prolongeant immédiatement la durée de la protection du droit d'auteur pour toutes les œuvres musicales, littéraires, dramatiques et artistiques, au lieu de s'en tenir à la période de transition de 30 mois.
Pourquoi est-ce important? Beaucoup d'œuvres tomberont dans le domaine public au cours des 30 prochains mois. Cela nuira à la capacité des créateurs et des éditeurs de réinvestir dans l'économie canadienne.
Comme je l'ai mentionné, de nombreuses entreprises d'édition musicale sont de petites et moyennes entreprises qui comptent sur les revenus réguliers provenant de chansons à succès afin de développer de nouveaux talents. Pour une petite entreprise comme la mienne...
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Merci et bonjour, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Nous vous remercions de votre invitation à témoigner devant le Comité. Nous répondrons avec plaisir à votre question sur le nouvel ALENA après mon allocution.
Le nouvel ALENA a été signé le 30 novembre 2018 au terme de 13 mois d'intenses négociations qui ont mobilisé un large éventail de représentants gouvernementaux et d'intervenants et qui ont mis à profit les liens étroits tissés entre les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. L'accord a permis d'obtenir plusieurs résultats clés qui ont contribué à renforcer l'intégrité du marché américain, à préserver l'accès du Canada au marché américain et mexicain et à moderniser certaines dispositions de façon à refléter notre économie moderne et l'évolution du partenariat nord-américain.
Le 10 décembre 2019, après plusieurs mois de discussions intensives avec nos homologues américains et mexicains, les trois pays de l'ALENA ont signé un protocole d'amendement visant à modifier certaines dispositions de l'accord initial relatives au règlement des différends entre États, au travail, à l'environnement, à la propriété intellectuelle et aux règles d'origine dans le secteur de l'automobile. Même si ces modifications sont en bonne partie le résultat de discussions aux États-Unis, le Canada a participé de près aux négociations de fond pour s'assurer qu'elles allaient dans le sens des intérêts canadiens.
Tout au long des négociations, nous avons consulté de près les entreprises canadiennes, les associations canadiennes, les syndicats, la société civile et des groupes autochtones, dont les avis ont largement contribué au résultat final.
Il faut se rappeler que les discussions sur la modernisation de l'ALENA étaient particulières, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, parce que c'était la première renégociation à grande échelle d'un accord de libre-échange du Canada. Habituellement, les partenaires d'un accord de libre-échange visent à libéraliser le commerce. Dans ce processus, les États-Unis avaient, dès le début des négociations, pour objectif de rééquilibrer l'accord en leur faveur. De plus, le président Trump avait à maintes reprises brandi la menace de se retirer de l'ALENA s'il était impossible de trouver une solution satisfaisante.
La position de négociation initiale des États-Unis comprenait des mesures peu conventionnelles. Parmi celles-ci, notons une exigence de 50 % de contenu américain pour l'automobile, ce qui aurait anéanti notre secteur automobile; le démantèlement complet du système canadien de gestion de l'offre; l'élimination du mécanisme binational de règlement des différends commerciaux pour les droits antidumping et compensateurs, que nous avons beaucoup utilisé, en particulier pour les produits comme le bois d'œuvre; un mécanisme de règlement des différends entre États qui aurait rendu l'accord totalement inapplicable; la suppression de l'exception culturelle; un chapitre sur les marchés publics qui aurait retiré l'accès aux marchés prévu dans l'ALENA et ainsi désavantagé le Canada par rapport à tous les autres partenaires d'accords de libre-échange des États-Unis; et une clause de résiliation automatique de l'accord après cinq ans, appelé « clause d'expiration ».
De plus, l'administration américaine avait pris une mesure sans précédent, soit imposer des droits de douane sur l'acier et l'aluminium en provenance du Canada en invoquant de prétendues menaces à la sécurité nationale, mais sans aucune justification légitime. L'administration américaine avait également lancé une enquête qui aurait pu aboutir au même résultat en ce qui concerne les automobiles et les pièces automobiles exportées du Canada.
Face à cette situation, le Canada a mené de vastes consultations auprès des Canadiens sur les objectifs du processus de modernisation de l'ALENA. Se fondant sur les vues exprimées et notre expertise interne en matière de politique commerciale, le Canada s'est fixé trois grands objectifs, qu'on peut regrouper sous les grandes catégories suivantes. Premièrement, nous voulions préserver les dispositions importantes de l'ALENA et l'accès au marché américain et mexicain. Deuxièmement, nous voulions moderniser et améliorer l'accord dans la mesure du possible. Troisièmement, nous voulions rendre l'accès au marché des États-Unis et du Mexique encore plus sûr et stable pour les entreprises canadiennes.
Pour ce qui est de la préservation des acquis de l'ALENA, le Canada a maintenu les engagements tarifaires pris dans l'ALENA, notamment le traitement en franchise de droits pour les produits énergétiques. Nous avons préservé les dispositions prévues au chapitre 19, soit le mécanisme fondé sur des groupes spéciaux binationaux pour régler les différends en matière de droits compensateurs et antidumping. Nous avons préservé l'admission temporaire des gens d'affaires, l'exception culturelle et le règlement des différends entre États.
Dans le domaine de l'automobile, des modifications ont été apportées au régime des règles d'origine afin d'encourager l'utilisation d'un plus grand nombre d'intrants en provenance du Canada, notamment en augmentant les exigences en matière de teneur en valeurs régionales pour les automobiles et les pièces automobiles, et en supprimant les incitations à produire dans des pays à faible coût. Associées à l'exemption de quotas des éventuels droits de douane américains de l'article 232 sur les automobiles et les pièces automobiles, garantie dans le cadre du résultat final, ces nouvelles règles d'origine pour le secteur automobile encourageront la production et l'approvisionnement en Amérique du Nord, ce qui constitue un résultat important pour nos secteurs de l'acier de l'aluminium.
Pour ce qui est de la modernisation de l'ALENA, les disciplines sur le commerce des marchandises et l'agriculture ont été modernisées, notamment en ce qui concerne l'administration et les procédures douanières, les obstacles techniques au commerce et les mesures sanitaires et phytosanitaires. S'y ajoute un nouveau chapitre sur les bonnes pratiques de réglementation, y compris sur la santé et la sécurité, qui encourage la coopération et protège le droit du gouvernement à réglementer dans l'intérêt public.
Les engagements en matière de facilitation du commerce et de procédures douanières ont été modernisés pour le XXIe siècle afin de faciliter les échanges transfrontaliers, notamment par le recours à des processus électroniques qui réduiront les formalités administratives des exportateurs et leur permettront d'économiser de l'argent.
Les disciplines nouvelles et modernisées sur les obstacles techniques au commerce dans des secteurs clés sont conçues pour réduire au minimum les obstacles pour les Canadiens qui font des affaires aux États-Unis et au Mexique, tout en préservant la capacité du Canada de réglementer dans l'intérêt public. L'accord comprend également des obligations modernisées sur le commerce transfrontalier des services et les investissements, y compris dans les domaines des services financiers et des télécommunications, en plus d'un nouveau chapitre sur le commerce numérique.
En ce qui concerne le travail et l'environnement, nous avons négocié des chapitres qui sont pleinement intégrés à l'accord et assujettis au mécanisme de règlement des différends. Ces obligations contribueront à garantir que les parties maintiennent des normes élevées en matière de travail et d'environnement, et que les lois nationales ne seront pas contournées afin d'obtenir un avantage commercial indu.
Les résultats comprennent également un mécanisme d'application spécial qui fournira au Canada un processus amélioré permettant d'assurer la mise en œuvre efficace des réformes du travail au Mexique, particulièrement en ce qui concerne la liberté d'association et la négociation collective.
Il y a eu divers autres résultats à souligner. Concernant les secteurs de la gestion de l'offre, rappelons que les États-Unis ont demandé explicitement et publiquement le démantèlement complet du système canadien de gestion de l'offre. En fin de compte, nous avons préservé les trois piliers clés de ce système — le contrôle de la production, le contrôle des importations et le contrôle des prix — et n'avons accordé qu'un accès minimal aux États-Unis.
En matière de propriété intellectuelle, les obligations couvrent une foule de domaines, notamment le droit d'auteur et les droits connexes, les marques, les indications géographiques, les dessins industriels, les brevets, la propriété intellectuelle pharmaceutique, la protection des données pour les médicaments chimiques et les produits chimiques agricoles, ainsi que les recours possibles au civil et au pénal pour assurer l'application des droits de propriété intellectuelle aux frontières, y compris en ce qui concerne les secrets commerciaux.
Certains résultats nécessiteront la modification du cadre juridique et politique actuel du Canada dans certains domaines comme le droit d'auteur, et il faudra prolonger certaines durées de protection du droit d'auteur, ainsi que prévoir des recours pénaux en ce qui concerne les renseignements sur le régime des droits.
Il faudra établir des mécanismes d'application des droits de propriété intellectuelle afin de permettre la prise de mesures d'office par les autorités frontalières contre les produits soupçonnés d'être des produits de marque contrefaits ou des produits pirates qui sont en transit, et prévoir des infractions pénales pour le détournement non autorisé et délibéré de secrets commerciaux.
Dans nombre de ces domaines, nous avons négocié des périodes de transition pour mettre en œuvre nos engagements, et surtout, les parties ont convenu, en vertu du protocole d'amendement, de supprimer l'obligation d'assurer la protection des données durant 10 ans en ce qui concerne les médicaments biologiques, ce qui signifie que le Canada n'a pas besoin de modifier son régime actuel dans ce domaine.
L'accord comprend un nouveau chapitre sur le commerce numérique qui exige des parties qu'elles mettent en place des cadres réglementaires pour traiter des questions comme la protection de la vie privée, les pratiques frauduleuses et trompeuses, et elles travailleront ensemble pour atténuer les menaces pesant sur notre cybersécurité.
L'accord comprend également des engagements visant à lever les obstacles au commerce numérique, comme des dispositions garantissant que les entreprises et les particuliers peuvent faire circuler des renseignements et des données par-delà les frontières de manière fiable et sûre, tout en veillant à ce que les droits légitimes en matière de vie privée et de sécurité soient protégés.
Parmi les autres résultats à signaler, mentionnons que le mécanisme trilatéral de règlement des différends entre investisseurs et États a été supprimé dans le cas du Canada. Un tel mécanisme ne s'appliquera pas entre le Canada et les États-Unis. Il n'y a aucun chapitre sur les marchés publics: le Canada conserve son accès aux États-Unis en vertu de l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce.
En terminant, j'aimerais souligner que nos objectifs pour ces négociations ont été éclairés par les priorités et les intérêts du Canada, par un dialogue suivi avec les provinces et territoires, ainsi qu'avec un large éventail d'intervenants que nous avons consultés sur une base régulière.
Voilà qui conclut mon allocution. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Luc Boivin, et je suis président et directeur général de l'entreprise Fromagerie Boivin. En son nom, je vous remercie de l'invitation à venir discuter aujourd'hui du projet de loi sur la mise en œuvre de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM, et des effets que cela aura sur mon entreprise et sur l'industrie laitière en général.
Au cours de ma présentation, j'aimerais attirer votre attention sur les préjudices que l'entente et les autres accords commerciaux vont causer à mon entreprise et à ma région. Ensuite, je proposerai des mesures d'atténuation que le gouvernement peut prendre et qui aideraient l'industrie dans ses efforts d'adaptation au nouvel environnement du marché dans lequel nous devons évoluer présentement, compte tenu de l'ACEUM et des autres accords commerciaux.
Fromagerie Boivin est une entreprise familiale de quatrième génération, qui a été fondée par mon arrière-grand-mère en 1939. À cette époque, la fromagerie servait à transformer les surplus de lait de la ferme familiale et des fermes des environs. Le marché de l'époque était celui du cheddar vieilli destiné aux marchés d'exportation. Depuis l'acquisition de Fromagerie Lemaire, le Groupe Boivin transforme 40 millions de litres de lait nécessaires à la production de 4,3 millions de kilos de fromage. Le Groupe Boivin emploie 340 personnes à temps plein. Nous fabriquons du fromage frais du jour sous la marque Boivin-Lemaire ainsi que les collations Amooza, qui sont vendues partout au Canada grâce à un contrat commercial conclu avec une grande entreprise canadienne.
Nous exploitons également le seul séchoir situé dans l'est du Québec, où nous séchons le lactosérum de l'entreprise Fromagerie Boivin, mais aussi de Fromagerie Perron et de Fromagerie Saint-Fidèle, à Charlevoix, de laquelle nous sommes également actionnaires. Cette dernière transforme 10 millions de litres de lait en fromage suisse canadien et emploie 45 personnes dans le comté de Charlevoix.
Fromagerie Boivin est déterminée à continuer d'investir et d'explorer de nouveaux marchés. Malheureusement, l'incertitude créée par les décisions gouvernementales constitue un frein majeur à nos projets d'investissements. La morosité actuelle dans l'industrie de la transformation laitière au Canada a eu des conséquences disproportionnées dans les régions éloignées, notamment dans ma région, le Saguenay—Lac-Saint-Jean. Le système actuel ne favorise pas les bassins laitiers de ces régions pour la transformation laitière, mais plutôt les bassins de consommateurs.
Lorsque les accords commerciaux seront pleinement en œuvre, l'accès accordé dans l'ACEUM, ajouté aux concessions de marchés dans les autres accords commerciaux, sera sans précédent et représentera 18 % du marché canadien.
Il faut être naïf pour penser que l'accès au marché de produits laitiers, qui représente 18 % du marché canadien, va se limiter à une perte de volume pour les transformateurs laitiers canadiens. Je vous rappelle que les transformateurs laitiers canadiens, contrairement aux producteurs de lait, n'ont pas accès à un prix réglementé lorsqu'ils vendent leurs produits. Enfin, les transformateurs de produits laitiers vendent leurs produits sur un marché où la concurrence est extrême, non seulement entre les transformateurs laitiers, mais aussi entre les autres transformateurs de produits alimentaires.
L'accès au marché canadien — à hauteur de 18 % —, qui a été accordé par l'intermédiaire de différentes ententes commerciales conclues par le gouvernement canadien, a pour conséquence une réduction des marges et des prévisions quant au volume pour les transformateurs de lait. Ce sont ces décisions du gouvernement qui ont créé la morosité actuelle et qui font que l'on parle davantage, ces jours-ci, de désinvestissements, de fermetures et de consolidations dans le domaine de la transformation laitière.
Il faut appeler un chat, un chat. Il y a une contradiction à clamer haut et fort que l'on appuie la gestion de l'offre, alors que l'on est en train d'asphyxier le secteur de la transformation laitière. Il ne peut y avoir une gestion de l'offre durable sans un secteur de la production et de la transformation viable. On entend souvent qu'il n'y aurait pas de transformation alimentaire sans une production agricole prospère. Je me permets de vous rappeler qu'il n'y aura pas de production agricole sans une transformation alimentaire prospère également.
Je prends l'exemple de l'annonce du versement de compensations s'élevant à 1,75 milliard de dollars aux producteurs laitiers. J'étais vraiment content de cette annonce pour mes amis producteurs laitiers, qui sont mes fournisseurs et des amis avec qui je joue au hockey. Toutefois, plus de six mois après cette annonce, on n'a rien eu encore pour la transformation laitière. À mon avis, c'est une injure.
Quant à l'atténuation des répercussions négatives des ententes commerciales, il faut qu'un programme de compensation visant la transformation laitière soit annoncé dans les plus brefs délais par le gouvernement fédéral. Le temps des promesses creuses est terminé. C'est le temps de l'action. Un tel programme devrait avoir un volet conçu spécialement pour les PME qui se consacrent à la transformation laitière canadienne, telle que la nôtre, afin de répondre à nos besoins particuliers.
Cela veut dire de pouvoir compter non seulement sur un accès à de l'expertise technique, mais aussi à des fonds afin de faciliter cette consolidation de l'industrie laitière. L'industrie laitière a été sacrifiée à trois reprises sur l'autel du commerce international, et cela entraînera la mort de plusieurs entreprises. Déjà, des fermetures ont été annoncées. Assurons-nous qu'elle meurt dans la dignité. C'est ce à quoi le gouvernement s'est engagé.
Les volumes concédés se traduisent par la fermeture de 16 entreprises de notre taille au Canada.
Je vous présente des solutions qui vont au-delà de l'aide financière.
Nous devons examiner aussi les possibilités d'exportation, notamment celle du fromage à poutine, qui est notre fierté au Québec. C'est notre invention et il pourrait y avoir des débouchés pour ce fromage à l'extérieur du Canada, mais les marchés sont très difficiles à percer.
D'autres mesures d'atténuation visent les allocations de licences d'importation, communément appelées « contingent tarifaire », aux transformateurs laitiers. Je vous lance un cri du cœur à ce sujet: cessez d'attribuer des licences d'importation à nos clients, c'est-à-dire les détaillants et les distributeurs. Est-ce que le gouvernement se rend compte des incidences de ce genre de décisions sur nos marchés? Lorsqu'il alloue des licences d'importation aux distributeurs et aux détaillants, il transfère des volumes de produits dans un secteur que les transformateurs laitiers ont développé par ses investissements à nos clients. Cela n'a pas de sens du point de vue des affaires. Cela déstructure complètement le marché. Cela détruit nos marges et cela crée un environnement très peu propice aux investissements.
Une fois de plus, je demanderais au gouvernement de tenir compte des besoins particuliers des PME qui se consacrent à la transformation laitière lorsqu'il accorde des licences d'importation.
En conclusion, voici le message à retenir de ma présentation.
Il ne peut y avoir une gestion de l'offre durable sans un secteur de production et de transformation viable. Les produits laitiers visés par les ententes commerciales sont ceux à valeur ajoutée, comme le fromage, le yogourt et le lait de consommation, qui offrent le meilleur revenu dans la structure de prix de la gestion de l'offre. Fait encore plus troublant, la gestion de l'offre attaque notre souveraineté en concédant une limite à l'exportation. Bientôt, nous jetterons aux égouts de grandes quantités de lait écrémé.
J'invite tous les partis à prendre acte de nos recommandations lorsqu'ils clament haut et fort leur appui à la gestion de l'offre. Le temps des belles paroles est terminé. Il est maintenant temps que les bottines suivent les babines — comme on dit dans mon coin de pays —, qu'il y ait un programme de compensation pour les transformateurs de lait ainsi qu'un programme d'allocation de licences d'importation qui est destiné au secteur de la transformation laitière.
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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Bruno Letendre, et je suis président des Producteurs de lait du Québec, ainsi que membre du conseil d'administration des Producteurs laitiers du Canada. Je vous remercie de nous donner l'occasion de faire une présentation.
Le secteur laitier fournit aux consommateurs canadiens un approvisionnement stable de produits nutritifs. C'est l'un des deux premiers secteurs agricoles dans sept provinces sur dix, un moteur de croissance économique et un leader en matière d'innovation et de durabilité.
Comptant plus de 10 000 fermes et 500 entreprises de transformation laitière, l'industrie laitière est, depuis des générations, le fondement de l'économie des communautés rurales du Canada. En 2015, l'apport du secteur au PIB canadien s'est élevé à près de 20 milliards de dollars, et la recette fiscale, à 3,8 milliards de dollars. En outre, le secteur laitier maintient dans tout le pays l'équivalent de 221 000 emplois à temps plein.
À l'échelle du Québec, les quelque 5 000 fermes laitières livrent quelque 3,37 milliards de litres de lait, dont la vente totalise des recettes à la ferme de plus 2,6 milliards de dollars. La production et la transformation laitières génèrent au Québec quelque 83 000 emplois directs, indirects et induits, et contribuent à hauteur de 6,2 milliards de dollars au produit intérieur brut. Finalement, elles entraînent des retombées fiscales de 1,3 milliard de dollars.
Les trois accords commerciaux les plus récents ont été conclus au détriment des producteurs laitiers canadiens. L'ACEUM n'en est que le dernier exemple. Le résultat des négociations liées à l'ACEUM va bien au-delà des concessions portant sur l'accès au marché laitier, qui représentent à elles seules 3,9 % de la production laitière du Canada en 2017. En cumulant les importations déjà autorisées par l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, et celles découlant des accès précédemment accordés dans l'accord conclu avec l'Europe et l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, respectivement de 1,4 % et de 3,1 %, ces importations totales équivaudront d'ici 2024 à 18 % de la production laitière canadienne.
L'ACEUM exige également une consultation avec les États-Unis sur toute modification à l'administration du système de gestion de l'offre de produits laitiers du Canada. Dans un accord commercial, forcer une industrie canadienne à consulter son concurrent direct dans un autre pays sur les changements administratifs qu'il pourrait apporter à l'avenir sur le plan national est un dangereux précédent. Par le fait même, le Canada renonce à une partie de sa souveraineté.
Les répercussions des récents accords commerciaux ont créé de l'incertitude, en particulier chez les jeunes producteurs. Ces accords pourraient aussi avoir une incidence considérable sur les investissements dans les exportations agricoles et dans la transformation, en plus d'entraîner des pertes d'emplois dans les communautés de tout le pays. Cette incidence se fait sentir au-delà des considérations économiques. En effet, l'accès accru au marché en raison du déplacement des produits laitiers canadiens crée une incertitude supplémentaire à un moment où l'on s'inquiète déjà de la santé mentale des agriculteurs et des habitants des zones rurales.
Le s'est engagé à plusieurs reprises à indemniser pleinement et équitablement le secteur laitier pour les effets cumulés de l'AECG, le PTPGP et l'ACEUM.
Cet engagement a été réitéré dans la motion adoptée à l'unanimité à la Chambre des communes en octobre 2018. La motion est ainsi libellée:
Que la Chambre demande au gouvernement de mettre en place un programme qui compense financièrement les producteurs d'oeufs, de volaille et de lait pour l'intégralité des pertes qu'ils subissent à cause des brèches à la gestion de l'offre contenues dans l'AECG, le PTPGP et l'ACEUM, et ce, avant de demander aux parlementaires de voter sur l'ACEUM.
Le gouvernement a annoncé, le 16 août 2019, une enveloppe d'indemnisation de 2 milliards de dollars pour atténuer les effets de l'AECG et du PTPGP. Cette enveloppe ne couvre pas l'ACEUM. Sur les 2 milliards de dollars annoncés, 250 millions ont été fournis précédemment dans le cadre du programme d'investissement pour les fermes laitières. Le montant restant de 1,75 milliard de dollars sera versé sur huit ans. Le programme de paiements directs destiné aux producteurs laitiers, lancé à l'automne 2019, devrait permettre de verser 345 millions de dollars aux producteurs laitiers d'ici le 31 mars 2020. L'engagement restant de 1,4 milliard de dollars doit être confirmé sous forme de paiements directs et être versé sur les sept autres années.
Les producteurs laitiers canadiens sont tous touchés par les récents accords commerciaux, et ils sont les mieux placés pour connaître leurs propres besoins. Ils ont indiqué que les indemnisations devraient prendre la forme de paiement direct. Cette formule est conforme aux recommandations du groupe de travail sur les mesures d'atténuation, créé par le gouvernement fédéral après la signature de l'ACEUM. Elle est aussi conforme à l'engagement du gouvernement d'écouter les producteurs au moment de déterminer les modalités de versement.
Le programme d'indemnisation annoncé relativement à l'accès accordé dans le cadre de l'AECG et du PTPGP était une première étape à cet égard. Toutefois, afin de respecter son engagement, le gouvernement devra également tenir sa promesse d'indemnisation complète et équitable concernant les répercussions de l'ACEUM.
Le gouvernement canadien a déclaré à plusieurs reprises qu'il souhaitait un secteur laitier dynamique, fort et en pleine croissance, qui crée des emplois et favorise les investissements. Cette indemnisation est nécessaire pour rétablir la confiance dans le secteur. Elle apportera aux producteurs laitiers la stabilité nécessaire pour aller de l'avant. Nos fermes laitières ne se délocalisent pas.
L'aide accordée par le gouvernement sera donc dépensée et réinvestie dans l'économie canadienne. Elle contribuera aussi à garantir que les producteurs puissent poursuivre, aux niveaux actuels, les investissements dans le développement et l'adoption de meilleures pratiques innovantes en ce qui a trait aux exploitations et aux technologies durables. Une industrie laitière viable et durable est essentielle à l'offre continue de produits laitiers nutritifs et sains, et ce, à un coût abordable pour les Canadiens.
Les producteurs laitiers canadiens auraient préféré que, au lieu de recevoir une indemnisation en échange des concessions accordées dans les récents accords commerciaux, il n'y ait aucune concession laitière. Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
1- Que le gouvernement canadien continue de verser aux producteurs laitiers, sous forme de paiements directs, les sept années restantes d'indemnisation complète et équitable pour atténuer les effets de l'AECG et du PTPGP, et que le montant total soit inclus dans le budget principal des dépenses de 2020.
2- Que le gouvernement canadien respecte son engagement à indemniser pleinement et équitablement les producteurs laitiers afin d’atténuer les impacts de l’ACEUM, conformément aux recommandations du groupe de travail sur l’atténuation établi par le gouvernement à la suite de l’annonce de ce même accord commercial.
Parlons maintenant des taxes à l'exportation.
L'ACEUM contient également une disposition qui impose des taxes à l'exportation sur certains produits laitiers, au-delà d'un certain plafond, ce qui crée ainsi un dangereux précédent qui pourrait affecter d'autres secteurs dans de futurs accords commerciaux.
L'ACEUM exige que toute exportation de poudre de lait écrémé, de concentré de protéines laitières et de lait maternisé, au-delà d'une certaine quantité, soit soumise à une taxe à l'exportation qui équivaut en fait à un plafond mondial sur l'exportation de ces produits laitiers canadiens. Par conséquent, ces produits ne seront pas compétitifs par rapport à ceux des autres acteurs mondiaux.
Il importe d'atténuer les répercussions de ces taxes à l'exportation. On pourrait y parvenir par des ententes administratives avec les États-Unis, même après la ratification de l'ACEUM. Ces plafonds constitueraient un dangereux précédent pour tout produit canadien susceptible d'être exporté, car ils limiteraient la compétitivité du Canada sur les marchés mondiaux.
Il importe également de noter que les répercussions des récents accords commerciaux ne se limitent pas aux producteurs laitiers. Ils touchent également les transformateurs laitiers, qui sont essentiels à la durabilité à long terme du secteur, ainsi que d'autres secteurs soumis à la gestion de l'offre.
Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
3- Que le gouvernement canadien négocie un accord administratif avec le gouvernement américain pour atténuer l'impact des taxes à l'exportation contenues dans l'ACEUM, qui sont déclenchées au-delà d'un certain volume d'exportations de produits laitiers, comme les concentrés de protéines de lait, le lait écrémé en poudre et les préparations pour nourrissons.
Il est important de noter que, si l'ACEUM entre en vigueur avant le 1er août, date du début de l'année laitière, les seuils d'exportation de poudre de lait écrémé, de concentré de protéines laitières et de préparations pour nourrissons connaîtront une baisse du volume d'exportation spectaculaire, soit près de 35 % en quelques mois seulement. Ce serait un nouveau coup dur pour le secteur laitier, qui, en pratique, ne pourrait pas bénéficier d'une période de transition. Il est également important de considérer que les répercussions des récents accords commerciaux ne sont pas limitées aux producteurs laitiers.
Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
4- Que le gouvernement alloue une période de transition adéquate à l'industrie laitière pour s'adapter au plafond des exportations, en s'assurant que l'ACEUM n'entre en vigueur qu'après le 1er août 2020.
Malheureusement, l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, ne dispose pas de la formation, des outils ou des ressources nécessaires pour surveiller efficacement ce qui entre au Canada. Ces agences doivent garder des frontières poreuses, ce qui deviendra encore plus problématique à mesure que les importations continueront d'augmenter.
Par conséquent, les Producteurs laitiers du Canada recommandent ce qui suit:
6- Que des ressources, des outils et une formation accrus soient fournis à l'AFSC afin d'améliorer son efficacité à traiter les questions frontalières en temps opportun et de manière transparente, compte tenu notamment du niveau supplémentaire d'importations accordé dans le cadre des récents accords commerciaux.
En conclusion, les producteurs laitiers canadiens maintiennent leur position, à savoir qu'aucun accord commercial futur ne doit faire de concessions quant à l'accès au marché pour le secteur laitier.
Les Producteurs laitiers du Canada comprennent l'importance du commerce international pour l'économie canadienne en général, et ils ne s'opposent aucunement à ce que le Canada explore ou conclue de nouveaux accords commerciaux, à condition que ces accords ne nuisent pas davantage au secteur laitier. Avec le soutien du gouvernement fédéral, les producteurs laitiers canadiens peuvent continuer à accumuler les succès, tout en contribuant à la santé et au bien-être des Canadiens.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup. Bonjour.
Je m'appelle en effet Michael Geist et suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, de même que titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également membre du Centre de recherche en droit, technologie et société. Mes champs d'intérêt comprennent les politiques en matière d'économie numérique, la propriété intellectuelle, la vie privée et Internet. Je témoigne aujourd'hui à titre personnel afin d'exprimer uniquement mes propres points de vue.
Comme vous le savez, l'approche usuelle quand on témoigne devant un comité qui étudie un projet de loi est d'abord d'examiner le projet de loi, puis d'établir les dispositions que l'on appuie et les points qui doivent faire l'objet d'un amendement. Dans le cas présent, du moins en ce qui a trait aux domaines de mon ressort, ce qui compte n'est pas vraiment le contenu du projet de loi, mais bien ce qui en a été omis. En effet, les questions les plus importantes du point de vue des politiques d'économie numérique, qui ont sans contredit des conséquences majeures pour les dossiers traités par ce comité, sont essentiellement absentes du projet de loi . On les trouve plutôt dans l'Accord Canada—États-Unis—Mexique ou ACEUM, et elles tendent surtout à limiter le champ d'action du Canada dans toute réforme future de ses politiques plutôt que d'exiger des mesures législatives immédiates.
Le défi est donc de taille, puisque les lacunes de l'accord ne peuvent pas être corrigées dans le projet de loi . C'est plutôt l'accord commercial comme tel qui doit être modifié, et il semble être à prendre ou à laisser.
J'aimerais aborder brièvement quatre points à la lumière de ces lacunes, certaines pouvant se traduire par des coûts atteignant des centaines de millions de dollars pour le Canada, soit la prolongation de la durée du droit d'auteur, l'exemption culturelle, la protection de la vie privée et des données, et la responsabilité des plateformes Web.
Je vais d'abord traiter de la prolongation de la durée du droit d'auteur, et je sais qu'on vous en a déjà parlé aujourd'hui. Les dispositions de l'accord portant sur la propriété intellectuelle soulèvent des préoccupations importantes. Aucune n'est cependant aussi inquiétante que la nécessité de modifier la durée du droit d'auteur, qui passerait de la norme internationale applicable du vivant de l'auteur et 50 ans suivant son décès à une norme applicable du vivant de l'auteur et 70 ans suivant son décès. Cette prolongation de 20 ans est une réforme à laquelle le Canada s'est, à juste titre, opposé pendant des décennies, tant sous les libéraux que sous les conservateurs. Vu notre concession sur ce point, l'accord se traduit pour les détenteurs de droits par une somme colossale qui pourrait atteindre des centaines de millions de dollars, en plus de nécessiter la restructuration des lois canadiennes en matière de droit d'auteur afin de rétablir l'équilibre. Par exemple, il pourrait s'agir de remédier à des questions abordées plus tôt et liées aux serrures numériques.
Les données indépendantes sur la prolongation de la durée du droit d'auteur sont sans équivoque. Elle limite davantage l'accès aux œuvres, augmente les coûts pour les consommateurs et bride la créativité. Comme l'a déclaré Paul Heald, l'un des chercheurs de renom sur les effets d'une prolongation de la durée, « c'est une taxe à la consommation » dont l'imposition n'a pas à être d'intérêt public.
Dans le cadre de son étude sur le droit d'auteur, ce comité a mené un examen rigoureux et recommandé l'imposition d'un enregistrement pour prolonger la durée du droit d'auteur de 20 ans et ainsi atténuer les inconvénients de la prolongation de la durée et, par le fait même, rendre l'ensemble du régime des droits d'auteur plus transparent.
La prolongation de la durée du droit d'auteur n'est pas citée dans le projet de loi parce que le gouvernement a négocié une période de transition de 30 mois pour remédier à la question. Je crois que le gouvernement a été sage de ne pas se précipiter sur la question et qu'il devrait tirer pleinement profit de la période de transition pour suivre les recommandations de ce comité et créer un enregistrement pour la période supplémentaire de 20 ans. Ainsi, les détenteurs qui le souhaitent pourraient se prévaloir de cette protection supplémentaire tandis que l'on assurerait également le transfert au domaine public de nombreuses autres œuvres à l'expiration de la période de protection qui persiste du vivant de l'auteur et pendant les 50 années suivant son décès.
Deuxièmement, j'attire votre attention sur l'exemption culturelle. Comme la prolongation de la durée du droit d'auteur, l'exemption culturelle ne figure pas dans le projet de loi . En fait, l'exemption ne nécessite aucune réforme législative. J'aurais toutefois tendance à dire que l'exemption est un des aspects de cet accord qui est le moins bien compris, à tout le moins par rapport aux domaines qui m'intéressent.
Conformément aux déclarations du gouvernement, l'exemption culturelle englobe un large éventail de secteurs où le Canada bénéficie d'une exemption quasi complète. Bien que le gouvernement insiste sur sa grande portée, il aborde rarement ce que les États-Unis ont demandé en contrepartie, soit le droit de répliquer au recours à l'exemption par le Canada en adoptant des mesures ayant un effet commercial équivalent. La disposition sur les mesures de rétorsion permet aux États-Unis d'imposer des droits de douane ou de prendre d'autres mesures qui ont un effet commercial équivalent face aux politiques canadiennes qui, sans l'exemption culturelle, contreviendraient à l'ACEUM.
Puisque la disposition ne limite pas la réponse des partenaires au secteur culturel, on peut s'attendre à ce que les États-Unis ciblent les secteurs névralgiques de l'économie canadienne, par exemple la production laitière, pour nous dissuader d'y recourir. C'est d'ailleurs la stratégie déployée récemment par les États-Unis en réaction à la décision française de créer une taxe sur les services numériques, qui s'est traduite par des menaces d'imposition ou des droits de douane de 2,4 milliards de dollars américains sur les produits français, comme le vin, le fromage et les sacs à main.
Quelle forme cela pourrait-il prendre au Canada? Le rapport que vient de déposer le Groupe d'examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunication, aussi appelé le rapport Yale, contient de nombreuses recommandations que je qualifierais de mal avisées sur la réglementation d'Internet et des services de nouvelles en ligne tels que les agrégateurs de nouvelles.
Si le gouvernement adopte les recommandations sur le contenu du groupe d'examen, les États-Unis seront très bien placés pour adopter des mesures de rétorsion ayant un effet commercial équivalent. Parmi les propositions du groupe d'examen qui pourraient aller à l'encontre du nouvel accord commercial, mentionnons l'obligation de payer des redevances pour financer le contenu canadien sans bénéficier pleinement des mêmes modèles de financement que les sociétés canadiennes, les exigences relatives aux licences pour les services Internet qui pourraient violer les normes de l'ALENA et les exigences de découvrabilité qui limitent la façon dont l'information est transmise par les services Internet et sur les sites Web.
J'insiste sur le fait que c'est, à mon sens, une mauvaise politique et qu'elle doit être rejetée. Cela dit, pour les fins de la présente étude, il faut noter que la capacité d'adopter des réformes dans ce domaine est grandement limitée par l'accord, qui permet l'adoption d'une surtaxe de représailles d'une valeur de centaines de millions de dollars.
Troisièmement, regardons la Charte canadienne du numérique et la protection de la vie privée. Il y a ici aussi des limites imposées aux politiques canadiennes relatives à la protection des données et de la vie privée. Contrairement à l'exemption culturelle, qui permet la violation de l'accord en contrepartie des mesures de rétorsion dont j'ai parlées, le Canada risque de tout simplement passer à côté de son engagement en matière de protection de la vie privée au titre de l'ACEUM.
Ici encore, aucune disposition du projet de loi ne traite de la question, et ce serait inutile, puisque l'ACEUM interdit certaines dispositions liées à la vie privée au lieu de les exiger. Par exemple, et je sais que la question a été soulevée par le groupe de témoins précédent, l'ACEUM comporte une disposition qui limite la localisation des données, c'est-à-dire les mesures qui exigent le stockage des données au Canada. Cette disposition est plus restrictive que celle de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP. Il y a des exceptions générales, mais le gouvernement canadien sera limité dans sa capacité à établir des exigences de localisation au titre de cet accord.
Selon moi, les conséquences sont considérables. Il suffit de penser au large éventail de dossiers actuellement associés aux données, comme la Charte canadienne du numérique et les réformes qu'elle propose en matière de protection des données et de la vie privée, les préoccupations liées à la souveraineté des données, les questions relatives à l'intelligence artificielle et les craintes associées à la compétitivité des entreprises canadiennes par rapport aux données canadiennes.
Le gouvernement canadien a lui-même établi des exigences en matière de localisation dans sa politique sur l'infonuagique. En effet, le gouvernement reconnaît qu'il peut parfois s'avérer nécessaire de recourir à la localisation des données, et pourtant, dans cet accord, le Canada a un pouvoir de réglementation limité. C'est tout aussi vrai pour le transfert des données, puisque l'ACEUM limite également la capacité de les restreindre. Tandis que nous entamons des discussions avec l'Union européenne sur le bien-fondé des lois canadiennes en matière de vie privée, certains sont préoccupés par le risque de voir le Canada se retrouver coincé entre l'arbre et l'écorce en matière de transfert des données, l'Union européenne demandant certaines restrictions qui sont interdites par l'ACEUM.
Enfin, j'aimerais aborder la responsabilité des plateformes Web. Une dynamique semblable s'applique à la responsabilité des plateformes Web, ce qui soulève la question de la nature de la responsabilité des sociétés Internet par rapport au contenu d'une tierce partie sur leurs sites. Cette question touche des acteurs importants comme Google et Facebook, mais bien franchement, elle concerne presque tous les services qui permettent aux utilisateurs de faire des commentaires ou d'afficher du contenu. Là encore, il n'y a aucune disposition à cet effet dans le projet de loi . Et c'est une fois de plus parce que l'ACEUM limite l'adoption de politiques dans ce domaine plutôt que d'exiger de nouvelles dispositions.
L'ACEUM comprend une règle refuge pour les fournisseurs intermédiaires de services Internet et les plateformes Web par rapport au contenu affiché par leurs utilisateurs. La règle est conçue de façon à les exonérer de toute responsabilité, que le contenu soit retiré ou non. Contrairement à ce que certains affirment, cela ne signifie pas que tout est permis: les sites et les services demeurent assujettis aux ordonnances des tribunaux et à l'application des lois pénales. En outre, l'application des droits de propriété intellectuelle bénéficie aussi d'une exemption. Cela dit, certains avancent maintenant que la responsabilité des fournisseurs intermédiaires de services Internet devrait être plus grande et comporter de possibles conséquences s'ils omettent d'agir, même quand il s'agit de contenu légal, mais préjudiciable. Je crois que la question soulève d'importantes préoccupations liées à la liberté d'expression de même que des questions sur les façons de trouver le juste équilibre entre la liberté d'expression et la protection contre un discours préjudiciable.
Le projet de loi et l'ACEUM n'ont pas pour objet de débattre où devrait se situer le Canada. Le Groupe d'examen a recommandé l'imputabilité en cas de contenu en ligne préjudiciable, même si ce contenu est légal. D'autres, dont je fais partie, avancent que la responsabilité devrait se limiter au contenu illégal, et que de l'appliquer au contenu légal permettrait aux sociétés Internet d'être à la fois juge et partie de ce qui est accessible en ligne, ce qui viendrait donner encore plus de pouvoirs aux grandes sociétés, en plus de limiter la concurrence et la liberté d'expression.
Ce qu'il est important de retenir ici, c'est qu'il doit y avoir un débat sur les politiques et que, dans le cadre de l'ACEUM, le Canada a déjà pris position, une position qui le contraint dans sa capacité à établir la responsabilité associée au contenu de tierces parties.
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.