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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 29 mai 2020

[Enregistrement électronique]

(1400)

[Traduction]

    Bonjour à tous. La séance est ouverte.
    Je vous souhaite la bienvenue à la 19e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes.
    Conformément à l'ordre de renvoi adopté le samedi 11 avril, le Comité se réunit pour entendre des témoignages au sujet des questions relatives à la réaction du gouvernement face à la pandémie de COVID-19.
    La séance d'aujourd'hui se tient par vidéoconférence, et nos délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
    Je voudrais rappeler aux témoins et aux membres du Comité d'attendre que je les nomme avant de prendre la parole. Quand vous êtes prêts à parler, activez votre micro, puis désactivez-le lorsque vous avez terminé. Quand vous parlez, exprimez-vous lentement et clairement pour que les interprètes puissent faire leur travail.
    Conformément à la pratique habituelle, je brandirai le carton jaune quand il reste 30 secondes à votre intervention et le carton rouge quand votre temps d'intervention est écoulé.
    Nous accueillons deux groupes de témoins séparés aujourd'hui. Le premier se compose de représentants du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada. Nous recevons M. Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada; M. Gregory Smolynec, sous-commissaire, Secteur des politiques et de la promotion, et Martyn Turcotte, directeur, Direction de l’analyse des technologies.
    Avant que je ne donne la parole à nos témoins, je crois que M. Masse voudrait intervenir.
    Allez-y, monsieur Masse.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais brièvement invoquer le Règlement relativement aux travaux du Comité.
    J'aimerais proposer la motion suivante, afin que nous puissions poursuivre notre travail sur la protection contre la fraude au Canada. La motion se lit comme suit:
    Que, tous les témoignages et les documents recueillis relatifs à l’étude de la Réponse canadienne à la pandémie de COVID-19 concernant les appels frauduleux soient aussi réputés avoir été recueillis par le Comité dans le cadre de son étude sur les Appels frauduleux au Canada.
    Cela nous permettrait d'inclure à nos travaux le contenu de nos dernières réunions sur la fraude, qui est pertinent. Je sais qu'il y a eu des discussions avec les partis dans l'espoir de procéder de cette façon.
    Je dépose donc cette motion et vous demanderais votre consentement afin qu'elle soit adoptée, si vous le voulez bien.
    La motion est soumise à débat.
    Madame la présidente, à ce sujet, comme je suis très attachée à la procédure, bien que j'appuie la motion de M. Masse, je remarque qu'il a invoqué le Règlement pour la déposer et qu'il faut dans ce cas le consentement unanime du Comité pour qu'elle soit déposée.
    Je regarde le greffier à l'écran, et je voudrais qu'il tranche à ce sujet pour éviter que nous établissions un précédent inapproprié ici. La motion ne me pose aucun problème, et je consentirais à ce qu'elle soit déposée dans le cadre d'un rappel au Règlement, mais je tiens à ce que nous suivions bien les règles.
(1405)
    Madame Rempel Garner, j'allais justement l'informer qu'on ne peut pas invoquer le Règlement pour déposer une motion, donc vous m'avez devancée. Merci, nous sommes bien d'accord à ce sujet.
    Cela dit, je crois qu'il ne voulait que déposer la motion et que cette allusion à un rappel au Règlement n'était qu'un ajout. Je la jugerai recevable.
    Sur ce, j'ouvre le débat, si quelqu'un veut intervenir.
    Je regarde le greffier. Concernant la procédure, peut-être que M. Masse pourrait simplement demander le consentement unanime du Comité pour pouvoir invoquer le Règlement, puis tout serait en ordre.
    J'ai vérifié auprès du greffier, et c'est la présidente qui prend les décisions, et non le greffier. Il n'aurait effectivement pas dû invoquer le Règlement pour cela.
    Sur ce, une motion nous est soumise. Je veux vérifier si vous voulez en débattre, faute de quoi nous procéderons au vote par appel nominal.
    Je vois qu'un analyste me fait signe.
    J'aimerais demander une précision à M. Masse.
    Vous parlez des témoignages concernant les appels frauduleux recueillis le 20 mai. Une grande partie des témoignages recueillis le 20 mai ne portait pas sur les appels frauduleux en tant que tels, mais sur la fraude relative à la COVID-19, une fraude qui a parfois pris la forme d'appels, mais bien souvent aussi de messages textes ou de hameçonnage sur le Web.
    Vouliez-vous parler seulement des appels frauduleux ou de toutes les formes de fraude liées à la COVID-19?
    De toutes les formes de fraude liées à la COVID-19. Je ne pense pas avoir mentionné de date. Le cas échéant, je m'en excuse.
    Ma motion vise les témoignages et documents recueillis. Je vous laisse le soin de trancher. Elle porte sur tous les témoignages recueillis lors des séances spéciales tenues dans le cadre de notre étude précédente.
    Merci, monsieur Masse, de cette précision.
    Comme personne d'autre ne semble vouloir intervenir, nous tiendrons le vote par appel nominal.
    (La motion est adoptée par 11 voix contre 0.)
    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Masse.
    Nous entendrons maintenant les exposés des témoins.
    Monsieur Therrien, vous avez sept minutes pour nous présenter votre déclaration.

[Français]

     Madame la présidente, je vous remercie, ainsi que les membres du Comité, de votre invitation à venir discuter des applications de localisation, l'un des moyens à l'étude au Canada et ailleurs pour contribuer à un retour sécuritaire à une vie plus normale. Il est à noter que l'expression « application de traçage », ou application de localisation, est utilisée dans le discours public pour décrire différentes applications mobiles servant d'outils de santé publique. Certaines sont conçues pour faire un suivi des contacts, d'autres ont comme objectif d'informer les utilisateurs et de leur donner des conseils en fonction de leur niveau de risque. Le but d'une application est important aux fins de la vie privée.
    En cette période de crise sanitaire liée à la COVID-19, la santé et la sécurité des Canadiens sont des préoccupations majeures. Il est normal que les gouvernements et les autorités de santé publique cherchent des moyens, y compris technologiques, pour mieux comprendre et circonscrire la propagation du virus. Dans ce contexte, le Commissariat a adopté une approche flexible et contextuelle dans son application des lois sur la protection des renseignements personnels. Nous croyons fermement qu'il est possible d'utiliser la technologie pour protéger à la fois la santé publique et la vie privée. La technologie en soi n'est ni bonne ni mauvaise. Tout dépend de la façon dont elle est conçue, utilisée et réglementée.
    Bien conçues, les applications de localisation pourraient simultanément réaliser les deux objectifs de santé publique et de protection des droits. Mises en œuvre de manière inadéquate, par contre, elles pourraient entraîner une surveillance étatique ou commerciale qui outrepasserait les besoins de santé publique, violant ainsi nos droits fondamentaux.
(1410)

[Traduction]

    Je vais maintenant essayer de passer à l'anglais. Je ne vois pas de bouton de langue sur mon écran. Je vois le microphone et la caméra, mais pas d'option de langue.
    Est-ce que cela fonctionne, même si je parle actuellement en anglais?
    C'est peut-être en haut à droite, monsieur Therrien. Il devrait y avoir trois points.
    Pouvons-nous vérifier si tout fonctionne bien pour l'interprétation?
    Monsieur Therrien, pouvez-vous prononcer quelques mots en anglais?
    Oui. Je m'apprête à parler de l'importance de la conception des applications.
    Malheureusement, cela ne fonctionne pas pour l'interprétation. Si vous pouvez attendre un instant, je vais arrêter le chronomètre.
    Monsieur Therrien, nous sommes en train de vérifier avec l'équipe technique. Comme vous n'utilisez pas la chaîne anglaise quand vous vous exprimez en anglais, l'interprétation ne suit pas. Nous ne pouvons pas continuer avant d'avoir corrigé cela.
    Je vais suspendre la séance un instant, pour que l'équipe technique règle cela avec vous.
(1410)

(1422)

[Français]

    Monsieur Therrien, vous pouvez continuer votre discours, s'il vous plaît.
    Madame la présidente, je n'ai pas la version française du reste du discours. Je suggère que mon collègue, M. Smolynec, lise la fin du discours en anglais. Je répondrai ensuite aux questions en français, peu importe la langue dans laquelle elles seront posées.
    C'est parfait. Je vous remercie.

[Traduction]

    Je poursuivrai la déclaration du commissaire. Une bonne conception des outils technologiques, tels que les applications de traçage, passe par le respect de certains principes clés en matière de protection de la vie privée. Le Commissariat a recommandé ces principes dans le « Cadre d'évaluation des initiatives en réponse à la COVID-19 ayant une incidence importante sur la vie privée » puis dans une déclaration commune présentée par les commissaires à la protection de la vie privée des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur les applications de traçage des contacts.
    Comme le temps est limité, je me concentrerai ici sur six de ces principes.
    Premièrement, la finalité: les renseignements personnels recueillis au moyen des applications de traçage devraient être utilisés pour les fins prévues visant la protection de la santé publique et pour aucune autre fin.
    Deuxièmement, ces applications doivent respecter les principes de nécessité et de proportionnalité, c’est-à-dire être fondées sur la science, nécessaires à une fin particulière, adaptées à cette fin et susceptibles d’être efficaces.
    Troisièmement, il doit y avoir une assise juridique claire pour justifier l’utilisation de ces applications, et l’utilisation devrait être volontaire, car cela est important pour garantir la confiance des citoyens. L’utilisation de ces applications devrait donc être fondée sur le consentement, et le consentement doit être valable.
    Quatrièmement, ces mesures exceptionnelles devraient être limitées dans le temps. Tout renseignement personnel recueilli pendant la période en cours devrait être détruit à la fin de la crise, et les applications devraient être mises hors service.
    Cinquièmement, la transparence: les gouvernements devraient indiquer clairement le fondement et les modalités se rapportant à l’utilisation de ces applications. Ils devraient réaliser des évaluations des facteurs relatifs à la vie privée ou des analyses rigoureuses de protection de la vie privée, les soumettre à l’examen des commissaires à la protection de la vie privée et en publier de façon proactive un résumé en langage clair.
     Sixièmement, la responsabilité: les gouvernements et les entreprises devraient être tenus responsables de la façon dont les renseignements personnels sont recueillis, utilisés, communiqués et sécurisés. Une surveillance exercée par un tiers indépendant, par exemple par un commissaire à la vie privée, renforcerait la confiance des citoyens.
    Bien que les gouvernements aient insisté sur l’importance de protéger la vie privée dans la conception d’applications de traçage, plusieurs des principes que j’ai mentionnés ne sont pas des exigences juridiques prévues dans les deux lois fédérales sur la protection des renseignements personnels. Ainsi, par exemple, rien n’empêche actuellement une entreprise de proposer une application qui n’est pas fondée sur des données probantes et d’utiliser l’information à des fins commerciales qui n’ont aucun lien avec la protection de la santé. L’entreprise n’aurait qu’à obtenir le consentement des intéressés, ce qui est fait souvent au moyen d’énoncés rédigés en des termes incompréhensibles. Un gouvernement pourrait également établir un partenariat avec cette entreprise.
    La crise sanitaire actuelle a clairement montré que les technologies peuvent jouer un rôle très utile pour rendre sécuritaires des activités essentielles. La présente réunion porte sur le traçage des contacts, mais les avantages pourraient être beaucoup plus vastes: pensons par exemple à la télémédecine ou à l’éducation en ligne.
    Ce dont nous avons besoin, plus que jamais, ce sont des lois qui permettent aux technologies de procurer des avantages dans l’intérêt du public sans créer de risques de violation des droits fondamentaux, comme le droit à la vie privée. De plus, en raison du rôle croissant des partenariats public-privé dans la gestion de crises telles que celle de la COVID, des principes communs doivent s’inscrire dans les lois applicables au secteur public et au secteur privé.
    Merci. Cela vient clore notre déclaration.
(1425)
     Merci beaucoup. Nous entamerons maintenant la période de questions.
    Dans un premier temps, les intervenants auront six minutes. Je donne d'abord la parole à Mme Rempel Garner.
    Je remercie infiniment nos témoins. Je vous remercie de tout le travail que vous faites afin de protéger les Canadiens en ces temps de crise. Je vous remercie du cadre que vous avez adopté proactivement en ce qui concerne la protection de la vie privée et le traçage des contacts.
    Monsieur Therrien, avez-vous absolument confiance que les lois actuelles du Canada en matière de protection des renseignements personnels protègent les Canadiens en cas d'atteinte à la vie privée dans une application de traçage des contacts?
    Non.
    Mon commissariat répète depuis des années qu'il faut moderniser et renforcer notre cadre juridique, et la crise actuelle montre hors de tout doute qu'il faudra accélérer la révolution technologique qui était déjà entamée avant la COVID.
    Cette accélération nécessitera un cadre juridique encore plus fort.
    Y a-t-il un ministère fédéral qui travaille directement, activement avec votre commissariat pour rectifier ces lois avant qu'une application de traçage des contacts soit « vivement » recommandée, comme le premier ministre le disait dans une conférence de presse la semaine dernière?

[Français]

     Je devrais peut-être répondre en français, compte tenu du problème d'interprétation que nous avons connu.
    C'est parfait.
    Nous n'avons pas été consultés par le gouvernement au sujet d'applications de localisation comme telles. Des gens du gouvernement nous ont mis en contact avec des membres de l'institut de recherche Mila. Nous avons donné aux gens de cet institut, à leur demande, des conseils concernant la conformité de leur application avec la loi fédérale. Cependant, nous n'avons pas échangé avec le gouvernement et nous n'avons eu à le conseiller ni sur une application ni sur le cadre juridique applicable. Cela ne veut pas dire qu'on ne s'adressera pas à nous.

[Traduction]

    Le gouvernement vous a-t-il indiqué d'une manière ou d'une autre qu'il avait l'intention d'accepter le cadre que vous avez recommandé pour protéger la vie privée avant qu'il ne recommande une application de traçage des contacts?

[Français]

    Nous avons discuté avec des fonctionnaires du gouvernement du cadre entourant les applications de localisation. Ils nous ont indiqué vouloir travailler dans ce cadre. Cependant, ils nous ont rappelé que notre cadre d'évaluation allait au-delà de la loi actuelle à certains égards, ce qui est vrai, et qu'au bout du compte, le gouvernement devrait se conformer à la loi. Ils ont donc laissé entendre que certains principes de notre cadre d'évaluation pourraient ne pas être appliqués étant donné qu'ils allaient au-delà de la loi actuelle.
(1430)

[Traduction]

    Monsieur Therrien, comme vous déplorez la faiblesse des lois du Canada sur la protection des renseignements personnels, actuellement, estimez-vous qu'il serait exact de dire que si un gouvernement recommandait vivement l'utilisation d'une application de traçage des contacts à l'heure actuelle, les Canadiens devraient choisir entre leur vie privée et la santé publique?

[Français]

    Je n'irais pas aussi loin que cela. Je dirais qu'il serait grandement souhaitable que le cadre juridique soit amélioré, particulièrement dans le contexte de la COVID-19. Comme nous l'avons dit dans notre allocution, on peut penser qu'une application conçue correctement selon le principe de protection de la vie privée dès la conception, que nous avons fait valoir, pourra protéger correctement la vie privée tout en protégeant la santé publique. Il est très souhaitable que la loi soit modifiée, mais...

[Traduction]

    Comme le premier ministre a dit qu'il est sur le point de recommander vivement une application de traçage des contacts, à quel point avez-vous confiance actuellement qu'une application pourra voir le jour dans le contexte idéal que vous avez décrit, c'est-à-dire celui d'une loi renforcée pour protéger la vie privée?

[Français]

     Je pense qu'il est peut-être un peu prématuré de tirer des conclusions. Cela dépendrait de la façon dont est conçue l'application en question. Encore une fois, nous n'avons pas été consultés directement par le gouvernement sur quelque application que ce soit. Cependant, nous pourrons répondre à votre question une fois que nous aurons pu étudier la conception de l'application proposée.

[Traduction]

    Le fait que le gouvernement n'ait pas communiqué proactivement avec vous sur cette question vous inquiète-t-il? On pourrait s'attendre à ce qu'il tende plus proactivement la main à votre commissariat, si une bonne conception de ces applications passe par le respect des lois sur la protection de la vie privée, comme vous l'avez décrit.
    La bonne conception de ces applications passe-t-elle par le respect des lois sur la protection de la vie privée?

[Français]

    Nous avons offert nos services. Nous aurions évidemment préféré que le gouvernement ait déjà commencé à nous consulter en lien avec la conception d'une application. Nous entendons les fonctionnaires et les ministres parler du nombre d'intervenants qui sont impliqués, dont les provinces. Il est donc concevable que le gouvernement ne soit pas encore prêt à nous consulter.
    Monsieur Therrien, je suis désolée, mais le temps est maintenant écoulé pour le présent tour de questions.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant M. Erskine-Smith.
    Vous avez la parole pour six minutes.
    Monsieur le commissaire, je suis très content de vous revoir. Je crois moi aussi que le gouvernement doit vous consulter proactivement dans le processus de conception de ces applications et que s'il doit prendre le leadership, il doit le faire en partenariat avec les provinces. Je pense que c'est très important.
    J'aimerais vous interroger sur les principes sur lesquels vous vous appuyez. Je suis d'accord avec presque tous les éléments de cette liste. Ce que vous dites sur la finalité de ces applications est très censé. Vous dites que la collecte de données doit être nécessaire et proportionnelle à l'enjeu; ce doit évidemment être une restriction clé. Je conviens aussi qu'il doit y avoir une assise juridique claire, j'y reviendrai. Je suis d'accord pour dire qu'il doit y avoir une limite de temps, de même que de la transparence, de la responsabilité et de la surveillance. Je pense que votre commissariat devrait participer à cette surveillance.
    Vous avez évoqué la nécessité d'une assise juridique claire. Dans votre déclaration conjointe avec les autres commissaires à la protection de la vie privée, puis de nouveau ici aujourd'hui, vous avez mentionné que l'utilisation de ces applications doit être fondée sur le consentement, puis être totalement volontaire.
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée qu'il faille adhérer au système plutôt que de s'en soustraire. Serait-il suffisant de simplement pouvoir dire non s'il n'y avait pas moyen d'y adhérer volontairement, qu'on ne pouvait que s'en soustraire, et que le taux d'adhésion n'était pas assez élevé pour que le système fonctionne?
(1435)
    Je dois dire que vous posez très bien la question de l'assise juridique, du consentement et du caractère volontaire de la démarche.

[Français]

    En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, le consentement est nécessaire.
     Par contre, si l'application est utilisée par les gouvernements provinciaux, par exemple par les autorités provinciales de santé publique, il est possible que ce consentement ne soit pas juridiquement nécessaire. Cela dit, la raison essentielle pour laquelle mes collègues commissaires provinciaux et moi-même recommandons le consentement — ce sera donc volontaire — est pour augmenter la confiance des gens concernant l'application. On ne peut pas concevoir que des gens fassent confiance à une application qui ne leur laisse pas le choix de donner leur consentement ou non.

[Traduction]

    Je conviens qu'il doit y avoir de la confiance et qu'il faut préserver la vie privée autant que possible. Je suis d'accord avec les principes que vous énoncez. Cependant, qu'on pense au protocole DP-3T ou TCN, je pense qu'il y a d'autres façons de protéger la vie privée.
    Je m'interroge, toutefois. Dans votre déclaration, vous avez dit qu'il faudrait utiliser des données dépersonnalisées ou agrégées dans la mesure du possible, à moins que ce type de données ne permettent pas d'atteindre l'objectif déterminé. Selon cette logique, nous adhérerons à ces principes jusqu'à ce qu'il s'avère que, tout compte fait, pour protéger l'intérêt public, l'application ne permettra pas d'atteindre l'objectif déterminé si les seuls participants sont ceux qui y adhèrent. Si, à la place, les gens devaient se soustraire du système pour qu'on atteigne le taux d'adhésion nécessaire, seriez-vous contre l'idée?
    Je ne sais pas trop comment cela peut fonctionner concrètement.
    Par exemple, lors d'une autre séance de notre comité, j'ai demandé aux gens de Google si l'application pourrait être installée sur les téléphones des gens lors d'une mise à jour du système d'exploitation. Les gens auraient alors le choix d'accepter ou non, mais ce serait automatique, et chacun pourrait choisir de s'en soustraire. Ce pourrait être une façon de faire.

[Français]

     Essentiellement, les gens auront le choix de voyager, de se mouvoir dans la société, avec ou sans téléphone. On revient alors au fait que, en pratique sinon légalement, l'utilisation volontaire de l'application et le consentement sont nécessaires, me semble-t-il. Ils sont aussi nécessaires pour créer une certaine confiance.

[Traduction]

    Comme il ne me reste que quelques minutes, pouvez-vous dire au Comité où vous en êtes dans votre poursuite contre Facebook?
    Oui, mais je devrai être prudent, évidemment, parce que la Cour fédérale est saisie de l'affaire.

[Français]

    Après le rapport d'enquête conclu au printemps 2019, nous avons, au tout début de 2020, saisi la Cour fédérale du Canada de l'affaire pour lui demander essentiellement d'ordonner à Facebook de se conformer à nos recommandations.
    Comme vous le savez, en vertu des lois actuelles, nous n'avons pas le pouvoir de contraindre Facebook à accepter nos recommandations. C'est pourquoi nous avons saisi la Cour fédérale de notre demande au début de 2020.
    Facebook a décidé de déposer une requête pour casser notre demande en Cour fédérale. Notre demande pour que la Cour fédérale ordonne à Facebook de se conformer à nos recommandations et la requête de Facebook de casser nos efforts sont donc présentement devant la cour.
(1440)

[Traduction]

    Je manque de temps, monsieur Therrien.
    J'ai déjà indiqué qu'à mon avis, Facebook a contrevenu à la loi. L'entreprise le nie, mais il se trouve qu'elle l'a fait, selon vous, de toute évidence. Je pense que ce sera aussi l'avis de la Cour fédérale.
    J'ai la même opinion à l'égard de Clearview AI, et je vous encourage à déployer tous les efforts nécessaires au Commissariat contre Clearview AI, qui a manifestement enfreint les lois du Canada sur la protection des renseignements personnels.
    Merci beaucoup.
    Merci.
    Merci. Nous entamons une autre série de questions.

[Français]

    Madame Gaudreau, vous disposez de six minutes.
    Bonjour, monsieur Therrien. Je suis très heureuse de vous entendre aujourd'hui.
    Bonjour.
    Je suis très préoccupée par le défi auquel nous faisons face en matière de santé publique et de protection de la vie privée.
    Je siège également au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Ainsi, ce qui me préoccupe beaucoup, c'est la possibilité qu'une entreprise, quelle qu'elle soit, puisse proposer des applications actuellement.
    Nous savons que des moyens existent pour rendre anonyme et agréger l'ensemble des données.
    Cela étant dit, quelles seraient précisément les assises juridiques que nous devrions prioriser en ce moment même, en tant que législateurs, dans cette urgence sanitaire?
    À mon avis, nous pouvons procéder en deux temps.
    Comme je le disais, même en vertu de nos dispositions législatives déficientes actuelles, si une application était bien conçue, cela pourrait fonctionner.
    Cela étant dit, un groupe qui s'appelle CIFAR, un institut de recherche mandaté par la Dre Mona Nemer, la scientifique en chef du premier ministre, a recommandé qu'il y ait une loi spécifique visant les applications de localisation. Cette loi reprendrait grosso modo les principes adoptés avec nos collègues provinciaux, et donnerait aux commissaires fédéral ou provinciaux un rôle de contrôle, de chien de garde, pour ce qui est de l'application de ces principes.
    Il serait souhaitable de modifier la loi. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il est nécessaire de le faire immédiatement, mais dans un avenir rapproché. Ces modifications viseraient non seulement les applications de localisation, mais aussi d'autres usages de la technologie qui sont nécessaires et très utiles pour la société. On n'a qu'à penser à la télémédecine, par exemple, qui est de plus en plus utilisée dans le contexte de la COVID-19.
    Il est extrêmement utile pour la société d'avoir ce genre de moyen, mais qu'en est-il de la confidentialité des conversations entre patients et médecins sur des plateformes numériques?
    La loi est absolument déficiente pour protéger les renseignements personnels.
    Tout à fait.
    Il faut donc modifier la loi prochainement, sinon immédiatement.
     Si je comprends bien, on parle de la décorrélation du numéro d'assurance sociale et de privilégier une identification numérique qui nous permettra de protéger la vie privée des gens. Comme vous l'avez déjà mentionné à plusieurs reprises, les données personnelles de 30 millions sur 37 millions de Canadiens sont en circulation et peuvent être utilisées. La fraude nous le démontre bien.
    J'aimerais que vous nous parliez de l'urgence de travailler à cela. Vous en parlez au gouvernement depuis plusieurs années. Malheureusement, d'une loi à l'autre, on passe tout droit.
    Qu'en pensez-vous?
    Comme vous le dites, nous suggérons depuis des années que la loi fédérale soit modifiée. Or c'est encore plus urgent dans le contexte de la COVID-19 et de l'utilisation croissante de la technologie à des fins très utiles, mais qui exposent les personnes à des risques. C'est l'un de nos messages importants, aujourd'hui.
     Vous parlez de l'identité numérique. C'est un aspect. On a vu par le passé que l'identité numérique fondée sur un numéro d'assurance sociale ne protégeait pas très bien les Canadiens. Dans le cadre d'une réforme législative, il faut donc se pencher sur cette question. Cela dit, cette question n'est pas simple. Les moyens modernes pour protéger l'identité pourraient se fonder, entre autres, sur la biométrie. Or l'utilisation de la biométrie soulève aussi des questions de vie privée. Il faut aussi travailler à cela.
(1445)
    D'accord.
    J'aimerais maintenant poser une question sur ce qui a été mis en œuvre à Statistique Canada pour mesurer le niveau de confiance. Vous savez également que notre niveau de confiance concernant la gestion de nos données est très faible.
    Que pensez-vous des résultats, qui seront publiés en juillet, concernant la confiance que les Québécois et les Canadiens ont envers le gouvernement, entre autres, et qui pourraient nous permettre de faire des choix rapides?
    Parlez-vous des suites de l'enquête que nous avons faite au sujet de Statistique Canada?
    En fait, je parle de l'enquête sur le niveau de confiance des gens qui est en cours et qui vient d'être annoncée. Les résultats seront publiés en juillet.
    Je ne suis pas certain d'avoir vu ce à quoi vous faites allusion, mais une des choses que la COVID-19 a démontrée, c'est que le secteur privé et le secteur public travaillent ensemble au sujet de l'utilisation des données, ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose.
    Par exemple, on voit que le gouvernement fédéral et les provinces tiennent des discussions avec différents développeurs, dont Google, Apple et beaucoup d'autres. Il y a donc une collaboration entre le secteur privé et le secteur public dans le traitement des données. Puisque les données voyagent entre les deux secteurs, cela nous amène à la conclusion qu'il faudrait modifier non seulement la loi du secteur privé, qui a fait l'objet de nombreuses discussions au fédéral depuis des années, mais aussi la loi du secteur public. C'est très important...
    Je suis désolée, mais vous êtes à court de temps.

[Traduction]

    Je donne la parole à M. Masse.
    Vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Encore une fois, je vous remercie, vous et l'ensemble du Comité pour la motion adoptée un peu plus tôt afin d'aider les Canadiens à combattre la fraude. Je vous en suis reconnaissant.
    Je commencerai par cette question: en 1983, quand la Loi sur la protection des renseignements personnels a été adoptée et que nous avons créé le régime actuel, nous avions encore des disquettes. Nous avions encore principalement des dossiers papier et tout et tout. Il n'y a pas eu de réforme en profondeur de la loi depuis. On a tenté de la modifier à deux reprises, je crois, en 2010 ou en 2011. Un projet de loi avait alors été déposé, mais le Parlement ne l'a jamais adopté, de sorte que nous sommes aux prises avec un outil désuet pour protéger le public.
    Je pense que tout le travail du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada depuis que j'ai été élu député est formidable. Il joue un rôle important pour défendre les droits des citoyens et l'économie. Je dirais qu'il a même permis de stimuler l'investissement dans les nouvelles technologies dans certains secteurs.
    Premièrement, si l'on va de l'avant avec l'initiative de traçage des contacts, aurez-vous le pouvoir de bien distinguer les forces et les faiblesses exactes des diverses applications? Deuxièmement, seriez-vous favorable à ce que le Parlement puisse se réunir rapidement pour adopter un projet de loi afin d'accorder des pouvoirs particuliers pour protéger la population contre une mauvaise utilisation des données issues du traçage des contacts? Seriez-vous prêts à l'envisager, plutôt que de devoir vivre avec les faiblesses de la loi actuelle?

[Français]

     De toute évidence, il serait nettement préférable que les lois soient modifiées. J'ai parlé des transferts de données entre les secteurs public et privé, mais il y a aussi la question actuelle des transferts entre le fédéral et les provinces. C'est un monde très complexe, avec plusieurs intervenants, et l'adoption de principes communs pour l'ensemble de ces derniers serait extrêmement utile pour mieux gérer les transferts et l'utilisation des données tout en respectant la vie privée.
    Dans l'état actuel des choses, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada n'aurait compétence que si un ministère fédéral utilisait des données. Cette possibilité n'est pas évidente, puisque le gouvernement fédéral dit qu'il veut privilégier une application dont la mise en œuvre pourrait incomber aux provinces. Si aucun renseignement personnel n'est recueilli par une institution ou un ministère fédéral, le Commissariat n'aura aucun rôle à jouer. D'un autre côté, si les autorités provinciales recueillent et utilisent des renseignements personnels aux fins de la COVID-19, mes collègues des provinces auront alors compétence.
(1450)

[Traduction]

    D'accord.
    Vous nous avez exposé certains des points les plus importants. J'aimerais avoir votre opinion au sujet d'une lacune touchant le traçage des contacts qui me préoccupe tout particulièrement. Il semble qu'une éternité se soit écoulée depuis, mais je me souviens de l'époque où Paul Martin a décidé de confier le recensement du Canada en sous-traitance à Lockheed Martin, ce qui fut fait, non pas sans causer certains problèmes. Nous avons alors mené une campagne nationale pour que l'on fasse marche arrière en s'assurant que les données demeurent au Canada pour leur assimilation, car on voulait alors les envoyer à Minneapolis, si je ne m'abuse. Compte tenu de la Patriot Act en vigueur aux États-Unis, ces données allaient devenir vulnérables.
    Vous inquiétez-vous d'un éventuel recours à des applications d'origine étrangère et de la manière dont les données pourraient circuler dans la foulée du traçage des contacts? Il a beaucoup été question sur la scène internationale — y compris en France tout récemment — de traçage des contacts et de tout ce qui peut s'ensuivre, de l'utilisation des technologies de surveillance jusqu'au risque d'exposer le consommateur. Croyez-vous que les données, l'information et les mesures de sécurité devraient rester sous le contrôle de Canadiens?

[Français]

    Je débuterais en disant que le Canada a récemment conclu des ententes commerciales qui limitent son pouvoir d'imposer des règles exigeant le maintien des données au Canada. Cela étant dit, certaines multinationales ont leurs serveurs au Canada, ce qui, en pratique, pourrait être une solution. C'est une question très complexe, car les ententes commerciales sont un facteur très important pouvant limiter le pouvoir du Canada d'exiger que les données restent au pays.
    Cela dit, même si des compagnies étrangères avaient un rôle à jouer et même si les renseignements personnels quittaient le Canada, cela ne poserait pas de problème dans la mesure où ces compagnies respectent les principes proposés. Ainsi, Google ou Apple pourraient déclarer qu'elles ne souhaitent pas colliger ces renseignements personnels.
    Je conclus en revenant sur le « si ». Si nos principes sont respectés, il n'y a pas de problème pour la vie privée. Cependant, les compagnies ou même le gouvernement n'ont aucune obligation de respecter les principes proposés. La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques va moins loin, ce qui permettrait aux entreprises et au gouvernement de ne pas respecter certains de nos principes, ces derniers n'ayant pas force de loi.

[Traduction]

    Le problème dans ce contexte, c'est que l'on se retrouve dans une situation semblable au dossier de Facebook. Il faut s'en remettre aux tribunaux. Vous ne disposez que de très peu d'outils pour sévir contre les contrevenants et les obliger à suivre les règles. Est-ce que vous en convenez?

[Français]

    Cela fait certainement partie des difficultés. Comme je l'ai dit, notre régime juridique ne comprend pas de principes de base comme ceux que nous avons proposés pour réglementer la collecte et l'utilisation de renseignements personnels par des applications de localisation.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Patzer pour une période de cinq minutes.
    Je veux rapidement vous rappeler que si je vous présente ce carton jaune, c'est qu'il vous reste 30 secondes avant la fin de votre intervention. Merci.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'ai une question rapide pour débuter. Est-ce que l'on contreviendrait aux droits en matière de biens personnels en imposant un système avec option de désabonnement pour le traçage des contacts, d'autant plus que cela exige une mise à jour forcée de nos téléphones, qui sont des biens personnels, et non la propriété du gouvernement?

[Français]

     Encore une fois, je ne suis pas certain de comprendre exactement comment une telle mesure s'appliquerait en pratique.
    Je comprends que les compagnies responsables des plateformes pourraient proposer une modification qui, normalement, peut être acceptée ou non pas l'utilisateur. Est-ce qu'on parle de faire en sorte que l'appareil ne fonctionnerait pas à moins que le consentement ne soit donné? Je ne suis pas sûr de comprendre exactement la nature de la proposition qui nous amènerait à un consentement implicite.

[Traduction]

    Oui, et c'est encore une fois le fait de rendre obligatoire une mise à jour automatique du téléphone de quelqu'un. Je comprends la nécessité du consentement, mais pour que le système fonctionne bel et bien, il faudra qu'il soit installé de force sur les appareils des gens.
    Par ailleurs, un épidémiologiste et professeur agrégé de l'Université d'Ottawa a récemment déclaré que les considérations liées à la santé publique ont préséance sur les droits individuels des citoyens. Est-ce que votre bureau est du même avis?
(1455)

[Français]

    Non, nous croyons que ces deux objectifs sont très importants. Nous ne mettons aucunement en doute l'importance de la protection de la santé publique, surtout à l'heure actuelle. Nous ne pensons pas qu'il s'agit de privilégier un intérêt par rapport à un autre. Nous pensons qu'il est tout à fait possible de protéger ces deux intérêts en même temps.

[Traduction]

    Estimez-vous cependant que le gouvernement agit à partir du principe que la santé publique l'emporte sur les droits individuels?

[Français]

    Ce n'est pas ce que j'entends des ministres et des fonctionnaires. Ce que j'entends, c'est que la vie privée est très importante, même primordiale, selon certains. Je ne remets pas en cause l'intérêt ou les intentions. Je remets plutôt en cause le fait qu'il soit possible pour certains acteurs, dont des compagnies, de faire fi des principes que nous mettons en avant et de ne pas protéger la vie privée.
    Ce que j'entends, ce sont des objectifs et des intentions qui me semblent louables. La question est de savoir si ce sera mis en pratique. C'est pour cela que nous offrons nos services pour examiner la façon dont ces technologies seraient conçues exactement.

[Traduction]

    Merci pour cette réponse.
    Est-ce que le gouvernement a déjà démontré qu'il était disposé à collaborer pleinement avec votre bureau aux fins des enquêtes que vous menez?

[Français]

    De façon générale, les ministères collaborent à nos enquêtes. Ils ne sont pas toujours d'accord avec nous. Tout compte fait, encore une fois, nous n'avons pas le pouvoir d'ordonner une certaine conduite à un ministère ni à une compagnie. De façon procédurale, les ministères collaborent, mais assez régulièrement, pas toujours, évidemment, les ministères ne sont pas d'accord sur nos recommandations.
    Cela nous ramène à la déficience du cadre juridique. Nous pensons qu'un expert en protection des renseignements personnels devrait être capable d'ordonner certains changements de pratique pour s'assurer que le droit à la vie privée est respecté, comme c'est le cas dans d'autres administrations.

[Traduction]

    Le 20 mars dernier, votre bureau a publié un document d'orientation sur la protection de la vie privée et l'éclosion de la COVID-19 en indiquant qu'il continuera de « protéger le droit à la vie privée des Canadiens, tout en adoptant une approche flexible et contextuelle dans l'application de la loi ». Qu'est-ce que le commissaire entend par « une approche flexible et contextuelle »?

[Français]

    D'une part, dans nos activités de contrôle d'exécution de la loi, nous avons des contacts moins fréquents. Nous donnons plus de temps aux ministères pour appliquer la loi. Voilà pour le côté procédural. Quant au fond, certains concepts peuvent être interprétés d'une façon plus flexible dans le contexte actuel.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Le prochain à poser ses questions sera M. Longfield.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur Therrien, d'être des nôtres aujourd'hui. Votre témoignage est très important.
    Je m'intéresse au principe de responsabilité. Voici ce que l'on indique à ce sujet: « Si l'efficacité de l'application ne peut être démontrée, alors celle-ci devrait être mise hors service et tout renseignement personnel recueilli devrait être détruit. » Pour ce qui est de l'efficacité, j'ai parlé aujourd'hui même à un épidémiologiste qui me disait qu'en raison de la longue période de gestation de ce virus, il est très difficile de déterminer si le traçage produira les résultats escomptés.
    Comment pourrions-nous évaluer l'efficacité des efforts de traçage, par exemple?

[Français]

     C'est une excellente question.
    Personne ne prétend que les applications de localisation sont une panacée ou une solution miracle, ni les gens de la vie privée ni les autorités de santé publique. Par contre, il est tout à fait concevable que les applications de localisation puissent contribuer à la solution et à l'identification de gens qui ont la COVID-19, puis qu'on emploie des méthodes plus traditionnelles pour les contacter et leur donner des conseils pour rester à la maison.
     Les applications ne seront donc pas nécessairement la solution comme telle, mais elles peuvent y contribuer. C'est un contexte où nous faisons face à un phénomène complètement nouveau.
    Les principes de la vie privée disent qu'il faut pouvoir démontrer l'efficacité de la mesure, mais cela ne veut pas dire qu'il faille démontrer de façon absolue que la mesure va être absolument efficace. C'est peut-être là, encore une fois, qu'on aurait une approche flexible et contextuelle.
    Ce qu'on recherche, c'est un fondement scientifique. On ne cherche pas à prouver hors de tout doute l'efficacité de la mesure. Il s'agit de démontrer qu'elle peut être efficace avec d'autres mesures.
(1500)

[Traduction]

    Excellent. Merci.
    Vous avez parlé de santé publique. C'est bien sûr une considération qui fait intervenir les questions de partage des compétences entre le fédéral et les provinces, mais aussi avec les autres pays, car les gens voyagent un peu partout dans le monde.
    Cette semaine, j'ai parlé avec des représentants du Homewood Research Institute. Nous avons discuté des applications qui sont utilisées dans le domaine de la santé mentale. L'institut a établi un cadre pour évaluer l'efficacité de ces applications, mais s'inquiète au sujet de la protection des données, surtout dans le cas des applications conçues dans d'autres pays.
    Avons-nous conclu des ententes internationales, ou bien comptons-nous utiliser des applications conçues à l'étranger qui devront satisfaire à la réglementation canadienne avant de pouvoir servir au Canada? Comment se passent les échanges d'information avec les autres gouvernements, qu'il s'agisse de ceux des provinces ou d'autres pays?

[Français]

    La protection des données sur des applications de télémédecine ou de conseils en matière de santé mentale, par exemple, est l'une des raisons pour lesquelles nous sommes d'avis qu'il faut modifier le cadre juridique ou le cadre statutaire le plus rapidement possible.
    Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de loi en vigueur présentement. Les lois du secteur public et du secteur privé s'appliquent, mais elles sont très déficientes. Je n'ai pas connaissance de protections importantes relatives aux renseignements confidentiels qui seraient échangés entre patients et médecins.

[Traduction]

    Merci.
    Je crois que notre magistrature saura interpréter les lois en fonction de l'évolution du contexte, et que ces interprétations vont ensuite être appliquées à d'autres décisions rendues.

[Français]

    Oui. C'est une méthode d'interprétation des lois bien connue et bien acceptée que de tenir compte du contexte et du but de la mesure.

[Traduction]

    Nous sommes en train d'élaborer une stratégie numérique, une charte numérique. Je présume que vous avez grandement collaboré avec l'industrie et les groupes du secteur des sciences et technologies concernant les transitions numériques.
    Peut-on dire que ce processus est enclenché, ou est-ce qu'il n'est pas encore amorcé? Est-ce que cela va nous faciliter la tâche pour traiter des dossiers comme ceux découlant de la COVID-19?

[Français]

    Nous avons eu des discussions sur la stratégie numérique avec le gouvernement et avec le ministère de l'Industrie, entre autres, mais ces rencontres sont très irrégulières. Nous partageons l'objectif de ces mesures, celui de mieux utiliser les données et d'avoir un gouvernement numérique, mais nous ne sommes pas particulièrement consultés sur cette question.
    Je vous ramènerai au fait que les lois doivent être modernisées pour qu'on profite des avantages d'un gouvernement numérique.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci.
    Les prochaines questions viendront de M. Dreeshen.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    À n'en pas douter, nous vivons actuellement une époque tout à fait particulière. C'est vrai non seulement en raison des impacts de la COVID-19 sur l'économie, mais aussi du fait que cette pandémie a ouvert la porte à une intrusion sans précédent des gouvernements aussi bien dans les affaires personnelles de tous les Canadiens que dans les renseignements personnels les concernant.
    Monsieur Therrien, vous avez souligné dans vos observations que nous avons besoin plus que jamais de lois qui permettent aux technologies de procurer des avantages dans l'intérêt du public sans créer de risques de violation des droits fondamentaux, comme le droit à la vie privée.
    Comme vous le savez, le Parlement est pour ainsi dire paralysé au moment où l'on se parle. Qui sait quand il pourra reprendre son rôle en se penchant sur des lois essentielles? En fait, pourquoi le ferait-il lorsqu'on permet à nos dirigeants de gouverner par voie de conférences de presse? Pourtant, comme on l'a signalé, la crise actuelle fait en sorte qu'il est plus que jamais nécessaire de procéder à une réforme de nos lois.
    Quels sont les risques d'aller de l'avant avec des technologies comme celles utilisées pour le traçage des contacts en l'absence de lois suffisamment rigoureuses?
(1505)

[Français]

     Je parlerai d'abord des applications de localisation, puis je reviendrai à la technologie de façon plus générale.
     Comme nous l'expliquions, plusieurs des principes que nous proposons pour les applications de localisation n'ont pas force de loi présentement. C'est le cas, par exemple, du principe voulant que les applications ne soient utilisées qu'à des fins de localisation au nom de la santé publique. Rien, dans la loi actuelle, n'empêche une compagnie d'offrir une application de localisation puis d'utiliser les renseignements qu'elle obtient à des fins commerciales. Le seul contrôle qui existe est l'obligation d'obtenir le consentement des personnes visées en vertu d'une politique de vie privée dont nous savons tous qu'elle sera ambiguë.
    Je m'arrête ici au sujet des applications de localisation pour vous donner l'occasion de poser plus de questions.

[Traduction]

    Vous avez fait valoir par le passé qu'il était nécessaire d'adopter de nouvelles lois et que nous devions nous concerter pour en discuter. Nous avons tenté d'apporter certains changements alors que je faisais partie du comité sur la protection de la vie privée il y a bien des années déjà. Il est important qu'un Parlement puisse siéger pour traiter des enjeux semblables.
    Je reviens à ce que vous avez dit il y a quelques jours. Je vais d'ailleurs vous citer: « Je pense que nous avons enfin atteint le point où la question de la pertinence des modifications à la loi est désormais derrière nous. La question repose maintenant sur le contenu des modifications. » Vous avez alors indiqué à quel point il était primordial que le gouvernement se mette à la tâche pour se donner le cadre juridique lui permettant de faire son travail.
    Je veux vous donner l'occasion de nous en dire davantage sur l'importance d'apporter les modifications nécessaires à nos lois, et ce, dès maintenant, pour bien protéger la vie privée des Canadiens.

[Français]

    Je vais donner quelques exemples. Pour en revenir aux applications de localisation, je dirais qu'il est probable qu'une bonne partie de la population canadienne ne sera pas convaincue que ces renseignements seront utilisés correctement parce que les gens ne font déjà pas confiance au cadre juridique actuel. Cela est en soi un problème majeur. Si le cadre juridique était plus rigoureux, il est fort possible, voire certain, que les gens auraient plus confiance et qu'ils accepteraient d'utiliser ce genre d'application parce qu'ils en verraient l'avantage pour la santé publique et craindraient moins que leur vie privée ne soit violée.
     Débordons maintenant de la question des applications de localisation.
     La pandémie de la COVID-19 a poussé la prestation des services médicaux, des services d'éducation et de beaucoup d'autres à se faire de façon numérique et virtuelle. Je pense que ce phénomène va continuer, même si ce ne sera peut-être pas au même rythme que maintenant.
    Ces services sont essentiels. Les services médicaux, notamment, reposent sur des renseignements confidentiels protégés par le secret professionnel. Or ces données sont présentement échangées sur des plateformes dont l'encadrement juridique est déficient et donne raison aux gens de craindre que leurs renseignements confidentiels ne soient pas protégés.
    Les nouvelles technologies offrent d'immenses avantages. Il n'y a qu'à penser à la télémédecine ou à l'éducation numérique. Par contre, il faut protéger la vie privée des gens par des lois adéquates.

[Traduction]

    Certainement. Merci.
    Mon temps est presque écoulé, mais je m'en voudrais de ne pas mentionner la situation du Canada rural où la fiabilité du signal Internet est environ 11 fois moins bonne qu'en milieu urbain. Voilà qui rend les choses très difficiles.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Dreeshen.
    Nous passons maintenant à M. Jowhari.
    Vous avez la parole pour les cinq prochaines minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Therrien.
    Le 7 mai dernier, vous avez publié à titre de commissaire à la protection de la vie privée du Canada une déclaration commune avec vos homologues provinciaux et territoriaux dans laquelle vous exhortiez tous les ordres de gouvernement à respecter les principes essentiels de protection de la vie privée.
    Je veux d'abord vous remercier pour le travail exceptionnel que vous-même, votre bureau et vos homologues accomplissez dans ce dossier. À ce que je sache, le gouvernement fédéral n'a encore rien décidé concernant le traçage des contacts. Est-ce que vos différents homologues provinciaux ont pris une décision, ou sont sur le point d'en prendre une, relativement à une application pour le traçage des contacts?
(1510)
    Je ne suis pas nécessairement à jour à ce sujet. Je peux certes toutefois vous confirmer que l'Alberta a mis en place une application depuis un moment déjà.
    D'accord, excellent. Merci. J'espérais que vous parliez de cette application.
    Étant donné que l'Alberta a décidé d'aller de l'avant, pouvez-vous nous indiquer dans quelle mesure les fonctionnalités de cette application respectent les critères que vous avez établis pour la protection de la vie privée?

[Français]

     La conformité aux lois sur la vie privée de l'application en vigueur en Alberta est présentement à l'étude par ma collègue provinciale, Jill Clayton. Cette question est donc en suspend.
    Je dirais, de façon très sommaire, qu'il y a certainement un alignement des conditions d'utilisation de cette application avec certains de nos principes, dont le côté volontaire. Le consentement est aussi nécessaire pour l'utilisation de cette application en Alberta. Un de nos principes est donc appliqué. Le sont-ils tous? Je vais laisser à ma collègue de l'Alberta le soin d'en juger.

[Traduction]

    C'est très bien.
    Toujours concernant l'Alberta, connaissez-vous le taux d'adoption de cette application dans la province?
    Malheureusement pas.
    D'accord.
    Comment pensez-vous que nous pourrons obtenir un taux d'adoption pouvant se situer entre 60 et 80 % sans un modèle d'adhésion implicite?

[Français]

    C'est une excellente question. Les taux d'adoption de plusieurs territoires tournent autour de 20 %. Même si une application était obligatoire, il y aurait des façons pour la population de contourner cette obligation, en ne se déplaçant pas avec un téléphone, par exemple. Cela nous ramène à la réalité. Selon moi, il faut un côté volontaire à l'utilisation de l'application.
    Dans ce contexte, comment augmentons-nous le taux d'adoption? Ce serait en ayant des conditions propices à la confiance. Il faut un système où les principes de la vie privée sont acceptés. Je pense que la transparence est aussi très importante.

[Traduction]

    Merci. Il me reste environ deux minutes.
    Je veux parler de la propriété des données. Comme vous le savez, il y a des discussions quant à savoir si le modèle devrait être centralisé ou décentralisé. Que pensez-vous de la propriété et de la portée des données recueillies pendant et après la pandémie de COVID-19?
    Pourriez-vous répondre brièvement, car j'ai une question de suivi?

[Français]

    De façon générale, les systèmes décentralisés protègent mieux la vie privée. Cela étant dit, nous ne sommes pas contre certains aspects centralisés, dans la mesure où les données seraient jugées nécessaires par une autorité de santé publique, comme savoir où sont les points d'éclosion.

[Traduction]

    C'est parfait. Merci.
    Il s'agit de savoir quelles données sont nécessaires alors que nous essayons de passer à la prochaine étape. Ne croyez-vous pas qu'en conservant pendant beaucoup plus longtemps un plus large éventail de données, nous serions nettement mieux aptes à procéder aux analyses nécessaires pour en arriver au modèle de prédiction qui guidera mieux nos efforts pour la deuxième et la troisième vagues?

[Français]

    Plus élevé est le taux d'adoption, mieux c'est pour l'efficacité et l'analyse des données. Je suis d'accord là-dessus.
    Pour ce qui est de la durée de la mise en œuvre de l'application, il faut se rendre compte qu'on parle de données particulièrement sensibles, qui ne seraient pas colligées normalement. Je ne suis pas certain d'être d'accord sur l'utilisation de ces données sur une longue durée.
(1515)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Savard-Tremblay, c'est à votre tour, et vous disposez de deux minutes et demie.
    Je vous remercie également, monsieur le commissaire.
    Vous avez parlé des faiblesses de la loi. Vous avez dit qu'il y avait des trous dans la loi et que des choses pourraient être modifiées. Il y a des lois provinciales. Ne devrions-nous pas simplement nous en remettre à elles?
     Les données voyagent entre les administrations et entre les pays. Il faut donc avoir des lois rigoureuses dans toutes les administrations, y compris au fédéral. C'est un facteur incontournable.
    Pourriez-vous en dire un peu plus sur les changements législatifs qui pourraient être apportés? Vous dites que cela peut être dans toutes les administrations. Vous n'êtes donc pas contre l'idée qu'il y ait aussi des lois provinciales. J'imagine qu'il s'agirait d'une loi fédérale qui serait axée davantage sur la coordination que sur la subordination.
    J'aimerais néanmoins entendre ce que vous avez à dire sur les changements qui pourraient être apportés.
    Depuis quelques années, nous proposons une réforme législative fédérale axée sur les droits. Les principes de notre cadre d'évaluation ont été repris en bonne partie dans notre déclaration commune avec nos collègues provinciaux. On parle donc de tels principes, qui, en général, ne sont pas dans la loi fédérale actuelle. Ils sont un peu plus présents dans certaines lois provinciales, dont la loi du Québec, qui contient le principe de la nécessité. Cependant, selon mes collègues, les lois provinciales ont aussi besoin d'être modifiées.
     On parle donc essentiellement des principes énoncés dans la déclaration commune, qui devrait avoir force de loi, non seulement selon moi, qui suis au fédéral, mais également selon mes collègues provinciaux.
    C'est parfait, je vous remercie.
    Madame la présidente, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste 25 secondes.
     Je pense qu'en 25 secondes, je n'aurai pas le temps...
    Je vais en profiter pour poser une question.
    Concrètement, une donnée médicale, comme un résultat positif à la COVID-19, devrait-elle appartenir à l'État ou à l'individu concerné?
    Je pense que les notions de droit de propriété ne sont pas tellement applicables ici. C'est clair que les droits relatifs à la vie privée cherchent à donner aux individus un contrôle important sur leurs renseignements, y compris leurs renseignements de santé, même si ce n'est peut-être pas un droit de propriété.
    Cela dit, si une autorité...
    Je suis désolée, monsieur Therrien, mais cela met fin à ce tour de questions. Nous passons au prochain.
    Monsieur Masse, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je veux revenir un peu à la question du processus. Dès le départ, une entreprise qui fait du traçage de contact dans les centres commerciaux et les endroits semblables a communiqué avec moi. Il y a en fait trois portails d'Industrie Canada qui permettent de diriger les différentes entreprises souhaitant faire affaire avec le gouvernement. C'est un excellent modèle qui a produit de bons résultats.
    Dans le dossier qui nous intéresse, je ne sais toutefois pas ce qui a pu se produire, mais il semblerait qu'il n'y ait eu aucun suivi avec vous ou votre bureau. Il s'est maintenant écoulé plus d'un mois, et même près de deux mois, et il n'y a toujours pas eu de discussion sérieuse, ce que j'aimerais que vous me confirmiez, quant à la création d'une application ou peut-être à l'évaluation d'un éventuel partenariat public-privé avec une entreprise. Pour nous assurer de bien protéger la vie privée des Canadiens, je pense qu'il faudrait notamment soumettre aussi à une évaluation l'entreprise avec laquelle nous allons travailler en partenariat.
    Parlez-vous d'une application pour le traçage des contacts?
    Oui.

[Français]

    La seule application de localisation pour laquelle nous avons été consultés en détail est celle de Mila, à Montréal.
    Le gouvernement fédéral n'a pas l'obligation légale de nous consulter. Nous lui avons offert nos services. Il se peut que le gouvernement ait décidé de ne pas faire affaire avec la compagnie concernée, auquel cas il n'a pas à nous consulter, évidemment. Nous avons offert nos services et c'est au gouvernement de les accepter ou non. La seule application pour laquelle nous avons été consultés est celle de Mila.
(1520)

[Traduction]

    Auriez-vous une préférence personnelle ou professionnelle — c'est davantage le côté professionnel qui m'intéresse, je suppose — entre, d'une part, le recours à une agence non gouvernementale comme une entité chinoise ou un fonds de fiducie privé dont nous ne connaissons aucunement le propriétaire, qui travaillerait avec les données privées des Canadiens et, d'autre part, la mobilisation d'une entreprise canadienne utilisant une application canadienne?

[Français]

     La loi comporte des lacunes. Si les données doivent être protégées correctement dans le cadre déficient actuel, la confiance qu'on doit avoir en la compagnie devient un facteur particulièrement important. On devrait donc se tenir loin des compagnies dont la crédibilité serait moindre, évidemment.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour cette première portion de notre séance.
    Je tiens à remercier le commissaire à la protection de la vie privée de sa participation.

[Français]

    Je vous remercie grandement de votre présence et de votre témoignage.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous allons nous interrompre un instant, le temps d'établir la connexion avec nos prochains témoins.
    Merci.
(1520)

(1520)
    Nous reprenons nos travaux avec notre second groupe de témoins.
    Nous accueillons maintenant Mme Teresa Scassa, professeure titulaire de la Chaire de recherche en droit et politiques de l'information à l'Université d'Ottawa; et M. Michael Bryant qui représente l'Association canadienne des libertés civiles.
    Vous aurez d'abord droit à cinq minutes chacun pour nous présenter vos observations, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Je veux indiquer à nos témoins que si je leur présente le carton jaune, c'est qu'il leur reste seulement 30 secondes. Le carton rouge indique que votre temps est écoulé.
    Cela dit, je cède à la parole à Mme Scassa.
    Vous avez cinq minutes.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous entretenir des considérations liées à la protection de la vie privée dans le contexte des mesures prises par le gouvernement du Canada en réponse à la COVID-19.
    Dans la situation actuelle, les Canadiens sont très vulnérables du point de vue économique et social, sans compter les risques pour leur santé physique et mentale. Les Canadiens savent que des sacrifices sont nécessaires pour traverser cette crise: ils ont déjà d'ailleurs consenti à différents égards. La plupart des Canadiens conviennent que c'est essentiel pour sauver des vies et amorcer un retour à la normale. Ils sont conscients qu'ils pourraient devoir renoncer à certains pans de leur vie privée dans des contextes particuliers, mais il n'est nullement question de leur demander de choisir entre la protection de leur vie privée et pas de protection du tout. Il faut plutôt en arriver à un juste équilibre entre cette nécessité de protéger la vie privée et les autres intérêts publics qui entrent en jeu.
    La réponse canadienne à la pandémie fait ressortir deux grandes préoccupations relatives à la protection de la vie privée. Il y a d'abord le risque que la collecte, l'utilisation ou la divulgation mal planifiées de renseignements personnels mettent en péril la vie privée et la sécurité de certains alors que l'on en tire en fait très peu d'avantages, ou des avantages proportionnellement inférieurs aux risques encourus et aux torts causés. Il y a aussi le fait que la pandémie pourrait mener à la mise en oeuvre de technologies de collecte ou de traitement des données qui vont créer une nouvelle normalité en permettant des intrusions encore plus abusives dans nos existences au mépris de notre vie privée, de notre dignité et de notre autonomie. Il est important de noter à ce titre que les activités de surveillance ont souvent des répercussions encore plus néfastes pour les membres les plus vulnérables de notre société.
    Le contexte de la pandémie soulève une vaste gamme de questions liées à la protection de la vie privée, de la possibilité pour le gouvernement ou les forces de l'ordre d'avoir accès aux renseignements sur l'emplacement et la santé des gens jusqu'aux applications pour le traçage des contacts et au-delà. Avec le retour à la normale qui s'amorce, nous verrons aussi poindre des problèmes touchant la surveillance en milieu de travail et l'utilisation d'outils et de technologies de traçage pour nous aider à savoir qui entre dans les commerces, qui reçoit des services ou qui monte à bord d'un avion. Il est ainsi possible que les informations sur notre santé, que l'on classe généralement parmi les plus confidentielles qui soient, deviennent en quelque sorte une monnaie d'échange nous permettant de mener nos activités courantes.
    Comme j'ai peu de temps à ma disposition, je vais aborder trois thèmes principaux. Le premier thème est celui de la confiance. La charte numérique fait référence à la confiance qui est essentielle lorsqu'on demande aux Canadiens de communiquer des renseignements personnels au gouvernement. La confiance devient toutefois plus difficile à établir dans un contexte de pandémie où les enjeux évoluent rapidement et sont souvent inédits. L'un des éléments essentiels à la confiance est la transparence, un aspect qui a posé des difficultés à nos gouvernements, autant pour la communication publique des données permettant de modéliser la propagation de la COVID-19 que dans des situations comme en Alberta où on a lancé une application pour le traçage des contacts sans diffuser les résultats d'une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. La transparence est essentielle à la confiance.
    Le deuxième thème est celui de la nécessité et de la proportionnalité. De concert avec ses homologues provinciaux et territoriaux, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada préconise une approche de la protection de la vie privée fondée sur la nécessité et la proportionnalité. Cette approche s'inspire de ce qui se fait dans le domaine des droits de la personne. Les principes de nécessité et de proportionnalité procurent un cadre analytique solide pour parvenir au juste équilibre entre le droit à la protection de la vie privée et les autres intérêts publics et devraient déjà être intégrés à une loi sur la protection de la vie privée dans sa version modifiée.
    On ne saurait trop insister sur l'importance d'une telle approche. Nous vivons dans une société où l'on mise énormément sur les données. Il est facile de s'enthousiasmer à propos des solutions technologiques que l'on nous offre, et les innovateurs nous promettent que l'analyse des données, notamment via l'intelligence artificielle, peut régler bon nombre de nos problèmes. Nous ne devons pas perdre de vue que si la technologie peut effectivement procurer des avantages stupéfiants, nous pouvons déjà dresser une longue liste de solutions technologiques dont la conception et la mise en oeuvre ont été précipitées et bâclées, ce qui n'a pas manqué de causer des risques et des préjudices considérables. Il n'est pas rare que l'on échoue dans la mise en place de nouvelles solutions technologiques. C'est le cas par exemple de plusieurs des applications pour le traçage des contacts qui ont été lancées récemment à l'échelle nationale. Lorsqu'on utilise ainsi, même si les objectifs sont louables, des systèmes dont la conception précipitée est déficiente pour recueillir des données personnelles, on mine tout au moins la confiance des gens quand on ne va pas jusqu'à leur causer des préjudices. C'est pourquoi il est essentiel de pouvoir compter sur des lignes directrices claires, comme celles élaborées par les commissaires. On devrait prioriser dans ce contexte les solutions ciblées ayant une durée d'application limitée afin de minimiser les impacts sur la vie privée des gens.
    Le troisième thème est celui des droits de la personne. Il existe un lien étroit entre la protection de la vie privée et les droits de la personne, mais ce lien devient de plus en plus complexe au sein d'une société où les données priment. Les lois sur la protection de la vie privée régissent la collecte, l'utilisation et la divulgation des données, et il est de moins en moins rare que l'utilisation des données ait un impact considérable sur les droits de la personne et les libertés civiles, y compris la liberté d'association, la liberté de parole et le droit à la protection contre la discrimination.
    Jusqu'à tout récemment, le débat public au sujet du traçage des contacts portait principalement sur les applications adoptées par les gouvernements aux fins de la santé publique et du suivi de la maladie. Avec la réouverture des entreprises et le retour au travail de leurs employés, on va se mettre à discuter du traçage des contacts et de la surveillance de la maladie dans le secteur privé, y compris de l'utilisation possible de ce qu'on appelle les passeports immunitaires. Nous verrons apparaître des technologies pour la surveillance des milieux de travail et d'autres qui pourront servir entre autres à limiter l'accès aux magasins, aux services et aux avions.
    Il est bien évident que cela fait intervenir de sérieux enjeux liés à la santé publique et à la sécurité ainsi que des considérations clés quant à la reprise économique et la possibilité pour les gens de retourner au travail, mais il y a aussi des risques importants de préjudices, d'abus et d'injustice. La plus grande partie de cette surveillance dans le secteur privé s'exercera dans des domaines relevant de la compétence des provinces, mais ce ne sera assurément pas toujours le cas. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de leadership en établissant des normes et en imposant des limites.
    C'était donc ce que je souhaitais vous dire d'entrée de jeu. Je serai maintenant ravie de répondre à vos questions.
(1525)
    Merci beaucoup, madame Scassa.
    Le prochain témoin sera M. Bryant. Monsieur, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie tous d'être présents cet après-midi.

[Traduction]

    Vous serez soulagés de ne plus m'entendre parler en français. Mes enfants le seront, de toute façon. Ils sont bilingues et bien évidemment je ne le suis pas.
    Je vous ai fourni un mémoire. J'espère que tous les membres du Comité l'ont reçu. Si ce n'est pas le cas, j'enverrai une autre copie au greffier.
    Vous y trouverez une lettre que moi-même et Brenda McPhail de l'Association canadienne des libertés civiles avons envoyée au premier ministre et aux premiers ministres des provinces le 20 avril. Elle contient un ensemble de principes qui ne viseraient pas les applications, la technologie du secteur privé ou le traçage des contacts en soi, mais plutôt toute disposition provinciale ou fédérale qui rendrait obligatoire l'utilisation de certaines technologies. J'espère que ce sera une catégorie très étroite, mais c'est là où nous, les juristes, pensons qu'un processus et certains principes s'appliquent. Nous pouvons en discuter, mais les neuf principes sont dans la lettre.
    J'aimerais commencer par la question de la compétence en recommandant l'adoption d'une perspective nationale. La Confédération de 1867 avait comme objectif d'en faire plus ensemble qu'il ne serait possible en étant séparés. Ce principe est mis à l'épreuve pour des raisons fédéralistes pendant la gestion de cette crise. Les provinces et les territoires jouent leur rôle à juste titre, mais il existe également un rôle pour les parlementaires. Votre comité doit justement décider de quel rôle il s'agira, outre le soutien économique promis. Les parlementaires pourraient fixer des normes de base en matière de droits de la personne ainsi que des objectifs de base en ce qui concerne les moyens technologiques de lutte contre la COVID-19.
    Je ne pense pas que ces systèmes fonctionneront en 2020 sur le plan pratique. Cela est regrettable et me désole. Il y a de fortes chances que les systèmes technologiques dont nous parlons aujourd'hui ne s'avéreront tout simplement pas pratiques dans des conditions réelles. Ils risquent de déclencher beaucoup trop de fausses alertes et d'avoir un taux d'exactitude trop bas, vu la complexité des interactions humaines.
    Deuxièmement, nous devons impérativement prendre du recul et reconnaître qu'une application de traçage des contacts à elle seule ne fait rien pour endiguer la COVID-19. Une application est utile uniquement si ceux qui apprennent qu'ils ont peut-être été exposés à la COVID-19 peuvent réagir: un test de dépistage, du counselling, des soins ou d'autres mesures comme l'isolement. Mais si les services ne sont pas offerts, si les tests de dépistage ne sont pas disponibles, s'il n'est pas possible pour la personne de s'isoler chez elle sans risquer la faillite, ces concepts technologiques sont inutiles. Il n'est pas plausible de conseiller aux gens de s'isoler s'ils ne peuvent ou ne veulent pas le faire, comme on l'a indiqué plus tôt.
    De plus, il est important de songer à la question de la proportionnalité une fois le besoin établi. La proportionnalité consiste à examiner d'autres moyens moins intrusifs pour obtenir le même résultat. Il ne sera jamais proportionnel en 2020 de rendre obligatoire une application de traçage des contacts et d'imposer une lourde amende si les gens ne la téléchargent pas, puisqu'il faudra d'abord voir ce qui peut être fait au moyen d'outils moins intrusifs.
(1530)
    Enfin, le Royaume-Uni a lancé son application cette semaine. Le pays n'était pas préparé et ce fut une catastrophe. Une catastrophe totale et une honte pour le pays. Je vous encourage à mettre en place les conditions et protections nécessaires avant de lancer une application.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Bryant.
    Nous passons maintenant à une série de questions.
    Madame Gray, vous avez six minutes.
    Monsieur Bryant, merci beaucoup pour votre témoignage d'aujourd'hui.
    La semaine dernière, notre comité a entendu Google Canada. Comme vous le savez peut-être, la société publie des rapports sur la mobilité communautaire qui suivent les mouvements des gens depuis leur maison jusqu'aux endroits comme les parcs et les arrêts de transport en commun. La société suit les gens à partir de leur téléphone. Google Canada a déclaré que leurs données sont agrégées et anonymisées afin de protéger la vie privée des utilisateurs, mais certains experts en réidentification des données ont indiqué que les données sur la localisation ne peuvent jamais vraiment être anonymisées.
    Monsieur Bryant, êtes-vous d'accord avec cette affirmation?
    Oui, en ce qui concerne cette dernière affirmation. Nous avons déposé des expertises auprès des tribunaux avant que Google ait décidé de quitter le giron de la société, et l’ACLC conteste le projet Quayside. Nous avons déposé de nombreuses expertises. Tout cela est sur notre site Web, CCLA.org. Nous maintenons qu’il est exagéré de parler d’anonymisation ou de désidentification. Ce n’est pas ce qui arrive dans les faits.
    En fait, selon le logiciel utilisé, la réidentification est évidente, voire un jeu d’enfant. L’utilisation des termes « anonymisation » ou « désidentification » induit en erreur.
(1535)
    Merci. C'est certes inquiétant.
    Monsieur Bryant, Google Canada a également déclaré qu’elle n'a pas prévenu ses utilisateurs que leurs données seront utilisées dans les rapports sur la mobilité. Pensez-vous que Google Canada aurait dû le faire?
    Oui. Je crois que les gens doivent avoir le droit de consentir, de participer, et tout au moins de refuser de participer. La raison principale pour laquelle cela arrive au Canada, c’est que le Canada n’a pas l’équivalent du RGPD de l'Union européenne. Le Canada n'a pas de loi équivalente à celle de la Californie sur la protection de la vie privée, par exemple.
    Le gouvernement actuel a échoué lamentablement en négligeant de prévoir un régime moderne de protection des données pendant ses années au pouvoir. L'Union européenne a mis 10 ans pour concevoir et publier son RGPD. Votre comité le saura mieux que quiconque, mais d'après ce que je vois à l’échelle fédérale, notre pays n’est pas rendu là où il devrait l’être. Ce type de loi ne fonctionnerait pas dans l’Union européenne. Google ne pourrait pas faire là-bas ce qu'elle fait ici au Canada.
    Je sais que l’Association canadienne des libertés civiles prône le concept d’un « consentement véritable » lorsqu'il est question de choses comme les applications de traçage des contacts. Pensez-vous que les lois actuelles du Canada en matière de protection de la vie privée sont suffisamment musclées pour que les sociétés, qui utilisent des données sur la localisation de leurs utilisateurs, respectent le principe du « consentement véritable »?
    Non.
    D'accord.
    Cela m'amène à ma prochaine question, qui porte sur le fait que le Canada songe à utiliser des applications de traçage des contacts pendant la pandémie. Certains experts de la cybersécurité disent que si le Canada souhaite avoir ces applications de traçage, il devra adopter de nouvelles lois afin de fixer des limites et de protéger les renseignements privés. Êtes-vous d'accord?
    En général, je ne conseille pas au gouvernement de légiférer en matière de gestion de crise pendant une crise. L'incertitude et la crainte qui sévissent pendant une pandémie entravent de façon disproportionnée les droits de la personne. Le résultat ressemble à la Patriot Act des États-Unis.
    Dans de telles circonstances, j'hésiterais grandement à légiférer en ce moment, car je ne pense pas qu'il soit possible de garantir suffisamment les droits de la personne. Cela dit, le gouvernement fédéral et les provinces peuvent néanmoins prévoir beaucoup de mesures d'urgence, paraît-il, au moyen de décrets. Les pouvoirs existent pour mettre en place des protections.
    J'esquive un peu la question, parce que je préférerais qu'on évite de légiférer dans le domaine de la protection de la vie privée en ce moment au Canada. Au final, je crois que ce serait une erreur et que cela nuirait aux libertés civiles.
    Madame la présidente, me reste-t-il suffisamment de temps pour une dernière question? Je crois que mon temps est presque épuisé.
    Il vous reste 45 secondes.
    Une dernière petite question. Pensez-vous que les lois en matière de protection de la vie privée en vigueur au Canada protègent suffisamment les données des Canadiens recueillies par des applications, des applications qui pourraient être fortement répandues et qui enregistreraient les déplacements et les données personnelles à des fins de traçage des contacts?
    Non, je ne le pense pas, mais cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas prévoir des protections temporaires. C'est un autre problème auquel les parlementaires devront s'attaquer afin que nous n'ayons pas un ensemble de droits en Alberta, un autre à Terre-Neuve et un autre en Ontario. Nous devrions avoir des normes nationales en la matière et devrions travailler pour ce faire, des normes qui seront plus élevées que celles des pays qui bafouent les droits de la personne.
    Merci beaucoup.
    Au tour maintenant de Mme Lambropoulos.
    Vous avez six minutes.
(1540)
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
    Ma première question est destinée à Mme Scassa.
    Les lois fédérales de protection de la vie privée n'ont pas été revues en profondeur depuis leur entrée en vigueur. Le commissaire à la protection de la vie privée du Canada a indiqué, dans une déclaration commune avec ses homologues des provinces et des territoires, que nos lois actuelles ne protègent pas suffisamment les renseignements privés des Canadiens dans notre monde numérique. Il l'a répété encore une fois pendant son témoignage ce matin.
    Êtes-vous d'accord avec cette déclaration commune et les principes qui la sous-tendent?
    Oui. Ces lois ont été rédigées à une époque où on recueillait beaucoup moins de données et où on s'en servait beaucoup moins. Elles ont été rédigées pour un monde très différent.
    Notre société carbure aux données. Il nous faut des lois adaptées.
    Tout à fait.
    Quels changements proposeriez-vous aux lois fédérales de protection de la vie privée pendant cette crise ou dans l'avenir dans un monde de plus en plus numérisé?
    On a beaucoup critiqué la mise en oeuvre de la LPRPDE: la loi n'a tout simplement pas assez de mordant, et on ne protège pas suffisamment les droits à la vie privée. C'est donc un problème sur lequel on devrait se pencher.
    Pensez-vous que la COVID-19 a mis en exergue d'autres lacunes actuelles de nos lois sur la protection de la vie privée?
    La COVID-19 est une sonnette d'alarme à bien des égards. Essentiellement, elle a révélé à quel point nous sommes dépourvus en matière de protection de la vie privée. Il nous faut une infrastructure juridique pour le numérique afin que nous puissions réagir aux situations quand elles surviennent. Nous nous retrouvons dans la présente situation avec des lois sur la protection de la vie privée périmées pour les secteurs public et privé et c'est un désavantage.
    Merci beaucoup.
    Puisque nous sommes réunis aujourd'hui afin de parler d'une application de traçage de contacts potentielle, qu'en pensez-vous? Comment faire la part des choses entre la protection de la vie privée des Canadiens et le bien collectif en matière de santé publique au Canada?
    C'est une question intéressante, car il existe divers types d'applications de traçage des contacts.
    Certaines applications de traçage des contacts permettent de recueillir seulement les données sur la proximité d'autres appareils. D'autres applications de traçage des contacts recueillent également des données GPS, qui pourraient être utiles pour les autorités de la santé publique afin de repérer les éclosions. De plus, d'autres applications demandent aux utilisateurs d'entrer leurs symptômes et d'autres renseignements, et pourraient utiliser l'IA afin d'effectuer des analyses et pallier notre dépistage insuffisant. Il y a donc un grand éventail de données qui se font recueillir. Les diverses applications ont des objectifs différents, et il est très problématique et difficile pour les Canadiens de parler de façon abstraite des applications de traçage des contacts.
    J'ai vu les sondages qui demandaient aux Canadiens s'ils étaient pour ou contre les applications de traçage des contacts, mais personne ne comprend les enjeux. C'est en partie une question de transparence. Nous devons expliquer de façon claire nos objectifs, le type de renseignements que nous voulons recueillir et à quelles fins, afin que les gens puissent vraiment décider d'eux-mêmes s'il s'agit d'une bonne chose à laquelle ils voudront participer.
    Pensez-vous que ces applications devraient être obligatoires plutôt que facultatives, et dans l'affirmative, dans quelles conditions?
    Il y a deux facteurs. Tout d'abord, dans le cas d'une application nationale de traçage des contacts, nous avons déjà entendu parler des défis en ce qui concerne leur utilisation obligatoire. Il y a de graves problèmes de libertés civiles si l'on veut obliger les gens à apporter leur téléphone cellulaire partout avec ces applications qui tournent.
    Ensuite, la prochaine vague qui s'annonce très rapidement, ce sera les applications de traçage des contacts obligatoires en milieu de travail. J'en ai touché un mot dans mon exposé. Les gens retourneront dans leur lieu de travail et l'employeur leur dira: « Vous devez utiliser cette application de traçage des contacts si vous voulez travailler sur place. » Cet usage s'avérera peut-être nécessaire pour empêcher de grandes éclosions d'une maladie ou gérer des éclosions en milieu de travail, et nous y voyons certainement un problème, mais ces applications seront probablement obligatoires.
    En plus de ces débats sur l'application nationale de traçage des contacts, il faut également commencer à songer aux limites et aux paramètres des applications obligatoires en milieu de travail qui viendront.
    Je sais que M. Bryant en a parlé plus tôt et a donné son avis là-dessus. Pensez-vous que les applications de traçage des contacts constituent un moyen efficace d'endiguer le virus, compte tenu notamment des propriétés de la COVID-19 et de ses symptômes, et de la façon dont les gens peuvent être vecteurs du virus et le transmettre?
(1545)
    L'efficacité dépend vraiment des objectifs. Si les objectifs consistent à remplacer les efforts de traçage des contacts consentis par des êtres humains, je ne pense pas que ce sera efficace. Si les objectifs sont d'appuyer et de compléter ces efforts, il y aurait peut-être une certaine utilité, selon la conception.
    Si les objectifs consistent à recueillir de façon indirecte des données qui pourront servir aux analyses de modélisation de la maladie, des données utiles pourraient être recueillies, mais à ce moment-là, il faut envoyer un message différent aux Canadiens.
    Il est très important de bien comprendre ce dont nous parlons et les objectifs de l'utilisation d'une telle application.
    D'accord.
    Je vois le drapeau jaune, donc j'imagine qu'il me reste moins de 20 secondes.
    Merci beaucoup de votre temps.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Le député d'Abitibi—Témiscamingue sera le premier du prochain tour de questions.
    Monsieur Lemire, vous disposez d'un temps de parole de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à Mme Scassa.
    Selon moi, la question la plus importante à élucider est de savoir à qui appartiennent les données.
    Les données relatives à un cas positif de la COVID-19 devraient-elles appartenir à l'individu, puisqu'il s'agit de son dossier médical et qu'il a droit à la vie privée, ou devraient-elles appartenir à l'État, dans le but de limiter la propagation de la pandémie?

[Traduction]

    La question de la propriété des données peut poser problème ou prêter à confusion dans ce contexte. Dans l'approche canadienne, nous avons toujours parlé d'intérêts en ce qui concerne les données. Nous savons que les intérêts peuvent être multiples. Une entreprise privée qui recueille des données a des intérêts. La personne auprès de laquelle l'entreprise recueille des données a des intérêts, et il peut y avoir d'autres intérêts.
    Il en est de même pour les renseignements personnels sur la santé. Le système de santé s'intéresse aux données recueillies par le système médical pour différentes raisons, et ces données revêtent un intérêt pour la personne.
    Le Règlement général sur la protection des données est un modèle qui nous pousse beaucoup plus vers... Eh bien, il renforce ces intérêts. Il n'attribue pas non plus la propriété des données, mais il fait plus de place aux intérêts des individus. À l'heure actuelle, je pense que nous avons un cadre de protection des données, en particulier dans le secteur privé, dans lequel les individus ont considérablement moins de contrôle sur leurs données comparativement au modèle européen.
    Je pense que dans tous les cas, c'est vraiment une question d'intérêt, et pour un même ensemble de données, il peut y avoir différents intérêts.

[Français]

    Monsieur Bryant, selon vous, les données relatives à un cas positif de la COVID-19 devraient-elles appartenir au dossier médical, donc à l'individu, ou devraient-elles appartenir à l'État dans le but de limiter la propagation du virus?

[Traduction]

     Elles devraient appartenir à l'individu, et je m'opposerais à ce qu'elles appartiennent à l'État à ce moment-ci. Rien ne permet d'affirmer qu'une fois que l'information... Je dois dire d'emblée que je suis d'accord avec Mme Scassa concernant tout ce qu'elle a dit et tout ce qu'elle dira, et vous pouvez m'en tenir rigueur.
    Tout d'abord, la discussion à ce sujet porte en partie sur un choix entre un système centralisé et un système décentralisé. L'Allemagne a commencé par plaider en faveur d'un système centralisé et a fini par plaider en faveur d'un système décentralisé qui permet aux gens d'exercer un contrôle sur leurs renseignements. Je pense que les renseignements d'une personne appartiennent à cette personne; ils n'appartiennent pas à l'État. Ils peuvent présenter un intérêt pour l'État, comme l'a dit Mme Scassa, mais nous devons tout d'abord faire confiance aux gens.
    Ensuite, l'État peut jouer un rôle en incitant les gens à communiquer ces renseignements. Cependant, c'est seulement une fois que tous les autres moyens ont été épuisés que l'État peut envisager de s'approprier ces renseignements.
    Nous parlons beaucoup de ce qui est obligatoire et de ce qui ne l'est pas au Canada. Je trouve extraordinaire que ce pays en soit arrivé là. On parle très peu des mesures incitatives qui peuvent être prises pour favoriser une plus grande conformité. Il s'agit de la conformité concernant l'utilisation des applications de recherche des contacts, la déclaration et l'isolement volontaire. Bien sûr, j'imagine qu'on pourrait utiliser un bâton pour amener les gens à le faire, mais je dirais que c'est un moyen inefficace. Ce sera évité. L'autre option est d'offrir des incitatifs.
    Aux États-Unis, un économiste de l'Université de Chicago parle des économies qui seraient réalisées si les gouvernements payaient les gens pour qu'ils respectent les mesures, s'isolent et se soumettent à des tests chaque semaine, par exemple, ou s'ils créaient des incitatifs faisant en sorte que lorsque les gens participent, ils en retirent un avantage quelconque. Cela pourrait finir par devenir une loterie, essentiellement. Nous parlons ici de l'auteur de Freakonomics. Je pense qu'on peut dire sans se tromper que les économistes de l'Université de Chicago peuvent être respectés et pris au sérieux.
    L'idée est d'essayer d'internaliser les externalités. Nous devrions le faire davantage en permettant aux gens de prendre les renseignements qu'ils possèdent et de les utiliser d'une manière qui correspond à ce à quoi l'État s'attend de leur part.
(1550)

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Bryant.
    Effectivement, c'était une réponse complète. Cela me prouve à quel point, en tant que parlementaires et législateurs, nous avons vraiment une responsabilité relativement à cette situation. Ce n'est pas à l'entreprise privée de prendre la décision pour nous.
     Je cède la parole à Mme Gaudreau, qui va poser une question.
    Ma question s'adresse à M. Bryant. Nous savons que nos lois sont désuètes; nous demandons aux entreprises où sont nos données et ce qu'elles en font.
    On rend tout anonyme, comme le mentionnait Mme Scassa, et on légifère spécifiquement sur une application. Qu'en pensez-vous dans un contexte de pandémie, dans un contexte d'urgence?

[Traduction]

    Je ne veux pas que mes observations précédentes laissent entendre que les travaux à accomplir concernant les mesures législatives relatives à la protection des renseignements personnels ne devraient pas avoir lieu.
    Pourriez-vous conclure rapidement?
    Oui.
    Il faut rédiger les mesures législatives, commencer à en débattre et avoir une conversation avec la population à leurs égards, mais je ne les soumettrais au Parlement en pleine pandémie.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour du député Masse.
    Vous disposez de six minutes, monsieur Masse.
    Merci, madame la présidente. Encore une fois, merci aux témoins. Ma question s'adresse aux deux témoins.
    Je représente Windsor, en Ontario, une ville qui se trouve juste en face de Detroit, dans l'État du Michigan, où il y a une importante épidémie — c'est l'une des plus importantes dans le monde, en fait. En temps normal, lorsqu'il y a des déplacements internationaux... Je vais utiliser la rivière qui nous sépare et les poissons comme exemples. On peut bien dire aux poissons qu'ils sont censés rester du côté américain ou canadien de la frontière, mais ils n'écoutent pas; ils font l'aller-retour.
    Ce que je constate concernant certaines des discussions sur le suivi des contacts et des données, c'est que nous faisons face à une pandémie mondiale, et qu'à bon nombre d'endroits, on fait la recherche de contacts en essayant de protéger la vie privée des gens et de faire en sorte que les gens aient confiance en la gestion du système, etc.
    Je me demande simplement si vous avez des commentaires à faire sur l'utilité de cela, étant donné qu'il s'agit d'une pandémie mondiale. Dans notre propre pays, des gens utilisent différentes plateformes sur leur cellulaire et des appareils mobiles de partage d'information; et il y a encore potentiellement d'autres facteurs de visites étrangères, même pendant les pires moments.
    Il y a également des travailleurs essentiels qui traversent la frontière. Normalement, à Windsor 10 000 camions et 30 000 véhicules par jour circulent. Le nombre a beaucoup diminué, mais il se situe toujours dans les milliers de véhicules.
    J'aimerais seulement savoir quels types de données nous obtiendrons à partir de cela. Il semble y avoir un cloisonnement dans différents pays.
    M. Bryant pourrait peut-être commencer.
    Merci.
    J'avoue que je ne suis pas sûr d'avoir compris votre question, mais je vais faire de mon mieux pour y répondre.
    Si je vous ai bien compris, je suis d'accord avec vous: il y a tellement de façons d'alimenter le virus. Il y en a beaucoup que nous ne connaissons même pas. Dans certains cas, en effet, c'est lié aux déplacements de gens qui viennent d'ailleurs, et en grande partie, comme vous l'avez mentionné, c'est dans les grands centres urbains que cela se passe. Par exemple, en Ontario, c'est davantage à Windsor, à Toronto, à London et à Ottawa que la crise de la pandémie se poursuit. Ce n'est pas autant le cas dans le reste de la province.
    En ce sens, le contexte dans lequel la recherche de contacts, par exemple, serait utile peut être bien limité dans les centres urbains — extrêmement limité. C'est peut-être même inutile à ce stade. Cela ne veut pas dire qu'à un moment donné, elle ne serait pas utile dans les régions dont la population est très faible, et c'est un moyen d'empêcher le virus de se propager.
    La façon dont la propagation de ce virus sera réduite à l'aide d'applications de recherche des contacts dans les centres urbains... Il existe peut-être un lien, mais je ne sais pas si nous serons en mesure de déterminer que telle chose a été causée par telle autre chose. D'un autre côté, il se peut qu'il en soit autrement dans les petites populations.
    Je vais laisser Mme Scassa prendre le relais.
(1555)
    Merci.
    Je lisais que l'Irlande du Nord, qui fait partie du Royaume-Uni, a refusé de mettre en place l'application de recherche des contacts du Royaume-Uni et a plutôt adopté une solution qui est compatible avec celle de la République d'Irlande, qui est située sur la même île, parce que c'est son choix. Elle tient compte des lieux vers lesquels sa population se déplace.
    Je pense que nous avons commencé modestement pendant un certain temps. Santé publique Ottawa parlait de l'idée d'adopter une application de recherche des contacts à un moment où personne ne quittait Ottawa, où nous restions tous à la maison, et c'est là que nous avions besoin d'une application. Mais maintenant, nous allons commencer la réouverture et nous avons besoin d'une application pour l'Ontario.
    Lorsque l'Alberta a adopté son application, la réaction, que je crois que vous sentez en ce moment en tant que parlementaires, a été qu'il nous fallait une solution nationale, parce que dès que nous commencerons la réouverture, les gens se déplaceront dans le pays. Si l'on a un outil qui ne fonctionne pas au-delà des frontières, alors il ne sera pas très utile, en particulier, bien sûr, ici dans la ville d'Ottawa, qui est située à côté du Québec. Les gens traversent tout le temps la frontière provinciale.
    Je pense qu'à mesure que notre situation évolue, notre vision quant à ce que nous devons affronter évolue également, ce qui a une influence sur la technologie que nous adoptons. Les choses vont si vite que je crois qu'il est difficile de s'adapter et d'intervenir. Encore une fois, je dirais qu'il faut réfléchir à ce qui vient par la suite, soit la recherche des contacts dans le milieu de travail. Je pense que c'est la grande vague qui s'en vient et qu'elle sera très importante.
     C'est en fait très bien.
    Je n'ai que quelques secondes. Donc, très rapidement, compte tenu de cela, serait-il alors logique, si nous nous engageons dans cette voie, qu'il y ait presque, encore une fois, un lien ou un accord spécifique entre l'employeur et la personne, et dans le second cas, entre le pays et la personne, ou s'agit-il simplement d'une politique globale du pays?
    Je vais m'arrêter ici, car il ne me reste plus de temps.
    Je peux peut-être répondre très rapidement. En ce qui concerne les lieux de travail, je pense que nous devrons examiner la LPRPDE et les lois provinciales dans la mesure où elles s'appliquent en Alberta, en Colombie-Britannique ou au Québec. C'est là que nous devrons chercher des solutions, et je ne crois pas qu'il en existe de particulièrement bonnes à l'heure actuelle.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour du député Patzer.
    Vous disposez de cinq minutes, monsieur.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à M. Bryant. Je souhaite que vous me répondiez simplement par oui ou non.
    La propriété des données est-elle considérée comme une propriété privée?
    Mes données sont-elles ma propriété? Je dirais que oui, c'est le cas, mais j'ai une précision à faire. Je sais que vous vouliez que je réponde simplement oui ou non, mais c'est vous qui posez les questions et c'est moi qui donne la réponse.
    C'est bien. Si vous voulez nous donner cette précision, veuillez seulement le faire rapidement si cela ne vous dérange pas.
    Je répéterais simplement ce qu'a dit Mme Scassa au sujet d'autres intervenants, qui ont des intérêts, et des choix doivent être faits à cet égard.
    Les services de police aimeraient probablement avoir accès à mes données privées, car ils aiment ce type de renseignements; cela les aide dans le cadre de leurs enquêtes. Toutefois, on voudrait interdire la fuite de données en dehors du contexte de la santé publique.
    Oui. Si je pose la question, c'est parce que je crains que la propriété privée ne soit pas vraiment un élément protégé par la Constitution.
    Quoi qu'il en soit, je vais passer à mes prochains points.
    La liberté de presse suscitait déjà des inquiétudes au cours des deux ou trois dernières années, avant l'arrivée de la pandémie. Malheureusement, étant donné que le Parlement a suspendu ses travaux et qu'il a des pouvoirs limités, il est encore plus nécessaire que les médias interrogent ouvertement le gouvernement au sujet de ses décisions et de ses activités.
    Existe-t-il des obstacles ou des tendances inquiétantes concernant l'accès des médias canadiens au gouvernement, en particulier depuis le début du confinement?
(1600)
    Il ne fait aucun doute que la reddition de comptes fait défaut.
    Par exemple, je m'inquiète du fait que lorsque des annonces sont faites par des ministres — je ne parlerai que du gouvernement fédéral ici —, lorsque des annonces ou des mises à jour quotidiennes sont faites, on ne sait pas quelle part a une valeur juridique et quelle part ne constitue que l'opinion de la personne?
    Ce qui serait utile dans ces mises à jour quotidiennes, c'est que l'on nous dise « voici les décrets que le Cabinet a pris, voici où l'on peut les trouver sur le Web, et permettez-moi maintenant de vous donner mon opinion personnelle sur des choses qui n'ont pas de valeur légale ».
    Parce que nous ne savons pas ce qui est loi et ce qui ne l'est pas, la primauté du droit est remise en question, la reddition de comptes est certainement remise en question et tout cela ne sert pas la démocratie. C'est ce qui vient à l'esprit de la manière la plus urgente quant à ce qui menace l'obligation de l'exécutif de rendre des comptes au Parlement. Si les députés se sentent exclus à cet égard, je suppose qu'il leur appartient de déterminer les mesures à prendre.
    Oui. Eh bien, je vous remercie.
    Ces derniers mois, nous avons vu le gouvernement fédéral jongler avec l'idée de mettre fin à ce qu'il considère comme la diffusion de fausses nouvelles en ligne au sujet de la COVID-19. Toutefois, il semble qu'il y a quelques mois, le gouvernement a lui-même diffusé des fausses nouvelles concernant les masques, la transmission interhumaine du virus et les origines du virus. Tout cela était inexact.
    À quel point ces mesures porteraient-elles atteinte non seulement à la liberté d'expression des Canadiens, mais également à la liberté de la presse?
    Nous nous opposons à toute mesure prise par un gouvernement ou un parlement qui vise à refroidir, voire censurer, les gens, soit à restreindre leur liberté d'expression.
    Quelles sont les conséquences négatives inattendues que de telles mesures pourraient entraîner?
    Eh bien, qui a le monopole de la vérité? Sommes-nous prêts à dire que le gouvernement ou le Parlement ont le monopole de la vérité? Bien sûr que non.
    Si nous pouvons convenir que les gouvernements ne peuvent pas décider ce qui est vrai ou faux, alors ils ne peuvent pas avoir le pouvoir de décider quelle information doit être diffusée.
    J'aimerais que ce soit vous qui répondiez d'abord à ma prochaine question, monsieur Bryant, puis peut-être voudrez vous y répondre également, madame Scassa.
    La semaine dernière, un représentant d'une entreprise privée a dit que son travail avec les bases de données de santé publique provinciales créait une « source unique de vérité ».
    Avez-vous des préoccupations quant à la façon dont les gouvernements et les entreprises prévoient recueillir et gérer les données?
    Oui.
    Je pense que je vais laisser Mme Scassa intervenir en premier, puisque j'ai répondu à toutes les dernières questions.
    Oui, j'ai toujours des préoccupations quant à la manière dont les données seront recueillies et utilisées, surtout au moment où nous entrons dans une période d'analyse des mégadonnées et d'intelligence artificielle, car leur utilisation peut dépasser tout ce que nous avons même imaginé auparavant. Je pense que des mesures législatives rigoureuses sur la protection des renseignements personnels doivent être adoptées et qu'il faut assurer une bonne reddition de comptes et une surveillance étroite.
    Merci.
    C'est maintenant au tour du député Ehsassi. Vous disposez de cinq minutes, monsieur.
    Je vous remercie, madame la présidente. J'aimerais également remercier les témoins de comparaître devant notre comité aujourd'hui.
    Comme vous l'avez peut-être déjà entendu, nous venons d'apprendre que la seule province qui a lancé une application de localisation, c'est-à-dire l'Alberta, attend toujours l'avis de sa commissaire à la protection de la vie privée pour savoir si l'application respecte les normes établies dans la déclaration commune qui a été faite le 7 mai dernier. Je viens tout juste de jeter un coup d'œil au site Web de la commissaire à la protection de la vie privée de l'Alberta, et on dit qu'il peut falloir jusqu'à un an pour mener les évaluations des facteurs relatifs à la vie privée.
    Je suis stupéfait, car si nous tenons compte de la déclaration commune faite par le commissaire fédéral à la protection de la vie privée et la commissaire provinciale, on peut se demander s'ils voulaient seulement nous fournir un barème, en sachant très bien qu'il faudrait de nombreux mois avant qu'un gouvernement puisse intervenir et veiller à ce que toutes les mesures de protection nécessaires soient prises.
    Quel processus recommanderiez-vous à un gouvernement d'utiliser?
    Nous pourrions peut-être entendre d'abord la réponse de Mme Scassa.
(1605)
    D'après ce que je comprends, une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée avait déjà été menée au sujet de l'application de localisation de l'Alberta. C'est ce que la commissaire à la protection de la vie privée de l'Alberta est en train d'examiner. Je pense qu'elle participe à des discussions avec les représentants du gouvernement de l'Alberta. Je crois que c'est la raison pour laquelle nous n'avons toujours pas reçu de réponse officielle. En effet, elle souhaite soulever certaines préoccupations qui découlent de cette évaluation.
    En Australie, une telle application a été lancée en même temps que l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, et il s'agit d'un document volumineux et complet qui a été publié sur le site Web du gouvernement australien.
    Il est possible de mener rapidement une évaluation des facteurs relatifs à la vie privée. Par exemple, l'évaluation des facteurs relatifs à la vie privée qui a été menée en Australie a mis en évidence certains problèmes graves que le Parlement australien examine actuellement et dont il tient compte pour adopter des mesures législatives potentielles.
    Lorsque c'est nécessaire et qu'il y a un sentiment d'urgence, les choses peuvent bouger plus rapidement. Je sais que la commissaire à la protection de la vie privée a parlé de discuter avec Mila de son application et de fournir des conseils et des consultations. Il existe des moyens d'accélérer les choses. Tout ne se fera pas au ralenti.
    Je suis convaincue que ce travail peut être fait et qu'il peut être fait rapidement, afin d'améliorer les paramètres liés à la protection de la vie privée dans ces types d'applications, même en temps de crise.
    Monsieur Bryant, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui, je vous remercie.
    Je crois qu'il y a une différence entre une évaluation finale et la rétroaction d'une commissaire à la protection de la vie privée. Je sais que le commissaire fédéral à la protection de la vie privée serait heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité ou devant toute autre personne qui le lui demanderait, afin de formuler quelques avis préliminaires. Lorsqu'une commissaire à la protection de la vie privée affirme qu'elle a seulement besoin de renseignements supplémentaires, ils peuvent lui être fournis. Mais le plus souvent, on peut lui expliquer qu'une certaine cause entraîne un certain effet, etc.
    Je crois que cette réponse était, en partie, conforme aux réponses habituellement données par les commissaires à la protection de la vie privée. Deuxièmement, cette réponse était également motivée par le fait que si vous tentez d'obtenir une réponse définitive, ce ne sera pas possible avant un certain temps. Mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas obtenir des réponses préliminaires.
    Je vous remercie de votre réponse.
    J'aimerais maintenant revenir à Mme Scassa.
    Dans votre exposé, vous avez soulevé la question de la protection de la vie privée en milieu de travail. C'est l'une des questions dont nous entendons rarement parler dans les médias. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce sujet? Quels éléments devraient réellement nous inquiéter?
    D'après ce que je comprends, des discussions sont en cours au Canada et dans d'autres pays, surtout dans les endroits où il y a un nombre élevé de travailleurs, sur la façon de permettre à ces travailleurs de revenir sur les lieux de travail en toute sécurité.
    Dans ce contexte, on conçoit, on met au point et on tente de mettre en œuvre des applications de localisation en milieu de travail. Ces applications observeront essentiellement où se trouvent les employés sur le lieu de travail, avec qui ils interagissent, où ils se déplacent et quels sont leurs schémas de déplacement en milieu de travail, de sorte que s'il y a une épidémie de COVID-19 ou si un employé reçoit un diagnostic de COVID-19, on pourra avertir les autres employés et prendre les mesures appropriées.
    D'un côté, on peut comprendre à quel point c'est important pour permettre aux gens de retourner au travail en toute sécurité, mais de l'autre, c'est un niveau de surveillance très élevé. Je crois que cela soulève des questions liées à la protection de la vie privée que nous devons étudier sérieusement lorsque nous mettons en œuvre des mesures de protection et des facteurs compensatoires.
    Monsieur Bryant, souhaitiez-vous répondre à la question? En fait, mon temps est écoulé.
    Je vous remercie.
    Je suis désolée, monsieur Ehsassi.
    Mme Rempel Garner a la parole pour la prochaine série de questions.
    Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma première question s'adresse à M. Bryant.
    Vous avez parlé plus tôt du Règlement général sur la protection des données et de l'Association canadienne des libertés civiles, et je pense qu'il s'agit de deux éléments très importants dans le cadre des pratiques exemplaires internationales en ce qui concerne les données. En effet, l'article 20 du Règlement général sur la protection des données parle du droit à la portabilité des données, et l'ACLC permet aux personnes de demander la suppression de leurs données ou d'en refuser la vente.
    Puisqu'il s'agit de pratiques exemplaires, serait-il avantageux, pour les Canadiens, d'enchâsser ce type de régime de propriété des données dans les lois canadiennes?
(1610)
    Oui, je pense que ce serait avantageux.
    Je vous remercie beaucoup.
    Pour faire suite aux questions de mes collègues, M. Patzer et M. Lemire, que pensez-vous de l'enchâssement d'un droit ou d'une reconnaissance de la propriété des données personnelles? En ce moment, on semble penser qu'en raison de conditions d'utilisation épineuses, les données — ou la valeur productive des données — sont la propriété des grandes entreprises de données, par exemple. Si nous enchâssions le droit à la propriété des données personnelles comme principe ou point de départ pour bâtir un nouveau cadre de protection de la vie privée au Canada, cela serait-il utile aux Canadiens?
    Je n'en suis pas certain. Je ne peux pas dire oui ou non parce que cela dépend de la façon dont on traite ces renseignements. Par exemple, si quelqu'un peut avoir accès aux renseignements dont je suis censé être propriétaire, cela n'aide pas beaucoup mes droits de propriété.
    C'est surtout une question de présomptions. Il faudrait, dès le départ, présumer qu'il s'agit de renseignements confidentiels, et il reviendrait ensuite aux tierces parties et à l'État de justifier l'accès à ces renseignements.
    C'est la meilleure réponse que je peux vous donner.
    Je vous remercie. C'est une réponse très utile.
    Monsieur Bryant, je suis parlementaire depuis plusieurs années, et c'est une expérience enrichissante. Je me suis retrouvée des deux côtés de la Chambre. Au cours de mon mandat, j'ai remarqué qu'on avait grandement centralisé les pouvoirs dans le Cabinet du premier ministre. Je remets en question les droits et la capacité des parlementaires dans les conditions actuelles, et ce qui s'est produit au cours des derniers mois me préoccupe beaucoup à titre de parlementaire et de personne qui représente plus de 80 000 électeurs. J'aimerais avoir votre avis à cet égard.
    Certains grands titres m'ont beaucoup troublée. Par exemple, l'un des grands titres du Globe and Mail indiquait que la ministre de la Santé, Mme Hajdu, avait empêché la Dre Theresa Tam de répondre à une question au sujet des réserves d'urgence du Canada. De plus, d'après ce que je comprends, le Budget fédéral des dépenses, qui prévoit environ 150 milliards de dollars en nouvelles dépenses, fera seulement l'objet d'un débat de quatre heures. Votre organisme protège notamment le droit de vote. J'ai un droit de vote au nom d'un grand nombre de mes électeurs.
    Êtes-vous préoccupé au sujet de l'état de la démocratie et des libertés civiles par rapport à la façon dont le Parlement a fonctionné au cours de cette crise? Quelles sont vos recommandations à cet égard?
    Je vais simplement répéter ce que j'ai dit plus tôt au sujet de la responsabilité. Lorsque le gouvernement envisage l'adoption d'un décret, il devrait faire preuve de transparence et de précision quant au calendrier de la mise en œuvre de ce décret et aux effets du décret en tout temps. Lorsque le Cabinet a pris une décision, il devrait la rendre publique immédiatement et l'expliquer clairement, ne pas la mettre en veilleuse, mais préparer les communications et la rendre publique. Le...
    Il ne me reste que quelques secondes.
    D'après ce que je comprends, le gouvernement a eu recours à un décret en conseil pour mettre sur pied un régime de confiscation de la propriété des Canadiens respectueux de la loi. À votre avis, est-ce acceptable pendant une pandémie?
    Il faudrait que j'obtienne plus de détails à ce sujet, mais je dirais qu'il faut que ce soit autorisé par la loi. Si ce n'est pas autorisé par la loi, ce ne serait pas applicable.
    Je vous remercie.
    M. Erskine-Smith a la parole pour la prochaine série de questions.
    Vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Scassa, je suis habituellement d'accord avec tout ce que vous dites. Dans ce cas-ci, je suis d'accord avec presque tout ce que vous dites. Cependant, une chose me pose problème. Je parle probablement dans le vide, car je ne pense pas que nous arriverons à un point où ces applications seront aussi efficaces qu'elles pourraient l'être, mais l'un des défis qui se posent, c'est l'idée d'exiger des systèmes à adhésion facultative.
    Vous avez absolument raison lorsque vous dites qu'il y a des applications de localisation très différentes. Nous pouvons nous tourner vers un système décentralisé comme la norme DP-3T, par exemple, ou envisager l'utilisation de Bluetooth, qui est plus précis que les données GPS. Si nous disposons d'un cadre de gouvernance des données qui respecte tous les principes relatifs à la restriction des objectifs, qui garantit que les renseignements seront supprimés à la fin de la pandémie et qui fait l'objet d'une surveillance étroite par les commissaires à la protection de la vie privée ou les défenseurs de la vie privée comme vous, et s'il est vrai — et il se peut que ce ne soit pas vrai, bien que certaines recherches menées à Oxford le confirment — qu'un taux de participation de 60 % ou plus est nécessaire pour que l'application ait réellement un impact et que l'initiative soit couronnée de succès, et que nous puissions ainsi sauver des vies, pourquoi est-il si important d'avoir un système à adhésion facultative? Ne s'agit-il pas d'atteindre un équilibre? Fixons-nous des limites avant même d'aborder la question importante de savoir ce qui est efficace en général et quel équilibre doit être atteint? Sommes-nous en train de dire, dès le départ, que nous ne pouvons même pas avoir cette conversation, parce que l'adhésion à l'application devrait être facultative?
(1615)
    Je crois que c'est une question très intéressante qu'il faut approfondir. J'ai du mal à séparer mon propre scepticisme à l'égard de la technologie de la question de savoir si elle devrait être obligatoire. Par exemple, un grand nombre de ces technologies, selon leur conception et selon leur nature, dépendent de l'efficacité des tests de dépistage de la COVID-19. Dans un contexte dans lequel on ne teste pas tout le monde et où il faut attendre cinq jours pour obtenir les résultats de ces tests, ces applications seront d'une efficacité minimale. Toutefois, elles peuvent être utiles dans certaines circonstances.
    Je suis d'accord avec cela, alors imaginons un monde où nous augmentons la capacité de tests dans une telle mesure qu'ils ont un rôle à jouer. S'ils ont un rôle à jouer et que des taux de participation de 20 % ne sont pas, comme nous le savons, très efficaces et qu'il ne vaut donc même pas la peine de s'engager dans cette voie, il faut doubler les ressources humaines. Nous devrions le faire de toute façon, je suis d'accord, mais si nous pouvons atteindre un seuil de 60 à 70 % en utilisant un système à adhésion facultative qui préserve toujours le choix d'une personne qui trouve cela vraiment important, ne serait-ce pas plus logique, si tout le reste est vrai? Je reconnais qu'il y a de nombreux impondérables, dans ce cas-ci, en ce qui concerne le cadre de gouvernance des données et la conception de l'application de localisation, mais si tout le reste protège la vie privée de toutes les façons possibles, peut-on faire certaines concessions sur cette question précise?
    Je pense que c'est difficile, parce que dans un sens, nous créons presque un contexte qui n'est pas le contexte réaliste dans lequel nous vivons. En effet, certaines personnes n'ont pas de téléphone. D'autres n'ont pas le bon modèle de téléphone ou le bon système d'exploitation. De plus, certaines personnes souffrent de déficiences perceptuelles. Certains Canadiens peuvent également avoir des difficultés à atteindre le niveau de lecture nécessaire en anglais ou en français pour utiliser ces applications. Des personnes seront exclues de toute façon, et je pense donc que l'obligation ou le caractère obligatoire pose problème dans ce contexte.
    L'autre problème concerne les libertés civiles, car on rend obligatoire une forme de collecte de données sur le lieu, le contexte et les renseignements confidentiels sur la santé. Je pense qu'une fois qu'on aura créé un précédent pour rendre obligatoire...
    Non, j'ai suggéré l'adhésion facultative, n'est-ce pas?
    Vous parlez de l'adhésion facultative, c'est vrai.
    C'est différent de l'adhésion obligatoire.
    Oui, c'est différent.
    Cette méthode préserve la capacité de choisir dans une grande mesure. Je pense aussi qu'on pourrait ainsi atteindre un meilleur équilibre en général, mais cela nécessite la mise en œuvre de nombreuses autres mesures.
    Oui, c'est vrai.
    Monsieur Bryant, vous avez parlé de l'importance de la liberté d'expression. Bien entendu, la vérité est également importante. En ce qui concerne les sociétés de médias sociaux, qui sont des intervenants privés qui ont certainement le droit de déclasser un contenu inexact et faux et de mettre l'accent sur les sources fiables, seriez-vous en désaccord avec des conseils de normalisation de la radiodiffusion et d'autres mesures de ce type, qui se concentreraient sur la vérité et les normes de diffusion de l'information et qui soutiendraient ces notions?
    Je suis pour la diffusion de la vérité, si c'est ce que vous voulez savoir. Nous sommes surtout préoccupés par la censure.
    Je tiens évidemment à souligner que si une personne fait une fausse déclaration et que cela nuit à la réputation d'une autre personne, l'auteure de la déclaration est bien entendu limitée dans ses propos. On exerce donc une censure importante dans toutes sortes de contextes. Seriez-vous contre l'idée des conseils de médias sociaux qui mettent l'accent sur l'éthique de l'information, puisque les algorithmes sont en train de remplacer les éditeurs?
    Il faudrait que j'en sache plus sur la question. Nous sommes l'Association canadienne des libertés civiles et nous pouvons donc nous permettre d'être intransigeants sur la liberté d'expression, ce que vous ne pouvez pas vous permettre, de façon pragmatique. Je pense que je ferais mieux d'en rester là.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous remercie beaucoup.

[Français]

     Nous passons maintenant au député Savard-Tremblay, qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Encore une fois, je remercie les témoins de leurs présentations.
    J'ai envie de vous poser la même question que celle que j'ai posée au commissaire à la protection de la vie privée du Canada, mais sous un angle différent.
    Dans la loi qui pourrait être adoptée, ne pourrait-on pas traiter spécifiquement de la notion de propriété d'une donnée? D'une part, on devrait pouvoir décider de ce que l'on accepte de partager. D'autre part, en cas de violation de la vie privée ou d'utilisation d'une donnée contre le gré de la personne visée, la notion de propriété pourrait-elle déclencher l'application de mesures sévères comme cela se fait déjà dans certains pays d'Europe?
(1620)

[Traduction]

    Professeure, je ne dirai que ceci: je crois que la question du contrôle des données est plus importante que celle de la propriété des données. Je ne dis pas que la propriété ne compte pas, mais, pour les besoins de la question que nous examinons, l'enjeu est vraiment le contrôle et non la propriété. C'est tout ce que j'ai à dire, sinon de me répéter sur les différents intérêts en jeu. Il faudrait établir certains principes, par exemple sur les fuites de données vers la police ou d'autres organismes d'enquête. Ils ne devraient, dans aucune circonstance, obtenir ce qui équivaut à des données sur la santé publique.
    Qu'en dites-vous?
    L'enjeu est le contrôle. Nos lois actuelles sur la protection de la vie privée reconnaissent aux particuliers des droits de contrôle plus faibles que ceux qu'accorde, par exemple, le Règlement général sur la protection des données. Quand ils sont bafoués, on les protège aussi plus mollement. Ces droits sont extrêmement importants, et nous avons beaucoup de rattrapage à faire.

[Français]

    Dois-je comprendre que, pour vous aussi, la question de la propriété est secondaire lorsqu'on la compare à la question du contrôle?

[Traduction]

    La question de la propriété ne doit pas faire illusion. Elle est trompeuse, elle détourne l'esprit de la véritable question, elle empêche de discerner l'intérêt qui compte parmi tous les autres. Une entreprise, une organisation, une entité qui a rassemblé des données y possède un intérêt, tout comme le particulier de qui elles proviennent. Parler de propriété dans ce contexte est significatif. Il s'agit des droits de contrôle.

[Français]

    Merci beaucoup,

[Traduction]

    Notre dernier intervenant est le député Masse, qui dispose de deux minutes et demie.
    Merci.
    J'interrogerai d'abord Mme Scassa, puis M. Bryant.
    Madame, j'ai proposé une déclaration des droits numériques qui inscriraient essentiellement vos droits physiques dans presque la même catégorie que vos droits électroniques. Sans entrer dans les détails, est-ce que ça devrait nous servir de principe directeur ou, du moins, de point de comparaison, que nous pourrions ensuite faire protéger par le commissaire à la protection de la vie privée ou par le Bureau de la concurrence et d'autres organismes publics capables de se prononcer sur l'utilisation, bonne ou mauvaise, de nos renseignements, puis de moderniser ce principe pour le faire protéger au Canada, mais aussi pour des accords internationaux? Voilà l'idée. C'est plus robuste que c'en a l'air, mais, essentiellement, il s'agit de reproduire les droits physiques dans les droits électroniques.
    L'idée est intéressante. Je dois avouer ne pas y avoir beaucoup réfléchi. Je ne voudrais pas vous faire gaspiller vos deux minutes pendant que j'y réfléchirais de façon indécise.
    Très bien. Aucun souci.
    Et vous, monsieur Bryant, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je ferais mieux de requérir l'examen de mon association et de vous communiquer ensuite une réponse convenable plutôt que de vous servir deux minutes de considérations plus ou moins subtiles.
    C'est bien. Nous avons fait notre contribution.
    Je pose ma dernière petite question à Mme Scassa d'abord, puis à M. Bryant.
    Faut-il, finalement, conclure des traités internationaux également pour régler notre utilisation et notre gestion incohérentes de nos données, dans le cadre de nos négociations commerciales?
    Nous arrivons au point où des normes internationales sont indispensables, parce que nous butons constamment contre, par exemple, des limites très basses pour la protection des données, plus basses que les nôtres, dans des entreprises des États-Unis, ce qui cause des problèmes considérables. La grande inconnue, c'est comment on formera le consensus international et si la protection que nous en retirerons sera supérieure ou inférieure à celle dont nous jouissons actuellement, mais nous devons former ce consensus sur la vie privée.
    Il faut d'abord un consensus national et des lois nationales. Nous devons actualiser les lois sur les données. Je suis persuadé que vous êtes d'accord, mais je me permettrai d'insister sur ces points. Les traités internationaux ne sont pas mon rayon.
(1625)
     Merci beaucoup. C'est tout le temps dont nous disposions aujourd'hui.
    Je vous remercie tous sincèrement de votre patience et de votre disponibilité, qui ont permis de prolonger le temps à notre disposition.
    Sur ce, je lève la séance.
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