AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 4 février 2003
À | 1010 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Mme Donna Morin (présidente, Association des agents financiers autochtones du Canada) |
À | 1015 |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
À | 1030 |
M. Daniel Ryan (président et directeur général, Association des agents financiers autochtones du Canada) |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
À | 1035 |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.) |
M. Daniel Ryan |
M. John Godfrey |
Mme Donna Morin |
À | 1040 |
M. John Godfrey |
M. Daniel Ryan |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
À | 1045 |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Le président |
M. Julian Reed (Halton, Lib.) |
Mme Donna Morin |
M. Julian Reed |
M. Daniel Ryan |
À | 1050 |
M. Julian Reed |
Le président |
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.) |
Mme Donna Morin |
Mme Nancy Karetak-Lindell |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
À | 1055 |
Mme Donna Morin |
M. Maurice Vellacott |
Mme Donna Morin |
Le président |
Mme Donna Morin |
Le président |
Á | 1100 |
Mme Wendy Cornet (Cornet Consulting and Mediation Inc.) |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Mme Wendy Cornet |
M. Maurice Vellacott |
Á | 1115 |
Mme Wendy Cornet |
M. Maurice Vellacott |
Mme Wendy Cornet |
Á | 1120 |
M. Maurice Vellacott |
Mme Wendy Cornet |
Le président |
Mme Wendy Cornet |
Le président |
Mme Wendy Cornet |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Mme Wendy Cornet |
M. Charles Hubbard |
Mme Wendy Cornet |
M. Charles Hubbard |
Mme Wendy Cornet |
M. Charles Hubbard |
Mme Wendy Cornet |
Á | 1125 |
M. Charles Hubbard |
Mme Wendy Cornet |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne) |
Mme Wendy Cornet |
Á | 1130 |
M. Brian Pallister |
Mme Wendy Cornet |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. John Godfrey |
Á | 1135 |
Mme Wendy Cornet |
M. John Godfrey |
Mme Wendy Cornet |
M. John Godfrey |
Mme Wendy Cornet |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Brian Pallister |
Á | 1140 |
Mme Wendy Cornet |
M. Brian Pallister |
Le président |
Mme Wendy Cornet |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
Mme Wendy Cornet |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Wendy Cornet |
Le président |
Le président |
M. Bradford Morse (professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa) |
 | 1215 |
 | 1220 |
 | 1225 |
 | 1230 |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
 | 1235 |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
 | 1240 |
Le président |
M. John Godfrey |
M. Bradford Morse |
M. John Godfrey |
M. Bradford Morse |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
 | 1245 |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Bradford Morse |
 | 1250 |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. Bradford Morse |
 | 1255 |
M. Maurice Vellacott |
M. Bradford Morse |
Le président |
M. John Godfrey |
M. Bradford Morse |
M. John Godfrey |
M. Bradford Morse |
· | 1300 |
M. John Godfrey |
M. Bradford Morse |
M. John Godfrey |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Bradford Morse |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Bradford Morse |
· | 1305 |
Le président |
M. Bradford Morse |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 février 2003
[Enregistrement électronique]
À (1010)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour tout le monde.
Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Nous avons le plaisir de recevoir ce matin la présidente de l'Association des agents financiers autochtones du Canada, Donna Morin. Bienvenue. Elle est accompagnée du président et directeur général de l'association, Daniel Ryan. Bienvenue.
Je vais vous inviter à faire votre exposé, qui sera suivi de questions.
Mme Donna Morin (présidente, Association des agents financiers autochtones du Canada): Merci, monsieur le président, madame la greffière, membres du comité, de nous avoir invités aujourd'hui.
J'aimerais vous présenter Dan Ryan, PDG de l'AAFA du Canada, qui est en partie de descendance algonquine. Et j'aimerais me présenter moi-même: je suis la présidente de l'AAFA du Canada et une fière membre de la nation crie Peter Ballantyne du nord de la Saskatchewan.
Le projet de loi sur l'autonomie gouvernementale des Autochtones, dont nous sommes venus discuter aujourd'hui, a suscité des réactions très différentes de la part des membres des collectivités autochtones du Canada. Certains y voient un changement positif au statu quo, tandis que d'autres trouvent les changements trop superficiels. Ces réactions à l'opposé l'une de l'autre témoignent d'un état de fait. Ce projet de loi a provoqué des opinions divergentes parce que la collectivité qu'il touche est elle-même diverse.
À titre de présidente du conseil d'administration de l'Association des agents financiers autochtones, ou AAFA, je suis très au courant de cette diversité puisqu'elle caractérise les horizons très variés et l'expérience diverse de nos membres qui habitent aux quatre coins du pays. Aujourd'hui, j'aimerais vous tracer un portrait de l'AAFA et vous expliquer pourquoi nous sommes en mesure d'assumer un rôle de chef de file dans le dossier de l'autonomie gouvernementale des collectivités autochtones ainsi que la façon dont nous entendons nous y prendre. L'AAFA est le principal porte-parole du secteur de la gestion financière autochtone au Canada. Nous mettons en valeur et appuyons nos membres en fixant des normes, en leur donnant accès à des occasions de perfectionnement, de formation et de recherche, et en leur offrant une accréditation professionnelle. Nous cherchons à devenir un centre d'excellence complet en gestion financière autochtone.
En d'autres termes, l'AAFA est une organisation qui vise à établir de solides bases en gestion financière. Et, personne ne l'ignore, une saine gestion passe par une saine gestion financière. En fait, il s'agit là de la fondation même sur laquelle repose la prospérité d'une organisation. Les unités de base de cette fondation sont les politiques, les procédures et les pratiques qui permettent la responsabilisation, la transparence et l'établissement de mécanismes de redressement. À titre de gestionnaires financiers, il nous incombe de maîtriser ces unités de base et de les mettre en oeuvre dans l'organisation pour laquelle nous travaillons.
En tant que professionnels, nous savons aussi que les bénéficiaires des changements doivent avoir leur mot à dire dans l'évolution des choses si nous voulons qu'ils se sentent véritablement concernés. Il faut savoir que l'AAFA n'est pas une organisation politique. Les activités que nous menons pour soutenir nos membres sont en effet de nature purement professionnelle et technique. Ainsi, notre conseil d'administration a jugé que notre rôle devait être de consulter les dirigeants des Premières nations, le gouvernement fédéral et le secteur financier concernant le nouveau projet de loi sur a gouvernance.
Les consultations que nous avons menées jusqu'à présent nous ont conduits à un point de vue intéressant. Bien que nous soyons clairement favorables aux principes qui sous-tendent une saine gestion, nous approuvons également l'orientation prise par les dirigeants des Premières nations concernant ce projet de loi, c'est-à-dire que celui-ci doit être élaboré par les gens à qui il s'adresse. Nous sommes donc venus aujourd'hui pour vous presser de tendre attentivement l'oreille et de tenir pleinement compte des voix discordantes que vous entendrez. En fin de compte, la seule démarche qui sera acceptée et qui réussira sera celle qui tiendra compte de l'apport des collectivités autochtones et qui reflétera véritablement les nombreux besoins et attentes très variés des gens.
Aujourd'hui, nous souhaitons d'abord vous présenter le point de vue de l'AAFA concernant ce projet de loi et ensuite vous signaler une occasion possible de partenariat. L'AAFA a déjà accepté de relever le défi d'agir à titre de principal conseiller pour le Conseil de gestion des finances des Premières nations qui serait créé conformément à la Loi sur la gestion financière et statistique des Premières nations. Nous croyons posséder l'expertise nécessaire pour contribuer également à l'élaboration de la Loi sur la gouvernance des Premières nations.
Peu de gens encore le savent, mais des efforts sont déjà déployés pour améliorer la gestion financière, la responsabilité comptable et l'autonomie des collectivités autochtones. Et je suis fière d'ajouter que l'AAFA se situe au premier rang de ce changement.
Il est important de reconnaître qu'un travail considérable a déjà été effectué. Vous conviendrez certainement que notre temps serait mieux employé à d'autres activités qu'à établir des politiques, des procédures, des normes et des mécanismes déjà en place et de toute évidence fonctionnels.
Avant de poursuivre sur la question qui nous préoccupe aujourd'hui, j'aimerais vous expliquer ce qu'est l'AAFA et en quoi nous sommes en mesure de jouer en rôle de chef de file à cet égard. L'AAFA est le porte-parole du secteur de la gestion financière autochtone au Canada. Nous mettons en valeur et appuyons nos membres en fixant des normes, en leur donnant accès à des occasions de perfectionnement, de formation et de recherche, et en leur offrant une accréditation professionnelle.
Notre histoire est profondément enracinée dans le mouvement vers l'autonomie gouvernementale chez les Premières nations. En fait, l'Assemblée des Premières nations a joué un rôle prépondérant dans la création de notre association. Notre mandat a été inspiré du rapport publié en 1997 par la Commission royale sur les peuples autochtones. Ce rapport a tenté d'expliquer pourquoi nous, en tant que peuple, n'avons pas connu la même prospérité que nos concitoyens canadiens.
Ce rapport a donné naissance à un plan d'action en 1998. Intitulé Rassembler nos forces, ce plan a mis l'accent sur les priorités à fixer pour créer des emplois, assurer une croissance, garantir la stabilité et améliorer la qualité de vie des Autochtones. Il est reconnu que pour devenir fortes, les collectivités autochtones doivent bâtir sur des partenariats, une saine gestion de leurs affaires et une nouvelle relation financière.
Le plan d'action a aussi identifié l'acquisition de capacités, notamment dans les domaines de la gestion financière et de la comptabilité, comme étant un élément critique et une condition sine qua non de l'autonomie gouvernementale. Tout cela a mené à la formation d'un groupe de travail auquel ont participé l'Assemblée des Premières nations et l'Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA). Ce groupe avait pour but de parfaire les compétences en comptabilité et de rehausser les normes dans ce domaine chez les Premières nations. Il visait également à mettre en place les éléments essentiels à l'autonomie gouvernementale. Une année plus tard, l'AAFA voyait le jour à titre d'association nationale professionnelle.
Permettez-moi de souligner ici encore une fois un point très important: l'AAFA n'est pas une organisation politique. Tout au long de notre histoire, nous avons fondé nos actions sur un dévouement inébranlable visant à améliorer les compétences et l'expertise des gestionnaires financiers.
Aujourd'hui, notre association compte plus de 500 membres partout au Canada et nous déployons activement des efforts pour favoriser les bonnes pratiques de gestion et la responsabilisation dans toutes les sphères de la société autochtone, y compris la gestion de programmes, les affaires et l'autonomie gouvernementale. Bien que l'AAFA soit une jeune association—qui n'a que trois ans—, nous avons réussi à élaborer une vaste gamme d'outils et de services grâce aux alliances stratégiques que nous avons conclues. Notre partenariat avec CGA constitue un bon exemple de cette démarche puisqu'il nous a permis de devenir un chef de file mondial du perfectionnement et de la reconnaissance des capacités de gestion financière autochtone.
En effet, de concert avec CGA, nous avons conçu un programme d'accréditation qui constitue maintenant l'une des grandes normes d'embauche pour les collectivités et les organisations autochtones. Les organismes de financement et les établissements financiers s'en servent également comme mesure de capacités. À notre connaissance, le titre de Gestionnaire financier autochtone certifié est le seul du genre au monde, ce qui fait de l'AAFA une autorité dans le perfectionnement des compétences en gestion financière autochtone. À ce jour, 207 de nos membres ont obtenu cette accréditation. Durant notre troisième année d'existence à elle seule, le nombre de membres accrédités a doublé.
L'établissement de partenariats nous permet également de nous servir de la technologie pour offrir aux membres des séances de formation à distance et des occasions de partage du savoir, et ce, peu importe où ils se trouvent. Bon nombre de nos collectivités sont lointaines et isolées. L'Internet nous permet d'éduquer et de partager l'information. Nous concluons des ententes pour partager de l'information avec les Autochtones d'autres pays et leur faire profiter de notre expertise. Par exemple, nous avons récemment officialisé une entente avec notre homologue américaine afin d'échanger des expériences, des idées et des solutions à des défis communs.
En échange, nous apportons à la table de négociation notre expérience de la mise sur pied d'un programme d'accréditation. Nos membres sont des gestionnaires de tous les échelons, qu'il s'agisse de commis, de superviseurs ou de directeurs financiers responsables d'une gigantesque exploitation commerciale. Certes, nous leur offrons un soutien, mais nous bénéficions aussi de leur apport. En effet, nous leur demandons régulièrement conseil pour traiter d'une question ou relever un défi, et nous les écoutons.
Nous sommes fiers de pouvoir miser sur l'expertise de nos membres chevronnés les plus expérimentés. Mais nous sommes aussi fiers des liens que nous entretenons avec les gens à la base même de la fonction publique autochtone.
Notre premier congrès, qui s'est tenu à Winnipeg en 2000, a attiré quelque 300 gestionnaires des quatre coins du Canada. L'année suivante, plus de 400 personnes ont assisté au congrès à Vancouver. À l'automne 2002, ce sont 500 gestionnaires qui se sont réunis à Saskatoon. Nous prévoyons que le nombre de congressistes continuera à croître pendant encore bien des années.
Toutes les personnes ici présentes ont certainement déjà entendu parler des histoires de mauvaise gestion et de manque de responsabilisation dans les collectivités autochtones du Canada. Mais cela existe partout et pas seulement dans les collectivités autochtones. Or, lorsqu'il s'agissait de celles-ci, ces cas ont fait les manchettes de tous les médias. Les histoires de réussite, par contre, n'attirent pas toujours autant d'attention. J'aimerais donc vous en relater brièvement quelques-unes:
La bande Mi'kmaq de Membertou, par exemple, a réussi à satisfaire aux normes d'administration et de comptabilité internationales nécessaires à l'obtention de l'homologation ISO 9001.
À (1015)
Les sections de l'AAFA travaillent à promouvoir le partage des meilleures pratiques au sein des collectivités autochtones partout au Canada. Les gestionnaires financiers de différentes organisations autochtones mettent en commun leurs idées, ce qui a pour résultat d'accroître l'efficacité de leur organisation.
Un bon exemple de cela est le manuel d'exploitation de référence des Premières nations produit par les membres de la section de la Saskatchewan de l'AAFA. Ce manuel aborde une vaste gamme de politiques financières, gouvernementales, administratives et en matière de gestion du personnel. Nous l'avons communiqué à l'Assemblée des Premières nations et nous l'avons affiché sur notre site Web pour que tous y aient accès.
Peu de groupes au Canada, à part les Premières nations, entretiennent la relation unique d'égal avec le gouvernement du Canada. Jusqu'à récemment, très peu voire même aucune aide de planification financière n'a tenu compte de cette relation. Aujourd'hui, bien des gestionnaires financiers autochtones se servent du calendrier de planification financière des Premières nations. Ce calendrier et ses diverses composantes traitent des trois principaux cycles de planification financière—planification, établissement d'un budget et responsabilisation—ce qui facilite la tâche des gestionnaires financiers autochtones qui doivent faire l'équilibre entre les pressions budgétaires de leur collectivité et celles des organismes de financement. Personnellement, je l'emploie au niveau professionnel et il me sert de guide. Si vous souhaitez y jeter un coup d'oeil, je vais le laisser à la greffière.
Même si nous nous réjouissons de ces succès, nous sommes très conscients des défis auxquels font face nos membres. Il y a plus de 600 bandes, mais chaque collectivité des Premières nations ne dispose pas des mêmes ressources ou d'un accès égal à des occasions de formation. Chacune d'entre elles n'a pas non plus la même attitude vis-à-vis du changement. La législation sur l'autonomie gouvernementale nous donnera certes de nouveaux outils, mais cela ne suffira pas. Il est absolument essentiel, à notre avis, de faire en sorte que les collectivités des Premières nations sachent comment utiliser ces outils. En fait, il en va de leur survie.
Les dirigeants des collectivités des Premières nations arriveront à prendre des décisions qui respecteront les exigences de transparence et de conformité impératives de nos jours s'ils reçoivent des renseignements précis de la part de gestionnaires très qualifiés et bien soutenus. L'AAFA a précisément comme mandat d'offrir l'accès à ses outils financiers qui rendront autonomes les collectivités autochtones. Nous offrons des connaissances, des occasions de formation, des réseaux, une accréditation, des normes et d'autres outils pour aider les gestionnaires. En retour, nos membres se sont servi de leur expertise pour élaborer bon nombre des politiques et des procédures qui se retrouvent dans l'actuel projet de loi sur l'autonomie gouvernementale.
Alors, au moment où vous formulerez vos recommandations, rappelez-vous que vous ne devez pas chercher à combler un vide. Ne créez pas une législation qui modifierait du tout au tout ce qui est déjà en place et qui fonctionne bien. Nous sommes prêts à partager notre expertise et nos solutions pour veiller à ce que la législation réponde véritablement aux besoins. En fait, nous avons formé un organisme consultatif interne pour passer en revue de manière détaillée le projet de loi sur l'autonomie gouvernementale.
À (1020)
Un certain nombre de nos membres, triés sur le volet aux quatre coins du pays, étudieront le projet de loi et nous présenteront leurs conclusions ainsi que des recommandations détaillées. Une fois que cette information sera disponible, elle servira à préparer une autre soumission encore plus détaillée pour le comité auquel je m'adresse aujourd'hui.
Nous vous présentons cette proposition dans un esprit de partenariat et nous espérons que vous la prendrez dûment en considération.
Le temps est venu pour l'AAFA de partager son savoir-faire dans le domaine de la gestion financière. Il suffit de consulter les pages d'affaires de n'importe quel journal de nos jours afin de constater un regain d'intérêt pour la transparence, la conformité et d'autres questions touchant la gestion des affaires.
Si l'on se tourne vers l'avenir, il est aussi évident qu'une meilleure gestion est essentielle pour offrir une meilleure responsabilisation aux citoyens ordinaires à mesure que les collectivités des Premières nations déploient des efforts pour atteindre l'autonomie gouvernementale.
L'AAFA est vouée à l'excellence en gestion financière pour les collectivités autochtones. Comme je l'ai dit auparavant, une bonne gestion financière se fonde sur les unités de base que sont la responsabilisation, la transparence et l'établissement d'un mécanisme de redressement. L'AAFA vise à parfaire les compétences dans ces domaines.
Nous croyons qu'il faudra bien davantage de consultations et de travail pour que le gouvernement du Canada et les Premières nations arrivent à la solution parfaite. D'après notre expérience, pour véritablement répondre aux besoins variés des collectivités des Premières nations, les changements doivent venir des personnes qui seront les premières touchées.
Nous croyons également qu'une partie des éléments de fondation d'une bonne gestion ont déjà été mis en place par la fonction publique autochtone qui voit le jour. Nous vous pressons de tirer avantage de ce travail et de toute sa valeur en l'intégrant dans le projet de loi.
Pendant que je me préparais pour m'adresser à votre comité, je n'ai cessé de me rappeler le congrès de l'AAFA qui s'est tenu à Saskatoon l'automne dernier. Il avait pour thème: concilier le passé et équilibrer l'avenir, principe que les comptables appliquent à tous les jours, mais pour les Premières nations, la notion revêt une signification beaucoup plus importante.
Ces mots conviendraient tout autant à l'exercice que nous menons aujourd'hui. Nous ne pourrons pas nier le passé, mais nous pouvons nous tourner vers l'avenir et concentrer nos efforts à améliorer les choses pour tous les peuples des Premières nations. Il est absolument essentiel que ces peuples aient leur mot à dire sur la forme que prendra cet avenir. L'AAFA est ici aujourd'hui pour vous dire que nous souhaitons travailler en collaboration avec le gouvernement fédéral et toutes les Premières nations pour jeter les bases de l'autonomie gouvernementale.
Merci beaucoup.
À (1025)
Le président: Merci beaucoup de votre exposé. Nous avons pris bonne note de votre offre de fournir aide et conseils, et de former des partenariats. Toutefois, j'aimerais préciser que l'aide dont notre comité a besoin devrait porter sur l'amélioration du projet de loi C-7, en vue de le renvoyer à la Chambre.
Bon nombre des questions que vous avez abordées et que vous connaissez probablement à fond touchent des domaines qui ne font pas partie du mandat de notre comité—je tiens à ce que vous le sachiez. Nous avons besoin d'un coup de main pour parfaire le projet de loi article par article, dans le but d'améliorer la vie des gens visés par la mesure.
Passons aux questions. Nous commençons avec sept minutes pour l'opposition officielle, ce qui comprend la question et la réponse. Un petit conseil: si nous devons interrompre votre réponse, vous pouvez la compléter en même temps que vous répondez à la question suivante.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Neuf minutes?
Le président: Vous voulez neuf minutes?
M. Maurice Vellacott: Cela me convient.
Le président: L'opposition a exercé son droit d'exiger tout le temps convenu, alors nous rejetons la proposition du président. J'accueille la demande. Neuf minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci, monsieur le président.
D'abord, tous les membres du comité se réjouissent de votre présence, Donna, vous deux, et M. Ryan aura sans doute l'occasion d'intervenir plus tard.
L'AAFO a-t-elle pris part à la préparation du projet de loi -7 et, le cas échéant, dans quelle mesure? Avez-vous été consultés? Avez-vous pris part à un moment ou un autre à la rédaction du projet de loi?
Mme Donna Morin: Nous avons été sollicités une fois par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Nous avons participé à une séance avec quelques personnes du ministère, et il en est résulté ceci. Le conseil d'administration de l'AAFO du Canada a élaboré une politique relative à la loi sur la gouvernance. Or, nous avions le choix de la rejeter d'emblée ou de dire: «c'est excellent, allez-y.»
La position que nous avons finalement arrêtée consistait à dire: «Attendez une instant, c'est une entreprise énorme qui touche différents domaines et affecte tout le monde, si bien que la chose prudente serait de consulter les dirigeants des Premières nations et de consulter le gouvernement du Canada. Par-dessus tout, nous devrions rencontrer les membres de l'AAFO, discuter avec eux des conséquences de ce projet de loi; par ailleurs, puisque la plupart de nos membres sont aussi des membres des Premières nations, il faudrait réfléchir aux conséquences de la mesure pour les organisations au sein de nos collectivités. À l'heure actuelle, notre position consiste donc à prôner l'examen et la consultation.
M. Maurice Vellacott: Très brièvement, Donna, vous attendez-vous à des consultations plus approfondies, ou la tribune où nous sommes aujourd'hui constitue-t-elle cette consultation? Vous attendez-vous à des consultations ultérieures? Le projet de loi a déjà été déposé, alors, lorsque vous parlez de consultation, elle doit se faire dans le cadre du processus enclenché. Vous aurez peut-être votre mot à dire, comme différents groupes de partout au pays. Est-ce que votre participation à l'élaboration de cette loi se résume, pour l'instant, à notre processus?
Mme Donna Morin: L'AAFO a mis sur pied un comité consultatif pour étudier le projet de loi en détail. Comme je l'ai dit, nous avons l'intention de partager nos conclusions avec votre comité, mais je crois vous entendre dire que ce projet de loi ira de l'avant. Vous ai-je bien compris?
M. Maurice Vellacott: Eh bien, il suit son cours. Nous recueillons des points de vue et ainsi de suite, au moment même où l'on se parle. Or, vous dites que vous êtes actuellement en train d'élaborer une proposition plus complète, plus détaillée, une critique du projet de loi que vous comptez soumettre ultérieurement à notre comité. C'est bien cela que vous dites?
À (1030)
M. Daniel Ryan (président et directeur général, Association des agents financiers autochtones du Canada): C'est exactement cela, si je puis me permettre d'intervenir. Comme la présidente de l'AAFO vient de le dire, nous avons mis sur pied un comité qui se réunira probablement la semaine prochaine pour examiner le projet de loi sous toutes ses coutures et soumettre un nouveau mémoire qui comprendra des recommandations précises quant au projet de loi.
Cela dit, nous sommes en contact avec le ministère à tous les jours pour discuter de différents aspects du projet de loi. On peut donc dire que nous avons été consultés à fond à cet égard.
M. Maurice Vellacott: Je présume, avec la permission du président et le consentement des autres membres du comité, que ce nouveau document détaillé pourrait être remis à tous les membres du comité.
Ma question est donc la suivante: je sais que nous ne pouvons présumer de la forme finale du projet de loi, mais est-ce que vous tenez pour acquis que vous prendrez part à la mise en oeuvre du système de responsabilité financière du projet de loi C-7? Croyez-vous que vous allez jouer un rôle clé dans sa mise en oeuvre?
Mme Donna Morin: Étant moi-même agent financier, je peux vous dire que la plupart des gestionnaires financiers autochtones mettent déjà en pratique certaines des activités prévues dans la loi sur la gouvernance; nous appuyons tous la reddition de comptes et la saine gestion financière. Certaines des pratiques énoncées dans le projet de loi sur la gouvernance sont déjà intégrées aux pratiques des Premières nations.
M. Maurice Vellacott: Y a-t-il des éléments du projet de loi qui vous frappent comme étant problématiques ou encore qui soulèvent chez vous des préoccupations précises?
Mme Donna Morin: Je suis comptable en management accréditée ainsi que CAFM, gestionnaire financier autochtone accréditée. En me fondant sur mes études et mon expérience, j'appuie la théorie de la gestion selon laquelle le meilleur moyen d'effectuer des changements, c'est d'obtenir le consentement des personnes concernées et de faire participer ces personnes à l'élaboration des changements. Ces derniers répondront alors aux besoins des personnes concernées et passeront avec succès la véritable épreuve de la gouvernance, à mon avis.
M. Maurice Vellacott: Avez-vous certaines inquiétudes...? Permettez-moi d'en soulever une. Une disposition du projet de loi exige plus d'accès aux états financiers dans les collectivités, crée l'obligation de les rendre publics et de fournir une copie à quiconque en fait la demande. La portée des états financiers n'est pas définie—s'il s'agit de recettes consolidées ou publiques.
Je fais allusion à ce qui a été baptisé l'arrêt Montana, qui concerne l'argent des Indiens et l'argent des bandes. À votre avis, quelle est la portée des états financiers que les collectivités doivent rendre publics en vertu de ce projet de loi? Cela concerne-t-il leurs propres recettes, ainsi que celles provenant du gouvernement?
Mme Donna Morin: Je crois qu'il revient à chacune des Premières nations de décider quels états financiers devraient être rendus publics. Certaines des entreprises gérées dans les collectivités des Premières nations sont de nature commerciale. Quelle autre entité commerciale communique bonnement des renseignements comme ceux que les Premières nations doivent rendre publics? Cela devient presque un fardeau et...
M. Maurice Vellacott: Mais s'il s'agit d'une «entreprise commerciale» et que la bande, qui constitue l'entité commerciale, y représente les membres? Dans un cadre municipal ou provincial, les électeurs auraient accès à ces renseignements, n'est-ce pas? Dites-vous que cela compromettrait un certain avantage concurrentiel, par exemple?
Mme Donna Morin: Oui.
M. Maurice Vellacott: Mais c'est pour les membres de leur propre bande. Il est dans leur intérêt de savoir comment se porte l'entreprise et de savoir si l'argent est accessible.
Mme Donna Morin: Il y a différentes façons de faire rapport aux membres de la bande. Il revient aux membres de décider quelle information sera transmise au conseil, au leadership; ces derniers en discutent alors avec les administrateurs de la société, puis en font part aux membres de la bande. Les membres de la bande doivent connaître les données fondamentales, ils doivent savoir que leur argent a été engagé conformément à leurs décisions prises en vertu d'un véritable processus de gouvernance.
M. Maurice Vellacott: Très bien. Dans ce cas-ci, je comprends ce que vous dites.
Dois-je comprendre que vous êtes en désaccord avec l'obligation que crée ce projet de loi de procéder à des déclarations assez complètes? Certaines des intentions du projet de loi vous posent-elles problème?
À (1035)
Mme Donna Morin: Comme je l'ai dit dans mon exposé, une partie du travail a déjà été fait. Il ne serait peut-être pas judicieux de l'enchâsser dans une loi. Certaines Premières nations se sont déjà dotées de telles politiques, procédures et règles visant la gouvernance. Ce serait une mesure qui n'est pas nécessaire.
M. Maurice Vellacott: Qu'en est-il des Premières nations qui n'ont pas adopté ces pratiques?
Mme Donna Morin: On devrait donner à ces nations-là la possibilité de mettre au point et d'améliorer les procédures déjà en place. Des organismes comme l'AAFA seront en mesure de les aider à jeter les bases de la bonne gouvernance dont je parle.
M. Maurice Vellacott: Que dois-je dire aux membres des bandes qui viennent me voir pour me dire qu'ils souhaitent avoir accès à des renseignements de base qui normalement devraient leur être fournis?
Dans ma ville de Saskatoon, ou dans une petite ville, cela irait de soi que je reçoive ces informations sans difficulté.
Vous avez raison. Certaines bandes exercent, je crois, une bonne gouvernance, et communiquent ces renseignements sans poser d'obstacles et sans y faire obstruction. Dans d'autres cas, on a beaucoup de mal à obtenir ne serait-ce que des données de base. Je crois que vous en êtes consciente, Donna, et d'ailleurs, vous y avez fait allusion.
Ces gens doivent se poser des questions. Cela doit éveiller des soupçons chez eux. Ils se demandent pourquoi on ne fournit pas facilement ces renseignements et pourquoi le chef et le conseil y feraient obstacle. Ont-ils quelque chose à cacher? Peut-être pas, mais cela soulève des questions.
Le président: Merci, monsieur Vellacott.
Monsieur Godfrey, vous avez sept minutes.
M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Merci, et bienvenue.
Je poursuis dans la même veine que M. Vellacott. Ma première question est la suivante: Quand prévoyez-vous que la consultation auprès de vos membres sera terminée et que vous pourrez nous soumettre une série de recommandations détaillées concernant le projet de loi? Avez-vous fixé une date?
M. Daniel Ryan: J'espère que nous serons en mesure de soumettre des recommandations d'ici deux semaines. Au meilleur de nos connaissances, au moment où nous nous parlons, les choses évoluent et le comité tente de se réunir pour examiner la mesure en détail, comme nous l'avons déjà dit.
Cela dit, en effet, l'AAFA souhaite ardemment être en mesure de présenter des recommandations très solides, et nous espérons que le comité en tiendra compte.
M. John Godfrey: Nous sommes très impatients de les recevoir.
Ma deuxième question porte sur le témoignage offert la semaine dernière par la vérificatrice générale. Elle a soulevé deux points très convaincants.
Premièrement, elle a fait valoir que, dans tout régime de reddition de comptes qui fonctionne, il doit y avoir un élément de réciprocité. En d'autres mots, les attentes des destinataires des rapports et déclarations doivent concorder avec celles des auteurs de ces rapports et déclarations. À cet égard, la vérificatrice générale nous a rappelé que, en moyenne, les Premières nations autochtones sont tenues de déposer 168 rapports annuellement, même dans les cas où la collectivité ne compte que 200 personnes.
Dans l'exercice de votre métier, êtes-vous d'avis que les exigences que le gouvernement fédéral impose aux collectivités des Premières nations constituent un obstacle à la transparence, à la bonne gouvernance et aux bonnes pratiques de gestion financière, étant donné les ressources qui doivent être consacrées à la préparation, souvent en deux exemplaires, de ces rapports?
Vous pouvez répondre à la première question.
Mme Donna Morin: Oui, j'ai lu le texte de l'allocution présentée ici par la vérificatrice générale, et je crois qu'elle a donné dans le mille en affirmant que le système actuel de rapports ne pouvait être maintenu.
Les Premières nations consacrent beaucoup de temps à préparer des rapports pour le gouvernement fédéral. C'est pourquoi nous pourrions peut-être examiner certains de ces rapports—c'est ici que l'AAFA entre en jeu—et cerner ceux qui ont été utiles au gouvernement fédéral et, à plus forte raison, aux Premières nations elles-mêmes. Une fois éliminés certains de ces rapports, peut-être que les rapports publics aux membres pourront être mis en place.
Pour répondre à votre question, je vous dirais que la préparation de tous ces rapports constitue un fardeau pour les Premières nations. Cela exige du temps et des ressources, et engendre presque une industrie pour le gouvernement fédéral et pour nos Premières nations.
À (1040)
M. John Godfrey: Vous parlez d'améliorer les choses pour les deux parties. Serait-il envisageable de demander à votre organisme de présenter une série de suggestions proactives qui permettraient d'alléger le fardeau de cette production de rapports, qui est imposé par le ministère? Je ne pense pas que cela exigerait la modification de la loi, il s'agirait plutôt d'une amélioration administrative. Pour ce qui des Premières nations, les régimes de comptabilité seraient plus clairs et plus transparents, et on constaterait également une réduction des tracasseries administratives. Il me paraît logique de mener de front ces deux initiatives.
Selon vous, est-ce que le ministère pourrait participer activement?
M. Daniel Ryan: Je vais vous donner une réponse partielle. C'est tout à fait le rôle de l'AAFA: la conception de ces outils, l'étude de ces scénarios et du fardeau que représente la production de rapports. L'AAFA est un nouvel organisme. Nous n'en sommes qu'à notre troisième année, et nous avons déjà conçu toute une série d'outils qui sont utilisés par les Premières nations et les organismes autochtones aux quatre coins du pays. Je pense que ça illustre la réussite de ces outils.
Bien évidemment, nous évoluons. J'espère que nous avons pu démontrer que nous disposons de l'expertise et des compétences nécessaires pour nous attaquer aux autres problèmes auxquels font face nos communautés. Nous voulons les aider et, pour en revenir aux deux parties, aider aussi le gouvernement canadien pour que puissent être établis des règlements qui satisfassent les exigences des deux parties.
M. John Godfrey: Merci infiniment.
Le président: Monsieur Vellacott, vous disposez de cinq minutes.
M. Maurice Vellacott: Pour revenir aux différents paliers de gouvernement, il n'appartient pas aux grandes villes, comme Saskatoon qui compte 220 000 habitants, de décider des méthodes à suivre. Alors pourquoi les bandes individuelles pourraient-elles le faire? Ce ne sont pas nécessairement toutes les bandes qui sont des Premières nations. On a parlé des différents paliers de gouvernement et des grandes villes, mais certaines de ces bandes sont encore moins importantes. Pourquoi ne pas mettre en place des méthodes uniformes? Après tout, les villes ne peuvent décider des méthodes comptables qu'elles voudront bien appliquer.
Ce que j'entends par tout cela, c'est que le conseil tribal de Prince Albert et la FSIN devraient respecter des normes communes au lieu d'agir à leur guise. Est-ce que vous me comprenez?
Mme Donna Morin: Oui. Vous savez sans doute que les organismes qui financent les Premières nations, notamment Santé Canada et le ministère des Affaires indiennes, exigent des déclarations et rapports différents. Malheureusement, cela a incité les Premières nations à mettre sur pied des centres de production de rapports qui sont fondés sur les exigences du gouvernement fédéral. Évidemment, d'une Première nation à l'autre, les rapports qui sont produits diffèrent, cela dépend du type de financement qu'elles reçoivent.
À l'AAFA, on préférerait ne pas adopter un modèle unique. Il serait préférable de décider des rapports qui sont véritablement nécessaires dans le cadre de la gestion financière, d'aider les Premières nations à les concevoir et de mettre l'accent sur les rapports à fournir aux membres.
M. Maurice Vellacott: Il ne s'agit pas de demander à tous les intervenants d'agir comme bon leur semble. Il s'agit d'être souple tout en respectant des normes communes, des normes minimales qui permettraient de s'écarter de celles du gouvernement fédéral si elles ne conviennent pas dans une situation donnée.
Mme Donna Morin: En tant que comptables professionnels, nous devons respecter des normes en matière de comptabilité, à savoir les PCGR. L'AAFA espère influencer ces normes et peut-être même concevoir des normes de comptabilité qui rejoignent les PCGR, mais qui prennent en compte les besoins des Premières nations. C'est ça, les PCGR. On peut influencer ces normes parce que nous produisons des informations financières.
M. Maurice Vellacott: D'accord.
Donna ou Daniel, dans le projet de loi C-7, il n'est pas question d'un vérificateur général externe ou d'un système de comptabilité axé sur les résultats. Qu'en pensez-vous? Est-ce que ce serait une bonne idée d'ajouter ce principe de comptabilité axée sur les résultats, en disant qu'il faut qu'il y ait des résultats concrets, un certain taux de réussite, par exemple, des résultats concrets en matière d'éducation, de santé, etc.?
Mme Donna Morin: Je ne vous ai pas entendu. Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire?
À (1045)
M. Maurice Vellacott: Dans le projet de loi C-7, il n'est aucunement question d'un vérificateur général externe ou d'un système de comptabilité axée sur les résultats. On entend par là, dans le domaine de la santé par exemple, qu'il faudrait qu'il y ait certains résultats dans une bande ou une réserve, ce serait le cas pour l'éducation également, les résultats justifieraient le financement.
Faudrait-il ajouter une telle disposition au projet de loi? Pour le moment, on n'en traite pas. Il s'agit d'argent, évidemment...
Mme Donna Morin: Faites-vous référence à des normes en matière de production de rapports dans les domaines de l'éducation et de la santé? Je ne suis pas sûre d'avoir compris votre question, d'abord parce que je vous entends très mal.
M. Maurice Vellacott: Il est facile de montrer que l'argent a été dépensé, en se rapportant aux reçus pertinents. Le problème ne se situe pas à ce niveau. Ce qu'il faut savoir, c'est : y a-t-il eu des résultats? Est-ce que le financement attribué a permis d'atteindre des objectifs?
Dans le projet de loi C-7, il n'est aucunement question d'un vérificateur général externe. Ni de la comptabilité axée sur les résultats. Il s'agit plutôt d'un système par le biais duquel l'argent est attribué puis est dépensé, les reçus servant de pièces justificatives.
Mme Donna Morin: Je vais encore parler de ma formation en tant que CMA. Il s'agit de différents niveaux de budgétisation et de production de rapports axés sur ces budgets. C'est une véritable affirmation de l'autonomie gouvernementale que de produire des rapports qui comparent des résultats financiers à des résultats non financiers. Il s'agit là d'un objectif et d'une norme qui devraient être mis en place dans toute organisation. Je suis consciente que le gouvernement canadien essaie aussi d'établir des liens entre ces deux aspects, pour pouvoir prendre les meilleures décisions qui soient. Je pense que, dans ce domaine, les Premières nations progressent à pas de géant.
M. Maurice Vellacott: Merci.
Le président: Merci infiniment.
Monsieur Reed, à vous.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Votre organisme est jeune, dynamique et en pleine évolution. Avez-vous pu offrir vos services à chacune des bandes? La majorité des bandes ont-elles adopté l'AAFA?
Mme Donna Morin: Notre organisme offre des services de perfectionnement professionnel, et par conséquent, nous ne forçons pas les gens à y adhérer. Nous ciblons les organismes autochtones et les responsables des finances au sein de ces organismes. Nous offrons des outils, comme ceux dont je vous ai parlé aujourd'hui. Nous offrons l'accès à Internet, organisons des conférences et offrons une tribune qui est propice à l'échange d'informations.
Comme je l'ai dit précédemment, il est concevable qu'à long terme notre organisme établisse des normes en matière de comptabilité, mais pour le moment, nous en sommes aux étapes de conception dans ce domaine.
M. Julian Reed: Où en êtes-vous pour ce qui est de la conception? Votre travail est très intéressant, et il est évident que ce serait dans l'intérêt de toutes les bandes de tirer profit de votre expertise.
M. Daniel Ryan: Dans le document que Donna a présenté plus tôt, nous avons dit que nous avons réussi à obtenir un effectif de 500 adhérents en seulement deux ans. Nous n'avons pas ici la ventilation de ce chiffre, mais je peux vous dire que nous avons une représentation de presque toutes les parties du pays, notamment les bandes des Premières nations, les conseils tribaux, etc. Nous sommes sur la bonne voie.
Comme nous l'avons dit plusieurs fois, je pense qu'il faut comprendre ici que l'AAFA est le petit nouveau. Comme tout ce qui est nouveau, que ce soit une voiture ou une mode quelconque, nous sommes confrontés à un certain degré de résistance. La question naturelle à se poser est: «Pourquoi a-t-on inventé l'AFOA?». Nous sommes fiers de dire que nous sommes un organisme d'affiliation professionnelle qui crée les outils nécessaires pour résoudre les problèmes et relever les défis du passé et pour se tourner vers l'avenir et collaborer avec toutes les parties intéressées.
En ce qui concerne l'effectif, on parle de l'ensemble des Premières nations qui se joindraient à l'AAFA. À cette étape-ci, nous procédons de manière individuelle. Mais si l'on reconnaît que la plupart des membres sont rémunérés par le conseil de bande, il faut une approbation du chef et du conseil la plupart du temps. Si l'on se penche sur cette question à l'interne, dans notre bureau, je pense que l'on peut dire que nous avons une représentation valable et solide. Lorsque l'on prend la parole aujourd'hui, on parle au nom de ces 500 personnes à travers le pays.
À (1050)
M. Julian Reed: Merci.
Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Karetak-Lindell, allez-y.
Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question se rapporte aux autres questions. J'ai été intéressée que vous demandiez pourquoi légiférer les méthodes comptables alors que l'on essaie déjà de résoudre cette question avec les différentes bandes. En fait, je suppose que l'on essaie toujours de s'assurer d'obtenir un minimum et que tout le monde se conforme au moins à ce niveau-là.
Alors je voudrais que vous développiez un peu sur le fait que selon vous, nous ne devrions pas légiférer et forcer les bandes à adopter certaines méthodes comptables. Si nous ne légiférons pas en cette matière, n'y en a-t-il pas qui passeront par les mailles du filet? Il y a toujours un mouton noir qui nuit à la réputation de tous les autres cas de réussite qu'ont mentionnés les témoins la semaine dernière.
Mme Donna Morin: Je suppose que j'ai dit cela parce qu'il a été prouvé que pour que ce genre de mesure législative fonctionne, il faut qu'elle soit adoptée et approuvée par ceux qui vont l'appliquer. Alors je pense qu'un modèle différent de celui que vous proposez serait de faire participer les membres de chaque Première nation au processus et de discuter des règles de production de rapports, de gouvernance et de gestion. Les membres des Premières nations devraient approuver ces règles et les conserver. Alors ils pourront dire: «Telles sont les règles. Voici ce à quoi ma Première nation veut que le gouvernement du jour se conforme.» Si quelqu'un doit changer ces règles, ce devraient être les membres. Il y a des répercussions pour ceux qui décident de sortir de cette voie.
Dans notre exemple de politique des Premières nations, il y a des directives sur la façon d'établir les politiques des bandes et sur le fait que les membres ont leur mot à dire là-dedans. Je pense qu'il est très important que ce soit les membres qui demandent une reddition des comptes. C'est comme ça que ça devrait se passer. Cela n'arrivera cependant que si ceux-ci ont la capacité d'établir leur politique.
Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Vellacott, vous avez trois minutes.
M. Maurice Vellacott: Donna, je voulais vous poser encore une question à ce sujet.
Malheureusement, je ne suis que trop conscient de la faible participation électorale du public canadien en général, ou de leur indifférence, si vous voulez. Dans certains cas, on peut même aller jusqu'à parler de cynisme. Je fais référence à la collectivité non autochtone, ici.
Je comprends qu'il peut y avoir des considérations culturelles qui fassent que certains manifestent un plus grand intérêt à participer au processus et, comme vous l'avez dit, à élaborer, garder et protéger ces politiques. Mais si j'établis une comparaison avec la collectivité non autochtone, où les gens sont tellement occupés avec leur propre vie, vous aurez du mal à les rassembler pour discuter de ces questions qui paraissent ennuyeuses, même si elles sont cruciales. Vous êtes bien placée pour savoir qu'elles sont cruciales.
Est-il réaliste de penser que les gens vont montrer énormément d'intérêt à cela, vont participer et comprendre tout cela? Parfois, ça n'a rien d'une lecture de chevet. Vous comprenez ce que je veux dire, Donna? Est-il réaliste de dire que les bandes vont souhaiter se saisir de ces questions?
C'est pour cette raison que parfois, il vous faut un conseil tribal ou des personnes qui s'y intéressent. C'est vital pour eux; ce sont des mordus de politique. Ils veulent ce qui convient le mieux pour leur peuple. Ils participeront, plutôt que ce soit chaque bande individuelle de 200 personnes. Certains peuvent être fascinés par beaucoup d'autres choses que ces histoires de gouvernance.
À (1055)
Mme Donna Morin: Je sais qu'il y a des réunions de bande dans les collectivités des Premières nations. Certaines d'entre elles sont assez animées. Je ne connais pas exactement quelle est la participation aux élections, mais je sais que vous pouvez faire participer les collectivités.
Lorsque vous faites participer les collectivités des Premières nations, vous tenez compte de tous ceux qui sont autour de la table, de la langue que vous parlez, et de la façon dont vous présentez les choses. Vous ne présentez pas des documents indigestes. Vous fournissez de l'information de façon à ce que les aînés et les mères seules puissent comprendre.
Alors il est possible de faire participer les membres des Premières nations.
M. Maurice Vellacott: Plus qu'au sein de la population non autochtone? Vous pensez qu'il y a une plus forte chance...
Mme Donna Morin: Je le crois, ne serait-ce qu'à cause des événements actuels dans les collectivités des Premières nations.
Le chef Matthew Coon Come vous a parlé des disparités qui existent. Les gens veulent de meilleurs logements et une meilleure éducation, et ils vont l'exiger. Ils vont participer aux discussions, si vous leur donnez l'occasion de changer les choses dans leurs collectivités.
Je crois qu'il n'y a que les Premières nations qui puissent faire participer ces personnes.
Le président: Merci beaucoup.
Merci beaucoup de nous avoir fourni cette information précieuse. Nous vous invitons maintenant à faire vos commentaires finaux.
Mme Donna Morin: Pour conclure, le changement que l'on pourrait faire serait de faire participer les Premières nations à l'élaboration et la ratification de cette mesure législative, de les faire souscrire à cette entente. Ensuite, l'AAFA peut aider à créer et à maintenir les capacités financières des collectivités des Premières nations et des collectivités autochtones au Canada. C'est sur cette idée que je voudrais vous quitter.
Le président: Nos sincères remerciements.
[Français]
Merci.
[Traduction]
Nous n'allons pas suspendre la séance. Nous allons débuter immédiatement l'audience suivante et donner le temps à la représentante de Cornet Consulting and Mediation Inc. d'arriver.
Le président: Les délibérations reprennent.
Nous accueillons Mme Wendy Cornet de Cornet Consulting and Mediation Inc. Je vous invite à faire votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.
Madame Cornet, je vous en prie.
Á (1100)
Mme Wendy Cornet (Cornet Consulting and Mediation Inc.): Merci beaucoup.
Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant vous. Je suis ici à titre d'experte-conseil indépendante spécialisée dans les affaires autochtones. Je ne représente aujourd'hui le point de vue d'aucun organisme ou gouvernement. Au cours des 25 dernières années, j'ai travaillé pour des organismes des Premières nations, des Métis, des Autochtones et des Inuits ainsi que pour le gouvernement fédéral.
En examinant la Loi sur la gouvernance des Premières nations, le gouvernement s'est engagé en partie dans un exercice de réforme de la Loi sur les Indiens. Ce n'est pas à moi de dire si le projet de loi C-7 est à tout prendre une bonne ou une mauvaise initiative pour les Premières nations touchées. Je vais plutôt présenter un point de vue sur les principales questions stratégiques en jeu dans toute entreprise de réforme de la Loi sur les Indiens et sur ce que je perçois être des grands obstacles à la réalisation d'une réforme véritable ou d'un consensus sur la réforme.
Même si le projet de loi C-7 vise à nous éloigner de la Loi sur les Indiens et de ses racines coloniales, le but est de progresser dans la continuité, comme l'illustrent plusieurs éléments du texte. Je pense notamment à la reconnaissance du pouvoir des Premières nations de choisir leurs dirigeants selon les paramètres et les conditions que fixe la mesure législative pour l'exercice de ce pouvoir; à la tentative de fournir des formes de gouvernance locale plus modernes mais toujours ancrées dans des normes juridiques eurocanadiennes; et,à la reconnaissance explicite dans le préambule et dans la définition de l'objet du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, sachant que le texte lui-même n'est pas l'expression de l'autonomie gouvernementale mais bien une mesure transitoire.
Il est également reconnu que les termes «Indien» et «bande» sont quelque peu inappropriés mais on n'abolit pas le système judiciaire et administratif en vigueur qui crée et perpétue l'existence de ces deux entités juridiques. Même s'il est d'usage dans le jargon politique du gouvernement de parler des Premières nations plutôt que des bandes indiennes, l'appareil judiciaire que le gouvernement fédéral et les Premières nations sont appelés à administrer parle principalement d'Indiens et de bandes. La nouvelle tendance dans la législation et ailleurs, comme dans le domaine de l'environnement, est de parler des gouvernements ou organismes autochtones ou des Premières nations. Le projet de loi C-7 révèle une ambivalence puisqu'il emploi indifféremment «Première nation» et «Indien», montrant bien ainsi qu'une question de fond n'est toujours pas tranchée.
Le terme «Indien» remonte à l'époque coloniale, comme vous le savez. Lorsqu'il a été employé pour la première fois dans la Loi sur les Indiens en 1876, la première loi codifiée sur les Autochtones, il s'agissait d'une épithète raciale d'usage courant dans la société canadienne et qui faisait l'amalgame entre divers peuples et nations indigènes du territoire canadien pour en faire une seule race, sans tenir compte de leur identité culturelle ou nationale comme les Micmacs, les Nisga'as, etc.
Il faut se rappeler deux choses au sujet du traitement historique des peuples premiers comme race. Tout d'abord, le terme «Indien» a servi à «racialiser» en un seul groupe diverses nations sous une étiquette qu'elles ne s'étaient pas donnée elles-mêmes.
Deuxièmement, la définition de toute race représente un concept social. Les catégories raciales ne sont pas des catégories biologiques. La «racialisation» appartient au vocabulaire savant de divers disciplines, comme la géographie, les sciences sociales ou le droit qui désignent des mécanismes sociaux créateurs de classifications arbitraires des gens en fonction de leur apparence physique ou de critères généalogiques rigides.
Le concept de la nationalité, par opposition, peut reposer sur la généalogie mais pas exclusivement. La nationalité canadienne en est un exemple.
Dans les pays d'Europe occidentale, dans le sens que lui donne l'ONU, c'est-à-dire en incluant les États-Unis et le Canada, un malentendu répandu qui remonte à l'époque coloniale veut que certaines variantes physionomiques superficielles chez les humains dénotent des différences biologiques ou génétiques plus fondamentales.
Diverses autorités en la matière, dont Ian Haney Lopez, un des théoriciens éminents des droits à l'égalité aux États-Unis, ont montré que les populations qui se ressemblent peuvent être génétiquement assez différentes et que, inversement, les populations assez semblables sur le plan génétique peuvent être distinctes sur le plan morphologique.
Le classement des individus en fonction de leurs caractéristiques physiques, par exemple, est donc tout à fait arbitraire. Il pourrait se faire en fonction de la couleur de la peau ou de la forme du nez. C'est aussi arbitraire que de se servir de la couleur des yeux ou de la pointure des chaussures.
Á (1105)
La conclusion de ce genre d'analyse c'est que l'interaction humaine plutôt que la différenciation naturelle doit être considérée comme la source et la base permanente de la catégorisation raciale.
Si la Loi sur les Indiens renforce la notion d'une «race indienne»—le texte plus long de mon mémoire l'explique davantage—, l'expression «Premières nations» tâche de neutraliser la racialisation et d'exiger que les non-Autochtones conçoivent les Premières nations comme des nations ou des peuples distincts sur le plan culturel et politique. C'est un argument qu'il faut bien comprendre. Les populations des Premières nations ont droit à l'autonomie gouvernementale et possèdent des droits territoriaux en raison de leur statut comme nation ou peuple distinct sur les plans culturel et politique et non en raison d'une spécificité raciale présumée que leur ont attribuée des forces sociales extérieures. De même, les droits culturels, sociaux et politiques inhérents au droit à l'autodétermination découlent du statut des Premières nations comme nations ou peuples et non de la classification raciale établie par d'autres peuples ou gouvernements.
Même si des traités ont été signés avec les Premières nations et que la Constitution reconnaît les peuples autochtones, la Loi sur les Indiens ne mentionne pas les peuples ni le statut de nation des populations autochtones du pays.
Outre le problème de la racialisation, la politique fédérale cherche depuis longtemps à imposer aux Premières nations des régimes électoraux euro-canadiens au moyen de la législation fédérale. Je parle dans mon mémoire d'une étude de Wayne Daugherty et de Dennis Madill ainsi que d'autres auteurs qui le montrent bien.
Ils expliquent que l'imposition d'un système électoral de conception fédérale au moyen de la Loi sur les Indiens faisait partie d'un plan d'ensemble destiné à assimiler les populations autochtones en supprimant les manifestations de leur culture traditionnelle, y compris leurs systèmes politiques traditionnels. Les tentatives en vue de faire adopter volontairement par les Premières nations un régime d'élection ont souvent échoué.
Or, des dispositions de la Loi sur les Indiens permettent au ministre ou au gouvernement d'imposer ce régime s'ils le souhaitent.
On a finalement adopté la voie de la prudence et permis les formes traditionnelles de gouvernance ou des variantes des formes traditionnelles, y compris les élections dans le cadre de la coutume.
Depuis l'instauration d'un régime d'élection dans la Loi sur les Indiens, le gouvernement fédéral est tiraillé au sujet du rôle des chefs traditionnels et des formes coutumières de gouvernance, le rôle des clans et des familles, le choix des conseillers et le rôle de la femme dans les nations matriarcales. Souvent, le refus des Premières nations d'adopter le scrutin ou de renoncer à leurs systèmes traditionnels a été interprété comme une attitude butée ou une incapacité de voir les avantages des élections. Les auteurs que j'ai cités plus tôt relatent certaines des réactions des autorités fédérales par le passé.
Il est facile de se complaire dans la polarisation des vues et la controverse qui entoure le projet de loi, mais en le replaçant dans son contexte politique et historique, que je décris en partie, on comprend mieux l'origine des divergences. On s'aperçoit également que la Loi sur la gouvernance des Premières nations se situe dans une cadre juridique et stratégique aux divers éléments contradictoires qui est essentiellement l'aboutissement de notre histoire.
D'un côté se dressent des vestiges coloniaux comme la Loi sur les Indiens, toujours en vigueur, et de l'autre la reconnaissance du droit implicite à l'autonomie gouvernementale et la reconnaissance par l'État des droits autochtones et ancestraux dans la Constitution. Il est important de signaler que la Loi sur la gouvernance des Premières nations stipule bien qu'il ne s'agit pas d'une initiative d'autonomie gouvernementale. En revanche, elle suppose à terme la mise en oeuvre de l'autonomie gouvernementale.
La délégation et l'encadrement de la compétence autochtone sur les élections chez les Premières nations s'apparentent peut-être à la réglementation par les lois provinciales des élections municipales à l'extérieur des réserves. Cette façon de faire a été mal accueillie par beaucoup de Premières nations qui ne se conçoivent pas comme un ordre de gouvernement subordonné au gouvernement fédéral ou qui a reçu de lui son pouvoir par délégation. De nos jours, les Premières nations ne se considèrent tout simplement pas comme des objets de réglementation, mais comme des partenaires à égalité avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Elles s'attendent donc à ce qu'on leur fasse confiance et à être traitées comme les gouvernements provinciaux le sont, c'est-à-dire capables d'exercer le pouvoir dans des secteurs de compétence étendus.
Á (1110)
Si vous regardez les pouvoirs accordés aux gouvernements provinciaux en vertu de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, par exemple, c'est assez vague. Si ces pouvoirs ne sont pas exercés de manière responsable, la solution se trouve dans l'urne.
Il y a aussi d'autres problèmes, comme le déséquilibre de facto des pouvoirs entre ceux du gouvernement fédéral et ceux des Premières nations. Elles se sont vu dépouiller de leurs vastes ressources au profit d'un gouvernement colonisateur, celui-là même qui fixe aujourd'hui le rythme et les paramètres de la décolonisation et qui décidera peut-être aussi si elle se fera ou non.
Le gouvernement fédéral dans ses déclarations se dit attaché à l'objectif de mettre en oeuvre le droit à l'autonomie gouvernementale. Lui et ses partenaires provinciaux doivent donc prendre des décisions qui dépassent largement les visées de ce texte mais qui en forment la toile de fond, à savoir quand et comment renoncer au pouvoir, dans quelle mesure et sur quelle durée.
Peuvent aussi être des points de friction certaines nuances de la politique d'autonomie gouvernementale. On dit en effet qu'il s'agit là d'un droit autochtone ancestral existant mais aussi que ce droit «peut» être exercé.
Comme vous le savez sûrement et l'avez sans doute déjà constaté, il y a des divergences importantes entre les Premières nations et le gouvernement fédéral sur le bien-fondé de la réforme de la Loi sur les Indiens comme mesure de transition sur la voie de l'autonomie gouvernementale.
À bien des égards, la Loi sur les Indiens est le noeud gordien du dossier autochtone. Les avis divergent quant à savoir s'il faut le trancher, en passant directement à l'autonomie gouvernementale, ou si ses complexités sont telles qu'il faut le dénouer progressivement par une réforme graduelle de la Loi sur les Indiens sur le chemin de l'autonomie gouvernementale.
Le président: Merci beaucoup de cet exposé fort détaillé.
Nous allons passer aux questions. Les neuf minutes comprennent la question et la réponse; le tour suivant sera de cinq minutes et on verra comment ça se passe.
Monsieur Vellacott, vous disposez de neuf minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci, monsieur le président. Je vous remercie d'être revenue comparaître, Wendy.
Dans le mémoire que vous avez envoyé au comité, vous dites que les gouvernements fédéraux passés ont essayé d'effacer les systèmes politiques traditionnels autochtones en imposant un mode de scrutin fédéral au moyen de la Loi sur les Indiens.
Vous avez parlé—sous un jour assez négatif, je dirais—des efforts en vue d'imposer le scrutin secret. Pouvez-vous nous en dire un peu plus et nous expliquer pourquoi vous n'êtes pas très enthousiaste à l'idée et ce qui vous amène à la voir sous un jour défavorable?
Mme Wendy Cornet: Ce n'est pas moi qui manque d'enthousiasme pour le scrutin secret. Il y a des vues différentes sur le fonctionnement de la démocratie et sur la question de savoir s'il peut y avoir une démocratie autrement qu'avec le scrutin secret. Il y a des avis divergents là-dessus.
Dans mon mémoire, je parle d'une étude de Daugherty et Madill, qui décrit les tentatives antérieures, au XIXe siècle, de traiter cette question. L'étude laisse entendre qu'au début le gouvernement fédéral était assez indifférent. À un moment donné, il a adopté une position et l'a défendue à quelques reprises. Je signalais seulement que le problème ne date pas d'hier. Le gouvernement fédéral, exprimant ainsi certains idéaux politiques, a son idée sur le sujet et de tout temps certaines Premières nations conçoivent la démocratie autrement et préconisent des formes de gouvernance qui respectent les administrés. Il y a des vues divergentes sur le sujet.
M. Maurice Vellacott: Oui, mais êtes-vous en train de dire que l'obligation de rendre des comptes aux électeurs autochtones du pays et l'amélioration de la situation ne méritent pas qu'on y travaille?
J'ai du mal à voir comment, en l'absence du scrutin secret, on ne s'expose pas à—parlons en termes non autochtones—à de l'intimidation. Toutes sortes de choses peuvent arriver et être utilisées contre vous quand les gens savent comment vous avez voté.
J'aimerais bien que vous nous disiez comment on peut être libre et ne pas risquer l'intimidation en l'absence de scrutins secrets.
Á (1115)
Mme Wendy Cornet: Une des choses qu'il ne faut pas oublier c'est que les systèmes que nous utilisons comme non autochtones sont essentiellement conçus pour des sociétés où ce sont des étrangers qui gouvernent des étrangers, comme une autorité en la matière l'a signalé. Très souvent, dans les collectivités autochtones, il s'agit de petites groupes composés de quelques familles.
Je sais que les Premières nations ont conçu des façons très créatrices de contourner la Loi sur les Indiens. Même avec le scrutin secret, des pactes sont souvent conclus pour déterminer qui votera pour qui. C'est donc dire que même avec le scrutin secret, cela ne veut pas dire que les gens n'essaieront pas de maintenir la tradition.
L'autre chose qu'il ne faut pas oublier c'est qu'on en sait sans doute très peu sur les formes traditionnelles de gouvernance. Avant de les faire disparaître, nous devrions en apprendre davantage et les analyser sous l'angle de l'article 35. Moi, mon idée n'est pas faite parce que je ne sais pas grand-chose des formes traditionnelles de gouvernance, à part ce que j'ai entendu. Comme plusieurs l'ont dit, y compris le comité consultatif ministériel conjoint, il y a de fortes chances que les formes traditionnelles de gouvernance soient protégées par l'article 35. Si tel est le cas, nous avons grand intérêt à savoir ce que nous réglementons, pourquoi et si cela est conforme à la Constitution.
M. Maurice Vellacott: Je vais d'abord faire un commentaire, puis j'aurai une autre question à poser. Je voudrais revenir à ce que disait Mme Cornet au sujet des petites localités. J'ai fait partie moi-même, tout comme j'en suis sûr certains de mes collègues, de petites associations de bénévoles au sein desquelles tout le monde se connaît assez bien, soit parce qu'on a déjà travaillé ensemble, soit parce que l'on est apparenté les uns aux autres; autrement dit, tous les gens se côtoient socialement. Dans ces cas-là, on juge généralement plus sage de passer au scrutin secret. Mais cela peut être différent dans certaines réserves.
Regardons ce qui se passe ailleurs dans le monde, comme au Moyen-Orient ou en Afrique. D'aucuns affirmeraient que c'est du colonialisme, mais chaque fois que le Canada y injecte des sommes, il souhaiterait que cela se traduise par une certaine démocratisation. En effet, sans être historien des sociétés, je ne puis m'empêcher de remarquer que les pays qui ont opté pour ladite «démocratie occidentale»—et j'espère que le terme n'offense personne—ont réussi et prospéré un peu partout sur la planète.
Il y avait bien des rois et d'autres formes de gouvernement dans les démocraties occidentales de naguère, mais celles-ci ont manifestement évolué. Puisque nous vivons aujourd'hui à l'ère de la technologie de pointe, ne devient-il pas nécessaire pour les Premières nations d'évoluer, et particulièrement pour celles qui vivent près des centres urbains? Nous ne serons peut-être pas en mesure d'arrêter le temps pour ces communautés qui devront peut-être évoluer elles aussi. Êtes-vous d'accord là-dessus?
Mme Wendy Cornet: Je ne considère cela nécessairement comme étant une question d'évolution. Si vous regardez certaines des Premières nations qui avaient recours aux systèmes héréditaires, elles incluent certaines des Premières nations les plus fortes et les plus riches du point de vue culturel et du point de vue des ressources, de la côte ouest, par exemple. Si l'on regarde les liens qui existent entre le développement, d'une part, et le recours au système héréditaire, d'autre part, on ne peut pas nécessairement souscrire à votre thèse pour l'ensemble des Premières nations du Canada.
Mais pour ce qui est de ce qui se passe aujourd'hui, je n'en sais rien, à vrai dire. Il me faudrait en connaître beaucoup plus au sujet des formes coutumières de gouvernance avant de pouvoir prôner ce que vous proposez et empêcher quelque groupe que ce soit de faire valoir son droit politique collectif et d'avoir recours au système héréditaire. Je n'en sais pas assez pour pouvoir affirmer que l'idée est bonne.
Á (1120)
M. Maurice Vellacott: J'ai regardé ce qui se passait dans certains cas. J'ai beaucoup lu là-dessus, et je suis assez impressionné par certains des comptes rendus qui semblaient nostalgiques devant les liens et la cohésion qui existaient dans les collectivités et semblaient les trouver impressionnants. Vous et moi et n'importe quel être sensé, nous pourrions nous demander jusqu'à quel point ce qu'on propose de nouveau est raisonnable. Il faudrait en faire l'essai. Dans une société de pointe et moderne qui a recours à la technologie de l'Internet et doit faire face à toutes les complications qui en découlent, cette façon de faire serait-elle possible? Peut-être que oui, mais il faudrait manifestement certains ajustements, à mon avis. Je me demande si vous êtes contre l'idée que la situation évolue. S'il en découlait une évolution vers une démocratie de type occidental plus poussée, cela irait-il nécessairement à l'encontre de la façon de faire autochtone?
Mme Wendy Cornet: La plupart des sociétés humaines évoluent avec le temps. Je suis sûre que les systèmes héréditaires des Premières nations ont évolué eux aussi, tout comme notre propre monarchie a évolué depuis plusieurs centaines d'années. On peut présumer que la même chose se produirait et s'est déjà produite chez les communautés des Premières nations.
Le président: Je voudrais ajouter ceci au débat: rien n'empêcherait une collectivité d'établir une liste des candidats et de les faire gagner tous par acclamation.
Mme Wendy Cornet: Pardon?
Le président: Une communauté pourrait établir une liste de candidats et les faire tous élire par acclamation, à partir du moment où on s'entend sur la liste. Ce n'est pas nécessairement à l'épreuve de toute erreur, mais cela donnerait au moins le droit à un individu de représenter sa collectivité, dans la mesure où les gens le souhaitent.
Mme Wendy Cornet: Je crois que M. Aldridge a répondu de façon très appropriée à certaines de ces questions lorsqu'il a comparu. Le projet de loi C-7 permet aux membres d'une collectivité de continuer à élire leurs dirigeants selon la coutume,s'ils le souhaitent et jugent que cette méthode leur convient, mais il existe aussi des mécanismes qui leur permettent de passer du mode coutumier au mode électoral,s'ils le jugent bon. Toutefois, l'inverse n'est malheureusement pas possible en vertu du projet de loi.
Le président: C'est exact.
Monsieur Hubbard, vous avez sept minutes.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président. Je n'aurai peut-être pas besoin de sept minutes.
Madame Cornet, votre organisation se limite-t-elle à certaines régions géographiques du Canada ou oeuvre-t-elle globalement d'un océan à l'autre?
Mme Wendy Cornet: Étant donné que j'habite ici, la plupart de mes travaux ont été effectués au Canada auprès d'organisations nationales ou auprès du gouvernement fédéral, car c'est plus pratique.
Toutefois, j'ai déjà travaillé avec des organisations régionales, à titre d'employé des Cris dans le nord du Québec dans les années 80. Dernièrement, j'ai travaillé pour les Premières nations dans l'ouest du Canada.
M. Charles Hubbard: Au début de votre exposé, vous avez consacré assez de temps à établir le sens exact des termes, pour nous expliquer qui est qui, ce que représentent certaines expressions, etc.
Le projet de loi C-7 semble s'appliquer à toutes sortes de groupes qui portent différents titres, mais il semble définir les peuples autochtones de différentes façons; toutefois, il s'applique principalement aux Indiens inscrits qui vivent dans les réserves ou hors de celles-ci. Pourtant, dans votre document, vous évoquez la notion de l'appartenance à une bande. Les deux notions sont-elles synonymes?
Mme Wendy Cornet: Vous voulez savoir si l'appartenance à une bande est synonyme de quoi exactement?
M. Charles Hubbard: Synonyme d'Indien inscrit.
Mme Wendy Cornet: Non, ce ne l'est pas. Cela peut l'être, mais ce n'est pas toujours le cas.
M. Charles Hubbard: Cela pose-t-il problème au Canada pour ceux qui vivent dans les réserves et sont membres d'une bande, mais qui ne relèvent pas de la Loi sur les Indiens de 1870?
Mme Wendy Cornet: Avant les modifications de 1985, le statut d'Indien inscrit correspondait assez étroitement à l'appartenance à une bande, à quelques petites exceptions près.
Les modifications de 1985 ont eu notamment pour effet de permettre aux bandes qui le souhaitaient de prendre en main leur effectif. Si elles l'ont fait conformément à la loi, elles pouvaient définir l'appartenance à une bande d'une façon qui ne correspondait pas nécessairement au statut d'Indien inscrit.
Les bandes sont maintenant libres de définir l'appartenance à leur effectif d'une façon qui inclut ceux qui ne sont pas des Indiens inscrits, ce qui pose des défis d'ordre juridique et administratif, puisque dans une seule et même famille, il est possible de trouver des gens qui appartiennent à l'effectif de la bande mais ne sont pas des Indiens inscrits ou des gens qui sont des Indiens inscrits mais n'appartiennent pas à l'effectif de la bande. Il est même possible d'y trouver des gens qui sont des Indiens inscrits en vertu de certaines dispositions de la loi mais pas en vertu d'autres .
Les modifications de 1985 visaient à supprimer toute discrimination fondée sur le sexe pour l'obtention du statut d'Indien inscrit et l'appartenance à une bande et visaient aussi à laisser la définition de l'appartenance à lune bande'effectif entre les mains des bandes elles-mêmes; toutefois, ces modifications ont eu comme conséquence accessoire notamment de créer un système beaucoup plus compliqué en créant de nouvelles sous-catégories et un chevauchement ou non-chevauchement de catégories d'identité juridique chez les Autochtones.
Á (1125)
M. Charles Hubbard: Comme la Loi sur les droits de la personne ne s'est pas encore appliquée mais s'appliquera après l'adoption de ce projet de loi-ci, pourriez-vous dire à notre comité ce qu'elle pourra avoir comme conséquence pour ceux qui sont des Indiens inscrits ou ceux qui n'en sont pas, pour ceux qui appartiennent à une bande ou ceux qui n'y appartiennent pas? Les problèmes en ce sens pourraient-ils être graves si le projet de loi était adopté?
Mme Wendy Cornet: Ces problèmes pourraient bien faire leur chemin soit sous forme de contestations directes des dispositions de la Loi sur les Indiens ou dans le cadre de décisions de conseils de bande s'appuyant sur les catégories créées.
Dans un document que j'ai rédigé pour Condition féminine, j'ai écrit que les gens étaient prêts à contester ce qu'ils considéraient comme des répercussions discriminatoires. Ce n'est peut-être pas le meilleur véhicule, mais ce serait une possibilité. Je n'ai pas vraiment essayé d'imaginer comment la contestation pourrait être formulée. Il y a déjà eu dans le passé un certain nombre de personnes qui ont retrouvé leur statut en vertu du projet de loi C-31 après avoir fait appel à la commission. J'imagine qu'il y en aura d'autres.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Le président: M. Pallister a la parole pour sept minutes.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Merci pour votre exposé. Je tiens aussi à vous remercier pour le travail que vous avez accompli en faveur des droits humains des femmes autochtones. De tous les documents de recherche que j'ai pu lire, c'est le vôtre qui m'a le plus éclairé.
Le gouvernement a choisi une démarche progressive, et c'est une formule intéressante. Pour les gens qui souhaitent des changements rapides, ce n'est pas très satisfaisant. Beaucoup de femmes autochtones avec lesquelles je me suis entretenu sont très mécontentes parce qu'elles estiment que cette proposition ne tient absolument pas compte des droits qu'on leur refuse depuis longtemps. Elles en ont donc assez de cette démarche progressive.
Il y a un joli petit document nouveau qui vient de je ne sais où et qui décrit ce qui peut arriver quand des personnes mariées se séparent et qui parle des droits des femmes autochtones. C'est seulement dans le cadre de la Loi sur la gestion des terres ou d'un accord d'autonomie gouvernementale qu'on aborde vraiment la question des biens matrimoniaux. Je me demande ce que vous pensez de cette omission dans cette proposition.
Je n'ai nullement l'impression que le gouvernement progresse, ne serait-ce que graduellement, vers la mise en place d'un régime donnant aux membres d'un couple qui se dissout une certaine certitude juridique sur la nature des biens dont ils sont propriétaires et le traitement de ces biens.
J'aimerais avoir votre opinion sur cette question.
Mme Wendy Cornet: La propriété matrimoniale est une question très vaste et très complexe, probablement autant que les élections. J'ai rédigé un document de recherche sur ce sujet pour le ministère, qui a été publié.
Si vous voulez vous pencher sur ces problèmes, vous allez devoir vous poser plusieurs séries de questions et faire toute une analyse. Au départ, il y a diverses questions de stratégie d'ensemble. Par exemple, dans quelle mesure un projet comme celui-ci—si c'est ce que vous envisagez—doit-il aborder des problèmes aussi complexes que les biens immobiliers matrimoniaux, qui n'ont pas nécessairement un lien direct avec les questions centrales de gouvernance?
Vous allez aussi devoir vous demander s'il est possible de tenir correctement compte des intérêts culturels des Premières nations au moyen d'une simple modification à la Loi sur les Indiens, parce qu'il ne sera pas question de dispositions concernant les terres. Si vous vous occupez des biens immobiliers matrimoniaux, vous allez devoir reprendre les articles 20, 24, etc., qui traitent des terres, des transferts et des attributions.
Il y a aussi une autre grande question, celle de l'attribution selon la coutume. On m'a dit que peut-être la moitié des bandes qui relèvent encore de la Loi sur les Indiens utilisaient le système d'attribution selon la coutume, mais que ces attributions n'étaient pas reconnues dans le cadre de la Loi sur les Indiens ni inscrites dans le registre des terres de réserves. SI l'on veut examiner de façon complète la question de la propriété immobilière matrimoniale en tenant compte de toutes les bandes, que ce soit en reconnaissant un pouvoir législatif ou par le biais d'une autre initiative, il faudra obligatoirement tenir compte du système d'attribution selon la coutume.
Des questions constitutionnelles se poseront également. Nous savons par exemple que les lois provinciales ne s'appliquent pas à la propriété immobilière matrimoniale dans les réserves. Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a pas occupé ce terrain, et vous pouvez donc vous demander si les Premières nations sont détentrices du droit inhérent de s'occuper de cette question. Vous allez alors déboucher sur les questions d'empiétement.
Une fois que vous aurez déblayé ces grandes orientations stratégiques, il y a toutes sortes de problèmes plus précis à examiner, par exemple le caractère des relations: allez-vous vous pencher seulement sur les couples mariés, ou sur les couples vivant en concubinage, les couples de même sexe et les mariages coutumiers autochtones? Allez-vous aborder les couples mixtes et déterminer qui est membre d'une bande et a ou non le statut d'Indien? Toutes ces questions ont des répercussions juridiques différentes au niveau des droits fonciers dans les réserves.
Á (1130)
M. Brian Pallister: C'est donc peut-être à cause de cette incroyable complexité que vous venez de mentionner que rien n'a avancé dans ce domaine, et ce qui risque peut-être d'arriver, c'est que le gouvernement ou les membres du gouvernement renoncent à s'attaquer à une tâche aussi colossale. Pour quelle autre raison un gouvernement peut-il décider—et ce n'est probablement pas récent—de ne pas établir un régime garantissant la propriété des biens après la rupture d'un mariage? Le seul endroit au Canada où il n'y en a pas, c'est dans les réserves indiennes.
Mme Wendy Cornet: C'est plutôt au gouvernement qu'il faudrait poser la question, mais la notion de répartition égale des biens immobiliers matrimoniaux est aussi relativement récente en dehors des réserves. Cela remonte en gros aux années 70. À cette époque-là, on se penchait aussi sur les questions de concubinage et de relations de même sexe.
De toute évidence, l'évolution...
M. Brian Pallister: Mais il faut reconnaître que ce sont des questions qui vont évoluer, et je suis certain que le dossier va devenir encore plus complexe à l'avenir.
Cela dit, depuis un quart de siècle, les femmes non autochtones ont certaines garanties que n'ont pas les femmes autochtones. Je me fais l'écho ici du mécontentement que je constate surtout chez les femmes autochtones, bien que pas exclusivement, à ce sujet.
Mais je vais passer à autre chose car je crois qu'il ne me reste que deux minutes.
Le président: Vous avez 45 secondes, si vous voulez le savoir.
M. Brian Pallister: Bon.
Vous connaissez nos réticences face à l'idée d'un défenseur du citoyen, un ombudsman, nommé par le chef, car nous nous demandons dans quelle mesure on fournirait vraiment une protection ou un recours aux Autochtones résidant dans les réserves. Nous craignons que ce modèle ne soit voué à l'échec. Qu'en pensez-vous?
Le président: Désolé, vous avez utilisé tout votre temps.
M. Brian Pallister: Non.
Le président: Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Tout d'abord, merci beaucoup pour votre texte que j'ai trouvé très utile et stimulant.
Deuxièmement, vous êtes naturellement un témoin idéal parce que comme vous le dites au départ, vous êtes indépendante, vous ne formulez que votre point de vue personnel, de sorte que nous pouvons vous demander votre opinion. J'ai donc deux questions à vous poser sur votre document qui se termine par ce noeud gordien.
Vous dites qu'il y a des points de vue différents sur l'approche progressive, et qu'on peut se demander si l'on peut réparer un édifice colonial déficient ou si l'on ne pourrait pas trouver des façons plus encourageantes de repartir à zéro. Donc ma première question est de savoir ce que vous pensez de ce noeud gordien.
Deuxièmement, j'ai été fasciné par vos allusions à la construction sociale de la race par opposition à la notion de peuple. Étant donné la complexité incroyable de ce que vous nous avez présenté—les terres et tout le reste—si vous étiez responsable de nous, est-ce que c'est par là que vous commenceriez sur la question des définitions? Est-ce que c'est le point de départ du problème et est-ce qu'en réglant cette question au départ, on pourrait enchaîner logiquement sur toutes sortes d'autres choses?
Ce sont là donc deux simples petites questions.
Á (1135)
Mme Wendy Cornet: Je vais commencer par la deuxième question en répondant que oui, à mon avis, mais c'est mon point de vue personnel.
M. John Godfrey: C'est cela que je veux avoir.
Mme Wendy Cornet: Si vous devez, comme c'est le cas, envisager de modifier la Loi sur les Indiens, il me semble que la première chose à faire, c'est de déterminer ce que signifie «Indiens» sur le plan juridique et dans un contexte social.
À mon avis, c'est le point de départ de toute réflexion sur des modifications à la Loi sur les Indiens. Que signifie «Indiens» dans la loi? Est-ce un terme racial, culturel, politique, ou les trois à la fois?
Dans un autre travail que j'ai effectué, j'ai examiné l'interprétation que les tribunaux donnaient à ce terme, et franchement cela ne nous est guère utile. On est dans le flou, et les législateurs feraient donc bien de s'attaquer à la question au cours de ce siècle et de se demander comment on pourrait formuler une identité juridique qui fasse référence respectueusement à l'identité politique des Premières nations de ce pays. C'est quelque chose qui préoccupe bien des gens, mais c'est une question complexe et c'est probablement une entreprise tout aussi importante que celle-ci.
Ceci m'amène à la deuxième question, vis-à-vis de laquelle j'ai une attitude un peu schizophrène. Logiquement, dans des entreprises comme des ententes d'autonomie, on s'attaque à tous les problèmes. C'est le processus de négociation qui est là et qui est toujours disponible.
Entre-temps, si l'on prend l'autre optique qui consiste à dire: «Nous n'allons pas nous occuper de toutes les Premières nations simultanément, même avec la meilleure politique d'autonomie gouvernementale au monde, ce serait impossible», il y a des gens qui estiment que le statu quo est inacceptable et qu'il faut absolument faire quelque chose.
Cela nous entraîne à l'étape suivante. Ce quelque chose, est-ce que cela va être une amélioration? Est-ce qu'on ne va pas créer d'autres problèmes? C'est une réponse très complexe et je suis sûre que vous avez déjà entendu une foule d'arguments à ce sujet.
M. John Godfrey: Et quelle est votre conclusion là-dessus? Je comprends bien que vous êtes tiraillée.
Mme Wendy Cornet: L'idéal serait que chaque Première nation ait la possibilité de se prononcer sur cette question, de décider si elle souhaite participer à une réforme législative ou opter pour l'autonomie, mais...
M. John Godfrey: Je n'ai pas très bien compris en lisant votre document si par «Première nation» vous entendiez les 50 ou 60 groupes ou les 625 communautés distinctes. Autrement dit, quand vous utilisez ce terme, vous laissez de côté la notion de bande et vous envisagez le groupe plus important?
Mme Wendy Cornet: Cela dépend de la façon dont les gens s'identifient. Ce sont les populations qui décident collectivement si elles préfèrent que la décision soit prise par une bande relevant de la Loi sur les Indiens ou par une Première nation plus vaste regroupant plusieurs bandes. Ce n'est pas à moi de dire à des groupes dont je ne fais pas partie que telle ou telle solution est meilleure pour eux.
En définitive, c'est une décision politique et c'est donc un débat qui doit avoir lieu entre des gens comme vous et les dirigeants des Premières nations. Quelqu'un comme moi peut proposer une analyse et des orientations stratégiques, mais mon opinion personnelle est sans intérêt parce qu'il s'agit d'une décision politique.
M. John Godfrey: Merci.
Le président: Merci, monsieur Godfrey.
M. Pallister a maintenant trois minutes à partager avec nos témoins.
M. Brian Pallister: Vous venez de faire une remarque qui m'a frappé: vous dites que c'est une décision collective et que vous ne pouvez pas vous prononcer au nom d'un groupe dont vous ne faites pas partie. C'est ce qu'on nous dit quelquefois. On nous dit que nous n'avons pas le droit d'élaborer des structures pour le choix des dirigeants parce que nous ne faisons pas vraiment partie de ce groupe.
Cette notion de séparation me dérange. Nous n'avons pas considéré le Québec comme un pays distinct, alors pourquoi considérerions-nous qu'il y a 60 ou 600 nations autochtones distinctes au Canada? Cela me dérange, et comme je le dis, certains vont dire que je manque de respect. Nous sommes probablement là au coeur du problème, car nous risquons de continuer encore bien longtemps à discuter de cette question si nous n'avons pas un débat sur ce point fondamental, si nous n'en discutons pas ensemble.
Ce qui me dérange en particulier, c'est que quand j'essaie de militer pour des choses comme les droits de biens matrimoniaux pour les femmes autochtones, on me dit que je manque de respect aux Autochtones en général. Vous y faites allusion dans votre document, où vous dites que les femmes qui militent depuis des années pour l'égalité des droits, par exemple, en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ont été accusées d'aller à l'encontre des meilleurs intérêts de leur propre peuple à cause de cela.
Pourriez-vous nous parler un peu plus de ce malaise latent?
Á (1140)
Mme Wendy Cornet: Pour répondre à la première partie de votre remarque, on pourrait envisager la question dans le contexte des provinces ou territoires. Par exemple, tous les gens qui vivent dans les provinces et territoires du Canada appartiennent à la même nation. Mais le gouvernement de la province A ne serait probablement pas content si le gouvernement de la province B avait une opinion catégorique sur le régime juridique des biens matrimoniaux qu'il devrait avoir. De la même façon, les Premières nations peuvent très bien estimer qu'elles sont compétentes dans ce domaine et qu'elles ne souhaitent nullement que des gens de l'extérieur viennent s'en mêler.
M. Brian Pallister: Mais revenons un peu en arrière, Wendy. Partons de l'objectif recherché, qui est de faire comprendre aux femmes autochtones qu'elles ont des droits en matière de biens matrimoniaux. Si nous pouvions y parvenir, ce serait extraordinaire. Quel est l'obstacle? M. Godfrey vous avait demandé en quoi consistait une nation. Est-ce qu'il y en a 60 ou 600? Vous dites que c'est aux gens de décider. Mais peut-être qu'ils ne veulent pas le faire. Peut-être que la situation va rester telle quelle indéfiniment. J'ai dans ma circonscription des bandes qui faisaient autrefois partie de la même nation mais qui sont devenues les pires ennemis possibles maintenant et qui n'accepteraient même pas de s'entendre—en tout cas certainement pas dans l'immédiat—même sur un règlement pour les chiens.
C'est bien gentil de parler en théorie de nation et de définir cette notion, et c'est bien gentil de parler de modèles idéaux de prestation de services qui seraient plus avantageux s'il y avait des économies d'échelle. C'est bien gentil de parler de tout cela, mais nom d'un chien, si on laisse à ces gens... Vous comprenez ce que je veux vous dire? Si l'on continue à dire que c'est à eux de décider, comme l'ont dit de nombreux intervenants, on ne réussira jamais à faire reconnaître les droits de propriété matrimoniale des femmes au Canada.
Le président: Monsieur Pallister, votre temps de parole est expiré mais je vais laisser deux minutes à notre témoin pour vous répondre.
Mme Wendy Cornet: D'abord, la Loi sur les Indiens ne reconnaît pas compétence en matière de biens immobiliers matrimoniaux, aux Premières nations. Leur compétence en matière de biens fonciers et même de droit de la famille, est limitée. Cette compétence n'existe pour ainsi dire pas en matière de droit de la famille, alors ce n'est pas nécessairement parce qu'ils se sont dit qu'ils n'avaient pas envie de se pencher là-dessus. Les lois provinciales ne s' appliquent pas et la loi fédérale n'en fait pas mention. Évidemment le vide n'est pas une bonne chose.
La première question que vous devez vous poser est la suivante: où devrait se situer le pouvoir de légiférer, chez le gouvernement fédéral ou chez les Premières nations? Quelle que soit la réponse, il va falloir examiner comment cette loi, en matière de biens immobiliers, va influer sur les lois provinciales qui portent sur les biens personnels et qui ne s'appliquent pas aux réserves, ce qui complique encore plus la stratégie.
Le président: Merci.
Monsieur Vellacott, à vous la dernière intervention. Vous avez trois minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci, Wendy, pour vos remarques.
J'enchaînerai là-dessus. Le projet de loi C-7 est perçu, surtout par l'Assemblée des premières nations, comme étant une façon de s'attaquer aux droits collectifs des Premières nations parce qu'il insiste sur la suprématie des droits individuels et l'APN a publié un document à cet effet. Ils craignent que l'on se serve de l'article 15 de la Charte, qui porte sur les droits des individus et l'égalité en général, pour réfuter l'allégation voulant que les coutumes sont des droits des Autochtones, protégés par la Constitution.
Quelqu'un a suggéré que le gouvernement essaye, dans le projet de loi C-7 et ailleurs, de donner la suprématie à l'article 15 par rapport à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît et affirme les droits des Autochtones découlant des traités. J'aimerais que vous nous décriviez la relation entre l'article 15, portant sur les droits individuels, et l'article 35 qui porte sur les droits collectifs.
Par exemple, dans le cas des biens matrimoniaux, les droits collectifs ont-ils préséance sur les droits individuels? Auraient-ils préséance sur les droits individuels d'une femme autochtone et quelle serait la dynamique entre ces deux articles, l'article 15 portant sur les droits individuels et l'article 35, portant sur les droits collectifs. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires et nous décrire cette relation?
Mme Wendy Cornet: En ce qui a trait à la relation entre les deux articles, vous devez garder deux choses à l'esprit. En plus des deux articles que vous avez mentionnés, il y a aussi l'application de la Charte canadienne des droits de la personne en entier, ce qui suppose une autre sorte d'analyse juridique.
En ce qui a trait à la relation entre les articles 15 et 35, la Cour suprême du Canada ne s'est pas prononcée là-dessus. Elle en a eu l'occasion peut-être dans l'affaire Corbiere, mais a déclaré n'avoir pas à se prononcer.
Il s'agit d'une disposition interprétative cependant. L'article 25 de la Constitution nous dit essentiellement que lorsque les tribunaux interprètent la Charte, ils doivent tenir compte des droits des Autochtones, des droits découlant des traités, et les autres droits des peuples autochtones du Canada. Cela permet, je crois, aux tribunaux de reconnaître qu'il y a peut-être plus d'une façon de respecter et protéger les droits à l'égalité. Tout comme vous avez au Canada des gouvernements provinciaux qui élaborent leur propre loi en matière de droits de la personne, les gouvernements des Premières nations pourraient faire de même.
Maintenant, au niveau des droits entre hommes et femmes autochtones, selon le paragraphe 35(4), les droits autochtones découlant des traités s'appliquent aux hommes et aux femmes autochtones également, alors il y aurait une protection constitutionnelle assez solide en faveur du principe d'égalité entre hommes et femmes. Le projet de loi envisage aussi l'application de la Loi canadienne des droits de la personne.
Á (1145)
Le président: Merci beaucoup.
Vous avez maintenant le mot de la fin, pour cinq minutes, si vous voulez.
Mme Wendy Cornet: Je ne crois pas avoir de commentaires à faire.
Merci encore de m'avoir invitée et je vous souhaite du succès dans vos délibérations.
Le président: Merci pour un excellent exposé et merci d'avoir fourni des renseignements pertinents dans vos réponses aux questions.
Chers collègues, nous allons lever la séance pendant 15 minutes. Le repas est arrivé. Je demanderai à tout le monde de permettre aux députés de passer en premier, suivis du personnel de soutien, et j'entends par personnel de soutien les gens qui travaillent en arrière des caméras. Nous allons reprendre à 12 h 05.
Á (1147)
 (1212)
Le président: Nous allons reprendre nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement, et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes, et modifiant certaines lois.
Nous accueillons aujourd'hui avec plaisir le professeur Bradford Morse de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes ravis de vous revoir.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, plus ça change à Ottawa, plus c'est pareil. Nous avons étudié ce projet de loi en 1997 et M. Morse y a beaucoup participé.
J'ai hâte de vous entendre parce que je sais que vous êtes expert en la matière.
Monsieur Morse.
[Français]
M. Bradford Morse (professeur, Faculté de droit, Université d'Ottawa): Merci beaucoup.
Il me fait grand plaisir d'avoir l'occasion d'être ici aujourd'hui pour témoigner au sujet du projet de loi C-7.
[Traduction]
C'est pour moi un grand plaisir et un honneur de comparaître aujourd'hui en tant que témoin devant le comité qui étudie le projet de loi C-7. Tout d'abord, j'aimerais faire une mise en garde, comme mes prédécesseurs. J'ai effectivement travaillé pour plusieurs Premières nations et organismes nationaux ou régionaux représentant les Indiens et les Métis, et comme l'a indiqué le président, j'ai travaillé auprès d'un ancien ministre des Affaires indiennes, mais j'interviens ici aujourd'hui à titre personnel. Contrairement à ce qu'on a dit la semaine dernière à ce comité, je n'ai pas participé à la préparation du projet de loi C-7 ni aux consultations sur l'initiative concernant la gouvernance des Premières nations, qui l'ont précédée, même si, naturellement, j'ai observé de très près tout ce qui s'est passé dans ce domaine.
Il y a deux ans, j'ai fait parvenir un mémoire au comité; je signale que c'est un document plus étoffé que l'exposé que je vous présente aujourd'hui, et j'espère qu'il sera intégré au compte rendu. Je vais donc m'efforcer d'insister sur les points saillants de ce mémoire.
Il y a 127 ans, nos ancêtres ont introduit sur ce continent une nouvelle sorte de colonialisme au sein du nouveau pays, le Canada, qui a été conçu non pas dans un esprit de liberté, mais par le biais de préjugés raciaux et de bonnes intentions erronées. Contrairement au discours prononcé par le président Abraham Lincoln à Gettysburg 13 ans plus tôt, qui visait à mettre fin à l'esclavage et à confirmer l'égalité de tous les hommes, bien que ne reconnaissant pas les mêmes aspirations à l'égalité dans le cas des femmes, cet auguste assemblée a adopté la Loi sur les Indiens en 1876.
Cette dernière avait pour but d'élargir et de consolider l'intrusion de la loi fédérale et des fonctionnaires fédéraux dans les vies de personnes autrefois indépendantes et autonomes au plan économique, avec lesquelles nous entretenions généralement des rapports fondés sur des traités solennels et sur la générosité desquels les premiers colons avaient compté afin de prendre un nouveau départ dans cet hémisphère.
Aujourd'hui, nous sommes encore aux premiers jours d'un nouveau siècle et d'un nouveau millénaire. Nous avons l'occasion de nous départir de notre faux sentiment de supériorité qui animait nos prédécesseurs parlementaires lorsqu'ils ont promulgué la Loi sur les Indiens en 1876, en adoptant une base fondamentalement différente pour les relations entre les Premières nations et le reste du Canada.
D'autre part, il est important pour vous, en qualité de législateurs, de ne pas continuer à observer passivement et à laisser la fonction publique conserver un trop grand nombre d'attitudes et de comportements coloniaux qui ont caractérisé la direction des affaires indiennes pendant la plus grande partie du XXe siècle. À l'exception des efforts déployés pour rendre la loi conforme au paragraphe 14.1 de la Charte canadienne des droits et libertés en 1985 grâce au projet de loi C-31, et à des amendements importants et limités appelés amendements de Kamloops, la loi reste pratiquement inchangée depuis plus de 50 ans.
Je vous invite à faire une pause pour réfléchir un instant à ce qu'étaient le Canada et le reste du monde en 1951, à l'époque où le Parlement a décidé de faire la refonte de cette loi. Nos ne parlons pas seulement d'une époque qui a précédé celle des DVD ou des disques compacts, mais d'une époque qui a même précédé les cartouches à huit pistes—je m'en souviens, vous avez donc une idée de mon âge—et à plus forte raison, les cassettes. C'est une époque qui a précédé la télévision en couleur, les ordinateurs, les ceintures de sécurité dans les voitures, les téléphones portables, les téléphones cellulaires, la guerre du Vietnam, la tempête du Désert, etc., etc.
La Loi sur les Indiens qui s'applique aujourd'hui a été conçue et adoptée avant même que les Indiens inscrits obtiennent le droit de vote, en 1960, à une époque où la ségrégation était encore un phénomène courant. Le pire, c'est que la refonte de la loi opérée par un comité parlementaire en 1951 ne l'a même pas mise à jour pour l'époque; ne parlons donc même pas de son décalage par rapport au contexte actuel.
Plus de la moitié des citoyens des Premières nations qui vivent aujourd'hui n'étaient pas nés lors des Jeux olympiques de Montréal et lors de l'avènement des jeux vidéo. Dans ce contexte, comment une loi qui ne convenait même pas à la situation de 1951 pourrait-elle continuer à s'appliquer de façon satisfaisante en 2003?
Compte tenu de cette réalité, il convient de féliciter le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien d'avoir surmonté des décennies d'inertie et de résistance active au changement en lançant le débat actuel et en présentant ce projet de loi. Néanmoins, on est à des années-lumière de l'époque grisante de 1982 à 1987 et de 1991 à 1992, lorsque les leaders autochtones et les premiers ministres du pays débattaient de révisions constitutionnelles qui traduiraient précisément le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
 (1215)
Par ailleurs, le projet de loi laisse à l'écart les idées avancées par le prédécesseur du présent comité en 1983 dans le rapport Penner ou plus récemment, dans le rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones, où il est était question de la politique fédérale concernant le droit inhérent. Le projet de loi n'y fait nullement référence.
De surcroît, le projet de loi C-7 ne rallie aucun consensus parmi les Premières nations sur l'évolution souhaitable du droit fédéral. Certains prétendront sans doute devant ce comité que le projet de loi C-7 porte atteinte aux droits prévus à l'article 35, de telle sorte qu'il enfreint l'obligation de consulter affirmée par les tribunaux.
Pourtant, mon propos aujourd'hui n'est pas de dénoncer la suite d'événements qui a abouti à la situation actuelle, mais plutôt de m'en tenir au contenu du projet de loi. Je vais essayer d'indiquer quelques éléments du projet de loi où des insuffisances apparaissent.
Le préambule figure parmi les éléments positifs du projet de loi. À ma connaissance, c'est la première fois que le Parlement du Canada est invité à reconnaître dans la législation que la Loi sur les Indiens n'a jamais comporté d'outils efficaces en matière de gouvernance. Il est assez inhabituel de trouver dans une loi une disposition affirmant les limites et l'inadéquation d'un régime législatif en vigueur depuis plus d'un siècle. Il est extraordinaire de voir le Parlement faire une telle déclaration dans un préambule.
Pourtant, il s'agit là d'une affirmation assez timide si l'on considère les horreurs qui ont résulté de cette loi. À mon avis, en évitant de dire à quel point cette loi était erronée, on a véritablement manqué l'occasion historique de commencer à rectifier les erreurs catastrophiques du passé.
Le préambule semble indiquer que l'autorité inhérente des Premières nations est limitée lorsqu'il affirme: «Les bandes, au sens de la Loi sur les Indiens, ont besoin d'outils de gouvernance efficaces», suggérant par là qu'une loi fédérale est la seule façon de combler cette lacune. Je vous invite instamment à modifier ces dispositions.
Le préambule amorce une démarche positive en faisant référence à la politique du gouvernement du Canada aux termes de laquelle il est reconnu que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale constitue un droit ancestral. Si le projet de loi est adopté, cette reconnaissance sera à mon sens une première dans la législation, même si je trouve malencontreux qu'on parle d'une politique fédérale en la matière plutôt que d'une opinion juridique du gouvernement fédéral.
Je pense en outre que l'on fait erreur, dans le préambule, en ne mettant pas de majuscules aux mots «premières nations» et en les laissant en minuscules, alors que selon l'usage en vigueur au ministère et ailleurs, ces mots doivent prendre des majuscules. L'idée des minuscules émane sans doute des fonctionnaires du ministère de la Justice, mais à mon avis, elle n'est pas particulièrement opportune.
Le préambule comporte une référence totalement superflue au fait que l'ensemble de la législation fédérale est assujettie à la Charte des droits et libertés. Pourquoi avoir inclus cette disposition? Les rédacteurs jugent-ils sincèrement indispensable de le rappeler aux tribunaux, aux parlementaires, à l'ensemble des Canadiens ou aux peuples autochtones? Pourquoi avoir inclus cette référence dans ce projet de loi et pas dans les autres lois fédérales? En le faisant figurer ici et pas ailleurs, on envoie un message qui est non seulement inutile, mais qui risque en outre de passer pour une insulte.
De la même façon, pourquoi faire référence à la démocratie représentative et aux élections par scrutin secret dans le préambule? Si ce sont là des éléments essentiels du projet de loi, ils ne devraient pas figurer dans le préambule et il est inutile de formuler un tel message dans le contexte des Premières nations. Nous avons par ailleurs remarqué une disposition de non dérogation qui, sans être contestable en elle-même, présente une difficulté dans la mesure où on ne trouve cette formulation que dans le préambule. Je reviendrai tout à l'heure sur ce sujet.
En revanche, il convient de s'interroger sur ce qui ne figure pas dans le préambule. Je recommande fortement au comité d'envisager un amendement qui comporterait une référence expresse à la relation de fiducie qui existe entre la Couronne et les peuples autochtones depuis les premiers contacts. La Cour suprême du Canada a confirmé que cette relation existait depuis des siècles. En le rappelant dans le préambule, on se contenterait d'énoncer les faits. Pourquoi ne pas confirmer explicitement que c'est bien là le point de vue du Parlement du Canada?
Je pense aussi que le préambule devrait faire référence aux relations et aux engagements découlant des traités, qui conservent toute leur importance. Le préambule s'adresse non seulement aux Premières nations, mais à l'ensemble des Canadiens non-autochtones, et ce sont là des messages qu'il importe de leur signifier.
Comme vous le verrez dans mon mémoire, je propose au comité d'envisager aussi des amendements concernant le titre de la loi.
 (1220)
Je vois la chose comme professeur de droit et je sais que mes étudiants consulteront les textes de loi, comme beaucoup d'autres à l'avenir. Il serait bien dommage que la seule fois où des gens consultent les lois du Canada sur la question de la gouvernance des Premières nations, ce soit au sujet de ce projet de loi. Ce n'est pas un ensemble complet. Alors pourquoi le mettre en évidence ainsi en laissant entendre que c'est la source unique de l'autorité et la compétence en matière de gouvernance?
Comme je l'ai dit, si l'on écrit dans le préambule le terme «premières nations» en minuscules, et si c'est en majuscules dans le titre, ce terme disparaît ensuite dans le projet de loi, après les définitions, pour revenir à la terminologie de la Loi sur les Indiens. C'est certes plus facile, pour le rédacteur législatif, et compréhensible, mais comme députés, vous devriez voir la chose autrement.
Il est très positif à mon avis d'inscrire dans le projet de loi une disposition sur son objet, qui est ici bien cerné. Par contre, l'un des objets du projet de loi, établis par le ministre et le gouvernement, consiste à réduire la fréquence et la nature de l'intrusion ministérielle dans la gouvernance et les décisions administratives des Premières nations. Si c'est bien le cas, pourquoi ne pas le dire explicitement dans le projet de loi?
Comme vous le savez, le projet de loi est fondé sur l'hypothèse que toutes les Premières nations ont le pouvoir d'adopter certains codes et qu'autrement, il y aura des codes par défaut. Mais ces codes par défaut, nous ne les avons pas. Ils seront élaborés par voie de règlement. Je crois qu'il serait bon que le comité exerce des pressions sur leurs collègues ministériels, surtout au ministère de la Justice, pour que soient fournies des copies de ces codes au comité, afin que vous sachiez quel serait le régime, en l'absence d'un code créé par les Premières nations.
Un des aspects intéressants du projet de loi, très innovateur, c'est l'exigence ou si l'on veut l'occasion donnée aux Premières nations de créer une méthode de résolution des plaintes. Je crois fermement qu'il est essentiel que les membres des Premières nations et les résidents non membres des réserves aient un mécanisme officiel rapidement utilisable, efficace et peu coûteux leur permettant de déposer des plaintes. Bon nombre de Premières nations ont un mécanisme de ce genre, mais d'autres aussi n'en ont pas. C'est une bonne idée. En revanche, il n'est pas nécessaire que cette disposition soit obligatoire, et le fait qu'elle le soit risque de nuire à son utilité.
En outre, les dispositions du projet de loi ne nous disent pas vraiment comment pourrait être contestée la décision de l'instance qui réglerait les plaintes. À mon avis, cela aboutira à des procès inutiles, pour essayer de régler cette question. Peut-on contester la décision rendue par l'instance qui règle les plaintes et, dans l'affirmative, quel tribunal aurait juridiction en la matière? Il serait plus simple d'en traiter explicitement.
Il y a aussi un problème d'ordre technique, une intersection entre le paragraphe 11(1) et le paragraphe 18(1)a), ayant trait à la portée de la juridiction afin de créer ce mécanisme de règlement et l'obligation de le faire, prévue à l'article 11. Ce n'est pas très clair. Il me semble que plus le projet de loi sera clair, mieux ce sera, en principe. Non seulement sera-t-il plus facile à comprendre, ce qui est toujours un objectif louable pour une loi, mais il réduira les risques de conflit, de procès inutiles et de débats futurs.
La capacité juridique est l'un des piliers du projet de loi et un problème souvent invoqué pour les retards dans le développement économique. Le projet de loi en traite au paragraphe 15(1), en utilisant l'approche assez courante pour les gouvernements municipaux et régionaux et pour les entreprises commerciales qui consiste à déclarer que les gouvernements des Premières nations auront les droits, pouvoirs et privilèges d'une personne physique.
Dans mon mémoire, j'affirme qu'avec le paragraphe 15(3) visant à répondre à certaines préoccupations, il reste encore de nombreux sujets de débat et d'argumentation inutiles. Une solution plus simple et nettement plus appropriée consisterait à confirmer que les Premières nations possèdent une pleine capacité juridique en tant que gouvernement, semblable à celle des gouvernements provinciaux et fédéral, et non en tant que personne physique ou entité juridique semblable à une personne physique. On pourrait aussi rendre cet article facultatif.
Les dispositions sur les pouvoirs législatifs ont énormément augmenté les pouvoirs en comparaison de ce qu'ils étaient dans la Loi sur les Indiens, dans sa version actuelle. Cela fait l'objet d'une vive controverse et beaucoup de témoins en ont parlé et d'autres encore en parleront au comité.
 (1225)
L'une des lacunes les plus fondamentales qui n'est pas comblée par ces dispositions, à mon avis, c'est l'absence de compétence expresse en matière d'éducation. C'est paradoxal puisqu'en réalité, les Premières nations ont plus de 400 écoles dans les réserves dans tout le Canada, sans aucune autorité législative à ce chapitre.
L'élargissement des dispositions relatives aux sanctions est positif. Je vous signale toutefois que si d'une part on hausse le maximum pour les infractions environnementales à 300 000 $, d'après ce que je vois dans le projet de loi, on a conservé l'amende maximale de 100 $ en vertu du règlement sur la destruction des déchets dans les réserves indiennes. Cela me paraît ridicule. Je crois qu'on pourrait facilement apporter un correctif par voie d'amendement.
Une autre grave lacune consiste à ne pas reconnaître l'importance pour les Premières nations de mettre sur pied leur propre système judiciaire, au moins dans une certaine mesure. C'est déjà prévu à l'article 107 de la Loi sur les Indiens, mais sans correspondance dans ce nouveau projet de loi. Du moins, s'il est adopté tel quel.
C'est étonnant, puisqu'il y a trois ans, la Chambre a adopté la Loi sur la gestion des terres des Premières nations dont l'article 24 reconnaît le pouvoir des Premières nations de créer leur propre système judiciaire. Je vous encourage à envisager une disposition semblable dans ce projet de loi.
Si le projet de loi parle bien de l'application de la loi, il est muet quant à la provenance des ressources qui y seront consacrées. Même chose pour les poursuites. Si le projet de loi prévoit des agents d'application des codes, il ne dit pas où auront lieu les poursuites relatives à ces infractions, qui seront les procureurs et quels seront leurs pouvoirs.
J'ai aussi noté quelques petits détails au sujet du recueil de codes et de textes législatifs qui seront adoptés, ce qui est propice à la création d'instances indépendantes, comme celles créées par le projet de loi C-19 ou comme, depuis une décennie, la Commission consultative de la fiscalité indienne.
Un autre point de détail se rapporte à l'article 33 comportant une restriction pour les lois appliquées en vertu de l'article 18.
De même, il y a un point de forme dans la partie IV. On essaie d'y maintenir en vigueur des règlements administratifs adoptés en vertu de l'article 81. À mes yeux, cela ne semble pas aussi efficace pour les règlements pris en vertu de l'article 83 et de l'article 85.1 de la loi actuelle.
Je prends bonne note des changements qui donneront compétence à la Commission canadienne des droits de la personne. J'ai quelques commentaires à formuler à ce sujet dont un, tout de suite. On crée une nouvelle expression dans la loi fédérale, que j'ai été incapable de trouver dans d'autres lois fédérales. Il s'agit de «l'organisation gouvernementale autochtone» qui n'est pas définie ailleurs dans le projet de loi.
Parlons brièvement des éléments manquants. Je l'ai déjà dit, il n'y a pas de disposition claire de non-dérogation. Je sais que le comité se penchera certainement sur cette question. Elle s'est présentée lors de l'étude par votre comité de divers autres projets de loi et elle continuera. Je vous encourage à l'étudier sérieusement.
Je parle aussi dans mon mémoire de la nécessité d'une fonction de protecteur du citoyen. De manière générale, le projet de loi prévoit la création par les Premières nations de mécanismes de règlement des plaintes. Il y a toutefois des restrictions. De plus, cela relève vraiment des Premières nations. On ne parle pas des autres organisations des Premières nations, comme les conseils tribaux et, ce qui importe encore plus, on omet de parler du ministère des Affaires indiennes lui-même.
Nous parlons en fait dans le projet de loi de transparence et de rendre compte. Le projet de loi semble confier cela aux Premières nations, à leurs propres citoyens, envers le gouvernement fédéral. Il n'y a pas toutefois de mécanismes parallèles de règlement des plaintes, ou de fonctions de protecteur du citoyen, au ministère fédéral.
Je dois ajouter que, dans mon mémoire, j'ai signalé que le caractère optionnel et les exigences de réexamen, sont des sujets sur lesquels doit se pencher le comité.
Je crois que j'ai probablement dépassé le temps qui m'était imparti. Je m'arrête ici et permettez-moi de vous remercier de votre attention et de m'avoir permis de comparaître devant votre comité.
 (1230)
Le président: Merci beaucoup.
Je n'étais pas sur le point de vous interrompre. Nous nous attendions à de la bonne information, et vous ne nous avez pas déçus.
Je vais limiter mon propos, car je sais que les membres du comité ont bien des questions à vous poser.
Monsieur Pallister, vous avez sept minutes.
M. Brian Pallister: Je vous remercie de votre témoignage.
Vous avez parlé de la nécessité de codes par défaut, dont nous devrions prendre connaissance. Je suis bien d'accord avec vous.
Pourriez-vous nous préciser en quoi il serait dangereux—ou avantageux—de poursuivre nos discussions en l'absence de ces codes par défaut?
M. Bradford Morse: L'avantage, évidemment, c'est que si vous avez les codes par défaut devant vous, vous pouvez évaluer plus efficacement les dispositions du projet de loi et vous serez en mesure, comme les Premières nations et l'ensemble des Canadiens, de voir ce qui se passera si ces dispositions sont appliquées.
La structure de ce projet de loi est différente, par exemple, de celle du projet de loi C-31, qui était plus ou moins inversée. Les Premières nations avaient la possibilité d'adopter des codes—c'est un peu comme ici. Si elles n'en adoptaient pas, les dispositions de la loi entraient en vigueur alors qu'ici, les codes par défaut vont s'appliquer, mais nous ne les connaissons pas.
J'ai l'impression qu'actuellement, les parlementaires supposent que ces règlements vont être conformes à la structure de la loi, mais tant qu'on ne les aura pas vus, on ne peut pas en être certain. Je crains que du fait que ces codes par défaut ne sont pas disponibles, certains puissent avoir l'impression d'une conspiration, ou que d'autres spéculent sur le contenu de ces règlements. Si le problème tient simplement au fait que le ministère de la Justice ne les a pas encore rédigés, j'espère qu'il met les bouchées doubles et qu'il nous les présentera dans un proche avenir. Il serait fâcheux que l'attente de ces règlements donne des migraines au comité ou au ministre.
Que se passera-t-il si ces règlements n'arrivent pas? Le comité est habilité à procéder comme il l'entend et pourra poursuivre ou non l'étude du projet de loi. Et bien sûr, le gouvernement n'est pas contraint de mettre la loi en vigueur une fois qu'elle aura été adoptée par les deux Chambres, si les codes par défaut ne sont toujours pas disponibles. Il est donc possible que le projet de loi soit adopté mais qu'il ne reçoive pas la sanction royale ou qu'il ne soit pas appliqué tant que ces codes n'auront pas été publiés et que personne n'aura pu en prendre connaissance.
 (1235)
M. Brian Pallister: Merci.
Et que se passe-t-il en réalité? Vous avez parlé de deux systèmes de justice distincts, ou de quelque chose de cet ordre.
Je voudrais vous poser une question essentielle à ce sujet.
M. Bradford Morse: Je vous en prie.
M. Brian Pallister: Ne pensez-vous pas que dans le Canada actuel, les peuples autochtones et non-autochtones sont associés plus étroitement qu'ils ne l'ont jamais été? Pourquoi faudrait-il donc diviser notre institution judiciaire?
Je comprends la théorie qui inspire cette division, ainsi que les arguments que la justifient, mais d'après mon expérience...et je comprends les statistiques selon lesquelles il y a davantage de mariages mixtes et d'interaction dans la population canadienne. Pourquoi envisager un système double avec des institutions distinctes?
M. Bradford Morse: Je peux vous donner quelques raisons. Tout d'abord, ce que je propose ici, ce n'est pas un système de justice autochtone pour tous les peuples autochtones, c'est plutôt un système de justice applicable à l'intérieur des limites territoriales des réserves aux personnes qui s'y trouvent, puisque c'est de cela qu'il est question dans le projet de loi. Il ne s'appliquera que dans les réserves, c'est-à-dire que ce système de justice s'appliquera aux membres des Premières nations et aux autres, comme vous et moi, qui se trouveront dans leur réserve, qu'ils y résident ou non. Celui qui enfreint le code de la route dans une réserve s'expose à l'intervention des autorités de la réserve.
Dans certaines régions du Canada, on a une cour municipale, comme au Québec. Voilà l'exemple d'un tribunal dont la compétence territoriale est limitée.
L'article 107 de la Loi sur les Indiens est en vigueur depuis les années 1880; depuis 120 ans, on a donc une justice de paix distincte qui s'applique dans les réserves; c'est celle qui s'exerce sans difficulté actuellement à Kahnawake, à Akwesasne et à Pointe-Bleue.
C'est ce que propose la Loi sur la gestion des terres des Premières nations; les ententes d'autonomie gouvernementale du Yukon en prévoient la possibilité, de même que le Traité nisga'a. Ce dont on parle ici, c'est la possibilité, pour des gouvernements territoriaux, de disposer d'un régime de justice local pour résoudre certains conflits.
L'autre aspect de la question, c'est que les tribunaux provinciaux sont généralement éloignés. Vous connaissez le problème au Manitoba, avec les tribunaux volants qui se déplacent dans le nord du Manitoba; c'est donc une réalité pour les réserves. Dans le sud, la plupart des poursuites judiciaires se déroulent au palais de justice du comté, et non pas dans la réserve.
M. Brian Pallister: Avant que le président ne m' interrompe, je voudrais vous inviter à nous rencontrer, moi et mes collègues, car nous pourrions parler de cette question indéfiniment. Et j'en aurais bien d'autres à vous poser. C'est un sujet qui se prête à bien des discussions.
Je voudrais vous livrer mon dernier commentaire, avant que le président ne m' interrompe. Le problème tient en partie à la très grande diversité des situations. Il y a sans doute plus de différences entre les collectivités des Premières nations qu'entre les autres groupes de Canadiens. Il est bien difficile de composer une loi visant à appliquer des règles à des collectivités autochtones qui présentent de si grandes différences.
Vous avez mentionné Akwesasne, mais la différence entre Akwesasne et la bande Dakota Tipi de ma circonscription est considérable. D'après notre expérience, nous pouvons tous en venir à la même conclusion. Je crains qu'on ne mette en place un système qui ne pourra qu'accentuer l'écart entre les pouvoirs des chefs et les pouvoirs des simples Autochtones qui, dans de nombreuses bandes, se réduisent à peu de choses.
Je m'inquiète des pouvoirs accordés à chaque chef pour la nomination des agents de redressement. Je ne vois pas comment ces agents pourraient bénéficier d'une indépendance comparable à celle d'un ombudsman. Qu'en pensez-vous?
M. Bradford Morse: J'ai quelques réponses à cela.
D'abord, certaines collectivités, j'en suis certain, feront un excellent travail; le processus sera indépendant, il n'y aura pas de problème; elles ont des fonctionnaires qui resteront en place au fil des élections. Mais il existe d'autres collectivités, comme d'ailleurs dans d'autres endroits au Canada, où chaque changement de gouvernement entraînera une mise à pied des cadres supérieurs. Cela changerait plus ou moins.
Un des problèmes ou des lacunes du projet de loi est qu'il n'y a aucun recours pour les plaignants qui ne sont pas satisfaits du mécanisme d'appel. On peut s'attendre à ce qu'ils demandent la création d'un organe d'appel. C'est ce qui se passera. Si le projet de loi ne prévoit pas la création d'un tel organe d'appel, les gens se tourneront vers les tribunaux.
On se demande donc immédiatement quel tribunal canadien aura juridiction: la Cour fédérale ou la Cour supérieure provinciale? On pourrait en débattre pendant des années, dépenser beaucoup d'argent et embaucher une foule d'avocats, mais ce ne serait pas une solution très heureuse.
 (1240)
Le président: Merci.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Je vais poursuivre sur cette lancée, car j'ai pris connaissance de votre position. Vous dites qu'une meilleure solution pour entendre des plaintes serait un mécanisme basé sur le modèle des tribunaux pour les tribus indiennes aux États-Unis. En lisant la dernière phrase de la page 7 de votre document, je n'ai pas compris si vous êtes en faveur de la création d'un système d'appel en vertu du projet de loi—ou d'un système d'appel créé en vertu d'une autre autorité—et qui s'appliquerait à toutes les Premières nations visées par le projet de loi. Est-ce que c'est cela que vous préconisez?
M. Bradford Morse: À mon avis, le comité n'est pas équipé pour répondre à cette question, ni même, à vrai dire, le gouvernement fédéral. Ce genre de système pourrait bien voir le jour un peu plus tard, mais ce n'est pas demain la veille. Comme vous l'avez noté, nous nous inspirons du modèle américain. Cela fait des générations qu'ils ont des cours tribales. Mais il n'existe quand même pas encore un organe national d'appel. Dans certains endroits aux États-Unis, il existe des tribunaux d'appel régionaux pour les tribus indiennes. Il y en aura peut-être un jour au Canada.
Je m'attends à ce qu'à court terme les gens porteront en appel les décisions du système judiciaire autochtone ou des Premières nations devant le système judiciaire général. C'est ce qui se fait, par exemple, à Kahnawake. Il est déjà arrivé que les décisions des tribunaux autochtones aient été portées en appel. La Cour supérieure du Québec et la Cour d'appel du Québec ont toutes deux statué que la Cour présidée par un juge de la paix à Kahnawake était habilitée à entendre des causes, mais les appels ont normalement été portés devant les Cours supérieures de la province. J'imagine que la même chose se produirait dans la situation dont il est question.
M. John Godfrey: Êtes-vous en train de nous dire que si nous voulons éviter des litiges inutiles pour décider de qui entendra ces appels—la Cour fédérale ou la Cour provinciale—et puisque nous ne sommes pas en mesure de créer le tribunal d'appel idéal pour les Premières nations, qu'on devrait simplement choisir l'une ou l'autre? Quel tribunal privilégieriez-vous?
M. Bradford Morse: Bonne question.
C'est plus ou moins ce que vos prédécesseurs ont fait jusqu'à aujourd'hui en vertu de la Loi sur les Indiens. En examinant les appels faits par le registraire du ministère des Affaires indiennes dans les cas où des individus se déclarent Autochtones, la procédure à suivre est clairement indiquée. J'ai l'impression que cette question va faire surface à un moment donné, et j'encourage donc le comité à l'examiner.
Il y a des avantages liés au choix d'une Cour supérieure provinciale, notamment la proximité. Dans certaines parties du pays, elles sont plus près des individus en cause que la Cour fédérale. Mais chaque Cour présente des avantages.
Je crains que si on n'opte ni pour l'une, ni pour l'autre, ce débat pourra s'éterniser. Entre-temps, on ne réglera pas les questions ayant donné lieu aux litiges.
M. John Godfrey: Merci.
Le président: Monsieur Pallister, vous avez cinq minutes.
M. Brian Pallister: Monsieur Morse, vous avez dit un peu plus tôt que les systèmes pourraient bien fonctionner pour certaines bandes, mais pas pour d'autres. Dans notre étude, nous nous préoccupons évidemment des cas où ça ne marcherait pas.
Vous avez parlé des mécanismes de redressement dans le cas d'un appel. Si vous créez un système dans lequel le chef de bande nomme le défenseur du citoyen, l'ombudsman, et étant donné le fait que la grande majorité des communautés autochtones sont assez petites, ne croyez-vous pas que ce dernier ne serait non seulement pas indépendant, mais qu'un tel système mènera forcément à la création d'un mécanisme d'appel?
Pourquoi ne pas créer un système garantissant une relation d'indépendance dès le départ, plutôt qu'un système qui fonctionnerait bien dans certaines collectivités mais, dans la plupart des cas, d'après mon expérience, pas dans d'autres? Pourquoi ne pas commencer avec un défenseur du citoyen qui serait indépendant?
M. Bradford Morse: En vertu de l'article 11, il n'incombera pas au chef de nommer l'ombudsman. Cette tâche reviendra au conseil. Le conseil agirait en vertu d'un texte législatif de la bande lui conférant ce pouvoir. La collectivité serait appelée à participer à l'élaboration de la loi et de son application éventuelle.
Je suis convaincu que plusieurs Premières nations, notamment les plus petites, songeront à nommer quelqu'un de l'extérieur. C'est une pratique qui se fait au niveau des cours tribales aux États-Unis, pour reprendre cet exemple. Doivent-ils choisir quelqu'un de leur collectivité pour siéger comme juge ou plutôt quelqu'un de l'extérieur?
Plusieurs petites collectivités américaines ont délibérément nommé des juges de l'extérieur afin d'éviter des conflits d'intérêts potentiels ou l'apparence de conflit d'intérêts. Pour ma part, j'espère que plusieurs des petites collectivités autochtones du Canada imiteront cette pratique.
C'est une bonne occasion pour les conseils tribaux et pour les organisations provinciales, telles Assembly of Manitoba Chiefs ou la Federation of Saskatchewan Indian Nations, de créer un groupe de personnes habilitées à jouer le rôle de médiateurs pour entendre les plaintes lesquelles pourront être nommées par n'importe quelle Première nation.
Vous avez cité l'exemple des Dakota Tipi. En vertu des lois qui les régissent, ils devront choisir quelqu'un dont le nom figure sur une liste fournie par l'Assembly of Manitoba Chiefs. À mon avis, cela va éviter des conflits.
Comme vous le dites, dans plusieurs petites collectivités, on ne craint pas tellement des conflits d'intérêts, mais plutôt l'apparence d'un conflit d'intérêts.
 (1245)
M. Brian Pallister: C'est comme les règles sur le financement des élections.
M. Bradford Morse: Dans certaines petites collectivités, il se pourrait bien que le plaignant soit le cousin, le conjoint ou même le frère ou la soeur de la personne habilitée à entendre les plaintes. Cela met en doute son impartialité. Il est possible que la personne soit tout à fait objective, mais les gens ne le croiraient peut-être pas à cause du lien familial.
M. Brian Pallister: C'est un genre de croisée des chemins entre la théorie et la pratique. Je partage votre optimisme, croyez-moi. Je suis une personne optimiste et je sais que vous l'êtes aussi.
Nous le voyons ici tout le temps. Il n'est pas réaliste de croire qu'un fonctionnaire nommé par un chef puisse fournir des conseils, comme c'est le cas pour le conseiller en éthique. Nous avons aussi constaté que les détenteurs du pouvoir ne veulent absolument pas renoncer à quelque autorité que ce soit. C'est surtout marqué lorsque le pouvoir est centralisé, et dans les collectivités des Premières nations, le pouvoir est bel et bien centralisé.
Même si je suis un optimiste, je suis également un réaliste. Je doute fort que les chefs et les conseils soient disposés à renoncer à leur autorité en faveur de quelqu'un d'autre, peu importe si le représentant est nommé de l'extérieur ou non, sauf si les pouvoirs donnés n'ont aucun poids, comme c'est le cas dans ce projet de loi. le fait sous-entendre.En pareil cas, oui, je suis convaincu que les conseils seraient plus portés à renoncer à leur autorité.
Ne serait-il pas préférable que le défenseur du citoyen détienne certains pouvoirs?
M. Bradford Morse: Je crois que dans son projet de loi C-6, le gouvernement voulait créer un organisme autonome et dans son projet de loi C-19, il voulait créer un certain nombre d'organismes autonomes. Le gouvernement aurait intérêt à inclure ce genre d'approche dans le projet de loi C-7. Nous n'avons aucun institut de gouvernance des Premières nations, par exemple, pour assumer certains de ces rôles.
Quant au registre des lois et des codes, je crois qu'un organisme national de ce genre ferait l'affaire. Quant aux plaintes ou au rôle du défenseur du citoyen, l'ombudsman, je crois qu'un organisme national serait également très utile.
M. Brian Pallister: Merci.
Le président: Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
M. Pallister a soulevé plusieurs questions intéressantes.
Il prône la création d'un ombudsman, mais il faudra décider s'il s'agit d'un poste d'une envergure nationale, régionale ou provinciale. Ce qu'il a dit est certainement valable, comme vous le mentionnez, pour ce qui est de la taille de certaines de nos Premières nations.
Brian, nous devrons nous pencher sur cette question, mais je ne sais pas sous quel angle.
Monsieur Morse, j'aimerais aussi entendre vos commentaires sur le statut juridique d'une bande ou d'une Première nation. Ont-ils assez de pouvoir pour faire ce que nous proposons? Pouvez-nous formuler des observations à ce sujet, dans le contexte du projet de loi?
M. Bradford Morse: Bien sûr, avec plaisir.
La législation fédérale, ou plutôt la législation canadienne, est insatisfaisante à l'heure actuelle. En général, les tribunaux nous ont dit que le meilleur moyen, ou le moyen le plus sûr, pour qu'une Première nation intente des poursuites contre quelqu'un ou pour que quelqu'un intente des poursuites contre une Première nation c'est le recours collectif.
D'habitude le chef et le conseil, nommés à titre personnel et au nom de l'ensemble des membres, sont les parties qui participent directement à l'instance. Pourquoi? En raison de l'incertitude créée par la jurisprudence quant à la capacité d'une bande en vertu de la Loi sur les Indiens. Est-ce une personne morale ou non?
La question ne se pose pas uniquement dans le cas de poursuites. Je pense qu'elle a eu un effet beaucoup plus profond sur le développement économique. Lorsqu'une entreprise songe à profiter de possibilités économiques en partenariat avec une Première nation, elle veut être sûre que le contrat qu'elle passera sera entièrement exécutoire. Il n'est pas clair que ce soit le cas.
De nombreuses Premières nations ont créé une personne morale distincte, comme une société de développement économique, qui sera partie au contrat afin de persuader le partenaire non autochtone à faire affaire avec elles. Le fait est que c'est un problème. Cela retarde certains projets de développement économique. Dieu sait que les Premières nations ont désespérément besoin de développement économique au Canada et nous ne voulons surtout pas leur dresser d'obstacles.
Je ne m'oppose pas à l'objectif qui est d'éliminer ce problème, mais à la façon dont le projet de loi s'efforce de le faire. Depuis longtemps, les Premières nations hésitent à accepter une disposition comme le paragraphe 15(1) car elles craignent d'en être exclues. Il les transforme d'un gouvernement et une communauté de peuples, en une entreprise qui compte des actionnaires. Le paragraphe 15(3) tente de répondre à cette objection en disant qu'il ne s'agit pas de créer une personne morale.
D'autre part, le paragraphe 15(3) précise également que la disposition «n'a pas pour effet de modifier son statut». Mais si elle ne modifie pas la capacité de la bande, pourquoi l'inclure à l'article 15, si ce n'est pour confirmer la capacité juridique ou pour la créer. Je pense que l'objectif du gouvernement est positif. Et je pense même que l'objectif du paragraphe 15(3) est positif. Par contre, je trouve que ces dispositions sont inefficaces et qu'elles devraient être corrigées.
Ce que je propose, c'est de trouver une meilleure solution que la personne physique fictive mentionnée au paragraphe 15(3), même si vous ne souhaitez pas simplement apporter une correction de forme. C'est une méthode souvent utilisée en droit canadien, mais pas à l'égard des gouvernements fédéral et provinciaux. Ce n'est pas une méthode qu'on utilise en général pour des gouvernements qui sont perçus comme ayant une capacité souveraine. Il n'est pas nécessaire d'utiliser cette méthode.
Je pense qu'il serait beaucoup plus positif et plus conforme à la position du gouvernement actuel, qui dit vouloir encourager une relation de gouvernement à gouvernement avec les Premières nations de parler de gouvernement, et non pas de personne physique pour désigner les Premières nations.
Du point de vue juridique, je pense que la solution est toute trouvée. Reste à savoir si le ministère de la Justice est prêt à l'adopter, mais je pense qu'il est possible de trouver une solution politique et juridique qui serait beaucoup plus satisfaisante pour les Premières nations.
 (1250)
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Vellacott, vous disposez de cinq minutes.
M. Maurice Vellacott: Merci beaucoup, monsieur Morse.
Je suis d'accord avec vous et le fait de ne pas pouvoir voir les codes par défaut m'inspire de graves préoccupations, pour les raisons que vous avez mentionnées, car je pense que cela engendre des soupçons, qui ne sont peut-être pas fondés. Mais pourquoi n'avons-nous pas ces codes? Je pense qu'il faudrait les avoir avant que nous ayons terminé l'étude de ce projet de loi. A mon avis, ce projet de loi est un peu prématuré. S'il s'agit de consultations, je veux bien, mais c'est plutôt comme signer un chèque en blanc et cela m'inquiète, et je sais que cela inquiète probablement les Autochtones.
Vous avez fait à cet égard des déclarations très senties. Je sais que notre bon secrétaire parlementaire, M. Hubbard, s'est engagé à nous fournir une réponse sur le processus prévu. J'espère qu'ils mettront les bouchées doubles ou qu'ils retarderont l'adoption et la mise en oeuvre de ce projet de loi.
J'aimerais vous interroger sur quelque chose qu'ont mentionné les témoins que nous avons entendus plus tôt aujourd'hui. Dans son rapport de mars 2002, le CCMC a recommandé que la question des droits immobiliers matrimoniaux dans les réserves constitue l'une des priorités fondamentales de toute réforme future. Pensez-vous comme le CCMC que c'est un élément essentiel de réforme? Devrait-il y avoir des dispositions sur cette question dans le projet de loi C-7?
Ma deuxième question concerne les vastes pouvoirs de perquisition et de saisie prévus dans le projet de loi et qui pourraient faire l'objet de contestations en vertu de la Charte. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette deuxième question.
M. Bradford Morse: Au sujet des codes par défaut, je tiens à mentionner qu'heureusement le comité tiendra des audiences pendant au moins deux mois, jusqu'à la fin mars, je pense, de sorte qu'il y a assez de temps pour que les codes soient déposés. Le fait que le comité examine ce projet de loi après la première lecture est très positif. Cela montre clairement que le gouvernement est prêt à engager le dialogue avec le comité et j'espère bien qu'on vous fournira les codes.
Pour ce qui est des droits immobiliers matrimoniaux, c'est une question essentielle mentionnée par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Derickson c. Derickson et dans l'affaire Paul c. Paul il y a plus de 15 ans. Il s'agit d'une autre zone grise juridique concernant les terres de réserves. Il y a une zone grise dans l'application des lois environnementales sur les terres de réserves et en voici une autre concernant les droits immobiliers matrimoniaux.
Les lois provinciales sur les biens matrimoniaux s'appliquent aux éléments d'actif hors réserve, mais ne peuvent pas s'appliquer aux droits immobiliers dans les réserves. L'alinéa 17(1)g) du projet de loi reprend, dans une certaine mesure, l'article 81 de la Loi sur les Indiens. Il s'agit des pouvoirs législatifs du conseil, et je cite:
les droits des époux ou conjoints de fait ou des enfants qui résident avec des membres de la bande dans la réserve relativement à toute question au sujet de laquelle le conseil peut prendre des textes législatifs à l'égard des membres de la bande; |
Il y a une disposition assez semblable à l'article 81 de la Loi sur les Indiens. Je pense qu'on pourrait faire valoir que l'adoption de ce projet de loi et, par conséquent, l'élimination du droit de révocation du ministre ainsi que l'interprétation assez restreinte que les fonctionnaires fédéraux ont donnée du pouvoir de prendre des règlements administratifs, permettront aux Premières nations d'adopter des textes législatifs sur les biens matrimoniaux qui auraient une portée restreinte et pourraient s'appliquer à l'intérieur de la réserve. Ça se défend.
À mon avis, la disposition actuelle semble liée au paragraphe précédent sur la résidence des membres de la bande ou des autres personnes. D'après l'interprétation qui a été donnée de la disposition de l'actuelle Loi sur les Indiens, je pense qu'elle s'applique uniquement à la question de la résidence.Cette nouvelle disposition en élargit un peu la portée. Est-ce assez? Non.
 (1255)
M. Maurice Vellacott: D'après ce qu'ont dit les femmes des Premières nations, celles-ci voudraient qu'il y ait des garanties et non une simple possibilité. Ce qui m'inquiète, c'est que cela pourrait n'être qu'une possibilité.
Pourriez-vous maintenant nous dire ce que vous pensez des mesures générales de perquisition et de saisie qui sont autorisées par ce projet de loi?
Plus particulièrement, cette disposition pourrait-elle être contestée en vertu de la Charte? Voilà ma question.
M. Bradford Morse: Eh bien, tout peut être contesté en vertu de la Charte. C'est l'un des grands plaisirs de vivre dans un univers assujetti à la Charte; on peut tout contester.
Ce que vous voulez savoir, je suppose, c'est si les tribunaux donneraient raison aux auteurs de ces contestations, n'est-ce pas? Je suppose que ce serait possible pour une ou deux raisons, dont l'une tient principalement à la procédure. Puisqu'il n'y a pas de système judiciaire dans les collectivités des Premières nations, il sera bien difficile dans bon nombre d'entre elles d'obtenir le genre de mandat de perquisition qui est normalement nécessaire pour appliquer de telles dispositions, plus particulièrement dans les collectivités isolées.
Dans de tels cas, on procède généralement par «mandat téléphonique», c'est-à-dire que l'autorisation d'effectuer les perquisitions est donnée par téléphone. Cette façon de procéder est difficile à défendre dans le contexte de la Charte puisque les documents et les arguments en faveur de la perquisition ne sont pas présentés directement au juge de paix qui délivre le mandat. Du point de vue pratique, même si ces dispositions peuvent sembler bonnes à première vue, leur mise en oeuvre pourrait présenter des difficultés et donner lieu à des contestations en vertu de la Charte.
En outre, certaines dispositions de cet article sur la perquisition et la saisie sont loin d'être blindées contre les contestations en vertu de la Charte. D'après certains de mes collègues, qui s'y connaissent mieux que moi dans ce domaine, ces dispositions seront contestées et il est bien possible que les tribunaux donnent raison à leurs auteurs.
Le président: Merci.
Monsieur Godfrey.
M. John Godfrey: Permettez-moi de revenir à la question de la capacité juridique. Je ne suis pas avocat et j'ai donc besoin de votre aide. Je comprends ce qu'est le statut de personne physique. Je comprends également ce qu'est un gouvernement. Comment appelez-vous le statut actuel, l'état initial? Cela ne semble pas être défini, ou il semble qu'il y ait une responsabilité personnelle. Ce statut porte-t-il un nom, cet état actuel, un nom autre que la confusion?
M. Bradford Morse: Non, le mot «confusion» décrit parfaitement...
M. John Godfrey: Existe-t-il une appellation légale pour désigner ce genre de confusion?
M. Bradford Morse: Eh bien, c'est cela le problème.
Le droit a tendance à créer des catégories claires. En droit, on dit qu'une chose est une personne morale ou non. La catégorie de ce qui n'est pas une personne morale est généralement appelée une association de fait.
Si toutes les personnes autour de cette table décidaient de former un groupe sans se constituer en personne morale, nous ne serions qu'un club qui aurait une existence de fait. Nous serions donc un groupe de fait. Par conséquent, chacun serait responsable personnellement de ce que ferait le groupe. Nous devrions tous être poursuivis individuellement ou, inversement, entamer collectivement des poursuites. Sous cet angle, nous continuerions d'agir en notre capacité de personne physique. Un groupe de fait n'est pas en soi une personne morale.
· (1300)
M. John Godfrey: Le fait qu'une collectivité de Premières nations décide qu'elle souhaite être considérée comme un gouvernement parce qu'elle préconise l'autonomie gouvernementale pourrait-il avoir des conséquences inattendues? Existerait-il une plus grande responsabilité collective dans ce contexte, de la même façon que l'État est responsable pour nous?
Parmi les 630 collectivités de Premières nations, savez-vous si certaines préféreraient demeurer une association de fait précisément parce que cela pose moins de risque—même si le risque personnel peut être plus grand?
M. Bradford Morse: J'ai deux réponses à cela. Premièrement, le fait d'en faire une option laisse aux gens une souplesse maximale. Deuxièmement, la déclaration d'un statut de gouvernement pourrait effectivement être utilisé puisque c'est ainsi que se définissent à l'heure actuelle les Premières nations, je crois. Je n'ai jamais entendu de Première nation dire qu'elle n'est pas un gouvernement, que son chef et son conseil ne forment pas un gouvernement ou qu'elle n'est pas une collectivité distincte. Je disais simplement que nous devons reconnaître le fait que les Premières nations sont des gouvernements, que nous le confirmions au lieu d'agir comme si on créait ce statut.
Quant aux questions de responsabilité, à l'heure actuelle, les Premières nations exercent cette responsabilité elles-mêmes en entamant des poursuites contre leur chef et leur conseil au nom de tous les citoyens de la Première nation. En théorie, si une Première nation est la partie défenderesse devant un tribunal et qu'elle perd sa cause, la partie gagnante pourrait exécuter la décision du tribunal contre chaque citoyen de cette Première nation. La responsabilité individuelle existe donc déjà et il y a aussi une responsabilité collective. La différence, c'est la façon dont cette responsabilité est généralement assumée. Elle est assumée par les citoyens en tant que membres d'une association de fait, ou d'un gouvernement non reconnu, si vous voulez, plutôt qu'en tant que personne morale, à titre de collectivité et de gouvernement.
M. John Godfrey: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Pallister, vous avez une minute pour poser une question, à laquelle M. Morse va répondre. Ensuite, nous ferons quelques remarques pour conclure la réunion.
M. Brian Pallister: Vous devrez m'excuser de parler rapidement.
Cela élimine la possibilité pour le ministre d'intervenir, sauf dans une gamme très limitée d'affaires financières. Par conséquent, il ne pourrait pas à l'avenir intervenir dans le même genre de cas où il est intervenu dans le passé, par exemple dans l'affaire de Dakota Tipi, où les gens se poignardaient les uns les autres. Il ne pourrait pas intervenir. Cela pose-t-il un problème?
M. Bradford Morse: À mon avis, cela ne pose pas plus de difficulté que d'intervenir dans d'autres situations chez les non-autochtones. S'il y a un problème d'exécution des lois, c'est au service policier compétent qu'il incombe d'intervenir, avec l'aide de toute autre force policière dont il pourrait demander l'aide.
M. Brian Pallister: Dans ce cas, ne s'agit-il pas d'une abdication de notre responsabilité en matière d'ordre public et de bon gouvernement?
Le président: Votre temps est écoulé, monsieur Pallister.
M. Bradford Morse: Je ne dirai pas qu'il s'agit d'une abdication. Nos services policiers et notre système juridique sont déjà dotés de mécanismes suffisants pour qu'il ne soit pas nécessaire de donner le pouvoir à un ministre—que ce soit un ministre fédéral ou provincial, relativement aux Premières nations ou aux autres citoyens—d'intervenir pour interdire certaines activités.
Si on estime qu'une loi adoptée par une Première nation n'est pas valide, les tribunaux ont le pouvoir de l'invalider, tout comme ils peuvent invalider une loi adoptée par la Chambre des communes du Canada, par une province ou par une ville. Nos tribunaux peuvent juger de la validité des lois. Nous n'avons pas besoin qu'un ministre présume de leur validité en empêchant qu'elles soient contestées devant les tribunaux, comme c'est en fait le cas aujourd'hui. Ce genre d'intrusion n'est pas nécessaire.
Dans les cas d'agressions physiques, ou d'autres cas de ce genre, j'ajouterais que nous devons avoir dans les collectivités des Premières nations des services policiers dotés des ressources nécessaires. Ce n'est pas l'absence de services policiers qui a été le problème, mais plutôt une pénurie de ressources à leur disposition.
· (1305)
Le président: Vous avez cinq minutes.
M. Bradford Morse: En guise de conclusion, je tiens à insister sur certaines questions que je mentionne dans l'exposé. Je dois vous dire très franchement qu'il y a toute une gamme d'autres questions donc j'aurais pu parler également.
Vous êtes aux prises avec une situation intéressante et stimulante. Permettez-moi d'insister sur l'importance de bien expliquer aux Canadiens que vous faites une étude après la première lecture. À mon avis, il s'agit d'une possibilité au sein du régime parlementaire qu'on n'utilise pas assez. Mais il est évident que vous avez l'occasion de faire un examen très approfondi, sachant que le gouvernement ne tient pas absolument au libellé de quelque disposition que ce soit. Il est prêt à écouter les arguments présentés au comité et par le comité. Je trouve que c'est un élément très positif.
Votre tâche est ardue. Le dilemme c'est de ne rien faire ou bien.... Nous pouvons garder cette loi sur les Indiens totalement inacceptable en attendant que les négociations sur l'autonomie politique aboutissent dans les différentes collectivités ou régions. Cependant, cela signifie qu'on va garder le statu quo pendant une génération. L'autre possibilité c'est d'essayer de faire quelque chose de temporaire et d'intérimaire qui ne nous empêche pas de faire des changements de fond à l'avenir, qui tient davantage compte des préoccupations régionales, plutôt que d'adopter un projet de loi de portée nationale, comme disait M. Pallister plus tôt.
Si on avait à tout recommencer, on aurait ni la Loi sur les Indiens, ni le projet de loi C-7. Nous ne serions pas en train de trouver une solution nationale. Nous savons tous qu'une telle approche n'a pas de sens. Malheureusement, le fait est que nous avons la Loi sur les Indiens depuis plus d'un siècle. Elle est complètement malavisée et désuète et elle tente de faire l'impossible: être une loi nationale qui s'applique à des Premières nations tellement différentes partout au pays.
Voilà la réalité. La tâche est impossible. On ne peut que faire de son mieux pour présenter un projet de loi qui ne compromette ni la Constitution ni la reconnaissance de la compétence des Premières nations, et qui essaie de faire avancer les choses à court terme alors que les collectivités essaient de trouver des solutions plus permanentes.
Merci beaucoup de votre invitation. Merci beaucoup.
Le président: Merci de tous les renseignements que vous nous avez donnés.
Vous avez raison de dire que nous avons une occasion particulière, parce que notre étude se fait après la première lecture du projet de loi. Il m'incombera d'essayer d'en arriver à un consensus à partir des renseignements que nous avons reçus aujourd'hui et lors de chacune de nos séances. Les membres du comité ont l'intention de présenter des amendements. Je me sens assez à l'aise pour essayer de trouver un consensus. Nous allons le faire quand nous volerons à 30,000 pieds avec 25 passagers à bord d' un avion et 24 parachutes.
Des voix: Oh, oh!.
Le président: Je pense que c'est une bonne façon d'arriver à un consensus.
Je tiens à vous remercier beaucoup et à remercier mes collègues également.
La séance est levée.