Bienvenue à la 32e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 25 janvier 2021, et les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. La webdiffusion montre la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Aujourd'hui, notre comité entreprend son étude sur les services de sages-femmes au Canada.
Pour nos témoins, lorsque vous voulez parler, veuillez cliquer sur l'icône du micro pour activer votre micro, et votre remarque doit être adressée par l'intermédiaire de la présidence. L'interprétation est disponible. Au bas de votre écran, vous pouvez sélectionner la langue que vous préférez. Lorsque vous parlez, veuillez parler lentement et clairement pour nos interprètes. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
Permettez-moi maintenant de souhaiter la bienvenue à nos témoins qui se joignent à nous pour notre premier groupe. Ils auront chacun cinq minutes pour leurs déclarations liminaires.
Nous avons Lisa Morgan, qui est une sage-femme diplômée. Nous avons également Tom Fenske, qui est le président du Syndicat du personnel de l'Université Laurentienne.
Madame Morgan, nous allons commencer par vous. Vous avez cinq minutes.
Je m'appelle Lisa Morgan, et vendredi dernier, j'étais directrice de l'École de sages-femmes de l'Université Laurentienne. Aujourd'hui, je m'adresse à vous en tant que Lisa Morgan, sage-femme diplômée, après avoir été pendant 14 ans professeure titulaire à l'Université Laurentienne.
Aujourd'hui, je ne parle pas d'une seule voix. Je transmets la voix des docteures Kirsty Bourret et Karen Lawford, qui sont des sages-femmes et des universitaires francophones et autochtones, ainsi que celle de SOS, ou Save Our Sages-Femmes, un groupe de sages-femmes francophones, autochtones et du Nord de l'Ontario.
Dans le monde entier, les sages-femmes fournissent des services de santé essentiels, rentables et centrés sur la personne. Investir dans la profession de sage-femme à l'échelle mondiale pourrait sauver 4,3 millions de vies par an d'ici 2035. En Ontario, en tant que profession de santé réglementée, financée et assurée, les sages-femmes aident à naître près de 20 % des bébés. Nous sommes des prestataires de soins primaires autonomes et nos services sont en forte demande partout en Ontario et au Canada et, dans bien des cas, les cliniques de sages-femmes ne peuvent répondre à la demande.
Malheureusement, l'Université Laurentienne a décidé unilatéralement de fermer son école de sages-femmes, à compter du 30 avril 2021, et tous les contrats des professeurs ont été résiliés. Dans un communiqué adressé aux étudiants le 12 avril, le président de la Laurentienne, Robert Haché, a déclaré que le programme de sages-femmes avait été supprimé en raison du faible nombre d'inscriptions.
Le programme de formation des sages-femmes a été complet chaque année depuis son lancement en 1993. Cette année, il y avait plus de 300 candidates pour 30 places. Nous sommes financièrement viables parce que les programmes de formation des sages-femmes sont financés par la province, les frais de scolarité supplémentaires des étudiants contribuant aux frais généraux.
L'École de sages-femmes de l'Université Laurentienne était l'une des six seules écoles de sages-femmes au Canada — cinq maintenant —, le seul programme francophone à l'extérieur du Québec — l'École de sages-femmes du Québec n'acceptant aucune personne qui n'est pas résidente du Québec —, et le seul programme bilingue au Canada.
Nous offrions un programme axé sur les autochtones du Nord, attirant ainsi des étudiantes autochtones de partout au Canada. Depuis 1993, plus de 400 sages-femmes ont obtenu leur diplôme de la Laurentienne, dont 25 % sont francophones. En fait, 60 % des sages-femmes travaillant dans le Nord de l'Ontario sont diplômées de la Laurentienne, et 60 % de ces diplômées sont francophones ou offrent des services en français. Aussi, 20 % des sages-femmes diplômées de la Laurentienne sont également membres du Conseil national autochtone des sages-femmes. Cela démontre une contribution essentielle aux services de reproduction dans le Nord de l'Ontario, et le fait que la Laurentienne a plus que réussi son mandat d'augmenter les services dans les communautés du Nord, francophones et autochtones.
La fermeture du programme aura un grand impact négatif sur les femmes et les accouchées du Nord de l'Ontario ainsi que sur leurs familles, ce qui accentuera un environnement de ressources humaines en soins de santé déjà clairsemé.
Le programme de sages-femmes francophone de l'Ontario est essentiel à la continuité de la main-d'œuvre francophone. La profession de sage-femme francophone hors Québec est essentielle pour desservir la population franco-ontarienne, qui représente 744 000 personnes, soit près de 5 % de la population totale de l'Ontario. Étudier exclusivement en français est un droit afin de permettre aux étudiantes d'atteindre le bien-être et la compétence linguistique, culturelle et sociale. Recevoir des services dans sa langue maternelle est crucial et augmente la qualité et la sécurité des soins.
À l'heure actuelle, en Ontario, le manque de services en français persiste, entre 50 et 55 % des francophones ayant peu ou pas d'accès à des services de santé dans leur langue maternelle. De plus, il y a un recoupement entre la minorité francophone et les populations autochtones, noires et de couleur. Les minorités visibles francophones sont surtout regroupées dans le centre et l'est de l'Ontario et 16 % des francophones de l'Ontario s'identifient comme des minorités visibles. Comme pour les minorités visibles de la population générale, elles vivent principalement dans le centre et l'est de l'Ontario.
J'aimerais souligner l'exemple de l'Hôpital Montfort d'Ottawa qui est unique en Ontario, car il a l'obligation de maintenir la langue française, d'incarner la culture française, de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne et de protéger la communauté franco-ontarienne contre l'assimilation. Afin atteindre ses objectifs, il doit recruter des sages-femmes francophones. Des 25 sages-femmes qui détiennent des privilèges à l'Hôpital Montfort, plus de 60 % sont diplômées du programme francophone de l'Université Laurentienne.
Nous ne sommes pas d'avis que les seuls lieux de formation des sages-femmes devraient être les universités du Sud de l'Ontario. Nous sommes reconnaissants envers Ryerson et McMaster qui sont intervenus en temps de crise et font de leur mieux pour soutenir nos étudiantes actuelles, mais cela ne peut être qu'une solution à court terme.
Historiquement, les décisions concernant l'emplacement du troisième site de formation de sages-femmes ont été prises en tenant compte de la valeur de la décentralisation, des préoccupations ayant été exprimées quant au fait que deux des trois écoles sélectionnées se trouvent à moins d'une heure l'une de l'autre. Nous sommes maintenant dans la situation, 28 ans plus tard, où il n'y a plus que ces deux écoles situées à proximité l'une de l'autre pour la formation des sages-femmes en Ontario.
L'Ontario a besoin d'un programme bilingue de formation des sages-femmes, ce qui est essentiel pour les communautés autochtones, francophones et de la région du Nord. Nous avons besoin de plus de sages-femmes, pas de moins.
[Français]
Nous sommes, et nous serons, les sages-femmes autochtones et francophones du Nord de l'Ontario.
Merci, madame Morgan.
Mme Morgan a fait un excellent travail en dirigeant ce programme.
Je n'ai pas beaucoup de notes d'allocution. En tant que président du syndicat du personnel, je participais activement au processus de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies ou LACC.
En ce qui concerne les programmes de sages-femmes, il y a beaucoup de confusion. Il y a beaucoup de questions sans réponse. Mme Morgan vous a dit que le nombre d'inscriptions était exactement ce qu'il était censé être. Il atteignait son objectif chaque année.
Que l'on érige des obstacles en 2021 nous laisse très perplexes. Nous avons l'impression que c'est une situation où, à cause d'une décision prise... Ces décisions prises dans le cadre du processus étaient purement financières. La fonctionnalité de la profession, ou la fonctionnalité des services aux femmes dans la région du Nord n'a pas fait partie du débat, et elle aurait dû le faire.
Si vous regardez certains des programmes de sages-femmes dans le Nord... J'ai eu la chance que mes deux enfants soient venus au monde avec l'aide de sages-femmes, et j'ai eu encore plus de chance que ce soit les mêmes sages-femmes les deux fois. Xavier a été le dernier bébé que l'une d'elles, Meghann, a mis au monde. Elle est allée dans le Nord pour travailler à Timmins. Je crois que sa clinique s'appelle Boreal Midwifery Practice, et les deux personnes qui y travaillent à Timmins sont diplômées de la Laurentienne, à ma connaissance.
Si Sudbury n'avait pas ce programme, à l'Université Laurentienne, y aurait-il eu une clinique à Timmins? J'en doute. C'est précisément la raison pour laquelle le fait d'avoir un programme de sages-femmes dans le Sud est fantastique, mais il ne dessert pas le Nord. Il y a un nombre important d'étudiantes autochtones et d'étudiantes francophones.
Vous verrez que nous avons un centre d'apprentissage autochtone. Dans ce centre, il y a des salles particulières comportant uniquement un téléphone et une cabine. C'est parce que les étudiantes autochtones se sentent déconnectées parce qu'elles ne sont pas dans leurs communautés. L'idée de demander aux étudiantes autochtones d'aller dans le Sud de l'Ontario va créer des obstacles importants, des obstacles qui étaient censés avoir été éliminés au fil des ans.
Quand on regarde le système, et je suis sûr que Mme Morgan en parlerait beaucoup mieux que moi, on voit qu'il y a une loterie pour entrer dans le programme. Il y a une loterie distincte pour les étudiantes francophones et autochtones. Il s'agit d'éliminer les obstacles. Il s'agit de s'assurer que les personnes ont accès aux choses auxquelles elles doivent avoir accès dans le Nord. Une décision comme celle-ci en 2021... Je suis déconcerté par l'idée que nous nous éloignons du service au nord de l'Ontario, ce que cette décision a fait.
Nous avons demandé à plusieurs reprises pourquoi cela se produit. Pour d'autres programmes, on nous donnait les raisons pour lesquelles ces décisions avaient été prises, mais nous n'avons pas pu obtenir des raisons pour le programme de sages-femmes. Nous avons continué à dire qu'il s'agit d'une enveloppe de financement. Elle atteint un objectif chaque année. C'est un bon programme. Il dessert le Nord. Comment se fait-il qu'il soit sur la liste des programmes à supprimer? La seule véritable excuse qui nous a été donnée est que le financement pourrait se tarir un jour, et qu'ils seraient alors pris avec des personnes... Ils ne seraient pas dans un processus de la LACC où, comme vous le savez, il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites. Si l'on sort des personnes de l'établissement, il n'y a pas d'indemnité de départ, ou alors c'est un processus de réclamation qui intervient.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'ils ont profité d'un moment particulier. Ils ont ignoré le Nord de l'Ontario en agissant ainsi et ont créé un obstacle massif pour ce programme précis qui, si vous avez entendu Mme Morgan, dessert vraiment le Nord.
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Je remercie les deux témoins d'être ici pour cette incroyable conversation.
Je suis originaire de Terre-Neuve-et-Labrador, et je crois que c'est en 2018 que ma province a reconnu la profession de sage-femme. Je viens d'une circonscription très rurale, comme mes collègues m'entendent le dire tout le temps. Nous faisons la promotion de la santé mentale, de la télésanté et de la santé rurale, mais on ne peut pas vraiment accoucher d'un bébé par Internet, alors l'adoption de cette profession et l'intérêt à son égard sont fantastiques.
J'ai une histoire à raconter. Mon neveu et sa femme vivent à deux heures environ de tout grand hôpital et, à la fin de sa grossesse — et là encore, c'était une grossesse sans risque —, ils ont dû aller s'installer dans une collectivité où elle pouvait être proche d'un hôpital.
Comment pensez-vous que les services de sage-femme contribuent à la santé mentale des femmes pendant leur grossesse et leur accouchement? Je sais que ma belle-nièce était totalement stressée à l'idée qu'ils devaient faire leurs bagages et aller s'installer ailleurs. Ils cherchaient une sage-femme dans la région où ils vivent, mais il n'y en avait pas à ce moment-là.
J'aimerais avoir votre avis sur cette question.
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C'est certainement notre rêve. C'est ce que dirait l'Association canadienne des sages-femmes: une sage-femme dans chaque communauté. Nous savons que nous avons plus de succès lorsque nous formons des personnes de la communauté pour qu'elles y retournent, et lorsque nous retirons les gens de la communauté le moins de temps possible, quand la formation clinique peut être faite dans la communauté même que cette personne prévoit servir.
Vous avez mentionné le fait d'avoir cette soignante à proximité pour les contrôles, les visites ou le soutien, mais aussi pour les connexions. C'est ce qu'on appelle la continuité des soins lorsqu'on établit un lien avec la personne dont on s'occupe. Nous sommes sur téléavertisseur 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et ces appels, ces préoccupations de santé mentale, ces contrôles que l'on peut faire avec sa sage-femme si l'on ne se sent pas bien... Nous accordons une attention toute particulière au postpartum. Nous nous occupons du régime mère-bébé jusqu'à six semaines après la naissance. Nous parlons à la famille de la dépression postpartum. Nous parlons à cette personne, lui disons qu'elle peut communiquer avec nous et lui présentons tout le soutien que nous pouvons lui donner.
Nous savons également qu'une partie des problèmes de santé mentale liés à la grossesse et au postpartum concerne les situations d'urgence, le traitement et le manque d'information. Nous essayons donc de donner le plus de renseignements possible après l'accouchement, en expliquant pourquoi ce qui s'est passé s'est produit et quelles sont les questions auxquelles nous pouvons répondre. Nous savons également que cela permet de réconcilier ce qui s'est passé et ce qui devait se passer, car nous avons la preuve qu'un bon accouchement ne se résume pas à un accouchement vaginal normal non médicamenté qui se déroule sans problème. Il faut que la personne sente qu'elle participe à la prise des décisions. Il y a de bonnes césariennes. Il suffit d'en comprendre les raisons, d'avoir des réponses à ses questions et d'avoir cette relation et cette confiance.
Lorsque nous parlons de santé mentale, je pense que cela va très loin.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais d'abord remercier les deux témoins d'être venus témoigner devant le Comité ce matin. Ils démontrent l'importance des sages-femmes.
Au nom du Bloc québécois, j'aimerais exprimer toute notre solidarité envers les francophones du Nord de l'Ontario. Notre formation politique a adopté à l'unanimité une motion exprimant l'inquiétude de la Chambre des communes quant à la crise qui secoue le monde de l'enseignement postsecondaire franco-ontarien. Je vais lire la motion:
Que cette Chambre s'inquiète de la fermeture de 28 programmes en français et du licenciement d'une centaine de professeurs de l'Université Laurentienne à Sudbury;
Qu'elle réitère sa solidarité à l'égard de la communauté franco-ontarienne;
Qu'elle rappelle le rôle primordial de l'éducation supérieure en français pour la vitalité des communautés franco-canadiennes et acadiennes.
C'est une motion importante, qui a été déposée à la Chambre par le député de La Pointe-de-l'Île.
Cette situation est choquante. J'aimerais avoir les commentaires des deux témoins à ce sujet ainsi que sur le lien entre la crise à l'Université Laurentienne et la situation que l'on vit à propos du programme des sages-femmes.
Je demanderais à M. Fenske de commencer, et Mme Morgan pourra continuer par la suite.
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Je pense qu'il faut reconnaître qu'il faut de l'argent pour mettre au point un programme. Il faut investir pour mettre au point un cadre de santé, pour ramener une main-d’œuvre qui a été éliminée pendant 100 ans, et cela prend plus que quatre ans ou un changement de parti. Vingt-huit ans, comme je l'ai dit, c'est une période assez courte en ce qui concerne une profession dans le domaine de la santé. Il nous faut un engagement d'investissement continu dans la croissance de cette profession pour que nous ayons des personnes pour mettre au monde les bébés qui ont besoin d'être mis au monde.
En plus des remarques de M. Fenske, je veux citer l'exemple de la liste de cette année. Nous admettons 30 étudiantes par an. Nous ne pouvions pas le faire cette année, mais Ryerson et McMaster ont accepté d'admettre les 30 étudiantes au nom de la Laurentienne. Quinze étudiants iront à Ryerson et 15 iront à McMaster.
Nous avons fait nos sélections pour notre liste d'offres de la même façon que nous le faisons toujours. Notre mandat nous oblige à prendre en compte d'abord les candidates autochtones, francophones et du nord. L'année dernière, 60 % de nos candidates venaient de cette liste. Cette année, je suis fière de dire que 70 % des candidates retenues pour notre programme sont autochtones, nordiques ou francophones — 21 sur 30. Dix de ces candidates retenues étaient francophones.
Étant donné qu'elles ne peuvent choisir qu'entre McMaster et Ryerson, qui n'offrent pas ce programme en français, il faut communiquer avec ces 10 candidates francophones pour savoir si elles peuvent le suivre en anglais. Si elles ne peuvent pas étudier en anglais à un niveau universitaire, elles devront refuser l'offre pour le programme de sage-femme.
Quand vous dites « à long terme », cela commence déjà. En septembre prochain, moins de sages-femmes francophones seront formées. Nous ne savons pas non plus si nos candidates autochtones et nordiques choisiront McMaster ou Ryerson. Je me demande combien de ces étudiantes, parmi les 70 % inscrites sur notre liste d'offres, finiront par s'inscrire à Ryerson ou McMaster.
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Je peux commencer, mais je suis sûr que Mme Morgan aura bien plus à dire sur le sujet que moi.
Nous avons une université dans le Nord de l'Ontario et nous avons un centre d'apprentissage autochtone pour que les personnes puissent se sentir à l'aise. Elles doivent se sentir à l'aise et il y a un élément de confiance. Lorsque vous pouvez parler dans la langue de votre choix, votre degré de confiance est beaucoup plus élevé. Si vous et la personne avec qui vous parlez êtes capables de communiquer, vous pouvez apprendre, entrer entièrement dans la communication.
Souvent, la personne est dans une nouvelle ville, mais elle conserve un certain sens de sa communauté d'origine. Elle doit le transférer. Si elle va dans le Sud de l'Ontario et qu'il n'y a pas de programme francophone, elle sera hors de ce qui lui est familier, de ce avec quoi elle a grandi et de ce avec quoi elle est allée à l'école.
Ce qui est frustrant pour moi, c'est lorsque l'université parle de voir si des étudiantes peuvent passer à un autre programme. Eh bien, vous savez, les étudiantes ne planifient pas une formation de sage-femme pour ensuite être transférées en soins infirmiers. Elles veulent être sages-femmes. Maintenant que ces obstacles ont été créés — vous l'avez entendu, madame Morgan —, elles doivent faire un choix. Et ce choix consiste à ne pas étudier dans leur langue ou à abandonner le désir d'être sage-femme. C'est un choix horrible à faire.
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J'ajouterai une précision à ma réponse, et c'est d'imaginer une femme en travail.
[Français]
Je peux, par exemple, assez bien parler français, mais pas quand je suis malade.
[Traduction]
Si nous pensons à une femme en travail, à quoi pouvons-nous même comparer cela? Ensuite, elle doit s'attendre à recevoir des services dans une deuxième langue et à communiquer dans une deuxième langue... Il y a aussi les choix à faire tout au long de la grossesse et du post-partum, les choix concernant l'enfant. Des discussions très complexes doivent avoir lieu pour choisir en connaissance de cause, et s'attendre à ce qu'elle le fasse dans une deuxième langue...
L'autre chose que j'aimerais ajouter, c'est que ce n'est pas un problème francophone seulement, mais aussi autochtone. Il y a la cérémonie autour de la naissance, et cela repose tellement sur la communauté. Il est très important que nous formions des sages-femmes issues de ces communautés pour servir ces communautés, et elles ne peuvent apprendre à servir ces communautés que dans ces communautés. Je pense que cela met encore plus en évidence l'importance de cette relation et de cette congruence.
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Merci. C'est très important.
Il y a eu beaucoup de discussions et de confusion sur ce que sera la suite des choses. Je sais que les étudiantes et le personnel s'y perdent et ne savent pas vraiment ce qu'ils vont faire.
Vous avez mentionné que l'université s'est manifestée et que le recteur a dit que le programme de formation de sages-femmes avait été supprimé parce que le financement était insuffisant. Nous savons cependant que ce n'est pas vrai parce qu'il y a une enveloppe de financement provincial. Votre conseil tripartite se réunit et veille à ce que le programme aille de l'avant et à ce que l'enveloppe budgétaire soit utilisée.
L'université a aussi dit que les inscriptions étaient insuffisantes, et nous savons que ce n'est pas vrai non plus.
De plus, la province a dit qu'elle allait sauver ce programme et qu'une formation de sages-femmes serait offerte dans le Nord, mais elle a aussi dit que c'était temporaire. Le ministre a fait cette grande annonce, mais lorsque les fonctionnaires du ministère en ont parlé, ils ont dit qu'il y avait des conditions.
Pouvez-vous nous donner des détails sur ses répercussions et la confusion dans laquelle vous vous trouvez?
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Cela touche un peu aux Autochtones ou aux francophones — ça touche la langue et la spiritualité —, mais nous savons aussi qu'il y a un aspect lié à la reconnaissance.
Nous avons entrepris un travail de lutte contre le racisme, nous avons examiné notre école et nos diplômées et nous avons reconnu que nous avions besoin de sages-femmes noires, de couleur. Il est question de la reconnaissance de ce que vous pouvez devenir en grandissant, en tant que fille noire, lorsque vous voyez une sage-femme noire. Cela concerne aussi le racisme qui existe dans notre système de soins de santé, cette compréhension et cette sensibilisation.
Comme je l'ai dit, il y a des vulnérabilités à de nombreux niveaux et ces vulnérabilités se chevauchent, comme nous le savons tous. Alors ce dont nous parlons, c'est de former des sages-femmes qui sont en mesure de mieux servir les communautés dans lesquelles elles travaillent.
La profession de sage-femme vit actuellement une période de transition. Nous constatons que notre profession est très blanche et nous comprenons que nous ne sommes pas les mieux placées pour prendre soin de toutes les personnes qui ont besoin de nos services, alors nous poussons encore plus.
La Laurentienne a toujours eu ce mandat — pour le Nord, les francophones et les Autochtones — et elle élargit ce mandat aux Noirs et aux personnes de couleur. L'inclusivité est vraiment là où nous en sommes actuellement dans les soins de santé.
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Je vous remercie beaucoup.
Vous venez de dire que vous n'avez plus de voix parce que vous ne faites plus partie du corps professoral.
Je pose donc la question à M. Fenske, qui est maintenant le président du syndicat des professeurs.
Je conserve de bons souvenirs de mon propre syndicat, lorsque j'étais membre du corps professoral d'un collège universitaire puis d'une université polytechnique en Colombie-Britannique. Je connais donc très bien l'importance des syndicats. Ils parlent maintenant au nom des membres retraités ou les membres du corps professoral.
Monsieur Fenske, pouvez-vous nous en dire davantage sur l'importance de votre rôle pour faire entendre la voix du corps professoral à l'université?
En Colombie-Britannique, par exemple, lorsque le programme d'anglais langue seconde est réduit ou quelque chose du genre, c'est très souvent en raison du financement. Dans le cas qui nous occupe, ce n'est pas le cas. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet et ce qu'est le défi, selon vous?
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Je tiens à préciser que je suis le président du syndicat des employés, mais je pense que ce serait la même chose pour les professeurs. J'hésite à parler en leur nom, mais je dirais que c'est la confusion totale.
Nous pouvons faire valoir des arguments pour différents programmes — et je ne pense pas que ce soit un sujet sur lequel nous voudrions nous engager —, mais dans le cas du programme de formation de sages-femmes, cela n'a aucun sens. C'est un programme dans lequel les inscriptions sont réussies. Il dispose d'une enveloppe. Il est nécessaire dans les communautés qu'il dessert. Il offre tout ce que vous voudriez trouver dans une université. Toutes les cases sont cochées.
Ce n'est pas un programme dont le financement est préoccupant. Il est toujours en croissance. Il prend de l'ampleur au Canada, en Ontario. Nous ne comprenons pas du tout pourquoi cela s'est produit.
Je suis convaincu que si l'université consultait notre syndicat, ou l'Association des professeures et des professeurs de l'Université Laurentienne, il pourrait y avoir des discussions importantes pour que ce programme demeure en place. Toutefois, cela ne s'est pas produit.
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Je remercie nos deux témoins.
Je vais poser mes questions à Mme Morgan. S'il me reste du temps, je reviendrai plus tard au programme des sages-femmes.
Monsieur Fenske, je vous remercie pour le travail que vous faites. Ce sont des temps difficiles. On a parlé, dans le cas du 12 avril, du « lundi noir à l'Université Laurentienne ». Cette situation touche la communauté et l'Université.
[Traduction]
Ce fut une véritable bombe. Personne ne s'y attendait à cela et c'est inacceptable.
Mes questions s'adressent surtout à Mme Morgan.
Je vous remercie beaucoup. J'aimerais avoir quelques explications. Le programme de formation de sages-femmes a été mis sur pied il y a environ 28 ou 30 ans — par le conseil tripartite formé de l'Université McMaster, de l'Université Ryerson et de l'Université Laurentienne — dans le but de mettre l'accent sur les aspects ruraux, autochtones et, évidemment, francophones. Maintenant, tout cela vient d'être effacé. Nous retournons les étudiantes dans le Sud de l'Ontario, où Ryerson et McMaster ne sont qu'à une heure de distance l'une de l'autre. Cela n'a aucun sens. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu cela.
J'ai aussi lu quelque part que la Laurentienne recevait un montant supplémentaire d'environ 200 000 $ pour offrir un programme bilingue. D'après ce que vous savez, pouvez-vous confirmer quel était le coût supplémentaire pour la Laurentienne? Est-ce qu'un tiers des revenus était attribué à chaque établissement? L'Université Laurentienne a-t-elle reçu des fonds supplémentaires pour les aspects francophones, autochtones et ruraux?
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Je pense qu'il est vraiment important de se pencher sur l'aspect financier. L'enveloppe était répartie également entre les universités Laurentienne, McMaster et Ryerson, mais seule la Laurentienne était tenue d'offrir le programme dans les deux langues avec le même montant.
Il y a environ un mois, nous avons demandé au ministère des Collèges et Universités d'augmenter le financement accordé aux trois sites, mais l'Université Laurentienne avait plus particulièrement besoin de fonds supplémentaires pour être capable d'offrir le programme dans la langue seconde. Nos coûts de traduction sont d'environ 20 000 $ par année et les coûts de l'enseignement pendant les quatre années du diplôme s'élèvent à 200 000 $, et j'ai donc demandé 220 000 $ de plus pour que nous puissions offrir le programme dans les deux langues.
Ceci montre également comment la Laurentienne est désavantagée depuis de nombreuses années, car on s'attend à ce qu'elle offre la formation dans les deux langues avec le même montant qui est prévu pour l'offrir dans une seule langue. Nous n'avons jamais réussi à faire valoir qu'il y avait une disparité et qu'il fallait examiner sérieusement cette question. Chaque cours comportait deux volets, le volet français et le volet anglais. Il y avait un dédoublement pendant toute la formation sans qu'il y ait d'argent supplémentaire, mais nous l'avons fait. Comme je l'ai dit, tous nos salaires sont entièrement couverts par notre enveloppe.
Pour ce qui est des deux écoles, je crois l'avoir mentionné dans mes remarques, il n'y a maintenant que deux écoles qui forment des sages-femmes pour tout l'Ontario et ces écoles sont situées à moins d'une heure de distance l'une de l'autre. Dans nos salles de classe, dans nos cours, dans tout ce que nous faisons, nous mettions vraiment l'accent sur les régions rurales, éloignées et nordiques. Les sages-femmes formées à McMaster et à Ryerson recevront toutes la même formation de sage-femme en milieu urbain sans recevoir cet aspect particulier de l'enseignement.
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Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Je remercie encore une fois nos deux témoins, M. Fenske et Mme Morgan, pour leur témoignage de ce matin.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, j'aimerais d'abord, en tant que membre du Bloc québécois, manifester mon soutien et toute ma solidarité aux francophones de partout hors Québec. Nous appuyons la cause de l'Université laurentienne, mais aussi celle des sages-femmes.
Nous savons que le Québec compte plus de 250 sages-femmes et qu'il y a eu près de 43 [inaudible]. Il y a quand même eu beaucoup de reconnaissance par rapport à cela.
D'ailleurs, j'aimerais avoir vos commentaires sur des propos tirés d'un article paru dans Le Devoir: « L'élimination de ce programme a des allures de représailles contre ce métier féminin, ce que déplorent des observatrices du milieu des sages-femmes. »
Dans le même article, Mme Marie-Pierre Chazel, une Montréalaise qui a eu deux suivis de grossesse par des sages-femmes, a lancé « C'est vraiment une attaque contre les femmes ».
Qu'en pensez-vous? S'agit-il de représailles? Est-ce que l'on reconnaît suffisamment le rôle des sages-femmes?
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Bien sûr. Ce fut un enfer de deux mois. Je ne sais pas si j'ai le droit de prononcer ce mot, mais je l'ai fait. C'était une question d'argent. Je n'étais pas Tom Fenske; je n'étais qu'un ETP, un employé à temps plein, un chiffre.
Ce n'était qu'un simple dénombrement pour essayer de se débarrasser du plus grand nombre de personnes possible, et la profession de sage-femme est l'exemple parfait de la raison pour laquelle cette loi ne doit pas être utilisée dans le secteur public. Nous ne parlons pas d'une industrie privée. Nous parlons d'une institution du secteur public qui sert le public. Si cela pouvait être fait dans le secteur public, il y aurait des exclusions et des discussions, les gens diraient: « Non, attendez, c'est un programme qui sert le Nord, qui sert les femmes autochtones et francophones », mais ce n'est pas ce qui s'est produit, et le processus ne s'intéresse pas à cela.
Cela n'avait aucune importance pour le processus. C'est un processus froid, dirigé par des avocats de Toronto, et c'était... Peu importe les arguments que vous pouviez faire valoir, c'était comme parler à un mur. C'était: « Faites partir les gens. Les salaires, les avantages sociaux... c'est que nous devons les réduire, alors faites partir le plus grand nombre de personnes possible... ».
En ce moment, l'université doit faire des pieds et des mains parce qu'elle a coupé trop profondément, trop loin, et que les gens sont... J'ai reçu deux courriels aujourd'hui au sujet de personnes qui ont dû prendre un congé de maladie. Nous avons l'impression d'être dans une zone de guerre où tout est éparpillé et où on ne reconnaît plus rien. Je ne pourrais même pas vous dire quel est mon département en ce moment parce que c'est en train d'être déterminé.
C'est une partie du problème. Si ce processus pouvait être utilisé dans le secteur public, alors le programme de formation de sages-femmes existerait toujours, parce que tout le monde comprendrait pourquoi ce programme doit demeurer à l'Université Laurentienne et pourquoi il doit demeurer dans le Nord.
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Merci, madame la présidente.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Je vais réitérer les observations faites par ma collègue, Mme Shin, sur le fait que nous avons obtenu beaucoup d'information sur ce programme, ici même aujourd'hui, et que nous en savons beaucoup plus. J'ai une certaine connaissance générale parce que j'ai entendu parler ma grand-mère qui a grandi en Inde où c'était la pratique habituelle — si je peux m'exprimer ainsi — dans de petits villages, par exemple, ou même dans les grandes villes à l'époque où elle était plus jeune. Tous ses enfants sont nés avec l'aide d'une sage-femme.
Madame Morgan, vous avez parlé des communautés ethniques et de l'importance d'attirer des personnes de différentes cultures. Je me demande si les personnes qui veulent s'inscrire à ce programme pour ensuite offrir des services de sages-femmes dans les communautés ethniques sont différentes?
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Je ne m'attarderai pas à mes présentations. Je dois dire que tout le monde ici dans le Nord est complètement découragé par l'état dans lequel se trouve notre université communautaire. J'ai occupé un poste à l'Université Laurentienne de 1994 à 2010, et j'ai donc été témoin de plusieurs réussites de notre établissement dirigé par les communautés et axé sur les communautés.
En tant qu'Indienne inscrite, si vous voulez, nous avons eu... J'ai entendu nos témoins précédents parler du mandat de l'Université Laurentienne relativement aux enjeux autochtones, francophones et anglophones, mais en fait, ce mandat triculturel a commencé avec nous, les peuples autochtones. Sachez simplement que je n'aime pas le terme « autochtone ». Je suis Anishinabe, et nous sommes en territoire anishinabe.
Nous tenions absolument à faire de l'Université Laurentienne une université triculturelle et à honorer les premiers habitants de ce territoire. Nous nous sommes battus très fort pour que ce projet se concrétise.
Comme vous pouvez le constater, je ne sais pas exactement pourquoi l'Université Laurentienne se retrouve dans cette situation. En tant que femmes autochtones, en tant qu'Anishinaabekwe, nous sommes constamment sous la loupe de la responsabilité. Nous devons préciser au cent près chaque dollar que nous dépensons et fournir tous les détails. Avoir laissé l'université, une institution qui est gérée de façon systémique, faire preuve d'une irresponsabilité si honteuse, c'est quelque chose qu'une personne comme moi ne peut comprendre quand il s'agit de diriger les affaires des Anishinabe dans cette collectivité. On nous demande de rédiger des propositions de plus de 60 pages, que ce soit pour le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral, pour obtenir un simple accès à des services pour les peuples autochtones de ce pays que vous appelez maintenant le Canada. Pour de simples demandes de 60 000 $, il faut 60 pages pour préciser les besoins et prouver pourquoi nous voulons avoir ces services.
Je vais arrêter de parler de la disgrâce de l'université et du fait que les gouvernements provincial et fédéral ont permis que cette situation se produise. Je pense que tout le monde a des comptes à rendre.
Je veux vous parler des inégalités qui persistent encore aujourd'hui entre le Nord et le Sud. Je vais aborder la question sous différents angles, d'abord en tant que femme anishinabe, puis en tant que citoyenne de ces territoires. Je ne vais pas me lancer dans une divergence d'opinions sur le Nord-Est et le Nord-Ouest. Cela s'est produit il y a de nombreuses lunes, lorsque nous avons créé l'École de médecine du Nord de l'Ontario. Je vais parler des sages-femmes plus précisément dans un instant, car j'ai plusieurs recommandations à formuler.
Je suis une grand-mère de cinq enfants. Nous avons toujours eu recours aux services des sages-femmes. Avant la colonisation et la politique du Canada et de la Couronne, nous comptions uniquement sur nos sages-femmes. Notre profession de sage-femme autochtone est une pratique immémoriale qui a été honorée et respectée jusqu'à aujourd'hui. Évidemment, il y a eu les politiques et les pratiques de la Couronne comme les pensionnats indiens... et même aujourd'hui, elles n'ont pas disparu. Elles ont seulement évolué pour devenir des services de protection de l'enfance. Tout le monde doit examiner sérieusement la question, parce que l'on nous prend encore nos enfants.
Avant ces premiers contacts, nos sages-femmes faisaient l'objet d'un respect absolu. C'était la réalité de notre vie. C'était notre cycle de vie. Sans nos sages-femmes, nous n'aurions pas vécu dans les rigoureux territoires où nous avons déjà habité. Je supporte ardemment les sages-femmes. En fait, le Shkagamik-Kwe Health Centre est l'un des 10 Centres d'accès aux services de santé pour les Autochtones de la province de l'Ontario (CASSA) et le seul du genre dans ce que vous appelez maintenant le Canada.
Au cours de la dernière décennie, nous avons essayé de négocier avec la province et d'établir une relation très réciproque et respectueuse pour nous assurer qu'un partenariat existe et que la province ne nous dicte pas ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Nous travaillons ensemble pour trouver des solutions. Nous avons maintenant pris de l'expansion et nous sommes environ 28 dans notre secteur. Cela comprend les CASSA, les centres de santé communautaires autochtones, et maintenant des équipes interprofessionnelles de soins de santé primaires pour les Autochtones, des équipes de santé familiale autochtones et des sages-femmes autochtones.
Les 10 CASSA étaient un projet pilote…
Je suis une sage-femme en exercice. Je travaillerai de nouveau à temps plein cet été pour aider des femmes à accoucher dans la région de Sudbury. Je suis une ancienne professeure et une sage-femme diplômée. J'aimerais vous parler des répercussions qui ont touché à la fois les femmes et les étudiantes qui bénéficient du programme de formation de sages-femmes et des services de sages-femmes dans le Nord.
En 1993, la décision d'établir un centre de formation de sages-femmes dans le Nord a eu une énorme incidence non seulement pour les étudiantes intéressées à devenir sages-femmes, mais aussi sur les femmes du Nord. Le fait que le programme soit offert à Sudbury a permis de fonder un groupe exerçant la profession de sage-femme à Sudbury. Nous avons maintenant participé à la naissance de plus de 7 000 bébés dans le cadre de l'exercice de notre profession. Notre groupe a été fondé par la faculté de sages-femmes de l'université et il a également fourni une base solide pour étendre la pratique des sages-femmes partout dans le Nord.
Je sais que la question a déjà été abordée avec votre témoin précédent, alors je ne veux pas y revenir ou trop insister. J'ai fourni un tableau à M. Serré. Les diplômées du Nord travaillent dans les établissements d'Attawapiskat, de Kenora, de Thunder Bay, de Sault Ste. Marie, de New Liskeard, de Temiskaming et de Hearst. Il est extrêmement important qu'il y ait un enseignement dans le Nord pour maintenir ces professionnelles en poste.
Je peux en parler personnellement. Ma mère a quitté le Nord pour poursuivre ses études. Elle est ensuite restée dans le Sud de l'Ontario. Je suis retournée dans le Nord. J'ai travaillé à Attawapiskat; j'ai travaillé à Sudbury. J'ai consacré ma pratique professionnelle au Nord, ce qui est un thème récurrent chez les personnes qui étudient dans le Nord.
L'année 2020 était l'année internationale des sages-femmes. Le fait que l'Université Laurentienne ne fasse rien pour souligner cette année et notre programme était peut-être un présage. C'est mon point de vue personnel.
Ce que je veux dire, c'est que les sages-femmes sont importantes. Les sages-femmes sont importantes dans les soins de santé pour les femmes. Nous sommes reconnues pour notre capacité de bien travailler dans des milieux où il y a peu de ressources. Comme l'a dit l'un de vos témoins précédents, nous n'hésitons pas à nous rendre chez les gens. Je peux parler de mon propre travail professionnel de sage-femme. Pendant la COVID, notre taux de natalité hors hôpital a été de 50 %. Les femmes avaient peur de venir à l'hôpital. Les sages-femmes s'occupent d'un segment de la population, celui des femmes enceintes. Personne d'autre ne le fait. Personne d'autre n'ira fournir des soins à domicile. Les avantages d'avoir une professionnelle de la santé que vous connaissez, qui s'occupe de vous 24 heures sur 24 et avec qui vous pouvez communiquer par téléphone ou téléavertisseur sont inestimables.
De plus, j'aimerais aussi mentionner simplement que plusieurs de mes anciennes clientes sont maintenant des sages-femmes. Elles sont devenues mes étudiantes, ce qui est quelque chose d'incroyable. Inspirées par l'expérience vécue en accouchant, elles ont poursuivi leur éducation, se sont épanouies et ont contribué au bien-être des gens de leur communauté.
Je pense que c'est l'un des points forts de la profession de sage-femme et de notre programme pour le Nord que d'avoir le mandat précis d'intégrer les étudiantes francophones, autochtones et du Nord à nos apprenants, parce qu'elles deviennent des spécialistes dans leur propre communauté et qu'elles y retournent pour offrir ces services.
C'est tout ce que je voulais dire. Merci.
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Encore une fois... Nous y voilà.
Je me suis déjà présentée un peu, je vous ai décrit comment je suis devenue sage-femme et expliqué d'où je viens. Je vous ai aussi expliqué pourquoi je pense que la formation des sages-femmes pour les femmes du Nord doit demeurer dans le Nord.
Ma principale recommandation est celle-ci: il faut maintenir la formation des sages-femmes dans le Nord. J'estime aussi qu'il faut repenser la manière d'offrir la formation des sages-femmes en adoptant le point de vue des Autochtones et en déterminant comment le modèle des sages-femmes s'articule dans nos communautés autochtones. On ne compte plus les études, les maîtrises et les thèses qui ont été réalisées sur le sujet et qui concluent que cette profession doit être élargie en tant que modèle de soins interdisciplinaire et que les sages-femmes jouent un rôle de premier plan pour combler l'écart dans le domaine des soins de santé dans nos communautés du Nord.
Les sages-femmes assument cette responsabilité sans pour autant obtenir toute la reconnaissance et le soutien qu'elles méritent depuis très longtemps. En effet, nous contribuons à améliorer les taux de morbidité et de mortalité dans nos communautés du Nord. Notre action a toujours été perçue ou décrite comme une solution temporaire. En réalité, la présence de sages-femmes, instruites et formées dans le Nord, constitue la solution par excellence surtout dans nos communautés des Premières Nations. Ainsi, nos bébés naissent à la maison, au sein de la communauté, où ils reçoivent les soins les plus sécuritaires possibles.
Ma plus importante recommandation est que l'on doit garder la formation des sages-femmes dans le Nord. Il faut trouver le moyen d'offrir une formation des sages-femmes qui soit interdisciplinaire et qui mette l'accent sur les manières d'apprendre, de réfléchir et d'agir des Autochtones. Il faut aussi que cette formation soit offerte sous la direction de nos communautés et de nos dirigeants d'une manière qui reflète les besoins de nos communautés.
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Notre rôle en matière de soins commence à la conception, par conséquent, dès que les femmes apprennent qu'elles sont enceintes, elles sont les bienvenues dans notre pratique. La majorité des femmes rencontrent leur sage-femme à la septième ou huitième semaine de grossesse, et nous maintenons cette participation jusqu'à six semaines après l'accouchement. Notre mission est de prendre soin des mères et des nouveau-nés jusqu'à six semaines après l'accouchement.
Vous avez tout à fait raison. Notre pratique comprend plus que des soins directs. Elle repose sur une relation tout à fait particulière. Sans aller au-delà de notre champ de pratique, nous ne sommes pas des conseillères. Cependant, il est vrai que nous finissons par jouer un rôle d'intervenantes auprès de nos clientes. Nous les aidons à trouver des services, particulièrement durant la COVID qui a eu des répercussions importantes sur la santé mentale de nos patientes et sur leur sentiment de sécurité entourant le fait d'accoucher, à savoir qui prendra soin d'elles, avec combien de personnes elles seront en contact, et ainsi de suite.
Je pense que les sages-femmes offrent d'excellents services, soit en garantissant leur présence auprès de leur patiente, soit en se partageant la tâche par équipe de deux. À mon avis, c'est préférable au fait d'avoir à dire, désolée, c'est le changement de quart de travail, et vous allez devoir vous adresser à la prochaine infirmière, ou encore, c'est le changement de quart, et c'est l'obstétricien suivant qui s'occupera de vous.
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Pas trop mal, n'est-ce pas? J'ai passé trop de temps avec vous, ou alors pas assez.
J'ai en effet plusieurs recommandations. Vous avez tous entendu ma déclaration liminaire dans laquelle j'exprimais ma passion et ma compassion pour ce territoire et, ce qui est encore plus important, l'historique de ma présence à l'Université Laurentienne. Je vous ai décrit plusieurs progrès, dont la création de l'École de médecine du Nord de l'Ontario. Encore une fois, nous sommes complètement démoralisés et nous avons entrepris de mobiliser une masse critique de défenseurs pour faire du lobbying avec nos partenaires gouvernementaux. L'École de médecine du Nord de l'Ontario, ou EMNO, est le fruit d'une relation triculturelle dans le Nord entre Goyce Kakegamic, Geoff Hudson et le Dr Augustine. Ils comptent parmi les nombreux Autochtones de la base qui, de concert avec nos chefs, ont veillé à ce que l'on crée une école dans le Nord qui reste dans le Nord. Le but était de transmettre une expertise aux étudiantes afin d'éliminer le racisme systémique qui sévit dans le système de santé. Il s'agissait donc d'identifier, de recruter et de maintenir aux études des Autochtones, d'améliorer leur taux de réussite en médecine afin de pouvoir fournir une plateforme de soins pour notre peuple, par notre peuple.
Nous avons insisté pour que l'EMNO demeure un organisme d'accréditation, ce qu'elle est déjà, et pour qu'elle maintienne son statut d'établissement conférant des grades universitaires. Je ne vais pas me battre contre Thunder Bay et Sudbury et reprendre le débat du nord-est et du nord-ouest. Ce débat a commencé en 1997, et je veux bien croire que nous avons adopté une approche axée sur les solutions pour veiller à ce que les étudiants en médecine disposent d'une vaste géographie où apprendre.
Je m'interroge encore à savoir comment diable on a pu allouer du financement réservé à la formation de sages-femmes sans exiger la reddition de comptes sur la manière dont ce financement était dépensé. Je constate aussi que d'autres universités dans la province que vous appelez aujourd'hui l'Ontario tentent de s'arroger des droits sur notre programme de formation des sages-femmes. Je suis absolument contre. Ce programme de formation des sages-femmes, tout comme l'EMNO, a été créé dans le Nord, par le Nord, et il doit demeurer dans le Nord.
Je préconise fortement, et je vous implore d'user de votre influence à cet égard, que l'on exige de la transparence dans la décision de conserver l'Université Laurentienne. Mais ce qui importe encore plus, c'est de trouver le moyen de faire en sorte que l'EMNO soit habilitée à conférer des grades universitaires. Il faut aussi que la formation des sages-femmes possède sa propre école, dotée de sa propre autorité et d'un processus de reddition de comptes, en partenariat avec l'EMNO.
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Pour commencer par l'utilisation, les sages-femmes sont en nombre insuffisant pour répondre à la demande, en fait. Près de 40 % des personnes qui, en Ontario, souhaitent obtenir les services d'une sage-femme n'y parviennent pas. Ce sont les chiffres fournis par l'Association des sages-femmes de l'Ontario. Sur dix femmes qui demandent les services d'une sage-femme, seulement six les obtiennent, et quatre n'y ont pas accès.
Je peux vous parler de mon expérience personnelle. Nous avons une liste d'attente de 90 femmes pour les mois de juillet et août seulement pour notre petite pratique. Cela représente 90 femmes qui n'obtiendront pas les services qu'elles ont demandés en raison de la pénurie de prestataires de soins. Maintenant, ce n'est pas représentatif de la demande sur une période d'un an.
Normalement, nous avons des listes d'attente, mais le seul moyen de faire prospérer la profession de sage-femme consisterait à s'occuper de ces listes d'attente et de ces 4 femmes sur 10 qui souhaitent accoucher avec l'aide d'une sage-femme mais qui ne le pourront pas. En effet, pour mieux répondre à la demande, il faudrait mettre sur pied un programme à l'échelle de la province — et pas seulement de la région du Grand Toronto ou RGT — et aussi, un programme qui permettrait aux diplômées de posséder le même niveau de compétence que le nôtre ou un niveau supérieur.
Comme on l'a déjà dit, ce qui limite nos capacités de croissance à l'heure actuelle, c'est la disponibilité des préceptrices; autrement dit, les sages-femmes et les diplômées qui supervisent les étudiantes. Le programme comporte des limites auto-imposées. C'est la raison pour laquelle seulement une centaine d'étudiantes sont acceptées dans tout le consortium chaque année. Cependant, nous venions tout juste de commencer à envisager des moyens particuliers d'élargir le programme, par exemple, en faisant fi des frontières provinciales pour les étudiantes des autres provinces, parce que l'Université Laurentienne formait des praticiennes à l'échelle du pays, et pas seulement de l'Ontario.
Comme nous l'avons déjà dit, toutes les sages-femmes du Nouveau-Brunswick sont diplômées de l'Université Laurentienne. Nous acceptons régulièrement des étudiantes des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon et de partout au pays, parce qu'il n'existe que six écoles offrant la formation de sage-femme. Et maintenant, il n'en reste plus que cinq.
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Je remercie beaucoup les trois témoins, Mme Fulton-Breathat, Mme Recollet et Mme Wolfe, de leurs témoignages. J'aimerais souligner leur contribution au dossier des sages-femmes.
J'aimerais faire ce que j'ai fait lorsque nous avons reçu le groupe de témoins précédent. Vous parlez de l'importance d'avoir une université en dehors de Toronto, dans le Nord de l'Ontario. J'aimerais le mentionner, parce que nous vous donnons évidemment tout notre appui, au Bloc québécois. Mon collègue de La Pointe-de-l'Île s'est notamment manifesté à ce sujet, et il a démontré tout son appui à cette cause.
La situation est extrêmement choquante et déplorable. Nous savons que les communautés francophones ne peuvent pas vraiment se passer de programmes universitaires en français. Il faut donc absolument faire quelque chose. Vous avez mentionné l'importance de cette université pour la cause des sages-femmes de partout au pays et pour la Francophonie à l'extérieur de la province, car cette université doit rayonner en Ontario, mais aussi au Nouveau-Brunswick et au Yukon, par exemple.
Par ailleurs, j'aimerais souligner que ce dossier est suivi de près au Québec. Nous avons déjà nos propres lois sur les services de sages-femmes. Nous bénéficions d'un encadrement juridique et réglementaire qui est supervisé par l'Ordre des sages-femmes du Québec.
Comment voyez-vous le fait d'avoir une université dans le Nord de l'Ontario qui rayonne partout, même au Témiscamingue, et de devoir gérer la relation avec Ottawa? Au Québec, nous avons déjà des lois et une association pour les sages-femmes.
J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.
Madame Fulton-Breathat, voulez-vous commencer?
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Meegwetch, madame Fulton-Breathat, pour vos remarques.
Si vous me permettez d'intervenir, madame Larouche... Encore une fois, je n'avais pas activé l'interprétation, mais j'ai saisi une partie de votre question.
Je tiens à vous dire très rapidement... La relation qui existe au Québec — je pense que ma question peut vous sembler une réfutation de ce que vous venez de dire — est celle qui a été établie avec la Nation crie. La Nation crie du Nord du Québec est une communauté très dynamique. Elle a adopté une position très politique pour s'assurer que cette relation se développe. Je pense plus particulièrement aux dirigeants — et, dans le passé, aux barrages hydroélectriques et à Matthew Coon Come qui s'est assuré du partage des revenus tirés de l'exploitation des ressources. Cette nation a réussi à préserver son identité culturelle sur le plan éducatif, ainsi que son autonomie sur le plan des services de santé, afin de s'assurer les services de sages-femmes cries.
Les choses sont différentes dès que vous traversez de l'autre côté de la baie James; vous faites face à une réalité très différente. Nous travaillons aujourd'hui directement avec le ministère de la Santé et des Soins de longue durée qui a joué un rôle essentiel, comme je l'ai déjà dit dans ma déclaration liminaire, eu égard à l'importance de la profession de sage-femme autochtone dans ce que vous appelez aujourd'hui l'Ontario. Comme je le disais, le Shkagamik-Kwe Health Centre est l'un des deux centres d'accès aux services de santé pour Autochtones qui a obtenu une contribution financière spécifique pour le programme de sages-femmes autochtones. La province elle-même a décidé de donner plus d'ampleur à notre programme, ici même dans le Nord, afin de veiller à ce que l'on continue de recruter et de maintenir en poste des sages-femmes autochtones.
Mais ce ne sera pas possible si nous perdons notre école où l'on enseigne la profession de sage-femme. En effet, notre école joue un rôle vital pour que l'on puisse continuer d'élargir ce service. Même à Sudbury... C'est scandaleux de dire que nous sommes dans le Nord. Lorsque l'on parle du Nord, en tant qu'Autochtones, il s'agit des communautés accessibles uniquement par voie aérienne. Des communautés qui n'ont même pas d'eau potable. Nous ne pouvons donc pas offrir de services de sages-femmes à ces communautés puisqu'elles n'ont même pas d'eau potable.
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Nous n'allons pas parler seulement de l'Ontario et du Québec. Il faut parler de ce que vous appelez le Canada dans son ensemble.
Je vais vous donner un exemple. Dans la Nation inuite, les mères, les femmes enceintes, sont déplacées de leur communauté et de leur famille, et une seule personne peut les accompagner pour les soutenir. Elles doivent voyager durant des heures et des heures, parfois le trajet peut prendre jusqu'à 40 heures, avant d'atteindre un poste de soins infirmiers où un praticien non inuit ou non autochtone va lui fournir des soins non sécuritaires, qui ne sont pas adaptés culturellement, ni à son droit de donner naissance selon les méthodes traditionnelles. Il faut reconnaître cette situation. Une politique axée sur les solutions consisterait à donner accès à une sage-femme dans nos territoires traditionnels. Nous ne voulons plus être déplacées. Et cette affirmation s'applique d'un bout à l'autre du pays eu égard à notre cercle de la vie.
Même ici, dans un milieu urbain, comme vous le demandez, ce n'est pas par choix que nous nous sommes installés dans des zones urbaines. Dans ce que nous appelons aujourd'hui le Canada, je peux affirmer toutefois que 80 % de la population autochtone a été déplacée dans des milieux urbains afin d'avoir accès aux mêmes types de soins que ceux dont vous bénéficiez.
Nous devons continuer de nous battre pour obtenir cela, pour nous réapproprier ce que nous sommes en tant que peuple autochtone dans ces premiers territoires ayant un accès limité aux ressources. Nous devons aussi sans cesse justifier pourquoi nous le réclamons. De la naissance jusqu'à la mort, c'est une lutte permanente et nous devons sans arrêt expliquer aux nouveaux arrivants, aux fonctionnaires gouvernementaux, aux gens que nous croisons tous les jours dans la rue, qu'ils doivent effacer ce qu'ils ont appris et écouter ce que nous avons à leur dire s'ils veulent connaître la véritable histoire du Canada.
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Bien sûr, et de fait, j'aimerais vous raconter une page d'histoire. Cela remonte bien avant les 94 appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation.
Ces recommandations ne datent pas d'hier, et nous devons constamment répéter l'histoire. Il faut même remonter à la Commission royale sur les peuples autochtones, ou CRPA, dans ce que vous appelez maintenant le Canada. Ces mêmes recommandations avaient été formulées à l'époque, et nous sommes encore en train de raconter notre histoire.
Pour faire suite aux recommandations de la CRPA, nous avions établi la stratégie relative à l'éducation et à la formation autochtones. Cette stratégie a été élaborée en 1989-1990 et mise en place en 1991. L'Université Laurentienne a été la récipiendaire de cette stratégie qui comprenait notamment le recrutement, le maintien aux études et l'amélioration des taux de réussite des Autochtones dans les programmes d'enseignement postsecondaire. Cela comprenait les collèges et les universités, ainsi que la réappropriation de nos langues.
Je peux vous en parler avec beaucoup d'éloquence parce que je faisais partie de ceux qui sont à l'origine de cette stratégie. Nous nous sommes efforcés de veiller à ce que la réappropriation de notre identité culturelle soit célébrée et reconnue, tout comme la population francophone réclame la réussite et le pouvoir de dispenser ses propres programmes d'enseignement. Le problème tient au fait que nous évoluons à l'intérieur de votre système, de vos établissements. Par ailleurs, vous ne reconnaissez toujours pas notre forme d'enseignement, notre forme de gouvernance, nos langues, notre culture, notre droit à un accouchement culturellement approprié, ainsi que notre droit inhérent à prendre soin de notre propre peuple.
Cela posera toujours un problème, et nous continuerons de tenir ces conversations. J'espère que lorsque mes cinq petits-enfants atteindront mon âge, ils n'auront pas à continuer d'éduquer d'autres citoyens dans ce que vous appelez aujourd'hui le Canada.
Vous voyez à quel point ce sujet me passionne.
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Oui, en effet. Je voulais seulement dire très clairement que vous avez mentionné que l'Université Laurentienne avait aboli le programme de formation des sages-femmes autochtones.
Il ne s'agissait pas d'un programme de formation de sages-femmes autochtones, même si cela ferait partie de mes recommandations à l'avenir. Cela se situe au cœur même de la manière dont, pour un énorme... Je réalise que nous devons aussi soutenir nos étudiantes francophones, mais l'Université Laurentienne a très mal géré les choses à cet égard. Voici donc l'occasion, maintenant que cette situation s'est produite, d'améliorer les choses et de créer un programme de formation de sages-femmes autochtones géré par des sages-femmes et des communautés autochtones. Ainsi nous pourrions illustrer comment l'enseignement sera dispensé à l'avenir dans les communautés autochtones.
Mme Recollet vous a un peu parlé du Nord. Il faut vraiment pouvoir soutenir l'expansion des soins dans le Nord et nous doter de prestataires de soins appropriés afin que les femmes puissent rester dans le Nord et bénéficier d'une assistance à l'accouchement compétente, et ce, peu importe... Lorsque nous attribuons ces étiquettes liées à la portée et à la pratique à des prestataires de soins formées de manière appropriée dans les communautés, qui sont en mesure d'assurer des soins prénatals et de l'éducation à cet égard pour aider nos communautés à avoir une meilleure santé et à demeurer au sein de leur communauté pour donner naissance à leurs bébés...
Si nous faisons en sorte que les accouchements se déroulent dans les communautés, et que nous veillons à avoir des personnes compétentes sur place pour que les bébés naissent en toute sécurité, alors nous pourrons améliorer les taux de morbidité et de mortalité, à commencer par les grossesses et les accouchements.
J'allais faire un commentaire à ce sujet, et vous dire que, peu importe le genre d'entité que deviendra le troisième site, et peu importe l'endroit où il se trouvera, l'une des choses que nous avons déjà repérée comme étant vraiment importante est la préservation d'un véritable mandat triculturel. Même si nous devions nous limiter à 30 places, il faudrait s'assurer qu'un tiers de ces places soit alloué à des anglophones, un tiers à des francophones et un tiers à des autochtones, tout en reconnaissant qu'il existe divers moyens d'apprendre.
L'une des choses que nous n'avons pas pu accomplir à l'Université Laurentienne, en raison d'un gel dans le recrutement du personnel, c'est l'embauche d'un professeur à temps plein spécialisé dans le savoir autochtone. Nous l'admettons. C'est une chose que nous n'avons pas réussi à accomplir. C'est pourquoi j'estime qu'il serait vraiment important à l'avenir d'aller au-delà des 30 places, et d'avoir la possibilité d'organiser des placements à l'extérieur de la province, en reconnaissant que les frontières provinciales sont perméables, puisque nous sommes une entité coloniale.
Je ne veux pas trop m'avancer sur le sujet. Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais en même temps, j'estime qu'il est vraiment important de cesser de considérer ce problème comme propre à l'Ontario, puisque la formation des sages-femmes est un enjeu national.
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Je pense, pour commencer, qu'il faut connaître l'histoire et le contexte dans lequel vivent les gens ainsi que leur histoire personnelle ou leur situation particulière. Il faut savoir comment leur ménage, leur communauté ou leur famille a traversé le traumatisme subi. Il faut aussi reconnaître la diversité de nos communautés pour ce qui est de notre manière de partager et d'apprendre et d'accueillir les bébés dans le monde suivant une tradition qui nous appartient, et selon nos rituels. Je pense que c'est tout simplement faire preuve d'authenticité dans les soins dispensés et dans la compréhension du contexte historique, et ensuite dans la connaissance que nous avons de ces cérémonies et de cet engagement.
Nous avons coutume de dire, lorsque nous empruntons ce chemin, qu'il y a tellement de choses à apprendre. Nous devons faire preuve d'ouverture pour continuer d'écouter ces histoires et de soutenir les familles, dans leur rôle de parent et dans la naissance d'un enfant. Il faut que la naissance soit le reflet des origines de la communauté et de son savoir. Pour y arriver, il faut bien connaître leur histoire et leur communauté en particulier.
À Shkagamik-Kwe, nous avons toute une équipe traditionnelle. Tous nos clients ont accès à la fois à une sage-femme et à un obstétricien, au besoin, ou inversement. Les femmes qui ont des grossesses à risque ont elles aussi accès au soutien traditionnel et aux soins offerts par les sages-femmes de sorte que nous pouvons normaliser la naissance et en faire une expérience plus sûre pour les familles.
Cela revient véritablement au rôle que je joue à Shkagamik-Kwe. Je m'occupe de toutes les femmes qui entrent chez nous, et je m'assure qu'elles ont accès aux soins d'une sage-femme, et qu'elles reçoivent tous les soins dont elles ont besoin, comme l'a mentionné Mme Fulton-Breathat. Leur pratique est plafonnée. Pas chez nous. Quiconque franchit notre porte peut bénéficier du soutien d'une sage-femme, d'un obstétricien ou d'une infirmière, et de notre équipe et de notre programme traditionnels.
Nous avons atterri dans ce centre urbain, mais nous sommes tous issus de diverses régions de l'Île de la Tortue. Peu importe de quelle région elles sont issues, nous reconnaissons le savoir et les récits de chaque famille. Nous tentons de déterminer comment les aider à rendre l'accouchement le plus sûr possible, que ce soit sur le plan médical, évidemment, mais aussi pour leur donner un sentiment de sécurité entourant la manière d'accoucher et de prendre soin de leur nouveau-né.
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie encore une fois les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
J'ai déjà mentionné mon appui à la cause de l'Université Laurentienne et aux francophones, et je tiens à réitérer mon appui et celui du Bloc québécois aux communautés cries et à toutes les autres communautés autochtones. Le Québec a noué une relation particulière avec les communautés autochtones, et, selon moi, il est important d'aller dans ce sens.
La relocalisation et la fermeture de ce programme auraient des conséquences désastreuses pour les familles autochtones de la région, et les services de sages-femmes revêtent une importance particulière pour les familles autochtones. Si je comprends bien, c'est ce que nous devons retenir de vos témoignages.
J'aimerais que les trois témoins nous fournissent de courts commentaires à ce sujet.
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Je vous remercie de cette question.
Je pense que nous allons simplement répéter ce que nous avons déjà dit. Dans ce que vous appelez le Québec, votre leadership, votre partenariat et le respect mutuel qui est nécessaire pour poursuivre les relations et évoluer avec les nations cries — les nations algonquines — au Québec sont primordiaux pour que cesse le racisme systémique dans le système de soins de santé pas seulement au Québec, mais dans tout ce que vous appelez maintenant le Canada… Tout le monde doit mettre fin au racisme. Nous sommes des êtres humains. Nous méritons la même humanité que tous les habitants de ce que vous appelez maintenant le Canada.
Pour en revenir à la profession de sage-femme, je tiens tout d'abord à répéter que l'école est fermée. Soyons clairs à ce sujet. En ce moment, c'est dans ce dossier que nous exerçons des pressions sur les gouvernements provinciaux et fédéral pour tenter de les faire reculer et pour nous assurer que les personnes vivant dans ce que vous appelez le Nord… mais encore une fois, Sudbury et Thunder Bay ne sont certainement pas des collectivités nordiques…
Nous parlons ici des collectivités autochtones qui sont accessibles par avion seulement, auxquelles on ne peut pas accéder par la route et qui n'ont pas accès à l'eau potable. C'est pourquoi il est essentiel pour nous de veiller à ce que les programmes de formation des sages-femmes élaborés dans le Nord restent dans le Nord. Nous demandons à tous les décideurs de tout mettre en œuvre pour plaider en faveur de ces programmes, pour montrer la voie à suivre et assurer le maintien du programme de formation des sages-femmes, et pour trouver collectivement des solutions.
Vous ne pouvez pas prendre ces décisions sans nous. Il faut que nous soyons à la tête des efforts. Nous connaissons nos territoires. Nous connaissons la population concernée, et nous coopérons. Nous respectons nos partenaires francophones et les considérons comme des partenaires égaux, tout comme ils nous considèrent comme tels, comme l'a dit Mme Fulton-Breathat.
Ce n'est toutefois pas encore le cas dans la société en général. Le racisme systémique est bien vivant. Il se manifeste au quotidien. Nous le voyons dans les hôpitaux. Si un véritable établissement réglementé remettait les diplômes et reconnaissait l'école des sages-femmes comme ayant un pouvoir égal avec ces trois lieux triculturels dans ce que vous appelez aujourd'hui le Canada, alors nous pourrions collectivement faire tomber certaines barrières systémiques.
Madame Wolfe, autrefois sage-femme autochtone, a choisi de devenir sage-femme autorisée en commençant le programme, parce qu'elle pouvait ainsi avoir accès aux droits hospitaliers. À l'heure actuelle, les sages-femmes autochtones n'ont pas accès aux hôpitaux. Nous devons abolir de nombreux systèmes si nous voulons reconnaître que le système d'éducation et de gouvernance occidentales ne détient pas le monopole de la connaissance. Ce système ne détient pas le monopole sur la façon dont nous fournissons les services…
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Merci, madame Mathyssen.
Encore une fois, il ne s'agit pas d'une gouvernance de l'Occident ou de l'État, la politique de l'État ne détient pas le monopole. Nous avons une plateforme multiculturelle ici. Je vois beaucoup de femmes qui viennent de territoires très différents de Shkaakaamikwe, qui en langue anishinabée signifie « Terre mère ».
Vous avez tous vos terres dont vous êtes responsables et que vous conservez. Vous avez eu la possibilité de conserver votre langue, votre culture et votre identité. Nous, le peuple autochtone, méritons ces mêmes droits. C'est la cause que je défends; je veux que, lorsque nous prenions des décisions, celles-ci ne correspondent pas toujours à la manière dont l'État et le gouvernement suppriment systématiquement nos droits autochtones, notre langue, notre culture et notre identité comme peuple, et qu'elles célèbrent le fait que nous sommes les premiers habitants de ces territoires.
Ces terres ne nous appartiennent pas. Nous en sommes simplement les gardiens. Nous méritons le même accès que tous les membres de ce groupe.
Je vais m'arrêter ici. Meegwetch.