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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 022 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 8 juin 2020

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est maintenant ouverte.
    Bienvenue à la 22e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le 1er juin 2020, ce dernier se réunit pour étudier la Loi sur Investissement Canada.
    La séance d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence, et les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes.
    Je tiens à rappeler aux membres du Comité et aux témoins qu'ils doivent attendre que je les nomme avant de prendre la parole. Veuillez désactiver la sourdine de votre microphone lorsque vous êtes prêts à parler et la réactiver lorsque vous avez terminé votre intervention. Je vous prie de parler lentement et clairement afin que les interprètes puissent faire leur travail.
    Comme j'ai l'habitude de le faire, je vous indiquerai avec un carton jaune qu'il vous reste 30 secondes pour terminer votre intervention, et avec un carton rouge que votre temps réservé aux questions est écoulé.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Aujourd'hui, nous avons M. Charles Burton, un agrégé supérieur du Centre for Advancing Canada's Interests Abroad du Macdonald-Laurier Institute.
    M. Patrick Leblond est professeur agrégé d'affaires publiques et internationales de la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa.
    M. Daniel Schwanen est vice-président de la Recherche à l'Institut C.D. Howe.

[Français]

    Nous recevons également M. Willie Gagnon, directeur du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires.

[Traduction]

    Chaque témoin fera un discours de huit minutes, puis nous passerons aux séries de questions.
    Nous commençons par M. Burton.
    Vous avez la parole pendant huit minutes.
    Bonjour, tout le monde.
    J'aimerais parler d'un point de votre étude sur la Loi sur investissement Canada, soit la question de savoir si le Canada devrait imposer un moratoire temporaire sur les acquisitions par des entreprises d'État de pays totalitaires. Je suis heureux de prendre la parole ce matin...

[Français]

    Madame la présidente, je crois que l'interprétation ne fonctionne pas.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Lemire.

[Traduction]

    Monsieur Burton, je dois vous interrompre un moment. Nous devons simplement nous assurer que l'interprétation fonctionne.
    Êtes-vous sur le canal anglais ou français?
    Je suis sur le canal anglais.
    Parfait. Merci.
    Nous allons réessayer. Dites quelques mots, et nous verrons si l'interprétation fonctionne.
    D'accord.
    On a demandé au Comité de réaliser une étude sur la Loi sur Investissement Canada afin de déterminer si le Canada devrait imposer un moratoire temporaire sur les acquisitions par des entreprises d'État de pays totalitaires.
    Est-ce que c'est correct?
    Je n'entends pas l'interprétation du tout. Je vais demander au greffier de se renseigner auprès des TI. En ce moment, l'interprétation vers le français ne fonctionne pas.
    On m'informe que l'on tente de résoudre le problème. Merci de patienter un moment. Nous voulons nous assurer que tout le monde peut participer pleinement à la réunion.
    Je pense que tout est revenu dans l'ordre. Nous allons réessayer.
    Monsieur Burton, pourriez-vous commencer de nouveau? Merci.
(1110)
    J'aimerais parler d'une des questions à l'étude, celle qui consiste à déterminer si le Canada devrait imposer un moratoire temporaire sur les acquisitions par des entreprises d'État de pays totalitaires. Comme mon champ d'expertise est la Chine, je vais parler des entreprises d'État chinoises.
    En lisant la Loi sur Investissement Canada, j'ai constaté que le terme « entreprise d'État » est défini comme « une unité contrôlée ou influencée, directement ou indirectement, par un gouvernement ou un organisme », « un individu qui agit sous l’autorité d’un gouvernement ou d’un organisme » ou « sous leur influence, directe ou indirecte ».
    À cet égard, je souligne que, selon les exigences de la Loi sur les sociétés de la République populaire de Chine, un comité du Parti communiste de la Chine dirigé par le secrétaire du parti doit être au sommet de la pyramide de gestion de toute entreprise de la République populaire de Chine. Selon notre définition, bien que la firme Huawei, par exemple, ne se déclare pas entreprise d'État de la République populaire de Chine, il est indubitable qu'elle est dirigée ultimement par le secrétaire général de l'aile Huawei du Parti communiste de la Chine, Zhou Daiqi, qui est tenu d'obéir aux directives provenant de Pékin. Ces règles de conduite s'appliquent à tous les membres du parti au sein de Huawei, y compris le PDG Ren Zhengfei. Selon moi, Huawei et en fait toutes les entreprises de la Chine correspondent à la définition canadienne d'une entreprise d'État pour l'application de la Loi sur Investissement Canada.
    J'ajoute par ailleurs que le cheminement de carrière de la plupart des dirigeants des grandes entreprises d'État en Chine est déterminé par le département du comité central du Parti communiste chinois chargé de l'organisation. En général, le dirigeant d'une entreprise d'État est transféré par le parti dans un poste de gouverneur ou de secrétaire de parti d'une province, pour ensuite être nommé dans un poste important au sein d'une entité commerciale d'État de la République populaire de Chine.
    Je souscris tout à fait au récent énoncé de politique sur l'examen des investissements étrangers et la COVID-19, où le gouvernement affirme que « certains investissements au Canada par des entreprises d'État pourraient être motivés par des motifs non commerciaux qui pourraient nuire aux intérêts économiques ou de sécurité nationale du Canada, un risque qui est amplifié dans le contexte actuel. »
    À mon avis, il est bien évident que les entreprises d'État chinoises sont fortement intégrées aux objectifs politiques et stratégiques de la Chine communiste. Je signale que Roland Paris, ancien conseiller du premier ministre Trudeau en matière d'affaires étrangères et de défense, a déclaré dans un article publié la semaine dernière que la République populaire de Chine « se sert de firmes dirigées par l'État et a recours à des récompenses et à des sanctions ciblées afin d'exercer un pouvoir sur d'autres pays. » Il s'agit d'une idée généralement admise.
    Nous en avons été témoins lorsque la Chine a arbitrairement violé son contrat avec des fournisseurs canadiens de graines de canola. Il existe beaucoup d'autres exemples et je serai heureux d'en parler durant la période des questions si on me le demande.
    En ce qui concerne le fait que ces entreprises sont différentes des sociétés dans les pays démocratiques, j'ajoute que de nombreux projets financés par la Chine dans le cadre de la fameuse initiative de la route de la soie, laquelle vise à restructurer des infrastructures partout dans le monde de manière à favoriser la Chine, font perdre de l'argent, mais servent néanmoins les intérêts géostratégiques de la République populaire de Chine. Nous assistons au phénomène de la « diplomatie du piège de la dette », qui a permis à la Chine d'acquérir des ports en remboursement des dettes élevées entraînées par ces projets infaisables et ruineux.
    Le phénomène ne se produit pas seulement dans les pays en développement. L'acquisition par des compagnies associées à la République populaire de Chine de médias d'information de langue chinoise ici au Canada et des applications liées aux médias sociaux contrôlées par la République populaire de Chine, comme WeChat, vient asseoir les normes de censure du département de propagande du Parti communiste de la Chine dans des communications en territoire canadien. WeChat est censuré depuis Pékin, même si les communications ont lieu entièrement au Canada, par exemple, entre un député et des gens de sa circonscription qui se serviraient de l'application. Selon moi, cela est très troublant et constitue une menace à notre démocratie.
(1115)
    Au bout du compte, je pense que nous devrions évaluer les investissements de l'État chinois au Canada en appliquant le principe de réciprocité. Par exemple, le gouvernement de la Chine interdit aux entreprises étrangères d'acquérir des mines ou d'autres ressources naturelles du pays, dans le cadre de la constitution chinoise, pour des raisons de sécurité nationale. Les mêmes conditions s'appliquent aux acquisitions dans le secteur des télécommunications de pointe. Ces interdictions ne sont pas réciproques ici, au Canada. Ils peuvent acquérir des choses au Canada que nous ne pourrions pas acquérir en Chine.
    Pour conclure, je suis d'avis que nos politiques de commerce et d'investissements devraient être basées sur les principes de réciprocité et d'équité. Nous ne pouvons pas nous contenter de défendre l'ordre international fondé sur des règles par de beaux discours: il faut agir.
    Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre aux questions et de poursuivre la discussion plus tard au cours de la réunion.
    Merci beaucoup, monsieur Burton.
    M. Leblond est le prochain témoin à prendre la parole.
    Vous disposez de huit minutes.

[Français]

    Membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui. Dans le temps qui m'est alloué, j'aimerais discuter de trois sujets qui touchent la rencontre d'aujourd'hui. Le premier est la stabilité de la Loi sur Investissement Canada. Le deuxième est la définition d'une industrie canadienne stratégique. Qu'est-ce qu'on veut dire par « stratégique »? Le troisième aborde les acquisitions par des entreprises d'État de pays totalitaires.
    Je vais commencer par la question de la stabilité de la Loi sur Investissement Canada. En principe, celle-ci ne devrait pas avoir à être modifiée en raison d'une pandémie comme celle de la COVID-19 ou de tout autre événement ponctuel. En principe, la Loi devrait être robuste et résister au passage du temps. Elle ne devrait être modifiée qu'à la suite de changements structuraux, et donc à moyen terme et à long terme, au sein des économies canadienne et internationales.
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Leblond, mais pourriez-vous rapprocher un peu votre micro?
    Oui, bien sûr. Est-ce que c'est mieux?
    Oui, je vous remercie.
    La Loi a un double mandat. Premièrement, elle permet d'encourager les investissements au Canada, ce qui contribue à la croissance de l'économie et à la création d'emplois. Deuxièmement, elle vise à assurer la sécurité nationale. Cela est un élément plus récent.
    Il est important de rappeler que la Loi ne peut atteindre son premier objectif que si les règles du jeu demeurent stables. Si l'on modifie la Loi à chaque récession ou à chaque pandémie — des situations que l'on peut considérer comme temporaires —, cela devient beaucoup plus difficile, vu le contexte d'incertitude, pour les investisseurs étrangers et les entreprises d'ici qui voudraient potentiellement vendre à des investisseurs canadiens ou internationaux.
    Si l'on change continuellement les règles du jeu, ne risque-t-on pas de se priver d'investisseurs potentiels, d'un environnement plus concurrentiel? Cela pourrait nuire non seulement à la croissance économique et à la création d'emplois, mais aussi à la valeur de nos entreprises. En effet, s'il y a moins d'acheteurs et d'investisseurs au Canada, cela veut dire qu'il y a moins de capitaux, ce qui entraîne une réduction de la valeur des entreprises d'ici.
    Il faut donc faire très attention et ne pas modifier une loi simplement parce qu'une situation temporaire survient. En principe, la Loi devrait répondre à ces changements de nature ponctuelle. C'est le premier élément que je voulais soulever.
    Le deuxième élément dont je veux parler touche la définition d'« industrie canadienne stratégique », comme cela est énoncé dans la déclaration. Il faut se demander ce qu'est une industrie stratégique. Est-ce une industrie essentielle au bon fonctionnement de l'économie et de la société?
    M. Burton a parlé des enjeux liés à la concurrence et des enjeux liés à la démocratie, par exemple. Qu'est-ce qui est essentiel? Le danger, c'est le fait que chacun puisse avoir sa propre définition de ce qui est essentiel.
    Dans les régions côtières, tant du côté atlantique que du côté pacifique, l'industrie de la pêche est probablement considérée comme essentielle. Pourtant, cela ne veut pas dire qu'elle est essentielle au bon fonctionnement de l'économie canadienne dans son ensemble ou de la société. Un Torontois peut aussi bien manger du homard du Maine que du homard de la Nouvelle-Écosse ou des Îles-de-la-Madeleine, même si ces derniers sont meilleurs que ceux du Maine.
    On pourrait dire la même chose de l'industrie minière au Québec, de l'industrie pétrolière en Alberta ou de l'industrie forestière en Colombie-Britannique. Ces industries sont-elles essentielles au bon fonctionnement de l'économie canadienne? Évidemment, d'un point de vue régional, la réponse est oui. Pour l'entreprise, c'est essentiel. Sur le plan de la création d'emplois, c'est essentiel. Pourtant, dans un tel cas, cela ne vient-il pas réduire la valeur de ce qui est essentiel?
    Qui va décider qu'une industrie est essentielle et qu'une autre ne l'est pas? S'agira-t-il des députés de la Chambre des communes ou des fonctionnaires? Qui sera en mesure d'évaluer les différences entre les industries? Quels critères utilisera-t-on? La liste des industries canadiennes stratégiques pourrait être très longue, puisque chacun va vouloir que son industrie soit considérée comme stratégique.
    Au Québec, les quincailleries sont soudainement devenues une industrie stratégique pour l'économie québécoise lorsqu'on a annoncé que l'entreprise Rona serait vendue à Lowe's. En France, par exemple, l'industrie du yogourt est une industrie stratégique. Le gouvernement français avait dit ne pas pouvoir permettre que l'entreprise Danone soit vendue.
    Des industries qui, de prime abord, ne nous apparaissent pas vraiment stratégiques sur le plan de l'économie ou du fonctionnement deviennent rapidement stratégiques pour des raisons politiques. D'une certaine manière, on peut dire que si toutes les industries deviennent stratégiques, aucune industrie n'est vraiment stratégique.
(1120)
     On peut se demander s'il vaut la peine d'avoir une liste d'industries dites stratégiques. En effet, cela pourrait avoir des répercussions, dans le sens où il faudrait revoir chaque transaction potentielle. La question de la nécessité d'imposer des seuils se pose dans le cas d'une industrie stratégique. On pourrait alors imaginer la lourdeur du processus que cela représenterait.
    Dans sa forme actuelle, la Loi offre une approche en matière de seuils, qu'il s'agisse de seuils réguliers, de seuils des sociétés d'État ou des cas où les seuils ne s'appliquent pas, comme lorsqu'il est question de sécurité nationale. Selon moi, la Loi, dans sa forme actuelle, suffit pour ce qui est de traiter des industries soi-disant stratégiques. En effet, ce qui est stratégique, c'est la sécurité nationale. Il n'est pas ici question de création d'emplois ou de croissance économique, car on soulèverait alors la notion du bénéfice net que le ministre doit bien sûr définir dans le contexte de toute acquisition.
    Pour terminer, j'aimerais aborder la question des acquisitions effectuées par des sociétés d'État de pays totalitaires. Là encore, quel est l'objectif poursuivi? M. Burton a parlé de réciprocité: cela pourrait être un objectif, mais, selon moi, on en revient à la sécurité nationale.
    Quelle est la différence entre une société d'État et une entreprise privée? Est-ce une question de performance économique? Dans la plupart des cas, les études démontrent qu'il n'y a pas vraiment beaucoup de différences entre la performance et la façon de fonctionner d'une entreprise privée par rapport à une entreprise étatique. S'il n'est pas question de sécurité nationale, est-ce qu'il y a une différence entre une société d'État d'un pays totalitaire et celle d'un pays démocratique? Là encore, je pense que la Loi suffit dans son état actuel et qu'elle n'a besoin que de lignes directrices pour encadrer son application.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez consacré et je serai heureux de répondre à vos questions.
(1125)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Leblond.

[Traduction]

    Je cède maintenant la parole à M. Daniel Schwanen.
    Vous disposez de huit minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie le Comité de m'avoir invité.
    Il serait facile de déterminer si les entreprises des industries stratégiques ont été dépréciées ou ont perdu de la valeur si on avait une meilleure idée de ce qui constitue une industrie « stratégique ». J'aimerais ici reprendre là où M. Leblond s'est arrêté.
    Dans la même veine que ce que disait M. Leblond, il existe déjà des dispositions — ne l'oublions pas — pour examiner les investissements étrangers, quelle que soit leur taille, afin de déceler toute préoccupation en matière de sécurité nationale. On a déjà un seuil inférieur et des méthodes de calcul de la valeur différentes pour l'examen des entreprises étrangères détenues ou influencées par l'État, comme l'a dit M. Burton, que pour les investissements réalisés par des entreprises autres que les sociétés d'État. Évidemment, on a déjà mis en place des restrictions dans un certain nombre de secteurs que nous considérons comme stratégiques, qu'il s'agisse de la culture, des télécommunications, des transports et autres. C'est déjà le régime en place. Par conséquent, quand on dit « stratégique », on doit avoir à l'esprit une nouvelle définition qui signifie plus que cela. En fait, dans le contexte de la crise de la COVID-19, je conviens que l'approvisionnement en biens dont les Canadiens dépendent pour leur sécurité — par exemple, les fournitures médicales et les denrées alimentaires — est plus fragile que nous ne l'avions peut-être réalisé, et que, selon moi, permettre aux Canadiens d'examiner les investissements qui menacent ces fournitures et ces denrées devrait être considéré à juste titre comme un enjeu stratégique.
    Les Canadiens ont également le sentiment que les nouvelles technologies seront à l'avant-garde de la reprise après la crise en cours. Les gouvernements qui ont soutenu la mise au point de nouvelles technologies par des subventions et le développement d'écosystèmes permettant la commercialisation de ces technologies à partir d'une base canadienne, ce qui est en fait l'objectif ultime de la politique, pourraient vouloir décourager les ventes sous l'effet de la panique par ces entreprises ou technologies dans le contexte actuel, ce qui pourrait mettre en péril cet objectif stratégique.
    On peut penser à d'autres entreprises ou secteurs stratégiques dont la disparition pourrait déclencher une perte vraiment catastrophique des capacités de production canadiennes dans un certain nombre de secteurs. Le secteur de l'automobile a souvent été mentionné à cet égard. Je vous invite à prendre en considération les éléments suivants. La perte de ce type d'activité économique n'est pas la même chose que la vente d'une entreprise opérant dans ces secteurs à une entité étrangère. En général, les investissements étrangers directs sont très bons pour l'économie canadienne tant que les entreprises étrangères, qu'elles soient publiques ou non, suivent les règles et règlements canadiens. Pour moi, c'est vraiment le nœud du problème.
    Cela dit, je ne perçois pas un mouvement généralisé de ventes sous l'effet de la panique, et, comme on l'a vu, le marché a rebondi. Ce que j'entends, c'est que, en général, les mesures de soutien des gouvernements et les prêteurs qui utilisent les liquidités, qui sont à leur tour soutenus par les gouvernements, bien sûr, et la Banque du Canada, appuient les clients et fournissent les mécanismes de sauvegarde qui procurent aux entreprises une certaine marge de manoeuvre et leur permettent de continuer à fonctionner malgré les fermetures d'urgence et la demande temporairement réduite.
    Bien entendu, certaines entreprises ne survivront pas à la crise dans leur forme actuelle ou n'y survivront que si on leur permet de se restructurer et de se refinancer ou de devenir plus durables dans le cadre de modèles d'affaires modifiés, qui reflètent l'évolution de la demande et des exigences de sécurité et, en général, un profil risque-rendement perçu différemment par les investisseurs selon les secteurs. Je pense par exemple à l'industrie aérienne. Alors que les entreprises envisagent leur avenir et recherchent un financement plus sûr, ou que, dans certains cas, elles cherchent à se restructurer, l'investissement étranger peut à nouveau être un moyen très utile de fournir des capitaux à ces entreprises ou aux canaux par lesquels les capitaux sont fournis. De nouveau, je me garderais bien de réagir de manière impulsive contre les investissements étrangers directs en tant que tels.
(1130)
    Par ailleurs, les changements que vivent ces entreprises sont un phénomène mondial. Ce serait une chose qu'une seule compagnie aérienne canadienne éprouve des difficultés, mais ce sont toutes les compagnies aériennes de la planète qui traversent une période difficile. Les entreprises concurrentes des compagnies canadiennes n'ont donc pas nécessairement les moyens de fondre sur elles. Je le répète, l'imposition de nouvelles restrictions m'inquiète. Toutes les entreprises en arrachent, et même si certains investisseurs verront des occasions de consolidation et peut-être même des possibilités d'aubaines, attirer des capitaux, y compris des capitaux étrangers, n'est pas nécessairement une mauvaise chose pour ces entreprises tandis qu'elles restructurent leurs activités, à la condition que cela ne nuise pas aux objectifs en matière de politique publique.
    Il faut se donner les outils qui nous permettront d'éliminer rapidement les investissements qui pourraient nuire aux intérêts canadiens tout en gardant la porte grande ouverte aux autres investissements. Dans le cours normal des affaires, les prises de contrôle devraient être autorisées, surtout que les conseils d'administration des sociétés faisant appel public à l'épargne ont maintenant davantage de marge de manœuvre en vertu des diverses réglementations provinciales en matière de valeurs mobilières afin d'étudier des solutions de rechange à une proposition de prise de contrôle. C'est assez récent.
    Que devrait étudier ou recommander votre comité? Il devrait se pencher sur la clarté des critères concernant toute mesure de sécurité en sus des mesures existantes. Cette clarté pourrait consister en des exemples ou des lignes directrices concernant les types d'investissements ou d'investisseurs que le Canada pourrait juger problématiques dans la conjoncture actuelle ou pour l'avenir. Il ne devrait pas nécessairement s'agir de définitions rigides, mais par exemple de lignes directrices améliorées en matière de sécurité nationale.
    Je recommanderais aussi des décisions rapides concernant les acquisitions proposées, ainsi que des lignes directrices très claires. La prise de décisions rapides est essentielle si on souhaite rester ouverts aux investissements étrangers directs — avec tous les avantages qu'ils comportent — tout en veillant à protéger l'intérêt public.
    Cela dit, il serait selon moi très difficile — en tout cas certainement pas facile — de modifier rapidement les critères actuels de l'avantage net. Dans ce contexte, un outil clé consisterait à élargir les lignes directrices de l'examen relatif à la sécurité nationale afin d'inclure des questions stratégiques en matière de salubrité et de sécurité de l'approvisionnement ainsi que de perte systémique possible d'une activité économique canadienne autrement concurrentielle, comme je l'ai décrit de façon assez précise.
    Enfin, nous songeons ici à des changements temporaires, mais je ne suis pas vraiment certain dans quelle mesure ces changements devraient effectivement être temporaires. Nous pourrions les rendre permanents. Je crois qu'il s'agirait d'une politique très utile pour l'avenir.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Schwanen.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Gagnon, directeur du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires.
    Monsieur Gagnon, vous avez la parole pour huit minutes.
    J'aimerais d'abord indiquer que nous sommes d'avis que la Loi sur Investissement Canada est une mesure absolument essentielle dans tout pays, aussi démocratique qu'il soit, mais elle n'est très certainement pas suffisante. Cette loi se trouve au bout d'une chaîne de dispositions qui devrait être beaucoup plus longue; elle est en aval de toute une série de mesures, dont deux servent principalement à protéger les sièges sociaux au pays.
    Il s'agit essentiellement de l'existence des régimes d'actions à droit de vote multiple, ainsi que le seuil de 66 % nécessaire à l'achat d'une société. Tout le monde sait qu'en vertu du droit québécois et du droit canadien, dans le cas des sociétés ayant une charte canadienne, les deux tiers des actionnaires doivent voter en faveur d'une acquisition pour que celle-ci se concrétise. Ainsi, un actionnaire qui possède 40 % des actions sans, toutefois, être un actionnaire contrôlant, comme c'est le cas pour Saputo, peut bloquer l'achat d'une société.
    L'autre mesure vise l'existence des actions à droit de vote multiple qui font qu'un actionnaire, qu'il soit minoritaire ou non, qui possède des actions à droit de vote multiple peut détenir la majorité des droits de vote d'une entreprise et, ainsi...
(1135)
     Monsieur Gagnon, serait-ce possible de vous rapprocher du micro, s'il vous plait?
    Est-ce que vous m'entendez mieux maintenant?
    Oui, merci.
    Cela fait en sorte que, dans le cas d'une entreprise ayant des actions à droit de vote multiple, un actionnaire contrôlant qui détient des actions à droit de vote multiple peut bloquer l'achat de l'entreprise. Donc, la protection de l'entreprise repose sur les épaules d'un actionnaire qui, généralement, est le fondateur de l'entreprise.
    Nous avons fait nôtre, depuis longtemps, le résultat du rapport du Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises. Publié en 2014, ce rapport s'intitule « Le maintien et le développement des sièges sociaux au Québec » et il comporte bon nombre de recommandations qui pourraient également être valables pour l'ensemble du pays.
    Ce rapport reposait notamment sur un mémoire déposé par Me Martel, qui recensait des mesures déjà en place dans certains États américains, mesures que nous aurions avantage à importer ici pour protéger les entreprises. Il s'agit, par exemple, d'abolir temporairement les droits de vote de l'acquéreur pour une période donnée et de restreindre les opérations avec l'acquéreur, c'est-à-dire les business combinations. Mentionnons aussi les dragées toxiques, que tout le monde connaît, qui consistent à diluer les actions de l'acquéreur en permettant aux autres actionnaires d'acquérir des actions à un prix donné. De plus, les devoirs fiduciaires pourraient être inscrits dans le droit législatif des sociétés en faveur des parties intéressées. Les mandats décalés des membres des conseils d'administration permettent d'échelonner sur plusieurs années le renouvellement complet du conseil d'administration; cela complique les opérations d'acquisition, étant donné que cela prend plus d'une année pour renouveler l'ensemble des membres du conseil. En effet, cela peut parfois décourager les acquéreurs potentiels de procéder à l'acquisition.
    Nous nous sommes penchés en particulier sur la question des devoirs fiduciaires des conseils d'administration, notamment en ce qui concerne le traitement des parties intéressées. Vous le savez peut-être déjà, mais en droit anglais, au Royaume-Uni, l'ensemble des devoirs fiduciaires relatifs aux parties prenantes sont décrits dans la loi, de même que la liste de l'ensemble des parties prenantes. Je me permets de citer directement certaines dispositions de la Companies Act de 2006 du Royaume-Uni:

[Traduction]

Un administrateur doit agir de la manière qui, selon son jugement et de bonne foi, aurait le plus de chances de promouvoir le succès de l'entreprise à l'avantage de l'ensemble de ses membres et, ce faisant, tenir compte, entre autres choses, de ce qui suit:
(a) les conséquences à long terme possibles de toute décision;
(b) les intérêts des employés de l'entreprise;
(c) le besoin d'encourager des relations d'affaires avec les fournisseurs, les clients et d'autres parties;
(d) les effets des activités de l'entreprise sur la communauté et l'environnement;
(e) le désir, pour l'entreprise, de maintenir une réputation de conduite commerciale rigoureuse;
(f) le besoin d'agir équitablement entre les membres de l'entreprise.

[Français]

    Selon la loi, au Royaume-Uni, les administrateurs d'une société ont le devoir de tenir compte des intérêts et des droits de l'ensemble des parties prenantes, notamment de l'État et de l'environnement. Donc, toutes les questions soulevées précédemment par tous les autres intervenants au sujet de l'acquisition d'une société, soit par un État étranger qui serait un État dictatorial, soit par un État où les droits de la personne sont peu respectés, relèveraient des responsabilités juridique, judiciaire et fiduciaire des administrateurs des sociétés, si nous avions de telles dispositions au Canada. Ces questions n'auraient pas à percoler jusqu'à des mesures comme celle de la Loi sur Investissement Canada. L'état actuel des choses au pays fait en sorte que ces considérations relatives aux devoirs fiduciaires des administrateurs des sociétés relèvent de la jurisprudence.
    Je vous renvoie à l'arrêt BCE de 2008, soit BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976. En voici un extrait:
[...] il peut également être opportun, sans être obligatoire, qu'ils [c'est-à-dire, les administrateurs], tiennent compte [...] des actionnaires, des employés, des fournisseurs, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements et de l'environnement.
    Ici, au Canada, ce n'est pas obligatoire et cela relève de la jurisprudence. Il y aurait tout intérêt à ce que la réflexion dépasse celle de ce comité sur ces questions, dépasse la Loi sur Investissement Canada et aille voir en amont ce qui se passe pour que des dossiers se retrouvent ensuite sous la coupe de cette loi.
(1140)
    Il y a aussi l'étude de 2016 de M. Allaire sur les sièges sociaux des grandes entreprises du Québec. Dans cette étude, on répertorie un ensemble d'entreprises qui sont susceptibles d'être achetées. Au Québec, elles ne bénéficient pas des protections qui sont déjà en place, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas d'actions à vote multiple et ne comportent pas de groupe d'actionnaires supérieur à 40 %. Il y a une liste de 16 entreprises exposées à ce danger, dont Metro, Gildan, SNC-Lavalin, Dollarama, Valeant et TransForce. Je vous laisse le soin de prendre connaissance de la liste.
    L'une des difficultés présentées par la Loi dans sa forme actuelle, c'est que le ministère détermine si la transaction est à l'avantage net du Canada, mais il n'est pas tenu de révéler les raisons pour lesquelles c'est le cas. Il y aurait lieu d'avoir un peu plus de transparence à ce sujet, à notre avis.
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer aux questions.
    La première série de questions nous viendra de Mme Rempel Garner. Vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    J'aimerais commencer par quelques commentaires généraux. J'ai entamé la présente étude avec l'esprit plutôt ouvert parce qu'elle porte sur un sujet dont on a abondamment parlé au cours des dernières semaines et des derniers mois. J'aimerais faire deux observations.
    Premièrement, je crois que M. Leblond a tout à fait raison d'affirmer que le cadre réglementaire doit être cohérent si nous souhaitons attirer les investissements. Cela dit, il ne faut pas non plus se retrouver à brader le Canada simplement par attrait du gain à court terme. Je crois que tout est une question d'équilibre.
    Le monde change, et c'est au Parlement de voir si cet équilibre entre les cadres législatif et réglementaire est atteint. Personnellement, je ne suis pas convaincue que nous y soyons tout à fait.
    Sauf erreur, c'est aussi M. Leblond qui a souligné qu'à partir du moment où il n'y a pas de définition de ce qui constitue une « industrie stratégique », toutes les industries le sont, ce qui revient à dire qu'aucune ne l'est vraiment. Selon moi, si la souveraineté canadienne est menacée parce que des intérêts étrangers provenant d'un pays autoritaire prennent le contrôle d'une industrie donnée ou si celle-ci est vendue à un pays autoritaire, c'est que cette industrie est stratégique. Comme je ne suis pas convaincue que, à l'heure actuelle, la Loi sur Investissement Canada permette d'aller aussi loin dans les nuances, je crois que c'est là-dessus que je fonderai mes questions.
    Je m'adresse à M. Burton.
    À l'heure où on se parle, il existe un processus pour déterminer qui a besoin d'un visa pour entrer au Canada et qui peut en obtenir un. Tout est défini dans un cadre préétabli. Le Canada s'est doté d'une série de critères pour déterminer si les citoyens de tel ou tel pays ont besoin ou non d'un visa pour venir ici.
    Existe-t-il un équivalent pour les investissements? Y a-t-il des critères, quelque chose, dans la législation actuelle, qui nous permette d'évaluer les investissements venant d'un pays donné — par exemple d'un pays autoritaire? Peut-on prendre les investissements provenant d'un pays, les comparer à une liste de critères et dire si, oui ou non, ces critères ont été remplis? Existe-t-il quelque chose du genre?
(1145)
    Je ne pense pas que nous puissions dire que nous avons les choses bien en main, essentiellement à cause de la nature des investissements chinois. Tous les pays qui mènent des études comparables à la nôtre, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, l'Inde et l'Australie, font mention de la Chine dans leur mandat.
    Je crois qu'il ne faut pas oublier qu'assez souvent, les Chinois ne pensent pas juste aux profits quand ils investissent, ils ont aussi des visées stratégiques. C'est sûr qu'ils veulent faire de l'argent, mais il arrive assez souvent qu'ils n'en fassent pas, et il suffit de se rappeler la transaction entre la CNOOC et Nexen pour s'en convaincre. Bien souvent, les entreprises d'État chinoises ont recours à de multiples firmes qui font chacune de multiples investissements précisément dans le but de passer sous les seuils établis, alors que, dans les faits, elles vont à l'encontre de l'esprit de la loi canadienne.
    Que je sache, le Canada n'a pas de processus permettant de s'intéresser aux personnes qui souhaitent venir au Canada pour y investir. Dans...
    Il ne reste que quelques minutes à mon temps de parole.
    À mon avis, c'est un très bon point par rapport à la définition de ce qu'est une industrie canadienne stratégique. Nous savons pertinemment que des pays totalitaires ont établi des priorités stratégiques en ce qui concerne les investissements directs étrangers dans notre pays. Je crois que c'est aussi important de le noter.
    Je prends au sérieux le témoignage indiquant que tout changement majeur ou toute refonte du régime nécessiterait du temps. Dans l'intervalle, j'aimerais vous poser deux questions, monsieur Burton.
    À votre avis, un moratoire devrait-il être imposé à court terme sur les acquisitions par des entreprises d'État de pays totalitaires? Revient-il au Parlement de mener un examen plus approfondi de notre cadre sur les investissements directs étrangers compte tenu des changements dans le contexte mondial?
    Oui, je le pense. Je suis en faveur d'un moratoire temporaire en attendant une enquête plus approfondie par le Parlement et l'établissement de critères plus précis sur les investissements de ce type. Nous devons mieux comprendre le fonctionnement du régime, définir ce qui est véritablement dans l'intérêt du Canada et clarifier ce qu'on entend par les avantages nets.
    J'aimerais aussi que le gouvernement adopte une approche plus ouverte et plus transparente pour nous permettre de mieux comprendre son processus décisionnel dans ce dossier. Les Canadiens devraient être plus au courant de ce qui se passe et des mesures que le gouvernement prend pour y répondre.
    Mon temps de parole est pratiquement écoulé. Monsieur Schwanen, pouvez-vous nous donner une idée du profil d'investissement total à l'heure actuelle? Quel est le profil des investissements directs étrangers au Canada en provenance de pays totalitaires? Les entreprises d'État de pays totalitaires représentent-elles notre principale source d'investissements directs étrangers?
    Non, le profil varie selon les secteurs. Je sais que des gouvernements, qu'ils soient à la tête de pays totalitaires ou non, peuvent vouloir venir ici et prendre le contrôle d'une entreprise canadienne afin d'atteindre des objectifs stratégiques et ainsi ne pas agir dans l'intérêt du Canada. À mes yeux, c'est réellement ce sur quoi il faut se pencher. C'est le coeur de la question.
    Je comprends que ce pourrait être le cas dans des secteurs comme ceux des mines et des ressources naturelles. Je dirai simplement que notre régime suffit dans son état actuel, la plupart du temps.
    Merci beaucoup.
    Pour notre prochaine série de questions, nous commençons par la députée Lambropoulos. Vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être là pour nous aider aujourd'hui à mener cette étude et répondre à nos questions.
    Je comprends bien que les IDE sont, généralement, une bonne chose pour le Canada. Si nous sommes en mesure d'attirer des IDE, l'économie se porte mieux, évidemment, et la valeur de notre pays augmente. Si les IDE ont diminué dans le monde au cours des dernières années, au Canada, ils ont augmenté, ce qui est fantastique pour le Canada.
    Monsieur Schwanen, vous avez dit que nous devrions décourager les entrepreneurs canadiens de vendre leurs entreprises précipitamment afin que les entreprises canadiennes restent au Canada et que nous restions solides. Si nous ne nous penchons pas plus sur les investissements étrangers pendant cette période et si nous ne consolidons pas la loi, que pouvons-nous faire d'autre pour décourager les entrepreneurs de vendre leurs entreprises dans un moment de panique pendant une période de crise comme celle que nous vivons en ce moment? Comment pouvons-nous nous assurer que les Canadiens ne vendent pas leurs entreprises à des investisseurs étrangers tout en recevant de l'aide de ces investisseurs, au besoin?
(1150)
    Merci beaucoup de votre question.
    Je vais aller au coeur de la question que j'ai essayé de soulever. J'ai perdu le fil de ma pensée pendant une minute.
    Comme vous le savez, n'importe quel investissement peut faire l'objet d'un examen pour des raisons de sécurité nationale. Ce que je disais, c'est que, dans la situation actuelle, on peut ajouter des raisons supplémentaires. Il y a des lignes directrices publiées par le gouvernement. Peut-être pouvons-nous en publier de nouvelles. Dans la situation actuelle, et peut-être à l'avenir, voici ce que nous considérons comme relevant de la sécurité nationale: la chaîne agroalimentaire et la chaîne d'approvisionnement en fournitures médicales. Franchement, c'est de cela qu'il s'agit quand on parle des entreprises publiques étrangères aussi et de certaines des menaces qu'elles représentent, comme le vol de technologies canadiennes, par exemple. Nous pouvons régler ce genre de problèmes dès maintenant, en ajoutant de nouvelles lignes directrices. C'est cela que je voulais dire.
    La meilleure défense, c'est d'avoir une économie vigoureuse au Canada et une évaluation juste des entreprises canadiennes. Je pense que certaines des politiques mises en place, l'aide de la Banque du Canada et notre système bancaire aident les entreprises à fonctionner sans être injustement sous-évaluées.
    Enfin, il est possible qu'une entreprise canadienne ait besoin, de temps en temps, de l'aide d'investisseurs pour rester à flot et garder les emplois au Canada. Il ne faudrait pas fermer la porte à ce qui pourrait s'avérer d'excellents investissements étrangers, si on peut l'éviter.
    C'était ce que j'avais à dire, essentiellement.
    Entendu. Merci.
    Monsieur Leblond, vous avez dit à peu près la même chose que M. Schwanen. Vous avez aussi dit nous devrions expliquer plus clairement ce que nous entendons par « stratégique ». Avez-vous des recommandations sur la manière de rendre cela plus clair, dans le cas où nous voudrions changer quoi que ce soit?
    Oui. Sur la question de définir ce qu'on entend par stratégique, je pense que la plupart des choses que l'on considérerait stratégiques relèvent probablement du domaine de la sécurité nationale, qu'il s'agisse, comme l'a mentionné M.  Schwanen, de technologie ou qu'il s'agisse d'infrastructures. On peut penser à l'énergie, aux ports, aux routes, aux télécommunications, aux médias et à la culture. Des points de vue société et économie, ce sont toutes des choses qu'on considérerait comme stratégiques.
    Dans le cadre de la définition plus générale de la sécurité nationale, et même de la question de menace pour la souveraineté, je pense comme M.  Schwanen que les lignes directrices pourraient éventuellement être clarifiées sans qu'il ne soit nécessaire de modifier la loi elle-même. La souplesse nécessaire pour régler ces questions est là. Si on pense, par exemple, à exercer un certain contrôle ou à avoir une certaine souveraineté en ce qui concerne la production de matériel médical, d'équipement de protection individuelle ou de ce genre de choses, on parle ici d'une question de sécurité nationale, n'est-ce pas? La santé est une question de sécurité nationale. C'est la même chose quand on parle de cybersécurité pour la technologie ou la technologie à double usage.
    Je pense qu'il est possible de régler la question de ce qu'on entend par « stratégique » avec la notion de sécurité nationale. Autrement, si on essaie de définir ce qui est stratégique, on risque que cela varie d'une région à l'autre du pays. Le terme finira par ne plus vouloir rien dire. Il ne sera utilisé qu'à des fins politiques. Certaines personnes vont vouloir savoir pour quelle raison telle ou telle entreprise ou industrie est protégée alors que la leur ne l'est pas. D'autres ne voudront pas que leur entreprise ou industrie soit protégée. Les actionnaires veulent pouvoir vendre une entreprise de manière à en maximiser la valeur et si leur industrie ou entreprise est considérée comme stratégique, cette valeur sera moindre et ils vont perdre de l'argent.
    Je pense qu'il faut faire très attention au terme « stratégique ». Souvent, on veut dire « sécurité nationale », une question maintenant abordée dans la loi. Je pense que c'est un point très important.
    Cette question s'adresse à vous ou à M. Schwanen. À votre avis, la Loi sur Investissement Canada est-elle à même à l'heure actuelle de protéger la sécurité nationale et l'intérêt national du Canada?
    Je dirais que oui. Je pense qu'on pourrait peut-être modifier les lignes directrices. Les entreprises aiment la transparence; je pense aussi que nos décisions et nos lignes directrices doivent être les plus transparentes possible, que les attentes doivent être énoncées clairement.
    Si nous voulons qu'il soit clair que nous considérons que certaines industries, certains secteurs ou certains enjeux sont liés à la sécurité nationale, il faut le dire et les investisseurs n'auront pas à se poser de questions. Si nous pensons que les entreprises d'État, surtout dans le cas des pays totalitaires, pourraient présenter une menace pour la sécurité nationale, il faut le dire. Ensuite, au moins, on sait à quoi s'en tenir sur ce point.
(1155)
    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous entamons maintenant le prochain tour de questions.
    Monsieur Savard-Tremblay, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins de leur présence et de leurs exposés.
    Ma question s'adresse à M. Gagnon.
    Tout d'abord, permettez-moi de saluer le travail accompli au Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, le MÉDAC, depuis sa fondation. Les droits des actionnaires sont souvent bafoués, et je tiens à vous remercier du travail que vous faites depuis déjà quelques années. Depuis combien de temps faites-vous ce travail? Cela doit faire plus de 15 ans.
    Cela fait 25 ans. Notre organisme a été fondé en 1995.
    Il a été fondé en 1995 par un grand Québécois, d'ailleurs. Je vous remercie de prendre sa relève.
    Dans votre exposé, vous avez dit d'entrée de jeu qu'il était assez clair que la Loi sur Investissement Canada était nécessaire et que tout pays le moindrement évolué va protéger certains de ses secteurs, essayer d'éviter une fuite de ses sièges sociaux et encadrer des secteurs qui lui sont chers.
    La deuxième moitié de l'histoire du Québec, d'ailleurs, nous montre très bien l'importance d'avoir des leviers stratégiques, d'avoir des institutions qui agissent de concert avec les entreprises privées, en conservant toujours une stratégie étatique. Cela est moins clair dans le cas du Canada. Concernant la Loi sur Investissement Canada, vous nous dites que c'est bien, mais que c'est nettement insuffisant.
    Puisque vous avez donné certains exemples de ce qui se fait dans le monde, notamment en Grande-Bretagne, j'aurais envie de vous demander ceci. Le Canada devrait-il examiner ce qui se fait aux États-Unis, ce grand foyer du libre marché?
    Je répète que cette loi est une mesure de dernier recours. C'est en fin de course que nous en avons besoin. Nous prétendons que bon nombre de mesures sont déjà sur la table et qu'elles devraient être mises en place. La difficulté à laquelle nous nous heurtons présentement a essentiellement trait à l'harmonisation. Le problème, quand vient le temps de mettre en place de telles mesures, c'est l'existence d'un régime hybride, ici, au Canada. Certaines sociétés sont enregistrées au fédéral et d'autres au provincial, mais aucun des deux paliers ne peut, à lui seul, agir sur tous les plans.
    Les progrès les plus probants dans ce domaine sont attribuables à la collaboration entre les provinces, notamment par le truchement des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, présentement présidées par le président de l'Autorité des marchés financiers. Cette association peut prendre plusieurs initiatives. La culture canadienne de la gestion des sociétés a connu plusieurs changements de comportement, par exemple, en raison des règles du TSX. Le Groupe TSX impose des règles aux entreprises, que la Loi n'impose pas nécessairement.
    Il est grand temps que soit mis en place un chantier national qui explorera tous les problèmes que pose l'harmonisation. On devrait réviser tout cela et créer plusieurs étapes qui permettraient de protéger les entreprises canadiennes, non pas seulement une loi comme celle-là, mais un genre de bombe atomique. Soit dit en passant, les seuils fixés pour permettre à une entreprise de profiter de la protection de la Loi commencent à être très élevés pour certaines entreprises. Prenons l'exemple de Bombardier. Cette entreprise détient environ 2,5 milliards d'actions, qui valent environ 0,50 $ chacune, mais elle atteint tout juste le seuil établi pour être admissible aux mécanismes de protection de la Loi. Si, demain matin, quelqu'un voulait acheter Bombardier, il serait impossible de protéger l'entreprise au moyen de la Loi.
    On peut supposer que la situation va aller de mal en pis du côté de Bombardier. Cependant, dans les prochains mois, la Loi...
    Monsieur Savard-Tremblay, nous ne vous entendons pas très bien.
    Je faisais tout simplement une parenthèse concernant les propos de M. Gagnon pour dire que cela ira possiblement de mal en pis du côté de Bombardier. En fait, c'est possible que, sous peu, la loi ne protège plus Bombardier.
    La situation de Bombardier n'est pas due à la crise actuelle. La valeur de l'action a baissé à un seuil qui ne permettra pas à Bombardier d'être admissible.
    Il faudrait que la Loi soit modifiée pour permettre de protéger des entreprises importantes, comme Bombardier. Il y a toute une liste d'entreprises qui ne bénéficieront pas des mécanismes de protection de la Loi. Il faudrait aussi se pencher sur des questions comme celle de la création de Restaurant Brands International, dont Tim Hortons et Burger King font partie. Le siège est au Canada pour des raisons fiscales. Elles demeurent des entreprises canadiennes, mais elles servent des intérêts étrangers, ce qui n'est pas dans l'intérêt du Canada.
    Il faudrait se poser des questions à toutes sortes d'égards. On peut imaginer un régime qui puisse comporter différentes étapes, avec plusieurs mesures qui seraient assumées par tous les paliers de gouvernement. Ce sont des questions complexes qui ne peuvent se régler d'un coup de baguette magique. Cette loi de dernier recours est nettement insuffisante. Elle comporte un aspect qu'il ne faut jamais oublier: une fois qu'une société devient admissible, le processus de décision quant à savoir si elle bénéficie ou pas de la protection est essentiellement opaque.
    J'aimerais revenir à ma question initiale au sujet des politiques américaines.
    Pourriez-vous nous en parler un peu?
    J'en ai fait la liste dans ma présentation. Il y a essentiellement cinq mesures possibles, mais je n'aurai pas le temps de toutes les énumérer. En fait, celle qui nous intéresse le plus, c'est l'inscription dans les statuts des entreprises l'obligation fiduciaire de respecter l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes. Nous menons cette lutte depuis des années, et c'est quelque chose de très intéressant qui aurait un effet structurant sur l'ensemble de l'économie. Il s'agit d'une mesure qui devrait être inscrite dans le droit de chacune des provinces et dans le droit canadien, puisque cela touche à la Loi sur les sociétés par actions de part et d'autre. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières tireraient avantage de son étude, et elles auraient le pouvoir de la suggérer.
(1200)
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

     La prochaine série de questions appartient au député Masse.
    Vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à vous, témoins, de votre présence.
    Quel sujet intéressant. Le comité de l'industrie s'est penché pour la première fois sur la question en 2002-2004, dans le contexte de la China Minmetals. À l'époque, nous n'avions aucun mécanisme de sécurité pour surveiller la Loi sur Investissement Canada. En fait, sur plus de 9 000 dossiers, aucun n'avait fait l'objet d'un examen ni n'avait été retiré du processus d'acquisition.
    De nos jours, nous tenons cette discussion. Il faut qualifier les choses de manière à ce que les gens comprennent. Je prends l'exemple de Rona. À quel point cette transaction a-t-elle été avantageuse pour le Canada? Lowe's a fait l'acquisition de cette chaîne et a fermé des magasins, éliminant ainsi une partie de la concurrence dont bénéficiaient les consommateurs.
    Parlons du détaillant Zellers. Zellers était rentable et offrait à ses travailleurs un salaire supérieur à ses concurrents. Target est arrivé des États-Unis et en a fait l'acquisition, puis s'est retiré du marché canadien, fermant tous les magasins Zellers. Résultat: une partie de la concurrence a été éliminée.
    Eaton's a été acheté par Sears. Nous savons que Sears a fraudé le régime de pension de ses travailleurs canadiens, fraude à propos de laquelle le gouvernement n'est toujours pas intervenu à ce jour. Ce sont les gens de la classe ouvrière qui ont écopé. Or, cette transaction a été autorisée sous le régime de la Loi sur Investissement Canada.
    D'autres exemples comprennent notamment Alcan, Inco, Falconbridge, Stelco et Electro-Motive, à London. Les transactions entourant MacDonald et Dettwiler posaient un problème. Nous nous y sommes opposés et les avons empêchées. Une prise de contrôle de la société de construction canadienne Aecon par des entreprises de construction chinoises a même été proposée à l'époque.
    Ironiquement, alors que je lutte depuis 1998 pour l'aménagement d'un nouveau passage frontalier dans ma région, cette transaction aurait empêché Aecon de construire le nouveau pont international Gordie-Howe, car les États-Unis ne voulaient pas que le gouvernement chinois s'en mêle. Ce passage frontalier est en fait en train d'être aménagé à l'heure où l'on se parle. Quarante pour cent des échanges commerciaux quotidiens entre le Canada et les États-Unis passent par là, ce qui correspond à quelque 10 000 camions par jour, pour une valeur d'environ 1 milliard de dollars.
    Si les Chinois avaient fait l'acquisition d'Aecon à l'époque, ce projet n'aurait jamais vu le jour. Du moins, la proposition d'Aecon aurait été refusée. Ainsi, sur les trois propositions obtenues à la suite de l'appel d'offres, il n'en serait resté qu'une seule. Encore une fois, cela élimine la concurrence.
    Nous sommes incapables de refuser qui que ce soit sous prétexte que nous avons un libre marché et qu'il n'est pas vraiment dans notre intérêt de déterminer qui seront les gagnants et qui seront les perdants. Cette philosophie du laisser-faire ne fonctionne pas très bien pour les Canadiens.
    Je pense au Régime de pensions du Canada, qui a investi dans les établissements privés de soins de santé destinés aux personnes âgées en Ontario et qui réalisait des profits alors que nous avons dû faire intervenir l'armée pour remettre les choses en ordre. Je pense à la Colombie-Britannique, où Anbang, qui, en réalité, appartient à l'État chinois, assure en ce moment la prestation de traitements et de soins à nos aînés parce que les Canadiens n'ont pas les moyens de le faire eux-mêmes ou parce que nous avons laissé à la discrétion de cette société les décisions entourant ses pratiques.
    Je constate que cette discussion ne tient compte ni des conséquences réelles au chapitre de l'emploi ni de l'importance d'avoir une stratégie qui va de pair avec le fait de livrer concurrence sur le marché mondial.
    C'est intéressant, surtout quand on sait que le Canada est l'un des rares États à ne pas avoir de stratégies sectorielles. Prenons l'exemple du secteur automobile, très actif dans ma région. Kia Motors, Volkswagen et d'autres qui se livrent concurrence au Canada sont fortement subventionnés par des gouvernements, soit par la voie d'investissements directs ou par l'entremise du régime de pensions de leurs employés. Sans compter les stratégies industrielles. D'ailleurs, même le Mexique, qui a récemment signé un accord avec les États-Unis — et on pourrait parler de Trump et de son attitude à l'égard de la réindustrialisation — est doté de stratégies nationales, notamment en matière de ressources. Pourtant, on s'attend à ce que nous oubliions tout cela et à ce que nous utilisions les pièces qui en proviennent.
    Ma question s'adresse à l'ensemble des témoins. Nous parlons de la Chine, mais qu'en est-il des sociétés de capital-investissement privées? Y a-t-il un intérêt pour la divulgation des investissements des Canadiens? Ne devrait-il pas y avoir plus de divulgation publique par les municipalités, les provinces et le gouvernement fédéral? Je pense notamment aux titres de propriété, aux déductions fiscales, aux crédits pour l'innovation et la recherche, de même qu'aux subventions directes, ce qui inclut la réduction de l'impôt des sociétés. N'est-il pas dans notre intérêt de garantir que ces entreprises sont contrôlées, à tout le moins dans une certaine mesure, par des intérêts canadiens? En outre, ne devrait-on pas faire passer ce test aux sociétés de capital-investissement privées ainsi qu'à l'État chinois?
(1205)
    Si quelqu'un veut répondre, je serai heureux de l'écouter. Sinon, je peux poursuivre mon intervention parce que la situation actuelle est simplement inacceptable. Il est absurde que nous soyons le seul pays industrialisé, je crois, à avoir adopté une politique du laisser-faire, c'est-à-dire que nous nous déchargeons essentiellement de nos responsabilités parce que nous les jugeons trop complexes.
    Monsieur Schwanen, voulez-vous répondre à la question?

[Français]

    Oui, monsieur Leblond.

[Traduction]

    Disposons-nous d'assez de temps?
    Oui.
    Vous disposez de 15 secondes.
    Je tiens à dire que la propriété étrangère en soi n'est pas vraiment la source du problème. De nombreux investissements canadiens ont échoué par eux-mêmes, y compris dans d'autres pays. La liste est longue.
    Il s'agit de savoir si l'investisseur canadien ou étranger suit les politiques, la réglementation et les lois canadiennes. Nous désirons tous que l'économie prospère. Il faut cependant déterminer si le fait d'être un investisseur étranger — par exemple, à cause de ceux qui sont à la tête de ces investisseurs — nuit réellement à la souveraineté du Canada et à sa capacité d'appliquer sa propre réglementation et ses lois du travail, entre autres, sur son territoire.
    Si ce n'est pas le cas, je pense qu'il faudrait accueillir les investissements étrangers. Tous les investissements peuvent porter de très bons fruits, mais beaucoup ne fonctionnent pas bien, et ce, qu'ils soient canadiens ou non.
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à la deuxième série de questions.
     La députée Gray parlera la première. Madame Gray, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie aussi tous les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
    Mes premières questions s'adressent à M. Burton.
    Monsieur, vous avez déjà dit que la relation du Canada avec la Chine est fondée sur la contrainte économique. Croyez-vous que cela signifie que le Canada serait moins susceptible d'examiner ou de rejeter les entreprises d'État chinoises et leurs tentatives d'acquisition des sociétés canadiennes?
    C'est une excellente question.
    J'estime que le levier économique préexistant dont dispose la Chine au Canada — d'importantes entreprises canadiennes font énormément de transactions commerciales avec des réseaux communistes chinois et par la même occasion influencent les décideurs, particulièrement, disons-le, au Cabinet du premier ministre — nuit à notre capacité d'examiner comme il se doit si certains investissements chinois chez nous seraient à l'avantage net du Canada. Cette situation donne notamment lieu à ce que le professeur Paris a qualifié de levier économique.
     En Grande-Bretagne à l'heure actuelle, comme le gouvernement envisage de ne pas utiliser la technologie de Huawei pour la mise en place du réseau 5G, l'ambassade chinoise a brandi la menace du retrait d'investissements chinois dans le secteur nucléaire britannique. Par ailleurs, lorsque les Australiens ont suggéré la tenue d'une étude indépendante sur les origines de la COVID-19 et la réponse de la Chine à cette pandémie, le gouvernement chinois a menacé de limiter les exportations de vin australien vers la Chine. Les Chinois ont déjà imposé des limites sur les exportations d'orge et de viande en provenance d'Australie et menacent maintenant le secteur du charbon et laissent entendre que les touristes et les étudiants chinois seraient dorénavant moins enclins à aller en Australie.
    Face à une situation dans laquelle, contrairement à d'autres États investisseurs, le gouvernement chinois utilise apparemment directement le levier économique des investissements qu'il possède déjà au Canada pour favoriser ses visées politiques, notre souveraineté est menacée. J'estime que cette menace vise également les investissements à venir et le processus d'examen pour savoir si nous devrions transférer à la Chine certaines technologies de pointe susceptibles d'avoir des applications militaires.
    Le gouvernement chinois a imposé de très nombreuses conditions au Canada, de façon directe et indirecte, laissant entendre que si le Canada ne se plie pas à la volonté du gouvernement chinois en ce qui concerne ses intérêts au Canada, la Chine retirera ses investissements, ce qui menace ni plus ni moins l'emploi et la prospérité des Canadiens. Bien franchement, il est très dangereux de traiter avec les Chinois.
(1210)
    Je vous remercie de cette réponse.
    J'ai une autre question.
    Vous avez également recommandé que le Canada cesse de coopérer avec le Département du travail du Front uni de Chine. Évidemment, il s'agit d'une entité du Parti communiste chinois.
    Pourriez-vous donner des précisions sur l'influence qu'a, d'après vous, ce département en ce qui concerne les projets d'investissement d'entreprises d'État chinoises au Canada?
     Le Département du travail du Front uni du Parti communiste chinois est chargé de faire en sorte que des gens n'appartenant pas au Parti respectent les objectifs et le programme de ce dernier, tant à l'échelle nationale, soit en Chine, que sur la scène internationale, notamment au Canada. Les gens d'origine chinoise sont particulièrement visés parce qu'ils peuvent être menacés par des agents du régime chinois en poste au Canada, notamment des diplomates. Certains décideurs canadiens clés sont également visés dans la mesure où on leur offre des avantages, explicites ou implicites, s'ils appuient certaines politiques qui servent davantage l'intérêt de la Chine que celui du Canada.
    Si j'ai bien compris, vous dites entre autres que le gouvernement du Canada n'a pas suffisamment réagi aux préoccupations exprimées par la GRC et le SCRS en ce qui concerne les activités de certains agents du gouvernement chinois qui font notamment des pressions, des menaces ou différents types de trafic d'influence dans le cadre de leur travail. Le gouvernement chinois ne souhaite pas que nous nous en mêlions. J'estime que nous devrions examiner de bien plus près les activités de certains agents du gouvernement chinois en poste au Canada et que les rapports qui ont apparemment été classés par le gouvernement devraient être mis en œuvre, parce qu'il faut vraiment protéger la souveraineté et la démocratie canadiennes.
    Merci.
    J'ai une autre question. Sous sa forme actuelle, la Loi sur Investissement Canada prévoit des seuils pour l'examen de l'acquisition d'une entreprise canadienne par une entité étrangère. Si l'entité acheteuse est une entreprise d'État, le seuil s'élève à 428 millions de dollars. Si la valeur de l'entreprise est inférieure au seuil fixé, il n'y a pas d'examen. On avise seulement de l'acquisition. Selon vous, quels mécanismes le Canada pourrait-il songer à ajouter ou à modifier dans la Loi sur Investissement Canada pour signaler ou peut-être filtrer certaines de ces formes d'acquisitions?
    Malheureusement, nous n'avons pas le temps d'entendre la réponse à votre question.
    Je souhaite simplement rappeler aux membres du Comité que le carton jaune signifie qu'il reste 30 secondes à leur intervention et que le carton rouge veut dire que leur temps d'intervention est écoulé. Nous désirons que tout le monde puisse prendre la parole. Je vous demande donc de bien vouloir respecter le temps de parole qui vous a été accordé, comme il a été convenu le 18 février.
    Sur ce, je cède maintenant la parole à M. Ehsassi, qui dispose de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Je remercie également chacun des témoins qui ont comparu devant le Comité.
    Je dois dire qu'un grand nombre de commentaires que j'ai entendus aujourd'hui m'ont laissé quelque peu perplexe, car ceux-ci n'ont presque pas fait mention de la Loi sur Investissement Canada. Bon nombre des questions qui ont été soulevées n'ont à peu près rien à voir avec les dispositions de la Loi sur Investissement Canada.
    J'aimerais commencer par poser une question à M. Burton.
    Monsieur Burton, pourriez-vous nous faire part de votre principale recommandation? Si j'ai bien compris, vous dites qu'il devrait y avoir un moratoire sur tous les investissements des entreprises d'État. Est-ce bien cela?
(1215)
    Non, uniquement sur ceux des entreprises d'État contrôlées par des pays totalitaires. Je pense que dans ce contexte, le seul pays qui nous préoccupe à l'heure actuelle est la République populaire de Chine.
    Comme vous vous y connaissez bien, si l'on examine le cadre juridique en vigueur dans de nombreux autres pays — et je suppose qu'il n'est qu'équitable que l'on regarde ce que font les pays semblables au nôtre —, y a-t-il, à votre connaissance, des pays qui envisagent d'interdire les investissements effectués par les entreprises d'État?
    En ce qui concerne la Chine, je pense que les parlements britannique, australien et indien, ainsi que le Congrès américain, mènent actuellement certaines études à ce sujet. Les études qu'ils effectuent sont comparables à celles que vous faites. À mon avis, il est encore trop tôt pour dire quel sera le consensus, mais je crois que les préoccupations relatives aux investissements prédateurs de la Chine au Canada dans un contexte marqué par la pandémie de COVID-19 sont quelque chose que d'autres pays suivent actuellement de très près.
    Monsieur Burton, vous dites essentiellement que nous devrions mettre en place un moratoire. Savez-vous s'il y a d'autres pays membres du G7 ou de l'OCDE qui envisagent sérieusement d'interdire complètement tous les investissements effectués par des entreprises d'État?
    Ceux en provenance de Chine, oui. Pas ceux d'autres pays.
    Pourriez-vous nous préciser quels pays envisagent sérieusement de telles mesures?
    Les États-Unis viennent de faire une annonce, hier, à ce sujet. Le Congrès envisage de prendre une telle mesure. L'Australie, l'Inde et le Royaume-Uni tiennent aussi actuellement des audiences parlementaires à ce sujet.
    En effet, mais chacun de ces pays réfléchit à la manière de renforcer son propre système. Ils ne proposent pas d'interdire complètement les investissements. Si le moratoire que vous préconisez venait à être adopté, monsieur Burton, pourrait-il selon vous y avoir des conséquences involontaires susceptibles de découler d'une interdiction complète des investissements?
    Nous envisageons un moratoire temporaire, sous réserve d'une étude plus poussée de votre part. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une mesure qui devrait être permanente, mais je pense que l'étude qui a été ordonnée pour examiner une telle possibilité est appropriée, étant donné les circonstances particulières entourant la COVID-19. Chose certaine, l'un des éléments inclus dans la motion est d'envisager d'imposer un moratoire temporaire, et j'appuie cette idée.
    Je pourrais comprendre un moratoire temporaire pour certains secteurs. Selon ce que j'ai entendu, il s'agit de la mesure envisagée par d'autres capitales. Cependant, de façon générale, je n'ai entendu personne parler d'une interdiction pure et simple.
    Monsieur Gagnon, si vous le permettez, j'aimerais maintenant vous poser une question. Je crois comprendre que vous parlez surtout de mesures provinciales qui peuvent être exploitées et utilisées. Pourriez-vous nous dire quelle est la pertinence de ces mesures provinciales par rapport à la Loi sur Investissement Canada? Autrement dit, la Loi sur Investissement Canada renferme-t-elle des dispositions qui ont nui à la capacité des organismes de réglementation provinciaux de faire ce qui s'impose?

[Français]

    Je ne parle pas particulièrement de mesures provinciales. Les mesures que l'on veut mettre en avant devraient toutefois être appliquées au provincial et au fédéral.
    Vous savez qu'il existe une loi provinciale, mais aussi une loi fédérale, sur les sociétés par actions. Quand on regarde l'ensemble des entreprises au Québec et ailleurs au Canada, on constate que certaines sont enregistrées en vertu du régime fédéral, mais d'autres, du régime provincial.
    Pour que certaines mesures soient appliquées à toutes les entreprises, il faudrait par conséquent modifier à la fois la législation fédérale et la législation provinciale.

[Traduction]

    Plus précisément, quel est le lien avec la Loi sur Investissement Canada?

[Français]

    Cette loi nous paraît insuffisante et elle serait inutile si ces mesures étaient appliquées comme nous le suggérons. On n'aurait pas besoin d'une loi comme celle-là si les autres lois pouvaient être modifiées de manière à permettre la protection des sociétés.

[Traduction]

    Merci.
    Merci.
    Passons au prochain tour de questions. Monsieur Patzer vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente. Mes questions s'adressent à M. Burton.
    Monsieur Burton, lorsqu'il est question de l'achat d'actifs canadiens par des sociétés d'État, je crois qu'il faut se poser la question suivante: si ce n'était de ces sociétés d'État, qui d'autre serait en place et chercherait à acquérir ces actifs? Je pense que c'est une question à laquelle les gens veulent une réponse. Sans les sociétés d'État, qui d'autre serait dans le coup?
(1220)
    Je dois avouer que ce n'est pas vraiment mon domaine d'expertise, mais je présume que, à moins qu'un actif canadien défaillant soit viable et rentable, seuls les États qui ont un intérêt géostratégique à acquérir cet actif feront l'investissement. Je crains que la Chine profite du taux de chômage et des difficultés économiques qui existent dans un certain secteur pour acquérir des actifs et qu'elle se serve ensuite de ces actifs comme levier pour atteindre d'autres objectifs géostratégiques. L'État dispose des ressources nécessaires pour l'accomplir. Si la Chine estime qu'il s'agit d'une priorité géostratégique nationale, elle le fera.
    Nous savons que la Chine procède déjà à d'importants investissements, fusions, acquisitions et investissements à l'étranger depuis janvier 2020 dans un grand éventail de pays et de régions — les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France, le Canada, l'Inde, Hong Kong, la Corée du Sud et l'Australie. L'État chinois a donc clairement la capacité de coordonner ses intérêts géostratégiques et peut intervenir dans ces pays en période de faiblesse économique et mener des activités d'investissement que nous pourrions considérer comme prédatrices.
    Si le Canada continue à investir directement ou indirectement dans les projets et les industries d'autres pays, quelles en seront les répercussions sur les industries canadiennes et les projets d'infrastructure au Canada?
    Je présume que tout investissement effectué par le Canada à l'étranger a pour but de réaliser des bénéfices et non d'imposer un programme politique non démocratique au pays concerné. Je ne dis pas que nous devrions empêcher les entreprises canadiennes de faire des investissements à l'étranger afin de conserver cette capacité au Canada, mais je vais m'en remettre à mes collègues, qui connaissent mieux l'économie internationale, pour répondre à ce genre de question.
    J'aurais une dernière petite question pour vous, monsieur Burton.
    Quel rôle les banques d'investissement étrangères, comme la Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures, jouent-elles dans l'acquisition d'entreprises dans le monde, que ce soit au Canada ou à l'étranger? Des projets de haut niveau axés sur le développement de ressources naturelles ont-ils été achetés par ce type de société?
     La Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures est une banque d'investissement dominée par la Chine qui se veut une solution de remplacement de la Banque mondiale et de la Banque asiatique de développement, dominée par le Japon. Elle semble principalement servir les intérêts du programme géostratégique de la Chine, le projet de la nouvelle route de la soie. Il n'y a pas de projets, disons, au Canada, mais nous avons versé une contribution substantielle à la Banque asiatique de développement, qui, à mon avis, sert davantage les intérêts de la Chine que ceux du Canada pour ce qui est des investissements en Asie.
    Merci de la précision.
    J'aimerais maintenant poser une question au représentant de l'Institut C.D. Howe. L'Institut C.D. Howe réclame une réforme en profondeur du processus d'examen des investissements étrangers directs. Vous avez précédemment déclaré que nous devrions aussi prendre en considération des modifications technologiques et stratégiques.
    Avec les grands changements technologiques à venir, comme la 5G, ainsi que les récentes restrictions en raison de la COVID-19, apporteriez-vous des modifications à vos recommandations, surtout en ce qui a trait à la sécurité nationale?
    Je crois effectivement que la sécurité nationale devrait être au cœur de la question.
    Nous avons également affirmé, en fait, qu'en examinant les investissements proposés sous l'angle de la sécurité nationale, peu importe le montant de l'investissement — même la somme d'un dollar provenant de M. ou Mme Tout-le-Monde, ce qui englobe un grand nombre de situations potentielles —, nous avons des lignes directrices pour expliquer ce que signifie « sécurité nationale », « infrastructure essentielle » et ainsi de suite. Nous pourrions élargir ces lignes directrices et obtenir les pouvoirs dont nous avons besoin, si on veut, ou expliquer clairement aux investisseurs étrangers ce que nous entendons par « sécurité nationale ». Cela pourrait englober beaucoup de situations.
    Cela explique pourquoi nous mettons l'accent sur la sécurité nationale et, de façon plus générale, sur la capacité du gouvernement du Canada — des gouvernements du Canada, en fait, puisqu'on inclut les gouvernements provinciaux — de veiller à ce que les investisseurs étrangers respectent nos lois, nos règlements et nos politiques, au même titre que les investisseurs canadiens. C'est la motivation derrière nos recommandations stratégiques.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Erskine-Smith pour notre prochaine série de questions. Vous avez cinq minutes.
(1225)
    Monsieur Burton, j'en conclus que vous considérez que tout investissement fait par des entreprises détenues par la Chine devrait être interdit pour le moment. Il devrait y avoir un moratoire sur tous les investissements, sans exception.
    Oui, ce que je dis, c'est que même les entreprises qui ne s'identifient pas d'emblée comme propriété de l'État chinois — et j'ai mentionné l'entreprise Huawei...
    Propriété de l'État ou associées à l'État, j'avais compris.
    C'est ma position.
    Comment peut-on réconcilier cette position avec l'accord signé en 2012 par l'ancien gouvernement conservateur, sous Stephen Harper, l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine qui disait vraisemblablement, il y a huit ans, que nous étions prêts à faire des affaires?
    Il est à craindre que le gouvernement de la Chine intente des poursuites contre le gouvernement du Canada si celui-ci décide de limiter les investissements de l'État chinois au Canada. Je crois que c'est fort probable.
    La question suivante est pour le représentant de l'Institut C.D. Howe.
     Dans vos observations, vous avez dit que l'énoncé de politique d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada était sensé. Selon vous, faudrait-il alors expliciter cet énoncé de politique au moyen de lignes directrices qui apporteraient des précisions?
    Oui, tout à fait. Ainsi, on rendrait les lignes directrices plus claires, et peut-être aussi plus avenantes. Dans l'énoncé en ce moment, si je ne m'abuse, il est question de sécurité alimentaire et sanitaire, ce qui est tout à fait normal, mais ce faisant, on ouvre aussi la voie à un examen approfondi de presque n'importe quel aspect sous prétexte de sécurité nationale.
    Je pense aussi que la sécurité nationale est l'optique à adopter. Il faudrait la définir et faire de même avec les industries stratégiques, en précisant ce que nous entendons par là. Voilà l'essentiel de mon propos.
    Aussi, si je puis me permettre, on ne devrait pas nécessairement s'en remettre aux spécialistes en sécurité. C'est-à-dire que les spécialistes en sécurité nationale, qui ont souvent le gros bout du bâton dans ce genre de discussions — à juste titre puisqu'ils sont les experts —, devraient préciser le genre de mesures d'atténuation qu'un investisseur étranger pourrait prendre ou proposer au gouvernement afin d'atténuer tout risque pour la sécurité nationale. Voilà ce que je voulais dire. Ne pourrait-on pas se donner des moyens de protéger l'économie canadienne tout en faisant preuve de plus de clarté et d'ouverture?
     Pour ceux qui n'ont pas à l'esprit l'énoncé de politique, le gouvernement a indiqué très clairement à la mi-avril que tous les investisseurs publics ou privés considérés comme étant étroitement liés à des gouvernements étrangers ou soumis à leurs directives feront l'objet d'un examen approfondi aux termes de la loi.
    Je retiens toutefois ce que vous dites. Le Comité pourrait fort bien recommander un plus grand degré de précision et nous pourrions expliciter davantage ces principes généraux, mais si je comprends bien, à votre avis le gouvernement est sur la bonne voie à cet égard.
    Oui, sans aucun doute. Il me semble qu'une personne a mentionné que d'autres pays ont également emprunté cette voie, mais qu’eux se montrent clairs, contrairement à nous. Voilà pourquoi une bonne partie de mon propos consiste à demander si nous ne pourrions pas préciser ce dont nous avons besoin.
    C'est logique.
    D'une certaine manière, favoriser les échanges commerciaux est très sensé. On m'a signalé que le secteur de l'énergie solaire n'est pas très développé au pays. Il y a pourtant des entreprises canadiennes désireuses de se doter d'installations solaires, notamment l'une des plus grosses installations de panneaux solaires en Alberta. Or, il y a un tarif douanier sur les panneaux solaires de Chine qui freine certaines initiatives canadiennes visant l'implantation de ce genre de gros projets.
    Vous avez déjà dit que nous commettrions une grave erreur en ne tendant pas la main à la Chine, monsieur Schwanen. Dans le même ordre d'idée, est-ce que vous appuieriez l'élimination des tarifs douaniers?
    J'appuierais n'importe quelle mesure qui vise à soutenir l'industrie canadienne et les énergies propres, en particulier. Par conséquent, dans la mesure où les droits de douane élevés empêchent le développement de cette industrie, j'appuie totalement leur réduction ou leur suppression, de façon générale.
    Ma dernière question s'adresse à vous, monsieur Schwanen. La situation est complexe étant donné que, de toute évidence, nous savons que la Chine est l'un des principaux partenaires commerciaux du Canada. C'est inévitable, compte tenu de la taille de l'économie chinoise. Toutefois, la Chine commet des violations des droits de la personne. Un certain nombre de pays violent les droits de la personne, et il est difficile de surveiller tous ces efforts à l'aide du commerce. Néanmoins, comment devrions-nous réagir quand on voit que la Chine est disposée à utiliser la dépendance économique du Canada et sa relation commerciale avec lui pour le punir d'avoir respecté la primauté du droit et d'avoir arrêté la dirigeante principale des finances d'Huawei, et qu'elle enlève et maltraite des citoyens canadiens?
(1230)
    Nous ne sommes pas ici pour rendre service à la Chine. Il va sans dire que certains échanges, voire certains investissements, peuvent encore être dans l'intérêt des deux pays, et nous devrions aller prudemment de l'avant avec ces derniers tout en limitant les autres.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous entamons maintenant le prochain tour de questions.
    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma question s'adresse à M. Gagnon, du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires.
    Vous avez mentionné dans votre intervention ce qui se fait à la Banque centrale européenne.
    Est-ce que, concrètement, nous devrions inscrire dans la Loi les parties prenantes, c'est-à-dire les actionnaires, les employés, les fournisseurs, les créanciers, les consommateurs, les gouvernements et l'environnement, de sorte d'englober l'intérêt supérieur de ces parties?
    On dit que de telles mesures amèneraient un changement dans la culture et le bon déroulement des pratiques de gouvernance des entreprises et de celles du Canada. C'est ce qui fait en sorte que les lois sont les plus efficaces possible. On comprend qu'une loi ne sert à peu près à rien si personne ne la respecte.
    On a compris au fil des ans que la Loi sur Investissement Canada a permis à l'État de refuser trois transactions depuis 2008. Ottawa a refusé la vente de MacDonald Dettwiler and Associates, de la Colombie-Britannique, à l'américaine Alliant Techsystems, Ottawa a refusé la vente de PotashCorp en 2010, et puis a refusé la vente d'Aecon en 2018.
    Vous voyez, ce que fait cette loi, c'est essentiellement de servir les intérêts du ministère de la Défense. Quand la gouvernance d'entreprise se porte bien, ce genre de questions ne se retrouvent pas entre les mains de l'État; elles se règlent en amont. Par ailleurs, il y a un avantage à assainir nos mœurs de gouvernance d'entreprise: c'est le meilleur moyen d'avoir des résultats à long terme sur ces questions.
    Je vous remercie, monsieur Gagnon.
    Parallèlement à cela, je veux revenir sur le premier point des cinq recommandations de Me Martel, soit celui de l'abolition des droits de vote de l'acquéreur.
    Pourriez-vous nous expliquer l'avantage que nous tirerions de la protection de nos parties prenantes?
    L'abolition de ces droits de vote met la décision de réinstaurer ceux-ci dans les mains des autres actionnaires, en attendant de voir comment va se dérouler l'acquisition de la société. Cela permet aux autres actionnaires soit d'annihiler le pouvoir que peut avoir le nouvel acquéreur, soit de s'organiser pour que ce pouvoir s'exerce à certaines conditions.
    Cela nous porte à réfléchir sur les modalités qu'il serait possible d'imposer aux acquéreurs, notamment des droits de vote multiple ou encore des mesures qui limiteraient les droits des entreprises étrangères sur le territoire canadien.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

     Le prochain tour de questions se poursuit avec M. Masse.
    Vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    De toute évidence, je ne crois pas que tous les investissements étrangers sont égaux. Monsieur Leblond, peut-être pourrez-vous répondre à cette question.
    Comment la vente de Rona à Lowe's a-t-elle aidé les consommateurs canadiens et le Canada en général? Vous pouvez peut-être nous l'expliquer. Je tiens à entendre le contraire de ce qui me préoccupe. Vous pouvez peut-être nous dire ce que vous en pensez, vous ou n'importe quel autre témoin. Je tiens à savoir expressément comment la prise de contrôle de Rona par Lowe's a aidé les consommateurs canadiens et le Canada en général.
    Je ne suis pas un expert qui a étudié l'acquisition de Rona. Je soulevais plutôt une question au sujet de ce qui est stratégique et de ce qui ne l'est pas.
    Je crois que vous avez soulevé la question de la création d'emplois et de ce qui arrive après un investissement. Vous avez mentionné un certain nombre d'investissements qui se sont ultimement soldés par un échec, que ce soit l'acquisition de Zellers par Target ou celle de Rona par Lowe's. La question que j'ai soulevée est la suivante: s'agit-il d'actifs stratégiques qui doivent être gérés séparément des autres entreprises?
    La loi, telle qu'elle est, permet de... De toute évidence, lorsque le gouvernement évalue l'avantage net, l'un des facteurs pris en considération est la création ou le maintien d'emplois. On peut se demander si on a bien évalué ce facteur au moment des acquisitions. C'est l'une des questions. Il y a aussi la question des engagements. On sait que la loi autorise le gouvernement à imposer des engagements. Dans une certaine mesure, c'est ce que le gouvernement du Québec a fait dans le cadre de l'acquisition de Rona.
    Après...
(1235)
    Il ne reste que quelques secondes. Je suis vraiment désolé, mais...
    La grande question est de savoir si on donne suite à ces questions et si on exige que ces entreprises respectent leurs promesses. À mon avis, c'est l'élément essentiel.
    Nous avons vu que, en ce qui concerne U.S. Steel, l'application de nos lois s'est avérée désastreuse, et des travailleurs se sont fait voler leurs pensions.
    Je ne crois tout simplement pas que tous les investissements étrangers sont sur un pied d'égalité.
    Merci, Madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer notre troisième série de questions.
    Nous commençons par M. Genuis.
    Bienvenue au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup. Je suis ravi d'être avec vous.
    Monsieur Burton, je pourrais peut-être commencer par vous poser diverses questions.
    Pouvez-vous expliquer brièvement et plus précisément comment les sociétés d'État fonctionnent en République populaire de Chine? Les gens pourraient voir une société d'État comme une entreprise dirigée par un conseil d'administration indépendant ayant pour mandat de réaliser le plus de profits possible. De façon générale, cette façon de voir pose peut-être problème lorsqu'il est question du système chinois. Nous supposons qu'il y a une sorte de séparation institutionnelle entre le secteur public et le secteur privé, et entre le secteur militaire et le secteur non militaire. Pourriez-vous donner votre avis sur la façon dont une société d'État peut mener ses activités en Chine, et sur la différence qu'il peut y avoir entre cette façon de faire et celle à laquelle nous sommes habitués?
    Il est très difficile d'établir une équivalence entre les sociétés d'État chinoises ou les grandes entreprises associées au gouvernement de la Chine et tout ce qui existe dans les pays libéraux et démocratiques, car ces entreprises sont étroitement liées aux ministères de l'État chinois dont elles relèvent. Elles doivent être dirigées par la division du Parti communiste chinois dont elles relèvent. Quand on examine l'organigramme de n'importe quelle de ces sociétés, y compris Huawei, on constate que la division du Parti communiste se situe plus haut que le conseil d'administration dans la hiérarchie.
    Selon cette perspective, ces entreprises visent généralement à répondre aux intérêts de l'État chinois, et elles sont donc en mesure de tirer profit de toutes les ressources à la disposition de ce dernier, y compris les renseignements militaires ou les autres ressources, afin de pouvoir s'adonner au cyberespionnage ou recueillir des renseignements sur la technologie et les activités économiques de leurs compétiteurs.
    Par exemple, au Canada, BlackBerry ne pourrait pas faire appel au Centre de la sécurité des télécommunications pour l'aider à découvrir ce que fait Samsung. Or, dans le contexte de la Chine, c'est une pratique normale qui est déjà intégrée. Tous fonctionnent de la même façon.
    Puis-je revenir sur cette question? Pourriez-vous parler brièvement de l'intégration entre le secteur commercial et le secteur militaire?
    Je crois que bien des gens seraient aussi surpris d'apprendre que des entreprises qui s'affichent comme des sociétés privées sont constamment à la recherche de toutes sortes d'applications militaires, et ce, à la demande des comités du parti. Ces recherches se sont intensifiées considérablement sous le gouvernement de Xi Jinping. Je ne parle pas seulement de certains secteurs en particulier. C'est une pratique exigée de tous les secteurs commerciaux au sein de l'économie chinoise.
    Le Parti communiste chinois dresse des plans quinquennaux comportant des objectifs pour l'avancement de ses intérêts dans les secteurs stratégiques clés, notamment la technologie. L'industrie participe donc à l'obtention de ces renseignements soit en concluant des accords commerciaux avec des entreprises étrangères en échange d'un transfert de propriétés intellectuelles ou de technologies, soit en subtilisant ces renseignements. Par exemple, des agents de l'État chinois font du cyberespionnage ou de l'espionnage traditionnel dans le cadre de tels échanges avec des entreprises ou des universités étrangères et on a découvert que des universitaires ayant des liens avec l'Armée populaire de libération avaient collaboré avec des Canadiens dans des secteurs clés sans faire connaître leur association avec l'Armée populaire de libération.
    Toutes les industries en Chine sont liées à ce système. Chaque ministère a un système et il en va de même pour l'armée. Bien des entités qu'on croit être des entreprises commerciales sont en fait des acteurs dont le principal mandat est de faire avancer les intérêts de l'appareil stratégique et militaire chinois. C'est une réalité bien établie.
(1240)
    Au sujet de votre recommandation concernant un moratoire sur les investissements provenant de toute entreprise d'État chinoise, serait-il possible, comme certains pourraient le suggérer, de dire que tel secteur pourrait avoir des applications militaires ou aurait une plus grande valeur stratégique contrairement à tel autre secteur, ou ce genre d'applications est-il plutôt possible dans un grand nombre de secteurs?
    Je crois que l'État chinois ne souhaitera vraisemblablement pas investir dans les industries et secteurs canadiens en déclin qui n'ont pas de valeur géostratégique pour les intérêts de la Chine, comme l'indique son processus de planification, qui est global et exhaustif. Je crois qu'il faut considérer tout investissement venant de Chine comme étant contrôlé par le Parti communiste chinois, ce qui est requis pour toute entreprise inscrite en République populaire de Chine. Je crois que nous constaterons que la plupart des investissements, pour ne pas dire tous les investissements, servent les intérêts de l'État chinois et n'ont pas seulement pour but d'accroître la profitabilité d'une entreprise au moyen d'un judicieux investissement fondé sur des considérations privées ou commerciales. Ils sont fondés sur des considérations étatiques.
    Merci beaucoup.
    Ce sera maintenant au tour de M. Longfield de poser la prochaine série de questions. Vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins.
    J'aimerais revenir à la Loi sur Investissement Canada, la question à l'étude aujourd'hui.
    Monsieur Schwanen, comme on l'a souligné plus tôt, le Canada a mis en place des mesures pour protéger les entreprises canadiennes contre les investissements ou les prises de contrôle par des entités étrangères face à la situation que nous vivons présentement en raison de la COVID-19. En ce qui a trait à la relance, quand saurons-nous qu'il est temps de rouvrir la porte aux investissements étrangers?
    La réponse courte est que cela dépendra du secteur. Comme vous le savez, certains secteurs prendront beaucoup de temps à se rétablir. Si vous adoptez une approche sectorielle et que vous dites que tel secteur est d'une importance cruciale et stratégique telle qu'une acquisition par une entité étrangère constituerait une menace pour la politique économique, la souveraineté ou la relance du Canada, alors vous pouvez prolonger la période d'attente dans ce secteur.
    J'aimerais revenir sur une observation générale que Patrick a faite au début de son exposé, c'est-à-dire que la situation actuelle pourrait donner l'occasion de se pencher sur des questions plus profondes, occasion qui s'offre d'ailleurs à de nombreuses entreprises. Ce serait peut-être un moment privilégié pour nous poser les questions suivantes: qu'est-ce qui est stratégique? Qu'est-ce que la sécurité nationale? Peut-être pourrions-nous avoir une vision plus large de ce que cela englobe.
    Je vous remercie.
    Vous avez parlé du risque de réagir de manière impulsive, et...
    Je m'en excuse.
    Vous n'avez pas à vous en excuser.
    J'ai siégé à de nombreux conseils d'administration internationaux d'entreprises œuvrant au Canada. J'y étais l'administrateur canadien, celui qui disait ce qu'on pouvait ou ne pouvait pas faire au Canada, et qui expliquait que la mise en œuvre des politiques ne se fait pas nécessairement de la même manière au Canada et dans l'Union européenne. Dans bien des cas, le conseil répondait simplement: « D'accord, c'est une particularité canadienne, nous le comprenons, mais pour faire tout notre [...] comment pourrions-nous procéder dans le contexte canadien? »
    Depuis le début de la séance d'aujourd'hui, nous avons beaucoup parlé de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et de la Loi sur Investissement Canada. Le Canada a des lois qui protègent les entreprises canadiennes et les empêchent de poser des gestes qui seraient illégaux au Canada. Pourriez-vous comparer rapidement la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur Investissement Canada, et nous dire comment elles peuvent être complémentaires?
    Elles sont complémentaires, en effet. C'est pourquoi l'exposé de M. Gagnon a grandement retenu mon intérêt. Il ne faudrait pas penser que les sociétés étrangères œuvrant ici peuvent bafouer les lois canadiennes. Comme M. Gagnon l'a mentionné, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont récemment apporté des changements qui permettent aux conseils d'administration d'examiner les répercussions d'un investissement étranger mieux qu'ils ne pouvaient le faire auparavant, de façon plus large. Ce sont des éléments complémentaires, ce qui signifie que la Loi sur Investissement Canada sert peut-être un objectif différent, axé sur la capacité du Canada à mettre en œuvre des politiques, sur sa souveraineté et sa sécurité nationale. C'est à cela que je voulais en venir. Toutes ces choses sont complémentaires, en effet.
(1245)
    Merci beaucoup.
    C'est ce que vous avez mentionné quand il a été question de la clarté des critères et de lignes directrices améliorées. Nous en avons pris bonne note en ce qui concerne la Loi sur Investissement Canada.
    Je passe maintenant à M. Leblond.
    Nate Erskine-Smith a mentionné une entreprise chinoise du secteur de l'énergie solaire qui oeuvrait au Canada. Il faisait peut-être référence à Canadian Solar, qui est installée à Guelph. Elle est confrontée à des droits de douane imposés par les États-Unis qui sont beaucoup plus élevés que dans le cas de la Chine. Il y a une politique nationale concernant les enjeux de sécurité; les enjeux relatifs à l'énergie, notamment à l'énergie solaire, pourraient faire partie des points que nous examinons... Les entreprises canadiennes ont connu une dépréciation récemment. Comment pouvons-nous trouver un juste équilibre entre le désir d'attirer des investissements dans cette industrie et les enjeux relatifs à la sécurité ou aux droits de douane?
    Il ne reste qu'une vingtaine de secondes, malheureusement.
    Probablement encore moins.
    La réponse, c'est que peu importe l'évaluation d'une entreprise, et que nous soyons dans une pandémie de COVID ou non. Je pense que si nous considérons quelque chose comme une question d'intérêt national ou de sécurité nationale, y compris l'impossibilité de nous procurer certains biens, qu'il s'agisse d'énergie solaire ou d'autre chose, eh bien, c'est une question de sécurité nationale. Je suis d'accord avec M. Schwanen que nous pouvons améliorer le processus, mais nous pouvons utiliser les dispositions de la loi pour le faire, et il importe peu qu'il y ait ou non une pandémie de COVID.
    Je suis tout à fait d'accord.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Rempel Garner. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'essaie d'aborder la question sous un autre angle. Au lieu d'examiner uniquement la question des moratoires complets ou de la baisse du seuil déclencheur d'un examen dans la Loi sur Investissement Canada, je veux me concentrer sur le point que vous avez soulevé, monsieur Burton, concernant certains pays qui pourraient se servir de différentes sociétés pour s'emparer de certains éléments d'une entreprise ou d'une industrie de façon à ne pas faire l'objet d'un examen. En utilisant ce concept et en le combinant à l'examen du cadre relatif aux visas, pourrions-nous envisager une politique voulant que si un pays fait telle ou telle chose — s'il prend des Canadiens en otage, par exemple —, alors nous pourrions inscrire ce pays sur une liste où tous les investissements réels ou potentiels feraient l'objet d'un examen de l'avantage net aux termes de la Loi sur Investissement Canada? Deux avantages en découleraient. Cela donnerait un atout au Canada dans une certaine situation, et cela permettrait sans contredit de tenir une discussion sur le bien-fondé ou non de cet investissement pour les Canadiens dans un cadre beaucoup plus clair. Est-ce quelque chose que nous pourrions envisager?
    J'ignore ce qu'il en est des aspects juridiques de cette question dans la législation canadienne ou de la façon dont vous la présenteriez, mais j'aime beaucoup l'idée des sanctions contre les régimes qui se livrent à des activités qui enfreignent l'ordre international fondé sur des règles. Nous ne traitons pas avec la Corée du Nord, par exemple.
    Je pense qu'il importe de faire quelque chose de semblable. Si nous constatons que ces compagnies sont associées à un État dont le comportement contrevient carrément aux principes de l'OMC — par exemple l'interdiction du canola canadien —, nous considérerons que ces compagnies sont tenues de se plier aux exigences de leur pays.
    Par ailleurs, ce qui nous préoccupe aussi beaucoup, c'est le respect par les entreprises étatiques chinoises de la réglementation canadienne en matière d'environnement et de travail, car ces entreprises agissent au Canada de la même façon que dans des pays où la réglementation est plus souple. Je crois que nous devons examiner la situation dans son ensemble...
    Exactement.
    ... et miser sur une évaluation exhaustive.
    Au cours des deux dernières années, j'ai observé comment les décisions de l'OMC n'ont pas force exécutoire ou sont enfreintes dans certains pays et comment cela se traduit essentiellement par des sanctions sur nos produits. Les commentaires à ce sujet ont toujours été que nous n'avons pas l'influence nécessaire. J'avance le contraire. Certains pays qui agissent ainsi veulent encore racheter des industries canadiennes qui ont une utilité stratégique pour eux.
    Étant entendu que nous ne voulons pas faire fuir complètement les investissements directs étrangers et que nous ne voulons pas être une république de bananes ou un endroit encore plus instable pour faire des affaires que nous le sommes sous le gouvernement actuel, nous aimerions néanmoins pouvoir dire que notre pays a fixé une limite à partir de laquelle nous refuserons de vendre nos mines.
    Le Parlement devrait-il envisager une telle approche?
(1250)
    J'estime que nous devrions certainement y songer et que nous devrions collaborer avec des alliés aux vues similaires comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis pour formuler des normes que nous appliquerions tous de sorte que la Chine ne pourrait pas choisir à son gré.
    En ma qualité de législatrice, quand je vois toutes ces histoires d'otages, de sanctions sur nos produits et d'infractions à répétition, j'ai de la difficulté à dire qu'il est acceptable que nous vendions certains biens stratégiques. À partir de quand disons-nous, comme législateurs, qu'on profite de nous et que, globalement, il n'est pas dans l'intérêt de notre pays de faire des affaires dans ce contexte?
    J'en reviens à ce que j'ai dit au sujet de la réciprocité et de l'équité. S'il n'y a pas réciprocité, pourquoi permettons-nous à la Chine de faire des choses au Canada que le Canada ne peut pas faire en Chine? Je pense que nous devons commencer à faire comprendre clairement au gouvernement chinois que les sociétés d'État chinoises doivent adhérer à des principes justes et réciproques.
    Je pense qu'il est peu probable que nous y parvenions avec le gouvernement chinois actuel et c'est pour cette raison que je suggère un moratoire temporaire pendant que vous examinez tous cette question de plus près.
    Merci beaucoup.
    Pour notre prochaine série de questions, nous donnons la parole au député Jowhari. Vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Monsieur Leblond, dans vos observations préliminaires et vos réponses à de nombreuses questions de mes collègues, vous avez parlé du fait qu'il est très difficile de définir ce qu'est une industrie stratégique. Vous avez parlé de la possibilité de songer davantage à une stratégie sectorielle.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Qui plus est, M. Schwanen a avancé l'idée que ce sont les sociétés de technologie de pointe qui vont nous sortir de la crise de la COVID-19. Je veux inclure ces deux idées dans une question complémentaire pour M. Schwanen.
    Pouvez-vous parler de la stratégie sectorielle et nous dire si le seuil y joue ou devrait y jouer un rôle?
    On a parlé plus tôt de politique industrielle et, en quelque sorte, de stratégies plus larges et globales qui cibleraient certains secteurs ou types de technologies, comme l'intelligence artificielle, par exemple. Nous assurerions un suivi et déterminerions les mesures à prendre pour promouvoir ces industries et encourager les investissements dans la recherche-développement et ainsi de suite.
    C'est une façon de faire, mais cela n'a rien à voir avec la Loi sur Investissement Canada. Si nous voulons modifier la loi pour les industries que nous considérons comme étant stratégiques, ce qui est en fin de compte une démarche politique, nous aurions intérêt à réduire les seuils pour les investissements étrangers, car c'est une question que nous voulons étudier plus en profondeur.
    Merci.
    Les petites et moyennes entreprises sont le moteur de l'économie canadienne et représentent environ 98 % de toutes les entreprises au pays. Au cours des cinq dernières années, nous avons réalisé d'importants investissements dans des organisations de divers secteurs: la fabrication de pointe, l'environnement et le secteur agroalimentaire. Beaucoup de PME n'ont ni des actifs de 489 millions de dollars ni des revenus de 1,07 milliard de dollars, mais on les développe de manière à les rendre attrayantes pour d'éventuels acheteurs. Elles sont à la recherche d'investissements, et ces investissements proviennent de partout dans le monde, pas seulement de la Chine.
    Qu'en dites-vous?
(1255)
    C'est difficile à dire.
    D'une certaine manière, on pourrait dire que les investisseurs étrangers ne peuvent pas acheter une entreprise canadienne à moins que celle-ci n'ait atteint une certaine taille, ce qui obligerait les investisseurs et les entrepreneurs à l'atteindre, mais cela imposerait également des contraintes importantes aux entrepreneurs. Ils pourraient ne pas vouloir attendre que leur entreprise vaille 5 milliards de dollars pour pouvoir la vendre. Dans ce cas, ils ne voudront peut-être pas la vendre, puis ils décideront d'aller aux États-Unis pour y faire des affaires. C'est là qu'ils obtiendront les capitaux dont ils ont besoin et qu'ils s'établiront.
    À mon avis, c'est exactement ce qui se passe. La plupart de nos investissements dans ces secteurs de développement profitent aux États-Unis pour toutes sortes de raisons. Comment devrions-nous réagir face à cette situation?
    Cette question fait partie d'un débat plus large, beaucoup trop long pour le temps que nous avons, et déborde en quelque sorte du cadre de la présente étude.
    Il y a par exemple la question du financement de la R-D par les gouvernements. Lorsqu'ils soutiennent les entreprises, notamment en leur accordant des crédits d'impôt, pour qu'elles mènent des activités de R-D et obtiennent des brevets, les gouvernements devraient-ils être copropriétaires de ces brevets? Devraient-ils posséder une part de ces entreprises et peut-être avoir leur mot à dire dans les décisions?
    Cela ne concerne pas tant la Loi sur Investissement Canada. Il s'agit en fait d'une approche différente pour obtenir au moins de l'argent du gouvernement. S'il s'agit de fonds privés, alors nous devons...
    Merci. Il me reste 30 secondes, et j'aimerais aussi beaucoup entendre M. Schwanen.
    Monsieur Schwanen.
    Je suis d'accord. Comme M. Leblond, je pense que quand le gouvernement investit dans une propriété intellectuelle ou dans une entreprise, il tient évidemment à ce que cet investissement fructifie pour le plus grand bien des Canadiens. Voilà pourquoi nous développons l'écosystème. Le Canada est actuellement très attractif pour la main-d'œuvre. C'est un aimant à talents. Concrètement, même lorsque des investisseurs étrangers acquièrent une entreprise d'ici, ils laissent les talents sur place. C'est ce qui se passe dans la région de Kitchener-Waterloo. Des entreprises montréalaises changent de main, mais gardent les talents à Montréal.
    Pour moi, c'est là ce qui compte au fond, et pas nécessairement la question de l'appartenance. Qu'une entreprise soit de propriété étrangère ne dessert pas forcément les intérêts stratégiques du Canada. Ça dépend. Quoi qu'il en soit, je comprends effectivement le gouvernement de vouloir protéger ses investissements dans des propriétés intellectuelles et des secteurs d'activité en imposant certaines restrictions.
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Lemire, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma prochaine question fait suite aux derniers échanges. Je pense qu'il y a moyen d'accueillir des investissements d'entreprises étrangères sans, nécessairement, leur céder le contrôle. À mon avis, ce pourrait être aussi simple que de permettre aux entreprises étrangères d'acheter les actions de n'importe quelle société — peut-être même en n'importe quelle quantité — sans leur accorder de droits de vote.
    Ma question s'adresse évidemment au représentant du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires. Que pensez-vous de cette idée, monsieur Gagnon?
    C'est effectivement une avenue possible. Elle soulève des questions d'ordre technique qui relèvent de la Loi, et il faudrait apporter des modifications substantielles à d'autres lois en plus de la Loi sur Investissement Canada.
    Cela se fait déjà puisqu'il existe des actions privilégiées qui sont axées sur le rendement de l'investissement et le versement de dividendes sans être accompagnées de droits de vote. On peut aisément imaginer un régime comme celui-là.
    Au cours du débat que nous avons eu aujourd'hui, il a été question d'un moratoire plutôt que d'une modification permanente de la Loi.
    Quelle est votre avis à ce sujet?
    À la suite de tout ce que nous avons pu entendre aujourd'hui, il est difficile d'entrevoir quels seraient les arguments qui feraient que l'imposition d'un moratoire ne devrait pas être permanente. Par exemple, les arguments invoqués pour justifier la méfiance envers la Chine ne disparaîtront pas après la crise.
     Comment pourrait-on justifier de modifier la Loi de manière temporaire à cause de la crise en fonction d'arguments basés sur des choses qui vont durer pour à peu près toujours? D'après ce qu'on comprend, la situation en Chine va durer longtemps; ce régime n'a pas l'air de s'affaiblir. Je vois mal comment on pourrait s'organiser pour que tout cela ait un sens, si ce n'était pas permanent.
    Dans le contexte actuel, le ministre a le pouvoir d'imposer des conditions pour protéger l'intérêt national. Qu'en pensez-vous?
    Ne devrait-il pas y avoir un peu plus de transparence dans la façon de rendre des comptes sur ces conditions qui sont imposées?
    Est-ce que le public devrait être davantage informé?
(1300)
    Oui, certainement. Vous avez mis le doigt sur un aspect important.
    Évidemment, nous voulons savoir quels sont les principes, les règles et les critères qui sont utilisés pour justifier le blocage d'une acquisition par une entreprise étrangère. Ensuite, nous voulons savoir lesquels ont été retenus et utilisés. Cela va augmenter non seulement le niveau de confiance des investisseurs canadiens, mais également celui des investisseurs étrangers qui seraient désireux d'investir dans une société canadienne.
    Il y a toujours un avantage à ce que les règles soient claires et à ce que les décisions qui ont été prises le soient elles aussi. Il faut qu'il y ait de la reddition de comptes à ce sujet.
    C'est tout à fait pertinent.
    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. Masse pour la prochaine série de questions.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Actuellement, la décision dans l'affaire Huawei est dans les limbes, pour ainsi dire. Qui ici voudrait qu'un fournisseur canadien de télécommunications — Rogers, par exemple — passe aux mains de Huawei? Compte tenu des scénarios présentés, y aurait-il des objections?
    Je suis curieux de savoir si quelqu'un s'opposerait actuellement à ce que Huawei puisse mettre la main sur une large part du marché canadien des télécommunications.
    Puis-je répondre?
    Bien sûr, il s'agit d'une discussion ouverte. Tout le monde est libre d'intervenir.
    Merci, monsieur Burton.
    Les liens sont très étroits entre l'armée chinoise et Huawei, dont le PDG est un ancien militaire. Il y a lieu de se demander pourquoi le gouvernement de la Chine s'oppose autant à l'extradition de la directrice des finances de Huawei aux États-Unis. C'est peut-être parce qu'il craint qu'elle apporte la preuve au gouvernement étatsunien de l'interrelation entre Huawei, l'armée chinoise et l'appareil de sécurité de la Chine.
    Nous redoutons qu'en installant un système, Huawei puisse apprendre des choses sur des infrastructures canadiennes névralgiques ou encore se servir de ses activités pour recueillir des données et se livrer au cyberespionnage, comme le gouvernement de la Chine l'a déjà fait en piratant le Conseil national de recherches et, auparavant, le Conseil du Trésor et divers ministères. Il y a vraiment de quoi s'interroger. Pour ma part, je n'aimerais absolument pas que Rogers soit rebaptisée Huawei.
    Il y a aussi un autre problème: même dans le cas d'une prise de contrôle de premier plan, il est difficile de forcer l'entreprise d'État à respecter ses engagements. C'est ce qui s'est passé avec Nexen: après quelque temps, malgré l'engagement de maintenir en poste les cadres de Nexen, on a remplacé les Canadiens par des éléments communistes chinois. C'est tout un problème.
    Vous avez demandé s'il faudrait laisser Huawei prendre le contrôle d'un grand fournisseur de services de télécommunications canadien. À cela je réponds non avec un grand n et plusieurs points d'exclamation.
    C'est assez clair.
    Y a-t-il quelqu'un d'autre qui aimerait dire quelque chose? Bien.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    C'est tout le temps dont nous disposions aujourd'hui.
    Je remercie les témoins de s'être joints à nous.
    La séance est levée.
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