FEWO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
Comité permanent de la condition féminine
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 17 juin 2021
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bienvenue à la 43e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
Je déclare la séance ouverte. La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, et les délibérations du Comité seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes.
Nous entamons aujourd'hui notre étude visant à éliminer les crimes haineux et la violence envers les femmes et les groupes marginalisés.
Mesdames et messieurs les témoins, lorsque vous êtes prêts à prendre la parole, il suffit de cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Veuillez vous adresser à la présidence. Si vous souhaitez modifier le canal d'interprétation, au bas de votre écran se trouve un bouton permettant de sélectionner l'anglais, le français ou le parquet. Lorsque vous parlez, veuillez le faire lentement et clairement dans l'intérêt de nos interprètes. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre microphone doit être en sourdine.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à tous nos témoins.
Nous recevons aujourd'hui la défenseure des droits de la personne Amira Elghawaby. Nous accueillons également les représentants de Jama'at Musulmane Ahmadiyya Canada: Saadia Mahdi, vice-présidente régionale; Asif Khan, directeur national des Relations publiques; et Safwan Choudhry, directeur des Relations avec les médias. Enfin, nous écouterons Nuzhat Jafri, directrice exécutive du Conseil canadien des femmes musulmanes.
Chaque témoin aura cinq minutes pour son exposé, après quoi nous passerons aux questions.
Nous allons écouter Mme Elghawaby, qui a la parole cinq minutes.
Madame la présidente, je vous remercie d'avoir organisé la réunion d'aujourd'hui.
Je salue les éminents parlementaires et membres du personnel. Je vous remercie infiniment de m'avoir invitée aujourd'hui à présenter un exposé au Comité permanent de la condition féminine.
Je suis ici à titre personnel, en tant que défenseure des droits de la personne qui « porte de nombreux hidjabs », comme je me plais à le dire. Je suis membre fondatrice du Canadian Anti-Hate Network, un organisme qui surveille la haine au Canada, et membre du conseil d'administration du Silk Road Institute, un organisme qui favorise la compréhension interculturelle et interconfessionnelle.
Je fais également partie du mouvement syndical canadien, plus précisément du Congrès du travail du Canada, au sein duquel nous avons publié en 2019 un rapport sans précédent qui s'intitule L'islamophobie au travail. C'est d'ailleurs ainsi que je commencerai mon exposé: je parlerai des façons dont les femmes et les filles musulmanes sont particulièrement vulnérables aux crimes haineux puisqu'elles sont des femmes musulmanes.
Les femmes musulmanes sont vulnérables à la violence et à l'intimidation motivées par les préjugés en raison de différents facteurs, à savoir le sexe, la racialisation et la religion. De nombreuses femmes musulmanes au Canada et dans le monde choisissent pour diverses raisons de porter un couvre-chef, comme le hidjab que j'arbore aujourd'hui, ou encore le niqab ou la burka. Nous savons qu'au fil des ans, et malheureusement aujourd'hui encore, le hidjab et le niqab ont fait l'objet de vigoureux débats et de reportages dans les médias canadiens. Ils sont souvent politisés de manière assez négative. En fait, en ce moment, le projet de loi 21 au Québec empêche les femmes de porter un hidjab si elles choisissent d'exercer diverses professions, y compris l'enseignement, le droit et le maintien de l'ordre.
Comme l'indique le rapport du Congrès du travail du Canada sur l'islamophobie, l'interaction entre le sexe, la religion, la race et la culture est particulièrement marquée dans le cas des musulmanes qui se voilent. Leur visibilité accroît le risque qu'elles courent et les rend plus susceptibles de faire l'objet d'une islamophobie fondée sur le sexe parce qu'elles sont des cibles facilement identifiables pour les personnes motivées par la haine envers les musulmans et les auteurs de violence fondée sur le sexe.
Bien sûr, nous ne connaissons pas la raison exacte du crime ni les preuves que la police a trouvées dans l'horrible attaque perpétrée récemment à Londres contre la famille Afzaal. Quoi qu'il en soit, nous savons qu'elle était motivée par la haine envers les musulmans et qu'il est fort probable que leur tenue religieuse soit la raison pour laquelle les victimes ont été tragiquement ciblées. Nos pensées les plus profondes accompagnent leurs proches et ceux qu'ils ont laissés derrière eux, y compris le petit Fayez.
Une étude qualitative a été réalisée en 2018 par Sidrah Ahmad, chercheuse à l'Université de Toronto, et s'intitule Invisible Violence Against Hypervisible Women. L'auteure y révèle un taux très élevé de violence sexiste non signalée à l'encontre des femmes musulmanes dans la région du Grand Toronto. Ce rapport qualitatif étaye les expériences islamophobes quotidiennes et leur incidence sur les femmes musulmanes. Les femmes musulmanes qui ont participé à l'étude ont déclaré se faire cracher dessus, apostropher et injurier, en plus de subir des agressions physiques et sexuelles. Sur les 40 incidents à caractère islamophobes faisant l'objet de l'étude, seuls trois ont été signalés à la police.
Si vous me le permettez, j'aimerais maintenant raconter mes propres expériences aux membres du Comité. Plusieurs incidents survenus au cours de ma vie parce que je portais le hidjab au Canada m'ont vraiment fait comprendre à quel point il peut parfois être difficile de porter des vêtements musulmans visibles. Dans mon propre quartier d'Orléans, ici à Ottawa, j'ai moi aussi failli être renversée par un camion qui faisait délibérément et très dangereusement une embardée dans ma direction tandis que le conducteur me criait des obscénités. J'ai à plusieurs reprises été la cible de harcèlement et d'injures. Je maintiens que la grande majorité des Canadiens sont des gens aimants qui prônent vraiment la dignité pour tous, mais ces flots de haine déferlent malheureusement au sein de notre société. Ces tendances sont bien sûr au cœur de mon intervention d'aujourd'hui, et j'espère qu'elles inspireront certaines des solutions que vous allez envisager.
Statistique Canada a publié en 2018 un communiqué sur les crimes haineux qui sont déclarés à la police. Lorsque tous les types de crimes haineux sont réunis, près du tiers, soit 32 % des victimes des crimes qui ont été signalés à la police entre 2010 et 2018 étaient des femmes. Or, les incidents violents ciblant les populations musulmanes et autochtones étaient plus susceptibles de toucher des femmes. Parmi toutes les victimes de crimes violents visant la population musulmane qui ont été signalés à la police, 45 % étaient des femmes ou des filles. La proportion est la même chez les populations autochtones.
Statistique Canada a précisé que la proportion relativement élevée de femmes musulmanes et autochtones victimes de crimes haineux pourrait être attribuable à des facteurs précis. Autrement dit, le port du voile par les femmes musulmanes fait en sorte que leur identité religieuse est plus visible que celle des hommes musulmans.
Malheureusement, nous avons également vu des politiciens, des athlètes et des célébrités visiblement musulmans être la cible d'une haine tenace pleine de vitriol et être quotidiennement menacés de violence, de viol ou de meurtre. Nombre d'entre eux sont contraints d'abandonner leur carrière pour assurer leur sécurité. Nous en avons malheureusement de nombreux exemples dans le Parlement actuel. Comme beaucoup le savent peut-être, la députée Iqra Khalid a reçu d'horribles menaces lorsqu'elle a déposé le projet de loi M‑103, et nous savons que la députée Salma Zahid, qui porte le voile, a également été victime de harcèlement. Bien sûr, je ne peux pas parler de ce qu'elle a vécu, mais je sais qu'il n'est pas facile de représenter ses électeurs tout en portant des vêtements religieux.
Les crimes haineux sont loin d'être tous signalés, en particulier dans la communauté musulmane, car nombreux sont ceux qui craignent d'être blâmés et humiliés. Il y a bien sûr une méfiance à l'égard des forces de l'ordre, ou des gens de la communauté qui ont l'impression d'être la cible d'une surveillance excessive et de détentions injustes. En fait, selon Statistique Canada, il semble que les deux tiers des crimes haineux ne sont pas signalés.
En outre, nous constatons qu'il y a de sérieux problèmes quand vient le temps de poursuivre les auteurs de crimes haineux. En effet, il semble que la police n'a résolu que 28 % des incidents haineux en 2017, comme le montre une analyse de Statistique Canada. En comparaison, pour toutes les infractions au Code criminel, à l'exception des infractions au code de la route, 40 % ont été résolues par la police la même année. Même lorsque les victimes de crimes haineux finissent par dénoncer à la police, leurs chances de réussite sont 12 % inférieures à celles d'autres types d'infractions.
La haine en ligne est un autre domaine qui, nous le savons, a des répercussions dans la vie réelle. Le phénomène touche de manière démesurée les personnes racialisées, y compris les femmes et les femmes visiblement musulmanes. Les trolls et les personnes haineuses en ligne veulent faire taire les femmes ou leur nuire, et décider lesquelles ont une voix. Il s'agit d'un point important, en particulier pour ceux qui affirment que limiter le contenu en ligne est une affaire de liberté d'expression. Il y a des limites à la liberté d'expression, y compris au discours haineux, surtout lorsque la violence et la haine sont planifiées ou incitées.
De nombreux membres du Comité seront peut-être surpris d'apprendre aujourd'hui qu'un rapport de l'Institute for Strategic Dialogue, au Royaume-Uni, a répertorié plus de 6 600 pages, comptes ou groupes en ligne au Canada qui prônent la suprématie blanche ou la misogynie. Il s'est avéré que par habitant, le Canada est l'un des pays les plus actifs en matière de diffusion d'opinions toxiques.
Grâce au travail du Canadian Anti-Hate Network, nous avons adressé des recommandations au gouvernement sur la meilleure façon de lutter contre la haine en ligne, qui demeure un problème très grave. Nous savons par exemple que le déplateformage fonctionne...
Je vous remercie.
Je pense que M. Choudhry est avec nous. Nous allons procéder à une vérification sonore avec lui, puis nous passerons au groupe suivant.
C'est maintenant au tour des représentants de Jama'at Musulmane Ahmadiyya Canada.
Vous êtes trois. J'ignore qui va commencer, mais peut-être pourrions-nous d'abord écouter Mme Mahdi.
Bonjour et assalam alaikum à mes amis musulmans présents.
Je m'appelle Asif Khan. Je suis le directeur national des relations publiques de Jama'at Musulmane Ahmadiyya Canada. Nous sommes un mouvement pour le renouveau de l'islam. Nous sommes aussi une communauté persécutée dans de nombreux pays musulmans.
Je tiens à remercier les membres du Comité de m'avoir invité à témoigner devant eux aujourd'hui. Toutefois, je serai bref et je partagerai mon temps de parole avec Saadia Mahdi. J'espère que cela vous convient. Mon collègue, Safwan Choudhry, sera lui aussi bref. Je suis certain que l'intervention de Mme Mahdi sera plus utile au Comité que les nôtres.
Avant de céder la parole à M. Choudhry, j'aimerais vous dire que l'islam vise deux objectifs: le premier étant que tous entretiennent une relation avec Dieu, à leur propre façon; le deuxième est que tous doivent être au service de l'humanité et faire preuve de bonté à l'égard de leurs voisins et compatriotes, pour prendre soin les uns des autres. Le gouvernement n'est pas la place pour promouvoir le premier objectif, mais le gouvernement peut promouvoir l'humanité à titre d'élément qui fait de nous des Canadiens.
La devise de notre communauté est la suivante: l'amour pour tous, la haine pour personne. Si tout le monde avait à coeur cette devise et cherchait à rendre service aux autres, il n'y aurait pas de haine: pas de haine envers les personnes appartenant à d'autres religions, à d'autres ethnicités, à d'autres races et surtout à un autre genre.
Je vous remercie de m'avoir écouté.
Je cède la parole à Safwan Choudhry.
Merci, monsieur Khan, et surtout merci au Comité d'avoir organisé cette réunion et de nous donner l'occasion de nous exprimer sur le sujet.
Tout comme mon collègue, je serai moi aussi bref afin de laisser le temps à Mme Mahdi de vous faire part de nos points de vue.
La seule chose que j'aimerais ajouter est la suivante: les mots ont une importance et le leadership n'a jamais été aussi important. Au Royaume-Uni, le premier ministre Boris Johnson a tristement décrit les femmes musulmanes qui portent la burqa comme étant des « boîtes aux lettres » et des « voleuses de banques ». La semaine suivante, il y a eu une augmentation record de 375 % du nombre d'incidents dirigés contre les musulmans. Plus de la moitié de ces incidents au cours des trois semaines suivantes étaient dirigés vers des femmes musulmanes et dans 42 % des incidents qui se sont produits dans la rue, les agresseurs ont fait référence au premier ministre Johnson et à ses mots.
L'ancien président de la France, Nicolas Sarkozy, avait fait valoir que le problème avec l'habit des femmes musulmanes n'était pas d'ordre religieux, mais avait plutôt trait à la liberté et à la dignité des femmes. C'est ce qu'a dit l'ancien président.
Je crois qu'il y a un problème avec l'interprétation, parce que j'ai choisi le canal anglais, mais j'entends le français.
D'accord. Ce n'est pas ce que j'entends sur le canal du parquet, mais nous allons suspendre la séance et vous revenir sous peu.
Pour le bien de la députée, je vais répéter mes dernières phrases.
Je disais que les mots sont importants. À l'heure actuelle, le leadership est crucial. Le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, a décrit les femmes musulmanes qui se couvrent la tête ou portent la burqa comme étant des « boîtes aux lettres » et des « voleuses de banques », et il y a eu une augmentation de 375 % du nombre d'incidents dirigés contre les musulmans au cours des deux semaines suivantes. Dans 42 % des cas, les incidents se sont produits dans la rue et étaient dirigés vers des femmes. Les agresseurs ont fait référence aux mots prononcés par le premier ministre Johnson. J'ai aussi parlé de l'ancien président de la France, Nicolas Sarkozy, qui avait fait valoir que le problème avec l'habit des femmes musulmanes n'était pas d'ordre religieux, mais avait plutôt trait à la liberté et à la dignité des femmes.
C'est très intéressant de voir qu'à l'heure actuelle, alors que chaque pays, chaque ville et chaque État a décidé de rendre le masque obligatoire pour lutter contre le coronavirus, cette déclaration au sujet de la dignité des femmes perd tout son sens.
Nous comptons sur nos leaders. Leur choix de mots est important. Nous sommes reconnaissants envers le premier ministre Justin Trudeau, qui aujourd'hui même a fait une importante déclaration au sujet d'un incident qui s'est produit dans une mosquée d'Edmonton. Nous exhortons tous nos leaders à remettre eux aussi en question les autres leaders du monde et leurs déclarations.
Merci. Je cède la parole à Saadia Mahdi.
Merci, monsieur Choudhry et monsieur Khan.
Assalam alaikum. Que la paix soit avec vous tous.
Je suis très reconnaissante et honorée d'avoir l'occasion de vous parler de mon expérience en tant que musulmane vivant au Canada.
Le Canada a toujours été un modèle de paix et de respect dans le monde, qui fait du multiculturalisme une force. Aujourd'hui, cette image est ébranlée et tous les Canadiens doivent travailler fort pour la préserver.
En 1985, lorsque j'ai déménagé au Canada, je ne comprenais pas vraiment l'importance de ce déménagement. Les membres de ma famille, des musulmans ahmadis, ont fui la persécution religieuse au Pakistan. Bon nombre d'autres familles se sont réfugiées au Canada pour la même raison. Je suis venue avec mon père, Naseem Mahdi, envoyé au Canada à titre d'imam, un missionnaire religieux qui a servi la communauté pendant 25 ans.
L'école a été une expérience agréable pour moi. Tout au long de mon parcours primaire et secondaire, je faisais partie des quelques musulmans de mon école. Je garde de très bons souvenirs de l'école. Mon enfance à Maple, en Ontario, a été très belle et je n'ai jamais été la cible de commentaires islamophobes ou racistes, même si je faisais évidemment partie d'une minorité visible. Aujourd'hui, je suis surprise et triste de constater que la situation a changé et que les belles expériences de mon enfance ne se reproduiront pas, puisque le nombre d'attaques motivées par la haine augmente. Les crimes haineux ont augmenté de façon exponentielle et les musulmans en sont la cible. Quelques décennies ont passé depuis mon enfance et aujourd'hui, mes filles se font traiter de terroristes et reçoivent des insultes racistes à l'école.
La tragédie récente de London, en Ontario, a profondément ébranlé la grande famille musulmane du Canada. Les membres d'une famille ont été tués alors qu'ils se promenaient en soirée, simplement parce qu'ils étaient musulmans. Cet événement a été un signal d'alarme pour nous tous. Nous avons compris qu'il fallait en faire plus pour éduquer les Canadiens, leur faire comprendre nos vraies valeurs et faire tomber les mythes et les idées fausses qui ont mené à la haine des musulmans.
Récemment, nous avons constaté que de plus en plus de gens partageaient fièrement leurs opinions racistes et haineuses en ligne, dans les médias sociaux et en personne. Bon nombre de femmes musulmanes se sont fait intimider et ont été attaquées en raison de leur habillement, parce que le hijab fait de nous une minorité visible. Nos écritures nous disent de porter le hijab à titre de symbole de notre modestie. Il vise à montrer que nous sommes différentes et que notre foi est un élément important de notre identité.
Le projet de loi C‑21 du Québec est un exemple douloureux des dangers de la désinformation des personnes au pouvoir. L'interdiction du port de vêtements ou de symboles religieux n'est pas le reflet d'un État laïc, mais bien d'un État oppressif. La liberté de religion et d'expression est garantie par la Charte et, en adoptant cette loi, le Québec a malheureusement fait la promotion de l'idéologie voulant que si une personne s'habille différemment, elle soit différente. Ces idées fausses doivent être abordées et non validées par ces lois discriminatoires.
Je suis membre de Jama'at Musulmane Ahmadiyya Canada, et notre communauté travaille fort depuis de nombreuses années à promouvoir notre devise: l'amour pour tous, la haine pour personne. Nous travaillons avec la société canadienne pour le bien de tous. Nous tenons des événements pour promouvoir la paix et célébrer la diversité. Nous organisons des collectes de sang, des campagnes de dons et des collectes d'aliments. Nous voulons travailler en collaboration avec notre grande communauté et souligner que notre foi fait de nous de meilleurs citoyens canadiens, et non l'inverse, comme certains le pensent.
Bien que de nombreuses communautés et de nombreux politiciens du Canada fassent un excellent travail — je pense notamment à la motion 103 présentée par la députée Iqra Khalid, visant à condamner l'islamophobie —, il reste encore beaucoup à faire.
De plus, les actes motivés par la haine en raison de la race, de la religion ou de l'ethnicité doivent être punis avec toute la rigueur de la loi. L'assaillant de London, en Ontario, a été accusé de terrorisme; c'est un pas dans la bonne direction, en vue de dissuader les agresseurs éventuels de commettre des gestes aussi terribles.
Le Canada est un exemple en matière de tolérance et de justice, pour le reste du monde. Pour maintenir cette réputation, le pays doit miser sur l'éducation. C'est primordial. Il faut apprendre à connaître les valeurs islamiques. C'est la première étape vers le respect et l'amitié entre Canadiens.
Merci.
Merci.
Nous allons maintenant entendre notre dernier témoin, Mme Jafri. Vous disposez de cinq minutes. Allez‑y.
J'aimerais premièrement vous remercier d'avoir invité le Conseil canadien des femmes musulmanes à témoigner devant vous ce matin, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, madame la greffière et mesdames et messieurs les membres du personnel.
Je m'appelle Nuzhat Jafri. Je suis la directrice exécutive du Conseil canadien des femmes musulmanes, ou CCFM.
Je vous parle aujourd'hui à partir du territoire traditionnel des Anishinabes et des Haudenosaunee. C'est aussi la terre des Pétuns et des Hurons-Wendats, et une terre officielle des Mississaugas de la rivière Credit, puisqu'ils ont été un point de contact ici. Cette terre compte maintenant des Premières Nations, des Inuits et des Métis de tous les horizons.
Le CCFM est un organisme qui se consacre à l'égalité, à l'équité et à l'habilitation des femmes et des filles musulmanes. Il a été fondé à Winnipeg, au Manitoba, en 1982, par la regrettée Lila Fahlman et un groupe de femmes musulmanes déterminées qui souhaitaient canaliser leur passion pour le travail de justice sociale centré sur la foi afin de créer un Canada plus inclusif. Nous comptons aujourd'hui 17 chapitres au Canada. Notre mission est d'affirmer l'identité des femmes musulmanes canadiennes et de promouvoir nos expériences par l'entremise de notre engagement communautaire, des politiques publiques, de la participation des intervenants et de la sensibilisation à l'égard des injustices sociales dont sont victimes les femmes et les filles musulmanes au Canada. Nous nous faisons aussi les défenseures de leurs besoins diversifiés et nous fournissons aux chapitres locaux du CCFM les ressources nécessaires pour maximiser les efforts nationaux et mobiliser les communautés locales afin qu'elles se joignent au mouvement. Nous voyons notre travail selon un angle intersectionnel et nous reconnaissons la diversité de nos identités et de nos expressions. Nous ne sommes qu'une voix parmi tant d'autres.
Le 6 juin 2021, en soirée, Talat Afzaal, son fils Salman, sa belle-fille Madiha, sa petite-fille Yumna et son petit-fils Fayez faisaient une promenade dans leur quartier de London, en Ontario. La vie de quatre membres de cette belle famille a été fauchée subitement. Le garçon de neuf ans, Fayez, a survécu à cette attaque, mais il est toujours à l'hôpital où l'on soigne ses blessures graves. Cette tuerie et cette attaque violente ont été commises par un suprémaciste blanc motivé par la haine des musulmans.
Trois des quatre personnes assassinées étaient des femmes. À la lumière de cette tragédie et des attaques islamophobes croissantes contre les femmes musulmanes, il est temps pour le Comité d'entreprendre une étude sur la violence contre les femmes musulmanes et d'autres femmes ciblées, notamment en se penchant sur le phénomène de la haine en ligne et la cyberintimidation selon un angle intersectionnel.
Étant donné la série d'attaques haineuses contre des musulmanes noires qui portaient le hidjab à Calgary et à Edmonton, le harcèlement et les agressions continues que subissent les musulmanes visibles, le meurtre en tant que résultat ultime de cette haine et de cette violence n'est pas une surprise.
Bien que nous ne sachions pas ce que portaient Talat, Madiha et Yumna, elles étaient dans la mire de l'agresseur. Je connais une famille qui vit à quelques pas d'où l'attaque s'est produite. Les femmes de cette famille qui portent un foulard sur la tête ont peur de quitter leur maison. Cette peur est palpable chez les musulmans canadiens, surtout chez les femmes et les filles, qui sont facilement identifiables par leurs vêtements.
L'islamophobie fondée sur le sexe est bien réelle. Dans le cadre de notre projet d'éducation à la lutte contre le racisme — le projet DARE —, nous avons récemment invité des femmes, des filles, des personnes trans et des personnes non binaires musulmanes à nous faire part de leur expérience avec l'islamophobie. J'aurais plusieurs exemples à vous donner, mais je vais n'en citer que quelques-uns, parce qu'ils ont déjà été cités par mes autres soeurs. Voici ce que ces personnes ont dit:
« J'ai été agressée sexuellement, physiquement et verbalement dans le SkyTrain parce que je portais le hidjab. »
Dans une école secondaire, deux filles musulmanes qui portent le hidjab ont découvert que le casier qu'elles partageaient avait été vandalisé. Lorsqu'elles ont tenté d'ouvrir le cadenas avec leur clé, celle‑ci s'est coincée parce qu'on avait mis de la gomme à l'intérieur. Alors que les filles tentaient de débarrer leur casier, un groupe d'élèves les regardait et riait d'elles.
« Je travaillais dans une librairie de bande dessinée. J'ai été victime de harcèlement verbal de la part de certains clients, qui me traitaient de tête de turban et de terroriste. »
« J'ai été agressée verbalement à maintes reprises et on m'a craché dessus. »
« Lorsque j'étais en maternelle, un enfant m'a demandé si mes parents étaient des kamikazes. »
Ces expériences sont chose commune pour bon nombre de femmes et de filles musulmanes, et elles sont encore plus intenses pour les femmes handicapées, les personnes trans, les personnes non binaires et les femmes et filles musulmanes noires ou autochtones, en raison de leurs désavantages multiples, qui se recoupent au sein de la société canadienne.
Il est également important de reconnaître que 87 % des musulmans sont racialisés et que le racisme fait partie intégrante de leur expérience canadienne.
Au Québec, la situation est encore pire à cause d'une loi injuste où l'islamophobie systémique se pratique au vu et au su de tous et où les Québécoises musulmanes se voient refuser un emploi dans le secteur public parce qu'elles portent un foulard. Cette loi donne la permission de discriminer les femmes musulmanes dans la province, avec peu de chances de recours.
Outre l'islamophobie ouverte, le sexisme et la misogynie sont au cœur de ces abus et de cette violence. Nous devons comprendre le sexisme comme une forme d'oppression sociale qui s'articule avec la race, la religion, la classe sociale et d'autres systèmes de marginalisation. La violence sexiste ne peut être correctement comprise sans aborder les inégalités fondées sur la race, la religion, la classe sociale, les capacités, etc.
Les femmes marginalisées subissent davantage de sexisme que les autres femmes. Par exemple, les femmes noires musulmanes subissent presque six fois plus de discrimination fondée sur le sexe que les femmes musulmanes non noires. Une femme noire musulmane sur trois est victime de discrimination sexuelle, par opposition à moins d'une femme non noire musulmane sur 10. Il est important de souligner les désavantages précis subis par les femmes musulmanes noires canadiennes, car le racisme, le sexisme et l'islamophobie se manifestent de manière différente des autres femmes musulmanes canadiennes.
Les femmes marginalisées subissent davantage de sexisme dans de nombreux endroits que les autres femmes. Par exemple, les femmes noires musulmanes sont proportionnellement plus nombreuses que les autres à déclarer avoir été victimes de discrimination dans les banques, les magasins et les restaurants, lors de contacts avec la police et lors du passage à la frontière canadienne.
Tandis que les attaques islamophobes sont devenues un phénomène quotidien au Canada, l'islamophobie sexiste doit être abordée de manière distincte en raison de sa nature intersectionnelle. Les réponses politiques et législatives doivent prendre en compte les circonstances propres aux femmes canadiennes et les effets de l'islamophobie sexospécifique sur leur vie quotidienne, leurs résultats scolaires, leur réussite sur le marché du travail, leur intégration dans la société et dans tous les secteurs de la société canadienne.
Il n'est pas acceptable qu'une fille musulmane se fasse arracher son hidjab dans son école. Il n'est pas acceptable qu'une femme musulmane soit agressée dans le métro. Il n'est pas acceptable qu'une femme musulmane se voie refuser un emploi parce qu'elle porte un foulard. Il n'est pas acceptable qu'une femme musulmane soit assassinée en raison de sa foi.
Le Canada doit adopter une législation significative pour lutter contre la haine en ligne. Un meilleur signalement des crimes haineux, y compris la collecte de données qui tiennent compte de l'intersectionnalité des femmes, des filles et des personnes trans et non binaires musulmanes canadiennes.
Les terroristes suprématistes blancs doivent être arrêtés dans leur élan. Leurs groupes doivent être dissous et rendus illégaux, et un programme actif de déradicalisation de leurs membres doit être une priorité pour le gouvernement canadien.
L'objectif des terroristes est de terroriser et d'effrayer leurs cibles et de les rendre impuissantes et débilitantes. Au Conseil canadien des femmes musulmanes, nous ne laisserons pas les terroristes atteindre leurs objectifs. Notre engagement en faveur de l'égalité, de l'équité et de l'autonomisation des femmes et des filles musulmanes canadiennes est plus fort que jamais et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que notre détermination soit inébranlable.
Nous encourageons les membres de ce comité à suivre notre projet de campagne numérique d'éducation antiracisme, ou DARE, et à participer à nos ateliers sur la lutte contre l'islamophobie et la cyberhaine. Vous pouvez en apprendre davantage sur le projet et vous inscrire aux ateliers sur notre site Web, daretobeaware.ca. Nous sommes reconnaissants au ministère du Patrimoine canadien pour son soutien financier à ce projet. Incidemment, Amira Elghawaby est en fait l'animatrice de notre atelier sur la lutte contre l'islamophobie.
Merci de votre temps.
Je vous remercie, madame la présidente, de me permettre de m'exprimer sur cette question très importante. Par votre intermédiaire, je remercie tous les témoins.
Bien que nous comprenions tous l'importance de discuter de cette question au sein de notre comité, je m'en voudrais de ne pas reconnaître que cette étude a malheureusement été forcée par la récente attaque contre une famille musulmane à London, en Ontario. La haine, c'est la haine.
Dans la circonscription de Richmond-Centre, nous avons été confrontés à une montée du racisme anti-asiatique qui a pris des proportions démesurées, même à l'échelle nationale. Il n'y a pas de mots pour décrire ce que ma communauté a dû endurer.
À la lumière de ces connaissances, je comprends vraiment la douleur et la souffrance que vit la communauté musulmane au Canada et celle que doit éprouver notre collègue de London—Fanshawe. C'est pour ces raisons que je demande humblement de céder mon temps de parole à Mme Lindsay Mathyssen.
Merci, madame la présidente.
Merci, madame la présidente.
Merci à ma collègue, madame Wong. C'est très aimable.
Oui, ma communauté, ma ville natale de London, a été témoin d'une violence incroyable et d'une douleur incroyable au cours des dernières semaines, mais je sais que toutes les autres communautés du Canada partagent cette expérience. Un grand nombre de mes collègues m'ont dit: « J'ai participé à une marche, à une vigile. » Les gens me tendent la main, et j'ai entendu des gens de tout le pays également, des femmes qui ont peur de traverser la rue. Il est vraiment de notre responsabilité maintenant d'essayer de trouver des moyens d'aborder ce problème de manière adéquate et rapide.
La semaine dernière, j'ai présenté une motion à la Chambre des communes qui a été adoptée à l'unanimité. Elle demande la tenue d'un sommet national sur la lutte contre l'islamophobie cet été. J'aimerais entendre tous les témoins, si vous le permettez, sur certaines des mesures, certaines des actions concrètes, qu'ils souhaitent voir dans le cadre de ce sommet, et nous donner des recommandations sur la façon de faire avancer les choses.
Merci beaucoup, madame la députée Mathyssen, d'avoir soutenu cette motion en faveur d'un sommet sur l'islamophobie. Elle est certainement la bienvenue. Comme l'a mentionné le député Wong, la haine touche de nombreuses communautés, et nous sommes également solidaires de nos Canadiens asiatiques, de nos Canadiens noirs, de nos Canadiens autochtones et de nos Canadiens juifs. Malheureusement, la gamme est longue, et nous savons que de nombreuses communautés sont ciblées.
En ce qui concerne le sommet sur l'islamophobie, j'aimerais dire que les solutions que je proposerais aideraient à lutter contre la haine dans toutes les communautés, afin de s'attaquer essentiellement au poison qui touche de nombreuses communautés. Pour commencer, il y a plusieurs choses.
Je commencerais par dire que pour s'attaquer pleinement à un problème, il faut en connaître toute l'ampleur. À l'heure actuelle, comme je l'ai mentionné dans mon intervention, nous ne connaissons pas toute l'ampleur des crimes et des incidents haineux au Canada. Comme je l'ai mentionné, les deux tiers ne sont pas signalés.
Tous les cinq ans, Statistique Canada publie ce qu'on appelle un volet sur la victimisation dans le cadre de son enquête sociale générale. En fait, la plus récente, celle de 2021, est sortie en mai, et nous n'avons toujours pas les chiffres. Dans cette enquête sur la victimisation, les Canadiens qui ont été victimes d'un crime, quel qu'il soit, se déclarent eux-mêmes. En 2014, nous avons constaté que 5 % de tous les crimes déclarés étaient des crimes haineux. Cela se traduit essentiellement par 300 000 personnes au Canada qui ont déclaré avoir été victimes d'un crime haineux. Une solution pour nous aider à nous attaquer à ce problème serait de publier chaque année cette enquête sur la victimisation pour nous aider à mieux comprendre.
Ensuite, ce que je dirais, c'est que, parallèlement à cette idée de signalement, nous devons supprimer les obstacles au signalement. J'en ai parlé un peu. Il s'agit, par exemple, de permettre le signalement en ligne, la possibilité de signaler la haine en ligne. Nous l'avons vu ici à Ottawa. Le Service de police d'Ottawa a permis la création d'un portail en ligne, et nous pourrions chercher d'autres moyens, ou encore envisager le signalement par des tiers. Nous pourrions soutenir les organisations communautaires, leur fournir l'appui nécessaire pour qu'elles puissent recevoir les signalements de crimes et d'incidents haineux et transmettre cette information aux organismes d'application de la loi locaux, ainsi qu'à nos organismes d'application de la loi nationaux, afin de suivre les groupes de suprémacistes blancs et les groupes haineux dans ce pays et leurs activités.
Il y a beaucoup de choses, mais je dirais que l'une d'entre elles est vraiment de renforcer nos directions de lutte contre le racisme. Il existe une direction fédérale de lutte contre le racisme. Il faut la renforcer pour qu'elle puisse non seulement examiner les obstacles et la discrimination à l'interne, au sein des ministères et entre eux, mais aussi pour qu'elle puisse faire face au public et promouvoir des campagnes nationales contre la haine. De plus, nous devons organiser des sommets qui examinent plus largement la question de la haine, afin de rassembler les communautés et d'examiner les différentes façons dont les gens sont touchés.
Enfin, j'ai encore une remarque à faire. Je suis membre du conseil d'administration du Silk Road Institute, et l'une des choses que nous faisons est d'organiser des programmes d'arts culturels. Nous sommes la seule compagnie de théâtre musulmane en Amérique du Nord. Grâce au soutien du gouvernement, nous sommes en mesure de présenter les arts culturels pour aider à gagner les cœurs et les esprits. Les communautés musulmanes sont souvent mal représentées, tout comme les Asiatiques et les autres communautés minoritaires. Leur représentation est souvent très négative, ce qui contribue à alimenter cette « autorisation » et cette déshumanisation des diverses communautés minoritaires. Il serait également très utile de renforcer le financement des arts culturels et la capacité de rejoindre toutes les communautés.
Merci.
Sur ce que notre sœur vient d'expliquer, j'aimerais réitérer ces points. Elle s'est longuement exprimée de manière éloquente sur le sujet.
En ce qui concerne le sommet national sur l'islamophobie, tout d'abord, nous serions en faveur que les solutions proposées ne s'appliquent pas uniquement à la communauté musulmane mais à toutes les communautés victimes de crimes haineux. Toute expression de haine doit être supprimée.
Une chose que je voudrais mentionner est que le terme « islamophobie » n'aide pas vraiment le sujet. Je sais que ce n'est pas un terme que quiconque ici a créé, et c'est un concept qui a été accepté par à peu près tout le monde, mais le terme « phobie » signifie avoir peur de quelque chose, et là, il s'agit d'avoir peur de l'Islam et d'avoir peur des musulmans. C'est essentiellement une partie du problème. Néanmoins, je sais que c'est un sujet pour une autre fois.
C'est tout ce que je voulais dire pour l'instant. Merci.
Très bien. Voilà qui met fin à votre temps de parole, madame Mathyssen.
Nous allons maintenant entendre Mme Zahid pour six minutes, s'il vous plaît.
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins, mes bons amis, les personnes avec qui j'ai travaillé ces dernières années pour construire un Canada plus inclusif.
Merci, madame Elghawaby, de tout le travail que vous faites pour lutter contre le racisme.
Merci, monsieur Khan, de construire des ponts. Je me suis rendue à de nombreuses reprises à votre organisation où vous avez déployé des efforts pour rassembler les communautés afin de briser ces murs de haine. Je vous suis très reconnaissante de tout le travail que vous faites.
Merci, madame Jafri. Nous étions ensemble récemment pour lancer la section de Scarborough du Conseil canadien des femmes musulmanes. Merci de tout le travail que vous faites pour vous assurer que personne au Canada ne se sente effrayé ou craintif.
Les crimes haineux sont en hausse au Canada, et les dernières semaines ont été très difficiles pour tous les Canadiens, mais particulièrement pour la communauté musulmane. Nous avons vu la perte de quatre vies innocentes dans un acte de terrorisme motivé par la haine: l'islamophobie. Il était très difficile d'être assis là et de voir ces quatre cercueils enveloppés dans le drapeau canadien. Dans les jours qui ont suivi, nous avons vu une femme somalienne portant un hijab être attaquée, la mosquée d'Edmonton vandalisée avec des croix gammées et deux personnes arrêtées à la suite d'une tentative d'effraction à l'Institut islamique de Toronto.
Pour nous tous, cela n'a pas été facile.
Il est clair que ces incidents montrent que l'islamophobie existe ici au Canada. Les actes de haine existent. Que peut faire le gouvernement fédéral pour mieux soutenir les communautés musulmanes et les communautés qui ont été visées par ces actes de haine?
Je peux peut-être commencer par...
Oui, nous pouvons commencer avec M. Choudhry. N'importe qui peut commencer.
On vous écoute, je vous prie.
Merci beaucoup, et merci de vos bonnes paroles.
Lorsque nous réfléchissons à des solutions et à des politiques, il est également utile de voir des exemples d'autres nations et pays qui ont connu des situations semblables et de voir comment ils les ont gérées et quels en sont les résultats.
Alors que le Canada et notre gouvernement réfléchiront à cette question dans les jours et les semaines à venir, j'aimerais vous faire part de l'exemple de la Nouvelle-Zélande, où, en 2019, le chef mondial de la communauté musulmane Ahmadiyya, Sa Sainteté Hazrat Mirza Masroor Ahmad, a fait l'éloge de la réponse de la première ministre de la Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, ainsi que du gouvernement et du public néo-zélandais à l'attaque terroriste qui a visé la mosquée de Christchurch.
Bien que nous sachions tous ce qui s'est passé, je pense que le plus important est la manière excellente et exemplaire dont le gouvernement néo-zélandais, et en particulier la première ministre, a réagi à l'attaque. L'exemple qu'elle a donné, à commencer par elle-même, est vraiment digne d'éloges. Il s'agit d'une réaction de premier ordre. Nous pensons en fait que de nombreux pays, y compris le Canada, peuvent s'en inspirer.
Le public néo-zélandais a également apporté son soutien total. Les stations de radio et les chaînes de télévision ont annoncé qu'elles diffuseraient l'appel musulman à la prière, l'adhan, au moment de la prière du vendredi pour montrer leur solidarité envers les musulmans. En outre, les femmes non musulmanes, y compris les chrétiennes, les juives et les femmes sans confession, ont décidé de porter le foulard en signe de soutien et d'empathie, à commencer par la première ministre.
Ce type d'actions menées par les décideurs politiques néo-zélandais a commencé au sommet et a transcendé toute la société, en partenariat et en collaboration avec les médias d'information. Cela a donné à ce pays l'occasion d'être plus uni que jamais auparavant. Je pense que c'est un exemple dont le Canada peut certainement s'inspirer.
Je vais laisser Mme Nuzhat intervenir avant moi, car elle n'en a pas eu l'occasion la dernière fois.
Je vous remercie de cette question sur ce que le gouvernement canadien peut faire, madame Zahid.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, je pense qu'il est vraiment important d'adopter une loi efficace pour lutter contre la haine en ligne, et de promulguer de meilleures lois qui permettent d'examiner les crimes haineux d'une manière qui n'existe pas actuellement pour les personnes qui portent plainte. Il faut aussi examiner la manière dont les données sur les crimes haineux sont saisies par les différents services de police — en fait, par tous les services de police.
La responsabilité en la matière incombe à différentes instances, mais le gouvernement peut prendre l'initiative et exiger que les données soient saisies d'une manière qui tienne compte de l'intersectionnalité des femmes musulmanes canadiennes et des musulmans en général. Il y aurait beaucoup plus à dire à ce sujet, et je ne veux pas monopoliser le temps de parole des autres, mais j'aime beaucoup l'exemple du gouvernement de la Nouvelle-Zélande.
Les belles paroles, c'est bien. Les manifestations de soutien, c'est bien. Nous avons vu de nombreux politiciens s'avancer et manifester leur soutien, et nous leur savons gré de leurs paroles de réconfort et de leur engagement à agir dans ce domaine, mais s'il vous plaît, agissez. Adoptez les mesures législatives nécessaires. Dissolvez ces groupes haineux. Vous pouvez le faire. Vous avez la capacité de le faire. Ces groupes existent. Ils sont faciles à identifier. Parfois, oui, ils se cachent dans les coins sombres du net, mais beaucoup d'entre eux sont visibles et se font entendre, alors s'il vous plaît, trouvez-les.
Merci.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leurs témoignages et du rendu très personnel qu'ils ont fait.
Je vais poser une question plutôt générale et j'aimerais que tout le monde y réponde, si possible.
Plus tôt, M. Choudhry a mentionné l'exemple de la France et du Royaume‑Uni, ainsi que les commentaires de MM. Sarkozy et Johnson. On n'a pas besoin d'aller très loin. Très récemment, on a vu, au Sud, un président américain souffler sur les braises de l’intolérance et l'on en a constaté les répercussions. Je comprends que c'est l'un des aspects auxquels on doit travailler.
J'aimerais vous entendre sur la situation à plus petite échelle. Corrigez-moi si je me trompe, mais il semble y avoir une différence entre le nombre de crimes haineux dans les grandes villes et celui des plus petites municipalités. Je pense à ce que Mme Mahdi a dit un peu plus tôt. Quand elle était toute petite, elle habitait à Maple et elle n'a pas vécu d'incidents. Maple n'est pas une grande communauté. Il semble que le seuil de tolérance était beaucoup plus élevé dans cette petite communauté. J'aimerais entendre les témoins s'exprimer sur la différence entre les deux milieux. Le contact se fait-il mieux quand les enfants vont à l'école avec des gens issus des communautés? Au bout d'une ou deux générations, constate-t-on une amélioration de la situation?
J'aimerais que vous en parliez de façon générale, s'il vous plaît.
[Traduction]
Merci beaucoup de cette excellente question, madame Normandin.
Il convient d'étudier davantage la façon dont les différentes communautés font face à la haine. Le problème, encore une fois, est lié au signalement.
Nous pouvons raconter nos expériences de façon anecdotique, mais le problème est de saisir ces données. Parce que nous n'avons pas de signalement à un tiers, nous ne recevons pas de rapports de la part d'organisations communautaires ou d'organisations nationales de défense des droits qui recueillent des rapports sur la haine, par exemple. Il nous est donc très difficile de diagnostiquer le problème. Le Comité doit réfléchir aux façons d'obtenir de meilleures données, qui par ailleurs seraient utiles pour un éventuel sommet. Cela nous aidera toujours à comprendre l'ampleur du problème et à trouver une solution.
En ce qui concerne l'éducation, je sais que, par exemple, chaque année, le gouvernement fédéral envoie des ressources étonnantes aux enseignants de tout le pays pour le jour du Souvenir. Ce sont des affiches et des programmes d'études — des moyens merveilleux pour les enseignants de parler du jour du Souvenir. De même, il serait merveilleux de voir le gouvernement fédéral se faire le champion de ce type de ressources éducatives et de mesures de soutien à un programme national de lutte contre le racisme et la haine, dans les écoles primaires et secondaires, et fournir des ressources aux enseignants.
J'ai moi-même animé des centaines d'ateliers dans des écoles. L'une des choses qui me frappent toujours est le manque d'information sur la Charte des droits et libertés, par exemple. Il serait très utile et profitable que le gouvernement canadien veille à ce que nos jeunes disposent de renseignements complets à ce sujet.
Ce qui est triste, c'est que nous voyons des crimes haineux commis par des jeunes. L'accusé à Londres n'a que 20 ans. D'après certaines statistiques sur les crimes haineux au fil des ans, nous avons constaté que, certaines années, des crimes haineux ont été commis et perpétrés contre des communautés religieuses, souvent par des personnes âgées de moins de 18 ans. Il y a quelque chose qui se passe avec les jeunes, avec la radicalisation qui se produit et la haine qu'ils ressentent à l'égard des communautés religieuses minoritaires.
Nous devons absolument réfléchir à l'aspect éducatif. Une démarche nationale de sensibilisation serait un outil très puissant, je crois.
Je suis d'accord avec ce que Mme Elghawaby vient de dire. Bien souvent, c'est aux autres enseignants ou élèves musulmans qu'il incombe d'éduquer leurs classes ou leurs écoles. Nous avons le Mois du patrimoine islamique. Je me suis adressée au conseil scolaire pour poser des affiches et faire des exposés dans nos écoles, et j'ai aidé à diffuser l'information, mais cela ne devrait pas se faire uniquement lorsqu'un bénévole musulman est disponible. Cela devrait se faire dans le cadre du système éducatif.
Il est vrai que cela commence à un très jeune âge. Parce que les médias sociaux sont si peu surveillés, les jeunes enfants lisent des contenus haineux et ce sont eux qui... Comme je l'ai mentionné, mes filles à l'école primaire ont subi des remarques racistes et ont été qualifiées de terroristes.
Je pense qu'avant le 11 septembre — c'est du moins ce que j'ai vécu en grandissant au Canada —, la haine envers les musulmans n'était pas aussi ouvertement exprimée au Canada. C'est l'expérience que j'ai vécue. Après cette date, les médias ont joué un rôle important dans la promotion de faussetés voulant que les musulmans soient des terroristes. C'est alors que les injures ont commencé. C'est à ce moment‑là que les gens ont commencé à penser qu'il était normal de reproduire ce qu'ils entendaient dans les médias.
Je trouve très inspirant de voir des politiciennes et des femmes qui occupent des postes de direction porter le foulard. Nos filles disent alors qu'elles veulent aussi occuper des postes de direction, mais si elles ne sont pas protégées, c'est très décourageant.
[Français]
Votre temps de parole est écoulé, madame Normandin.
[Traduction]
La parole est maintenant à Mme Mathyssen, qui dispose de six minutes.
Merci, madame la présidente.
Beaucoup de témoins ont parlé de mesures législatives concrètes. Au Canada, nous avons en ce moment une stratégie de lutte contre le racisme qui a été mise en place par le gouvernement, mais de nombreuses organisations nationales ont demandé qu'elle soit suivie de mesures législatives concrètes. Bien sûr, les deux éléments dont nous entendons le plus parler sont une loi nationale contre le racisme et une loi sur la haine en ligne.
Peut-être que les témoins pourraient parler de cela en particulier, y compris des échéances, de ce qu'ils aimeraient voir dans cette loi et de son importance.
Je vous remercie beaucoup de ces questions.
Je pourrais peut-être revenir sur l'éducation dont nous parlions tout à l'heure. Il est vraiment important que tout cela commence très tôt.
Je voudrais vous donner un exemple de la façon dont le changement peut se produire. J'ai deux petits-enfants qui font l'école en ligne en ce moment. Dans leur classe, ils reconnaissent le territoire traditionnel sur lequel ils se trouvent. Cela fait partie de leur routine et de leurs exercices initiaux, tout comme célébrer les fêtes ou les occasions religieuses d'autres confessions et les découvrir. Il existe de nombreuses façons de faire cela.
Il y a une autre chose concernant le lieu de l'interaction. Selon l'endroit où l'on se trouve, la proximité de personnes de confessions différentes ne suffit malheureusement pas, car nous avons des collectivités où la population musulmane est très importante. Cependant, les expériences qu'on y vit peuvent être aussi désagréables et malvenues que dans les collectivités rurales. À tous les niveaux, les leaders de la collectivité doivent agir de manière à promouvoir l'inclusion de toutes les communautés.
En ce qui concerne l'idée d'une loi sur la lutte contre le racisme ou autre, je vais revenir sur ce dont je parlais. Nous avons besoin de mesures législatives peut-être très axées sur la violence fondée sur le sexe. Ces mesures législatives et le travail en matière de politiques doivent tenir compte de l'expérience des diverses communautés musulmanes ou des femmes musulmanes. Outre l'aspect du racisme, les aspects intersectionnels du genre et des autres identités doivent être incorporés dans tout texte législatif ou politique que le gouvernement entreprend.
Comme l'a mentionné mon collègue précédemment, les mots ont vraiment de l'importance. La haine a pu remonter à la surface à cause de certaines personnalités politiques, surtout au sud de notre pays et outre-mer, comme on l'a mentionné. Avant cela, on réprimait la haine partout, surtout dans les pays occidentaux, et il nous a fallu des décennies pour faire reculer la haine et tenter de l'éradiquer. Il faudra maintenant de nombreuses autres années pour réprimer cette haine qu'on a autorisée à resurgir.
C'est là que les leaders canadiens, en interpellant le monde sur toutes les formes d'injustice — pas seulement la haine, mais toutes les formes d'injustice —, contribueront à changer les cœurs et les esprits. Cela doit se produire dans le monde entier. Nos dirigeants doivent donner l'exemple. Ils doivent être ceux qui changent les cœurs dans le monde entier. La principale exportation du Canada dans le monde devrait être notre amour pour l'humanité et notre dénonciation des injustices.
Notre communauté, l'Ahmadiyya Muslim Jama'at, va lancer une initiative appelée « l'amour pour tous ». Nous allons vous transmettre certaines de ces idées. Ce n'est pas que l'islamophobie, mais toutes les expressions de haine et d'injustice que nous allons nous efforcer de contribuer à faire taire.
Par ailleurs, notre propre communauté va organiser une conférence afin de mieux formuler des suggestions pour le sommet national à venir, et nous aurons donc des suggestions concrètes à vous transmettre.
Merci beaucoup de cette question, madame Mathyssen.
Je crois effectivement que la direction de lutte contre le racisme devrait être inscrite dans la loi. Je pense qu'il est très important de maintenir cette fonction au sein du gouvernement, de faire en sorte que le travail se poursuive, peu importe qui détient le pouvoir dans notre gouvernement, et d'empêcher que cela soit politisé. Je pense que l'une des choses les plus difficiles auxquelles nos communautés ont été confrontées ces dernières années est la politisation du simple mot « islamophobie ».
Je presse tous les membres du Comité de bien réfléchir à la façon dont les dirigeants parlent de nos communautés, comme l'a mentionné plus tôt M. Khan. La façon dont les médias et les politiciens nous décrivent a un impact direct sur nos communautés, et il est très important que nos dirigeants politiques utilisent un langage inclusif. Je peux vous dire, par expérience, que lorsque nous entendons nos dirigeants politiques utiliser un langage inclusif, respectueux de toutes les personnes qui vivent au Canada et de leurs origines, nous ressentons vraiment un changement de ton.
À l'inverse, lorsque nos communautés sont traitées comme étant suspectes... La GRC a publié un excellent rapport intitulé « Words Make Worlds », qui traite par exemple de la façon dont les communautés peuvent être considérées comme des boucs émissaires. Cela produit des effets directs non seulement sur nous, adultes, mais aussi sur nos enfants, qui sont profondément affectés et blessés par la façon dont nos communautés sont parfois décrites. La loi sera très importante, de même que la direction de la lutte contre le racisme et, bien sûr, le volet en ligne que nous attendons tous.
C'est excellent. Très bien dit.
Je pense que nous allons en rester là pour ce groupe de témoins.
À tous les témoins, merci de ce que vous nous avez dit. Je tiens également à vous signaler, à vous et aux membres du Comité, qu'un des témoins du prochain groupe ne pourra pas se joindre à nous. Si vous souhaitez rester, je vous invite à le faire, selon la volonté du Comité. Nous aurions peut-être l'occasion de poser encore plus de questions.
Nous vous écoutons, madame Zahid.
Je désire simplement faire une demande aux témoins. Je pense qu'il y avait moins de temps, et nous avions tellement de choses à discuter. S'ils ont des recommandations ou des suggestions que nous devrions examiner et dont ils n'ont pas pu discuter aujourd'hui, ils pourraient nous transmettre des mémoires afin que nous puissions tenir compte de leurs recommandations en vue de la rédaction de notre rapport.
La présidente: Absolument.
Mme Salma Zahid: J'ai eu l'impression qu'il y avait moins de temps aujourd'hui, et j'avais beaucoup de questions que je n'ai pas pu poser. Il serait bon qu'ils nous fassent parvenir des observations par écrit.
Oui. Je pense que ce serait bien. Ils peuvent les adresser à la greffière. J'ajouterais que, sur la page Web, nous invitons également les gens de partout au pays à présenter des mémoires ou des résumés d'une page.
Je vais maintenant accueillir notre nouveau témoin, Samya Hasan, directrice générale du Council of Agencies Serving South Asians.
Madame Samya Hasan, vous disposez de cinq minutes pour faire votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite aux questions.
Merci beaucoup de m'avoir invitée à participer à cette discussion aujourd'hui. Je trouve vraiment que cette invitation tombe à point nommé.
Comme vous l'avez entendu, je m'appelle Samya Hasan et je suis la directrice générale du Council of Agencies Serving South Asians. CASSA est un organisme parapluie de justice sociale qui soutient le bien-être des Sud-Asiatiques au Canada.
J'aimerais également souligner que je me joins à vous aujourd'hui depuis le territoire traditionnel des Mississaugas de Credit, qui fait l'objet des traités Williams. C'est la région qui porte le nom colonial de Durham.
C'est pour moi un moment difficile de prendre la parole aujourd'hui: l'ensemble de la communauté musulmane du Canada pleure la perte de la famille Afzaal, nous sommes témoins de crimes haineux contre des femmes musulmanes noires en Alberta, nous voyons circuler sur les médias sociaux des vidéos célébrant l'attaque terroriste de Londres et nous entendons parler des menaces violentes proférées à l'encontre de plusieurs mosquées dans la région du Grand Toronto. Cependant, je suis ici aujourd'hui pour soutenir nos communautés en cette période difficile, en espérant que la perte de quatre vies de Canadiens musulmans sera beaucoup trop pour nos dirigeants politiques et que des mesures urgentes seront prises pour rassurer une fois de plus la communauté musulmane que nous sommes en sécurité dans ce pays.
Les effets disproportionnés de l'islamophobie sur les femmes musulmanes ont été largement documentés en Europe, aux États-Unis et au Canada. Il est clair que l'islamophobie est une crise sexiste; elle fonctionne selon des stéréotypes sexistes qui présentent les hommes musulmans comme violents, terroristes et abusifs, et les femmes musulmanes comme complices ou opprimées. Cela est particulièrement vrai pour les femmes visiblement musulmanes qui choisissent de porter le niqab ou le hijab, en raison de l'idée préconçue selon laquelle les systèmes patriarcaux forcent les femmes musulmanes à s'habiller ainsi.
En fait, un sondage publié par le Toronto Star en 2017 révélait que 56 % des Canadiens croyaient que l'islam opprimait les femmes. En revanche, on comprend et on reconnaît très peu le mouvement mondial des femmes musulmanes qui portent le hijab en signe d'autonomisation. Ces stéréotypes relatifs aux femmes musulmanes dans les politiques, la rhétorique politique et les médias font augmenter les incidents islamophobes contre les femmes visiblement musulmanes. La loi de 2015 qui visait les pratiques culturelles barbares — qui a été abrogée — en est un exemple. En raison du temps limité dont je dispose aujourd'hui, je ne vais pas parler de la question de la haine en ligne, car je sais que mes collègues en ont probablement parlé. Ma sœur, Amira Elghawaby, en a d'ailleurs abondamment parlé.
Nous avons longtemps montré la France du doigt pour ses politiques anti-hijab et anti-niqab, alors que nous avons dans notre propre pays une province qui a adopté des politiques anticonstitutionnelles axées sur ce que les femmes musulmanes peuvent ou ne peuvent pas porter, sans aucune preuve de préjudice pour la société. Dans ces politiques, nous voyons le comble de l'hypocrisie du féminisme moderne et blanc, qui est dirigé principalement par des femmes blanches, à l'exclusion et au détriment des femmes visiblement musulmanes et d'autres femmes racialisées qui se sentent habilitées par leur foi et choisissent de porter le hijab ou le niqab.
D'autre part, les stéréotypes largement répandus selon lesquels les femmes musulmanes sont opprimées dans leur propre communauté ne leur rendent pas service. En fait, c'est l'État qui a adopté les politiques islamophobes et c'est lui qui opprime les femmes musulmanes en limitant leur liberté de choix. C'est l'État qui opprime les femmes musulmanes en ne faisant rien alors que les droits fondamentaux et constitutionnels de ces femmes sont bafoués et que les possibilités qui devraient s'offrir à elles dans ce pays leur sont refusées, simplement parce qu'elles choisissent de s'habiller d'une certaine manière. Il s'agit d'une exclusion sociale et économique systémique des femmes visiblement musulmanes, et pourtant nous restons silencieux. Après avoir été exposées à l'islamophobie et en avoir été les victimes pendant des décennies, comme l'ont décrit en détail mes autres collègues aujourd'hui, de nombreuses femmes musulmanes se sentent en danger, sont sur la défensive, se méfient et ont peur, craignant que tout ce qu'elles font ou disent puisse être utilisé par les médias contre leur communauté.
Face à cette crise, j'exhorte le gouvernement à travailler avec les femmes musulmanes et les groupes et organisations communautaires dirigés par des musulmans pour combattre l'islamophobie en mettant l'accent sur les répercussions de cette crise sur les femmes. J'exhorte le gouvernement à travailler avec les provinces pour imposer un programme d'éducation communautaire sur l'islamophobie, entre autres mesures de lutte contre le racisme comme le racisme contre les Noirs et contre les Autochtones, surtout dans les écoles publiques, afin que nos enfants grandissent dans le respect des personnes de toutes les croyances, cultures et races.
Enfin, et surtout, je demande instamment au gouvernement de mettre en œuvre des mesures de restriction de la haine en ligne et d'imposer dès maintenant des sanctions aux plateformes de médias sociaux qui ne bloquent pas les contenus haineux.
Je vais terminer par les propos brillants de M. Yaser Haddara, de Hamilton, tirés d'un article que j'ai lu au début de la semaine:
Nos dirigeants doivent absolument se regarder dans le miroir. Ils doivent assumer la responsabilité de leurs propres actions et de celles de leurs partis politiques et de leurs partisans. Ils doivent s'engager à faire mieux et ils doivent absolument faire mieux. La haine prolifère dans l'obscurité. Nous la combattons par la transparence, la responsabilité et l'égalité devant la loi. Jamais plus de lois spéciales...
En ce qui concerne le projet de loi 21:
jamais plus d'audits secrets.
En ce qui concerne le rapport de la semaine dernière selon lequel l'Agence du revenu du Canada a injustement ciblé des organismes musulmans de charité pendant la dernière décennie:
jamais plus deux poids, deux mesures. Rien de moins, et je crains que très bientôt, nous n'allions nous rassembler de nouveau dans une autre ville canadienne pour pleurer d'autres vies perdues.
Merci de votre temps.
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins du groupe actuel et du dernier groupe de s'être déplacés. J'offre mes sincères condoléances à la communauté musulmane. Je suis tellement désolée de ce qui est arrivé.
Ma mère portait le foulard, et ma grand-mère, maintenant âgée de 87 ans, ne sortirait jamais sans le sien, qu'elle porte même à la maison. Je me souviens de ma mère, à l'hôpital. Elle est morte quand nous étions assez jeunes. Le foulard était tellement important pour elle. Les docteurs nous disaient qu'elle était inconsciente, mais elle se couvrait quand même la tête avec le foulard. Je connais son importance.
Mon grand-père a porté le turban toute sa vie. Mon père le porte. Mon frère cadet le porte toujours. Je ressens toujours le besoin de le protéger. Il est médecin. Même si c'est un adulte, je ressens toujours le besoin de le protéger, parce que le turban est visible.
Je suis tellement désolée que le Canada en soit rendu là. Il faut le changer, et je vous remercie tellement d'être venus exprimer vos opinions et communiquer vos recommandations, qui mettront en branle le changement.
J'en conviens, tout changement nécessaire doit survenir à un jeune âge. Il faut aussi mettre les enfants dans le coup, quand ils sont encore jeunes, même pour l'égalité des genres. Autant ils s'attendent au respect de leurs droits, autant doivent‑ils rendre la pareille. Tout doit débuter à un âge tendre.
Pardonnez mon émotivité, mais ce que je vois fait vraiment mal. Je suis allée à des démonstrations organisées en réaction à ce que subissaient les Canadiens d'origine asiatique. Je souffre de ce qui est arrivé.
L'un de mes dictons préférés est « Une injustice quelque part menace la justice partout ». J'aime le croire, et cette pensée ne me quitte jamais.
Mes questions s'adressent à vos sentiments.
Comme les musulmanes sont ciblées, quel effet ce crime haineux a‑t‑il sur vous? Que ressentez-vous quand on le commet? Pour amorcer le changement, nous devons d'abord savoir ce que le fait de le vivre fait ressentir.
Certains d'entre nous, du Comité, comprennent ce que vous vivez, mais j'aimerais vous l'entendre dire. Que ressentent les femmes ciblées par un crime haineux? On cible même les jeunes écolières qui portent le hidjab. J'aimerais bien que vous puissiez en parler.
Merci beaucoup pour votre question.
Une femme éprouvée de cette manière trouve très difficilement les mots pour décrire comment elle se sent, mais je peux affirmer que toute la communauté est ébranlée jusqu'au plus profond d'elle-même par ce qui arrive, et ce n'est absolument pas facile. Ayant aussi une fille de sept ans, je trouve également très difficile de lui expliquer qu'elle n'est pas en sécurité. Les gens ont peur. Des collègues m'ont dit qu'ils ont conseillé à des membres de leur famille d'éviter d'aller se promener. D'autres, pour leur sécurité, enlèvent leur hidjab.
Ce n'est pas l'avenir auquel nous aspirons pour notre pays, ni ce pour quoi des étrangers y ont immigré. Nous sommes venus pour nous sentir en sécurité, et, en ce moment même, la communauté ne se sent pas en sécurité.
Oui, tout comme Mme Hasan vient de le dire et moi aussi, beaucoup d'entre nous, les musulmans de la communauté Ahmadiyya, nous avons échappé à la persécution religieuse dans nos mères-patries pour venir au Canada trouver la sécurité, et quand surviennent ces événements, nous en sommes profondément et personnellement accablés.
Chez les enfants, ma fille était en sixième année et elle avait commencé à porter le hidjab. Le premier jour, un garçon l'a traitée de terroriste. Ça l'a tellement perturbée, parce que, à cet âge, elle manquait encore de confiance en soi. Elle n'avait pas de compréhension approfondie des choses. Le lendemain, le même garçon a essayé de lui arracher le hidjab de la tête. Le directeur de l'école a bien réglé la situation. Je lui en suis reconnaissante, mais une telle expérience, chez une écolière, l'amène à douter de tout.
Ce n'est pas seulement le mauvais comportement d'un autre, qui a présenté ses excuses, et dont on ne reparle plus. L'incident l'amène à s'interroger sur son identité, sa religion, tout ce qui l'entoure. En grandissant, en continuant d'être le témoin de ces comportements, on n'en vient à ignorer qui on est, et ça devient très difficile, parce qu'on se trouve désormais dans un conflit entre les sentiments de devoir et de sécurité. Il est très important que les administrations scolaires, les enseignants et les éducateurs fassent de l'école un lieu sûr pour nos enfants.
Merci, madame la présidente.
Je remercie tous les témoins de leur participation.
Le groupe actuel de témoins et le groupe précédent ont décrit de façon très éloquente le harcèlement, la violence, la discrimination, la haine qu'ils ont tous subis. Il vous est très difficile d'en parler, et notre comité en est instruit. C'est très pénible. Les propos que nous entendons sont très blessants pour les gens, les minorités visibles et ceux qui portent des symboles religieux.
Mes questions s'adresseront à tous, ou peut-être pourrions-nous commencer par Mme Elghawaby.
Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler de la discrimination croisée dont sont victimes les femmes noires qui portent le hidjab, du traitement statistique évoqué et de ce à quoi elles sont soumises? Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous parler de la discrimination croisée pour des motifs raciaux et religieux?
Je sais que Mme Jafri peut encore intervenir et que le Conseil canadien des femmes musulmanes a effectué beaucoup de travail sur la question.
Mais je suis en mesure d'affirmer — madame Dhillon, je vous remercie avec tant de gratitude pour votre question — que, en matière de crimes haineux, particulièrement et de haine ciblant nos communautés, un problème que Mme Jafri a soulevé et que j'ai de mes yeux vu dans mon travail avec la police, est que, essentiellement, la police, à qui on signale ces crimes doit les catégoriser en cochant des cases.
Par exemple, si un Asiatique musulman signale un incident ou un crime haineux, la police ne peut cocher qu'une seule case. C'est comme ça partout au Canada. La nature croisée de la haine dans nos communautés lui échappe donc. C'est un exemple très simple.
Comme vous le savez, les victimes peuvent être ciblées à plusieurs titres. Par exemple, si un homme qui porte le turban est ciblé parce qu'il a été perçu comme musulman, quelle sera la case à cocher? Voilà la question. Voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue, et ce sont des exemples des méthodes qu'emploient nos institutions pour encore parvenir à comprendre la superposition des identités que les gens possèdent.
Avant de céder ce qui me reste de temps à Mme Jafri, qui pourra en parler plus longuement, je voudrais inciter le Comité à faire quelque chose — c'est la raison pour laquelle j'ai essayé de prolonger ma présence, et Mme Hasan a soulevé cette question également et de façon très éloquente. Ce serait une prise de position tellement énergique si votre comité condamnait la loi québécoise sur la laïcité de l'État, qui se trouve essentiellement à avaliser la discrimination qu'exerce l'État contre les musulmanes et d'autres minorités visibles, notamment les communautés juives du Québec, la communauté sikhe et tous ceux qui veulent porter un vêtement religieux et continuer d'avoir un apport positif, comme tout autre Québécois en a le droit.
Nous disons à nos enfants qu'ils peuvent réaliser leurs aspirations, être des membres utiles de la société, et c'est vrai pour tous les Canadiens, sauf les Québécois. C'est une érosion absolue des droits et libertés de la personne qui nous sont tous chers, et les répercussions sur les musulmanes sont disproportionnées. Une prise de position du Comité serait la bienvenue.
Madame Dhillon, je vous remercie pour la question.
Comme je l'ai dit, la superposition des différentes formes de discrimination est un aspect très important.
Vous avez peut-être constaté, en écoutant le groupe actuel de témoins ainsi que les communautés que vous fréquentez, que les musulmans ne forment pas un bloc monolithique. C'est un groupe extrêmement diversifié du point de vue racial, économique, ethnique ainsi que par sa façon de se vêtir. Parfois, on ne connaît pas les identités multiples d'une personne. Voilà pourquoi il ne peut pas y avoir de stratégie simple pour combattre l'islamophobie ou y mettre fin. Il faut prendre en considération la diversité des musulmans, puis, à l'intérieur des diverses communautés musulmanes, des croisements précis qui s'appliquent aux musulmanes. Ce pourrait être n'importe quoi. Ce pourrait être un handicap ou leur race.
J'ai fait allusion aux statistiques relatives aux musulmanes noires. Vous les avez vues, ces statistiques. Vous avez vu les incidents et les reportages sur les musulmanes noires qui ont été attaquées en Alberta. Ça se produit également dans les mêmes communautés, en Ontario. Il n'y a donc là rien d'étonnant.
On se trouve au carrefour de la race, du genre et de leur visibilité de musulmanes. C'est donc de l'islamophobie, mais c'est également la perception générale de l'oppression, de la faiblesse et de l'incapacité des femmes musulmanes de se défendre et de prendre soin d'elles-mêmes. Elles sont ciblées parce qu'on les perçoit comme faibles, et rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.
Mais l'objet du terrorisme est de terroriser, d'instiller la peur dans ces communautés. Effectivement, vous prendrez peur; vous commencerez à avoir peur de porter votre symbole religieux ou le hidjab, dans la crainte d'être attaquées. C'est ce que nous devons combattre et neutraliser.
[Français]
Aujourd'hui, le Parti conservateur a présenté à la Chambre une motion qui concerne le Comité permanent de la condition féminine, et c'est la raison pour laquelle je n'étais pas présente durant la première heure de la rencontre.
Je veux d'abord remercier les témoins. Nous sommes tous d'accord que la haine et l'islamophobie n'ont pas leur place aujourd'hui, en 2021.
J'ai déjà offert mes condoléances à ma collègue la députée de London‑Fanshawe, qui a vécu ces événements dans sa communauté. On sait qu'il y a eu un mouvement de solidarité entourant tout cela. J'aimerais offrir encore une fois mes condoléances à toutes les victimes, puisque c'est ma première intervention dans le cadre de cette étude.
J'aimerais également remercier Mme Normandin de m'avoir remplacée pendant la première heure.
Madame Jafri, vous avez parlé d'un aspect très intéressant, soit la diversité interspécifique chez les femmes musulmanes. Quelles recommandations pourraient être formulées afin que cette diversité de points de vue chez les femmes musulmanes soit mieux représentée dans une perspective d'éducation, de discussions et d'échanges avec d'autres? Pourriez-vous nous parler davantage de cette diversité?
[Traduction]
Je remplace Mme Jafri. Elle devait nous quitter.
Je vous remercie de votre question très importante.
En ce qui concerne la diversité des communautés racialisées, nous savons de première main, en notre qualité d'organisation au service des Asiatiques du Sud, que leurs communautés sont souvent considérées, à tort, comme monolithiques. Nos communautés sont tellement diversifiées. Il en va de même de la communauté musulmane. Sa diversité est encore plus grande sur le plan des pays d'origine, de la couleur de la peau, des cultures, des langues, des situations socio-économiques et de leur système de croyances dans l'Islam. L'Islam est un spectre de croyances. Personne n'a la même croyance. Dans ce système de croyances, on trouve diverses écoles de pensée. C'est extrêmement diversifié.
D'après moi, pour optimiser les politiques et les programmes, y compris les programmes d'études, il faut que l'initiative vienne de la communauté, il faut collaborer avec les dirigeants musulmans et diverses organisations musulmanes — des organisations musulmanes diverses ont fait partie des groupes de témoins — et il faut voir comment elles veulent créer et développer ces politiques et programmes. Autant il importe que les politiques destinées aux communautés autochtones soient issues d'elles, autant cette condition vaut pour celles qu'on crée pour la communauté musulmane. Comme vous êtes étrangers à cette communauté, vous ne pourrez pas en saisir la diversité et toutes les opinions différentes. C'est ma situation à moi aussi, qui suis pourtant musulmane. Je ne peux être représentative de tous les musulmans du Canada.
Il faudrait en tenir compte, et les stratèges devraient le garder à l'esprit.
[Français]
Vous parlez de l'importance de tenir compte des divers points de vue existant au sein des différentes communautés. En effet, ce ne sont pas des blocs monolithiques. Différentes façons de penser se côtoient dans ces communautés. Je retiens cela.
Nous sommes au Comité permanent de la condition féminine, mais j'ai aussi eu à remplacer un collègue au Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Lors des remarques liminaires, j'ai entendu que les institutions, que ce soit les Forces armées canadiennes ou la Gendarmerie royale du Canada, devaient s'efforcer davantage de favoriser l'inclusion et la diversité.
Si ces institutions fédérales recrutaient davantage de gens issus de la diversité et allaient chercher différents visages, cela n'enverrait-il pas un message fort?
Cela pourrait envoyer un message d'éducation et, surtout, d'ouverture.
[Traduction]
Chez les institutions, nos rapports avec le Secrétariat fédéral de lutte contre le racisme ont été excellents. L'un de nos sujets de discussion avec lui a été la collaboration avec tous les ministères fédéraux. Si le Secrétariat établit des principes et des politiques pour la collecte, par exemple, de données désagrégées sur la race, tous les ministères et institutions fédéraux devraient les appliquer.
Comme Mme Elghawaby l'a dit, il faut renforcer le Secrétariat et lui donner les ressources nécessaires pour se spécialiser dans, malheureusement, les diverses formes de racisme et de haine qui existent dans le pays. Il faut qu'il soit bien outillé pour la tâche. À mon avis, ce serait l'organisme désigné pour ce genre de travail, servir de trait d'union entre les institutions et les ministères fédéraux, pour combattre toutes les formes de racisme et de haine.
[Français]
Selon vous, y a-t-il d'autres façons dont le gouvernement fédéral pourrait contribuer à la prévention des crimes? Vous avez parlé d'une institution.
Comment le gouvernement peut-il appuyer davantage les différentes communautés au pays afin qu'elles puissent prendre leur place? Surtout, comment peut-il continuer à lutter contre les crimes haineux, les crimes islamophobes et les crimes contre les communautés asiatiques?
Mis à part ce secrétariat, voyez-vous d'autres pistes de solution qui concerneraient le gouvernement fédéral?
[Traduction]
D'accord.
Si je devais n'en mentionner qu'une, je dirais que ce serait une loi contre la diffusion de la haine en ligne. Nous savons qu'une grande partie de la radicalisation et de la haine antimusulmane se répand en ligne. C'est maintenant ou jamais le temps d'agir. Nous avons vraiment besoin de cette loi, que nous attendons depuis très longtemps, pour obliger les plateformes de médias sociaux à faire taire la haine, sous peine d'amendes.
Cette loi contre la haine en ligne est certainement ce que j'attends le plus et, je le sais, ce que beaucoup de témoins attendent aussi.
Je vous remercie, madame la présidente.
Je sais, madame Hasan, que vous écoutiez, mais vous n'étiez pas nécessairement aussi active au cours de la première heure, lorsque j'ai demandé à tous les témoins de commenter ce Sommet national sur la lutte contre l'islamophobie. J'ai demandé quelles recommandations et actions ils attendaient de ce sommet. J'aimerais vous poser la même question, en comprenant évidemment que c'est peut-être extrêmement compliqué. Vous avez parlé de la diversité au sein des communautés, mais il faut que cela vienne de la communauté… Si vous pouviez fournir d'autres recommandations sur ce que vous aimeriez voir émerger de ce sommet, je vous en serais reconnaissante.
Certainement.
Pour revenir sur certaines recommandations que nous avons formulées, je pense que nous avons présenté, en 2020, une liste de sept recommandations au ministre de la Justice et procureur général et je crois que nous nous sommes également rencontrés, madame Mathyssen, au sujet de ces recommandations.
Encore une fois, d'abord et avant tout, le projet de loi sur la haine en ligne est primordial, et il est nécessaire et urgent de le mettre en œuvre. Je sais que Mme Elghawaby a mentionné le volet sur la victimisation de l'enquête sociale générale et l'idée d'en faire un processus annuel, afin de collecter de meilleures données sur les crimes, les discours et les incidents haineux, et de pouvoir ainsi élaborer de meilleures politiques pour les combattre.
Ce matin, nous avons longuement discuté de la nécessité de rendre cela obligatoire dans les programmes scolaires et de travailler avec les provinces — je sais que cela relève de la compétence des provinces — pour veiller à mettre en œuvre des programmes d'études contre le racisme. Il ne s'agit pas seulement de diversité, d'inclusion et de multiculturalisme, qui sont d'excellentes notions — et nous les voyons partout au Canada lorsque nous célébrons les différentes croyances et la diversité —, mais d'approches qui luttent concrètement contre le racisme et l'oppression. Certaines témoins d'aujourd'hui ont mentionné que cela commence dans le système scolaire. J'ai grandi dans le système scolaire public et je ne peux pas compter sur mes doigts le nombre de fois où j'ai été victime d'un incident islamophobe, de haine et de violence physique en tant qu'élève visiblement musulmane.
Les membres du CASSA ont certainement demandé ces types d'interventions. Nous faisons également partie d'un groupe plus large appelé le Anti-Hate Community Leaders' Group. Ce groupe rassemble, d'un bout à l'autre du Canada, plus de 40 organismes et particuliers qui préconisent l'adoption d'un projet de loi et de politiques contre la haine. Par l'entremise de ce sommet — je sais que cela a également été mentionné ce matin —, nous devons exprimer haut et fort à tous les dirigeants du pays que l'islamophobie ne sera pas tolérée. Nous avons vu que certains individus ont célébré sur les médias sociaux l'attaque terroriste perpétrée à London. Il faut condamner fermement ces individus et veiller à ce qu'ils subissent des conséquences pour avoir propagé cette haine, car c'est là que tout commence. La haine commence en ligne. Elle commence dans les écoles.
Oui, malheureusement, et on a également mentionné que lorsque ces dirigeants font preuve de racisme, cela donne pratiquement la permission à d'autres d'agir de la même façon. J'ai certainement entendu cela. Mon bureau aussi. Nous essayons de signaler ces choses autant que possible. Je pense que mon leader a déclaré que la haine est comme un feu; si on ne l'éteint pas rapidement, elle se répand beaucoup trop rapidement.
J'aimerais également revenir sur certains textes de loi dont nous avons déjà parlé et que vous venez de mentionner. Nous entendons souvent parler, entre autres, de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Nous savons que les femmes sont toujours beaucoup moins bien payées, mais c'est encore plus vrai dans le cas des femmes racialisées. Pourriez-vous nous parler du renforcement de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et de la mise en œuvre de mesures en matière d'équité dans le cadre de tous les investissements fédéraux et les programmes de relance qui découlent de la COVID‑19, afin de garantir que les groupes racialisés et les autres groupes sous-représentés profitent de cette égalité, de cet accès à l'emploi et de ces ressources?
Je vous remercie de votre question, madame Mathyssen.
Cette question est très liée aux efforts de lutte contre le racisme que nous devons absolument intensifier. En ce qui concerne l'équité en matière d'emploi, comme vous le savez, pendant la pandémie, nous avons constaté que les communautés racialisées étaient touchées de façon disproportionnée par la COVID‑19, en partie parce qu'elles sont surreprésentées dans les emplois précaires de première ligne. Au cours des trois dernières années, le CASSA a mené une étude sur les immigrants sud-asiatiques à Toronto et sur leurs efforts pour obtenir un emploi décent. Nous avons notamment observé que, même si ces gens possèdent d'excellents antécédents et ont reçu une éducation de qualité ici ou dans leur pays d'origine, ils ont du mal à trouver un emploi décent. Je parle simplement d'un emploi où l'on offre plus que le salaire minimum. C'est donc très difficile.
Vous avez raison de parler de l'aspect sexospécifique de l'équité en matière d'emploi. En effet, les femmes font face à encore plus d'obstacles, en particulier celles qui ont des barrières linguistiques, celles qui ne maîtrisent pas aussi bien l'anglais ou celles qui restent longtemps à la maison pour s'occuper des responsabilités familiales et qui souhaitent ensuite retourner sur le marché du travail. Peu de possibilités de formation sont offertes aux femmes qui ont des conflits d'horaires. Les femmes racialisées se heurtent à de nombreux obstacles. Je pense que cela devrait représenter une partie importante de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Il faut aussi aborder ce dossier avec les provinces.
En effet, nous savons qu'à l'échelon fédéral, cette loi ne visera qu'une certaine partie de la population canadienne. Elle ne visera pas l'ensemble de la population. Il faut donc travailler avec les provinces et exercer des pressions pour obtenir un projet de loi sur l'équité en matière d'emploi à cet échelon.
Je vous remercie, madame la présidente.
J'aimerais revenir sur un sujet que nous avons déjà abordé, à savoir la cyberviolence et la cyberintimidation. À cause de la COVID‑19, nous sommes nombreux à travailler en ligne et sur Zoom, et un grand nombre de nos enfants, ainsi que de nombreux jeunes et personnes de tous âges passent beaucoup de temps en ligne. C'est sans aucun doute l'une des conséquences de la COVID‑19.
La persistance de la cyberviolence et de la cyberintimidation contribue‑t‑elle à d'autres formes de violence et de crimes haineux au Canada? Le cas échéant, comment cela se traduit‑il? Cette question s'adresse à nos deux témoins.
Oui, je vous remercie.
La cyberintimidation est certainement très réelle. Au cours de la dernière année, la pandémie a amené un grand nombre de nos enfants à exercer leurs activités en ligne. Je pense qu'il serait nécessaire d'offrir des outils de signalement. En effet, tous les enfants ne vont pas raconter à leurs parents ce qui se passe. Et même s'ils le font, comme l'a mentionné Mme Hasan, de nombreux parents ne savent peut-être pas comment en parler ensuite aux éducateurs.
Un processus de signalement doit être accessible pour tous ces types d'incidents, c'est‑à‑dire la cyberintimidation et tous les autres incidents dont nous avons parlé plus tôt, et tout ce qui se passe doit être ensuite communiqué aux enfants, aux étudiants et aux éducateurs. Pourquoi ne signale‑t‑on qu'un si faible pourcentage de ces crimes? Il faut que ce soit un processus sécuritaire. Les gens doivent pouvoir raconter ce qui se passe et ils doivent avoir la certitude qu'on tiendra compte de leur signalement et qu'on réglera la situation.
Sur la page principale du site Web de notre commission scolaire, le York Region District School Board, il y a un bouton de signalement. Malheureusement, de nombreux jeunes font des blagues à ce sujet, car ils pensent que ce bouton ne mène à rien. Ils disent qu'ils ne veulent pas l'utiliser, car ils pourraient se retrouver dans une situation vulnérable après avoir fait un signalement, mais rien ne sera fait à ce sujet. Il incombe donc aux responsables de dire aux enfants et aux élèves qu'ils vont faire quelque chose et qu'ils vont répondre à leurs préoccupations.
En ce qui concerne le maintien de l'ordre, si les policiers sont formés à toutes ces questions dont nous avons parlé — l'intersectionnalité et les différents types de musulmans, les différents visages des musulmans — et si on leur dit qu'ils doivent modifier leur approche et la façon dont ils traitent avec ces communautés, car ces dernières ne se sentent pas en sécurité, et que cela amène ensuite les gens à signaler ces incidents haineux, je pense que ce serait une bonne première étape. Ensuite, l'ensemble de la communauté pourra les imiter.
Je vous remercie de ces observations. Cela m'amène à ma prochaine question.
Si les adultes ont l'impression qu'il ne sert à rien de signaler ces crimes haineux, surtout ceux commis contre des femmes, cela explique pourquoi ces crimes sont peu signalés. Même la police leur dit d'éviter simplement de s'approcher des gens qui commettent ces crimes et de quitter les lieux s'ils viennent vers eux. Ce n'est pas du tout rassurant pour les gens qui vivent ces situations très difficiles.
Selon vous, sur quels aspects le système judiciaire devrait‑il réellement se pencher pour veiller à ce qu'aucun crime ne soit un petit crime, et à ce qu'aucun comportement haineux ne soit un comportement haineux sans importance? Cela aide également à prévenir ce qui va arriver aux femmes marginalisées et, surtout, comme le montre notre étude actuelle, aux femmes de confession musulmane.
Encore une fois, j'ouvre cette question à nos deux témoins.
Je vous remercie.
Je pense à un programme que nous avons en Ontario. Je ne sais pas si c'est le cas ailleurs, mais dans cette province, la police mène un programme VIP dans les écoles. Ce programme porte sur les drogues et les influences. L'acronyme signifie « valeurs, influences et pairs ». J'ai pensé à ce programme, car lorsqu'un policier entre dans une salle de classe — en particulier une classe de sixième année, par exemple —, ses paroles peuvent avoir des répercussions importantes. Si le policier visite chaque classe et parle des crimes haineux, de l'islamophobie ou du racisme contre les Noirs, cela aura un impact important sur les jeunes.
Lorsque des ressources sont utilisées dans des domaines précis, nous pouvons en voir les effets. Je peux voir à quel point écouter ces policiers et discuter des choix appropriés a eu un impact sur mes enfants, et même sur moi lorsque j'étais enfant. Si nous constatons que ce problème est devenu très important à l'échelle nationale, peut-être que ces types de programmes devraient être exécutés, et qu'ils devraient l'être dans le cadre d'une classe très restreinte, par exemple dans le cadre d'une rencontre individuelle. Des leaders tels que des policiers peuvent vraiment faire une différence concrète lorsqu'ils viennent parler des crimes haineux et des effets de ces crimes sur une personne ciblée à un jeune âge ou lorsqu'ils parlent de ce qui arriverait à une personne qui commettrait ces actes ou qui s'adonnerait à la cyberintimidation.
Je pense que cela pourrait avoir un impact très important.
La parole est maintenant à Mme Hutchings.
Je pense que vous partagerez votre temps avec Mme Sidhu et d'autres intervenants.
Oui, je répondrai en premier. Je vous remercie, madame la présidente.
Comme nous le savons, notre communauté musulmane n'a même pas eu l'occasion de se remettre de l'acte terroriste survenu à London, en Ontario. La semaine dernière, une sœur musulmane qui portait son hidjab a été agressée à Edmonton. Et plus tôt cette semaine, la mosquée Baitul Hadi, à Edmonton, a été vandalisée. Tous ces incidents horribles n'ont pas leur place au Canada, et mon cœur se brise pour toutes les victimes de ces récentes attaques. Je sais que de nombreux Canadiens ressentent la même chose.
J'aimerais dire à tous nos témoins d'aujourd'hui que nous savons que nos communautés marginalisées et racialisées cherchent des alliés au sein du gouvernement, et qu'elles cherchent une solution. Vous ne devriez pas vous sentir en danger dans les rues du Canada lorsque vous portez un turban, une kippa, un hidjab, une tenue traditionnelle autochtone ou tout autre symbole culturel et religieux. Nous devons nous lever pour rejeter le racisme et le terrorisme et travailler ensemble.
L'objectif de l'étude menée par notre comité est de trouver des solutions.
Ma question s'adresse à Mme Mahdi, mais toute autre personne qui le souhaite peut également intervenir.
Je sais que votre organisme prône la paix, la tolérance, l'amour et la compréhension entre les adeptes de différentes confessions. Il est important de comprendre les causes profondes de la haine. Quelles sont les différentes expériences liées aux crimes haineux en fonction du statut socioéconomique? Vous avez parlé des écoliers. Comment pouvons-nous les responsabiliser, les informer et les sensibiliser, afin qu'ils soient en mesure de s'exprimer sur le sujet?
Je pense que l'éducation est l'élément essentiel dans ce cas‑ci. En effet, il est essentiel de diffuser l'information et d'éliminer les mythes et les idées fausses. Comme vous l'avez mentionné, notre communauté organise de nombreux événements publics au cours desquels nous tentons de nous attaquer à ces idées fausses et d'éliminer ces obstacles. Cependant, encore une fois, cela se passe sur notre plateforme. Il faut également le faire sur une plus grande plateforme. Nous trouvons très encourageant de voir le beau travail accompli par le Comité de la Chambre des communes, car on peut certainement renseigner ainsi un plus grand nombre de gens au sein de la communauté canadienne.
Il est très important de comprendre que la haine découle de l'ignorance. Malheureusement, pour revenir aux pages Web en ligne, aux groupes Facebook ou à d'autres plateformes, les gens sont libres d'exprimer ces pensées horribles, et c'est là que la radicalisation se produit. Le fait que l'agresseur de London, en Ontario, soit âgé de 19 ou 20 ans montre que les jeunes esprits sont les plus influencés. Ils n'ont peut-être jamais rencontré de musulmans et ils ne se renseignent pas davantage sur les choses qu'ils ont entendues.
Pour revenir à la fusillade à la mosquée de Québec, oui, cet événement a été abordé. Le premier ministre Trudeau en a parlé. Les médias en ont parlé. Mais que s'est‑il passé ensuite? Ce sont les communautés qui ont dû renforcer leurs mesures de sécurité. Nous avions très peur de retourner à la mosquée après ces faits, car nous nous demandions si cela allait se produire lorsque nos enfants assisteraient aux séances de prières. Ce n'est pas une situation qui s'atténue simplement parce que la couverture médiatique s'est arrêtée. Il faut continuellement augmenter le bien pour diminuer le mal.
Il y a une précision que je souhaiterais apporter très rapidement quant au fardeau pesant sur les communautés pour ce qui est de l'éradication des idées fausses qui sont véhiculées. La communauté a l'impression que c'est à elle qu'il incombe de déboulonner ces mythes, ces idées fausses et ces stéréotypes, et je trouve cela tout à fait injuste. Ce n'est pas nous qui sommes à l'origine de ces idées fausses, alors pourquoi devrions-nous être tenus de dire aux gens que nous ne sommes pas des terroristes? L'initiative doit venir des plus hautes instances. Il faut vraiment qu'une campagne soit mise en place par le gouvernement fédéral pour faire comprendre à tous que nos communautés sont accueillantes et que nous sommes des gens bien et de bons citoyens de ce pays. Ce ne sont pas les communautés elles-mêmes qui devraient s'en charger.
J'aimerais aussi revenir très rapidement à la question précédente concernant la cyberhaine et le signalement des crimes haineux. Entre autres projets, notre organisation travaille en collaboration avec quatre corps policiers de l'Ontario pour déterminer comment fonctionne leur mécanisme de signalement des crimes haineux, détecter les lacunes qui existent, déterminer la façon dont ces programmes sont perçus par la communauté et essayer de trouver une façon de faciliter ces signalements.
Comme nous le savons, les deux tiers des crimes haineux commis au Canada ne sont pas signalés. Comment renverser cette tendance? Nous sommes une petite organisation. Nous ne pouvons faire qu'un travail limité avec la coopération d'un nombre restreint de services policiers de la province. Le gouvernement fédéral ne pourrait‑il pas reprendre le flambeau pour chercher à établir de concert avec les corps policiers de tout le pays une approche rationalisée pour le signalement des crimes haineux? Il faut par ailleurs sensibiliser les gens quant à la façon de dénoncer de tels crimes.
Il y a quelques semaines, nous avons été victimes d'une intrusion intempestive lors d'une activité tenue sur Zoom alors que deux individus ont proféré des obscénités à l'encontre des intervenants. L'une des victimes était une femme d'origine sud-asiatique. Nous ne savions vraiment pas comment nous y prendre pour signaler le tout à la police. C'était un incident haineux. Des propos haineux ont été tenus, mais on nous a transféré d'un service à un autre, d'un corps policier à un autre. Notre organisation dispose des ressources nécessaires pour confier cette tâche à ses employés, mais les gens n'ont pas individuellement le temps ou l'énergie pour investir d'interminables heures afin d'essayer de signaler un crime, ce qui explique qu'une grande partie de ces crimes ne sont pas dénoncés.
Nous redoublons vraiment d'efforts avec les services policiers pour essayer de rendre ce mécanisme plus facile d'accès pour la communauté.
[Français]
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins de leurs témoignages.
J'aimerais revenir sur l'élément de la haine en ligne qu'elles ont abordé. Au Québec, on en parle énormément en ce moment. J'aimerais aussi insister sur la situation des femmes en politique. Lorsqu'il est question d'éducation ou de changement des cultures, on dit souvent qu'il faut une diversité de visages sur le plan politique aussi. Or certaines femmes ne se présenteront pas lors de la prochaine campagne municipale au Québec, parce qu'elles ont été victimes de haine en ligne. L'une ou l'autre des témoins pourraient-elles s'exprimer sur l'importance de cette loi, qui se fait attendre au niveau fédéral.
Récemment, au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, il a été question de la radicalisation. Ici, au Comité permanent de la condition féminine, nous avons constaté que les gens passaient plus de temps sur Internet pendant la pandémie.
Les témoins ont mentionné que les gens pouvaient écrire tout et n'importe quoi sur les réseaux sociaux. J'aimerais entendre leur opinion au sujet du lien entre ce temps passé en ligne et l'importance de légiférer sur cette question.
[Traduction]
Merci pour la question.
Comme je le mentionnais précédemment, la représentation est importante. En tant que femme musulmane, lorsque je vois toutes ces formidables députées qui travaillent maintenant au service du Canada, toutes ces femmes de couleur, ces femmes musulmanes, ces femmes qui portent le hijab, je suis vraiment rassurée au sujet de notre pays et de notre gouvernement. Cependant, lorsqu'on apprend qu'elles sont victimes de menaces et d'attaques et qu'elles doivent quitter leur poste, on ne peut guère espérer que cela en encourage d'autres à suivre leurs traces. Si nous pouvions constater que ces femmes sont protégées, que ces attaques sont prises au sérieux et que les coupables sont appréhendés, alors un plus grand nombre de femmes pourraient souhaiter accéder à ces rôles de leadership et représenter leur communauté. À partir du moment où les femmes seront davantage représentées au sein de la sphère politique, nous verrons automatiquement le visage de la classe dirigeante de cette communauté changer du tout au tout.
Nous avons déjà réalisé d'importants progrès, mais il faudra parvenir à faire encore mieux. Nous pouvons certes encourager les femmes de la jeune génération à se mobiliser pour assumer ces rôles.
Merci pour cette question.
Parmi les statistiques les plus troublantes que j'ai consultées, il y a le fait qu'il y a actuellement au Canada plus de 200 groupes d'extrême droite tenants de la suprématie blanche. Comme l'indiquait l'un des témoins du groupe précédent, le gouvernement fédéral a le pouvoir de démanteler ces groupes. Une grande partie de la haine véhiculée en ligne émane de ces groupes d'extrême droite qui ont le champ entièrement libre dans l'état actuel des choses. Il faut absolument que des mesures énergiques soient prises pour dissoudre tous ces groupes.
Je peux vous garantir qu'une fois que cela sera chose faite, on notera une diminution marquée de la cyberhaine, et particulièrement de celle qui cible les femmes, les femmes racisées et les femmes musulmanes. Nous savons en effet que les femmes racisées et les femmes musulmanes sont disproportionnellement visées par la cyberintimidation et la cyberhaine. D'une manière générale, les femmes sont souvent victimes de comportements haineux en ligne.
C'est à vous qu'il revient maintenant d'agir. Le gouvernement fédéral doit démanteler ces quelque 200 groupes d'extrême droite tenants de la suprématie blanche.
Je veux revenir à la question des unités spécialisées dans les crimes haineux au sein des corps policiers et du mécanisme pour le signalement de tels crimes. Je conviens tout à fait avec vous, madame Hasan, de la nécessité de mieux sensibiliser les gens qui ne savent pas comment s'y prendre pour dénoncer des agissements semblables. Non seulement faut‑il leur expliquer comment faire pour signaler ces crimes, mais il faut aussi leur faire comprendre l'importance de le faire. Le NPD a d'ailleurs réclamé que l'on en fasse davantage à ce sujet.
Dans bien des petites villes canadiennes, y compris des municipalités de taille moyenne, vous ne trouverez rien qui puisse ressembler à une unité spécialisée dans les crimes haineux. Pouvez-vous nous dire à quel point vous jugez important que le gouvernement fédéral fasse le nécessaire afin que les différents services policiers canadiens disposent du financement suffisant pour créer leur propre unité spécialisée en la matière? Ma question s'adresse à nos deux témoins.
Je pense que c'est très important. Nous savons que les crimes haineux ne se produisent pas uniquement dans les grandes villes. Nous avons pu apprendre sur les médias sociaux que des personnes qui ont déménagé dans des collectivités rurales plus petites pendant la pandémie y ont été confrontées à beaucoup de haine et de racisme. Je maintiens qu'il est nécessaire pour le gouvernement fédéral d'adopter une approche rationalisée afin d'aider les services de police des différentes collectivités du pays à mettre en place ces unités spécialisées dans les crimes haineux en leur fournissant des ressources suffisantes à cette fin.
Le simple fait d'avoir une unité spécialisée dans les crimes haineux n'est pas suffisant. Nous avons vu des services de police disposant d'une unité semblable dont les effectifs n'avaient toutefois reçu aucune formation pour le traitement des plaintes. Il faut pouvoir faire montre d'une grande sensibilité pour traiter avec les gens qui ont été victimes de violence sous cette forme, ce qui fait que la formation est une autre composante primordiale. Il ne suffit donc pas de fournir les ressources et les fonds nécessaires à la création de ces unités spécialisées dans les crimes haineux; il faut également mettre en place un système de formation centralisé pour que le personnel affecté à ces unités sache comment enregistrer les signalements en étant conscient des enjeux associés aux différentes formes de haine dont les gens peuvent être victimes.
Compte tenu du temps qu'il nous reste, je crois que nous pouvons permettre une question chacune pour Mmes Shin et Zahid.
Madame Shin, vous avez la parole.
Merci beaucoup.
Je tiens d'abord et avant tout à exprimer ma grande tristesse à la suite du récent décès tragique de quatre membres d'une même famille musulmane à London. Je veux aussi exprimer ma reconnaissance à tous les témoins qui ont été des nôtres aujourd'hui pour discuter de ces questions, aussi bien dans ce groupe‑ci que dans celui qui l'a précédé.
Il y a un élément qui ressort sans cesse dans le contexte de la montée généralisée du racisme et de l'augmentation des crimes haineux ciblant les Canadiens d'origine asiatique, particulièrement ici dans la grande région de Vancouver, et vous y avez déjà d'ailleurs fait allusion. Je parle de l'impossibilité [Difficultés techniques] des accusations contre qui que ce soit parce qu'il n'y a pas de témoin ou parce qu'il n'y a pas eu d'agression physique à proprement parler. Très souvent, les victimes sortent du processus avec une plus grande colère, une crainte profonde, un sentiment d'impuissance et l'impression que le monde n'est pas sécuritaire et que personne ne peut vraiment y changer quoi que ce soit.
Vous avez évoqué l'idée d'unités spécialisées dans les crimes haineux. Pourriez-vous nous en dire davantage au sujet des mesures qui pourraient être prises pour aider ceux et celles qui ne peuvent pas actuellement obtenir justice?
D'après ce que nous ont dit les représentants de différents services de police avec lesquels nous avons travaillé, l'un des principaux obstacles est l'exigence d'obtenir le consentement du procureur général pour pouvoir porter des accusations de crime haineux. Nous avons réclamé une plus grande transparence quant aux critères sur lesquels s'appuie le procureur général pour déterminer ce qui peut être considéré comme un crime haineux.
Le groupe des leaders communautaires pour lutter contre la haine dont nous faisons partie n'a pas préconisé le retrait de cette exigence du consentement du procureur général, mais a demandé une transparence accrue et un mécanisme de compte rendu annuel sur les cas pour lesquels ce consentement a été donné ou non, de telle sorte que la communauté puisse mieux comprendre le fonctionnement du système. Une plus grande transparence permettrait de faire intervenir des principes plus uniformes et cohérents lorsqu'il s'agit de déterminer ce qui est un crime haineux et ce qui ne l'est pas.
Je comprends très bien, madame Shin, qu'il y a des gens qui signalent un crime haineux pour se faire malheureusement répondre qu'il est actuellement impossible [Difficultés techniques] de considérer quelque crime que ce soit comme un crime haineux.
Il faut analyser les politiques en place pour en cerner les lacunes et voir comment elles peuvent être éliminées ainsi que pour déterminer les moyens à mettre en œuvre afin que le processus devienne plus transparent. Des groupes communautaires comme le nôtre peuvent alors [Difficultés techniques] et renseigner les gens sur les mesures à prendre pour signaler un crime haineux à la police et les critères à remplir avant de pouvoir le faire.
On a également discuté ce matin de l'importance des signalements par un tiers. Comme vous le savez, un grand nombre de communautés ne font pas tellement confiance aux forces de l'ordre. Les musulmans, et les musulmanes tout particulièrement, craignent de se couvrir de honte et de porter le blâme pour ce qui leur est arrivé. C'est une crainte tout à fait fondée. Nous devons vraiment chercher les moyens d'améliorer le mécanisme de signalement dans son ensemble de telle sorte que les communautés puissent faire davantage confiance aux services policiers lorsque vient le temps de signaler un crime haineux. Si une communauté n'est pas à l'aise de le faire directement, elle devrait pouvoir alerter les autorités par l'intermédiaire d'une tierce partie, comme les organisations qui travaillent déjà directement en milieu communautaire.
Nous collaborons avec un grand nombre d'organisations. Si on leur fournissait les ressources nécessaires, ces organisations seraient très heureuses d'accepter ce rôle de signalement des incidents haineux touchant leur communauté dont elles ont déjà gagné la confiance. Elles pourraient enregistrer les signalements et faire le lien avec les services policiers.
Je pense qu'un grand nombre de mesures pourraient être prises pour améliorer ce processus.
Merci, madame la présidente.
Merci à nos deux témoins pour leur précieuse contribution et les recommandations qu'elles ont formulées pour guider notre importante étude.
Merci, madame Hasan. Nous travaillons en étroite collaboration à Scarborough. Nous vous sommes grandement reconnaissants pour tout le travail que vous avez accompli pour faire tomber les murs de la haine dans notre ville.
Ma question s'adresse à nos deux témoins.
Tous les membres de la communauté musulmane peuvent être victimes de crimes haineux, mais les femmes sont particulièrement vulnérables. Nous sommes plus nombreuses à porter nos vêtements traditionnels, comme le hijab ou nos robes traditionnelles, ce qui fait de nous des cibles plus visibles. J'ai moi-même été une victime de la haine quand j'ai commencé à porter le hijab. J'ai été la première à prendre la parole à la Chambre des communes en portant le hijab, ce qui selon moi devrait fortement encourager les filles et les femmes portant le hijab à en faire autant si la politique les intéresse.
Aucune femme ou fille ne devrait craindre de s'habiller à sa guise. Ce qu'une femme ou une fille choisit de porter relève uniquement d'elle et de personne d'autre. J'ai été très attristée d'entendre récemment une jeune étudiante universitaire me dire qu'elle a peur de se tenir sur une plateforme en attendant le métro lorsqu'elle porte le hijab. Elle se tient plutôt en retrait dans un coin de crainte que quelqu'un la pousse ou la prenne à partie.
Pourriez-vous nous parler brièvement de votre expérience en tant que femmes musulmanes? Que pouvez-vous faire aujourd'hui en votre qualité de chefs de file au sein de vos communautés respectives pour que toutes les femmes et les filles puissent porter le hijab sans craindre pour leur sécurité et en sachant que cela ne les empêchera pas de réaliser leurs rêves dans le domaine de leur choix? Bien des femmes estiment que le port du hijab est un obstacle à l'obtention d'un bon emploi ou à l'entrée en politique.
J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.
Je vais répondre très brièvement pour laisser à Mme Mahdi le temps de le faire également.
Je pense qu'en donnant suite aux souhaits exprimés en terminant par Mme Elghawaby, le gouvernement fédéral enverrait un signal fort à la communauté musulmane en affirmant son soutien aux musulmans et aux femmes portant le hijab. Il faut condamner le projet de loi 21. En toute franchise, ce projet de loi fait déjà en sorte que les musulmanes, et surtout celles qui vivent au Québec, n'ont pas l'impression d'être reconnues à titre de citoyennes à part entière pouvant apporter une contribution au Canada. C'est le sentiment qu'on leur a inculqué avec ce projet de loi.
Le message le plus fort que vous puissiez envoyer aux filles musulmanes qui peuvent choisir de porter ou non un hijab ou un niqab est de leur dire que vous n'allez pas rester les bras croisés à ne rien dire pendant que l'une des provinces de notre pays adopte une loi qui porte atteinte à leurs droits constitutionnels. En dénonçant le projet de loi 21, vous leur enverriez un message extrêmement clair.
Je souscris totalement à ce que vient de dire Mme Hasan.
Il est vraiment dommageable qu'une province canadienne puisse ainsi adopter un projet de loi aussi raciste et islamophobe. C'est préjudiciable pour tous ceux et celles qui portent des vêtements ou des signes religieux. Il va de soi que si le gouvernement fédéral déclarait ce projet de loi inconstitutionnel en affirmant qu'il ne peut pas être mis en œuvre, ce serait un grand pas en avant. En faisant valoir que le Canada ne peut pas tolérer pareille chose, on éviterait en outre que certains se sentent justifiés d'entretenir des sentiments de haine du fait que ce projet de loi a été adopté.
J'en reviens aux propos de Mme Zahid. Il me fait vraiment chaud au cœur de voir une femme portant comme moi le hijab se retrouver dans un poste de députée. C'est très inspirant. Ce n'est pas quelque chose que j'aurais même cru possible lorsque j'étais jeune. Nous acceptions le fait que le gouvernement devait être dirigé par des hommes blancs d'âge mûr. Nous avons vu poindre progressivement une plus grande représentation des femmes, puis, très lentement, un plus grand nombre de femmes de couleur et maintenant de musulmanes. Vous êtes de véritables pionnières. Nous vous souhaitons tout ce qu'il y a de meilleur et nous sommes là pour vous appuyer.
Il ne fait aucun doute que cette représentation est importante aux yeux de nos enfants, et ce, même dans ses manifestations les plus simples. Ainsi, lorsqu'ils voient dans une publicité télévisée une femme portant le hijab, quel qu'en soit le motif, ils sont tellement heureux de voir que notre communauté est représentée. Ce sont des images que nous n'avions pas lorsque nous étions enfants. C'est une lourde responsabilité qui pèse sur vos épaules, mais nous sommes là pour vous soutenir et nous vous sommes extrêmement reconnaissantes d'avoir choisi cette carrière. C'est maintenant à vous qu'il incombe d'intervenir pour calmer le jeu lorsque cette haine s'envenime afin d'éviter qu'elle prenne encore plus d'ampleur.
Voilà qui est très bien dit.
Je tiens à remercier tous les témoins qui ont été avec nous aujourd'hui. C'est une étude importante que nous n'allons pas manquer de poursuivre, car il y a encore beaucoup à dire à ce sujet.
Je rappelle aux membres du Comité que nous allons discuter mardi de nos travaux à venir et du plan de travail pour cet important rapport. Plaît‑il maintenant aux membres du Comité que la séance soit levée?
Je vois de nombreux signes d'acquiescement.
Nous nous reverrons donc tous mardi. Bonne journée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication