AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 3 février 2003
¹ | 1540 |
Le président ( Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Section nationale du droit des autochtones de l'Association du Bareau canadien) |
M. Garth Wallbridge (président, Section nationale du droit des autochtones de l'Association du Barreau canadien) |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne) |
M. Garth Wallbridge |
¹ | 1550 |
M. Brian Pallister |
M. Garth Wallbridge |
M. Brian Pallister |
M. Garth Wallbridge |
M. Brian Pallister |
¹ | 1555 |
M. Garth Wallbridge |
M. Brian Pallister |
Mme Tamra Thomson |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
º | 1600 |
M. Garth Wallbridge |
M. Charles Hubbard |
M. Garth Wallbridge |
M. Charles Hubbard |
º | 1605 |
M. Garth Wallbridge |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Garth Wallbridge |
M. Brian Pallister |
Mme Tamra Thomson |
M. Brian Pallister |
M. Garth Wallbridge |
M. Brian Pallister |
M. Garth Wallbridge |
º | 1610 |
M. Brian Pallister |
M. Garth Wallbridge |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
M. Garth Wallbridge |
º | 1615 |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Garth Wallbridge |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Garth Wallbridge |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Garth Wallbridge |
Mme Tamra Thomson |
M. Garth Wallbridge |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le président |
M. Brian Pallister |
º | 1620 |
M. Garth Wallbridge |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Garth Wallbridge |
º | 1625 |
Le président |
M. Ron Bernard (membre du conseil, Algonquins de Pikwakanagan) |
Le président |
M. Ron Bernard |
Le président |
M. Ron Bernard |
º | 1630 |
º | 1635 |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Ron Bernard |
M. Brian Pallister |
Lisa Ozawaninke |
M. Brian Pallister |
º | 1640 |
Lisa Ozawaninke |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
M. Ron Bernard |
M. Pat Martin |
º | 1645 |
M. Ron Bernard |
M. Pat Martin |
M. Ron Bernard |
M. Pat Martin |
M. Ron Bernard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Lisa Ozawaninke |
M. Charles Hubbard |
M. Ron Bernard |
M. Charles Hubbard |
Lisa Ozawaninke |
º | 1650 |
M. Charles Hubbard |
Lisa Ozawaninke |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Ron Bernard |
Lisa Ozawaninke |
Le président |
º | 1655 |
M. Michael Kanentakeron Mitchell (directeur général, Centre for Nation Building) |
» | 1700 |
» | 1705 |
» | 1710 |
» | 1715 |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Michael Mitchell |
M. Pat Martin |
M. Michael Mitchell |
M. Pat Martin |
M. Michael Mitchell |
» | 1720 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Michael Mitchell |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
» | 1725 |
M. Michael Mitchell |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
M. Michael Mitchell |
» | 1730 |
Le président |
M. Michael Mitchell |
Le président |
M. Michael Mitchell |
Le président |
» | 1735 |
M. Michael Mitchell |
Le président |
M. Michael Mitchell |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 3 février 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1540)
[Traduction]
Le président ( Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à tous. Nous reprenons les délibérations sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Chers collègues, nous avons accepté de renoncer à l'autre salle parce que Marc Garneau est en ville pour prendre la parole devant un comité et il nous a paru important que la séance puisse être télévisée. Même si la nôtre est également importante, l'autre est une occasion qui ne se reproduira pas.
Je souhaite la bienvenue à la Section nationale du droit des Autochtones de l'Association du Barreau canadien, représentée par son président, M. Garth Wallbridge, ainsi que par Mme Tamra Thomson, directrice de la législation et de la réforme du droit. Je vous remercie énormément d'avoir accepté notre invitation. Veuillez faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions.
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Section nationale du droit des autochtones de l'Association du Bareau canadien): Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes très heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité au nom de la Section nationale du droit des autochtones de l'Association du Barreau canadien.
L'ABC est l'association nationale qui représente quelque 38 000 juristes de partout au pays. Deux de nos objectifs premiers sont l'amélioration du droit et l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous comparaissons devant vous aujourd'hui et que nous avons préparé le mémoire que vous avez entre les mains. Même s'il s'agit de la position de la Section nationale du droit des Autochtones—celle qui a analysé le texte—, cette position repose en partie sur des résolutions de notre conseil national, qui est en quelque sorte le parlement de l'Association du Barreau canadien.
Après cette courte introduction, permettez-moi de demander à M. Wallbridge de discuter du fond du texte.
M. Garth Wallbridge (président, Section nationale du droit des autochtones de l'Association du Barreau canadien): Merci.
Mme Thomson vous a dit qui l'Association représente et comment le mémoire a été préparé. J'aimerais prendre quelques instants pour vous décrire la composition de la Section nationale du droit des Autochtones, qui a élaboré notre mémoire.
Elle compte près de 1 000 membres de toutes les provinces et de tous les territoires, répartis à peu près également entre Blancs et Autochtones. Parmi ceux qui ont directement travaillé sur le document se trouve un vaste échantillon de la profession juridique: avocats du gouvernement, professeurs de droit, avocats qui ont travaillé dans le secteur du droit autochtone, avocats commerciaux, et beaucoup d'autres. Moi-même, je suis Métis et j'exerce dans le domaine du droit commercial. Chacun de nous s'intéresse à la bonne gouvernance, aussi bien dans la communauté autochtone que dans l'ensemble du corps politique canadien.
Je signale tout cela pour bien montrer que notre mode de fonctionnement repose sur de larges assises, qu'il est ouvert, englobant et fait appel à la consultation, à la différence de la façon de fonctionner du gouvernement du Canada. Idéalement, le gouvernement devrait entendre tous ceux, particuliers ou associations, qui ont un intérêt dans ce projet de loi et en seront touchés. D'après ce que nous avons entendu dans les médias, au moins un groupe important a refusé de participer. Nous admettons que le gouvernement du Canada n'a pas le pouvoir de forcer l'Assemblée des Premières nations à participer et même si nous soupçonnons sans en avoir l'assurance que des machinations politiques se trament, nous imaginons que sans la participation de l'APN, le texte final sera bancal. Je le déplore. Nous ne blâmons pas le gouvernement du fait que l'APN est absente. Nous le signalons uniquement pour montrer que le produit final sera forcément incomplet sans l'avis d'une association qui représente autant de Premières nations du pays. Sans elles, le texte ne sera pas ce qu'il aurait pu être pour faire progresser le pays dans ce domaine crucial. Les relations entre le gouvernement du Canada et les Premières nations touchent tous les citoyens. Il est de l'intérêt de chaque Canadien que les relations entre ces deux entités soient harmonieuses. Le texte ne favorise pas l'amélioration des relations et l'absence de l'APN l'illustre bien. L'ABC, je le souligne, n'est pas le porte-parole de l'APN, ni de tout autre groupe autochtone. Nous sommes les défenseurs du droit et de la justice de qualité.
Comme Mme Thomson l'a dit au début, les objectifs premiers de l'ABC sont d'améliorer le droit et l'administration de la justice. C'est pour cette raison que nous demandons le retrait de ce projet de loi. Nous sommes des réalistes. Il faudrait que le nouveau texte porte sur l'autonomie gouvernementale. À notre avis, dans une grande mesure, ce texte se contente de modifier l'emprise et l'autorité qu'exerce depuis plus de 100 ans le gouvernement du Canada sur les Premières nations au moment où celles-ci répètent avec force qu'elles n'acceptent plus d'être menées par le cabinet du ministre des Affaires indiennes. Un grand nombre de Canadiens de toutes races nous approuvent quand nous réclamons un partenariat de gouvernance avec le gouvernement du Canada. Les grands pays, les pays qui sont bien gouvernés, reposent sur des partenariats efficaces entre populations diverses. Lorsque le partenaire fort domine le partenaire faible, la méfiance naît, une méfiance qui empêche des intervenants majeurs de participer. C'est de mauvais augure pour le pays.
¹ (1545)
Avec le plus grand respect, nous demandons au comité de recommander le retrait du projet de loi. Nous sommes évidemment disposés à proposer une solution de rechange sous forme d'amendements en profondeur du texte, mais cette option est loin d'être notre premier choix. Notre mémoire formule neuf recommandations de changements qui sont à notre avis conformes avec les réalités de la gouvernance des Premières nations et marquent l'abandon du colonialisme que trahit le projet de loi. Chacune des neufs recommandations doit être adoptée si l'on veut que le projet de loi instaure une gouvernance de qualité efficace au sein des Premières nations et entre elles. Ce n'est pas le point de départ de négociations car ce n'est pas là le rôle de l'ABC. Nous souhaitons de meilleures lois—de fait, les meilleures—pour la bonne gouvernance de toute la population du Canada. Les neuf recommandations sont tout aussi importantes les unes que les autres.
Nous vous remercions de nous avoir permis de vous les présenter ainsi que notre principale recommandation qui est de retirer le projet de loi. Nous sommes disposés à répondre à vos questions sur le retrait du projet de loi ou sur nos neuf recommandations d'amendements, dont vous trouverez le résumé dans les deux langues à la fin du mémoire.
Le président: Merci.
Le comité pourrait sans doute adresser une résolution à la Chambre recommandant le retrait du projet de loi, mais le mode de fonctionnement du comité est d'examiner les articles un à un et de les accepter ou de les rejeter à l'issue d'un vote. Éliminer le projet de loi signifie qu'il faudrait voter contre la totalité des 59 articles. L'un d'eux prévoit qu'il doit y avoir au moins une réunion par année—comment peut-on être contre? Il faut donc être réaliste. Le comité va suivre sa méthode de travail en lui accordant l'attention qu'elle mérite car c'est très important, mais nous allons nous retrouver dans une de ces salles pour procéder à l'examen de chaque article. Nous devons compter sur les connaissances de tous pour améliorer ce dont nous sommes saisis avant de renvoyer le texte à la Chambre. C'est la fonction du comité et pour cela nous avons besoin de votre aide.
Monsieur Pallister, vous disposez de neuf minutes.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Merci de votre exposé. Je vous remercie d'avoir pris la peine de venir.
Je ne veux pas me montrer injuste à l'endroit de votre mémoire, parce que je ne l'ai pas lu en entier, mais dans votre recommandation no 5 vous dites que nous devons tenir compte du fait que les dispositions doivent «être assez flexibles pour s'adapter aux structures et aux pratiques traditionnelles des Premières nations» puis, à la recommandation no 8, vous dites que nous devons respecter «les droits à l'égalité des femmes autochtones», ce que ne font malheureusement pas certains arrangements adoptés par des bandes au fil des années. Comment peut-on faire les deux?
M. Garth Wallbridge: C'est une excellente question. L'idée nous a traversé l'esprit à nous aussi. La solution est d'abord de reconnaître que les usages traditionnels qui régissent les Premières nations ont beaucoup de mérite. Je ne suis pas convaincu que le projet de loi l'admette puisqu'il exige que les divers codes soient élaborés dans un délai donné, peut-être trop court. S'ils ne le sont pas, ils seront imposés aux Premières nations.
Sachant qu'il existe des usages traditionnels de gouvernance qui n'accordent pas une place complète aux femmes, il faut concilier les deux types d'usages. Au bout du compte, j'imagine qu'il y aura une certaine coercition, des éléments ou des concepts du projet de loi qui empiéteront sur des formes traditionnelles de gouvernement, mais les cas devraient être le plus rare possible. C'est tout à fait le contraire dans le projet de loi sous sa forme actuelle. On pourrait difficilement imaginer davantage de choses imposées contraires aux usages traditionnels. Ce devrait être l'inverse tout en admettant que nous vivons dans un État doté d'une Charte des droits et des libertés où l'égalité est importante.
¹ (1550)
M. Brian Pallister: Oui, c'est très difficile. Nous respectons tous les modèles traditionnels de gouvernance qui ont donné d'excellents résultats pendant des siècles jusqu'à ce que l'on essaie d'en imposer d'autres; il faut aussi admettre toutefois que les modèles de gouvernance des siècles derniers ne prévoyaient pas l'ensemble des pouvoirs que l'on confère aujourd'hui aux gouvernements des bandes. Je ne suis pas le champion du projet de loi ministériel mais je dis seulement—et j'aimerais connaître votre réaction—que le gouvernement souhaite appliquer certaines normes dans certaines catégories, certains principes, régler certaines questions qui ne l'étaient pas forcément dans les formes de gouvernance traditionnelles. Vous dites que nous pouvons concilier les deux. Je sais que la réponse n'est pas facile—et vous aussi—mais qu'en pensez-vous?
M. Garth Wallbridge: Encore une fois, monsieur Pallister, je vous dirais qu'il faut procéder en empiétant le moins possible sur les méthodes et façons de faire traditionnelles. C'est l'objectif et je pense que cela serait efficace.
M. Brian Pallister: D'accord. Pourquoi? Nos méthodes traditionnelles de gouvernement, par exemple, celles d'Europe occidentale, étaient loin d'être idéales. Elles ont évolué constamment, pas aussi rapidement que certains d'entre nous l'auraient voulu, mais elles ont quand même progressé. Pourquoi alors faudrait-il hésiter à suggérer que certaines questions précises soient réglées, comme les droits à l'égalité des femmes ou donner les pleins droits à tous les membres de la bande pour qu'ils puissent voter ou avoir connaissance des dossiers financiers, ce genre de choses, uniquement parce que ces questions n'étaient pas mentionnées dans la gouvernance traditionnelle? Vous dites qu'il faut être sensible; moi, je crains que l'on soit frileux au point d'avoir peur de relever les normes, les exigences et les protections des citoyens autochtones au risque d'offenser quelqu'un.
M. Garth Wallbridge: Je ne dirais pas que l'on craint d'offenser qui que ce soit. Nous disons plutôt qu'il doit s'agir de respect dans la reconnaissance de l'article 35 de la Loi constitutionnelle et des autres articles de la Charte des droits relatifs à l'égalité. Par exemple, le texte actuel est quasi muet sur la situation des Autochtones en milieu urbain. C'est une grave lacune quand on sait que 25 p. 100 de la population autochtone vit aujourd'hui en ville. Or, voici une loi à l'étude au Parlement qui nie cette réalité: 25 p. 100 de la population autochtone ne sera pas visée par cette loi, sinon négativement en étant exclue. Englobons-les et reconnaissons du même coup que les droits à l'égalité, comme nous en convenons tous, sont prédominants. Ils doivent être pris en compte, mais sans dire qu'il faut craindre quoi que ce soit, je dirais que le principe à suivre est celui du respect pour les formes traditionnelles de gouvernement.
M. Brian Pallister: Je vous remercie de vos observations.
Une partie de la difficulté pour nous tous, c'est que pour les Autochtones d'aujourd'hui, ceux vivant dans les réserves particulièrement, le modèle de gouvernance n'est pas traditionnel du tout et résulte de l'imposition de la Loi sur les Indiens. Le pouvoir est donc centralisé entre les mains des chefs et des conseils dont la plupart, mais pas tous, font un travail magnifique malgré d'immenses difficultés. Voici donc un environnement créé de toutes pièces où une autorité et un pouvoir décisionnel démesurés reposent à un seul endroit, ce qui n'était pas le cas dans la plupart des collectivités autochtones du pays il y a des siècles. Pas du tout. Il faut donc progresser à partir de la situation d'aujourd'hui en reconnaissant que la décentralisation du pouvoir et des individus puissants composaient les communautés autochtones d'autrefois, ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui dans un trop grand nombre de collectivités.
Nous sommes donc aux prises avec une difficulté réelle ici. Ce qui m'inquiète beaucoup dans ce projet de loi, c'est qu'il centralise davantage le pouvoir, les décisions ainsi que les responsabilités policières et de redressement entre les mains d'une poignée de gens. Le texte ne rétablit en rien l'équilibre qui existait dans les collectivités autochtones. Pourriez-vous nous en parler? Comment allons-nous régler ce petit problème?
¹ (1555)
M. Garth Wallbridge: Je ne sais pas si je connais suffisamment bien la gouvernance traditionnelle des Premières nations pour vous répondre. Il faut sans doute quelqu'un qui a des connaissances de première main et qui appartient à une collectivité autochtone, ce qui n'est pas mon cas; au sein de la Section nationale du droit des Autochtones, dans les discussions auxquelles j'ai participé en tous cas, nous n'avons malheureusement pas abordé ce point parce qu'il n'est pas abordé dans le projet de loi. C'est peut-être d'ailleurs en partie la source de votre inquiétude.
Le paysage est très différent aujourd'hui. Je viens des Prairies. La structure était très décentralisée. Le chef ne disait pas aux gens quoi faire, le chef n'était pas le chef, et les gens se déplaçaient. On a enfermé des gens sur un petit territoire, ce qui a changé radicalement la dynamique. Je tiens surtout à ce qu'on ne répète pas la même erreur, qu'on n'ajoute pas un autre niveau de pouvoir qui oppose les citoyens aux dirigeants parce que c'est un problème très grave.
M. Brian Pallister: C'est effectivement une des carences du projet de loi et c'est mentionné dans nos documents: non seulement on ne reconnaît pas les Autochtones en milieu urbain mais il y a aussi des groupes qui estiment être une Première nation qui n'entreront jamais dans ce cadre. Ils appartiennent peut-être à ce que le gouvernement du Canada estime être une Première nation, mais certains d'entre eux se sont regroupés tout seuls. Il y a tant de façons de constituer ces regroupements de Premières nations qu'une loi comme celle-ci ne correspondra jamais tout à fait à la situation.
Mme Thomson veut peut-être ajouter quelque chose sur ce point.
Mme Tamra Thomson: J'ajouterais que tout modèle de gouvernance, même une forme traditionnelle, est une chose en évolution. À notre avis, cette évolution devrait être reconnue dans le projet de loi. Par exemple, les regroupements de collectivités hors réserve devraient pouvoir se doter eux-mêmes d'un modèle de gouvernance reconnu par le projet de loi.
Le président: Monsieur Hubbard, vous avez sept minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci.
Il y a tellement de termes ici, c'est parfois difficile. La première recommandation porte sur les peuples des Premières nations ne vivant pas dans des réserves alors que le texte porte sans doute surtout sur ceux qui habitent dans les réserves, qui y sont associés et qui bénéficient de certains privilèges et droits du fait de leur association avec les terres réservées pour leurs bandes. Quand vous faites cette recommandation, comment envisagez-vous son fonctionnement dans la pratique? Par exemple, à Toronto, il y a beaucoup d'Autochtones, tout comme à Regina, Winnipeg ou Vancouver. Lorsqu'ils quittent la réserve, il y a des représentants de diverses bandes indiennes partout dans l'Ouest ou en Ontario. Dites-vous qu'il faudrait créer une autre bande? Est-ce que ce serait un amalgame de gens provenant de divers groupes? À votre avis, comment le comité devrait-il traiter la population hors réserve?
º (1600)
M. Garth Wallbridge: L'ABC estime que ce n'est pas à elle de le définir. Nous respectons plutôt le droit des populations autochtones de le faire. Je vois ce que vous voulez dire. J'ai souvent dit que la collectivité autochtone la plus importante des Territoires du Nord-Ouest, c'est Yellowknife, que la plupart des gens estiment être une collectivité blanche. Il y a plus de Métis et d'Autochtones dans cette communauté... Si j'essayais de vous répondre uniquement en fonction de la communauté que je connais, comme Métis, je ne suis pas sûr de pouvoir parler pour les Inuits, les Inuvialuits, les Dénés et les Métis qui y habitent s'ils décidaient de se regrouper.
Je ne cherche pas à être évasif, mais c'est très difficile pour moi parce que je pense qu'il leur appartient à eux de donner une définition. Si vous me demandez, après que je vous ai dit que je ne veux marcher sur les pieds de personne, comment cela pourrait se faire—si je pensais pouvoir vous répondre—je vous dirais que pour tous ceux qui veulent former un regroupement, pas un gouvernement en soi, mais une entité quelconque—je pense qu'on a employé l'expression «institution de gouvernance», ce qui n'est peut-être qu'une formule—il devrait y avoir un mécanisme qui leur permettrait de le faire. Pour moi, l'autonomie gouvernementale n'a pas forcément à être liée à une base territoriale. Si vous n'habitez pas en réserve, devez-vous forcément être dépouillé des autres droits qui vous reviennent comme citoyen du Canada et citoyen d'une Première nation? Non, mais telle est la réalité de l'histoire et c'est ce que ce texte maintient en place. Il prive de leurs droits près du quart de la population autochtone, ce qu'il faudra bien corriger un jour, et à notre avis ce jour est venu.
M. Charles Hubbard: Je suis très étonné que vous recommandiez de retirer ce projet de loi. C'est la deuxième ou troisième fois dans les dix dernières années que nous essayons de rénover la Loi sur les Indiens, un texte archaïque. Chaque bande ou Première nation devra faire face à cette situation juridique. au Nouveau-Brunswick, un bon nombre d'Autochtones ont un diplôme et il y en a un qui est même juge. Ils ont achevé divers niveaux d'instruction dans leurs collectivités. Y en aura-t-il suffisamment pour conseiller les quelque 600 différentes bandes qui seraient appelées à codifier leur mode de gouvernance? Y en a-t-il assez ou faudra-t-il s'adresser à l'extérieur? Comme votre groupe pourra-t-il collaborer?
M. Garth Wallbridge: C'est une inquiétude très réelle. Dans notre recommandation numéro 6, nous invoquons le fait que certaines bandes—et pas forcément les plus petites, même si c'est le plus souvent le cas—n'ont tout simplement pas les moyens financiers et humains de concevoir ces codes. Nous nous attendons donc à ce que, par défaut, les codes prévus dans la loi seront imposés et il se peut qu'ils ne servent les intérêts de personne. Les habitants de la collectivité diront que leur façon de procéder traditionnelle est préférable mais que n'étant à peine que 50, 100 ou 200, ils n'ont pas les ressources financières et humaines pour le faire.
C'est pourquoi notre recommandation numéro 6 veut que le projet de loi prévoie une aide financière pour permettre aux bandes qui n'en ont pas les moyens de s'adresser à d'autres et d'obtenir des fonds du gouvernement canadien pour retenir les services des gens dont elles ont besoin. Cela pourrait être quelqu'un d'une collectivité voisine qui vient de terminer le processus. Il y a toutes sortes de possibilités.
M. Charles Hubbard: Y a-t-il suffisamment de gens qui connaissent assez bien la culture et les usages des Premières nations et qui peuvent répondre à toutes nos exigences juridiques?
º (1605)
M. Garth Wallbridge: Je serai optimiste et je vous dirai que oui.
M. Charles Hubbard: D'accord.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Pallister, vous avez cinq minutes.
M. Brian Pallister: Merci.
L'idée que les bandes aient la capacité juridique vous plaît et vous dites dans votre mémoire que la certitude juridique administrative serait très positive et que «les lacunes actuelles dans la capacité juridique des bandes entraînent des occasions perdues ou des délais importants quant à l'obtention de financement adéquat ou à l'engagement commercial». Vous voyez donc des avantages à ce que la bande fasse l'objet d'une définition juridique. Nous avons entre les mains le texte en entier et nous pouvons recommander tout ce que nous voulons. Vous connaissez sans doute l'article 89 de la Loi qui interdit au chef d'une petite entreprise de saisir pour défaut de paiement un bien situé à l'extérieur d'une réserve et appartenant à un membre de la bande. Si vous trouvez avantageux de redéfinir la capacité juridique des bandes, il serait sans doute sensé d'en faire autant pour celles des membres de la bande pris individuellement pour qu'ils aient les mêmes obligations financières que les autres citoyens. Actuellement, à cause de l'article 89, un Indien inscrit qui a une petite affaire et qui me fait concurrence peut aller sur une réserve et saisir un bien pour défaut de paiement mais moi, qui ne suis pas Indien inscrit, je ne le peux pas, ce qui, pour être honnête, empêche les Autochtones d'obtenir du crédit et de commercer librement, des droits que nous tenons pour acquis. Estimez-vous que l'article 89 devrait être débattu ou même abrogé?
M. Garth Wallbridge: Désolé, les documents que nous avons sous les yeux ne semblent pas comporter d'article 89.
M. Brian Pallister: Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous faire parvenir une opinion à ce sujet.
Mme Tamra Thomson: Nous n'arrivons pas à trouver l'article 89.
M. Brian Pallister: Comme je l'ai dit, l'article 89 interdit essentiellement la reprise de possession auprès d'un particulier de biens meubles qui sont vendus à une Première nation.
M. Garth Wallbridge: En tant qu'avocat spécialisé en droit commercial, je peux vous dire que cela crée toutes sortes d'obstacles pour un membre d'une Première nation qui voudrait faire ce que vous ou moi pourrions faire lorsqu'il s'agit d'offrir un nantissement.
M. Brian Pallister: Obtenir du crédit, obtenir du financement, c'est une question dont beaucoup de membres des Premières nations m'ont parlé. Je vais maintenant passer à autre chose.
Je tiens simplement à préciser que j'appuie votre observation selon laquelle nous ne pouvons pas examiner les codes des bandes par défaut. J'estime qu'il est important que nous puissions les examiner parce qu'ils sont très pertinents. Les Premières nations seront obligées de se conformer à ces codes par défaut, si le délai de deux ans n'est pas suffisant, et à propos duquel j'aimerais connaître vos commentaires. C'est une préoccupation qui m'a été communiquée par un grand nombre de membres de Premières nations. Ils ont deux ans pour élaborer les codes sur les questions que nous leur présentons, et un grand nombre de membres ne disposent pas d'énormément de ressources. Étant donné que le rapport de la vérificatrice générale indique qu'elles doivent remplir 158 formulaires par année, elles ont déjà beaucoup de pain sur la planche. Maintenant nous leur demandons en deux ans de trouver une solution à toutes ces diverses questions, sinon on leur imposera un code par défaut, et nous ignorons en quoi il consiste. Pourriez-vous simplement nous indiquer ce que vous en pensez?
M. Garth Wallbridge: Notre recommandation 7 indique que le ministre devrait avoir le pouvoir—qui serait d'ailleurs facile à obtenir—de renoncer à l'application de ce délai de deux ans. Je conviens avec vous, et l'ABC aussi, que ce délai de deux ans ne sera tout simplement pas suffisant pour permettre à un grand nombre et même à la majorité des bandes de s'y conformer, donc elles se verront imposer les codes par défaut. C'est une tout autre question. Comme vous l'avez dit, c'est une question importante; nous n'avons pas encore pris connaissance de ces codes.
M. Brian Pallister: Les bandes n'en ont pas pris connaissance.
M. Garth Wallbridge: C'est exact. Nous ne pouvons que supposer qu'ils seront utiles, qu'ils auront fait l'objet d'une réflexion approfondie, mais étant donné qu'ils ne sont pas disponibles pour l'instant et que l'on sait qu'ils seront pris par voie de règlements lesquels, comme nous le savons tous, peuvent être modifiés par le ministre en tout temps... Cela présente de grands avantages mais parallèlement comme il s'agira effectivement de codes qui régiront un grand nombre de bandes peut-être, nous devrions pouvoir en prendre connaissance maintenant. Pour être en mesure d'analyser pleinement ce projet de loi, nous devrions savoir ce qui se produira si une bande ne parvient pas à établir ses propres codes.
º (1610)
M. Brian Pallister: Vous faites allusion ici à une position sur laquelle mes collègues savent que nous sommes revenus à plusieurs reprises, à savoir que nous considérons qu'un ombudsman nommé par un chef n'est pas un mécanisme de redressement efficace. D'après ce que j'ai pu constater, votre rapport ne parle pas de la question des agents de la bande. Cette question a été soulevée dans un grand nombre de consultations que nous avons réussi à tenir avec les membres des Premières nations. Ils considèrent qu'il pourrait être très dangereux qu'un agent de la bande soit nommé par un chef et qu'il serait difficile d'établir l'indépendance voulue des fonctions d'agent de la bande, de se débarrasser de l'aspect politique parce que les agents de la bande se trouveraient constamment à subir une influence politique dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions. Partagez-vous cette préoccupation?
M. Garth Wallbridge: Tout à fait. Il faut qu'un ombudsman soit considéré acceptable par ceux sur lesquels il exercera un pouvoir décisionnaire. Il faut qu'il soit accepté par la majorité des gens et que l'on reconnaisse qu'une fois une décision prise, il faut y donner suite. Je ne veux pas individualiser cette question, mais j'étais auparavant médiateur des loyers pour les Territoires du Nord-Ouest, et il ne fait aucun doute que l'acceptation de la part de tous les principaux intéressés est indispensable pour qu'un poste comme celui d'ombudsman soit efficace. Assurer l'exécution de ce type de pouvoir décisionnaire lorsque le projet de loi renferme déjà tant de dispositions dures à avaler et inacceptables ne fait qu'aggraver le problème. Je n'ai pas de solution facile à offrir, mais cela va poser problème. Je ne veux pas dire que c'est ce que ferait un comité parlementaire, mais dans le cadre de mon travail en tant qu'avocat, j'entends trop souvent dire que c'est le rôle des tribunaux, mais c'est une excuse facile, parce qu'il s'agit d'un processus coûteux et laborieux. Je suis sûr que vous voulez mener cette entreprise à bien dès la première fois, sans avoir même à penser qu'il faudra faire appel aux tribunaux pour régler la question.
Le président: Je vous remercie.
Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
À la recommandation 2, vous indiquez qu'il faudrait prévoir une clause de non-dérogation, et cette question a été soulevée par certains autres témoins. Habituellement, une clause de non-dérogation—et corrigez-moi si je me trompe—tâche de combiner ce que vous proposez aux recommandations 2 et 4. Si nous avions une clause de non-dérogation qui prévoyait aussi qu'on ne limiterait ni n'abrogerait le droit de la Première nation, croyez-vous que cela donnerait suite à vos recommandations 2 et 4?
Pour revenir à la recommandation 2, je ne comprends pas très bien pourquoi vous avez inclus la phrase «assurer la négociation d'ententes portant sur l'autonomie gouvernementale», parce que je croyais que dans l'article portant sur l'objet de la loi, nous avions déjà déclaré qu'il s'agissait d'une mesure provisoire en attendant la négociation et la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
La dernière phrase de la recommandation 3 indique «la LGPN ne s'applique plus à une Première nation détenant une entente». Compte tenu des différents accords sur des revendications territoriales auxquels j'ai eu le plaisir de travailler dans le cadre du présent comité, je croyais que nous incluions toujours ce genre de disposition dans le projet de loi. Je croyais que nous y avions donné suite en incluant un paragraphe prévoyant qu'aucune autre loi ne prévaudra sur celle-ci. Prenons par exemple l'accord de revendication territoriale du Nunavut. Nous avons déclaré que les accords de revendications territoriales l'emporteraient sur toute autre loi. Ne préféreriez-vous pas l'inclure dans l'autre loi qui reconnaît cet accord de revendication territoriale?
M. Garth Wallbridge: Les rédacteurs de lois sont très vigilants à cet égard, mais de façon générale, un texte de loi fédéral ne peut pas en soi prétendre, d'après ce que je crois comprendre de la situation, écarter complètement un autre texte de loi. Cet autre texte de loi doit explicitement prévoir que dans certaines circonstances cette loi ne s'appliquera pas. Il faudrait que je m'en remette aux connaissances d'un constitutionnaliste ou d'un rédacteur de loi, mais je dirais qu'il est préférable que les deux textes de loi traitent de la question de façon à ce qu'il n'y ait aucune incertitude. Il y a certainement des affaire qui ont été portées jusqu'à la Cour suprême du Canada où je suppose qu'on faisait valoir que l'on pensait que c'était le cas étant donné que nous l'avions inscrit dans un texte de loi, mais que quelqu'un d'autre aurait alors soutenu que l'autre texte de loi ne permettait pas précisément ce genre de chose.
Je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question.
º (1615)
Mme Nancy Karetak-Lindell: Cela crée un élément d'incertitude, comme dans le cas du traité Nisga'a, de l'accord de revendication territoriale. Quelle est votre interprétation et quelle est votre recommandation à propos d'autres textes de loi qui ont déjà été adoptés parce qu'on disait que leur accord l'emportait?
M. Garth Wallbridge: Oui, leur accord devrait l'emporter. S'il s'agit d'un accord qui est déjà en vigueur, il est tout à fait impossible qu'un texte de loi plus récent puisse modifier un accord de revendication territoriale étant donné que les accords sur des revendications territoriales sont des traités contemporains en vertu de la Constitution qui ne sont pas assujettis à ces changements.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Donc vous faites allusion aux anciens accords lorsque vous dites «ne s'appliquent plus à une Première nation détenant une entente»? J'ai peut-être mal compris cette partie de votre recommandation 3.
M. Garth Wallbridge: Je crois que dans de nombreux cas—probablement dans chaque cas—cette loi en particulier n'aura aucune incidence sur un accord conclu et en vigueur.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je suis complètement perdue maintenant parce que je pensais qu'à la recommandation 3 vous vouliez que cette loi ne s'applique pas.
M. Garth Wallbridge: Je laisserai Mme Thomson répondre à votre question. Elle pourra peut-être vous apporter un peu plus d'éclaircissement.
Mme Tamra Thomson: Je pense qu'il s'agit simplement d'une question de sémantique. Dans la recommandation 3, le libellé porte sur les prochaines ententes d'autonomie gouvernementale. Vous parlez de celles qui sont déjà négociées. Si vous interprétez que la recommandation 3 s'applique à toute autre entente finale d'autonomie gouvernementale, dans l'avenir ou par le passé, le projet de loi ne s'appliquerait pas aux ententes déjà négociées ou aux ententes négociées à l'avenir.
M. Garth Wallbridge: La première partie de la recommandation 3 traite implicitement des futurs codes négociés qui seront adoptés. Je crois qu'il est important que nous prenions la deuxième partie de la recommandation 3, en reconnaissant la première partie de la recommandation 3, qui dit que si vous voulez établir de nouveaux codes, ces nouveaux codes devraient tenir compte du fait que le projet de loi ne s'appliquera à aucune entente conclue existante.
J'aimerais si vous me le permettez proposer que vous preniez un peu de temps pour lire la documentation que nous avons présentée concernant cette recommandation. En fait, Mme Thomson, qui s'occupe de ce genre de choses assez régulièrement, pourrait peut-être vous répondre par écrit pour vous apporter un peu plus d'éclaircissement de façon à vous rassurer. Nous ne voulons absolument pas jeter la confusion dans votre esprit. Nous aimerions prendre le temps pour vous aider à comprendre ce dont il s'agit. Je crois que nous ne faisons que tourner en rond maintenant sans y parvenir.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Je vous remercie.
Le président: Monsieur Pallister, trois minutes.
M. Brian Pallister: Vous avez mentionné que les petites bandes pourraient bénéficier de l'aide d'un fonctionnaire électoral qui serait responsable des détails de la tenue d'une élection. Je me demande si vous devriez limiter cette aide aux petites bandes, parce que beaucoup de bandes m'ont dit que cela pourrait leur être utile. Mais j'apprécie cette observation car à mon avis elle traduit la proposition faite par le Directeur général des élections, à savoir que la loi n'a pas correctement abordé certains aspects de la planification des élections, entre autres. Je crois que ce serait l'occasion d'apporter des amendements.
Je vous suis aussi reconnaissant d'avoir abordé la question des ressources. C'est un élément important qui revient souvent dans un grand nombre de nos réunions avec les représentants des Premières nations. Elles considèrent que ces exigences représentent un fardeau et elles ne sont pas sûres que le gouvernement se soit engagé à mettre des ressources à leur disposition pour la mise en oeuvre d'un grand nombre de ces exigences.
J'aimerais aborder la recommandation 9, où vous dites, «L'article 34 devrait exiger que l'accord d'une bande soit obtenu avant que le gouvernement en conseil prenne la décision de soustraire la bande à l'application de la LGPN». Cela semble à première vue une demande très raisonnable, mais j'ai une réserve. Certains de mes amis au Manitoba essaient de négocier des modalités d'autonomie gouvernementale depuis peut-être 10 ans. Alors, que met-on sur pied? Certains aspects de cette loi imposent des exigences auxquelles de nombreuses bandes satisfont déjà et même plus, entre autres la préparation d'états financiers et l'accessibilité à ces états. Que proposez-vous de faire si ces négociations se poursuivent pendant 10 ou 20 ans de plus? Que proposeriez-vous alors, que la LGPN ne s'applique pas?
º (1620)
M. Garth Wallbridge: Lorsque l'on fait preuve de bonne foi et que toutes les parties reconnaissent que l'on agit de bonne foi, si les négociations s'éternisent, uniquement en raison de la complexité de ces négociations, je crois qu'il est possible pour les parties, et par partie j'entends un partenariat entre les deux paliers de gouvernement, de suspendre l'application de la LGPN pendant peut-être 10 ou 20 ans. Je suppose que cela pourrait être autorisé dans au moins deux situations. D'une part, comme je l'ai déjà indiqué, il s'agirait de négociations de bonne foi, d'autre part que les processus en vigueur dans la réserve en question fonctionnent maintenant et qu'il n'est donc pas nécessaire d'élaborer immédiatement des codes électoraux ou administratifs et que nous n'en avons pas vraiment besoin parce que le système en place fonctionne. À l'heure actuelle, je ne crois pas que la loi permette au ministre d'autoriser qu'on ne tienne pas compte des délais. C'est tout ce que nous disons. Prévoyons un peu plus de souplesse.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Vous êtes des avocats et les codes sont d'une grande importance. Je sais que vous préféreriez qu'on s'en débarrasse, mais certains de vos membres doivent considérer cela comme un défi énorme, une occasion à saisir et à développer. Un grand nombre de bandes ont fonctionné sans codes, sans lois écrites, depuis bien longtemps. J'espère, monsieur le président, que votre séance d'aujourd'hui aura incité certains membres de leur association à penser à leurs compatriotes, à tâcher de développer les coutumes, les cultures, les antécédents et ainsi de suite de sorte à pouvoir préparer des codes que les membres des Premières nations considéreront acceptables. C'est tout un défi.
Le président: Nous avons le temps d'entendre les observations finales. Auparavant, je tiens à vous remercier d'avoir comparu devant nous. Les renseignements que vous nous avez communiqués à titre d'experts seront très utiles au comité, et nous ne manquerons pas d'en tenir compte.
Vous avez environ cinq minutes.
M. Garth Wallbridge: J'aimerais, à mon tour, remercier le comité de nous avoir offert l'occasion de prendre la parole devant lui. Je tiens à préciser au comité que même si nous avons comparu ici aujourd'hui et préparé ce mémoire écrit, nous restons à sa disposition. Lorsque nous disons que nous représentons 38 000 juristes au pays, cela représente environ les deux tiers de l'ensemble de la profession. La plupart de ces membres participent à titre bénévole et versent leurs cotisations annuelles et j'aime croire que cela témoigne de l'efficacité de notre organisation, et nous tenons à mettre nos ressources à votre disposition. J'ai déjà proposé qu'en ce qui concerne une question, Mme Thomson prépare une réponse et la remette au comité, donc cela a été versé au compte rendu. Si vous avez par la suite d'autres questions, n'hésitez pas à faire appel à nous.
º (1625)
Le président Merci beaucoup.
Nous accueillons maintenant Ron Bernard, membre du conseil des Algonquins de Pikwakanagan. Nous vous invitons à faire votre exposé. Vous voudrez peut-être nous présenter les collègues qui vous accompagnent. Après votre exposé, nous passerons aux questions.
M. Ron Bernard (membre du conseil, Algonquins de Pikwakanagan): Je vous remercie, monsieur le président.
Nous avons apporté les 25 exemplaires demandés de notre mémoire, et nous les remettrons à la greffière.
Je suis accompagné de ma collègue, Lisa Ozawaninke, chef des Algonquins de Pikwakanagan.
Le président Je vous souhaite la bienvenue.
Je tiens à mentionner que les exemplaires de votre mémoire ne sont pas dans les deux langues officielles et que par conséquent nous ne pouvons pas les distribuer. Il sera traduit, et les membres en recevront un exemplaire à une date ultérieure. Nous compterons donc sur vous à cet égard.
M. Ron Bernard: Je tiens à m'excuser de ne pas avoir fourni ces exemplaires dans les deux langues officielles. Comme nous n'avons pas eu beaucoup de temps, il nous a été impossible de le faire.
Le président Je comprends. Vous n'avez pas eu beaucoup de temps.
M. Ron Bernard: Je vous remercie.
Monsieur le président, membres du comité, je fais cet exposé au Comité parlementaire permanent des affaires autochtones au nom de notre peuple, les Algonquins de Pikwakanagan. La Loi sur la gouvernance des Premières nations est inacceptable pour les membres des Premières nations parce qu'elle nuit à la souveraineté des Premières nations et aux droits issus de traités et ancestraux qui sont inhérents et protégés par la Constitution du Canada.
Toutes les parties conviennent que la Loi sur les Indiens est un important obstacle au changement, mais le projet de loi C-7 ne remplacera pas cette loi coloniale dépassée. La Loi sur les Indiens, y compris les problèmes permanents qu'elle cause, continuera de s'appliquer. Cela signifie que deux lois, en plus de prochaines lois, comme le projet de loi C-19, imposeront alors de façon unilatérale un contrôle supplémentaire sur les Premières nations. L'approche unilatérale adoptée par le gouvernement canadien en déposant le projet de loi C-7 est illégale et tous les Canadiens devraient être préoccupés par cette violation de leur Constitution.
Dans l'arrêt Delgamuukw qu'elle a rendu, la Cour suprême du Canada a déclaré:
... Ces droits visent à concilier l'occupation antérieure de l'Amérique du Nord par des sociétés autochtones distinctives avec l'affirmation de la souveraineté britannique sur le territoire du Canada... par conséquent, «le tribunal doit tenir compte du point de vue des Autochtones... [tout en tenant compte] de la common law» de sorte que «[l]a conciliation véritable accorde, également, de l'importance à chacun de ces éléments». |
La jurisprudence, comme l'opinion émise par la Cour suprême du Canada dans le «renvoi relatif à la Sécession du Québec» établit à qui les règles s'appliquent:
Le principe de la primauté du droit exige que les actes du gouvernement soient conformes aux droits, dont la Constitution. Notre Cour a souligné plusieurs fois que, dans une large mesure, l'adoption de la Charte avait fait passer le système canadien de gouvernement de la suprématie parlementaire à la suprématie constitutionnelle. La Constitution lie tous les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, y compris l'exécutif... Ils ne sauraient en transgresser les dispositions: en effet, leur seul droit à l'autorité qu'ils exercent résiste dans les pouvoirs que leur confère la Constitution. Cette autorité ne peut avoir d'autre source. |
Cet extrait de l'opinion exprimée par la Cour suprême du Canada est que ce n'est pas uniquement la Cour qui est liée par ces deux principes, mais aussi le Parlement et l'exécutif.
Le projet de loi C-7 autorise les Premières nations à élaborer des codes dans quelque domaine limité, par exemple pour la sélection des dirigeants, l'administration du gouvernement et la gestion financière, mais ces codes doivent se conformer à des critères normatifs stricts qui ne tiennent aucun compte de la diversité des Premières nations. Il s'agit d'une violation de notre droit à l'autonomie gouvernementale telle qu'elle est reconnue par la Constitution et la politique du gouvernement fédéral. D'un côté, le Canada continue de financer les négociations d'autonomie gouvernementale avec certaines Premières nations tandis que de l'autre, il prend des mesures unilatérales au moyen du projet de loi C-7 pour imposer une loi sur la gouvernance à l'ensemble des Premières nations. Nous n'avons pas besoin de gouvernance imposée par la loi, ce qui dans ce projet de loi n'équivaut à rien de plus qu'essayer de rafistoler la Loi sur les Indiens, une approche que critiquent vivement de nombreuses études, dont celle de la Commission royale d'enquête sur les peuples autochtones. Il faut que le Canada reconnaisse, accepte et mette en oeuvre les traités déjà signés et notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Le projet de loi ne laisse aux Premières nations que deux ans pour élaborer ces codes avant que le Canada impose l'utilisation des codes par défaut élaborés par le ministère des Affaires indiennes. De nombreuses collectivités des Premières nations ne disposent pas des ressources nécessaires pour établir des codes dans les délais impartis. Elles se verront donc imposer des codes par défaut uniformisés, ce qui ne fera que perpétuer les problèmes actuels et en créera des nouveaux.
º (1630)
Le projet de loi C-7 maintient, et dans certains cas, accroît le contrôle et le pouvoir qu'exerce le ministre des Affaires indiennes sur les Premières nations. Le ministre conservera des pouvoirs dans des domaines clés, comme celui des appels dans le cas des résultats d'élections. Le projet de loi C-7 crée de nouvelles dispositions législatives qui permettent au ministre d'intervenir dans les affaires financières des Premières nations. Le projet de loi C-7 confère au ministre un nouveau pouvoir de surveillance d'un registre national des lois des Premières nations. En ce qui concerne la gestion des registres des terres indiennes et du statut d'Indien, la feuille de route du gouvernement canadien est lamentable. Les rapports de vérification sans réserve effectués pendant plus de 20 années consécutives témoignent de la responsabilité financière dont font preuve les Algonquins de Pikwakanagan dans le cadre de l'administration des programmes.
Le projet de loi C-7 confère aux Premières nations des pouvoirs limités d'élaborer des règlements administratifs, mais renferme des dispositions insuffisantes en matière d'exécution. Les provinces canadiennes assureront-elles l'exécution de cette loi fédérale? Dans l'affirmative, sont-elles prêtes à assumer les dépenses supplémentaires que cela suppose sur les plans financier et judiciaire? Les provinces ont-elles été consultées?
Les règlements portant sur le projet de loi C-7 n'existent pas encore, pourtant le projet de loi fait allusion à maintes reprises à ces règlements. Par conséquent, ces règles sont très importantes et il est impossible de tenir un débat approprié sur la teneur du projet de loi sans ces règlements.
Malheureusement, le projet de loi n'exprime que le point de vue non autochtone de la gouvernance des Premières nations. La façon appropriée d'aborder le développement de l'autonomie gouvernementale consisterait à s'assurer que l'on concilie les points de vue des Premières nations et des Canadiens, et l'un ne peut prendre le pas sur l'autre.
Nous sommes ici pour nous opposer à l'adoption du projet de loi C-7 parce que nous considérons inacceptable le processus qui est utilisé. Il faut mettre fin à ce processus unilatéral et entamer un processus axé sur le partenariat. Ce projet de loi s'adresse précisément et uniquement aux membres des Premières nations. Le Comité permanent des affaires autochtones a-t-il prévu des audiences avec les collectivités des Premières nations? Nous sommes ici pour vous dire que nous ne pouvons pas accepter de loi écrite ou adoptée sans notre pleine participation. Nous revendiquons notre droit légal à une participation égale à l'élaboration de toute loi destinée à réglementer notre vie quotidienne.
Ceci met fin à notre exposé, monsieur le président. Je vous remercie.
º (1635)
Le président: Merci.
Monsieur Pallister, vous avez sept minutes.
M. Brian Pallister: Merci beaucoup, monsieur, pour votre exposé.
Vous avez signalé que le gouvernement fédéral affiche une feuille de route lamentable pour ce qui est de l'administration des registres des terres indiennes, entre autres. Dernièrement, leur administration d'un grand nombre de registres donne de piètres résultats, je crois; le registre des armes à feu en serait un exemple tout récent. Vous n'avez toutefois pas fait de commentaires sur les négociations très difficiles auxquelles ont participé de nombreuses bandes avec le gouvernement fédéral pendant une longue période de temps, et l'absence de progrès de ces négociations est un aspect, j'en suis sûr, que le ministre considérerait très frustrant. Mais je crois que sa frustration est probablement loin de se comparer avec celle qu'éprouvent de nombreux chefs des Premières nations. Par conséquent, êtes-vous en train de laisser entendre que ces négociations sont la voie à suivre, que le gouvernement fédéral devrait continuer à négocier avec les Premières nations en tant que partenaire pour établir des ententes d'autonomie gouvernementale, et que c'est là que l'on devrait concentrer les ressources?
M. Ron Bernard: S'il s'agit d'une participation égale, parce que nous voulons participer de façon importante et égale à l'élaboration de tout règlement qui influera sur nos vies.
M. Brian Pallister: Certainement.
M. Martin et moi sommes tous les deux du Manitoba, et dans la province, près de 90 p. 100 des consultations ont été tenues auprès de gens vivant hors réserve. Les membres des Premières nations vivant dans les réserves n'ont donc pas été consultés, en dépit du fait que la loi aura des conséquences plus lourdes sur eux que sur les autres Autochtones. On peut donc dire que dans notre région tout au moins, la consultation, sans aller jusqu'à dire qu'elle a été cavalière, n'a tout de même pas tenu compte de ceux qui vivent en milieu rural ou éloigné.
Notre responsabilité ici est très grave, car nous devons nous prononcer sur le bien-fondé de cette proposition, et ainsi que le rappelait le témoin précédent, malgré le fait que certains de nos membres aimeraient bien s'en laver les mains. J'aimerais donc vous poser quelques questions précises sur le sujet.
Bon nombre de membres des Premières nations, y compris leurs dirigeants, nous ont dit être préoccupés par la proposition voulant que le chef nomme un protecteur du citoyen ou ombudsman, ce qui les met dans une position de conflit d'intérêts virtuel. En effet, si le chef nomme le protecteur, ce dernier devra lui rendre des comptes et son autorité sera toujours remise en question. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de cela en tant que chef.
Lisa Ozawaninke: Je croyais que l'époque des agents des Indiens était révolue. Vous parlez d'autonomie gouvernementale et de progrès des Premières nations. Pourquoi dans ce cas voudrait-on retourner à l'époque reculée des agents, même sous le couvert d'un poste d'ombudsman? Ce dernier va quand même devoir rendre des comptes à quelqu'un. Il est vrai que les gouvernements autochtones sont jeunes, mais si vous regardez ce que nous avons fait, vous remarquez que nous avons énormément progressé depuis qu'on nous a confié le fonctionnement et l'administration de nos propres affaires.
M. Brian Pallister: C'est la même chose pour bon nombre de lois, n'est-ce pas? Elles sont censées s'appliquer également à tout le monde. Vous avez dit que cette proposition ne reconnaît pas la grande diversité canadienne. Aucun problème pour la bande qui n'a pas besoin d'ombudsman, mais le chef pour qui un système de freins et de contrepoids est nécessaire, le fait que ce chef nomme un ombudsman n'aura pas le moindre effet positif.
º (1640)
Lisa Ozawaninke: Notre bande, la Pikwakanagan, a fait l'objet de 21 rapports de vérification sans réserve. On nous a même félicités de l'excellence de notre gestion, et nous en sommes très fiers. Cela dit, nulle mention n'est faite de notre revendication territoriale qui englobe le territoire municipal d'Ottawa et couvre 8,5 millions d'acres, de Hawkesbury jusqu'à North Bay, y compris le parc Algonquin. Nous parlons de rapports fondés sur l'égalité et justement, nous demandons que la participation à cette revendication soit envisagée sur un pied d'égalité. Pour ma part, je me demande comment le gouvernement peut oser nous dire comment nous allons administrer nos propres affaires en vertu des lois qui régissent le reste de la société, alors que nous, les propriétaires légitimes de ces terres, où sont érigés les édifices du Parlement, n'avons pas reçu un seul cent de loyer. C'est pour cela que nous sommes en train de négocier avec le Canada et l'Ontario. Comment le Canada peut-il nous gouverner et nous imposer des lois quand lui-même s'est installé sur des terres qu'il n'a pas encore achetées?
Le président: Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je vous remercie beaucoup.
Je m'excuse de mon retard, mais je pense tout de même avoir saisi les grandes lignes de votre mémoire. Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui.
Le caucus du NPD que je représente collabore avec l'Assemblée des premières nations et divers autres organismes autochtones de notre pays qui s'opposent au projet de loi C-7, et je suis donc d'accord avec la plupart de vos remarques.
J'aimerais que vous me parliez, si vous ne l'avez déjà fait, d'un des aspects du projet de loi C-7 que nous jugeons alarmant, à savoir l'absence d'une disposition de non-dérogation. On ne trouve nulle part dans le texte l'assurance qu'on ne portera pas atteinte aux droits reconnus par traité ou par la Constitution. Estimez-vous qu'il devrait comporter une disposition de non-dérogation?
M. Ron Bernard: Il aurait certainement dû en comporter une, parce que les traités signés par le Canada et les Premières nations ont été conclus de nation à nation. Le terme même de traité désigne d'ailleurs une entente intervenant entre deux gouvernements, États ou souverains. Il est très décevant de constater que le Canada ne respecte pas bon nombre des dispositions inscrites dans les traités. J'estime donc qu'une disposition de ce genre devrait figurer dans le projet de loi.
M. Pat Martin: Je vous remercie. Je tenais simplement à vous l'entendre dire en comité.
Maintenant, au sujet des consultations tenues un peu partout dans notre pays, nombre de témoins et d'autres Autochtones que nous avons rencontrés nous ont affirmé qu'effectivement il n'y avait pas eu de véritable consultation, mais qu'en outre, ceux qui étaient disposés à participer étaient récompensés d'une façon ou d'une autre, tandis que ceux qui refusaient étaient punis, soit sous forme de mise en tutelle de leur bande ou de réduction de leur soutien gouvernemental. Avez-vous entendu parler de circonstances où on s'en est pris ainsi à certaines Premières nations parce qu'elles avaient refusé de donner leur aval au projet de loi C-7 ou ne s'étaient pas montrées d'accord avec le ministre?
º (1645)
M. Ron Bernard: Le seul exemple qui me vient à l'esprit spontanément est celui de la Première nation Pikangikum—
M. Pat Martin: Oui, dans la propre circonscription du ministre.
M. Ron Bernard: ...dans l'ouest de l'Ontario. Elle l'a toutefois emporté sur le Canada dans ce contentieux, mais le ministre refuse de mettre en oeuvre le jugement du tribunal.
M. Pat Martin: Je me suis rendu dans cette nation. Le tribunal a effectivement ordonné que les mesures punitives soient annulées. C'est un très bon exemple. Je vous en remercie.
De l'avis plutôt général, le projet de loi C-7 incarne une démarche très eurocentrique et colonialiste face au besoin de modifier la Loi sur les Indiens. Or il a toujours été entendu que pour amender la Loi sur les Indiens, il fallait tenir de très vastes consultations. On a même donné des définitions juridiques de ce qu'on entend par de vastes consultations. À votre avis, est-ce que les consultations tenues un peu partout au pays et qui ont coûté 10 millions de dollars ont été satisfaisantes? Les Premières nations ont-elles vraiment participé à l'élaboration du contenu du projet de loi C-7, grâce aux consultations?
M. Ron Bernard: Je pense que pour le Canada, une consultation se résume surtout à renseigner les gens au moyen d'un questionnaire. À nos yeux, il ne s'agit donc pas vraiment d'une consultation. Nous estimons qu'il reste encore à nous donner vraiment voix au chapitre lorsqu'il s'agit d'élaborer un projet de loi qui porte sur nous. Nous ne voulons pas remplir un questionnaire puis voir nos réponses jetées à la poubelle, nous tenons à ce que notre participation soit prise en compte, examinée. Nous aimerions aussi que cette participation se fasse sur un pied d'égalité.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Hubbard, la parole est à vous.
M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président, et je tiens à saluer la chef et son conseiller.
Combien y a-t-il de membres au sein de votre bande?
Lisa Ozawaninke: Au total, il y a 1 800 personnes au sein de notre bande; la population vivant dans les réserves est de quelque 400 personnes. Avant 1985, je pense que nous comptions au maximum, entre 400 et 450 membres. Aussi, si on se reporte aux lignes directrices du ministère des Affaires indiennes en matière d'adhésion aux bandes, et à une étude portant sur la bande Pikwakanagan, on estime que d'ici 2020 ou 2030, aucun nouveau membre ne naîtra au sein de notre collectivité et de notre bande.
M. Charles Hubbard: Votre bande est un exemple de grande réussite; vous avez parlé de 20 années de rapports de vérification sans réserve, où vous n'avez connu aucun problème. Vous avez certainement dû vous doter d'excellents codes ou règlements grâce auxquels les dirigeants de votre bande s'occupent bien de sa gestion. Monsieur Bernard, combien de conseillers votre bande compte-t-elle?
M. Ron Bernard: Nous en avons six.
M. Charles Hubbard: Il y a six conseillers qui travaillent avec le chef. Lorsque vous avez entendu parler du projet de loi C-7, vous avez rejeté la possibilité que votre comité s'y intéresse. Je ne crois pas d'ailleurs que des audiences avaient été prévues, et sept personnes ont donc décidé que la collaboration ne valait pas la peine, et on a donc recommandé à ces gens de ne pas participer au processus. Est-ce que vos membres ont eux aussi estimé qu'il ne fallait pas participer?
Lisa Ozawaninke: Le MAIN a acheminé des brochures aux membres de notre collectivité. Nous avons aussi appris qu'on téléphonait à certains de nos membres, sans tenir compte de notre avis là-dessus, peu importe que nous ayons dit qu'ils voulaient ou non être consultés, ou qu'ils aient dit ou non qu'ils voulaient être consultés. J'en conclus donc que le ministère avait adopté une stratégie pour obtenir l'appui des gens. Un processus était d'ailleurs en cours d'élaboration. Lors de quelques réunions, le ministre Nault a nié cela cependant, il a nié que le ministère essayait d'obtenir cela. Toutefois, après quelques déclarations publiques de ce genre, il est devenu évident qu'un document était déjà rédigé là-dessus.
º (1650)
M. Charles Hubbard: J'aimerais cependant savoir si votre décision et celle de votre conseil de ne pas participer au processus ont été prises par voie de résolution ou simplement consignées à votre procès-verbal. J'aimerais me renseigner sur la prise de décision. Le projet de loi C-7 préconise la transparence, la participation d'un plus grand nombre, la tenue d'assemblées annuelles et que sais-je encore. J'ai l'impression cependant que cette façon de procéder est déjà courante chez vous. Toutefois, la décision de ne pas participer à l'étude du C-7 a-t-elle été prise par votre conseil?
Lisa Ozawaninke: Nous en avons discuté à divers moments. Nous avons assisté à diverses réunions de l'Assemblée des premières nations et des chefs de l'Ontario. CVe qui s'est dit a été diffusé aux membres de la collectivité au moyen de bulletins et de trousses d'information. Personne ne nous a dit vouloir ce genre de chose. La question qu'on nous a le plus souvent posée cependant portait sur nos revendications territoriales. On nous demandait quel serait l'effet de ce nouveau projet de loi sur les négociations. Qu'est-ce que cela allait donner. Les organismes et les collectivités des Premières nations doivent rendre des comptes, au même titre que le gouvernement. Je le répète, pendant 21 ans, nous avons fait l'objet de rapports de vérification sans réserve, nous avons donc énormément de progressé. Nous avons nos propres politiques organisationnelles, nos propres politiques en matière de personnel et nos propres politiques en matière de comités permanents. On parle d'être justes, de participation égale. C'était déjà en place et tout fonctionnait rondement.
M. Charles Hubbard: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé. Nous vous donnons maintenant trois minutes pour une conclusion, s'il y a quoi que ce soit dont vous voulez nous faire part.
M. Ron Bernard: Nous remercions le comité de nous avoir permis de présenter notre mémoire. Pour l'essentiel, nous ne pouvons accepter un projet de loi qui nous soit imposé. Nous ne voulons pas revenir 100 ans en arrière, à l'époque où on a adopté la première loi qui ne s'appliquait qu'aux Autochtones du Canada. Encore une fois, nous précisons que nous tenons au droit de participer à l'élaboration de toutes les lois qui auront une incidence sur notre vie, et d'y participer sur un pied d'égalité.
Je vous remercie.
Lisa Ozawaninke: Nous tenons à être les auteurs des lois qui régiront nos vies. Ce droit nous a été accordé par le Créateur, il s'agit du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Avant que l'homme blanc ne découvre les Algonquins, nous avions déjà nos propres lois. J'aimerais aussi proposer mon nom afin de participer à l'élaboration de toute loi qui concerne les Français, les Juifs ou les Allemands, car moi aussi j'aimerais participer à ce processus.
Le président: En terminant, j'indique que certaines des questions qui sont soulevées par les témoins qui comparaissent devant notre comité ne relèvent pas de notre compétence. Je suis certain que tout le monde le sait. Le président de la Chambre des communes nous a confié une mission. La question de savoir si le Parlement du Canada a le droit d'adopter certaines lois ne sera ni débattue, ni réglée par notre comité. Je tiens à ce que vous compreniez que nous nous acquittons de la tâche qui nous a été confiée par le président de la Chambre. Vous voudrez peut-être lui faire aussi des représentations.
Merci beaucoup.
Nous ne suspendrons pas les travaux. Nous entendrons sans plus tarder le prochain témoin.
Nous accueillons maintenant le directeur exécutif du Centre for Nation Building, Michael Kanentakeron Mitchell.
Vous avez la parole, monsieur Mitchell.
º (1655)
M. Michael Kanentakeron Mitchell (directeur général, Centre for Nation Building): Bonjour.
J'ignore si un autre témoin a annulé, mais nous n'avons eu que quelques jours pour nous préparer. J'ai apporté des documents à votre intention, mais nous n'avons pas eu le temps de les faire traduire en français. Nous vous les laissons néanmoins.
Je m'appelle Kanentakeron. Mon nom anglais est Mike Mitchell. Je viens d'Akwesasne. Pendant 21 ans, j'ai été chef au sens de la Loi sur les Indiens. Pour la plus grande partie de ces 21 ans, j'ai été grand chef du Conseil des Mohawks d'Akwesasne. J'aimerais d'abord vous décrire un peu cette communauté. Elle est probablement unique en Amérique du Nord, car elle compte 15 000 habitants dont la moitié habite au Canada, et l'autre moitié aux États-Unis. Environ la moitié de notre territoire canadien se trouve au Québec, et l'autre partie en Ontario. Des îles qui s'étendent sur une centaine de milles constituent le territoire d'Akwesasne le long du fleuve Saint-Laurent.
Il est assez difficile pour tout dirigeant politique de gouverner dans cinq ressorts différents, l'Ontario, le Québec, l'État de New York, les États-Unis et le Canada. J'ai cru bon de venir témoigner pour vous faire part de certaines de mes réflexions parce que, moi, lorsque j'étais chef, le seul instrument juridique que je pouvais invoquer était la Loi sur les Indiens. J'ai été élu en 1982. Je suis devenu chef principal en 1984 et grand chef en 1986. Je voudrais que vous compreniez ce que j'ai vécu. Je sais que des avocats, des universitaires, des chefs d'entreprise et bien d'autres gens vous feront part de leur position sur la gouvernance, mais moi, j'aimerais vous décrire ce que c'était que de gouverner à l'aide de ces instruments.
En 1982, il y a eu à Akwesasne des élections aux termes de la Loi sur les Indiens et les 12 conseillers ont choisi parmi eux le chef principal. C'est habituellement ainsi qu'on fait lors d'élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Je suis devenu chef principal après que 7 des 12 conseillers m'eurent choisi comme porte-parole. Je me suis promené dans ma localité pour me présenter comme nouveau chef principal du conseil de la bande de Saint-Régis. On m'a répondu que je n'étais le chef que des 7 conseillers qui m'avaient élu et que, quand leur communauté aurait son mot à dire dans les élections, je pourrais me considérer comme leur chef. Pendant les deux années qui ont suivi, j'ai travaillé très fort à organiser des rencontres, des réunions communautaires pour les écouter. Je me suis entretenu avec des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes pour voir ce qui pourrait être fait.
À l'époque, les élections selon la coutume étaient le sujet à la mode. J'ai examiné cette possibilité en pensant à notre peuple. Les Mohawks, qui font partie du peuple Haudenosaunee, ont un patrimoine culturel très riche. Je n'ai pas voulu tenir des élections selon la coutume parce que je ne voulais pas revenir en arrière. Nous avons tenté de moderniser certains éléments. Nous sommes donc devenus le gouvernement communautaire d'Akwesasne. Nous avons changé le nom officiellement et avons entrepris de redonner sa tradition et sa culture à la communauté. Le problème, c'est que lorsque je suis devenu chef principal, le ministère des Affaires indiennes se préparait à fermer tous les bureaux. Une semaine plus tard, on m'a informé que le budget de 5 millions de dollars était grevé d'un déficit de 2 millions de dollars.
» (1700)
J'ai donc fait des petites recherches et j'ai constaté que le conseil ne pouvait prendre que très peu de décisions. La structure était telle qu'il nous fallait faire rapport au ministère des Affaires indiennes en matière de développement économique et d'éducation. Nous avions encore des bureaux de district, des bureaux régionaux et un bureau central. La piste qui menait jusqu'aux véritables décideurs était longue. Dans mes efforts en vue de mieux comprendre le fonctionnement de ce système et tous ses rouages, j'ai consulté la communauté sur ce qui lui importait. Ceux à qui j'ai parlé m'ont répondu qu'ils voulaient être maîtres chez eux, qu'ils voulaient que leur gouvernement leur appartienne.
En 1998 nous avons tenu des élections selon le code coutume. La communauté a élu un grand chef et 12 chefs de district. Nous avons trois districts, l'île Cornwall, Saint-Régis et Snye, qui avaient déjà leurs chefs de district locaux. Tout cela a été modernisé. Je me suis ensuite rendu compte qu'il y avait encore un agent invisible chez nous, car tout ce que le conseil faisait devait être autorisé par l'agent des Indiens. Dans un milieu complexe comme celui d'Akwesasne, dans une collectivité binationale, il se passait toutes sortes de choses et moi, je n'avais que très peu de pouvoirs.
J'ai eu du succès quand, à la demande de la communauté, j'ai dû mettre une structure en place. Une des premières leçons que j'ai tirées de cette expérience, c'est qu'il faut mettre à contribution la communauté. L'année suivante, il y a eu un autre scrutin. La collectivité a eu son propre conseil scolaire puis, il y a eu création du régime judiciaire comportant un élément législatif, une commission judiciaire et une commission de police. Tous ces organismes étaient constitués de membres de la communauté. Les gens se sont engagés et le tout a progressé rapidement.
En examinant ce nouveau projet de loi sur la gouvernance, je me suis dit qu'on y décrivait des choses que nous avions fait de notre propre initiative. Nous l'avons fait non pas parce que nous le voulions ou parce que les problèmes de l'époque nous obligeaient à le faire. Nous avons réussi, parce que nous avons entrepris ces démarches sachant qu'il nous fallait penser et agir à nouveau à la façon Okwehonwe.
J'ai ici des choses à vous montrer. Je vais d'abord faire circuler cette insigne que portent les agents de sécurité mohawks qui sont très fiers de leur travail. Voici le drapeau de notre collectivité. Je vais demander à mes collègues de le déployer pour que vous le voyiez bien.
L'estime de soi au sein de notre communauté était à son plus bas, en raison du déficit, notamment. Il me fallait trouver une façon de redonner sa culture à ma communauté. Vous savez sans doute, et je suis certain que d'autres témoins vous en parleront, que, chez les Mohawks, les régimes traditionnels et électoraux n'ont pas toujours été de pair. Chaque camp déteste l'autre, les uns refusent de parler aux autres, et ainsi de suite. J'ai grandi selon la tradition et, lorsque j'ai été élu, je me suis fondé sur les concepts de la nation. J'ai traduit ces concepts en mesures concrètes qui étaient importantes pour la communauté, laquelle, à son tour, les a fait siennes.
Le premier carré de ce drapeau représente les Mohawks—c'est nous. Le deuxième carré représente les Oneidas, celui du centre les Onondagas, celui d'à côté les Cayugas et le dernier, les Sénécas. Notre tradition se fonde sur l'arbre de la paix, qui est au centre, derrière un sentier, les quatre racines de la paix, qui se dirigent vers le lointain. Toute nation cherchant la paix peut trouver refuge sous l'arbre de la paix. Voici la ceinture wampum d'Hiawatha, en plus grand. Tout ce que nous faisons dans notre société se fonde sur la loi suprême de la paix, qui est à la base de notre tradition. J'ai dû trouver des façons d'en imprégner le mode de vie à Akwesasne. Ce drapeau est devenu le drapeau de notre communauté. La ceinture d'Hiawatha est au centre, avec d'autres objets importants dans notre culture. C'était donc notre drapeau.
» (1705)
La ceinture comporte deux rangées. Ces deux rangées symbolisent les deux voies et les deux navires qui empruntent la même rivière. Le canot d'écorce de bouleau est celui des Okwehonwes, avec leurs lois, leurs coutumes et leurs pratiques, l'autre est le navire des Blancs, avec leurs lois, leurs coutumes et leurs pratiques. Nous voyagerons ensemble sur la même rivière, côte à côte, dans nos bateaux. Ni l'un ni l'autre ne tentera de gouverner le bateau de l'autre.
Mesdames et messieurs, voici un livre important; il s'intitule L'autonomie politique des Indiens au Canada. Il est relié du wampum à deux rangs. Je crois que le Canada a compris le message contenu dans ce rapport Penner. Les deux rangs symbolisent la coexistence. Comment coexistons-nous? Que devons-nous trouver dans l'autre, dans nos coutumes, nos traditions et nos lois? Nous invoquons ces principes si importants pour nous et dont notre peuple commence à s'approprier. Tout ce que j'ai fait, je le redonne à ma communauté.
Je devrais peut-être mentionner que notre déficit nous a permis d'attirer l'attention du ministère. À l'époque, David Crombie était ministre. Deux mois après être devenu grand chef, je l'ai rencontré. J'ai mis le ministère des Affaires indiennes au défi d'écouter la volonté de ma communauté. J'ai demandé qu'on ne mette pas la clé dans les bureaux et qu'on ne nous envoie pas d'autres fonctionnaires du ministère, mais qu'on laisse plutôt les membres de la communauté diriger leurs affaires. Nous avons donc conçu notre propre plan en vue de combler le déficit et instituer un nouveau régime financier. Nous avons sollicité l'aide de membres de la communauté qui travaillaient dans les secteurs public et privé et avons dressé notre propre plan. Cela nous a pris quatre ou cinq ans, mais nous avons éliminé ce déficit. Nous avions au départ un budget de fonctionnement de 5 millions de dollars par année et, lorsque j'ai pris ma retraite comme grand chef le printemps dernier, notre budget annuel était de 60 millions de dollars.
La reddition de comptes est donc possible. Quand on parle de gouvernance, on parle de redonner confiance. Voilà précisément ce qui manque aux Premières nations, la confiance. Nous, nous avons assumé le contrôle de la santé, de la police, de la justice, des programmes d'environnement et de conservation, d'environnement et nous avons adopté nos propres lois. C'est difficile quand on est écartelé entre le Canada et les États-Unis et que personne ne vous permet d'exercer des pouvoirs. Nous avons donc pris ce pouvoir. Le Canada ne voulait pas reconnaître notre programme de conservation. Ottawa nous disait qu'en vertu de la Loi sur les Indiens, nous ne disposions pas de ce pouvoir. Mais nous, nous nous le sommes approprié. Quelques années plus tard, on a pu constater que cela avait été avantageux. Dix ans plus tard, nous prenons part à des projets et des programmes conjoints, mais nous avons dû former les agents de conservation d'Albany, dans l'État de New York, à l'école de police de l'État, avant de pouvoir les affecter sur le terrain. Il en va de même pour le tribunal mohawk. On nous a dit que nous n'avions pas le pouvoir de créer ce tribunal. J'ai présenté 22 lois du conseil de bande qui ont toutes été rejetées. Je n'ai même pas pu faire adopter de règlement créant un poste de ramasseur de chiens.
Peu à peu, nous avons convaincu le ministère des Affaires indiennes d'envisager un partenariat. Quelle forme cela pouvait-il prendre, concrètement? Il faut tenir compte de la volonté et des besoins de la communauté. Petit à petit, nous avons adopté les lois que réclamait la communauté pour assurer la reddition de comptes. La reddition de comptes est très importante. Les procès-verbaux des réunions spéciales et des assemblées générales mensuelles ont été publiés dans le journal local. Le rapport de vérification a été traduit dans une langue que tous pouvaient comprendre. Il y a eu des rapports sur les sommes d'argent reçues, les dépenses en matière d'éducation, de logement, de développement économique, de santé, et ainsi de suite. Les chefs de section ont présenté des rapports sur leurs dépenses à leurs employés. C'est devenu un modèle pour la section régionale de l'Ontario. Nous leur avons envoyé notre journal qui a été utilisé pour d'autres Premières nations. C'est ainsi que d'autres se sont familiarisés avec la responsabilité et la reddition de comptes. Dans mes voyages un peu partout au Canada, j'ai constaté que nous pouvions les aider.
La responsabilité et la reddition de comptes, c'est un état d'esprit. Mais il manque encore une chose dont je vais vous parler aujourd'hui. La responsabilité et la reddition de comptes doivent s'accompagner de pouvoirs. Ces pouvoirs doivent pouvoir s'exercer dans un champ de compétences. Voilà ce qui manque au projet de loi C-7. Il faudrait aller un peu plus loin dans la définition. Ce projet de loi se fonde sur la Loi sur les Indiens. Or, la Loi sur les Indiens, qui remonte à il y a plus de 100 ans, parle d'assimilation, de faire oublier aux Okwehonwes qu'ils sont Indiens afin qu'ils ne causent plus de problèmes. C'était il y a 130 ans, et tous les problèmes n'ont pas été réglés. La Loi sur les Indiens ne peut servir de fondement à ce projet de loi; c'est là l'erreur fondamentale que vous avez commise. Les gouvernements fédéraux successifs ont créé la commission Hawthorn, la commission Penner et la commission royale qui ont formulé de bonnes recommandations.
» (1710)
Les projets auxquels je travaille à l'heure actuelle sont des projets que personne ne voulait entreprendre. Nous sommes à concevoir et à mettre en place un régime de contrôle des armes à feu pour les localités mohawks, car nous sommes sur la frontière où passent beaucoup d'armes à feu et que ça mène à des situations dangereuses. Nous avons pris le taureau par les cornes. Pendant que tout le monde se querelle au sujet de l'argent qu'on a gaspillé dans ce domaine, nous, nous examinons les problèmes, la violence familiale, la manipulation et l'entreposage sécuritaire des armes à feu, l'enregistrement des armes à feu et la collecte des données et nous élaborons notre propre loi Haudenosaunee de contrôle des armes à feu. Nous travaillons en collaboration avec des gens d'Ottawa. Ils commencent à comprendre notre point de vue. Notre attitude est différente, car nous voulons assumer nos responsabilités.
Il en va de même pour la médecine traditionnelle. Nous voulons réglementer la médecine traditionnelle. Comment faire? Comment réglementer l'air que nous respirons? Nous interprétons cela à notre façon et cela fera l'objet d'un autre projet.
Nous travaillerons de concert avec cinq ministères pour voir comment nous doter de lois du travail. Assumer ses responsabilités est très difficile. Mais même les syndicats se sont joints à nous et ont compris qu'ils devaient adopter notre point de vue.
Voilà où je veux en venir. Les dirigeants du Canada devraient d'abord examiner les façons de faire des Premières nations. Il vous faut des modèles. Il n'y a pas de modèle universel, qui convienne à toutes les situations. Je vous recommande donc que nous concevions des modèles ensemble, afin que ni les Premières nations ni le Canada ne se sentent floués pour que vous puissiez tabler sur nos réussites.
Je voulais simplement vous expliquer que c'est ce que nous faisons, au Center for Nation Building. Je sais que nous avons encore du pain sur la planche si nous voulons redonner confiance aux Autochtones, mais les Premières nations n'accompliront rien sans cette confiance. Les gens viennent ici vous exprimer leurs frustrations. Ils ont peur et c'est ce qui les fait réagir ainsi. Ils devraient plutôt avoir confiance en eux. Ils devraient plutôt vous dire ce qu'ils veulent et ensuite trouver avec vous des façons de définir nos relations.
Un personnage important du gouvernement canadien, Pierre Elliot Trudeau, a dit un jour:
Il ne fait aucun doute que chacun de nos peuples autochtones occupe une place toute spéciale dans notre histoire. À mon sens, cela leur confère le droit à une reconnaissance spéciale dans la Constitution et à leur propre place dans la société canadienne, une place distincte de tous les autres groupes qui, avec eux, constituent les citoyens canadiens. |
Quelle est cette relation spéciale? Définir cette relation est le défi que nous devons relever ensemble, mais c'est impossible sans quelque chose de tangible. Nous vous avons présenté des choses tangibles. Je lance maintenant le défi non seulement au gouvernement, mais à toutes les Premières nations: le temps est venu de cesser de réagir et de plutôt agir de façon proactive.
Cela met fin à mes remarques.
» (1715)
Le président: Merci beaucoup. Vos remarques nous ont été très utiles.
Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci beaucoup de votre exposé très éclairant. J'admire vos talents d'orateur: vous nous avez parlé spontanément, mais clairement et éloquemment.
Vous avez soulevé de nombreux points pertinents sur le travail que vous avez fait, et vous avez fait allusion à deux ou trois reprises au rapport Penner, notamment quand vous avez dit que l'autonomie gouvernementale avait été abordée dans le rapport Penner et celui de la Commission royale sur les peuples autochtones. À une réunion précédente du comité des affaires autochtones, j'ai déposé une motion demandant que l'on inclue à notre comité, aux fins de l'étude des mesures législatives sur l'autonomie gouvernementale, des représentants de l'Assemblée des premières nations et peut-être aussi du CPA et de l'Association des femmes autochtones, des membres qui n'auraient pas le droit de vote mais qui auraient voix au chapitre. Ils pourraient au moins participer aux délibérations sur ces projets de loi. La commission Penner a établi un précédent de ce genre, n'est-ce pas? Ces organisations autochtones n'étaient-elles pas représentées ex officio?
M. Michael Mitchell: En effet. Il y avait des représentants de l'Association des femmes autochtones, de l'APN, ainsi que des sages qui ont apporté une grande contribution à ces travaux. La mentalité n'étant pas la même, les membres de la commission ont pu sensibiliser les autres à leur façon de voir les choses et les encourager à envisager les approches qui leur auraient été impensables, et à apprendre les uns des autres. Je vous encourage à le faire.
M. Pat Martin: Malheureusement, ma motion a été rejetée par une majorité d'une voix. Je crois aussi que cela nous aurait beaucoup aidés.
Il est inhabituel pour un comité d'être saisi d'un projet de loi après la première lecture. Habituellement, c'est après la deuxième lecture. J'espère que, puisque nous n'en sommes qu'à l'étape de la première lecture, le gouvernement fera preuve de souplesse et d'ouverture d'esprit. Vos remarques nous guideront certainement.
Vous vous souvenez peut-être du Livre blanc de 1969, et certains ont dénoncé le fait que le projet de loi C-7 ressemble, selon eux, à ce Livre blanc. Vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi certains dirigeants autochtones sont de cet avis?
M. Michael Mitchell: En dernière analyse, qui est l'autorité? Moi, j'estime que l'autorité, ce sont ceux pour qui on travaille. Je juge donc très important de tenir des vérifications et des réunions spéciales et d'informer la communauté, de la faire participer directement à tout ce qui se passe. Or, on veut que nous exercions des pouvoirs délégués, prévus dans une loi. Ce ne sont pas là des pouvoirs qui nous appartiennent. Peut-être que cela ne veut rien dire pour vous, mais cela compterait beaucoup pour les Premières nations de pouvoir se gouverner conformément à un régime qu'elles auraient conçu elles-mêmes selon leurs besoins, leurs aspirations et leurs façons de faire. Ce serait peut-être un concept différent, mais pas une grande menace. Il suffit de comprendre ce concept.
M. Pat Martin: C'est la principale critique que nous entendons. On nous dit que, encore une fois, nous imposons notre façon de faire aux Autochtones.
Je trouve très intéressants les changements admirables que vous avez apportés à la gestion financière dans votre collectivité, et ce, sans le projet de loi C-7. Vous avez pris ces mesures dans le cadre de la loi existante. Il vous fallait peut-être une meilleure capacité administrative pour combler le déficit. Vous avez fait mener des vérifications qui n'étaient pas exigées par la Loi sur les Indiens et vous avez transmis ces rapports aux membres de votre communauté. Selon vous, sans le projet de loi C-7, qu'est-ce qui empêche les autres Premières nations de se doter dès maintenant de cette capacité administrative?
M. Michael Mitchell: Rien. Ce n'est qu'une question de bonne gestion. Seulement, bon nombre de Premières nations ne sont pas en mesure de se doter d'une telle capacité administrative en raison de restrictions financières. Ce qu'elles peuvent offrir à leurs communautés est très limité. Vous leur imposez des règles, mais vous ne leur donnez pas de ressources et elles n'ont pas suffisamment confiance pour assumer le contrôle d'elles-mêmes. Au fil des ans, la méfiance s'est accrue. Mais maintenant, l'Assemblée des premières nations et même le ministère des Affaires indiennes conseillent aux Premières nations de venir à Akwesasne pour voir notre programme de santé, notre système judiciaire et la façon dont nous servons la population. Nous sommes devenus un modèle.
C'est l'une des raisons qui m'ont poussé à quitter la politique un certain temps. Avec 50 000 $ provenant de mon compte d'épargne, j'ai lancé une entreprise. Je suis retourné voir ces personnes pour leur dire qu'il nous faut une vision. Je vais dans les universités et je m'entretiens avec des étudiants autochtones. Je suis allé voir des dirigeants autochtones pour leur demander ce qu'ils voulaient faire et par où ils voulaient commencer. Une fois qu'ils auront fait le point sur leur situation, nous verrons ce qui peut être fait. Il est certain que cette initiative n'aura pas de grandes répercussions, parce que ce n'est pas une grande initiative gouvernementale, mais chaque fois qu'un dirigeant autochtone comprend comment faire et entreprend un projet, le succès grandit.
» (1720)
Le président: Merci.
Je cède la parole à M. Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci.
Je vous félicite, chef. Vous faites preuve de beaucoup d'enthousiasme, de dévouement et de lucidité. Vos réalisations méritent certainement des félicitations. Vous m'avez fait penser à mon ami, le chef Roger Augustine, au Nouveau-Brunswick, qui a la même conception que vous de la fierté et de l'estime de soi. Il a aussi mis sur pied un centre qui s'appelle Red Sky.
Un peu plus tôt, on a parlé des avocats qui pourraient collaborer à l'élaboration des codes et aux fonctionnaires compétents qui pourraient aider les Autochtones à appliquer ces codes et à mieux gérer leurs finances. Monsieur le président, je crois que notre gouvernement a l'occasion de répondre à un véritable besoin et d'aider, probablement financièrement, différents groupes qui voudraient créer une fonction publique pour les Premières nations du pays. Vous avez parlé de votre propre groupe qui a organisé la formation d'agents de conservation dans l'État de New York. Est-ce que la formation dont les bandes auront besoin pour donner suite au projet de loi C-7 existe, ou devra-t-on concevoir de nouveaux cours pour aider les gens à se préparer à ce nouveau genre de gouvernance?
M. Michael Mitchell: Il est très difficile de répondre à cette question. Je viens de dire que les gens se méfient beaucoup du projet de loi C-7 et qu'ils le craignent. D'un côté vous avez le ministre, de l'autre l'APN. Il y a des obstacles qui séparent les deux camps; on s'entre-accuse. Pris entre les deux se trouvent les Autochtones, qui s'intéressent davantage à la gouvernance et à la création de relations de confiance, qui veulent ces deux choses. Mais il y a beaucoup de méfiance et de crainte. Est-ce que nous voulons leur présenter ce projet, ou préférerions-nous que toutes les Premières nations contribuent à la création de leur propre document qui exigerait que leurs représentants rendent des comptes? N'avons-nous qu'un seul choix? Allons-nous leur présenter le projet de loi C-7 comme un fait accompli? Qu'en est-il de la CRPA? Du rapport Penner? Des autres processus qui nous ont coûté très cher? Pouvons-nous tirer quelque chose de valable de ces expériences? En fin de compte, nous voulons seulement que les Premières nations réagissent avec confiance et nous assurent de leur volonté de participer et de rendre des comptes. Qu'arrivera-t-il si les Premières nations rejettent ce projet de loi, se sentant exclus du processus? Je me demande donc si on ne pourrait pas adopter une autre approche. Le comité devrait examiner cette possibilité.
Le président: Avant de donner la parole à M. Martin pour le tour de trois minutes, je voudrais simplement signaler officiellement qu'il existe aucun précédent permettant aux membres ex officio de participer à une étude, mais pas de contribuer aux travaux entourant un projet de loi. Ça fait maintenant trois fois qu'on revient là-dessus. Il n'existe aucun précédent permettant aux membres ex officio de travailler à un projet de loi.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président. J'aimerais également rappeler, aux fins du procès-verbal, que c'est la première fois en 50 ans qu'on propose des amendements de fond à la Loi sur les Indiens. C'est pourquoi nous devons faire tout en notre pouvoir pour assurer le succès de cet examen. Je comprends ce que vous dites.
Le président: Je ne voulais pas miner votre argument; je voulais juste apporter des clarifications, rien de plus.
M. Pat Martin: C'est votre droit.
Le président: Je ne privilégie pas un côté ou l'autre.
M. Pat Martin: Une des questions dont nous avons débattu dès le début de nos délibérations, et qui a été notée par la vérificatrice générale, est que les Premières nations font l'objet de trop de vérifications. Selon la vérificatrice générale, les Premières nations sont tenues de remplir 168 formulaires et documents, qui doivent ensuite être acheminés à divers ministères. Nous savons que 96 p. 100 des Premières nations respectent les délais et n'ont pas de problèmes au niveau de la comptabilité ou de leurs livres. Ils n'ont jamais fait l'objet de mesures disciplinaires. Par conséquent, les Premières nations avec lesquelles nous avons parlé nous ont demandé pourquoi diable, puisqu'on n'a qu'une occasion de régler les problèmes découlant de la Loi sur les Indiens, on se concentre sur les détails de comptabilité et d'administration plutôt que sur l'autonomie? Avez-vous une réponse à cela? Votre communauté en est un bon exemple; il y en a d'autres. D'où vient cette obsession à faire de l'imposition d'un nouveau régime financier une priorité quand il y a tellement d'autres problèmes plus urgents à régler?
» (1725)
M. Michael Mitchell: Il y a quelques minutes, j'ai demandé si nous étions partie prenante au processus. C'est sans doute une bonne façon de formuler la question. La réponse est non. Avons-nous participé à la conception du projet? Contrôlons-nous le processus? Non. Si vous voulez gagner la confiance de la communauté, vous devez vous asseoir avec nous. Un mot clé a été répété partout au sein du gouvernement ces dernières années. Ce mot a été tiré du rapport Rassembler nos forces. Il s'agit du mot «partenariat». Eh bien, qu'on crée un vrai partenariat avec les Premières nations. De plus, il n'y a pas qu'un seul modèle de partenariat national, puisque les circonstances varient d'un endroit à l'autre. Il n'y a pas longtemps, j'ai appris qu'un nombre important d'Autochtones vivaient en milieu urbain. Quatre-vingt pour cent des membres des Premières nations vivent dans ce qu'on appellerait des communautés de petite taille ou de taille moyenne. Il n'y a qu'une poignée de grandes communautés comme Akwesasne, Six Nations et Kahnawake. J'ai pu faire ces choses car j'en ai les moyens. La plupart des Premières nations au Canada n'ont pas ces moyens, cette possibilité. Elles ont besoin d'un coup de main. Nous devons commencer à travailler ensemble. Il est plus important pour elles d'avoir une organisation nationale, propre à elles, afin de tisser des liens de confiance.
Je connais beaucoup de Premières nations qui ont bien géré leurs affaires; il y a un système en place. En fait, c'est une des choses qui me dérange le plus. On passe le clair de notre temps à faire et à envoyer des rapports, l'un après l'autre, à tous les ministères, mais quand vous prenez connaissance du système, vous manquez de temps pour parler des vrais besoins, puis c'est déjà le temps de passer aux prochaines élections. Alors, quand nous avons changé de système, nous avons pris le temps de gérer nos finances, de bien administrer nos affaires, et d'examiner les problèmes qui se posaient à nous. Parfois, il faut s'attaquer au déficit, comme l'a fait chaque gouvernement. Il faut changer la situation et mettre en oeuvre des choses qui sont importantes pour les électeurs, non seulement dans l'intérêt de la bonne gouvernance, mais pour répondre aux besoins des gens que vous représentez, et ce, afin de jeter des ponts. Il faut composer avec beaucoup de choses.
Le président: Merci.
Madame Karetak-Lindell.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci beaucoup.
Merci beaucoup de votre exposé très intéressant. Nous faisons face à un énorme défi. En tant qu'Autochtone et membre du comité, il est très important pour moi de trouver un terrain d'entente pour satisfaire aux deux camps. C'est un défi pour nous tous.
Nous sommes saisis du projet de loi C-7. Comment concilier le projet de loi avec vos propos? Ce que vous avez proposé peut se faire indépendamment du projet de loi. C'est un modèle auquel nous aspirons tous, c'est-à-dire un modèle permettant aux plus petits groupes de contrôler leur propre sort. C'est ce que désirent toutes les Premières nations du Canada qui sont éparpillées à travers le pays. Comment donc faire en sorte que le projet de loi C-7, qui a connu un début très mouvementé, puisse refléter les choses dont vous avez parlé?
M. Michael Mitchell: On peut tout faire sans nécessairement repartir à neuf. D'aucuns ont dit qu'il faut tout arrêter, jeter le projet de loi à la poubelle et repartir à zéro. J'entends le ministre dire que le projet de loi n'était pas coulé dans le béton, qu'on pouvait y apporter des changements. Chacun a son opinion. Vous parliez d'un terrain d'entente: c'est la nation. Jusqu'à quel point le projet de loi doit-il inspirer confiance aux communautés des Premières nations et aux Autochtones? On peut y lire toutes sortes de déclarations qui vont de soi: ceci et cela, et ça vient de la bouche paternaliste des Blancs. Quels sont les besoins et les désirs des membres de nos communautés envers leurs enfants, leur communauté et leur avenir? En prenant un peu de recul et en réexaminant toute cette question, je crois qu'on trouvera la réponse. Chacun d'entre nous souhaite améliorer sa situation sociale et économique; personne ne veut vivre d'aide sociale ou s'y habituer. Nous avons donc l'occasion de rouvrir le dossier et de tout réévaluer.
Je vous dis que le Canada craint de laisser les Premières nations agir en tant que nation, car cela nous donnerait de la confiance. Je recommande donc qu'on se penche sur la question de la confiance, car nous n'en avons pas beaucoup.
» (1730)
Le président: Merci beaucoup. C'était un excellent exposé. Vous nous avez éclairés sur la réalité. Je fais de la politique parce que je crois que les gouvernements devraient faire pour la population ce qu'elle ne peut pas faire pour elle-même. Vous avez prouvé que vous êtes capables de faire des choses pour vous-mêmes. Nous espérons améliorer la loi au point où les autres la trouveront plus facile à suivre.
Je voudrais savoir si vous avez l'impression que si ce projet de loi avait existé, il vous aurait été plus facile de faire les choses que vous avez faites, malgré la Loi sur les Indiens?
M. Michael Mitchell: Alors, mon peuple aurait eu des soupçons, il se serait demandé si je l'avais trahis, et si je ne l'amenais pas maintenant vers un autre objectif.
Le président: Je ne vous mettrai pas sur la sellette. Je comprends que tout le monde regarde cette procédure, on lit toutes les transcriptions, et on pèse les mots.
M. Michael Mitchell: Voulez-vous m'accorder deux minutes pour le mot de la fin?
Le président: Absolument. On vous accorde cinq minutes.
» (1735)
M. Michael Mitchell:
Je voudrais vous lire une lettre qui m'est adressée de Washington. Elle vient du département de la Justice des États-Unis.
Cher grand chef Mitchell, |
Suite aux événements tragiques du 11 septembre, il est essentiel d'améliorer la sécurité de la frontière avec les États-Unis. M. Gus de la Vina, chef de la «Patrouille frontalière des États-Unis», et moi voudrions renforcer notre collaboration avec nos homologues frontaliers. Nous croyons qu'en tant que peuple autochtone d'une nation souveraine, vous partagez cet objectif commun. |
Qui aurait cru que quelqu'un de Washington pourrait envoyer une lettre à une Première nation qui dit «en tant que peuple d'une nation souveraine»? Cela n'a tué personne. C'est avec fierté que les chefs des Premières nations se sont rendus aux négociations à Washington. J'étais parmi eux. Maintenant, nous avons notre propre sécurité à la frontière. Nous travaillons de concert avec la sécurité frontalière des États-Unis et avec la GRC, et nous sommes partenaires sur un pied d'égalité. Voilà les objectifs pour lesquels nous travaillons.
Il y a quelques années, les gens regardaient Akwesasne et certains députés fédéraux nous pointaient du doigt et disaient que nous étions une communauté frontalière criminalisée. Mais maintenant, regardez le succès qu'on a connu. Au sujet de la gouvernance, je dis que si l'on peut changer les attitudes et les mentalités, on peut faire beaucoup de progrès.
Permettez-moi de conclure en partageant ceci avec vous, si nous craignons le terme «souveraineté».
[Le témoin parle dans sa langue autochtone]
J'ai les timbres de reconnaissance des États-Unis, j'en ai pour le Canada, pour le Mexique et d'autres. C'est une bonne façon de noter les endroits qu'on a visités, ainsi que ce qu'on est en train de faire, et les destinations des voyages. Je n'ai pas obtenu cela simplement pour poser un geste de protestation. J'avais vraiment confiance que ma nation était capable de prendre ses responsabilités, et je me suis attablé avec ces gouvernements et j'ai participé. J'ai aussi un passeport canadien. Avez-vous déjà entendu parler du concept de la double citoyenneté? Je pense que j'ai la mienne, mais c'est quelque chose d'encore plus que ça. Washington a adopté et le Congrès a ratifié le Jay Treaty. Les Premières nations du Canada ont les mêmes droits que les autres membres des tribus aux États-Unis. Nous sommes des Okwehonwes nord-américains. Ce sont des droits qui donnent beaucoup de confiance à nos prochaines générations, à nos jeunes, qui connaissent maintenant leurs droits, et la place que nous occupons en Amérique du Nord. Alors je partage ceci avec vous.
Merci de m'avoir invité, et je vous souhaite bon travail lors de vos réunions futures.
Le président: Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation et d'avoir fait votre contribution. Vous nous avez remonté le moral, et nous sommes encore plus conscients que jamais que les Autochtones sont capables de faire des choses pour eux-mêmes sans venir s'agenouiller devant le ministre. Je pense que personne ici ne croit que ces choses soient acceptables. Merci.
M. Michael Mitchell: Je vous en prie.
Le président: Merci, chers collègues. La séance est levée.