FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la condition féminine
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 9 mars 2021
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à toutes et à tous à la 19 e séance du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, qui poursuit aujourd'hui son étude sur le travail non rémunéré.
Nous avons la chance de recevoir aujourd'hui Jacqueline Neapole, directrice exécutive de l'Institut canadien de recherches sur les femmes, et Laura Addati, spécialiste des politiques, Autonomisation économique des femmes, de l'Organisation internationale du Travail.
Chacune d'entre elles disposera de cinq minutes pour présenter une allocution d'ouverture, après quoi nous procéderons à des tours des questions. Nous ferons aujourd'hui des avertissements de 30 secondes. Ainsi, quand le temps d'intervention achève, j'interromprai gentiment et poliment la personne qui parle.
Sur ce, nous commencerons par Mme Neapole.
Vous disposez de cinq minutes.
Je vous remercie de m'avoir invitée à contribuer à l'étude très importante que le Comité effectue sur le travail non rémunéré des femmes au nom de l'Institut canadien de recherches sur les femmes, ou CRIAW-ICREF.
CRIAW-ICREF est une organisation de femmes sans but lucratif fondé en 1976. Nous menons et appuyons des recherches et des analyses sur la situation sociale et économique des femmes au Canada, recourant à une approche intersectionnelle dans tous nos travaux.
De toute évidence, la question du travail non rémunéré des femmes n'a rien de nouveau. Depuis l'époque de la création de la Commission royale d'enquête sur le statut de la femme au Canada il y a 50 ans, la question est d'actualité. Les féministes l'avaient soulevée alors et le font depuis des décennies au Canada.
Le travail non rémunéré s'effectue à l'intérieur et à l'extérieur du domicile et inclut toutes les activités que les gens font pour prendre soin les uns des autres, pour gérer leur ménage — en prodiguant des soins et en s'occupant des enfants et d'autres membres de la famille et du ménage, d'adultes et d'aînés à charge — et pour accomplir d'autres tâches domestiques comme la cuisine, le ménage et le lavage.
Ce travail non rémunéré se poursuit au sein de la communauté et n'est pas l'apanage des femmes avec des enfants. Les aînées effectuent elles aussi une somme considérable de travail non rémunéré en agissant à titre de bénévoles dans leur communauté et en s'occupant des autres, par exemple, en prenant soin de leurs petits-enfants, de leur époux et de leurs amis sans rétribution. Nous considérons souvent que les aînés ont besoin de soins, mais les femmes âgées fournissent beaucoup de travail non rémunéré. Ce sont en grande majorité les femmes qui accomplissent le gros du travail non rémunéré, lequel soutient l'économie et comble les lacunes des infrastructures et des services sociaux.
Le problème, c'est la répartition inégale, l'intensité, l'absence de reconnaissance et le manque de choix, autant de problèmes qui portent atteinte aux droits des femmes.
Avant la pandémie, en 2015, 25 % des femmes indiquaient que c'était principalement pour s'occuper des enfants qu'elles travaillaient à temps partiel, alors que ce pourcentage était de 3,3 % pour les hommes. Une étude menée récemment pendant la pandémie révèle maintenant que la mère canadienne moyenne a passé 13,5 heures par jour à prendre soin des enfants de la fin avril au début de juin 2020, y compris les femmes qui ont déclaré travailler à temps plein. Il s'agit de moyennes, et ce n'est que pour le travail non rémunéré consistant à prendre soin des enfants.
Dans le cas des mères monoparentales, particulièrement pendant la pandémie, leur labeur s'effectue 24 heures par jour pendant des semaines, sans autres options. Leur charge de travail était déjà lourde avant la pandémie.
Les répercussions sont évidentes. D'une part, ce travail non rémunéré est si accaparant que certaines femmes n'occupent pas d'emploi rémunéré pour rester à la maison, alors que d'autres en occupent un par intermittence pour pouvoir accomplir leur travail non rémunéré. Nombreuses sont celles qui prennent un emploi qui leur permet de réduire les conflits avec leurs responsabilités non rémunérées et qui travaillent à temps partiel. Voilà qui a des effets à long terme sur les femmes tout au long de leur vie et qui a des répercussions substantielles sur les pensions et la sécurité financière des aînées.
Les femmes sont de plus en plus actives sur le marché du travail depuis des décennies. Elles continuent malgré tout à effectuer une part disproportionnée du travail non rémunéré. Il n'y a pas eu de redistribution importante de ce travail.
Les femmes sont également confrontées à d'importants défis sur le plan de la santé en raison du stress et de l'épuisement professionnel. Pour participer au marché du travail, bien des femmes accomplissent leur travail non rémunéré comme s'il s'agissait d'un deuxième quart de travail, voire un troisième pour certaines d'entre elles.
Certaines femmes peuvent compenser en payant quelqu'un pour accomplir le travail non rémunéré, le confiant principalement à d'autres femmes. Les femmes noires, immigrantes et racialisées sont surreprésentées dans le secteur rémunéré, où elles occupent des postes fort mal payés et très précaires. Ce sont là des problèmes interreliés.
En outre, des obstacles financiers bien réels limitent la capacité des femmes à transférer ou à compenser leur travail non rémunéré. Pour bien des femmes, particulièrement celles qui ont un faible revenu, le fait de confier essentiellement ce travail à quelqu'un d'autre est un faux choix.
Il ne manque pas de preuves montrant que l'absence d'infrastructures sociales fait augmenter le travail non rémunéré des femmes. En l'absence de solution financée par les fonds publics, des obstacles financiers bien réels empêchent les femmes de payer pour faire faire ce travail, et c'est sans parler du fait que quand les infrastructures sont insuffisantes, la vie des gens dépend littéralement du travail non rémunéré, comme nous le constatons actuellement. Nos infrastructures sociales manquent de ressources à bien des égards. Par exemple, de nombreux résidants de centres de soins de longue durée dépendent de membres de la famille pour fournir un travail d'appoint non rémunéré.
La COVID a peut-être mieux faire ressortir le fait que notre société dépend du travail non rémunéré. En fait, ce travail permet à notre société de fonctionner. Cependant, ce travail non rémunéré a un coût très élevé dans la vie des femmes.
Ce n'est pas gratuit. L'État doit assumer sa juste part de cette responsabilité. On peut résoudre la question en s'assurant qu'il existe de solides services publics universels et que les personnes qui travaillent, principalement des femmes, sont bien rémunérées.
Je m'arrêterai là.
Je vous remercie.
Je vous remercie. C'était un excellent exposé.
Madame Addati, nous vous accordons la parole pour cinq minutes.
Je voudrais remercier le Comité de m'offrir l'occasion de lui faire part des conclusions de nos recherches sur le sujet.
Nous espérons que notre témoignage contribuera à l'élaboration de politiques porteuses de transformation au Canada, un pays champion de l'égalité des sexes entre ses frontières et dans sa politique étrangère.
Vous avez quelques diapositives que j'ai préparées. Comme j'ai préparé un exposé de plus de cinq minutes, je tenterai de le résumer pour faire suite au magnifique exposé que Mme Neapole vient de faire.
Le rapport utilise une définition exhaustive du travail de prestation de soins, laquelle inclut les activités non rémunérées effectuées pour le ménage et la communauté, et de travail rémunéré, que nous définissons comme étant un travail de prestation de soins effectué par des soignants contre une rémunération ou à des fins lucratives.
L'innovation dans ce rapport, c'est que nous avons tenté d'analyser l'incidence du travail non rémunéré sur l'égalité des sexes sur le marché du travail. En en apprenant plus sur le travail de prestation de soins non rémunéré et en évaluant ce dernier, nous pouvons mieux comprendre l'inégalité persistante qui perdure entre les sexes sur le marché du travail et la façon dont on peut l'éliminer.
Ce qui est réellement novateur, c'est le concept de travail de prestation de soins non rémunéré fondé sur une nouvelle norme du travail internationale qui stipule que la prestation de soins et les services domestiques non rémunérés offerts aux membres du ménage et de la famille constituent une nouvelle forme de travail. Cette norme a été instaurée par l'Organisation internationale du Travail. Le travail de prestation de soins non rémunéré constitue un travail et représente une dimension cruciale dans le monde du travail. Ce que nous évaluons compte. Dans le cadre de ce processus, nous voulons mieux reconnaître la valeur du travail de prestation de soins non rémunéré et faire de ce dernier une composante clé de la prise de décisions.
L'Organisation internationale du Travail a fait une estimation de l'étendue du travail de la prestation de soins non rémunéré, arrivant à la conclusion qu'il totalise 16,4 milliards d'heures, soit l'équivalent de deux milliards de personnes travaillant huit heures par jour sans rémunération. Nous avons accordé une valeur à ce travail et appliqué des méthodes selon lesquelles ce travail serait rémunéré à un salaire horaire minimum. Le résultat équivaut à 9 % du PIB mondial et à 26 % du PIB du Canada, les femmes effectuant près des deux tiers des heures non rémunérées.
Nous observons quelques progrès au chapitre de la contribution des hommes au travail de prestation de soins non rémunéré. De fait, le Canada s'en tire relativement bien comparativement à d'autres pays au sujet desquels nous avons des données. La contribution des hommes s'améliore, mais selon les données de l'Enquête sur la population active de 2010, il existe encore un écart de 10 % entre les sexes en ce qui concerne le travail de prestation de soins non rémunéré. Il y a encore des efforts à faire à cet égard.
Les inégalités persistantes sur le plan du travail de prestation de soins non rémunéré ont une incidence directe sur les inégalités sur le marché du travail. Nous avons également constaté que le travail de prestation de soins non rémunéré demeure le principal obstacle à la participation des femmes sur le marché du travail à l'échelle mondiale.
En outre, les femmes vivant avec de jeunes enfants sont pénalisées sur le plan de l'emploi. Il suffit d'observer la situation du Canada pour constater qu'un écart persiste au chapitre de l'emploi parental, soit la différence entre les ratios employés-population pour les mères et des pères. Cet écart était toujours de 20 points de pourcentage en 2018, alors qu'il n'est que de 4 points de pourcentage pour les femmes et les hommes vivant sans jeunes enfants. Comme nous l'avons déjà entendu, cela pénalise les mères sur le plan de la rémunération, ce qui a des répercussions directes sur l'écart salarial entre les hommes et les femmes. Elles sont également pénalisées aux échelons supérieurs, les mères étant sous-représentées dans les chiffres relatifs aux gestionnaires et aux dirigeants, alors que les pères continuent de faire bonne figure sur les plans de l'emploi, des salaires et des postes de direction.
L'un des importants résultats du processus qui a culminé en 2019 avec l'adoption de la Déclaration du centenaire sur l'avenir du travail par l'Organisation internationale du Travail, c'est un appel à investir dans l'économie de soins. Il faut ainsi effectuer des investissements publics et privés dans des politiques porteuses de transformation dans le domaine des soins. Ces investissements se révèlent payants au chapitre de la participation au marché du travail, de la santé...
Je vous remercie, madame Addati. Votre temps est écoulé. Nous allons donc procéder aux tours de questions.
Madame Wong, vous avez la parole pour six minutes.
Je vous remercie, madame la présidente. Je remercie également les deux témoins.
Je voudrais d'abord souligner la contribution de vos deux organisations à l'échelle nationale, au Canada, et internationale. J'ai lu une partie du rapport publié par Organisation internationale du Travail et j'ai été fort impressionnée par cet ouvrage de plus de 500 pages qui fait un excellent survol et une évaluation de la situation et fournit d'excellentes recommandations. Je suis ravie que Mme Addati soit des nôtres ce matin.
Quant à l'autre travail de recherche dont Mme Neaplole a parlé, l'ICREF met en lumière l'importance des services de soins et admet la valeur de la prestation de soins non rémunérés.
Ma question concerne la productivité et s'adresse à vous deux.
Vous avez toutes deux parlé de l'incidence du travail de prestation de soins non rémunérés sur l'économie et l'économie de la prestation de soins. Vous avez fourni la définition d'économie et de secteur de la prestation de soins, que vous avez toutes les deux énoncée très clairement.
À votre avis, que devrait faire le gouvernement pour aider les femmes à concilier leur travail rémunéré et leurs tâches non rémunérées? Et qu'en est-il de leur avenir? Par exemple, vous avez mentionné les pensions.
Je n'ai pu me rendre jusqu'à mes recommandations claires. On peut faire quelque chose de très important en instaurant un réseau national de garde d'enfants universel financé par le secteur public. C'est là une mesure cruciale que l'on peut prendre et qui aiderait les femmes de deux manières.
Tout d'abord, les femmes pourraient avoir accès à des services de garde d'enfants sans obstacles financiers et n'auraient ainsi pas de choix à faire. Les femmes pourraient accéder à ces services sans obstacles financiers, quel que soit leur revenu.
En outre, cela aiderait les femmes œuvrant dans le secteur de la garde d'enfants à obtenir de meilleurs salaires. Ces travailleuses ont un statut très précaire et sont sous-payées à l'heure actuelle. L'instauration d'un réseau national de garde d'enfants universel financé par le secteur public serait d'un grand secours. Un organisme canadien appelé Un Enfant, Une Place a un plan clair à cet égard. Ce plan, qui reçoit l'aval de probablement plus d'une centaine d'organisations de femmes et d'autres organisations de la société civile, précise la manière dont on devrait procéder et s'assurer que les services sont accessibles sans obstacle.
Pour compléter la réponse de ma collègue, je dirais que le rapport insiste beaucoup sur la mise en œuvre d'une simulation microéconomique pour évaluer — si les pays veulent sérieusement atteindre les objectifs de développement durable des Nations unies en matière de santé, d'éducation, d'égalité des sexes et de travail décent — la création d'emplois décents dans le secteur des soins. Que faudrait-il faire pour éliminer tous les déficits qui touchent actuellement la garde d'enfants et les soins de santé? La pandémie a suprêmement mis en lumière les déficits sur les plans du travail social et des soins de longue durée.
Nous nous sommes adonnées à cet exercice et avons constaté qu'en adoptant une approche de haut vol consistant à combler les besoins au chapitre des soins et à créer de bons emplois d'ici 2030 — date à laquelle les pays doivent avoir atteint les objectifs de développement durable — , on créera des millions d'emplois. Nous avons estimé que les investissements dans l'éducation, la santé et les services sociaux se traduiraient par la création de 120 emplois directs et de près de 150 emplois indirects.
Nous avons également des données sur le Canada. Si ce dernier adoptait une telle approche à l'égard de l'économie de soins, il créerait près de quatre millions d'emplois dans ce secteur. Quand nous pensons aux sommes qu'il faudra investir pour créer ces bons emplois dans l'économie de soins, nous savons que ces investissements majeurs pourraient rapporter beaucoup sur le plan fiscal. C'est une bonne nouvelle. Si les pays veulent sérieusement combler les manques au chapitre des soins aux aînés et aux enfants, c'est ce qu'il faut faire: doubler les investissements et atteindre les objectifs de développement durable.
Ma prochaine question concerne la mosaïque culturelle du Canada. Nous savons tous que l'afflux de personnes arrivant des quatre coins du monde enrichit notre pays, comme l'illustre notre comité. Nous comptons parmi nous des femmes très fortes aux antécédents culturels diversifiés.
De quelles manières, le cas échéant...
Je vous remercie, madame la présidente.
Je remercie nos deux témoins d'apporter une contribution importante à l'étude cruciale que nous menons sur le travail non rémunéré.
Ma première question s'adresse à Mme Neapole.
Je vous remercie de votre exposé. Votre organisation insiste depuis très longtemps sur le besoin d'adopter un point de vue intersectionnel par rapport aux défis que les femmes affrontent au Canada. C'est une approche que notre gouvernement a également faite sienne en adoptant la méthodologie ACS+ à l'échelle gouvernementale.
Quand vous adoptez un point de vue intersectionnel en examinant la question du travail non rémunéré des femmes, avez-vous des statistiques pertinentes que vous pourriez nous communiquer? De plus, ces données vous permettent-elles de formuler des recommandations pour indiquer aux gouvernements ce qu'ils peuvent faire exactement pour éliminer des difficultés auxquelles se heurtent les groupes de femmes en situation minoritaire, les femmes racialisées et les femmes autochtones?
Merci pour la question.
Le prisme de l'intersectionnalité est indispensable, parce que, souvent, à cet égard, une partie seulement des femmes trouve du travail salarié. Certaines femmes peuvent s'offrir des soins, mais c'est en profitant d'autres femmes, lesquelles, comme le révèlent les données sur les discriminations croisées, font partie des Canadiennes les plus marginalisées, les femmes les moins rémunérées et dont l'emploi est le plus précaire, souvent noires, racialisées, immigrées.
Voilà pourquoi l'examen doit porter sur toutes les dimensions, pas seulement sur les soins non rémunérés. Il doit englober notre relation avec les soins rémunérés, lesquels reposent sur les épaules de certaines des Canadiennes les plus marginalisées. En fait, des femmes du secteur des soins accomplissent le double ou le triple de la tâche quotidienne. Elles ne peuvent pas s'offrir le luxe de rémunérer un tiers pour accomplir une partie de leur travail non rémunéré. Bon, elles travaillent en première ligne, puis comme préposées personnelles aux bénéficiaires et comme gardiennes d'enfants. Voilà pourquoi, d'après moi, un examen sérieux des soins non rémunérés doit englober l'ensemble de la situation, sous le prisme de l'intersectionnalité, pour vraiment décharger toutes les femmes de ce fardeau.
Oui. Une qui correspond de façon générale à certains des sujets que Mme Addati a soulevés également et que j'appuie sincèrement est celle qui préconise le transfert de fonds fédéraux aux provinces pour la santé pour les garderies. Un réseau de garderies financé par l'État permettrait le relèvement des salaires de certaines des femmes les plus marginalisées de ce secteur. Beaucoup d'entre elles, c'est connu, sont immigrantes et racialisées.
Ensuite, nous devons examiner l'économie des soins et déterminer qui travaille dans ce secteur, où nos investissements sont vraiment nécessaires. Nous ne pouvons continuer de faire reposer cette charge sur ces autres femmes, qui sont parmi les plus marginalisées, les moins rémunérées, alors que nous savons à quel point ce travail est essentiel. Il faut le confier à des soignants et soignantes à long terme, pour soigner des personnes handicapées, dans tout ce secteur, dans la communauté ou par l'entremise de divers établissements.
Nous devons renforcer nos infrastructures de la santé et combler les lacunes dans la prestation des soins, parce que nous savons, comme je l'ai dit, que certaines des femmes les plus marginalisées travaillent dans le secteur des soins, tout en ne pouvant pas se permettre de payer les soins pour les membres de leur famille.
J'aurais souhaité...
Je vous en remercie. Je passe à ma prochaine question.
Comme vous le savez sans doute, notre gouvernement, aujourd'hui, accueille la deuxième journée du sommet sur la réponse et la relance féministes du Canada, qui réunit des experts et des dirigeants des communautés qui ont vécu l'expérience pour examiner l'impact de la crise de COVID-19 sur la vie des Canadiennes. Hier, pendant la Journée internationale des femmes, nous avons également créé un groupe de travail sur les femmes dans l'économie pour conseiller le gouvernement sur un plan d'action féministe intersectionnel qui s'attache aux enjeux de l'égalité des sexes au lendemain de la pandémie actuelle.
Que lui conseilleriez-vous comme sujet sur lequel se focaliser et que lui recommanderiez-vous pour que les femmes, y compris celles de groupes souvent marginalisés, ne soient pas les oubliées de la reprise économique?
Je suis convaincue qu'il ne faut pas oublier que ces lacunes ont précédé la COVID. Si la COVID les a vraiment révélées à la collectivité, peut-être, et qu'elle a fait l'objet d'une espèce de bilan collectif, des lacunes préexistaient, des lacunes vraiment béantes dans les vies de beaucoup de femmes. Je ne crois pas que ça se résume simplement à un retour à la normale, parce que la normale était dysfonctionnelle. Pour beaucoup de femmes, ça ne marchait vraiment pas. Peut-être que dans certaines vies de certains individus, chez diverses femmes, ça donne de bons résultats, mais je crois que nous avons vu, grâce à la COVID, qu'un écart immense préexistait, qui subsiste et que nous devons rétrécir.
Ça signifie, j'en suis convaincue, qu'il faut investir dans les services publics, un moyen avéré d'aider les femmes à vivre dans la dignité à laquelle nous aspirons au Canada. Comme la solidarité fait également partie de l'identité canadienne, nous devons agir en conséquence.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie également les deux témoins très intéressantes qui sont ici ce matin.
Madame Addati et madame Neapole, vos deux organismes font des travaux essentiels d'analyse sur le travail invisible. C'est d'autant plus important que nous sommes aujourd'hui le 9 mars, soit le lendemain de la Journée internationale des droits des femmes. Je crois que, lors de cette journée, on a souligné que la pandémie exacerbait le phénomène du travail invisible et de la charge mentale.
Madame Neapole, vous avez parlé de la situation des femmes, plus particulièrement celle des femmes âgées, qui font du travail invisible. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi les femmes âgées se retrouvent dans une situation financière aussi précaire. Vous aviez commencé à en parler. Elles n'ont peut-être pas fait suffisamment d'économies au cours de leur vie.
J'aimerais que vous nous en disiez un plus à ce sujet. Bien sûr, Mme Addati pourra intervenir si elle a quelque chose à ajouter.
[Traduction]
Merci.
Les femmes âgées sont durement frappées parce qu'elles ont travaillé à temps partiel ou n'ont pas reçu de salaire pendant un bon nombre d'années. Leurs prestations de retraite ne sont pas suffisantes. Même le Régime de pensions du Canada, avec tous ces ajouts comme la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, permet très difficilement d'en vivre. Le sort de la femme âgée qui n'a pas fait partie des actifs rémunérés, qui a prodigué gratuitement ses soins pendant de nombreuses décennies, est bien pire, particulièrement si elle est célibataire.
Inversement, les lacunes dans les soins non rémunérés nous apparaissent. Beaucoup de femmes, en fait, comptent sur leur mère pour prendre soin de leurs enfants, parce qu'elles ne peuvent pas s'offrir une garderie, par exemple. Voyez les conséquences financières, pour les femmes âgées, d'une vie de sous-emplois ou de non-emploi, et le nombre croissant de femmes d'âge actif qui comptent sur les soins non rémunérés donnés par leur mère.
J'espère que ça répond à votre question.
Je peux compléter cette excellente réponse, qui pose vraiment le diagnostic du problème.
Des pays essaient de corriger ce problème, par exemple par des droits acquis aux prestations de retraite pour les années de soins non rémunérés, c'est-à-dire d'en tenir compte dans le calcul des prestations de retraite, pour reconnaître les années en question. Les hommes en profitent également, pour les soins non rémunérés qu'ils ont donnés. Les grands-pères, à la fin de leur vie, peuvent également voir ces années prises en considération, ce qui favorise la participation des hommes à la fourniture de soins non payés.
Il faut également garder à l'esprit l'importance de maintenir les prestations d'un régime de retraite non contributif à un niveau qui assure vraiment la dignité dans la vieillesse. Elles sont vraiment importantes pour reconnaître ceux qui n'ont pas fait partie des actifs rémunérés et qui n'ont pas pu, pour cette raison, contribuer au régime de sécurité sociale ni se payer un régime de retraite contributif. Il est essentiel de retenir l'importance d'un régime qui verse des prestations décentes.
Dans d'autres pays, par exemple, on permet aux régimes de congés parentaux ou à ceux des indemnités de garde d'enfants de reconnaître la contribution des grands-parents. Parfois, il est également possible de transférer les indemnités et les congés aux grands-parents ou à d'autres aidants qui peuvent également être membres de la famille. S'ils donnent des soins, comme ça se fait dans de nombreux pays, leur travail non rémunéré peut être reconnu.
[Français]
Vous avez émis quelques suggestions afin de venir en aide aux aînées et d'améliorer leur situation. Vous parlez toutes les deux d'un régime de pension adéquat. Certains crédits d'impôt mieux adaptés permettraient peut-être de reconnaître ce qu'elles font. En fin de compte, c'est aussi une économie. Vous avez indiqué tout à l'heure ce que cela pourrait représenter au Canada, par rapport au PIB. Il s'agit de l'inclure vraiment et d'en tenir compte. Pourrait-on reconnaître, sur le plan économique, l'importance de ce qu'elles font?
Enfin, il faudrait financer davantage nos systèmes de santé et voir à ce que les transferts se fassent convenablement pour que le Québec et les provinces, qui gèrent leur système de santé, puissent offrir plus de choix aux proches aidantes qui font du travail invisible. Il faut donc mieux financer nos systèmes de santé et reconnaître ce que représente le travail des proches aidantes, en termes économiques, par rapport au PIB. Ces deux initiatives seraient très importantes.
Les deux témoins peuvent s'exprimer à ce sujet.
[Traduction]
[Français]
Oui, tout à fait. Le but de notre étude était de voir comment il serait possible de prendre aussi en compte le soin des personnes âgées et des personnes vivant avec un handicap. Cela fait partie de cette étude.
En fait, le message que nous voulons transmettre est que les soins de longue durée, particulièrement, et les soins de...
Je m'excuse, mais votre temps est écoulé.
[Traduction]
La parole est maintenant à Mme Mathyssen, qui dispose de six minutes.
Merci beaucoup.
Ma première question est à Mme Neapole.
Je vous suis très reconnaissante d'avoir soulevé très clairement la nécessité d'un réseau abordable, entièrement public et universel de garderies. J'y travaille, et les néo-démocrates en parlent depuis très longtemps.
Nous avons notamment entendu que le gouvernement, après 23 années, l'a encore promis et a fourni du financement. Je le reconnais donc.
Mais, dans les organisations que vous avez nommées, par exemple Un Enfant, Une Place et tous les acteurs du secteur, les experts en garderies ont dit que, pour trouver une place offrant un service convenable, il fallait tout de suite 2,5 milliards de dollars, 10 milliards en 5 ans. Il faut une loi nationale sur les garderies, pour assurer partout l'existence de normes nationales, pour créer un réseau universel de garderies dans à peu près toutes les provinces.
Pouvez-vous en dire un peu plus sur les conséquences? Le gouvernement a versé de l'argent, mais pas ces gros montants, et qu'est-ce que ça signifie pour la mise en oeuvre de ce réseau?
La difficulté, d'après moi, c'est la nécessité d'une adhésion pleine et entière. Si nous tenons à un réseau national, universel, financé par l'État, nous devons y adhérer unanimement et y investir. Nous devons jeter les bases solides de ce réseau. Jusqu'ici, le financement s'est fait dans une sorte de confusion et a suivi une démarche axée sur le marché. Faute d'un système solide, universel, financé par l'État, toutes sortes de méthodes de garderie coexistent au Canada.
Si nous y tenons vraiment et si nous savons ce que nous faisons, je pense que nous devons investir dans ce réseau, en le considérant comme non seulement un investissement dans les femmes et les droits des femmes, mais, également, dans nos enfants. Tous les enfants devraient pouvoir aller dans une garderie de qualité. Je dirais qu'un réseau financé par l'État rendrait non seulement la chose abordable mais gratuite, parce que c'est financé par l'État.
Je dirais que nous devons tous vraiment nous impliquer.
Êtes-vous en train de dire qu'un effort partiel nous condamne à rester dans l'ornière actuelle, qui ne correspond pas aux véritables besoins des femmes?
Oui. Si le sous-financement persiste, ça restera une mosaïque d'établissements axés sur le marché. Peut-être y aura-t-il davantage de soins subventionnés; plus de places pourraient être libérées. Mais ce ne sera pas le réseau national que nous souhaitions.
Merci beaucoup.
Madame Addati, depuis 10 ans, l'Organisation internationale du travail a, dans ses livres, la convention no 189 sur les domestiques. Le Canada n'a pas encore ratifié cette convention qui vise le travail non rémunéré et les réalités que vous avez si bien portés à notre attention, aujourd'hui.
Pouvez-vous parler des gouvernements qui l'on ratifiée, des avantages que les femmes en ont tirés, et expliquer pourquoi le Canada ne l'a pas ratifié ou devrait le faire?
Dans l'une des dernières publications faisant la promotion de la Journée internationale des femmes, nous lisons par exemple que, parmi les pays du G7, l'Italie et l'Allemagne, entre autres, l'ont ratifiée en 2013. Environ 35 pays l'ont ratifiée, de différentes régions, y compris des pays à revenu faible à intermédiaire. Les avantages sont multiples. Nous avons observé que la non-reconnaissance légale, par certains pays, des domestiques comme travailleurs résulte vraiment de la non-reconnaissance du travail de prestation de soins non rémunérés, considéré comme féminin et comme réservé par nature aux femmes. C'est un signe de notre mépris pour les soignants, y compris les domestiques. Ça évoque également toutes les questions d'intersectionnalité et de migration.
La convention vise vraiment à valoriser ces travailleurs, à leur conférer les mêmes droits que les autres travailleurs et à les traiter comme eux. Elle reconnaît que leur travail mérite les mêmes droits en matière de travail et de protection sociale. Cela va de pair avec la reconnaissance de la valeur du travail de soins et la garantie de la protection des travailleurs les plus vulnérables du secteur des soins. De même, comme le métier de domestique est à prédominance féminine, nous reconnaissons que nous procurons un travail décent à une immense majorité de femmes vulnérables.
Les avantages sont nombreux. Il incombe vraiment aux pays de relever le défi sans plus tarder.
Merci. Votre temps est écoulé.
Nous commençons maintenant le deuxième tour.
Madame Shin, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup, mesdames, de nous informer sur ce sujet très important.
J'entends sans cesse, même dans la dernière déclaration, le refus d'accorder de la dignité à ces rôles de soin et de travail domestique. Ça donne lieu à des conséquences, dont l'une est particulièrement éloquente, quand, dans certaines cultures, on préfère confier à un membre de la famille le soin des enfants ou des vieux de la famille, habituellement à des femmes, comme une sœur, une mère ou une grand-mère.
Nous savons que, actuellement, les personnes âgées vivent plus longtemps. C'est un fait socioéconomique. Elles travaillent également plus longtemps. Dans la pratique, une tante, par exemple, au chômage à un certain moment, comble le manque et donne des soins ou une grand-mère qui pourrait travailler le fait, par amour de sa famille.
Existe-t-il une façon par laquelle les membres d'une famille qui donnent des soins pourraient être reconnus équitablement et seraient rémunérés d'une façon créative? Quelles sont certaines des façons par lesquelles on pourrait convenablement rémunérer ces rôles et les reconnaître pour ne pas reporter le cycle de tâches des femmes dans la famille sur un autre membre de la famille? Avez-vous des idées sur la façon de s'y prendre?
Ma question s'adresse à vous toutes.
J'allais dire que Mme Addati a effleuré le sujet et qu'elle pourrait peut-être en dire davantage sur les pratiques qui ont cours dans d'autres pays, mais je pense que les droits acquis aux prestations de retraite sont importants. Nous devrions valoriser ces tâches comme du travail.
Il se passe deux choses là-dedans. Nous devons cependant nous assurer que des options sont financées par l'État. Parfois, il est difficile de savoir si ces options sont exercées parce qu'on n'a pas le choix... Bien sûr, nous aimons nos enfants. J'aime mon fils. Mais, faute de choix, il est difficile de savoir si la conduite est dictée par l'absence de choix ou par le souci du mieux-être des enfants et petits-enfants, des nièces et neveux.
Peut-être que Mme Addati pourrait en dire davantage sur certains droits acquis aux prestations de retraite ou sur les différentes façons de valoriser ce travail, qui se sont révélées efficaces.
Nous en avons des exemples dans un certain nombre de pays européens, et nous l'avons indiqué dans le rapport. Je pense que c'est important pour les membres de la famille et pour les grands-parents.
J'ai également parlé de la transférabilité des congés et des prestations pour garde d'enfants. C'est une possibilité. Je tiens à insister sur le point soulevé par Mme Neapole au sujet du choix. Nous connaissons, par exemple, grâce à une étude menée en Italie, les conséquences de l'augmentation de l'âge minimum d'admissibilité aux prestations de retraite, qui est soudainement passé à 67 ans là-bas. Plusieurs parents ne pouvaient donc plus confier leurs enfants à ces adultes, car ils devaient travailler. Il fallait en quelque sorte trouver un compromis entre la perte d'années de cotisation pour atteindre le nouvel âge de la retraite et la prestation des soins dont leurs filles et leurs fils avaient besoin. Les familles ont donc dû faire face à ce choix inacceptable. Nous devons insister sur l'importance d'offrir aux familles le choix entre des systèmes de garde d'enfants publics de bonne qualité et permettre aux parents et aux grands-parents de s'occuper des enfants. Comment pouvons-nous y parvenir et combien cela va-t-il coûter?
Il y a aussi la question de fournir quelques heures par semaine. Cette solution peut rendre la tâche difficile aux parents âgés en raison de la responsabilité et de la charge mentale qui incombent au principal fournisseur de soins à l'enfant. Nous avons entendu parler de cela. Cette solution n'est pas toujours possible, et nous devons donc en tenir compte.
Je vous remercie. Je vous suis reconnaissante de vos réponses.
Dans le même ordre d'idées, comment pourrait-on améliorer, sur le plan culturel, le manque de dignité dont souffrent ces types de rôles?
Bonjour. J'aimerais remercier les témoins de comparaître aujourd'hui.
J'aimerais adresser ma première question à Mme Addati.
Vous avez parlé des objectifs en matière de développement durable. J'ai trouvé cela intéressant, mais par manque de temps, vous n'avez pas pu terminer votre exposé. Pourriez-vous nous expliquer comment nous pouvons les intégrer au mieux dans notre propre système, afin d'optimiser l'atteinte de ces objectifs et, en même temps, l'atteinte de l'objectif visant à garantir l'égalité en matière de rémunération pour les femmes?
Je vous remercie.
Dans le cadre de notre simulation, nous avons examiné les objectifs fixés par la communauté internationale non seulement pour les pays à faible revenu, mais aussi pour ceux à revenu élevé, qui doivent être atteints d'ici 2030 en matière de couverture des services de soins de santé, du nombre d'enseignants dans le domaine de l'éducation de la petite enfance et de la qualité des emplois.
Vous trouverez un nombre dans notre recherche, sous la rubrique « méthodologie ». Nous tentons d'intégrer cet objectif et de déterminer les besoins existants en matière de soins en fonction de la projection démographique de la population, mais aussi de déterminer le nombre de médecins nécessaires pour atteindre ces objectifs de développement durable, le ratio enseignants-élèves dans les écoles et les services de garde d'enfants et le versement d'un salaire adéquat selon le niveau de qualification des travailleurs de la santé, des préposés, des préposés aux services de garde d'enfants, des préposés aux services de soutien à la personne et des préposés à l'aide à la vie autonome.
Ce sont tous ces éléments liés aux besoins en matière de soins que tous les pays, y compris les pays à revenu élevé, ont la responsabilité de fournir si nous prenons vraiment cette question au sérieux. En outre, si nous voulons éviter que la crise liée à la COVID-19, qui a généré ce que nous avons observé ce mois-ci, ne se reproduise, nous devons vraiment nous engager à fond à l'égard des objectifs de développement durable.
C'était justement ma prochaine question.
Pourriez-vous nous dire comment d'autres pays et nous-mêmes, ici au Canada — parce que nous devons aussi tenir compte de notre propre réalité canadienne —, pouvons éviter que les femmes forment le groupe le plus défavorisé et le plus vulnérable si, Dieu nous en préserve, il y avait une autre pandémie ou une autre crise comme celle-ci? Comment pouvons-nous veiller à ce que les femmes âgées, les femmes de la communauté LGBTQ et les femmes racialisées, par exemple, ne deviennent pas aussi désavantagées qu'elles le sont dans la pandémie actuelle? Comment pouvons-nous les protéger à l'avenir?
Oui, je pense qu'on a mentionné le groupe de travail. Il serait important qu'un tel groupe soit créé pour la pandémie de COVID-19. Il est important de donner la priorité à la représentation des femmes et de tous les groupes qui sont directement concernés par la planification de la reprise et de la résilience après la crise.
Une étude récente de l'ONU a révélé que la représentation des femmes au sein du Groupe de travail sur la COVID-19 était marginale. Cela montre l'importance d'intégrer le secteur des soins dans le processus décisionnel. Si nous voulons que cette population soit prise en compte, il faut qu'elle soit au cœur des grandes décisions sur la manière de dépenser les fonds des programmes de relance économique et sur la manière de bâtir un avenir qui tient compte des intérêts et des besoins de cette population. Cela commence par entendre l'avis de ces personnes lorsque de grandes décisions sont prises.
Nous devons veiller à ce que l'austérité ne soit pas imposée une fois la pandémie résolue, car nous retournerions à la souffrance, aux pertes d'emploi et à la détérioration des conditions de travail que nous avons connues ces dernières années.
[Français]
Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
Lors de ma dernière intervention, Mme Addati a été interrompue alors qu'elle allait parler de l'étude sur les soins de longue durée, alors je la laisserais poursuivre. Sinon, j'aimerais revenir sur la convention no 189 en tant qu'outil pour reconnaître le travail invisible. Peut-être que les deux témoins pourraient s'exprimer sur l'importance de reconnaître le travail invisible au Canada.
Par exemple, en 2010, une motion avait été déposée par une députée du Bloc québécois au sujet d'une journée de reconnaissance du travail invisible.
Comment ce genre d'outil de reconnaissance pourrait-il améliorer la situation de ceux qui font du travail invisible et qui subissent la charge mentale qui y est associée?
On peut trouver des façons très créatives de reconnaître le travail invisible. Dans ce rapport, nous avons tenté d'incorporer la valeur du travail non rémunéré dans le calcul du PIB. Cela peut être un exercice un peu mécanique, mais je crois qu'on peut le faire sérieusement. Il y a beaucoup de pays, notamment en Amérique latine, qui ont essayé de le faire. Cela pourrait donc être fait sérieusement et systématiquement.
Maintenant, on parle de l'économie verte et des façons d'y parvenir. Je pense que le public féministe doit rester aux aguets, parce qu'il y a beaucoup de discussions créatives qui auront une incidence sur le futur, et c'est là qu'on doit soulever l'économie des soins.
C'est donc un bon moment pour lancer des idées quant à l'économie des soins.
Par exemple, il faudrait tenir compte davantage du vieillissement de la population lorsqu'on fait des investissements et des transferts en santé. Il faudrait peut-être reconnaître qu'à certains endroits, la population vieillit plus rapidement, et en tenir compte pour soutenir les proches aidants qui vont forcément faire du travail invisible auprès d'aînés ou de gens malades.
Oui, absolument. Certains pays, comme l'Allemagne et le Japon, ont reconnu, dans leur système de sécurité sociale, le droit aux soins de longue durée. Cela est considéré comme un droit universel, au même titre que le droit à des services de garde à l'enfance, par exemple. Il peut y avoir aussi une reconnaissance du droit universel à des soins de qualité pour les personnes âgées. Une fois qu'on aura codifié ces droits, on pourra orienter aussi le système de sécurité sociale vers des congés de longue durée, et ainsi de suite.
Je vous remercie.
[Traduction]
La parole est maintenant à Mme Mathyssen. Elle a deux minutes et demie.
On a annoncé, hier, la création du Groupe de travail sur les femmes dans l’économie, mais ce que j'entends continuellement — et je l'entends aujourd'hui chez nos témoins —, c'est que nous connaissons déjà les réponses et nous savons ce qu'il faut faire. Vos recommandations ont été présentées.
Que pensez-vous qu'une autre étude ou un autre groupe de travail, plutôt que des mesures raisonnables que nous savons déjà être en place, permettrait d'accomplir? Cette question s'adresse aux deux témoins.
Je suis d'accord. Les organisations de femmes, en particulier, se penchent sur ces enjeux depuis des décennies. Nous avons les réponses. Nous savons ce qu'il faut faire. Les organisations de femmes travaillent avec toutes sortes de femmes issues de tous les milieux. Nombre d'entre nous sont soutenues par nos membres, et les organisations de femmes apportent donc leur crédibilité et la force de leur analyse collective aux conversations sur la reprise économique.
Il est bon de proposer des mesures concrètes et de les réunir dans une approche holistique… Il y a des groupes qui, par exemple, travaillent sur les services de garde d'enfants, et d'autres qui travaillent sur les femmes et le droit. Je pense que nous devons rassembler toutes ces initiatives et prendre des mesures concrètes. Je conviens qu'il arrive un moment où l'étude des mêmes questions pendant des décennies peut retarder la prise de mesures, et cela m'inquiète. Je crains que des mesures d'austérité soient mises en œuvre lorsque la pandémie de COVID-19 sera terminée, et qu'aucune autre mesure ne soit prise, ce qui signifie que nous reviendrons à la normale.
Je pense qu'il s'agit de trouver le juste milieu et de veiller à ce que les bonnes personnes soient présentes à la table des négociations. Les organisations de femmes doivent être représentées dans ces négociations en raison des connaissances et de l'expertise collective qu'elles apportent. En résumé, il faut agir et le faire de manière adéquate.
J'aimerais aussi mentionner l'importante contribution du monde du travail et des partenaires sociaux, comme l'Organisation internationale du Travail. J'ai travaillé activement avec le Congrès du travail du Canada, mais aussi avec des organisations patronales canadiennes. Le mouvement ouvrier fait pression pour la mise en œuvre de services de garde d'enfants universels et lutte contre la violence fondée sur le sexe en milieu de travail et l'écart de rémunération entre les sexes. Je pense qu'il est très important de réunir tous ces mouvements et d'utiliser cette pandémie comme…
Encore une fois, je suis désolée, mais le temps est écoulé. C'est la partie difficile de mon travail de présidente.
Je pense que nous avons assez de temps pour deux interventions de quatre minutes.
La parole est à Mme Wong. Elle a quatre minutes.
je vous remercie, madame la présidente.
Encore une fois, j'aimerais remercier les deux témoins de nous avoir aidées à mieux comprendre de nombreux enjeux très importants. Ma question concerne le rôle des propriétaires d'entreprises ou des employeurs.
Nous parlons maintenant de la reprise économique. C'est probablement l'élément le plus important, car nous souhaitons tous retourner au travail, et pas nécessairement faire du télétravail. Il pourrait s'agir d'une option maintenant, étant donné que cela pourrait devenir la norme.
Il y a quelques années, lorsque j'ai visité l'Angleterre à titre de ministre responsable des Aînés, j'ai parlé aux membres d'un groupe appelé Association for Carers, un groupe qui s'occupe des aidants. Ils avaient réussi à parler à des employeurs. J'aimerais que vous me parliez toutes les deux de la situation internationale, c'est-à-dire de ce que font d'autres pays pour soutenir les fournisseurs de soins non rémunérés qui ont besoin d'un bon conseiller sur leur propre lieu de travail pour les soutenir. Très souvent, leurs propres collègues se plaignent et leur demandent pourquoi ils prennent un autre congé, car ils doivent compenser leur absence au travail.
J'aimerais vous entendre toutes les deux, en particulier notre amie de l'Organisation internationale du Travail.
Je vous remercie beaucoup.
Il y a de plus en plus d'arguments économiques en faveur de l'adoption de politiques en matière de soins. Nous les avons recensés dans le cadre de nos recherches pour le travail que nous effectuons pour l'Organisation des Nations unies. Ce n'est pas seulement une question de droits, car c'est aussi avantageux pour les entreprises pour un certain nombre de raisons, par exemple pour préserver et retenir les talents, maintenir le moral, améliorer l'image de l'entreprise, etc.
Nous avons également fait valoir qu'il est important que les entreprises, qui sont conscientes de ces avantages, jouent aussi un rôle dans la mise en œuvre de systèmes de sécurité sociale qui intégreront les besoins en matière de soins dans le cadre d'une réponse collective à ces questions. Nous avons des exemples de pays européens où les employeurs et les travailleurs ont aussi collaboré avec l'État, offrant ainsi une contribution tripartite aux services, aux congés, aux soins des enfants et aux services de soins de longue durée fournis par les systèmes de sécurité sociale. C'est également un autre moyen de s'assurer que ces services et ces dispositions en matière de congés sont également calibrés en fonction de la capacité de paiement des travailleurs. Cela dépend des salaires, et les travailleurs au revenu élevé peuvent peut-être contribuer davantage que ceux qui ont un faible revenu et pour qui le service est gratuit, mais il s'agit simplement du même service qui est fourni par le système de sécurité sociale. C'est donc une autre voie à suivre, et les employeurs peuvent également jouer un rôle dans la grande réponse collective.
Je vous remercie beaucoup.
Ma prochaine question est liée à cet enjeu.
Nous parlons beaucoup des femmes à faible revenu qui sont réellement marginalisées, mais il y a aussi des femmes à revenu moyen ou élevé, des professionnelles, qui font aussi du travail de prestation de soins non rémunéré pour leurs grands-parents ou leurs enfants, parce qu'elles se soucient d'eux et qu'elles veulent le faire.
La technologie serait un autre moyen de les aider. D'autres pays utilisent-ils la technologie pour aider ces femmes?
Nous avons quelques exemples. En fait, nous avons documenté le cas du Canada et de Télésoins, car c'est une bonne pratique. Nous croyons donc que la technologie peut aider à réduire la lourdeur du travail de soins, mais le côté humain restera toujours prédominant dans ce type de travail.
Je vous remercie, madame la présidente.
Je tiens aussi à remercier les deux témoins de comparaître aujourd'hui et de nous offrir cette excellente discussion.
Je vais vous poser deux questions rapides. Vous n'aurez qu'environ deux minutes pour y répondre, mais n'oubliez pas que, pour toutes les questions posées par mes collègues, vous pouvez envoyer des réponses écrites à la greffière.
Je viens d'une région très rurale du Canada. Mes collègues m'entendent le dire tout le temps. Ma circonscription est plus grande que la Suisse, et elle compte 200 belles petites collectivités. Pouvez-vous nous parler de certaines des différences dans les expériences de travail non rémunéré dans les collectivités rurales et éloignées, ainsi que de la réalité des services de garde d'enfants dans ces collectivités?
De nombreux groupes nous ont souvent dit que le Canada devrait envisager une forme de revenu de base garanti. Quelles sont vos recommandations sur l'administration d'un tel programme? Bon nombre de nos personnes les plus vulnérables n'ont pas de logement permanent ou n'ont pas de carte d'identité du gouvernement. J'aimerais beaucoup connaître votre avis à ce sujet.
Comme je l'ai dit, vous avez environ deux minutes pour répondre, mais n'hésitez pas à nous envoyer des réponses par écrit.
Je vous remercie encore une fois.
Oui, je pense qu'il existe certainement des différences importantes entre les régions urbaines et les régions rurales. Dans certains cas, je pense que c'est plus difficile dans les régions rurales, et ce, pour différentes raisons. Par exemple, il y a un manque de services dans de nombreuses régions rurales, ainsi qu'un manque d'infrastructures sociales, et si ces structures sociales existent, les femmes ont de la difficulté à y avoir accès.
Il y a aussi des problèmes liés au transport et à la mobilité dans les régions rurales, surtout lorsqu'on ajoute le revenu. Il est donc très difficile de se déplacer dans les régions rurales en l'absence de transport en commun, par exemple. Même l'accès aux services devient un défi plus important.
Je pense donc qu'il faut se pencher sur ces questions.
Il y a aussi des problèmes liés à l'emploi dans un grand nombre de collectivités rurales et éloignées. Je pense que la superposition de toutes ces choses rend l'expérience différente.
Cela dit, je pense que les femmes des régions rurales et urbaines font face aux mêmes défis en ce qui concerne l'accès aux services de garde d'enfants et aux soutiens nécessaires à leur vie. Mais je pense aussi que leurs situations sont différentes et qu'elles peuvent avoir besoin d'investissements différents. Tout cela fait néanmoins partie du même problème. Même la logistique peut être plus difficile lorsqu'il s'agit de prendre soin des personnes âgées dans des régions rurales ou éloignées en raison du manque d'infrastructures.
Madame Addati, vous avez quelques minutes pour répondre à la question.
Mesdames, n'hésitez pas à nous envoyer des réponses par écrit.
Oui, nous le ferons certainement.
Je vais parler de la question du revenu de base garanti. L'Organisation internationale du Travail a toujours soutenu que le système de protection sociale devrait fournir ce minimum à tous les résidents du pays. La mise en œuvre d'un système de prestations, à la suite de cette discussion tripartite à laquelle participent toutes les parties, s'appuierait sur les besoins sociaux et les urgences sociales.
J'aimerais également mentionner qu'en ce qui concerne les soins, nous croyons qu'il faut combiner les fonds, les services et le temps. En ce qui concerne la création d'emplois, il est important d'investir dans des services publics de qualité, mais aussi dans l'infrastructure sociale. Nous avons entendu à quel point c'est important, notamment pour les régions rurales. La composition d'un programme de relance se fonderait donc sur les fonds, les services et le temps.
J'aimerais remercier les témoins qui ont comparu aujourd'hui.
Vous avez été formidables, et vous avez livré des témoignages très intéressants. Nous vous remercions d'avoir participé à notre réunion, et comme l'a dit Mme Hutchings, si vous souhaitez envoyer des commentaires à la greffière, nous serons très heureuses de recevoir ces renseignements supplémentaires.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication