Je souhaite à tous la bienvenue à la 29e séance du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Le Comité se réunit en formule hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021. Les témoignages seront accessibles depuis le site Web de la Chambre des communes. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les défis auxquels font face les femmes vivant dans les collectivités rurales; la deuxième partie de la réunion portera sur le travail non rémunéré des femmes.
Pour nos témoins, lorsque vous êtes prêts à parler, veuillez cliquer sur l'icône pour activer votre microphone. Les commentaires doivent être adressés à la présidence. Si vous souhaitez entendre l'interprétation, un bouton se trouve au bas de votre écran, par lequel vous pouvez choisir l'anglais ou le français. Lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et clairement, et lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en mode silencieux.
Je souhaite maintenant la bienvenue à nos témoins, qui entameront nos discussions par leurs déclarations liminaires de cinq minutes. Je ne sais pas si vous souhaitez vous partager le temps entre vous.
Nous entendrons Shealah Hart, membre du Conseil national des jeunes des Boys and Girls Clubs of Canada; ainsi que Traci Anderson, directrice exécutive du BGC de Kamloops.
Madame Hart, si vous voulez commencer, vous avez cinq minutes.
Nos clubs accueillent 200 000 enfants, jeunes et familles dans 775 collectivités, au Canada, y compris en région rurale, d'une côte à l'autre. Ils contribuent beaucoup au filet de sécurité sociale de beaucoup de Canadiens et de familles. Partout au pays, nos clubs favorisent l'égalité, l'acceptation, l'entraide et la participation. La participation change tout.
Nos clubs offrent de l'aide aux devoirs, un refuge pour itinérants, des collations après l'école ou leur seul repas de la journée à certains jeunes, des encouragements ou des rencontres individuelles pour s'assurer de la santé mentale de nos membres, soit tout ce dont un jeune peut avoir besoin, y compris la possibilité de participer à des choses inaccessibles hors de nos murs, des choses qui changent des vies.
Je m'appelle Traci. Je suis directrice exécutive du BGC de Kamloops, en Colombie-Britannique, où la population est d'un peu plus de 100 000 habitants. Je suis également directrice par intérim du BGC de Williams Lake, en plein cœur de Cariboo, une petite ville de 12 000 habitants.
Je passe le flambeau à Mme Hart.
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Je m'appelle Shealah, je suis une jeune de Northern Arm, à Terre-Neuve-et-Labrador, un village de seulement 426 personnes. Aujourd'hui, je représente mon club du village voisin de Botwood, à Terre-Neuve-et-Labrador, de même que BGC Canada, en tant que membre du Conseil national des jeunes. Merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui pour que nous puissions nous adresser à vous.
Mme Anderson et moi aimerions souligner trois problèmes intersectionnels qui touchent les femmes des collectivités rurales. Ily a premièrement l'accès à Internet; deuxièmement, l'emploi, et troisièmement, la garde d'enfants. Nous commencerons par vous exposer brièvement les problèmes tels que nous les voyons, puis nous vous ferons quelques recommandations pour changer les choses.
L'un des plus grands obstacles, dans les régions rurales, c'est le manque d'accès fiable à Internet, ce qui est devenu particulièrement problématique pendant la pandémie et la transition vers l'apprentissage en ligne, surtout pour les étudiants des niveaux postsecondaires, un peu partout au pays. Sans accès à Internet, j'aurais dû reporter mes études postsecondaires, et même en y ayant accès, j'éprouve toujours de temps en temps des problèmes de connexion pendant mes cours.
Je dois me rendre chez des amis ou des membres de ma famille qui vivent dans les villages voisins pour télécharger mes devoirs et faire mes examens. En fait, aujourd'hui même, je me joins à vous depuis un village voisin, non seulement par crainte d'une panne Internet chez moi, mais aussi parce qu'Internet n'est pas assez vite, dans mon village rural, pour que ma soeur et moi suivions nos cours en ligne en même temps.
Il est également difficile pour les personnes qui vivent en région rurale de trouver un emploi. Dans mon village, il n'y a qu'une poignée d'endroits où l'on peut travailler, et partout, on n'y offre que le salaire minimum, mais un salaire de 12 $ de l'heure ne peut pas vraiment suffire pour payer les factures et l'épicerie. Je suis jeune et j'adore mon village, je voudrais pouvoir continuer de vivre à Northern Arm, mais sans un accès robuste à Internet, sans possibilité d'éducation pour moi-même et mes futurs enfants et sans un emploi qui me permettra de me réaliser dans mes passions, je serai contrainte de quitter cet endroit que j'appelle chez moi.
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Pour ce qui est des services de garde d'enfants, nous sommes heureuses de l'engagement récent, dans le dernier budget fédéral, à mettre en place un programme national de garderies.
Comme vous le savez, la garde d'enfants est un enjeu complexe, et pour les gens des régions rurales, les défis sont encore plus grands. Nos clubs sont parmi les plus grands fournisseurs de services de garde à but non lucratif à l'échelle du pays, et nous connaissons les avantages d'un accès à des places en garderie éducatives et de qualité sur la vie des enfants. Malgré cela, certains n'y ont tout simplement pas accès.
Ces services sont essentiels à la stabilité économique du Canada, pour que les gens puissent retourner au travail. Les fournisseurs de services à but non lucratif sont des partenaires clés pour que les gens de toutes les collectivités aient accès à des places en garderie, ainsi qu'à des services de garde en milieu scolaire.
Nous sommes bien placés pour constater de visu les effets des problèmes systémiques comme le mauvais accès à Internet, les obstacles à l'emploi et le manque de services de garde pour les enfants dans les collectivités rurales, de même que leurs répercussions sur l'accessibilité des femmes aux débouchés économiques. Nous savons que nous avons besoin d'une solution systémique. Nous avons besoin d'un système global, qui réponde aux divers besoins intersectionnels des collectivités rurales pour assurer leur prospérité à long terme.
Nous avons quatre recommandations à faire au Comité.
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Notre troisième recommandation concerne les services de garde. Nous savons, de par l'expérience de nos clubs et de nos membres, partout au pays, qu'il n'y a pas de formule magique qui convienne à toute la diversité des familles qui existent au Canada. Certaines familles cherchent des services de garde dans les écoles, alors que d'autres préfèrent que leurs enfants reçoivent des services dans la communauté, des services qui favorisent un apprentissage fondé sur les compétences et les activités récréatives.
Notre dernière recommandation serait de favoriser des salaires plus élevés et plus équitables dans les services de garde pour stabiliser le secteur. Nous savons qu'il faut redoubler d'efforts pour attirer du personnel dans les services de garde, autant qu'il faut réduire les tarifs pour les parents. On ne peut pas augmenter le nombre de places en garderie s'il n'y a pas de personnel pour s'occuper des enfants.
Nous sommes confrontés à de graves pénuries de personnel, et nos listes d'attente continuent de s'allonger. Par conséquent, les parents sont forcés d'inscrire leurs enfants non nés sur des listes d'attente dans l'espoir d'avoir accès à une place en garderie un moment donné.
Dans les services de garde, 95 % du personnel se composent de femmes, et les salaires demeurent si bas qu'elles finissent souvent par quitter le secteur pour poursuivre une carrière ailleurs, là où elles pourront toucher un meilleur salaire. Or, les femmes qui souhaitent intégrer le marché du travail ne peuvent tout simplement pas le faire sans services de garde stables pour leurs enfants.
Nous souhaitons remercier les membres du Comité de nous offrir cette tribune. Nous sommes prêtes à répondre à vos questions.
Merci.
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Je vous remercie de cette question, madame la présidente.
La situation dans les collectivités rurales est très similaire à celle qui prévaut dans les grands centres. Ce n'est qu'une question d'accès à des services de qualité. Dans les collectivités rurales, il n'y a tout simplement pas de fournisseurs de services de garde, déjà. Les familles doivent donc quitter leur village pour confier leurs enfants à des services de garde fiables.
Pour le programme national de garde d'enfants, les BGC recommandent véritablement une approche globale, qui tienne compte des enfants de tous âges, pas seulement des zéro à cinq ans, mais également des enfants d'âge scolaire, qui ont également besoin de services de garde. C'est vraiment une difficulté dans les collectivités rurales.
Ensuite, le principal problème, c'est le manque de personnel. Les circonstances dans lesquelles on peut embaucher du personnel dans les services de garde sont très réglementées, pour favoriser l'embauche d'éducatrices qualifiées en petite enfance. Il n'y a tout simplement pas assez de ressources professionnelles. C'est encore pire dans les collectivités rurales. Nous aimerions donc beaucoup travailler en collaboration avec le gouvernement pour connaître ses plans en vue d'un programme universel de services de garde d'enfants.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie aussi nos deux témoins de leur présence aujourd'hui. J'adresse un bonjour particulier à la collectivité de Botwood, depuis la collectivité de Little Rapids, où je me trouve actuellement, madame Hart.
Je vous remercie toutes les deux de vos observations. Comme mes collègues le savent, je parle des régions vraiment rurales du Canada. Comme vous le savez, madame Hart, j'habite moi aussi dans une région très rurale. J'approuve tous les commentaires que vous avez formulés au sujet de la connectivité. La connectivité était problématique bien avant l'arrivée de la COVID-19, mais la pandémie a arraché le pansement.
Je suis sûre que vous avez entendu les engagements que nous avons pris. Nous sommes en bonne voie de faire en sorte que 98 % des Canadiens soient connectés d'ici 2026. J'espère pouvoir compter sur l'appui de mes collègues ici présents en ce qui concerne l'adoption du budget, car nous y avons bonifié d'un milliard de dollars le Fonds pour la large bande universelle, ce qui aura un effet bénéfique.
L'un des critères du nouveau Fonds pour la large bande universelle — et une partie de ces critères figure dans le volet de réponse rapide — est l'abordabilité. Il s'agit de l'une des cases des critères. J'ai hâte de déployer un nombre de plus en plus important de formulaires de demande partout au pays, et j'encourage les gens à présenter des demandes, car nous sommes en bonne voie d'atteindre notre objectif et de connecter un plus grand nombre de Canadiens. Nous savons qu'il s'agit d'un élément très important, surtout au moment où les femmes et les petites entreprises reprennent leurs activités dans toutes les régions rurales du Canada.
Il est intéressant de constater que les gens déménagent dans les régions rurales du Canada, même si je n'ai rien contre mes collègues qui vivent dans des centres urbains. Les gens viennent dans les centres ruraux pour bénéficier d'un air plus frais, d'une meilleure qualité de vie et d'espaces plus vastes, et nous savons à quel point la connectivité est importante là-bas.
Madame Anderson, je me réjouis des commentaires que vous avez faits sur les services de garde d'enfants. À l'heure actuelle, nous sommes en train d'établir l'empreinte pour ces services, mais il n'y a pas d'approche universelle à cet égard. Il faut collaborer avec les provinces et les territoires afin de déterminer la façon dont ces services doivent être mis en œuvre, et ils doivent être différents en milieu rural.
Madame Anderson, j'aimerais savoir ce que vous avez à dire à ce sujet. Si vous aviez deux conseils à nous donner... Vous nous en avez donné un, à savoir que les services doivent être plus souples. Qu'ajouteriez-vous d'autre pendant que nous élaborons les services de garde d'enfants pour les régions rurales — et j'entends par là les régions vraiment rurales — de l'ensemble du Canada? Quels sont les critères que vous aimeriez voir figurer dans ce volet à mesure qu'il devient [Difficultés techniques], en plus de la souplesse?
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Je connais le Club garçons et filles de St. Anthony, qui accomplit un travail phénoménal pour les jeunes de tous les âges. J'aime votre modèle parce qu'il est accueillant. Il ne s'applique pas seulement aux enfants d'âge préscolaire. Le milieu est accueillant, et le travail que vous réalisez dans ce club est phénoménal.
En ce qui concerne vos commentaires sur l'infrastructure communautaire et le rôle qu'elle joue, je constate que, bien souvent, les petites collectivités n'ont pas accès aux programmes existants et ne les connaissent pas. Il existe des programmes exceptionnels, mais là encore, il faut aider les gens à présenter des demandes pour ces programmes. Il faut aider les petites collectivités où le secrétaire municipal doit trier le courrier un jour, pelleter la neige un autre jour et envoyer les factures de taxes municipales un autre jour. Les secrétaires municipaux ont-ils le temps de présenter une demande pour un programme de financement?
Dans le cadre du volet de réponse rapide du Fonds pour la large bande universelle, il y a ce que nous appelons le service d'orientation. Il s'agit d'un numéro 1-800 et d'une adresse électronique que toute petite collectivité ou tout petit fournisseur de services Internet peut utiliser s'il a une question à poser.
Pensez-vous qu'un service de ce genre devrait faire partie d'un cadre plus général, afin que les collectivités disposent d'une ressource qu'elles pourraient consulter si elles ont une question à poser au sujet du développement économique de leur région rurale? Si elles ont besoin de construire un terrain de jeu ou de rechercher un financement accessible, il y aurait un service à consulter. Il y a beaucoup d'informations en ligne, mais parfois vous n'avez pas le temps de tout passer en revue pour déterminer si votre collectivité pourrait bénéficier d'un financement pour la construction d'un nouvel hôtel de ville ou d'un nouveau centre pour personnes âgées.
Madame Hart, pensez-vous qu'il serait utile d'avoir des coordinateurs régionaux du développement économique qui travailleraient avec ces communautés afin de les aider à trouver les demandes qui conviennent et à franchir les étapes du processus?
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens d'abord à remercier les deux témoins, Mme Anderson et Mme Hart, de leurs témoignages aujourd'hui. Elles nous ont bien rappelé les différences entre les collectivités rurales et les collectivités urbaines.
Parmi leurs recommandations, je tiens à souligner la question des services de garde. Le Québec a été précurseur dans ce domaine. Au Québec, nous avons bien vu l'effet qu'ont eu les services de garde sur le marché du travail et sur les femmes. De façon évidente, les services de garde ont permis aux femmes d'accéder en plus grand nombre à des postes mieux rémunérés ainsi qu'à une plus grande variété d'emplois.
Si le Canada veut s'inspirer du Québec, nous ne pouvons qu'être d'accord, mais il est à espérer que notre travail et notre expertise dans le domaine des services de garde seront reconnus et que nous pourrons avoir une pleine compensation ainsi qu'un droit de retrait, et ce, sans condition. C'est ce que nous souhaitons. Nous espérons que cela pourra fonctionner pour vous également.
Vous avez beaucoup parlé de la question des services Internet, notamment pour les entrepreneurs et les étudiants. Par ailleurs, je sais que certains jeunes veulent avoir des fermes ou des exploitations agricoles. Or, l'agriculture fait maintenant appel à de nouvelles technologies. Les fermes sont branchées à Internet. Vous avez dit que l'inclusion du Fonds pour la large bande universelle dans le dernier budget constituait une bonne nouvelle.
Je pose la question d'abord à Mme Hart, ensuite je laisserai à Mme Anderson l'occasion d'ajouter ses commentaires.
Selon vos premières analyses du budget, ce fonds peut-il aider les collectivités, étant donné les besoins immenses partout au Canada, et même au Québec?
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Je peux répondre à cette question.
Je travaille dans le secteur sans but lucratif depuis 28 ans maintenant, et il a été très intéressant d'observer l'évolution du financement des organismes à but non lucratif.
Aujourd'hui plus que jamais, nous avons besoin de fonds opérationnels. Lorsque des organismes à but non lucratif investissent des capitaux, ils font preuve d'une grande agilité. Nous sommes capables d'élaborer des programmes très rapidement et de réagir très vite. Lorsque nous pouvons avoir accès à un financement opérationnel, nous pouvons faire beaucoup plus. Nous sommes plus efficaces, et nous sommes en mesure d'intervenir de façon plus concrète. Certaines personnes croient encore que les organisations à but non lucratif sont dirigées par des bénévoles, mais notre organisation est une entreprise. C'est une entreprise sans but lucratif, mais c'est tout de même une entreprise.
Nous valorisons le fait de disposer d'un financement opérationnel pour s'occuper de divers aspects. Le paysage a changé, et les donateurs sont rares en ce moment. La situation est donc très difficile. Dans ma collectivité, nous qualifions souvent les collecteurs de fonds de « collecteurs d'amis », car ils ne collectent pas vraiment de fonds. Ils se contentent de nouer des amitiés et de créer des liens au sein des collectivités, afin que les gens puissent constater la valeur de nos services et que nous puissions montrer ce que nous faisons de manière efficace. Nous sommes très responsables sur le plan financier, et nous faisons preuve d'une grande transparence à l'égard de nos activités.
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Bien sûr, je ne peux parler que de ma propre expérience dans ma collectivité rurale, mais, comme je l'ai déjà dit, nous n'avons qu'une poignée d'endroits où travailler à l'heure actuelle: un dépanneur, un bar et la mairie. Il y a très peu de postes, donc il serait bon d'avoir plus d'emplois, en particulier pour les femmes. Nous savons souvent que ce sont les femmes qui sont censées rester à la maison et s'occuper des jeunes enfants. Ce sont elles qui sont censées être là lorsque les enfants rentrent de l'école et, en plus, elles sont souvent responsables de toutes les tâches ménagères comme la cuisine, le nettoyage, l'aide aux devoirs et ce genre de choses.
Dans ces conditions, lorsque les femmes doivent assumer ces responsabilités, il est sans aucun doute très important pour elles d'avoir un horaire flexible. Cette question me ramène bien sûr à Internet. Si nous disposons d'un accès stable à Internet dans nos collectivités rurales, les femmes sont en mesure de travailler à domicile.
La pandémie a prouvé à quel point les industries et les types d'emplois qui peuvent être adaptés au télétravail sont nombreux. De plus, il y a beaucoup de femmes, surtout dans les petites collectivités comme la mienne, qui ont pris des mesures pour lancer leur propre petite entreprise. Qu'il s'agisse de vendre des produits de beauté qu'elles ont fabriqués elles-mêmes, de vendre de l'artisanat ou d'offrir un service, elles le font de chez elles, de plus en plus, bien sûr, depuis le début de la pandémie.
Cela nous ramène à ce dont Mme Anderson parle depuis le début de notre discussion d'aujourd'hui, à savoir, bien sûr, les services de garde d'enfants. Si les femmes sont en mesure de faire du télétravail parce qu'elles ont, disons, un accès Internet stable et fiable, elles ont maintenant besoin de quelqu'un pour surveiller leurs enfants pendant qu'elles travaillent à la maison. Je suis sûre que beaucoup d'entre vous ont fait l'expérience du télétravail avec des enfants ou des animaux domestiques ou lorsque quelqu'un se blesse ou que des bagarres éclatent entre deux enfants. Ma propre mère a eu du mal avec ce genre de situation. Nous sommes toutes deux des adultes, et elle avait encore du mal à travailler à la maison au début de la pandémie.
Avoir des options de garde d'enfants à sa disposition — que ce soit quelqu'un qui vienne chez vous ou chez qui vous envoyez vos enfants, une garderie ou un centre communautaire — nous ramène directement à la flexibilité et aux options, parce que la vie est différente pour tout le monde. Chacun a ses propres circonstances et, bien sûr, dans les collectivités rurales, les choses ne sont pas du tout les mêmes que dans les grands centres urbains.
Tout est question d'Internet et de flexibilité.
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Bien sûr, madame Anderson.
Je crois, bien entendu, que lorsque nous prenons en compte l'identité d'une personne, nous commençons à examiner les questions d'intersectionnalité et constatons, évidemment, que des éléments comme la race et la langue constituent des obstacles pour les familles. Qu'il s'agisse d'Autochtones, d'immigrants ou de personnes appartenant à une population racialisée, nous observons qu'elles éprouvent encore plus de difficultés que les personnes qui n'appartiennent pas à ces groupes.
Je pense que dans les collectivités rurales, ces personnes sont parfois plus marginalisées qu'elles ne le seraient dans les centres urbains. Je pense qu'il y a parfois plus de méfiance envers les nouvelles personnes qui arrivent dans la collectivité. Il est parfois difficile de s'intégrer ou d'être accepté lorsque vous avez affaire à des gens qui semblent très différents devous. Je pense qu'il est certain que ces populations connaissent plus de difficultés, et nous devons travailler fort pour nous assurer que les personnes qui appartiennent à ces groupes ont les mêmes possibilités que les autres dans nos collectivités rurales.
De même, je pense que nous devons accorder une attention particulière aux possibilités que nous créons dans nos collectivités rurales pour nous assurer qu'elles répondent aux besoins de familles uniques aux circonstances et aux antécédents uniques. Nous devons non seulement reconnaître que leur caractère unique est une chose extraordinaire, mais leur dire que nous allons les aider et leur demander ce qu'elles peuvent faire pour nous aider nous. Comment les deux parties peuvent-elles bénéficier d'enseignements mutuels, chacun profitant, grandissant et retirant quelque chose d'incroyable des possibilités que leurs partenariats sont en mesure de créer?
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Nous reprenons la séance.
Nous continuons aujourd'hui notre étude sur le travail non rémunéré des femmes.
Je souhaite la bienvenue aux trois témoins.
Tout d'abord, nous avons parmi nous Mme Aline Lechaume, professeure-chercheuse à la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval.
[Traduction]
Des Services de santé communautaires du Punjabi, nous accueillons Puneet Dhillon, qui est analyste recherchiste en télécommunications.
[Français]
Enfin, nous recevons Mme Yasmina Chouakri, coordonnatrice du Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec.
Chacune disposera de cinq minutes pour faire sa présentation.
Nous commençons par Mme Lechaume.
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Merci, madame la présidente.
Bonjour à toutes et à tous.
Chers membres du Comité permanent de la condition féminine, je tiens d'abord à vous remercier de me donner aujourd'hui l'occasion de vous faire part de certains points importants concernant les enjeux du travail invisible des femmes immigrantes.
Mes recherches portent depuis une vingtaine d'années sur les parcours d'intégration socioprofessionnelle des personnes immigrantes au Canada, tout particulièrement au Québec. C'est donc sous cet angle que je vais aborder le travail non rémunéré des femmes immigrantes, en vous expliquant en quoi ce travail invisible constitue un obstacle majeur dans les parcours d'intégration des femmes immigrantes et comment les politiques pourraient mieux les soutenir.
Si l'on dresse la liste des principaux obstacles à l'intégration socioprofessionnelle des personnes immigrantes, on remarque rapidement que plusieurs sont en lien avec le travail invisible des femmes. Pensons par exemple au processus administratif lié à l'immigration et à l'installation, c'est-à-dire les inscriptions diverses à faire pour la maison et les enfants, ou encore l'accès à un logement. Je pense également au processus de reconnaissance ou d'évaluation comparative des diplômes et à la nécessité parfois de reprendre des cours ou de passer des examens pour se qualifier. Je pense aussi à la maîtrise de l'anglais ou du français, et à toute la responsabilité de cette francisation au Québec, par exemple. Il y a également le développement des réseaux, c'est-à-dire l'implication dans la communauté d'accueil et dans le bénévolat. Enfin, il faut penser bien sûr à la conciliation travail-famille, qui, la plupart du temps, pousse ces femmes à accepter des emplois précaires, à temps partiel, afin de jongler avec les horaires familiaux.
La charge mentale est donc énorme pour ces femmes. Elles portent la triple responsabilité de l'intégration, de la réussite de l'expérience migratoire familiale et de la réussite de leurs enfants. Ces responsabilités multiples décuplent le travail invisible et constituent des entraves à leur parcours d'insertion en emploi.
Je vais me concentrer aujourd'hui sur trois aspects: l'accès à l'apprentissage des langues, l'accès aux services de garde et le manque de réseaux.
J'aimerais me pencher d'abord sur l'apprentissage des langues. Le défi est accentué pour celles qui ne parlent pas le français ou l'anglais à leur arrivée au Canada, puisqu'elles doivent alors réussir à apprendre l'une ou l'autre des deux langues officielles pour accéder à un emploi, mais aussi pour accompagner les enfants dans leur parcours scolaire. Dans le cas de la francisation au Québec, devant l'ampleur de la tâche, c'est souvent la francisation qui écope. Certaines femmes se sentent même coupables d'avoir une maîtrise imparfaite du français, car cela compromet leur intégration non seulement en emploi, mais aussi dans la société.
Pour ce qui est de l'accès aux services de garde, je pense tout particulièrement aux femmes qui ont des statuts temporaires et aux mères demandeuses d'asile qui ont peu ou pas accès aux services de garde, surtout ceux à contribution réduite. Cela constitue un frein majeur à l'accès aux cours de langue, mais aussi à l'accès à l'emploi quand les enfants ne sont pas encore scolarisés, évidemment.
Quant au manque de réseaux, de nombreuses femmes immigrantes sont isolées et portent la responsabilité de toutes les tâches liées au travail invisible. Or, ce qui relève déjà de l'exploit pour toute famille canadienne peut devenir difficilement surmontable pour une femme dont la famille vient tout juste d'arriver et qui doit porter la responsabilité de l'installation. Imaginons ce que représentent les démarches suivantes sans le soutien d'un réseau: faire des demandes d'accès à l'assurance-maladie, ouvrir un compte bancaire, trouver une place en garderie, inscrire ses enfants à l'école, habiller adéquatement sa famille pour l'hiver, nourrir sa famille dans un nouvel environnement et à moindre coût, savoir à qui s'adresser quand on a besoin de ressources et de soutien.
Avant de conclure, permettez-moi d'ajouter que le contexte actuel de la pandémie a exacerbé plusieurs éléments du travail non rémunéré des femmes immigrantes, à savoir toute la charge mentale associée à la responsabilité des protocoles sanitaires et de l'école à la maison, quand on maîtrise peu ou pas la langue dans laquelle nos enfants sont scolarisés, quand on n'est pas à l'aise avec les technologies ou quand on n'a tout simplement pas les moyens d'avoir un ordinateur à la maison.
En conclusion, je dirais que le travail invisible pèse lourd sur les épaules des femmes immigrantes, tout particulièrement celles à statut précaire, mais ce travail est malheureusement sous-estimé, car ces femmes sont invisibilisées.
J'ai quatre recommandations à formuler aujourd'hui.
La première recommandation est d'améliorer l'accès aux services de garde, peu importe le statut de ces femmes.
La deuxième recommandation est d'accroître l'accès aux cours de langue, à temps plein comme à temps partiel, en les coordonnant avec les services de garde pour les enfants d'âge préscolaire.
La troisième recommandation est d'améliorer la coordination des organismes communautaires de soutien et ouvrir leur accès à toutes les femmes immigrantes, peu importe leur statut.
Enfin, la quatrième recommandation est d'accroître les initiatives visant à favoriser les réseaux et à briser l'isolement.
Je vous remercie de votre attention. Bien entendu, je demeure disponible pour répondre à vos questions.
Merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Je m'appelle Puneet Dhillon, et je suis analyste recherchiste en télécommunications pour le compte des Services de santé de la communauté du Punjabi.
Les arguments que je vais partager aujourd'hui ne découlent pas seulement d'une perspective académique en vue de réformer la politique et la pratique; ils sont également fondés sur mon expérience vécue de plus d'une décennie de travail non rémunéré, que j'ai apprécié croyant que c'était normal, et que je n'ai pas apprécié pour la majeure partie.
La division du travail fondée sur le sexe existe depuis très longtemps. Dans les pays et les sociétés où la domination masculine est socialement approuvée et légalement protégée, cette division est pratiquée et présentée comme normale. Dans ces endroits, les femmes sont obligées de gérer les foyers et les enfants, même si elles sont médecins, ingénieurs, scientifiques et titulaires d'un doctorat. Cette pratique fait partie de la donne d'une famille heureuse.
Dans des pays comme le Canada, du moins dans le cadre législatif et dans les politiques publiques, les femmes sont considérées comme égales et ne sont pas censées s'occuper du foyer et des enfants pendant que les hommes subviennent aux besoins de leur famille. Cependant, au Canada, il existe des espaces et des contextes sociaux où, ironiquement, la division du travail fondée sur le sexe est non seulement pratiquée, mais aussi imposée collectivement aux femmes, comme dans les communautés sud-asiatiques.
Il ne faut pas en déduire que les femmes se trouvant dans de telles situations et contextes ne sont pas autorisées à travailler et à poursuivre leur carrière. Elles le sont. Mais on attend d'elles qu'elles s'occupent également du foyer et des enfants. Ce travail n'est ni reconnu ni rémunéré et n'est pas comptabilisé dans le PIB.
Aujourd'hui, je parle de ces situations et de ces femmes qui sont accablées par la nécessité de faire un travail rémunéré et qui subissent la pression sociale de faire du travail non rémunéré au quotidien.
Selon les Nations unies, la contribution des femmes aux soins non rémunérés représente entre 10 % et 39 % du PIB national dans différents pays. C'est plus que les secteurs de la fabrication et du transport. Par rapport aux hommes, les femmes effectuent chaque jour 75 % du travail non rémunéré dans chaque ménage.
Le temps de travail quotidien d'un homme employé à plein temps est de 7,5 heures. Pour une femme, il faut ajouter 90 minutes à ce chiffre. Pour une femme immigrée confinée à la maison, vous ajoutez 90 minutes supplémentaires. Pour une mère monoparentale sans le soutien social d'une famille élargie, vous ajoutez encore 90 minutes.
Statistique Canada et d'autres organismes œuvrant pour les femmes disposent de nombreuses données à l'appui de ce qui précède. Par conséquent, je ne vous présenterai pas d'autres données. Je vais plutôt vous faire part de modèles et de pratiques de travail non rémunéré moins visibles, moins signalés et moins projetés, et des mesures qu'on peut prendre à ce sujet.
Après leur arrivée au Canada, les femmes immigrantes sont confrontées à de nombreux défis. Le principal d'entre eux est la recherche d'un emploi, n'importe quel emploi, même s'il s'agit d'une rétrogradation de carrière ou d'un emploi qui ne correspond pas à leurs compétences. Puis, après une longue journée de travail, elles rentrent à la maison, font la cuisine et s'occupent des enfants et de l'entretien ménager.
Parmi les femmes immigrées, il existe un segment de personnes monoparentales qui sont au centre de mon intervention d'aujourd'hui.
Les femmes chefs de famille monoparentale ont certainement des journées de travail de 13 à 14 heures, et pendant le week-end, elles travaillent encore plus sans être rémunérées, afin de rattraper les tâches essentielles pour garder la maison en ordre et s'occuper des enfants.
Avec le travail à distance associé à la COVID-19, le peu de temps pour elles-mêmes, qu'elles avaient l'habitude de placer entre les réunions pour manger ou faire une pause-café, a complètement disparu. Soit les enfants n'ont pas de garderie où aller, soit les familles ne peuvent pas se le permettre, soit les enfants sont scolarisés à la maison, si bien que la mère continue à multiplier les tâches. L'exercice global ajoute à leur épuisement, ce qui a des répercussions sur leur santé physique, mentale et émotionnelle.
Je vais formuler une série de cinq recommandations. Au chapitre du travail non rémunéré, il est question des trois « R » — reconnaître, réduire, redistribuer. Ma première recommandation est que nous y ajoutions un quatrième « R », soit celui de récompenser.
Tout en reconnaissant le travail non rémunéré, je vous invite à reconnaître le segment particulier de la population des femmes, les ménages dirigés par une mère monoparentale, qui ont besoin d'un système de soutien plus équitable.
Après les deux mesures précédentes, il convient d'offrir des incitatifs à ce segment, par exemple en le plaçant dans une fourchette d'imposition différente, en lui proposant des tarifs de garde d'enfants adaptés à ses revenus, des assurances subventionnées — habitation, automobile et autres, le cas échéant — et des salaires dignes de ce nom.
La quatrième recommandation est que vous devriez envisager de ramener la journée complète de travail à sept heures pour ce groupe. C'est en fait le cas pour de nombreux emplois communs aux hommes et aux femmes, mais pas dans le secteur privé, et certainement pas dans le secteur social à but non lucratif. Cette demi-heure contribuerait grandement à la santé des mères monoparentales à bien des égards.
Pour que les mesures susmentionnées soient couronnées de succès, il faut sensibiliser les communautés et les employeurs au travail supplémentaire et aux précieuses contributions des femmes en général, mais surtout des mères monoparentales qui travaillent.
Je serai ravie d'approfondir ce concept par écrit et de répondre à vos questions.
Merci de m'avoir écoutée.
Les deux témoins précédentes ont déjà souligné avec efficacité les thèmes importants, alors je vais éviter de les répéter. J'aimerais néanmoins ajouter certains éléments.
Si toutes les femmes au Québec et au Canada ont à effectuer un travail invisible et ont une charge mentale plus importante que les hommes, c'est assurément un phénomène accentué chez les femmes immigrantes, notamment les nouvelles arrivantes. Elles se retrouvent dans un contexte différent et peuvent faire face à des obstacles liés à leur statut d'immigration. Je pense notamment aux femmes qui sont dans la catégorie du regroupement familial, aux demandeuses d'asile et aux réfugiées. Souvent, ces femmes maîtrisent beaucoup moins la langue et se trouvent en situation de dépendance, que ce soit envers leur conjoint, dans le cas des femmes parrainées, ou à l'égard des décisions de l'immigration, dans le cas des femmes ayant certains autres statuts, par exemple les immigrantes temporaires et les demandeuses d'asile.
Pourquoi est-il important de parler plus particulièrement des nouvelles arrivantes? C'est parce qu'en plus de veiller, comme toutes les autres femmes, aux tâches domestiques et aux soins des enfants et de la famille, ces arrivantes se trouvent dans une situation particulière. Souvent, c'est le mari ou le conjoint qui a la priorité pour s'intégrer, donc pour apprendre la langue ou pour effectuer un retour aux études, par exemple. Elles viennent alors en seconde place. Au cours des dernières années, on a noté une augmentation incessante du nombre de nouvelles arrivantes ayant ce type de statut précaire. Je parle ici des réfugiées et des femmes qui arrivent ici au titre du regroupement familial, mais aussi de toutes celles qui vivent des situations semblables, par exemple certaines travailleuses temporaires. Les femmes au statut précaire ont vraiment beaucoup plus de difficulté que celles ayant d'autres statuts d'immigration.
Par ailleurs, il faut savoir que les immigrantes ayant de jeunes enfants vont souvent reporter leur apprentissage de la langue. Dans certains cas, elles vont donner la priorité à la recherche d'un travail, parce que c'est une nécessité pour répondre aux besoins de la famille. Il y a un autre problème relatif à l'apprentissage de la langue. Au Québec, par exemple, on le remarque pour ce qui est de la francisation. Une fois que les cours de francisation sont terminés, cela ne signifie pas pour autant que ces femmes parlent déjà le français. Elles n'ont pas la possibilité de fréquenter des lieux...
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Quand nous avons dû nous interrompre, je parlais des défis liés à la francisation. Souvent, les femmes immigrantes n'ont pas accès à des lieux où elles pourraient s'exercer à parler français, ou ne connaissent pas ces lieux.
Il y a également des défis liés à la compréhension du fonctionnement de la société d'accueil, notamment en ce qui concerne le marché du travail, le système scolaire ainsi que le système de santé et de services sociaux. La perte des réseaux d'entraide, la scolarisation des enfants et l'accès à des services de garde posent aussi des défis. De plus, on peut penser à toute la question de la discrimination et du racisme que ces femmes peuvent vivre, qu'il s'agisse de la non-reconnaissance des acquis et des compétences, de la discrimination à l'embauche ou de l'exigence d'avoir de l'expérience de travail au Québec ou au Canada.
J'aimerais revenir sur un autre facteur qui a déjà été soulevé, soit la monoparentalité. C'est un défi notamment chez les femmes immigrantes. En effet, être immigrante et à la tête d'une famille monoparentale constitue un obstacle encore plus important. Il faut d'ailleurs noter que 84 % des familles immigrantes monoparentales sont dirigées par une mère seule. Ce sont donc en majorité des femmes qui sont à la tête des familles immigrantes monoparentales.
Évidemment, il y a aussi toute la question de la conciliation entre le travail, la famille et les études.
J'aimerais terminer en disant que la principale recommandation découlant de mon analyse est simplement de lever les obstacles structurels rencontrés par les femmes immigrantes. Je parle ici de tous ceux que je viens d'énumérer, notamment certains statuts d'immigration précaires qui touchent ces femmes, ou encore le manque notoire d'accès à des services de garde abordables.
Comme deuxième recommandation, j'estime qu'il est nécessaire de reconnaître le travail invisible et de l'évaluer financièrement, ne serait-ce que de témoigner une reconnaissance de tout le travail accompli. Le travail invisible et la charge mentale représentent des défis importants pour toutes les femmes en général, mais il faut souligner que ces défis sont encore plus importants dans le cas des femmes immigrantes.
Je vous remercie.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je voudrais remercier tous les témoins. Vos témoignages ont ranimé en moi des souvenirs, certains à l'étranger et d'autres, inoubliables, du moment où je suis arrivée au pays à titre d'immigrante il y a plus de 40 ans. Je me suis heurtée à toutes les difficultés que vous avez évoquées. Par exemple, mes diplômes n'ont pas été reconnus et j'ai dû fréquenter l'Université de la Colombie-Britannique pour terminer mon baccalauréat et ma maîtrise en administration des affaires, faisant ultérieurement un doctorat. Je suis donc passée par là et je comprends certainement les difficultés que connaissent toutes les immigrantes, peu importe où elles se trouvent maintenant.
Puis il y a la reconnaissance, le plus important. C'est exactement pourquoi le Comité étudie le travail non rémunéré des femmes.
Ma question s'adresse à vous toutes, à quiconque se sent à l'aise d'y répondre, en fait. Ma circonscription de Richmond-Centre est fort diversifiée. Il s'y trouve donc beaucoup plus d'immigrants que dans le reste du pays. J'ai ainsi pu rencontrer de nombreuses communautés ethniques.
Au chapitre de la garde d'enfants, plusieurs d'entre vous ont fait remarquer qu'il n'existe pas de modèle qui convienne à tous. Que recommanderiez-vous de faire pour qu'il y ait plus de souplesse à cet égard pour les immigrants, et particulièrement les femmes immigrantes?
Pourquoi ne commençons-nous pas par Mme Aline Lechaume?
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Je vous remercie beaucoup.
C'est une question très importante, à laquelle je voudrais répondre de deux manières.
D'abord, en ce qui concerne les mères monoparentales et les immigrantes, il est primordial qu'elles s'intègrent à la société à deux égards, le premier étant celui de l'emploi et le second, celui de l'aspect social. Ces deux aspects sont compromis quand ces femmes ne peuvent accéder à des services de garde adéquats.
À cela s'ajoute un autre secteur dont nous n'avons pas encore parlé: celui des étudiants étrangers, qui ont parfois des problèmes parce qu'ils n'ont pas le statut et sont privés de certains privilèges. Ils sont également confrontés à ces obstacles et cela a des répercussions sur leurs études, qui sont pourtant la raison de leur présence ici. Cela a également une incidence sur leur intégration dans le marché du travail en cette terre de tous les possibles, sur leur intégration sociale ou sur les avancées qu'ils font quand ils viennent au Canada. Tous ces aspects sont réellement importants.
Je parlerai en m'appuyant sur l'expérience que j'ai vécue à titre d'immigrante monoparentale. Il est extrêmement difficile de gérer les services de garde, puisqu'ils sont très chers et qu'il existe parfois une liste d'attente interminable, qui rend toute l'affaire inutile. On continue d'attendre d'un à deux mois. Je pense que ces services devraient être plus équitables, plus accessibles et moins chers. C'est ce que je propose.
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Je vous remercie, madame Sidhu, de poser une question très importante et bien nécessaire ces temps-ci. Je tenterai d'y répondre de mon mieux.
Pour ce qui est d'abord de la solution que j'entrevois pour le problème que les Torontois rencontrent tous, sachez qu'un manque de connaissance au sujet des ressources offertes pourrait nuire à l'accès aux services.
La méconnaissance de la langue constitue un autre obstacle, car la plupart des femmes sud-asiatiques qui restent à la maison et qui travaillent à domicile n'ont pas accès à des cours de langue, ce qui constitue un obstacle de taille. Étant moi-même Sud-Asiatique, je rencontre beaucoup d'autres femmes sud-asiatiques qui ne savent même pas comment utiliser un GPS, se connecter aux ressources ou même faire un appel téléphonique. La langue est donc devenue un énorme obstacle.
Un troisième obstacle s'est ajouté depuis le début de la pandémie de COVID-19, soit celui de la mobilité, car quand on arrive ici à titre d'immigrant, il y a toujours un problème de mobilité tant du point de vue financier que du point de vue physique. Les femmes sud-asiatiques, particulièrement celles d'origine pendjabi, qui veulent de déplacer dépendent parfois des membres masculins de leur famille. Elles doivent attendre qu'ils reviennent du travail pour les amener quelque part. Il y a ici un problème, dont la clé réside, selon moi, dans la sensibilisation et l'éducation sur les ressources offertes. L'amélioration des liens entre les organismes de services communautaires et les communautés et une offre plus diversifiée de services nous aideront à éliminer au moins une partie de ces obstacles, à mon avis.
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Comme je l'ai dit, elles partagent les mêmes problèmes que l'ensemble des femmes en matière de travail invisible, c'est-à-dire l'ensemble des tâches domestiques et des soins à fournir aux enfants ou à un proche à charge, cependant tous les obstacles auxquels elles font face augmentent ce travail invisible et la charge mentale qui l'accompagne. Cela est particulièrement le cas pour les nouvelles arrivantes, soit les femmes qui sont au pays depuis moins de cinq ans. Pour elles s'ajoute l'obligation de comprendre le fonctionnement de la société d'accueil, du marché du travail, du système de francisation ou du système d'éducation, par exemple, si elles veulent retourner aux études. Elles doivent faire face à tout cela, alors qu'elles ont perdu le réseau d'entraide traditionnel qu'elles avaient dans leur pays d'origine. Souvent, les réseaux traditionnels s'appuient sur un modèle de famille élargie ou de structure familiale plus importante, où l'éducation des enfants n'est pas le propre d'un couple, mais une responsabilité assumée par toute la famille. Elles ont perdu tout cela et elles n'ont pas eu le temps de reconstruire un nouveau réseau d'entraide. Elles ne connaissent pas forcément les réseaux en place, non plus.
Au Réseau d'action pour l'égalité des femmes immigrées et racisées du Québec, l'organisme pour lequel je travaille, nous avons mené une enquête au sujet des répercussions de la pandémie sur les femmes immigrantes.
Dans un premier temps, plusieurs femmes immigrantes ont dit avoir trouvé extrêmement difficile et lourd d'assumer la surcharge familiale découlant des soins aux enfants et de la scolarité à la maison, surtout pendant le confinement total. Ces femmes avaient un important besoin de répit et d'accompagnement quant au système scolaire, aux soins aux enfants et à l'aide aux devoirs, entre autres. Elles n'étaient pas forcément préparées à vivre les conséquences de la pandémie de COVID-19.
J'aimerais souligner un autre élément parmi les plus importants qui sont ressortis de notre enquête. La question a été brièvement abordée plus tôt. En fait, beaucoup de femmes immigrantes qui ne maîtrisent pas la langue du pays d'accueil ont dit aux intervenantes interviewées ne pas avoir accès à l'information sur les ressources offertes dans leur langue. Ainsi, la seule information qu'elles peuvent obtenir leur provient d'un membre de la famille, ce qui ne garantit pas l'accès à la bonne information. Bon nombre de ces femmes ont donc formulé une demande commune. Puisqu'il est fréquent que ces femmes n'aient pas encore eu l'occasion d'apprendre la langue du pays d'accueil, elles aimeraient qu'il y ait moyen d'obtenir dans des langues autres que le français et l'anglais de l'information sur l'ensemble des ressources qu'il existe, qu'il s'agisse des mesures d'aide offertes par le gouvernement ou des ressources à leur disposition si jamais elles sont victimes de violence, à titre d'exemple.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je voudrais poursuive sur la voie prise par Mme Larouche. Je sais que mon bureau de circonscription a été bombardé d'appels de personnes mécontentes. Je sais que nous sommes en pleine pandémie de COVID et que tout est différent maintenant, mais les gens s'impatientent au sujet de leur dossier d'immigration ou de celui d'un être cher. Ils nous disent souvent qu'ils se sentent encore plus isolés ici. Ils sont terriblement tristes. De plus, étant incapables d'obtenir du soutien au Canada, ils subissent un stress néfaste pour la santé mentale. Peut-être pourriez-vous traiter de la question.
Je voulais aussi ajouter qu'une communauté incroyable vit dans ma circonscription; il s'agit d'un groupe de femmes d'origine ou de descendance sud-asiatique qui, exactement comme vous le décrivez, ne peuvent aller nulle part sans l'aide de leur mari. Elles demeurent dans un nouveau quartier, loin de notre communauté, et n'ont pas accès aux moyens de transport traditionnels et à toutes ces choses.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet également, madame Dhillon, et parler des besoins et de ce que nous pouvons faire pour accroître le soutien, que ce soit en offrant aux municipalités des subventions fédérales en matière de transports ou en prenant d'autres mesures? Tout est interconnecté, selon moi.
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Je vous remercie beaucoup.
Je commencerai à répondre à la question avec la manifestation de tous ces problèmes. Quand on est une minorité au sein d'une minorité, on est confronté à un problème intersectionnel à trois paliers. Il y a les minorités d'immigrants, au sein desquelles se trouvent des minorités de femmes, au sein desquelles vit une minorité de femmes seules. Ainsi, les femmes immigrantes seules font partie de trois paliers de minorité, une situation qui se manifeste également à trois égards. Elle se manifeste d'abord sur le plan mental, puis social et physique. Le problème mental a certainement une incidence sur les services, alors que le problème social nuit à l'intégration sociale au sein de la société et le problème physique a des répercussions sur le réseau de la santé du pays.
Il faut réellement chercher à offrir des ressources plus accessibles et plus équitables, et certainement subventionner le transport public et d'autres choses. Nous pouvons aussi certainement penser au quatrième R que j'ai évoqué plus tôt — soit celui de la récompense — qui pourrait prendre la forme d'une fourchette fiscale différente pour ces femmes, de frais de services de garde modulés selon le revenu et d'assurances subventionnées pour les femmes seules. C'est peut-être une question d'opinion, mais je considère que les femmes sont certainement des conductrices responsables, et si on offrait des assurances subventionnées pour la maison, l'automobile et autre chose, ce serait formidable.