AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 19 février 2003
¿ | 0900 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
Le grand chef Edward John (Sommet des premières nations) |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan (Sommet des premières nations) |
Le président |
¿ | 0915 |
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne) |
Le vice-chef Herb George Satsan |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
Le grand chef Edward John |
M. Pat Martin |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le grand chef Edward John |
M. Charles Hubbard |
Le grand chef Edward John |
Le président |
Le grand chef Edward John |
¿ | 0930 |
Le président |
Mme Debra Hanuse(commissaire, Commission des traités de la Colombie-Britannique) |
M. Miles Richardson (commissaire en chef, Commission des traités de la Colombie-Britannique) |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Miles Richardson |
Le président |
M. Miles Richardson |
Le président |
M. Reed Elley |
M. Miles Richardson |
¿ | 0950 |
M. Reed Elley |
M. Miles Richardson |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Miles Richardson |
M. Pat Martin |
M. Miles Richardson |
¿ | 0955 |
M. Pat Martin |
M. Miles Richardson |
Le président |
Mme Debra Hanuse |
Le président |
Mme Debra Hanuse |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Mme Debra Hanuse |
Hubbard, Charles Member |
Mme Debra Hanuse |
À | 1000 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
Le président |
M. Pat Martin |
À | 1005 |
Le président |
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.) |
Le président |
Mme Debra Hanuse |
Le président |
Mme Debra Hanuse |
M. Miles Richardson |
À | 1010 |
Le président |
M. Jack Weisgerber (commissaire, Commission des traités de la Colombie-Britannique) |
Le président |
M. Miles Richardson |
Le président |
Mme Patricia Ekland (analyste principal des politiques, «B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres») |
À | 1015 |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Patricia Ekland |
À | 1030 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. David Chatters |
Le président |
M. David Chatters |
Le président |
M. David Chatters |
Le président |
M. David Chatters |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Mme Patricia Ekland |
Le président |
M. Pat Martin |
Mme Patricia Ekland |
À | 1035 |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Mme Patricia Ekland |
M. Charles Hubbard |
Le président |
Mme Patricia Ekland |
Le président |
À | 1040 |
Le vice-chef Herb George Satsan |
À | 1045 |
À | 1050 |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan |
M. Pat Martin |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Á | 1110 |
Le président |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
Á | 1115 |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
M. Pat Martin |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
M. Pat Martin |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Á | 1120 |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
M. Gérard Binet |
Á | 1125 |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
M. Reed Elley |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Á | 1130 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Á | 1135 |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan |
Le président |
Le vice-chef Herb George Satsan |
M. Alfred Scow (Assemblée des Premières nations) |
Á | 1140 |
Le président |
Á | 1145 |
M. Frank Cassidy (professeur associé, «School of Public Administration», Université de Victoria) |
Le président |
M. Frank Cassidy |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
 | 1200 |
Le président |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
 | 1205 |
M. Frank Cassidy |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
M. Frank Cassidy |
Le président |
M. Pat Martin |
 | 1210 |
M. Frank Cassidy |
M. Pat Martin |
M. Frank Cassidy |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. Frank Cassidy |
 | 1215 |
M. Charles Hubbard |
M. Frank Cassidy |
Le président |
M. Frank Cassidy |
Le président |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
M. Frank Cassidy |
Le président |
 | 1220 |
Vellacott, Maurice Vice-Chair |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Frank Cassidy |
 | 1225 |
Le président |
M. Frank Cassidy |
Le président |
M. Frank Cassidy |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 19 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Bonjour à tous. Pour que nous puissions commencer à l'heure, je vais m'occuper des formalités avant 9 heures.
Nous reprenons nos audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Nous accueillons ce matin le grand chef Edward John et Herb George Satsan, du Sommet des Premières nations. Quand vous verrez une dame s'approcher de la table, vous saurez qu'il s'agit de Lydia Hwitsum.
Nous avons 30 minutes à passer ensemble. Je vous invite à faire votre exposé et si vous nous laissez un peu de temps, nous vous poserons des questions. Allez-y.
Le grand chef Edward John (Sommet des premières nations): Tout d'abord, bonjour à tous. J'aimerais commencer par saluer les Salish du littoral puisque nous sommes sur leurs terres ancestrales aujourd'hui.
Je remercie le comité d'avoir fait l'effort de venir en Colombie-Britannique pour rencontrer nos concitoyens, les gens des Premières nations, et aussi d'ouvrir ces séances aux citoyens de cette province. J'ai eu une expérience analogue à propos du projet de loi sur la Commission indépendante du règlement des revendications mais cela s'était fait par téléconférence. Nous avons ici une excellente occasion de rencontrer les membres du comité et de vous parler directement.
Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Satsan Herb George. Il est aussi vice-chef de l'Assemblée des premières nations pour la Colombie-Britannique. Je vous précise que M. George va vous présenter un exposé distinct et que nos deux exposés s'intègrent et se complètent parfaitement.
J'ai remis à vos organisateurs le texte écrit de notre exposé, auquel sont joints certains éléments d'information. Dans notre exposé, nous mentionnerons le rapport de 2002 de la vérificatrice générale ainsi que le rapport de 1991 du Groupe de travail sur les revendications en Colombie-Britannique, daté du 28 juin 1991. Nous signalons au comité et à vos analystes ces documents que nous vous fournissons à titre de référence.
Le Sommet des Premières nations se réjouit d'avoir cette occasion de comparaître devant vous pour vous donner notre point de vue sur le projet de loi C-7. Cette proposition de modification de la Loi sur les Indiens va influer sur la façon dont nous menons nos activités quotidiennes et avoir des répercussions sur notre aptitude à progresser vers nos objectifs d'autonomie et l'exercice de notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Dans cet exposé, nous formulons deux préoccupations fondamentales qui nous semblent importantes dans le contexte de ce que nous faisons en Colombie-Britannique depuis une dizaine d'années maintenant. Ces deux préoccupations fondamentales sont tout d'abord que le projet de loi n'empiète pas sur nos droits et titres ancestraux, y compris notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, ne les abroge pas et n'y déroge pas; et deuxièmement qu'il ne préjuge en rien des négociations en Colombie-Britannique ou de l'aptitude du gouvernement à se présenter à notre table de négociation avec des mandats raisonnables et souples, et ne limite en aucune façon ces négociations.
Dans cet exposé, nous soulignons que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est un droit protégé par la Constitution et reconnu et affirmé à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Et nous soulignons qu'il est important d'appuyer et non d'affaiblir le processus de négociation sur les traités dans le cadre duquel s'élabore la relation future entre les gouvernements et autorités fédérales, provinciales et des Premières nations. Nous soulignons aussi les coûts importants qu'entraînera la mise en oeuvre de ce projet de loi et le fait qu'il risque de rendre encore plus pénible le fardeau déjà écrasant des rapports que le Canada exige des Premières nations.
Le Sommet des Premières nations est une association formée en 1991 par les Premières nations de la Colombie-Britannique pour représenter les Premières nations qui participent au processus de négociation de traités. Le Sommet des Premières nations est aussi un organisme de défense sur des questions qui ne sont pas liées directement à ce processus, par exemple des questions sociales et économiques d'ordre quotidien. Nous avons examiné hier de très près le budget fédéral ainsi que notre propre budget provincial pour y découvrir les intentions, tout au moins au niveau budgétaire, des gouvernements fédéral et provincial pour ce qui concerne leurs responsabilités à l'égard des Premières nations de la Colombie-Britannique et des peuples autochtones.
En tant que l'une des parties prenantes, au côté du Canada et de la Colombie-Britannique, du processus de discussion des traités, le Sommet des Premières nations joue un rôle important dans la démarche continue de négociation des traités afin qu'elle soit accessible à tous, mais nous ne participons pas directement à ces négociations. Depuis le début, nous interpellons le gouvernement sur les enjeux politiques. Nous avons participé au processus de Charlottetown en 1992. En fait, nous avons participé aux très importantes conférences des premiers ministres organisées de 1983 à 1987 sur l'examen de l'article 35.
Comme je vous l'ai dit il y a quelques instants, notre exposé complète celui que va faire un peu plus tard mon collègue le vice-chef, mais il est axé sur le contexte politique au sens large des débats sur la gouvernance et sur le processus de négociation de traités en Colombie-Britannique.
Ce projet de loi sur la gouvernance a des répercussions sur ce que nous faisons. Une de ses dispositions prévoit qu'au terme d'un délai de deux ans la réglementation gouvernementale, les codes imposés par le gouvernement s'imposeront de factoaux Premières nations alors même qu'elles seront en train de négocier des traités. Or, l'une des questions de fond dont nous discutons dans ces négociations sur des traités, c'est évidemment la question de la gouvernance.
Le rapport du Groupe de travail sur les revendications en Colombie-Britannique présente la toile de fond du processus de négociation. En réponse à ce rapport, celui dont je vous ai parlé au début, le Canada et la Colombie-Britannique ainsi que les Premières nations ont décidé de créer la Commission des traités de la Colombie-Britannique, dont vous allez entendre les représentants tout à l'heure, je crois, pour encadrer ce processus. Son rôle est de faciliter les négociations de traités en Colombie-Britannique.
À cette fin, le premier ministre du Canada, le premier ministre de la Colombie-Britannique et nos représentants ont signé en septembre 1992 l'entente historique sur la Commission des traités de la Colombie-Britannique, qui a marqué le point de départ de la négociations de traités en Colombie-Britannique, un grave problème historique qui n'a jamais été correctement réglé.
J'aimerais évoquer rapidement quelques-uns des points de ce rapport. On y lit:
[Les traités] identifient, définissent et mettent en oeuvre un ensemble de droits, d'obligations, notamment les intérêts existants et futurs à l'égard de la terre, de la mer et de leurs ressources, de structures et d'autorités gouvernementales, de processus de réglementation, de processus d'amendement et de résolution des différends, d'indemnisation financière, de relations financières, etc. Il est important que les points négociés ne soient pas arbitrairement limités par une partie quelconque. |
Le Groupe de travail ajoutait:
Les négociations de traités en Colombie-Britannique sont l'occasion de reconnaître les gouvernements des Premières nations sur leurs territoires traditionnels. Il est important que les traités, qui bénéficient d'une protection constitutionnelle, soient explicites sur les questions de compétence. Les sujets des négociations incluent les pouvoirs et responsabilités qui doivent être exercés respectivement par les gouvernements des Premières nations, fédéral et provincial, ainsi que la détermination claire des institutions politiques qui exerceront ces pouvoirs. |
Vous constatez donc que, par cet effort conjoint du Canada, de la Colombie-Britannique et des Premières nations au début des années 90, nous avions déjà engagé le débat sur la question des compétences et des relations respectives du Canada, de la Colombie-Britannique et des Premières nations. C'est ce processus que nous poursuivons. Comme vous l'imaginez, ce projet de loi a des répercussions sur ce que nous faisons.
Plus loin, dans le rapport du Groupe de travail, on peut lire:
La gouvernance des Premières nations, qu'on désigne souvent par l'expression autonomie gouvernementale, sera une composante essentielle d'une nouvelle relation. |
Ce qui est troublant, c'est que le Canada a participé partiellement à l'élaboration de ce rapport. Ce rapport a été élaboré par de hauts fonctionnaires fédéraux ainsi qu'une personne de l'extérieur nommée par le Canada. Au terme de plus de six mois de travail, nous avons élaboré ce plan qui englobait le Canada, la Colombie-Britannique et nous-mêmes. En conséquence, nous estimons que le gouvernement fédéral a pris certains engagements et a certaines obligations auprès de nous depuis le début des années 90. Il n'est pas question que ce projet de loi amoindrisse un processus que nous avons entrepris il y a quelque neuf ans maintenant.
À l'heure actuelle, 53 groupes de Premières nations participent à 42 tables de négociation. Jusqu'ici, les Premières nations ont emprunté plus de 175 millions de dollars mais aucune n'a encore conclu d'accord de principe ou de traité. Divers accords de principe proposés en 2001 par les négociateurs des parties n'ont pas reçu l'appui politique nécessaire, surtout parce qu'ils étaient guidés par une formule et parce que les membres de la communauté des Premières nations estimaient qu'ils ne leur apportaient pas une base suffisante pour poursuivre à l'avenir et améliorer leur niveau de vie.
¿ (0905)
Récemment, les négociateurs du gouvernement fédéral à 12 tables de négociation ont transmis aux Premières nations des lettres dans lesquelles ils disent vouloir recommander au ministre des Affaires indiennes de se retirer des négociations si des progrès concrets ne sont pas accomplis à leurs tables d'ici deux mois. Ces lettres à échéancier de 60 jours ne tiennent pas compte des raisons pour lesquelles une table ne progresse pas nécessairement, et ce sont surtout les Premières nations qui ont été pointées du doigt, mais je dois dire que le gouvernement fédéral devrait s'interroger sur lui-même et sur les mandats qu'il donne à ses négociateurs lorsqu'ils se présentent à nos tables.
En ce qui concerne les droits ancestraux et la Constitution, comme je l'ai dit au départ, je ne vais pas entrer dans ce débat, mais je tiens simplement à préciser que c'est un droit important qui figure dans la Constitution de ce pays. Nous soulignons six points importants.
Nous vous renvoyons aussi à diverses affaires portées devant les tribunaux, notamment la récente décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l'affaire Campbell, où l'on reconnaît que le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est le droit mentionné à l'article 35 de la Constitution de ce pays. Comme nous l'avons affirmé dans le passé, ce droit inhérent existe. On le retrouve dans l'affirmation de l'article 35 de la Constitution ainsi que dans l'article 25 de la Loi constitutionnelle de 1982. La Cour revoit actuellement ces dispositions et les élargit en les reconnaissant et en leur donnant vie, ou en affirmant que ce droit inhérent est un droit ancestral prévu à l'article 35 de la Constitution.
J'aimerais en venir très rapidement aux commentaires sur le projet de loi C-7. Nous avons toujours dit que nos négociations ont véritablement pour but de nous libérer des entraves imposées par la Loi sur les Indiens et de nous permettre de progresser vers la mise en oeuvre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous recommandons divers principes que nous souhaitons vous soumettre à propos de ce projet de loi: premièrement, les droits autochtones et les droits issus de traités, notamment le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale ne doivent pas être enfreints, contournés ou abrogés; deuxièmement, la relation fiduciaire entre les Premières nations et la Couronne ne doit pas être déformée; et troisièmement, les Premières nations doivent avoir la possibilité d'aller de l'avant avec la mise en oeuvre de leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
Nous faisons donc plusieurs suggestions, surtout au sujet d'une disposition de non-dérogation. Nous croyons savoir que le ministère de la Justice étudie la possibilité de retirer toutes les dispositions de non-dérogation des projets de loi fédéraux existants et de la loi fédérale. Nous pensons que le gouvernement fait fausse route dans ce cas, surtout compte tenu du fait qu'il s'agit de quelque chose qui figure dans la Constitution de ce pays.
Pour ce qui est des ressources financières et humaines, nous avons demandé à une entreprise comptable, Deloitte & Touche, de nous préparer un document sur les répercussions. Selon eux, si les Premières nations doivent élaborer ces codes, le coût pour chaque Première nation—et en Colombie-Britannique il y en a 200—sera de l'ordre de 188 000 $ à 400 000 $ par collectivité, selon leur taille. D'après leur expérience en la matière, ils pensent que le montant sera de cet ordre. Faites le calcul et vous constaterez que le coût sera considérable pour la Colombie-Britannique. Un tiers des Premières nations du Canada—200 des 600 Premières nations de ce pays—sont situées en Colombie-Britannique.
¿ (0910)
En ce qui concerne le rapport de la vérificatrice générale et les exigences de rapport, nous constatons qu'elle déclare:
Les exigences en matière de rapport fixées par les organismes fédéraux représentent un lourd fardeau pour les Premières nations, surtout pour les collectivités qui comptent moins de 500 résidents. |
Et nous voyons dans le rapport—vous connaissez tous bien le rapport de décembre de 2002 de la vérificatrice générale—qu'à propos de la rationalisation des rapports des Premières nations au gouvernement fédéral, la vérificatrice générale souligne qu'au moins 168 rapports doivent être remis par les Premières nations à quatre ministères du gouvernement fédéral—les quatre principaux étant les Affaires indiennes, Santé Canada, le ministère des Pêches et des Océans et Développement des ressources humaines. C'est énorme. On a parfois l'impression en lisant la presse que les Premières nations ne rendent aucun compte, mais quand on voit le nombre de rapports qui sont exigés d'elles chaque année, on voit que c'est un fardeau important.
Nous aimerions conclure en nous félicitant de cette occasion que vous nous avez donnée de comparaître devant vous pour bien vous montrer qu'un nombre important de Premières nations de Colombie-Britannique participent depuis longtemps, moyennant un coût humain et financier considérable de notre part—plus de 175 millions de dollars, et je dirais que nous sommes plutôt plus près des 200 millions de dollars maintenant—aux négociations avec le Canada et la Colombie-Britannique sur les enjeux dont vous êtes saisis dans ce projet de loi. Nous pensons que ceci a détourné l'attention du fédéral de l'important processus de négociations en cours en Colombie-Britannique.
Sur ce, j'aimerais laisser la parole à mon collègue s'il a des commentaires à ajouter. Ensuite, nous répondrons à vos questions selon temps que nous aurons.
Merci.
Le président: Merci.
Il nous reste 13 minutes.
Le vice-chef Herb George Satsan (Sommet des premières nations): Non, je parlerai plus tard. Je pense que nous devrions passer directement aux questions.
Le président: Merci beaucoup.
Avant de passer aux questions, chers collègues, je vous suggère, lorsque nous reviendrons à Ottawa, d'inviter les représentants du ministère pour leur poser des questions sur ces 168 rapports. Tout le monde a l'air de trouver que c'est immonde de devoir présenter tous ces rapports. Il doit y avoir une façon d'améliorer la situation. J'imagine que c'est prévu, mais il faudrait que le comité soit au courant si le ministère a l'intention de faire un effort pour améliorer cet état de choses.
Vous avez dit que le ministère de la Justice voulait supprimer les clauses de non-dérogation. C'est un thème qui revient sans cesse sur le tapis. À mon avis, nous devrions inviter les représentants du ministère de la Justice à éclaircir cette situation lorsque nous rentrerons à Ottawa. S'ils ont l'intention de le faire, qu'ils nous le disent. Cela fera une différence dans le travail que nous faisons et s'ils ont l'intention de le faire, qu'ils nous expliquent pourquoi, et sinon, nous devons aussi savoir pourquoi. J'invite donc le comité à s'occuper de ces deux questions dès notre retour.
Nous passons aux questions avec des tours de quatre minutes. Qui va commencer?
Monsieur Elley.
¿ (0915)
M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants d'être venu dialoguer avec nous ce matin, chef.
Je voudrais commencer par une question sur le processus. Divers témoins nous ont dit que le processus de consultation était incomplet et que bien des gens étaient laissés à l'écart. En même temps, je crois savoir que les chefs de la Colombie-Britannique, dans le cadre de l'Assemblée des premières nations, tenaient à participer à ces consultations et tenaient à ce que l'APN en fasse partie du début à la fin. Mais pour une raison quelconque, on n'a pas tenu compte de votre demande et cela ne s'est pas fait.
Rétrospectivement, en repensant à tout l'historique de ce projet de loi, pensez-vous que l'APN aurait dû être associée dès le début et donner son avis tout le long de son élaboration, ou pensez-vous qu'à ce stade des négociations et des débats, cela n'aurait pas changé grand-chose?
Le vice-chef Herb George Satsan: J'aimerais répondre à cette question. En tant que vice-chef de la Colombie-Britannique, j'ai eu la responsabilité et le pouvoir exécutif de tenter de négocier une entente avec le Canada sur les amendements proposés. Nous avons finalement eu une entente que nous avons soumise aux chefs en assemblée.
Malheureusement, à mon avis, les chefs ont voté contre une discussion avec le Canada sur ces questions pour plusieurs raisons. La principale était qu'alors que nous essayions de négocier de façon à permettre aux parties de se rencontrer pour discuter de ces changements dans le cadre d'une consultation sérieuse, le processus se poursuivait sans ralentir. Lorsque nous avons finalement pu trouver une entente et être en mesure de dialoguer sérieusement avec le Canada sur cette question, le délai prévu pour la première phase de consultations que le Canada avait engagée tirait à sa fin. Même si nous avions pu, même si les chefs en assemblée avaient accepté de participer, nous serions arrivés tout à la fin de la première partie du processus entamé par le Canada. C'est un problème.
En fait—et nous pourrions en discuter jour et nuit—ce processus est à mon avis fondamentalement faussé parce qu'il n'y a pas eu de véritables consultations. Je sais que le Canada prétendra le contraire. Hier, le député a dit que c'était une des consultations les plus approfondies jamais menées par le Canada. À l'arrière dans le public, je me suis dis qu'ils avaient dû en avoir assez de nous parler. C'est ainsi.
Ce qui compte pour nous en Colombie-Britannique, comme l'ont dit mon collègue et nos chefs du Sommet des Premières nations, c'est que nous avons des préoccupations et des problèmes et que nous avons ici une occasion de les aborder. Nous devons faire confiance à votre comité. Nous devons espérer que vous nous entendrez et que vous formulerez les recommandations et les changements qui correspondent à nos préoccupations et à nos problèmes. C'est pour cela que nous sommes ici. Peu importe à ce stade que la première étape de consultation ait été bonne, mauvaise ou futile. Ce qui compte, c'est ce qui va se passer maintenant.
J'aimerais aussi dire un mot du règlement. Ce projet de loi s'appuiera sur un règlement. Or, nous ignorons en quoi il consiste. Nous ne l'avons pas vu. Et comme nous ne l'avons pas vu, nous estimons qu'il est impossible d'évaluer les répercussions de certains des articles du projet de loi. Comprenez que nous avons la possibilité…
¿ (0920)
Le président: Merci beaucoup. Vous ne verrez pas le règlement ou les codes puisque le ministre s'est engagé à les élaborer avec vous. C'est un engagement qu'il a pris devant nous au comité. Tout le monde demande à voir les règlements. On nous dit qu'ils ne sont pas encore écrits ni même décidés et qu'ils devront être rédigés avec les communautés des Premières nations. Je vous répète juste ce qui nous a été dit lors de cette réunion.
Monsieur Martin, vous avez quatre minutes.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
J'ajoute que le ministre a aussi déclaré que le projet de loi C-7 avait été élaboré avec la pleine collaboration et l'apport des Premières nations. Je précise pour le compte rendu que nous contestons ces deux affirmations, ou en tout cas que nous nous posons des questions à leur sujet.
Merci, grand chef John. Voici la première question dont j'aimerais m'occuper. Dans votre introduction, vous avez évoqué la clause de non-dérogation. Je crains fort que votre remarque soit prise hors contexte et mal interprétée. Vous avez dit que ce projet de loi ne dérogeait pas à vos droits ou ne les érodait en aucune façon, mais je pense que ce que vous vouliez dire, c'est que nous devons nous assurer qu'il ne le fasse surtout pas. Pouvez-vous préciser cela pour le compte rendu?
Le grand chef Edward John: Oui, je vous remercie de cette précision. Ce que j'ai voulu dire, c'est qu'il est important pour nous que ce projet de loi n'entraîne pas de dérogation à nos… Nous pensons qu'il présente un potentiel considérable.
Pour ce qui est de l'historique de la consultation—et les tribunaux de ce pays, jusqu'à la Cour suprême du Canada, l'ont dit—la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré que si le gouvernement devait empiéter sur les droits autochtones, il était tenu en droit de consulter les personnes susceptibles d'être touchées et de prendre en compte les intérêts autochtones susceptibles d'être affectés. On peut se demander si la consultation a été véritablement complète et si l'exigence de prise en compte formulée dans les décisions des tribunaux a été respectée. Dans la mesure où il y a une possibilité d'empiétement, les tribunaux ont très clairement dit qu'on devait présenter des justifications. Et les questions qu'ils ont soulevées à propos de consultation et de prise en compte correspondent à ce processus de justification.
Monsieur le président, à propos de ce que vous avez dit au sujet de la vérificatrice générale et de la pléthore de rapports qu'on exige, nous souhaiterions recommander au comité permanent d'inviter la vérificatrice générale à travailler avec les Premières nations et le Canada à déterminer des mécanismes de reddition de comptes efficaces à mettre en place. Dans le rapport, on dit que 168 rapports doivent être présentés, mais en réalité on en demande plus de 200.
Excusez-moi, monsieur Martin, je suis en train de prendre tout votre temps.
M. Pat Martin: C'est bon. Ceci était très utile car j'étais au Comité des comptes publics quand la vérificatrice générale a fait ces remarques. Malgré les nouvelles règles qui accompagnent le projet de loi C-7, elle a dit que les communautés des Premières nations faisaient l'objet de vérifications excessives. Elle a vivement recommandé de rationaliser le fardeau considérable que constituent ces 168 rapports en les ramenant à un nombre plus raisonnable.
Je suis très heureux que vous ayez mentionné le montant qu'entraînera la mise en application du projet de loi C-7 s'il est adopté. Vous êtes le premier à avancer des chiffres concrets, et vous avez d'ailleurs fait appel à une entreprise comptable pour cela. D'après mes calculs, à 400 000 $ par collectivité, le coût pourrait atteindre 80 millions de dollars, soit 200 fois 400 000 $ pour ces 200 collectivités. Et encore, c'est à condition qu'elles coopèrent et soient en mesure de mettre le projet de loi à exécution. On ne tient pas compte des ressources et des heures supplémentaires, etc., qui risquent d'être nécessaires pour convaincre les communautés des Premières nations qui ne voudront ou ne pourront pas coopérer.
Ce que je veux dire, c'est que nous avons vu un document ou une note interne du Cabinet qui dit que le budget total de mise en application du projet de loi dans l'ensemble du pays s'élèvera à 123 millions de dollars et sortira directement du budget des services votés des Affaires indiennes.
Mon temps tire à sa fin, mais en quelques instants, pourriez-vous me dire si c'est à votre avis un chiffre raisonnable?
¿ (0925)
Le président: Nous n'avons plus de temps pour écouter cela, mais vous aurez un peu de temps pour conclure.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Merci, monsieur le président et bonjour, chef.
Je suis très impressionné par votre exposé qui montre à quel point vous luttez depuis très longtemps avec des problèmes extrêmement complexes. J'espère que quand nous examinerons votre proposition écrite, nous pourrons analyser le projet de loi et faire en sorte qu'il reflète du mieux possible vos préoccupations.
Je suis un peu interloqué quand j'entends mes collègues s'inquiéter du coût. Je sais bien que le coût est toujours un problème, mais j'espère tout de même que l'objectif principal de toute cette entreprise est d'améliorer le gouvernement et les relations entre le gouvernement fédéral et les peuples des Premières nations. Je n'aime pas gaspiller l'argent, mais j'estime en revanche que l'argent ne doit pas être un obstacle à la réalisation de quelque chose qui sera à l'avantage de tous les peuples des Premières nations du Canada à long terme.
Chef, vous avez parlé de la notion d'autonomie gouvernementale et des diverses tables de négociation pour les deux groupes. Vous savez sans doute qu'il y a dans le projet de loi un article précisant que le ministre ou le gouverneur en conseil peut soustraire une bande à l'application de la loi si elle est en train de négocier la ratification d'un accord sur l'autonomie gouvernementale. Souhaitez-vous dire quelque chose à ce sujet, surtout que c'est un problème ici en Colombie-Britannique où beaucoup de gens essaient d'améliorer les relations entre nos deux nations?
Le grand chef Edward John: Vous avez raison. Les dispositions de facto seront imposées dans un délai de deux ans.
Si vous pouviez répéter la dernière partie de votre question, je vous en serais reconnaissant.
M. Charles Hubbard: À l'article 34 du projet de loi, on dit que s'il y a une négociation en cours, on peut reporter à plus tard l'élaboration d'un code pour la Première nation en question dans l'espoir qu'un accord final pourra être trouvé.
Le grand chef Edward John: Merci beaucoup.
Nous aurons plus de détails ou une recommandation à ce sujet quand le vice-chef fera son exposé. Mais la réponse en un mot est que nous sommes inquiets à l'idée qu'en tant que partie à part égale à la table de négociation, nous devons maintenant nous adresser au gouvernement fédéral ou au ministre pour demander à être exemptés par décret de l'application des dispositions de la loi. Nous ignorons ce que cela signifie ou ce que cela peut entraîner en fin de compte en termes de temps, de coûts et de retards. C'est vraiment cela qui est important.
Sur la question des coûts, nous vous avons soumis ici les informations que nous a communiquées l'entreprise comptable essentiellement pour vous donner un aperçu des montants envisagés, sachant que le gouvernement a annoncé qu'il prévoyait 123 millions de dollars pour l'ensemble du pays. Rien qu'en Colombie-Britannique, si l'on prend les montants les plus élevés, le coût pourrait être de l'ordre de 80 millions de dollars. Nous constatons donc déjà qu'il va y avoir des pressions au niveau des coûts. Nous pensons que les Premières nations ne vont pas être en mesure de respecter la loi et que les dispositions de facto vont donc être appliquées. Donc, on nous force à suivre un processus à l'élaboration duquel nous n'avons pas vraiment participé.
Les principes sont certes importants, notamment les questions d'imputabilité, de préparation des budgets, etc. Personne ne conteste cela, la question est de savoir comment tout cela se manifeste dans le projet de loi et en l'absence de négociations à la table des traités.
Le président: Merci beaucoup.
Je vais vous laisser une minute pour conclure. Je ne peux pas vous laisser beaucoup plus de temps car je veux être équitable avec tout le monde aujourd'hui.
Le grand chef Edward John: Je tiens à remercier le comité de nous avoir invités. Le vice-chef, avec le bureau duquel nous avons travaillé à l'élaboration de notre réponse, vous donnera plus de détails sur notre exposé. Il s'agit essentiellement d'un examen et d'une analyse article par article. Nous avons essayé de vous donner un aperçu d'ensemble du processus de négociation des traités en Colombie-Britannique, de l'investissement que nous, les Premières nations, nous avons réalisé à l'occasion de ce processus depuis 10 ans, et des répercussions que ce projet de loi aura s'il est approuvé par la Chambre et mis en vigueur.
Merci beaucoup de nous avons invités.
¿ (0930)
Le président: Merci beaucoup pour votre contribution qui nous a été très utile et nous aidera pour notre travail.
J'accueille maintenant les témoins de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Miles Richardson et Brian Mitchell, qui étaient prévus à l'ordre du jour, ne sont pas là et je souhaite la bienvenue à Debra Hanuse et à Jack Weisgerber.
Allez-y. Nous avons 45 minutes à passer ensemble.
Mme Debra Hanuse(commissaire, Commission des traités de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup. Bonjour à tous et merci de nous avoir invités aujourd'hui.
Notre commissaire en chef va arriver dans quelques instants. Il a été retardé ce matin mais il se joindra à notre discussion dès qu'il arrivera.
Je suis Debra Hanuse, commissaire à la Commission des traités de la Colombie-Britannique, et je suis accompagnée de mon collège Jack Weisgerber, lui aussi commissaire à la Commission.
J'aimerais tout d'abord vous dire quelques mots du rôle de la Commission dans le processus des traités en Colombie-Britannique.
La Commission des traités de la Colombie-Britannique, comme vous l'avez entendu lors du précédent exposé ce matin, est un organisme indépendant et neutre. Notre rôle essentiel est de faciliter la négociation de traités en Colombie-Britannique et de superviser ce processus. Notre rôle principal est de faciliter la négociation de traités. Nous nous occupons aussi de gérer le financement de l'aide aux Premières nations pour les négociations. Les Premières nations empruntent de l'argent pour participer au processus de négociation de traités; elles reçoivent 80 p. 100 de leur financement sous forme de prêts et 20 p. 100 sous forme de contributions. C'est donc un autre rôle essentiel que joue la Commission dans le cadre du processus de négociation des traités.
C'est à ce titre, en tant que gardien indépendant et neutre de ce processus, que nous comparaissons devant vous aujourd'hui. Nous aimerions vous parler de quelques-unes des répercussions de ce projet de loi sur le processus de négociation des traités.
Merci. Je vais maintenant laisser la parole à notre commissaire en chef.
M. Miles Richardson (commissaire en chef, Commission des traités de la Colombie-Britannique): Merci, Debra. Je salue tous les membres du comité.
J'aimerais commencer par vous lire le compte rendu de l'exposé que la Commission des traités a préparé et je serai à votre disposition ensuite pour répondre à vos questions.
Comme Debra vous l'a expliqué, cela fait près de 10 ans que nous avons engagé des négociations sur les traités en Colombie-Britannique. Au début, c'était un cas unique au Canada puisque le gouvernement du Canada, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les Premières nations—qui représentent actuellement environ les deux tiers de la population autochtone de la Colombie-Britannique—se sont entendus sur un processus de règlement de la question des terres en Colombie-Britannique. Dans le cadre de ce processus, nous avions convenu d'examiner la gouvernance en même temps que les questions territoriales, les questions concernant les terres et les questions concernant les ressources. C'était en ce sens un processus unique au Canada.
Après 10 ans de négociations, le processus de négociation des traités prend son essor. J'aimerais vous en parler un peu.
Tout d'abord, à notre connaissance, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a lancé l'initiative du projet de loi sur la gouvernance des Premières nations dans le but de moderniser les éléments de gouvernance de la Loi sur les Indiens et de donner aux Premières nations certains des outils clés de gouvernance dont elles ont besoin pour améliorer la qualité de vie de leurs collectivités. Dans le cadre de cette initiative, le ministère a clairement dit que le projet de loi proposé n'était qu'une étape provisoire dans la progression vers l'autonomie gouvernementale et non un moyen de remplacer les négociations sur l'autonomie gouvernementale. Nous estimons que c'est une distinction positive vraiment importante. Il s'agit d'une étape provisoire sur la voie de l'objectif ultime sur lequel s'entendront les parties à la table de négociations des traités en Colombie-Britannique, car c'est là que doivent être dûment discutés ces enjeux.
La réalisation de l'autonomie gouvernementale est un objectif fondamental du processus des traités en Colombie-Britannique. Le gouvernement du Canada, celui de la Colombie-Britannique et les Premières nations sont déterminés à élaborer une nouvelle relation durable dans le cadre de laquelle les Premières nations pourront se gouverner elles-mêmes grâce à des institutions de gouvernement efficaces et compétentes.
En tant que gardienne du processus de négociation des traités en Colombie-Britannique, la Commission des traités de la Colombie-Britannique a décidé de formuler ses commentaires sur le projet de loi C-7, non pas pour l'approuver ou le rejeter, mais pour appuyer l'objectif de la négociation de l'autonomie gouvernementale. Nous comparaissons donc aujourd'hui devant vous pour nous assurer que le projet de loi C-7 nous permettra de progresser par des accords progressifs et finaux sur l'autonomie gouvernementale dans le cadre du processus de discussion des traités en Colombie-Britannique.
Je voudrais simplement souligner la notion de prise en charge. Au fond, la gouvernance, c'est la mise en place de mécanismes fiables, transparents et tenus de rendre des comptes pour réaliser des conditions ou des objectifs politiques, économiques et sociaux donnés. Comme l'a dit le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, M. Robert Nault, ce n'est pas au moyen de ce projet de loi sur la gouvernance qu'on atteindra cet objectif, mais par des négociations fondées sur le respect, la confiance et l'entente mutuels. Cet engagement à des négociations fondées sur le respect, la confiance et l'entente mutuels est le premier engagement des trois parties à la négociation des traités en Colombie-Britannique dont j'ai parlé précédemment.
¿ (0935)
La Commission des traités et le processus des traités ont été établis en 1992 en vertu d'un accord des gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique et du Sommet des Premières nations. Guidés par cet accord et le rapport de 1991 du Groupe de travail sur les revendications en Colombie-Britannique, les trois parties ont entrepris de négocier et de mettre en oeuvre des institutions de gouvernement harmonisées et efficaces et des cadres juridictionnels pour les terres, les ressources et l'autonomie gouvernementale.
Toutefois, au fur et à mesure que les négociations progressaient, la Commission des traités et ses interlocuteurs se sont rendu compte qu'en raison du nombre considérable de Premières nations concernées par ce processus et de la complexité des négociations, il faudrait plus longtemps que prévu pour parvenir à des accords complets sur les traités. En conséquence, en mai 2002, les parties en présence ont procédé à un réexamen approfondi du processus des traités pour trouver des moyens de faciliter les négociations et d'aboutir plus vite.
En novembre dernier, les parties en présence ont examiné les options finales élaborées lors de ces entretiens tripartites et se sont entendues sur divers outils d'élaboration de traités qui devaient permettre des négociations plus efficaces et plus efficientes. L'un de ces outils essentiels était la capacité de négocier des accords progressifs sur les traités pour faciliter la négociation et la ratification d'accords finaux complets et obtenir plus rapidement des résultats positifs.
Un traité final complet demeure donc l'objectif, mais les parties estiment que pour améliorer l'efficacité des négociations il faut établir des résultats concrets qui amèneront plus rapidement un changement dans l'existence des gens, d'où cette notion de traité progressif. Dans l'objectif ultime d'une entente globale des trois parties sur l'autonomie gouvernementale, nous entendons procéder progressivement par petites étapes. Ce sont ces petites étapes qui, en s'ajoutant les unes aux autres, nous permettront d'aboutir à un traité complet au bout du processus. C'est cette possibilité que nous envisageons.
Les parties en présence ont aussi confirmé qu'elles envisageraient la nécessité d'adopter des dispositions législatives pour faciliter la mise en place de certains accords progressifs sans dicter en même temps l'issue du processus de négociation. C'est une entente importante. Chacune des parties, lors de l'examen de ces nouveaux outils de mise en place progressive de traités, a déclaré que certaines des initiatives souhaitées n'ont peut-être pas été envisagées dans la législation actuelle et qu'il faudrait peut-être établir d'autres pouvoirs pour faciliter ces étapes. Les parties ont donc convenu de laisser la porte ouverte à un examen de leurs dispositions législatives respectives.
Nous estimons que, s'il tient correctement compte de ces objectifs pour la Colombie-Britannique, le projet de loi C-7 pourrait nous apporter une bonne partie des outils législatifs requis pour la gouvernance.
A priori, le projet de loi C-7 semble conforme au mandat du gouvernement du Canada de recourir à des ententes progressives dans le cadre du processus de traités en Colombie-Britannique et d'élaborer des dispositions législatives pour faciliter leur mise en oeuvre. Le projet de loi reconnaît clairement qu'il faut peut-être envisager divers outils pour faciliter les négociations et la ratification et qu'il faut prévoir une dérogation à tout ou partie de ce projet de loi C-7 pour permettre l'élaboration de ces outils.
Le texte de l'article 34 du projet de loi est le suivant:
Dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de l'article 4, le gouverneur en conseil peut, par décret, soustraire, pour la période qu'il fixe, une bande à l'application de la présente loi ou de l'une ou l'autre de ses dispositions pour faciliter la négociation ou la ratification d'un accord définitif sur l'autonomie gouvernementale. |
En fait, le projet de loi C-7 énonce des arrangements progressifs pour la gouvernance qui nécessitent une dérogation au projet de loi proposé. Par exemple, il y a une exemption pour la bande définie au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'autonomie gouvernementale de la bande indienne Sechelt. Donc cela a été fait. Toutefois, un examen plus approfondi révèle qu'il n'y aura plus rien au bout de deux ans dans le projet de loi C-7 pour faciliter la mise en oeuvre d'accords progressifs de gouvernance afin d'appuyer la négociation ou la ratification d'accords d'autonomie gouvernementale.
¿ (0940)
La Commission des traités estime que, si l'on veut vraiment appuyer la négociation ou la ratification d'accords finaux d'autonomie gouvernementale dans le cadre du processus de traités de la Colombie-Britannique, il faut supprimer ou tout au moins prolonger le délai de deux ans prévu dans le projet de loi. Ainsi, au lieu d'en être tenu à la période spécifiée dans la loi pour le décret, le gouverneur en conseil pourrait dispenser une Première nation de l'application de la loi ou de ses dispositions afin de faciliter la négociation ou la ratification d'un accord final d'autonomie gouvernementale.
Les parties au processus des traités de Colombie-Britannique sont confrontées à ces questions de développement constitutionnel, de structure et d'administration des gouvernements prévues dans les dispositions du projet de loi C-7. En conséquence, des Premières nations participant au processus de discussion des traités en Colombie-Britannique vont vraisemblablement participer aux initiatives de mise en place de la gouvernance tant à la table des traités que dans le cadre de la mise en application du projet de loi C-7.
La Commission des traités estime que la loi proposée devrait clairement tenir compte des besoins financiers de ces Premières nations et combler ces besoins. Sinon, il est fort probable que les ressources nécessaires pour la négociation des traités, par exemple le soutien à la négociation et les autres financements ainsi que le personnel de négociation, serviront à appuyer la mise en oeuvre du projet de loi C-7.
La Commission des traités considère que le projet de loi C-7 devrait inclure des dispositions claires de mise en oeuvre financières et un financement adéquat pour répondre aux besoins des Premières nations.
En conclusion, il est clair que l'objectif principal du projet de loi C-7 est d'apporter les outils permettant de soutenir et de promouvoir le bon gouvernement et non d'entraver la négociation d'ententes d'autonomie gouvernementale. Dans le contexte de l'élaboration de traités en Colombie-Britannique, le travail de gouvernance va se poursuivre et de plus en plus de modèles provisoires de gouvernance vont être examinés au fur et à mesure qu'on mettra à l'essai des mandats progressifs.
Par conséquent, pour préserver l'intégrité du processus d'élaboration des traités en Colombie-Britannique et permettre la mise en oeuvre du projet de loi C-7, la Commission des traités recommande que le projet de loi proposé soit modifié de deux façons: premièrement, en supprimant ou en prolongeant le délai de deux ans pour la dérogation; et deuxièmement, en incluant des dispositions de financement appropriées aux besoins des Premières nations.
Je remercie tous les membres du comité de nous avoir donné cette occasion de nous adresser à eux et de nous avoir écoutés. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions ou de vous apporter les précisions que vous souhaitez avoir.
¿ (0945)
Le président: Merci beaucoup pour cette excellente intervention.
Avant de passer aux questions, je tiens à dire qu'en tant que président je m'efforce de ne pas poser trop de questions et de laisser ce soin à mes collègues, mais voilà quatre semaines que nous avons entamé ces discussions et j'aimerais bien que quelqu'un me dise ce qu'on entend par «consultation appropriée».
Je ne cherche plus à savoir s'il y a eu ou non des consultations appropriées, car les avis divergent complètement à ce sujet, mais j'aimerais bien que quelqu'un me dise un jour, aujourd'hui peut-être, comment il aurait fallu procéder.
Peut-être que ce n'est pas votre rôle—je le dis maintenant—ou peut-être que si, puisque vous êtes un organe neutre. Je ne pose pas la question; je voudrais vraiment avoir l'information.
M. Miles Richardson: J'aimerais répondre, si vous me le permettez.
Le président: À la fin peut-être, parce que c'est M. Elley qui a la parole maintenant.
M. Miles Richardson: Je pense que c'est une précision importante pour ce que nous disons.
Le président: Faites-moi confiance, l'un d'entre eux va vous poser la question que je viens de poser.
Monsieur Elley, vous avez cinq minutes.
M. Reed Elley: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, Miles, Debra et Jack d'être venus nous rencontrer ce matin.
Voilà 10 ou 11 ans que nous avons entamé ce processus dans cette province. Le bilan en termes de traités signés n'est pas encore très impressionnant, mais nous continuons à travailler sur ce dossier et d'après moi, vous parvenez vraiment à faciliter ce travail.
Toutefois, je me demande si vous pourriez me donner votre point de vue sur ce projet de loi. Pensez-vous que ce projet de loi va devenir un modèle pour la négociation des traités, notamment en matière de gouvernance et de responsabilité financière, alors que ces négociations sont déjà en route? Et s'il devient un modèle d'une façon quelconque, est-ce qu'il contribuera en fin de compte à susciter une harmonie et une confiance dans la population générale?
M. Miles Richardson: Je pense que les accords de gouvernement à gouvernement, qui sont le motif du processus d'élaboration de traités, sont notre meilleur espoir de créer une harmonie et des relations positives au sein de l'ensemble de la population. C'est ce que nous visons ici.
À mon avis, ni le projet de loi C-7 ni une mesure législative élaborée par l'une ou l'autre des parties de la Commission des traités de la Colombie-Britannique ne doivent être érigés en modèles. C'est pour cela que nous avons souligné la notion de prise en charge dans nos remarques. Ce que nous avons ici en Colombie-Britannique, ce sont des négociations de gouvernement à gouvernement où chacune des parties se présente à la table avec ses propres intérêts et où, aux termes de compromis dans le cadre de négociations en bonne foi, on finit par conclure une entente qui est incorporée à un traité.
Il y aura donc certainement des différences dans les dispositions de gouvernance adoptées dans les différents traités, mais il y aura aussi des éléments communs dans ces ententes. Je pense que c'est évident du fait de la nature de la Colombie-Britannique, qui va continuer d'exister, naturellement, et du Canada, qui va lui aussi continuer d'exister. Mais chaque traité et la nation avec laquelle il sera négocié conserveront des caractéristiques uniques.
Je crois que ce projet de loi doit permettre des négociations progressives efficaces sans devenir un modèle auquel seront confinées les parties à la négociation. C'est cette perspective qui s'offre à nous. Comme nous le disons dans nos remarques, si le projet de loi limitait les options disponibles pour les négociations au lieu de les renforcer, il constituerait un frein et il aurait un effet négatif.
¿ (0950)
M. Reed Elley: Je comprends que vous ne vouliez pas être enfermé, Miles, mais en même temps je ne demande ce qui va se passer si le projet de loi est adopté. Est-ce que les négociateurs ne vont pas se dire que le projet de loi C-7 existe et qu'il faut en tenir compte? Le fait de se reporter constamment à des dispositions de cette loi risque-t-il d'influer sur l'issue des négociations sur les traités? Pensez-vous que c'est ce qui va se passer?
M. Miles Richardson: Ça ne doit pas se passer ainsi. Je vous exhorte à veiller à ce que cela n'arrive pas. Les engagements envers le processus de traités en Colombie-Britannique sont des engagements solennels qui ont été pris par chacun des gouvernements, y compris le gouvernement du Canada. Ils viennent à la table de bonne foi pour négocier des traités avec des parties qui ont des points de vue et des objectifs très différents. Il faut que ces négociations puissent suivre leur cours.
Ce que nous disons dans notre exposé, c'est que le chemin des négociations sur la gouvernance va être tracé ici à la table des traités en Colombie-Britannique. Ce que nous espérons, c'est que les parties en présence considéreront le projet de loi C-7 et le rôle du Canada à la table de négociation comme une option, un outil, un pouvoir dont les parties pourront se servir ensemble pour avancer de façon constructive vers l'objectif qu'elles se sont fixé à la table de négociation.
Je crois que si vous avez écouté la présentation du budget provincial hier, en dépit de tous les discours et des différences d'opinions des partis sur la question…
Le président: Excusez-moi, je dois vous interrompre. Nous avons largement débordé sur le temps de M. Martin. Vous pourrez glisser cet argument dans une autre réponse. C'est cela l'astuce. Si vous n'avez pas assez de temps, glissez votre argumentation dans une autre réponse, éventuellement celle à M. Martin.
Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci.
Merci, monsieur Richardson.
À propos des trois parties présentes à la table de discussion, plusieurs d'entre nous ont été scandalisés de voir le gouvernement libéral de la Colombie-Britannique décider de mettre toute cette question aux voix dans le référendum. Comment concilier cet esprit de coopération tripartite avec cette volonté d'une des parties de mettre aux voix les droits des minorités et c'est-à-dire en fait de se défiler du processus de la Commission des traités de la Colombie-Britannique? Pourriez-vous nous parler du référendum qui vient de se tenir en Colombie-Britannique?
M. Miles Richardson: La Commission des traités estime qu'il s'est agi d'un événement regrettable qui a ébranlé l'engagement à travailler sur l'élaboration de traités qui se renforçait depuis neuf ans. Cet événement a ébranlé la confiance des parties.
Toutefois, pour ce qui est des négociations maintenant, je pense que nous allons surmonter cette épreuve. Mais nous ne le saurons que si nous commençons à avoir des ententes de principe, des ententes finales, et à progresser graduellement vers des traités au cours des semaines et des mois à venir. C'est là que nous le saurons. C'est un malencontreux événement, mais c'est du passé.
M. Pat Martin: Soit. Dans ce cas, nous n'allons pas perdre notre temps là-dessus.
Parlons des vastes consultations—des prétendues consultations—qui ont eu lieu. Nous avons entendu des douzaines de témoins nous dire que ce processus de consultation qui débouché sur le projet de loi C-7 avait été une fumisterie, que c'était une véritable parodie de la notion de vaste consultation, que de très nombreuses personnes n'avaient eu aucun rôle à jouer dans ce qui est maintenant le projet de loi C-7, et qu'on leur impose maintenant quelque chose qu'ils ne considèrent certainement pas comme une priorité dans les problèmes auxquels sont confrontées leurs communautés.
Nous connaissons la définition juridique d'une vaste consultation. Mais à votre avis, en quoi consiste une bonne consultation?
M. Miles Richardson: Pour répondre à la question que le président a posée au début à propos de la consultation, je crois que par consultation on entend normalement quelque chose qu'un gouvernement fait auprès de sa population. La différence dans le processus des traités de Colombie-Britannique, c'est qu'il y a trois gouvernements à la table de négociation des ententes. Par conséquent, le terme clé dans le contexte des traités, c'est l'entente entre ces gouvernements. C'est cela qui déterminera les actions qu'entreprendront ces parties, cette entente entre les trois parties à la négociation, les trois gouvernements.
Le Canada est une de ces parties et a entrepris d'élaborer un projet de loi—des pouvoirs, si vous voulez—des outils qui pourraient être utilisés pour cette négociation. Nous n'avons pas observé le processus et nous ne sommes pas des experts sur le déroulement de ces consultations, mais il est important de voir dans quel contexte elles se déroulent. S'agit-il d'une négociation tripartite de gouvernement à gouvernement dont l'objectif ultime est de parvenir à des accords sur des traités?
¿ (0955)
M. Pat Martin: Vous ne formulez que deux recommandations précises dans votre mémoire, des recommandations tout à fait valables et qui nous sont très utiles. Vous ne demandez pas qu'on ajoute une clause de non-dérogation au projet de loi C-7. De nombreux intervenants nous ont dit que l'absence d'une clause de non-dérogation les inquiétait beaucoup. Est-ce que vous recommanderiez qu'on inclue une telle clause de non-dérogation dans le projet de loi?
M. Miles Richardson: La Commission des traités n'a pas examiné chacun des petits détails du projet de loi dans le contexte du programme et des objectifs du gouvernement du Canada. Nous avons examiné ce projet de loi sous l'angle du processus politique d'élaboration des traités en Colombie-Britannique. À notre avis, ces questions se régleront dans le contexte de la négociation des traités.
Mais si ce projet de loi devait affecter les droits autochtones des Premières nations, je pense qu'il deviendrait un outil émoussé. S'il affectait les droits autochtones et les intérêts des Premières nations sans leur consentement à la table des traités, je pense que l'efficacité qu'il est censé avoir serait gravement compromise.
Le président: Il reste 15 secondes.
Vous avez un commentaire?
Mme Debra Hanuse: Je vais faire de mon mieux en 15 secondes.
J'aimerais dire rapidement quelques mots de toute cette question de la consultation en général et évoquer brièvement la conférence…
Le président: Vous ne pourrez pas le faire en 15 secondes.
Ce sera pour la prochaine question.
Mme Debra Hanuse: Je ne vais pas pouvoir. Passons à la question suivante.
Le président: Vous savez comment procéder.
Et ne soyez pas choquée si je vous coupe la parole. Quand le ministre a comparu, je lui ai coupé la parole deux fois. Je dois être équitable pour tout le monde.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Je vais vous laisser du temps, Debra.
Mme Debra Hanuse: Merci.
Hubbard, Charles Member : Je dois dire que je suis très impressionné par votre exposé ce matin, non seulement par son contenu, mais aussi par l'enthousiasme avec lequel vous travaillez vers cet objectif ultime qui est d'essayer de réaliser la gouvernance des Premières nations, l'autonomie gouvernementale pour tous nos peuples ici en Colombie-Britannique. C'est une tâche de longue haleine et je sais que vous avez rencontré des obstacles. En fait, M. Martin en a mentionné quelques-uns.
Mais en tant que député, j'ai été très encouragé par la récente déclaration du gouvernement de Colombie-Britannique lorsqu'il a annoncé qu'il voulait essayer d'entamer un processus de guérison pour permettre à nos peuples d'envisager une solution à un problème qui dure depuis longtemps.
Dans ma région, le Nouveau-Brunswick, des traités ont été signés il y a plus de 200 ans. Certains sont évidents, d'autres sont disponibles, d'autres encore viennent simplement d'être découverts, mais il est certain qu'on les examine de près.
Je tiens à vous féliciter. Et si vous ne me prenez pas toutes les quelques minutes qui me restent, je vais vous laisser donner votre réponse au sujet de la consultation, Debra.
Mme Debra Hanuse: Merci beaucoup.
Que faut-il faire pour avoir une consultation satisfaisante et efficace? Je crois que le problème vient en partie du fait qu'une bonne partie de ces consultations se déroulent en coulisse au lieu de se dérouler au grand jour. Ce que je veux dire, c'est que quelque part au fond d'un immeuble, il y a des gens qui ont élaboré un modèle qu'ils considèrent comme la solution à un problème donné. Ensuite, ils sortent ce modèle et le mettent à l'essai en coulisse durant toute cette longue période de consultation. C'est ça le problème. Tous les gens réagissent à quelque chose qui ne répond pas à leurs besoins.
Il faut que ces consultations se déroulent au grand jour avant même qu'on envisage d'élaborer un modèle. C'est pour cela qu'il faut aller parler directement aux gens et leur demander ce qu'ils veulent voir dans ce modèle, ce que sont leurs besoins et leurs intérêts. À ce moment-là, on a les éléments dont on a besoin pour construire tous ensemble le modèle à partir de la base. Il ne faut pas l'imposer en fin de course pratiquement comme un fait accompli, une fois qu'il est devenu presque impossible d'y apporter des changements, à part quelques petits bricolages.
Le problème, c'est le véhicule. Peut-être que ce n'est pas le bon véhicule, qu'il ne répond pas aux besoins de tout le monde.
Ceci nous amène à toute cette question du modèle de référence. La Commission n'a pas à se prononcer sur le modèle qu'on pourrait ou qu'on devrait utiliser pour le processus d'élaboration des traités. Cela dit, encore une fois, il s'agit ici d'un modèle imposé du haut par opposition au modèle construit à partir de la base. L'idéal serait d'avoir un modèle fonctionnel, logique, et qui aurait été élaboré avec la participation des gens auxquels il s'appliquera. À ce moment-là, il marcherait. À ce moment-là, on aurait un modèle positif pour l'avenir.
N'oubliez pas que les Premières nations ne sont pas homogènes, même en Colombie-Britannique. Comme on l'a dit tout à l'heure, il y a plus de 200 entités appelées bandes indiennes et qui ont un statut. Il y a au moins 16 groupes linguistiques avec des cultures aussi différentes les unes des autres que celles de l'Europe ou de l'Asie ou d'ailleurs dans le monde. Il n'y a pas d'homogénéité. La seule expérience commune des Premières nations de cette province, c'est d'avoir été soumise à la Loi sur les Indiens depuis plus de 100 ans. C'est le seul dénominateur commun dans l'expérience des peuples autochtones de ce pays.
Les solutions imposées du haut en bas ne fonctionnent pas. Les solutions qui couvrent l'ensemble du Canada et incluent des dispositions de gouvernance ne marcheront pas. Ce n'est qu'en partant de la base qu'on aura quelque chose qui fonctionnera. Pour moi, c'est comme cela que la consultation doit fonctionner mais des initiatives comme celles-ci ne doivent pas servir de modèles pour l'avenir. On ne tient tout simplement pas compte des différences régionales et culturelles.
Pour en revenir à ce qui a été dit au départ, c'est par la négociation fondée sur le respect, la confiance et l'entente mutuels que nous atteindrons notre but en fin de compte. La solution, ce n'est pas d'imposer des mesures législatives. Il faut se concentrer sur la compréhension dans la confiance et le respect mutuels.
Voilà ce que j'avais à dire. Merci.
À (1000)
Le président: Merci.
Il vous reste 45 secondes.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
J'espère que vous avez eu votre réponse. C'était une bonne réponse.
Je vais formuler l'espoir qu'avec l'enthousiasme et le dévouement qui sont manifestés ici aujourd'hui, nous allons pouvoir progresser, monsieur Richardson. C'est en faisant un petit pas à la fois qu'on trouvera beaucoup de ces solutions.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Il nous reste 13 minutes.
Je vais demander aux représentants des trois partis de poser une question de deux minutes et ensuite vous déciderez si vous voulez répondre à une seule ou à l'ensemble de ces questions et je vous demanderais d'inclure vos remarques de conclusion dans votre réponse, pour que vous ayez suffisamment de temps.
Nous aurons donc une question par parti. Qui va poser la question au nom de l'Alliance canadienne?
Monsieur Vellacott.
Vellacott, Maurice Vice-Chair : Quand on regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde de nos jours, on constate que les normes minimales de code énoncées dans le projet de loi ne sont pas uniques au Canada, mais qu'il y a un consensus à peu près généralisé sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Les Nations Unies l'ont reconnu.
Donc, quand on dit qu'il faut être souple et tenir compte des circonstances particulières à chaque bande, il faut aussi reconnaître les pratiques de bon gouvernement qui sont largement reconnues dans le monde. Je ne crois pas que ces pratiques fondamentales soient sérieusement contestées. Certes, il y a des divergences d'opinions.
Pourriez-vous nous donner des exemples de situations particulières telles qu'il serait préférable pour une bande de ne pas fonctionner sur la base des normes minimales énoncées dans ce projet de loi? Pourriez-vous nous dire quelques mots de l'évolution et des progrès dans le temps des bonnes pratiques de gouvernance dans le monde?
Le président: Nous posons trois questions. Ce sont eux qui choisiront celles auxquelles ils répondront, et ensuite ils concluront. Nous allons leur donner tout le temps qui reste.
Monsieur Martin, vous avez deux minutes pour poser votre question.
M. Pat Martin: J'aimerais avoir un peu plus de précisions sur le financement que vous jugez nécessaire, non seulement pour la mise en application du projet de loi C-7, quand ce sera un fait accompli, mais durant tout ce processus.
Pensez-vous qu'il aurait fallu accorder aux Premières nations un financement adéquat pour qu'elles puissent formuler des recommandations valables qui auraient pu être intégrées au projet de loi C-7, au lieu d'accorder un financement après coup?
À (1005)
[Français]
Le président: Monsieur Binet, vous avez deux minutes.
M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
Ma question va porter sur les droits ancestraux. Est-ce que le projet de loi C-7 a des répercussions sur vos droits ancestraux?
Le président: Merci, monsieur Binet.
[Traduction]
Merci beaucoup. Il reste sept minutes et c'est à vous, nos invités, qu'il appartient de les utiliser comme bon vous semble.
Mme Debra Hanuse: Excusez-moi, c'étaient les questions?
Le président: Ce sont les trois questions, et vous pouvez utiliser les sept minutes comme vous voulez. Vous pouvez répondre à ces questions ou parler d'autre chose.
Mme Debra Hanuse: D'accord, rapidement, au sujet des normes minimales du code, encore une fois c'est toute la question de la participation de tout le monde à la discussion dès le début, plutôt qu'à la fin.
Il y a des normes minimales et il y a probablement des opinions très divergentes sur l'interprétation de cette notion de norme minimale—d'ailleurs on parle de nombreuses normes. Nous avons fait ce travail à la Commission. Nous avons examiné diverses normes qui pourraient être utilisées pour essayer d'élaborer une définition des normes minimales. Ce n'est pas à nous de dire en quoi elle consiste, c'est aux parties en présence de négocier là-dessus. On finira sans doute par s'entendre, mais il serait vraiment utile d'entamer le dialogue sur ces normes que tout le monde juge nécessaires d'inclure.
Donc, si les consultations et les discussions ont lieu au départ, nous réussirons beaucoup mieux à atteindre notre but en fin de course.
M. Miles Richardson: À propos des normes de bon gouvernement, je pense qu'il est clair pour tout le monde que toutes les parties présentes aux tables de négociations souhaitent établir une bonne gouvernance. C'est tout aussi important pour les Premières nations que pour le Canada et la Colombie-Britannique.
L'un des objectifs des discussions sur la gouvernance est de faire en sorte que chaque partie respecte les institutions et les structures fondamentales de gouvernance de l'autre. Pour être efficaces, ces institutions et structures de gouvernance doivent être conformes à la culture des gens. Elles doivent correspondre à l'identité des populations.
Cela dit, il faut aussi qu'elles soient efficaces et harmonisées. Il faut harmoniser les ordres du gouvernement—le Canada, la Colombie-Britannique et les Premières nations—et c'est l'un des objectifs exprès de l'élaboration de traités. Quant à la façon dont on accomplira cet objectif, c'est quelque chose qui doit se discuter, se négocier à la table des traités.
Les Premières nations vont insister pour qu'on reconnaisse leur identité, leurs traditions fondamentales et leurs rapports à ce titre avec le Canada et la Colombie-Britannique. C'est de là que devra partir le débat.
Naturellement, pour que ce débat puisse être sérieux, il faut que chacune des parties dispose dès le début d'un financement adéquat. Nous en parlons dans notre discussion ici. C'est aussi en rapport avec la question des consultations. Si les discussions, les consultations si vous voulez, les négociations incluaient un dialogue et une discussion approfondis dès le départ sur l'élaboration de ces outils—et ce dialogue, nous l'avons eu dans le processus de négociation des traités en Colombie-Britannique—on obtiendrait des résultats beaucoup plus efficaces et ce serait une façon beaucoup plus rentable à long terme pour tout le monde, surtout si la méthode permet d'obtenir des résultats.
Je pense qu'on peut se demander si le projet de loi C-7 empiète sur les droits inhérents des Premières nations. La Commission des traités est là pour défendre le processus de négociation de traités. Nous ne sommes pas là pour discuter précisément des droits juridiques des Premières nations, même si c'est une question importante qui doit être examinée et résolue dans le cadre d'un débat politique.
Je vais simplement répéter une réponse que j'ai déjà donnée tout à l'heure. Si les Premières nations avaient le sentiment que le projet de loi C-7 entrave leurs justes droits reconnus et protégés par la Constitution du Canada—et du point de vue du Canada, les Premières nations ont des droits inhérents—il serait beaucoup plus difficile de concevoir ce projet de loi comme un outil efficace de négociation de traités. Ce serait très regrettable.
Pour conclure au nom de la Commission des traités, monsieur le président, je dirais simplement que le projet de loi C-7 peut être un outil important, un instrument important dont le gouvernement du Canada pourra se servir à la table des négociations sur les traités en Colombie-Britannique pour discuter de cette question fondamentale de gouvernance. Et nous progressons dans cette province. Malgré tout ce qu'on peut dire, malgré ce qu'on peut entendre dans les médias, les négociations progressent. Il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir. C'est maintenant aux gouvernements de prendre les décisions qui s'imposent sur toutes les questions présentées.
En consolidant nos outils et en progressant vers des ententes dans chacun de ces domaines, nous allons accélérer notre mouvement. Nous pensons que ce projet de loi est une bonne occasion pour le Parlement du Canada de continuer à contribuer de façon constructive à cet élan en Colombie-Britannique.
À (1010)
Le président: Il vous reste une minute.
M. Jack Weisgerber (commissaire, Commission des traités de la Colombie-Britannique): Sur la question de la gouvernance et des normes minimales, je dirais, en me fondant sur mon expérience de législateur, que l'adhésion des populations concernées par la gouvernance en question est une des normes minimales de toute forme de bon gouvernement. Qu'il s'agisse du gouvernement des Premières nations ou de n'importe quelle forme de gouvernance, il est indispensable d'avoir l'aval des personnes concernées par la loi.
Quel que soit le domaine dans lequel on veut imposer la gouvernance, il faut qu'il y ait une adhésion de la population, et nous croyons à la Commission des traités qu'une négociation tripartite dans laquelle les trois parties sont sur un pied d'égalité constitue le meilleur moyen d'y parvenir. Le Canada peut considérer que certaines normes sont minimales, et c'est le rôle de ces négociateurs de le démontrer. Le gouvernement de la Colombie-Britannique peut souhaiter et exiger le respect de certaines normes minimales et, ce qui est le plus important, les Premières nations vont exiger qu'on tienne compte dans un document sur la gouvernance de certaines exigences fondamentales reposant sur leurs pratiques culturelles et historiques.
Je voudrais répéter encore une fois que la notion de prise en charge qui figure dans ce projet de loi est extrêmement importante à nos yeux.
Le président: Merci beaucoup pour cette excellente intervention. Je vous félicite pour votre travail et j'admire votre compréhension des processus et votre volonté de bien faire.
Merci.
M. Miles Richardson: Je vous remercie de nous avoir donné cette occasion, monsieur le président, ainsi que tous les membres du comité.
Le président: Nous sommes maintenant heureux d'accueillir l'analyste principale des politiques de la B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres, Patricia Ekland.
Bienvenue. Nous avons 30 minutes à passer ensemble, la parole est donc à vous.
Mme Patricia Ekland (analyste principal des politiques, «B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres»): Bonjour.
Je vous transmets les salutations de notre présidente, Grace Nielsen, qui aurait souhaité être là aujourd'hui mais qui n'a pas pu venir parce qu'elle est malade. Grace a préparé un mémoire que nous vous avons remis.
Je souhaite saluer les Premières nations Salish du littoral de cette région et à rendre hommage aux hôtes traditionnels de ce territoire en les remerciant de prendre soin de cette terre sur laquelle nous sommes rassemblés aujourd'hui pour cette réunion.
Je m'appelle Pat Ekland, et au nom de l'Association de la Colombie-Britannique, je salue les membres du comité et les autres représentants de bandes et d'organisations autochtones, nos collègues et amis de l'Assemblée des premières nations de Colombie-Britannique—malheureusement, je ne suis pas arrivée assez tôt pour entendre leur intervention—le Sommet des Premières nations et la Commission des traités.
Nos plus éminents orateurs ne sont pas là aujourd'hui avec moi, alors si vous me le permettez j'aimerais vous lire un exposé écrit.
La B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres est une société sans but lucratif composée de 24 sociétés autochtones autonomes—24 centres d'amitié autochtones qui proposent des programmes et des services aux Autochtones de toute la province.
Nous sommes membres de l'Association nationale des Centres d'amitié. Il y a 117 Centres d'amitié au Canada. Ce mouvement a été lancé il y a 50 ans en Colombie-Britannique, il est très fort, et l'association qui le chapeaute vient de fêter son 30e anniversaire—30 ans de fonctionnement et un très imposant dossier de services complets à tous les Autochtones. Notre engagement et notre imputabilité sont bien connus, et nous sommes la plus importante infrastructure de programmes et services pour les Autochtones en Colombie-Britannique.
Notre mission est d'améliorer la qualité de vie des peuples autochtones en Colombie-Britannique. Nous le faisons en soutenant les activités des Centres d'amitié par des programmes et des services complets sans distinction de statut.
Il est important de comprendre que les premiers centres d'amitié de la province ont été établis pour réaliser une passerelle culturelle entre les Autochtones des terres de réserve et ceux des zones urbaines. Comme vous le savez peut-être, ce n'est qu'à partir du milieu du XXe siècle que les Autochtones ont pu quitter les réserves sans autorisation du gouvernement fédéral. Ce n'est donc pas par hasard que les premiers Centres d'amitié ont été établis à Port Alberni et à Vancouver. À l'aube du XXe siècle, le mouvement des Centres d'amitié ne cesse de se renforcer et de croître, et il es plus pertinent que jamais.
Notre association milite traditionnellement au nom des Centres, ses membres, et par conséquent nous acceptons un rôle consistant à faciliter la formulation des intérêts des membres des bandes de Premières nations qui vivent en dehors des réserves et sont en contact avec nos centres urbains et ruraux. Nous le faisons aussi pour les Autochtones qui font ou non partie d'une bande et qui sont en liaison avec nous.
Nous tenons à préciser que nous reconnaissons le rôle de l'Assemblée des premières nations de Colombie-Britannique et du Sommet des Premières nations en matière d'analyse et de réponse à cette initiative législative, le projet de loi sur la gouvernance des Premières nations. Nous reconnaissons leur rôle de chef de file et le rôle de chef de file des Premières nations dans la discussion de ce projet de loi dans la mesure où il touche directement les bandes.
Nous soumettons à votre examen une résolution qui a été rédigée par notre association et toute la Commission provinciale. Nous vous avons remis ce résumé. Dans cette résolution de juin 2001, nous exprimons notre appui.
À (1015)
Cette intervention a pour but de préciser certains points qui intéressent particulièrement notre association et de présenter sa mission. Nous défendons les intérêts de nos membres et par la même, des clients qu'ils desservent. Parmi ces clients figurent les membres des Premières nations et des bandes qui vivent en dehors des réserves, membres qui ont besoin de services essentiels et tertiaires.
Gouvernance et autonomie gouvernementale: Il est important de préciser que nous reconnaissons au départ que ce projet de loi ne porte pas sur l'autonomie gouvernementale. Nous constatons qu'il prévoit des instruments—des instruments de gouvernance—qui donnent des pouvoirs aux bandes et aux nations. Nous tenons à souligner que, quand on exige qu'une permission ou une approbation soit donnée par d'autres personnes que celles qui sont gouvernées ou concernées, ou que des dispositions soient appliquées par ces personnes, il n'y a pas autonomie gouvernementale.
Nous voudrions aussi évoquer le contexte de l'affaire Corbiere. L'initiative de gouvernance des Premières nations découle de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere en 1999. Le gouvernement a répondu en deux étapes. La première a consisté à supprimer les effets de l'expression «résidant ordinairement dans une réserve». La seconde a consisté à développer d'autres thèmes tels que la gestion et l'administration financière, notamment le choix des dirigeants, et c'est cela qui a abouti au projet de loi sur la gouvernance des Premières nations.
Notre association souhaite dire que cette discussion a coupé court à une poursuite du débat sur l'affaire Corbiere, et qu'il faudrait en discuter de façon plus approfondie. Outre les droits de sélection des dirigeants, la décision de la Cour suprême dans l'affaire Corbiere en 1999 prévoit une intervention de fond dans les décisions qui touchent les intérêts des membres, quel que soit leur lieu de résidence. Dans l'intérêt des Premières nations vivant hors réserve qui sont en liaison avec des Centres d'amitié et dans l'intérêt des Premières nations hors réserve qui sont touchées par la décision Corbiere, et en tant que partie prenante intéressée, nous disons que nous manquons encore de directives sur les répercussions et les implications complètes de la décision Corbiere et nous recommandons qu'on prenne un engagement en ce sens.
Titre abrégé: Le titre du projet de loi devrait refléter plus clairement la véritable nature du projet de loi, à savoir la mise d'outils de gouvernance à la disposition des bandes. C'est l'objectif qui a été énoncé par le ministre, et qui est aussi précisé en tant qu'objet de la loi, à l'article 3: les outils s'appliquent «en attendant la négociation» uniquement en vertu de l'alinéa 3a). Nous suggérons le titre abrégé suivant: Loi sur les outils de gouvernance provisoires pour les bandes des Premières nations.
Caractère provisoire: Le projet de loi est de nature provisoire «en attendant la négociation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sa mise en oeuvre», comme le précise l'article 3. Le projet de loi devrait expressément préciser qu'il s'agit de quelque chose de «provisoire», en expliquant ce qui se passera après, le caractère optionnel des règles, et en précisant quand et comment cette loi deviendra caduque.
Dans la partie consacrée à l'objet de la loi, si, par «en attendant la négociation du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et sa mise en oeuvre», à l'alinéa 3a) on veut parler précisément de la négociation et de la mise en oeuvre de ce droit par les bandes, il faudrait expressément faire figurer le mot «bandes» dans cet article.
Transparence et imputabilité: L'Association de la Colombie-Britannique reconnaît que l'imputabilité et la transparence sont des objectifs souhaitables. Le projet de loi parle d'efficacité, de présentation rapide et d'imputabilité pour la gestion, le leadership, l'administration et les finances concernant les bandes visées à l'article 74 de la Loi sur les Indiens. Il ressemble à un guide de procédures administratives d'une société sans but lucratif, et fait penser aux procédures de réglementation municipales, et il prescrit une microgestion par l'administration publique des affaires et des institutions des bandes. Nous proposons que le projet de loi donne aux bandes la possibilité de choisir la façon dont la transparence et l'imputabilité s'exercent. Nous recommandons aussi de préciser et de renforcer l'engagement et la reddition de comptes sur les services auprès des membres, quel que soit leur lieu de résidence.
Respect des droits de tous les membres: Si les droits de tous les membres de la bande doivent être respectés, cela inclut les droits et intérêts des membres qui résident hors réserve et il faudrait le préciser dans les dispositions interprétatives ou dans l'objet de la loi. Les mentions particulières concernant le code portant sur le choix des dirigeants qui figurent au paragraphe 5(5) sont importantes, mais plus étroites, et il est recommandé de formuler de façon plus générale l'engagement envers ce principe.
À (1020)
Transférabilité des droits: Le projet de loi devrait comporter une clause reconnaissant et protégeant la transférabilité des droits des membres des Premières nations quel que soit leur lieu de résidence, conformément à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corbiere c. Canada et la bande Batchewana.
Clause de non-dérogation: Il faudrait ajouter au projet de loi une clause de non-dérogation et préciser expressément que la loi ne doit pas servir à abroger des droits autochtones ou issus des traités, à y déroger ou à empiéter sur ces droits, y compris les droits inhérents des Autochtones à l'autonomie gouvernementale, et en particulier la politique fédérale de 1995 sur le gouvernement autochtone.
Enfin, bien qu'un représentant d'AINC soit venu présenter une séance et des trousses d'information à l'Association de la Colombie-Britannique et à certains de ses membres, le secteur des Autochtones urbains n'a guère eu l'occasion de contribuer à l'initiative sur la gouvernance des Premières nations.
Tout en reconnaissant le rôle de premier plan des dirigeants des Premières nations et de leurs organisations respectives dans cette initiative conformément à notre résolution provinciale, nous sommes un intervenant intéressé et concerné. Nous nous félicitons de notre collaboration et de la capacité qui est donnée à la B.C. Association of Aboriginal Friendship Centres d'avoir une participation utile auprès du gouvernement et de nos collègues des Premières nations.
J'espère que ces commentaires vous ont été utiles.
[Le témoin parle dans sa langue autochtone]
À (1025)
Le président: Merci beaucoup. Ces remarques sont utiles et je suis sûr que les questions de mes collègues vous permettront de les approfondir.
Monsieur Chatters, vous avez la parole pour un tour de quatre minutes.
M. David Chatters (Athabasca, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
C'est un excellent exposé sous un angle assez inusité. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire le compte rendu des interventions à Ottawa du Congrès des peuples autochtones, qui déclare représenter les Autochtones hors réserve. Je crois toutefois que l'organisation des Centres d'amitié a une affiliation beaucoup plus directe avec la base de ce groupe autochtone urbain. J'ai vraiment apprécié vos remarques car c'est là l'une des plaintes que j'entends le plus souvent en tant que député. Bien que la décision Corbiere ait précisé le droit des Autochtones hors réserve à voter et à participer au processus de sélection des dirigeants, elle n'a guère contribué, en tout cas pas directement, à régler la question de savoir comment les Autochtones hors réserve peuvent avoir accès aux avantages et aux droits qui devraient être les leurs en tant que membres de bandes.
Vous avez raison, je pense que le projet de loi passe à côté de cela, et je crois que notre comité va veiller à rectifier cela à son retour à Ottawa, car c'est quelque chose de très commun—toutes ces questions de soins de santé, d'éducation et des autres avantages dont jouissent les Autochtones résidant en réserve et dont sont privés ceux qui vivent en milieu urbain.
Ce n'était pas vraiment une question, monsieur le président, plutôt un commentaire. Je vous remercie de vos remarques qui étaient excellentes.
Le président: Vous voulez ajouter quelque chose ou nous passons à M. Martin?
Mme Patricia Ekland: Je voudrais simplement dire que je n'ai pas eu l'occasion de lire l'exposé du Congrès des peuples autochtones. Nous avons aussi une association nationale qui a fait un exposé, je crois.
À propos des services, il s'agit là d'un domaine dans lequel nous sommes un intervenant intéressé et que nous tenons vraiment à assurer. Par la nature de nos services, qui englobent tout le monde, comme nous l'avons dit tout à l'heure, de nombreux centres sur le terrain desservent—et je sais que nos collègues le reconnaîtront—les membres des bandes des Premières nations et des nations.
Je pense que le message que nous voulons formuler, c'est que nous allons continuer à fournir ce service. Suivant l'aboutissement des décisions qui seront prises à propos de cette loi sur la gouvernance, nous serons ouverts à une collaboration pour déterminer la façon dont les services seront organisés auprès des Premières nations, des bandes et de leurs membres.
À (1030)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Martin, vous avez quatre minutes.
M. Pat Martin: Ce projet de loi représente les modifications les plus complètes apportées à la Loi sur les Indiens depuis plus de 50 ans. Il va changer très concrètement les questions de gestion financière dans les réserves.
On nous a dit que le processus de consultation était faussé au point que, si les codes appliqués par défaut sont imposés à une communauté des Premières nations dans deux ans, l'individu moyen ne saura même pas que sa vie a été transformée, parce qu'il n'aura pas participé à l'élaboration de ces changements. Quelle est la position de votre association sur ce mécanisme d'imposition de codes par défaut?
Le président: Avant que vous répondiez, j'aimerais préciser quelque chose. Ce n'est pas dans deux ans. Les règlements et codes seront élaborés avec les Premières nations. Ce sera dans les deux ans suivant leur élaboration. Cela veut dire plus de trois ans.
M. David Chatters: Cette déclaration n'était pas exacte, monsieur le président.
Le président: Vous voulez dire ma déclaration?
M. David Chatters: Non.
Le président: C'est ce que je dis.
M. David Chatters: Le déclaration de M. Martin était que si on n'accepte pas…
Le président: Dans ce cas, vous devriez invoquer le Règlement.
M. David Chatters: Bon. J'invoque le Règlement. Il a dit que si une bande n'acceptait pas les normes dans un délai de deux ans, on les lui imposerait. Ce que dit le projet de loi, c'est que si la bande n'élabore pas son propre ensemble particulier et spécifique de codes dans un délai de deux ans, un code par défaut lui sera imposé. C'est très différent.
Le président: Exact.
M. Pat Martin: Pourquoi ne faites-vous pas ces remarques sur votre temps de parole au lieu d'utiliser le mien? Vous avez le droit à votre opinion, monsieur le président…
Le président: Soit. À l'avenir, je ne laisserai pas les députés faire des corrections. Mais en tant que président, je ne peux pas laisser passer l'affirmation que ce code entrera en vigueur dans deux ans, puisque ce n'est pas vrai.
Je vais vous laisser plus de temps puisque vous avez été interrompu, mais je me dois de rectifier les faits.
M. Pat Martin: Votre intervention est plus une remarque éditoriale qu'un énoncé de fait.
Le président: C'est un énoncé de fait.
Monsieur Martin, je vous accorde le temps que je vous ai pris.
M. Pat Martin: Comme nous avons toutes les raisons de penser que le Parlement sera obligé d'avaler ce projet de loi d'ici juin, même si les gens ont clairement dit qu'ils n'en voulaient pas et qu'ils ne l'aimaient pas, que pensez-vous du fait qu'on imposera ces codes appliqués par défaut aux communautés des Premières nations qui n'auront pas élaboré les leurs?
Mme Patricia Ekland: Sans vouloir me défiler, je préférerais m'en remettre à la position que l'Assemblée des premières nations a formulée à ce sujet pour la Colombie-Britannique. Je dirais que, vu la façon dont fonctionne la loi, ce serait inévitable, selon ce que prévoit le texte final du projet de loi.
Le président: Nous allons rendre son temps à M. Martin. Il reste deux minutes.
M. Pat Martin: Je vous en remercie.
Le problème bien réel du financement a été évoqué. De nombreuses communautés et organisations des Premières nations nous ont dit qu'elles croulaient déjà sous une montagne de coûts et de détails administratifs simplement pour le fonctionnement au jour le jour de leurs communautés, sans parler des questions de besoins fondamentaux. La mise en oeuvre de ces modifications entraînera elle aussi un coût. Beaucoup d'intervenants ont dit qu'ils n'auront pas la capacité d'assumer ces changements en plus de leurs autres fardeaux. Que pensez-vous du fardeau financier qu'entraînera la mise en oeuvre du projet de loi, et qui risque d'amputer les montants consacrés à d'autres programmes répondant à des besoins fondamentaux?
Mme Patricia Ekland: Nous n'avons pas précisément examiné ou analysé ce domaine. Il est évident que si l'on a un montant donné de ressources à répartir, et qu'on rajoute des charges et des objectifs, cela a des répercussions considérables sur les autres secteurs auxquels ces ressources peuvent être affectées.
À (1035)
M. Pat Martin: Merci.
Le président: Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président et bonjour.
D'après nos statistiques ici, il est probable que 48 p. 100 des membres des Premières nations de Colombie-Britannique vivent hors réserve. Dans ce contexte, vos Centres d'amitié jouent un rôle très important dans la vie qu'ils peuvent mener dans les villes.
Vous avez parlé de la décision Corbiere et du vote. Je m'occupe d'éducation depuis des années. Pour ceux qui vivent en dehors des réserves, la disponibilité au niveau provincial de services d'éducation, de santé, etc. est très importante. Ils ont accès à ces services.
Toutefois, j'ai constaté un problème, en particulier au niveau de l'éducation postsecondaire au fil des ans. Les chefs et les conseils disposent chaque année d'un certain montant pour financer l'éducation postsecondaire et permettre à des étudiants d'aller à l'université et au collège. Mais les gens qui vivent en dehors des réserves disent souvent qu'il n'y a pas assez d'argent et que les chefs ne peuvent pas leur accorder autant d'argent qu'aux gens des réserves.
Avez-vous constaté ce problème dans votre travail avec les Centres d'amitié? L'éducation joue un rôle extrêmement important pour l'avenir de chaque individu. Je sais que le ministre a récemment annoncé qu'il allait mettre des crédits à la disposition des Premières nations pour cela.
Nous pouvons parler de vote et le fait de voter est important, mais parfois l'accès à l'éducation est quelque chose de tout aussi important, sinon plus, que le simple fait de pouvoir revenir voter sur une question qui touche les gens des réserves. Avez-vous connu des gens qui avaient des difficultés pour accéder à l'enseignement postsecondaire?
Mme Patricia Ekland: Oui, tout à fait, et je crois que votre estimation du nombre de personnes autochtones qui vivent en dehors des réserves est assez juste. Près de la moitié vivent hors réserve. Cela ne veut pas dire que tous ces gens-là font appel à nos services, mais disons généralement que l'éducation est un gros problème.
Dans nos centres, nous n'avons pas de liens directs avec le système d'enseignement postsecondaire en soi. Comme vous l'avez dit, comme près de la moitié des gens vivent en dehors des réserves, ou plus ou moins en milieu urbain, il est important de préciser qu'une bonne partie de ces gens qui vivent en dehors des réserves sont aussi des jeunes de moins de 24 ans. En plus de l'éducation, comme vous l'avez dit, ces gens ont besoin de nombreux autres services essentiels, notamment le logement ou l'abri et l'accès à de bons services de santé, d'emploi et de formation. Nous les aidons en leur proposant des programmes et services dans ces domaines, notamment pour les aider à avoir un emploi et une formation et à progresser vers des études postsecondaires.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Le président: Il nous reste un peu de temps pour quelques remarques de conclusion.
Mme Patricia Ekland: En conclusion, j'aimerais remercier encore le comité d'avoir pris le temps de nous écouter. Pour rectifier une omission au début, j'aimerais ajouter que je souhaite dédier l'intervention d'aujourd'hui à la jeunesse autochtone de cette province qui constitue plus de la moitié de la population autochtone et qui en est aussi l'élément le plus mobile au sein de la province.
Merci.
Le président: Et j'ajoute qu'ils ont beaucoup de chance de vous avoir de leur côté. Merci beaucoup.
Je vais maintenant inviter, de l'Assemblée des premières nations, du Bureau du vice-chef régional de Colombie-Britannique, Satsan Herb George, Chris Robertson, Alfred Scow et Liliane George. Nous accueillons également deux autres témoins, Nathan Matthews et Frank Cassidy.
Bienvenue. Au cours de l'heure que nous allons passer ensemble, nous vous invitons à présenter des exposés. J'espère que nous aurons suffisamment de temps pour permettre à mes collègues de vous poser des questions.
La parole est à vous.
À (1040)
Le vice-chef Herb George Satsan: Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à vous et vos collègues.
Pour commencer, j'aimerais rendre hommage au peuple Nanaimo et à la nation Salish qui nous accueillent actuellement sur leur territoire. Je tiens à vous remercier également de nous donner l'occasion de venir témoigner au sujet du projet de loi C-7.
Avant de commencer, j'aimerais nommer les personnes qui m'accompagnent afin que vous compreniez pourquoi nous sommes ici. Mon exposé porte sur l'ensemble du projet de loi, du préambule jusqu'à la fin.
Les électeurs que je représente ont également participé à la préparation de l'exposé que je vais vous présenter. Le Sommet de Premières nations, la plus grande organisation autochtone du Canada en dehors de l'Assemblée des premières nations; la United Native Nations Society, organisation urbaine de Colombie-Britannique, représentée ici par sa vice-présidente Liliane George; le Conseil tribal Shuswap, représenté aujourd'hui par le chef Nathan Matthews, son président. Les deux collègues qui m'accompagnent m'ont également aidé à préparer mon exposé.
J'aimerais présenter quelques remarques préliminaires avant de passer à la partie principale de mon intervention. Tout d'abord, je pense qu'il est important que la vision que nous pouvons ébaucher pour assurer un avenir meilleur à nos enfants et nos petits-enfants, ainsi qu'à nos descendants qui ne sont pas encore nés, provienne des Autochtones eux-mêmes. Vous ne pouvez pas nous suggérer ni nous imposer une telle vision.
J'ai un fils de 12 ans. Je lui ai parlé ce matin lorsque je me préparais à venir ici, et il m'a dit qu'il était persuadé que j'allais faire du bon travail. Par conséquent, je crois que je vais faire du bon travail aujourd'hui. J'ai aussi un petit-fils. La vision que j'ai pour eux est très éloignée de la Loi sur les Indiens. Quand ils seront adultes et qu'ils auront eux-mêmes des enfants, j'espère que la Loi sur les Indiens ne sera pas pour eux un obstacle, qu'ils seront libres de choisir ce qu'ils veulent faire de leur vie et pour subvenir à leurs besoins.
Un des gros défauts du projet de loi que nous examinons est évidemment qu'il n'a pas sollicité comme il l'aurait fallu la participation des personnes auxquelles il était censé venir en aide. Je ne veux pas entrer dans un grand débat là-dessus, mais je veux simplement souligner que nous dépendons de votre comité et nous espérons que vous écouterez les questions et les problèmes que nous voulons soulever et les recommandations que nous voulons faire. À la fin de notre intervention aujourd'hui, nous voulons vous quitter sur une impression d'espoir. Nous espérons que vous examinerez avec sincérité et respect les questions et préoccupations que nous aurons soulevées. Nous espérons que tout ceci aura des conséquences positives et constructives.
C'est un dossier qui m'a amené à voyager dans tout le pays et à consulter les habitants de nombreuses régions différentes. Certaines questions et préoccupations sont communes à tous. Quel est le lien entre les amendements proposés en vertu de l'article 91.24 et le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982?
La question de la violation de nos droits est une autre source de préoccupation. Ce projet de loi viole-t-il notre droit inhérent à l'autonomie gouvernementale reconnu—comme vous l'avez déjà entendu—par la Cour suprême de Colombie-Britannique et reconnu et protégé par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle?
Les gens s'inquiètent également de toute la notion de statut et de capacité juridique. Nous allons l'examiner.
Mais enfin et surtout, il faut s'assurer que cette loi ne peut en aucun cas empiéter sur le domaine de l'article 91.24 où nous en éloigner au profit du paragraphe 35(1).
Mon travail a consisté à faire un lien entre tout cela, à examiner ces préoccupations et questions et à limiter ces amendements le plus possible à la Loi sur les Indiens elle-même.
À (1045)
J'en viens maintenant au projet de loi lui-même.
Dans le préambule, l'objet de la loi, selon le ministre, est d'offrir aux Premières nations relevant de la Loi sur les Indiens les outils nécessaires pour améliorer la qualité de vie de leurs collectivités. Il passe ensuite aux valeurs canadiennes de gouvernance. Ce qui nous préoccupe ici, c'est que le préambule ne reconnaît pas les valeurs autochtones de gouvernance et n'y fait pas allusion.
Nous recommandons l'ajout au préambule d'une clause reconnaissant que les Premières nations ont leurs propres valeurs de gouvernance et que celles-ci se reflètent dans nos coutumes, nos traditions et nos pratiques et que nous devons protéger et préserver ce droit. Nous recommandons d'ajouter dans le préambule une mention reconnaissant que nous avons nous aussi nos valeurs. Il ne s'agit pas de mentionner uniquement les valeurs canadiennes, mais aussi les valeurs autochtones.
Encore à propos du préambule, le ministre a précisé dans ses instructions, par exemple au CCMC, que le titre autochtone ou les droits issus des traités devaient absolument être protégés. Nous souhaitons que le projet de loi contienne un engagement de la part du Canada non seulement de protéger ces droits de toute violation, mais également un engagement à négocier des ententes d'autonomie gouvernementale au-delà de la Loi sur les Indiens.
Nous avons ajouté le texte suivant: «Attendu que le gouvernement du Canada a adopté une politique reconnaissant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale comme un droit autochtone et qu'il s'engage à négocier des ententes d'autonomie gouvernementale».
Nous recommandons l'ajout de cette clause au projet de loi lui-même.
L'autre question que nous avons soulevée concerne la non-dérogation. Si l'intention du ministre, lorsqu'il a présenté le projet de loi, était de ne pas violer les droits autochtones ou issus des traités, pourquoi n'a-t-il pas précisé dans le projet de loi lui-même que telle est l'intention du Canada? Nous craignons que cet aspect soit négligé et cela nous laisse un goût amer, en raison de la méfiance qui entoure déjà tout ce processus.
C'est pourquoi, à ce chapitre, nous adoptons l'exposé que vous a présenté Jim Aldridge le 3 janvier 2003. Nous proposons une nouvelle clause à ajouter au projet de loi traitant de la question de la non-dérogation et nous présentons un texte à cet effet.
À propos de l’article 3 qui stipule que la loi a pour objet d’offrir des outils de gouvernance efficaces en attendant la négociation du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, nous estimons que le projet de loi C-7 ne prévoit aucun engagement clair à propos de la négociation d’ententes sur l’autonomie gouvernementale, qu’il outrepasse les objectifs énoncés à cet égard et qu’il entretient les inquiétudes que nous avons exprimées.
Nous recommandons que l'article 3 soit remplacé par le libellé que nous proposons qui encore une fois souligne l'engagement du Canada à négocier et mettre en oeuvre les modalités d'autonomie gouvernementale au-delà du projet de loi, qui n'est qu'un instrument provisoire.
À (1050)
Le président: Les documents sont en cours de distribution et nous connaissons la règle: s'il y a des documents à distribuer, il faut les donner à la greffière qui s'assure de les faire parvenir à tous les membres du comité.
Monsieur Martin, veuillez continuer.
Le vice-chef Herb George Satsan: Nous avons distribué des documents et j'espère que vous les avez. Est-ce que vous les avez?
M. Pat Martin: Non, pas celui dans lequel vous lisez. J'ai simplement demandé un exemplaire à jour...
Le président: Ceci est une interruption des travaux. Nous savons que les documents doivent être remis à la greffière et non pas à un membre du comité.
Le vice-chef Herb George Satsan: Je les ai donnés à la greffière.
Le président: Je regardais le mur au fond, mais je m'adressais en fait à M. Martin.
Veuillez continuer.
Le vice-chef Herb George Satsan: Nous proposons un libellé soulignant l'engagement et reflétant également nos valeurs. Pour ce qui est de l'article 4 concernant les codes conçus par les bandes, le problème que posent les articles 4, 32 et 36—et dont nous avons déjà parlé—est qu'il est difficile d'effectuer une évaluation convenable lorsqu'on ignore quels seront exactement les règlements.
Nous sommes convaincus et nous recommandons que les règlements doivent être présentés afin d'être examinés avant la troisième lecture du présent projet de loi. J'ai entendu ce que vous avez dit un peu plus tôt, monsieur le président, mais nous présentons malgré tout cette recommandation, car nous estimons qu'elle est pour nous d'une importance critique.
Nous proposons également un nouveau libellé pour le paragraphe 4(1). L'article 4 devrait se lire comme suit: «Le conseil de bande ou la direction reconnue peut, n'importe quand avant ou pendant la mise en oeuvre des modalités d'autonomie gouvernementale avec le gouvernement du Canada, proposer l'adoption de l'un ou l'autre des codes suivants». Là encore, nous voulons que l'engagement aille plus loin que le projet de loi C-7. Nous ne voulons pas que le projet de loi C-7 ralentisse le processus.
D'autre part, la formule de ratification par 25 p. 100 des électeurs nous pose problème. Nous estimons que nous devons là aussi modifier le libellé. Le paragraphe 4(2) devrait se lire comme suit: «Le code est adopté si: a) il est approuvé conformément à la procédure d'adoption négociée et convenue entre la bande et le ministre; ou b) en l'absence d'une entente mentionnée à l'alinéa a), s'il est approuvé conformément à une procédure d'adoption qui a reçu l'appui de la majorité des électeurs de la bande qui participent à un vote tenu par le conseil en conformité avec les règlements et que 25 p. 100 de tous les électeurs de la bande se sont exprimés en sa faveur.»
Nous proposons de supprimer le paragraphe 4(3). Cela va de pair avec les amendements que nous proposerons plus tard aux articles 31, 33 et 36.
Nous estimons qu'il faudrait ajouter un paragraphe 4(4) au projet de loi. Le paragraphe 4(4) devrait se lire comme suit: «L'adoption des codes portant sur le choix des dirigeants, sur le gouvernement de la bande ou sur la gestion financière et l'obligation de rendre compte telle que définie dans le présent article et les articles connexes a) est une mesure provisoire en attendant que le Canada s'acquitte de son engagement à négocier et mettre en oeuvre les modalités d'autonomie gouvernementale avec les peuples autochtones; b) ne diminue aucunement l'engagement du gouvernement du Canada à négocier et mettre en oeuvre les modalités d'autonomie gouvernementale.»
Quant à l'article 5 et au code portant sur le choix des dirigeants, nous estimons qu'il adopte, comme les autres codes, un langage trop normatif et qu'il manque de respect pour notre peuple. Nous estimons qu'il faut modifier le libellé de cet article afin de souligner l'objectif à atteindre plutôt que de nous imposer une série d'obligations.
Nous recommandons de supprimer totalement l'article 5 existant et de le remplacer par la clause suivante. Je vais vous lire la première partie de l'article 5, puisque les alinéas a), b), c) et d) sont identiques à ce que nous avons actuellement. L'article 5 devrait donc se lire comme suit: «Un code portant sur le choix de dirigeants adopté par une bande doit viser et atteindre les objectifs suivants», et nous poursuivons avec la liste qui figure dans le projet de loi existant.
À (1055)
L'article 6 concerne le code portant sur le gouvernement. Là encore, le libellé de l'article 6 nous paraît beaucoup trop normatif et par conséquent incompatible avec la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des Autochtones et potentiellement incompatible avec les coutumes et traditions autochtones. Nous recommandons de modifier l'article 6 comme suit au niveau du paragraphe 6(1): «Le code portant sur le gouvernement de la bande doit se fixer et atteindre les objectifs suivants», et nous poursuivons avec la liste des mêmes objectifs.
Passons maintenant aux articles 7 à 9 qui concernent le code portant sur la gestion financière et l'obligation de rendre compte. Comme vous avez pu l'entendre ce matin, nous sommes sans doute les personnes qui au Canada avons le plus d'obligations de rendre compte et on nous en demande encore plus. Dans le cas de la partie concernant la gestion financière, nos chefs n'ont aucun problème à améliorer la transparence et l'obligation de rendre compte en matière financière, ni à améliorer l'administration, etc.
En ce qui a trait aux clauses concernant la gestion financière, nous aimerions ajouter à l'article 7 un nouvel alinéa i) qui se présenterait comme suit: «le compte rendu des informations financières aux membres de la bande». Dans sa forme actuelle, le document que vous avez devant vous ne prévoit aucun rapport à nos membres. Aussi, nous souhaitons ajouter cette précision.
À l'article 10 concernant le manquement relatif à l'endettement et le plan de redressement, nous remettons en question l'influence du ministre. Nous pensons qu'il faudrait éliminer le paragraphe 10(3) ou, à défaut, que le rôle du ministre en vertu de ce paragraphe soit attribué à une institution indépendante membre des Premières nations. L'objectif du projet de loi C-7 étant, selon le ministre, de rendre les Premières nations autonomes, nous ne comprenons pas pourquoi le ministre devrait continuer à s'attribuer plus de pouvoirs en vertu des amendements proposés.
Article 11, plaintes et mesures de redressement: Dans l'article 11, nous recommandons que l'introduction soit modifiée comme suit: «Le conseil peut attribuer à une personne impartiale ou à un organisme impartial le pouvoir d'examiner équitablement et avec diligence la plainte provenant d'un membre de la bande ou d'une personne résidant dans la réserve...»
Nous recommandons de supprimer les paragraphes 11(2) à (5) et de leur substituer le paragraphe suivant: «(2) La résolution d'une telle plainte se fera en conformité des modes coutumiers de résolution des litiges dans la collectivité.»
Article 15 concernant la capacité juridique de la bande: Là encore, nous sommes confrontés à l'ensemble de la question du statut et de la capacité juridique d'une personne physique. Nous estimons que cet article, par la façon dont il est libellé, ajoute énormément de clarté au statut et à la capacité juridique des bandes en matière de prise de décisions, comme c'est le cas dans le milieu des affaires, et confirme par ailleurs l'autorité de la bande à agir par l'entremise de son conseil. À cet égard, le projet de loi C-7 est utile.
Par contre, nous regrettons l'ambiguïté qu'entraîne l'allusion à la personne physique dans le paragraphe 15(1). Tout aussi flou est le paragraphe 15(3) qui précise que la capacité de la bande n'a pas pour effet de modifier son statut et, notamment, de la constituer en personne morale. Alors que le paragraphe 15(3) suggère le maintien de l'exemption fiscale découlant de la Loi sur les Indiens, il ouvre le débat sur le statut juridique de la bande à titre d'instance dirigeante.
Aussi, nous recommandons de modifier comme suit le libellé du paragraphe 15(1): «La bande a la capacité de: a) conclure des contrats», et la suite reste à peu près la même.
Á (1100)
Le paragraphe 15(2) devrait se lire comme suit: «La capacité de la bande est exercée par son conseil.»
Et pour plus de précaution, le paragraphe (3) devrait se lire comme suit: «Il est entendu que la capacité de la bande n'a pas: a) pour effet de la constituer en personne morale; b) d'abroger les droits existants autochtones ou issus des traités, ou d'y déroger».
Dans le cas de l'article 16 concernant les textes législatifs à des fins locales, c'est une disposition qui nous pose problème étant donné qu'elle semble réduire le pouvoir des bandes à adopter des lois qui se limitent aux fins énumérées dans les alinéas 16(1)a) à 16(1)p). Et étant donné la nature hautement controversée de cette disposition figurant dans les articles 16, 17 et 18 et du fait que le projet de loi C-7 visait à faciliter le gouvernement autochtone plutôt qu'à lui faire obstacle, nous recommandons de modifier le libellé du paragraphe 16(1) afin de préciser qu'il ne limite pas les pouvoirs inhérents. Par ailleurs, dans la mesure où les pouvoirs énumérés à l'article 16 s'exercent concurremment avec le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, il est possible d'interpréter le paragraphe 16(2) d'une manière contraire à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Aussi, il est important de préciser qu'il ne va pas à l'encontre du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale.
C'est pourquoi, nous proposons de remplacer complètement l'article 16 par le nouveau texte dont je vais vous lire la première partie.
L'article 16 devrait se lire comme suit: «Tout en maintenant les droits autochtones existants ou issus de traités des peuples autochtones du Canada ainsi que la protection accordée à ces droits en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et sans limiter les pouvoirs d'un peuple autochtone découlant du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, le conseil d'une bande peut prendre des textes législatifs à des fins locales applicables dans sa réserve, concernant:...»
Nous aimerions également que l'alinéa 16(1)l) qui se lit actuellement «la garde des animaux sauvages et domestiques, sauf les poissons, et les activités afférentes» soit modifié de la manière suivante: «la garde des animaux sauvages et domestiques et les activités afférentes». Nous voulons éliminer «sauf les poissons».
Et, à l'alinéa o), nous souhaiterions rajouter «la réglementation des activités et des établissements de jeu».
Enfin, la primauté est un autre point que nous aimerions soulever au sujet de l'article 16. Selon le libellé actuel, les dispositions de toute loi fédérale ou d'un règlement pris en vertu de celle-ci l'emportent automatiquement. Nous estimons qu'il faudrait préciser ce texte et nous proposons le libellé suivant: «En cas de conflit insoluble entre une loi prise en conformité du pouvoir dévolu par le présent article et une loi fédérale ou un règlement pris en vertu de celle-ci le litige sera réglé par un mécanisme mis au point après négociation entre la bande et le ministre.»
À notre avis, il faut que l'on puisse trouver une solution au litige et que nos collectivités aient la possibilité de se prévaloir d'un dispositif de résolution des litiges avant de reconnaître la primauté automatique des lois du Canada.
Nous proposons un nouveau libellé pour l'article 17 et là encore il s'agit de la primauté des lois fédérales par rapport au texte législatif concernant la gouvernance de la bande. Là encore, nous ajoutons carrément un nouvel article pour régler le problème de la non-dérogation et toute la question de la primauté.
Á (1105)
Dans le cas des articles 31 à 34 concernant les règlements et décrets, nous estimons que le projet de loi ne devrait pas faire de discrimination entre les bandes et que toutes les bandes devraient avoir le même choix d'adopter ou non les mêmes règlements. Nous recommandons de substituer au paragraphe 32(1) le libellé suivant: «Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements sur les questions pouvant faire l'objet d'un code en vertu des articles 5, 6 ou 7.» Nous recommandons également d'éliminer le paragraphe 32(2).
Encore une fois, nous soulevons la question des règlements. On devrait pouvoir les consulter dans leur version provisoire avant la troisième lecture du présent projet de loi, étant donné qu'il est impossible pour nous d'en évaluer les répercussions avant de les avoir examinés.
Nous recommandons l'élimination de l'article 34 en raison des changements que nous recommandons d'apporter à l'article 36.
Quant à l'article 35 sur la non-application, nous le trouvons restrictif dans le sens qu'il se rapporte uniquement à certains accords ou textes de loi existants sur l'autonomie gouvernementale. Rien n'est prévu pour la non-application de la loi dans le cas des Premières nations qui négocieront à l'avenir des accords d'autonomie gouvernementale ou des traités. Par exemple, le délai de deux ans mentionné ici s'applique expressément aux accords déjà en place. Par exemple, si ma nation ne conclut pas un accord d'autonomie gouvernementale dans les deux ans qui suivront l'entrée en vigueur de ces amendements proposés, on ne sait pas exactement si les dispositions du projet de loi C-7 s'appliqueraient à des accords futurs d'autonomie gouvernementale. À mon avis, c'est contraire aux dispositions se rapportant aux accords existants.
Nous recommandons de modifier ces dispositions en ajoutant l'alinéa suivant qui deviendrait l'alinéa 36e): «à une bande ou Première nation signataire d'un traité ou d'un accord d'autonomie gouvernementale avec le gouvernement du Canada, ou incluse dans ce traité ou accord.»
Enfin, nous estimons que l'article 36 concernant la suspension de l'application des règlements devrait être modifié de la manière suivante: «Les règlements pris en vertu de l'article 32 ne s'appliquent pas à la bande, sauf si les électeurs de la bande en décident autrement par un vote tenu de la même manière que s'ils adoptaient un code en vertu de l'article 4.» Cela nous paraît manquer de cohérence, puisque si l'on produit un code, il faut que nos électeurs l'adoptent dans une majorité de 25 p. 100, sinon, des codes nous seront imposés par défaut. Si l'on demande à nos membres de se prononcer au sujet des codes conçus par leurs propres bandes, nous estimons qu'il faudrait également agir de la même façon dans le cas des codes imposés par défaut.
Au sujet du même article, nous aimerions ajouter que la période de deux ans nous paraît être un chiffre tout à fait arbitraire. Nous estimons qu'elle est trop courte et nous proposons notre propre chiffre arbitraire de trois ans.
Voilà qui termine mon exposé. Nous sommes prêts à répondre à vos questions et à vous donner des précisions si vous le souhaitez.
Á (1110)
Le président: Merci beaucoup.
Vous nous avez donné un bon document de travail dont la préparation vous a demandé beaucoup de temps et d'effort. Il sera très utile. Je peux vous dire que le projet de loi nous ayant été renvoyé après la première lecture, nous avons beaucoup plus de possibilités d'ajouter d'autres amendements. Le comité travaille en équipe et nous aurons des débats. Vous nous avez fourni de nombreux sujets de discussion et je suis certain qu'il en sortira quelque chose de bon.
Monsieur Vellacott, pour cinq minutes.
Vellacott, Maurice Vice-Chair : Merci, monsieur le président.
Vous avez examiné beaucoup d'aspects en profondeur, chef. Êtes-vous un chef?
Le vice-chef Herb George Satsan: Oui. Mon nom est Satsan, comme vous pouvez le voir sur ma carte. Je suis un des chefs héréditaires de la nation Wet’suwet’en.
Vellacott, Maurice Vice-Chair : Très bien.
Vous avez examiné de nombreux aspects en profondeur et avec précision et je pense que votre exposé ainsi que votre mémoire seront très utiles au comité.
J'aimerais passer à certains autres aspects qui me préoccupent. Les représentants des Premières nations avec qui nous nous sommes entretenus ont soulevé, au cours de conversations personnelles et privées, des questions concernant la comptabilité de tous les fonds des bandes et pas seulement les crédits provenant du gouvernement fédéral. Vous avez sans doute entendu parler de l'affaire Montana.
Ma question est la suivante: Les bandes ont-elles l'impression qu'elles doivent de plus en plus, en raison des ressources dont elles disposent grâce à l'exploitation du pétrole et du gaz ou d'autres activités—adopter pratiquement le modèle de fonctionnement propre aux entreprises? C'est une question que m'ont posée des représentants de Premières nations ces jours derniers et auparavant au cours de conversations personnelles et privées.
Je supposais, quant à moi, que les entreprises créées par les bandes étaient tenues de fournir un certain compte rendu aux membres de la bande—mais pas nécessairement à l'extérieur. Or, il semble que ce ne soit pas nécessairement le cas et, en toute justice, parce qu'elles ne veulent pas dévoiler la position concurrentielle de certaines de leurs entreprises.
Je suppose que cela varie selon les différentes régions du pays, mais comment pouvons-nous y remédier? Les membres de la bande ou de la Première nation sont en droit de connaître et d'examiner les documents des diverses entreprises auxquelles participent certains paliers du gouvernement. Dans un sens, le fait d'être privé de l'accès à ces documents donne toujours l'impression que l'entreprise souhaite cacher quelque chose.
Je suis sûr que vous avez réfléchi à cette question. Que proposez-vous à ce sujet? Sous certains angles, les bandes ont une forme d'administration différente des autres formes de gouvernement. Comment rendre des comptes sans divulguer votre position concurrentielle?
Le vice-chef Herb George Satsan: À mon avis, une façon de répondre à cela est, comme nous l'avons recommandé, en vertu de l'article concernant la gestion financière et l'obligation de rendre compte, de fournir des états financiers aux membres de la bande. Il s'agit d'obligations de rendre compte et de transparence dans l'utilisation des crédits que le gouvernement fédéral transfère aux bandes. Tout le monde est bien d'accord là-dessus.
Pour ce qui est des affaires commerciales de la bande, je pense que la jurisprudence canadienne est assez claire. Aucune entreprise n'est tenue de présenter des états financiers mensuels au grand public ou à quiconque.
Compte tenu des objectifs que nous nous fixons dans le cadre de cet article, je ne vois pas pourquoi la bande ne pourrait pas, en vue de respecter ces objectifs, mettre en place un mécanisme de compte rendu à ses membres, par opposition à la publication de ces informations sur un site Web accessible par tout le public.
Vellacott, Maurice Vice-Chair : C'est là ma question. Je crois qu'il est important pour vous de vous y intéresser. Je suis certain que vous y avez réfléchi et travaillé. Il existe peut-être déjà quelque chose.
Les gens des Premières nations à qui j'ai parlé réclament ce mécanisme, mais je crois que vous êtes pris dans une situation très délicate. Ils sont en fait les actionnaires, si vous voulez, ils ont besoin de ces informations et je pense qu'un certain niveau de compte rendu est nécessaire. Encore faut-il trouver le juste milieu. Ils croient à juste titre qu'ils devraient profiter dans une certaine mesure de certaines des retombées dans le domaine de la santé, de l'éducation ou sous la forme de versements personnels.
J'aimerais obtenir une réponse ou des assurances, parce que certains membres de bande voudraient savoir si l'on se dirige vers le modèle commercial. Il n'est pas question de faire des comptes rendus publics, mais ils veulent savoir comment ils peuvent obtenir ces informations. Je peux vous dire que dans certains cas, ils ont l'impression que ces informations sont inaccessibles, qu'elles n'ont pas été fournies. Mais je suppose qu'il y a plusieurs raisons à cela.
Je voulais tout simplement en parler parce que la question se posera de plus en plus, à mesure que vous exploiterez vous-même vos ressources.
Merci.
Á (1115)
Le vice-chef Herb George Satsan: Merci.
Le président: M. Martin est le suivant, pour cinq minutes.
M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.
Merci à vous tous pour ce document très complet et utile. Je l'ai tellement utilisé que mon surligneur est complètement usé. J'avais l'impression de jouer au bingo.
Ce document nous sera très utile à tous. Ce sont les premières recommandations vraiment concrètes que nous ayons reçues en vue de modifier véritablement le libellé. La plupart des autres exposés que nous avons entendus se présentaient comme des expressions plus générales de mécontentement vis-à-vis du projet de loi. Vous, vous proposez de véritables amendements.
C'est un grand honneur pour nous tous de rencontrer le juge Alfred Scow dont nous suivons la carrière depuis de nombreuses années. Pendant les quelques minutes dont nous disposons, je vais demander au juge Alfred Scow de nous faire part de ses réflexions et commentaires au sujet du projet de loi en général et de nous parler de l'importance des amendements qui ont été présentés.
Le vice-chef Herb George Satsan: Veuillez m'excuser, monsieur le président. Je comprends votre geste.
Le juge Scow est avec nous aujourd'hui. Je l'ai invité à nous accompagner. Il est lui aussi un important chef héréditaire de son peuple. Il a été le premier Autochtone de Colombie-Britannique à faire des études de droit et à devenir avocat. Par la suite, il a été nommé juge de Colombie-Britannique.
Le juge Scow est avec nous aujourd'hui et il prendra la parole tout à l'heure pour vous présenter quelques commentaires de conclusion au sujet de notre exposé.
Le président: C'est également un privilège pour nous d'accueillir une personne qui a été décorée de l'Ordre du Canada.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Dans ce cas, je vais peut-être utiliser mon temps pour poser des questions plus précises.
Vous avez souligné—comme la plupart des témoins que nous avons entendus, l'importance d'une clause de non-dérogation. Vous avez recommandé également que ce principe soit réaffirmé à divers endroits du document. Pouvez-vous nous parler, dans vos propres termes, de l'importance de cette clause et du message qu'elle enverra, si nous voulons augmenter la confiance des gens dans ce projet de loi?
Le vice-chef Herb George Satsan: Revenons à l'exposé que vous a présenté Jim Aldridge. Il a souligné que le ministre, lorsqu'il a donné ses instructions, avait précisé que ces dispositions ne seraient pas contraires aux droits ancestraux ou issus des traités. Dans le discours politique et dans les lettres que vous avez envoyées, il a pris ce même engagement à l'égard des peuples autochtones de toutes les régions du pays.
Lorsque le projet de loi est arrivé, on a réalisé qu'il ne contenait rien qui puisse nous assurer qu'il n'y avait aucune intention d'aller à l'encontre de nos droits ancestraux ou issus des traités. Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas eu l'occasion de prendre part aux travaux qui ont donné naissance au projet de loi C-7. Nous devons prendre cette occasion maintenant afin de vous faire comprendre combien il est important d'ajouter une clause de non-dérogation au projet de loi, non seulement pour régler la question qui nous préoccupe, mais également pour montrer à notre peuple que l'intention du projet de loi n'est pas de porter ombrage à nos droits.
Il faut dire que beaucoup d'entre nous, surtout ici en Colombie-Britannique, prenons part à des négociations au sujet de l'autonomie gouvernementale et de notre droit inhérent et nous pensons que ce projet de loi ne devrait absolument pas s'en mêler. C'est donc une question importante pour les chefs de notre province.
Une simple promesse ne leur suffit pas; nous voulons un engagement. Nous voulons que cet engagement soit inscrit dans le projet de loi lui-même. Tant que ce ne sera pas le cas, nous aurons peut-être l'impression que ce projet de loi vise à nuire à nos droits.
Á (1120)
M. Pat Martin: Merci.
Est-ce qu'il me reste encore une minute?
Le président: Il vous en reste deux. J'en ai pris une alors je vous en donne une de plus.
M. Pat Martin: Comme vous êtes bon! Merci.
Je crois par conséquent que ces amendements sont vraiment importants. Je serais fier de les proposer en temps voulu au comité. D'après mon expérience, je crois que les amendements sont rarement adoptés dans les comités permanents. Qu'avez-vous l'intention de faire dans le cas probable où la plupart de ces amendements ne seront pas adoptés? Quelle sera votre stratégie si le projet de loi C-7 est adopté sans pratiquement aucune modification? Pouvez-vous me donner votre point de vue là-dessus?
Le vice-chef Herb George Satsan: De manière générale, notre peuple et nos dirigeants pensent que la confiance est vraiment mise à mal par le projet de loi C-7. D'autre part, nous estimons qu'il n'y a pas eu de véritables consultations et que tout a été fait de manière plutôt cynique. Dans ma communauté, nous avons l'impression que, quoi qu'on dise, le gouvernement n'en fera qu'à sa tête.
Moi je dis que nous devons saisir l'occasion de modifier les résultats et la forme finale du projet de loi C-7. C'est dans ce esprit que nous avons présenté ces amendements et que nous leur avons consacré tant de temps et d'effort.
Nous comptons sur vous, les membres du comité, non seulement pour faire pression sur le gouvernement, mais aussi pour imposer votre volonté d'apporter les amendements que nous réclamons et les changements que nous recommandons. Si rien ne se passe, je suppose que cela nous prouvera que nous avons raison de nous méfier et que le cynisme existe bel et bien. J'espère que ce n'est pas le cas.
Le président: Merci.
[Français]
Monsieur Binet.
M. Gérard Binet: Merci, monsieur le président.
Bonjour à tous et félicitations pour votre présentation. J'aimerais dire, avant de commencer mon énoncé, que je suis originaire du Québec et que dans ma région, il n'y a plus de communautés autochtones.
Mon point de vue est par conséquent un peu différent de celui de mes collègues en ce qui concerne ce projet de loi. Il y a deux ans que je siège à ce comité et j'en ai entendu de toutes sortes. Aujourd'hui, par contre, ce que j'ai entendu était vraiment encourageant. Avant d'être député, j'ai été maire. C'est un poste qui permet d'être très proche de la population. À l'époque, j'avais réalisé la fusion de quatre communautés. C'était une expérience assez particulière.
Ma question est en partie reliée à cela. Vous représentez le tiers des collectivités, dont certaines compte 100, 200 ou 300 personnes. Or, en ce qui a trait aux codes, il est certain que pour certaines communautés, ce sera vraiment compliqué. Prévoyez-vous que plusieurs d'entre elles vont opter pour le code par défaut? Est-ce que vous allez veiller à ce que tous soient bien représentés pour que personne n'en vienne à cela?
Á (1125)
[Traduction]
Le vice-chef Herb George Satsan: Merci beaucoup pour votre question.
Nous avons soulevé la question du coût un peu plus tôt dans l'exposé du Sommet. Nous pensons que le coût du code est un facteur important qu'il faut prendre en considération. Nous estimons également qu'il faut se pencher sur le coût des institutions proposées pour mettre en place les amendements. Ces coûts n'ont jamais été évoqués et nous pensons qu'il faudrait le faire.
Il est certain que l'élaboration d'un code et les coûts afférents auront une incidence sur les petites collectivités. Je vis dans un petit village qui s'appelle Hagwilget. Sa superficie n'atteint même pas les trois quarts d'un mille carré. Quand je rapporte ce que j'entends ici à mes concitoyens et quand j'entends le ministre dire que cela va contribuer au développement économique de mon village et que je constate que ses ressources sont utilisées au maximum, je me demande bien comment tout cela sera-t-il possible. Ça n'a aucun sens. Mon village s'en ressentira certainement. Nous craignons que des codes par défaut soient imposés à ces collectivités. C'est une des raisons pour lesquelles nous demandons que le délai soit prolongé de deux à trois ans.
Nous devons persuader le comité que le gouvernement doit engager les fonds nécessaires pour mettre en oeuvre les amendements proposés. Nous réclamons un véritable engagement de nouveaux crédits à cet effet. Nous craignons en effet que l'argent nécessaire pour la mise en oeuvre de ces amendements soit prélevé dans les crédits existants. Nous ne sommes absolument pas rassurés quand on nous dit que la question du financement sera sérieusement examinée.
Le président: Merci, monsieur Binet.
Nous pouvons faire un tour de questions de trois minutes.
Monsieur Elley.
M. Reed Elley: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je regrette que vous ayez inclus les maisons de jeu dans la proposition que vous nous avez présentée. Personnellement, la prolifération des établissements de jeu dans notre société m'inquiète beaucoup car, en bout de ligne, c'est une chose très néfaste pour les personnes à faible revenu. En général, ce sont les flambeurs et les gens à faible revenu qui fréquentent les maisons de jeu. C'est pourquoi, je vous demande de cesser de considérer ces établissements comme de réelles sources de revenu pour les Autochtones du Canada. À mon avis, cela n'est pas socialement acceptable.
Par ailleurs, je me demande pourquoi vous souhaitez mentionner cela dans une loi fédérale alors qu'il s'agit d'une responsabilité provinciale.
Le vice-chef Herb George Satsan: On nous pose toujours cette question. Lorsque nous nous adressons à la province, on nous dit que cela relève de la responsabilité fédérale. Lorsque nous nous adressons au Canada, on nous dit que cela relève de la responsabilité provinciale.
La vérité, c'est que nous examinons les pouvoirs de gouvernance. D'après moi, le fait que vous aimiez ou non la façon dont j'exerce mon pouvoir de gouvernance n'a aucune pertinence dans cette affaire. Je devrais pouvoir juger par moi-même s'il est bon ou mauvais d'utiliser le jeu pour récolter de l'argent. Je peux comprendre vos craintes.
C'est justement le problème que pose ce projet de loi. On nous dit que ce sera bon pour nous, que c'est ce qu'il y a de meilleur pour nous et que nous allons en retirer de nombreux avantages, mais nous n'avons pas vraiment eu la possibilité de nous exprimer pour dire ce qui est important pour notre peuple.
C'est pourquoi je vous dis que je me fiche totalement que l'idée vous plaise ou non.
Á (1130)
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci.
J'ai remarqué que vous êtes professeur agrégé à l'Université de Victoria et qu'en votre qualité de vice-chef, vous détenez le portefeuille des relations financières de l'Assemblée des premières nations. J'ai sous les yeux votre longue biographie, mais je veux tout simplement souligner que vous êtes une grande autorité en la matière au pays. Vous y avez consacré toute votre vie.
Mon ami Moses Okimah du Manitoba m'a dit un jour: «La plus grosse erreur qu'ils ont faite, c'est de laisser des types comme moi aller à l'université.» Ainsi, vous arrivez avec des solutions très pratiques.
Je veux faire remarquer que même si vous faites autorité en la matière, vous n'avez pas été consulté pour l'élaboration du projet de loi C-7. En dépit de l'excellent travail que vous avez fait, pouvez-vous nous dire encore une fois combien ce fut une erreur de ne pas inclure dans le processus les personnes qui en connaissent le plus sur le sujet au pays? Avez-vous quelque chose à ajouter au sujet de l'absence de gens comme vous dans le processus d'élaboration du projet de loi?
Le vice-chef Herb George Satsan: Je pense que nous ne devons pas perdre de vue le dilemme auquel nous sommes confrontés, à savoir que, même si les consultations n'ont pas été faites de manière appropriée et si nous sommes actuellement en train de vous présenter des amendements qui nous paraissent justifiés, le projet de loi sera probablement adopté sans ces amendements, comme l'a dit le président. Par conséquent, je pense qu'il ne sert à rien de ressasser le fait que le processus n'a pas été mené de la manière appropriée. Nous savons tous que le travail n'a pas été bien fait. Nous devons venir témoigner devant vous en espérant que vous prêterez une oreille attentive à nos questions et nos préoccupations, que vous prendrez nos options et nos recommandations au sérieux et que nos amendements seront adoptés.
C'est difficile pour nous de venir ici vous parler de ce projet de loi qui soulève tant de problèmes. Mais en réalité, l'amélioration de la transparence, de l'administration et de l'obligation de rendre compte en matière financière ne pose aucun problème pour nos collectivités et nos dirigeants. Aussi, je pense qu'il faudrait se concentrer là-dessus.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Hubbard, pour trois minutes.
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président et bienvenue chef. Merci d'être venu nous parler du projet de loi.
Je vais faire une brève déclaration. Je suis très impressionné par le travail que vous avez fait. Tous les membres de notre comité ont bien conscience que la Chambre nous a demandé d'examiner un projet de loi et qu'il nous faudrait du temps pour analyser toute la matière que vous avez présentée au comité.
Nous sommes des intermédiaires. Justice Canada et le MAINC ont préparé le projet de loi que l'on nous demande d'examiner, de commenter et d'amender. C'est sans aucun doute un long processus. Je peux vous assurer, quel que soit le résultat du présent exercice, que nous autres les membres du comité souhaitons que le résultat final protège au mieux les intérêts du Canada dans son ensemble mais surtout ceux de votre peuple.
Je suis certain que le président insistera pour que votre travail soit très attentivement analysé par nous tous. Nous voulons en particulier entendre à nouveau le témoignage des rédacteurs de ce projet de loi afin de pouvoir comparer et nous espérons que nous pourrons, ensemble, trouver la meilleure formule pour tous.
Merci beaucoup d'être venus. L'analyse que vous avez faite est très impressionnante. Le groupe de témoins que nous entendons aujourd'hui est, comme l'a souligné M. Martin, très impliqué, enthousiaste et très cultivé. Nous sommes en présence d'un ancien juge, vous enseignez vous-même à l'université et vos biographies sont là pour témoigner de votre importance. Quant à nous, nous sommes d'humbles serviteurs de la population canadienne et le résultat final ne nous plaira peut-être pas ou ne plaira pas à tous. Mais nous espérons que tout ceci encouragera, comme vous l'avez dit, le progrès vers l'autonomie gouvernementale et vers de meilleures relations et une meilleure collaboration entre tous les peuples de notre grand pays.
Merci, monsieur le président.
Á (1135)
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Il nous reste sept ou huit minutes pour présenter quelques remarques de conclusions et vous pouvez utiliser ce temps comme vous le voulez.
Le vice-chef Herb George Satsan: Je vais commenter certains points qui ont été soulevés.
Le président: Vous pouvez faire cela et ensuite conclure.
Le vice-chef Herb George Satsan: Oui, et ensuite, je donnerai la parole au juge Scow.
Tout d'abord, je suis assez sceptique quand on parle de protéger les intérêts de notre peuple, puisque notre peuple n'a pas été invité à représenter ses propres intérêts. Tout le monde sait que si l'on a une organisation, que ce soit un groupe de jeunes, une équipe de hockey, une église ou un gouvernement, mis sur pied avec un certain objectif, et qu'on utilise cette structure pour vendre des voitures ou pour produire du bois d'oeuvre, on n'obtient pas de bons résultats.
Ainsi, il me semble que nous devons disposer d'une structure appropriée, une structure qui respecte ce que nous voulons réaliser pour nous-même et qui en découle logiquement, et pas une structure pensée par quelqu'un d'autre dans le meilleur de nos intérêts. Voilà le défaut fondamental du projet de loi et tout ce que nous essayons de faire, c'est de proposer des façons de le modifier de la manière la plus positive possible, sachant qu'il s'agit d'une étape provisoire. Je constate avec plaisir que vous reconnaissez le caractère provisoire de ce projet de loi, car il s'agit là d'un aspect très très important pour nous.
Je voulais en parler, parce que j'en ai vraiment assez d'entendre dire que nous sommes vos Indiens et que vous pouvez décider ce qui est le mieux pour nous. Nous sommes tout à fait capables de décider par nous-mêmes et nous voulons nous débarrasser de cette maudite Loi sur les Indiens et le plus tôt sera le mieux.
Et maintenant...
Le président: Si vous me permettez, chef, je suis bien d'accord avec vous, mais mon rôle consiste à remettre les membres du comité dans le droit chemin lorsqu'ils s'en écartent et j'essaie de les défendre quand j'estime qu'ils n'ont pas été bien compris.
Vous avez dit que le Parlement du Canada ne reconnaît pas... Nous sommes un comité de la Chambre des communes et la Chambre nous a chargé de ce travail en dépit des choses très justes que vous avez dites. Je partage le sentiment exprimé par M. Hubbard et je suis certain que c'est aussi le cas de tous les membres du comité, mais malgré tout cela, nous allons faire tout notre possible parce que nous voulons le bien de votre peuple.
Voilà comment je l'ai compris et voilà ce que je pense. Je ne conteste pas vos commentaires.
Veuillez continuer.
Le vice-chef Herb George Satsan: Nous aimerions que cette volonté transpire dans le projet de loi.
J'aimerais maintenant donner le micro au juge Alfred Scow qui a travaillé avec nous à l'exposé que nous vous avons présenté. Je vais lui donner le temps de faire quelques commentaires de conclusion.
M. Alfred Scow (Assemblée des Premières nations): Merci, monsieur le président et monsieur Herb-Satsan.
Je peux dire au comité, comme je l'ai dit à Herb il y a déjà quelque temps, que j'ai été découragé en lisant le projet de loi C-7 parce que ma réaction instinctive a été de me dire que notre peuple continuerait à se faire contrôler et à se faire imposer des choses. J'ai demandé à Herb s'il y avait des moyens d'empêcher l'adoption de ce projet de loi pour que nous puissions avoir un jour notre mot à dire sur la façon dont nous serons gouvernés. Herb m'a démontré que, d'après ce qu'il avait compris, le ministre et le gouvernement du Canada ont tout à fait l'intention d'adopter la Loi sur la gouvernance des Premières nations. J'en ai parlé plus longuement avec Herb, et nous avons décidé de profiter de l'occasion qui nous offerte aujourd'hui pour essayer de convaincre le comité qu'il faut y apporter des changements.
Je n'ai rien à ajouter à ce que le porte-parole de l'Assemblée des premières nations vous a présenté, mais je voudrais vous dire ceci. Sur le plan philosophique, j'ai remarqué que les tribunaux et les gouvernements avaient vraiment du mal à reconnaître que nous étions ici les premiers, que nous nous gouvernions nous-mêmes à l'origine, avant l'adoption de la Loi sur les Indiens, et que, si on nous en donne le temps, nous pourrons le faire de nouveau.
Je vois cependant le processus auquel nous participons ici comme une occasion, pour le comité, de convaincre le gouvernement que ces modifications ne mettent pas en cause son autorité. Les modifications que nous proposons dans le libellé du projet de loi C-7 permettraient au gouvernement d'instaurer graduellement un changement qui serait profitable pour l'ensemble du Canada, ainsi que pour les membres des Premières nations. J'implore le comité de réfléchir au fait que c'est un enjeu très important pour nous. Nous avons l'habitude de nous faire imposer des choses. Mais nous profitons de l'occasion pour participer au moins à une première étape modeste en proposant des modifications qui nous donneront le sentiment que le gouvernement du Canada reconnaît certaines de nos valeurs et certains de nos objectifs.
Je suis vraiment très heureux d'avoir été invité à vous dire quelques mots parce que je ne pense plus qu'il soit possible d'arriver à quelque chose en nous opposant carrément au projet de loi C-7. Je vois plutôt dans cet exercice une occasion, pour nous tous, de faire quelque chose d'utile à long terme pour l'ensemble du Canada parce que notre objectif est non seulement l'autonomie gouvernementale, mais l'autonomie tout court.
Merci beaucoup.
Á (1140)
Le président: Merci beaucoup, Votre Honneur. S'il y a quelqu'un ici qui comprend le travail que nous sommes en train de faire, c'est bien vous parce que vous avez dû interpréter ce que font les gens comme nous. Nous ne sommes pas parfaits, et vous serez le premier à l'attester.
Je n'ai rencontré personne, ni au comité ni ailleurs, qui pense que la Loi sur les Indiens est une bonne loi. Elle ne l'est pas. Elle est archaïque, elle est imparfaite et, d'après certaines allégations—des allégations que j'appuie, d'ailleurs—elle vise l'assimilation, entre autres choses. Nous essayons de l'améliorer un peu pour pouvoir passer à ce dont vous parlez et éliminer un jour cette loi.
Quant à vous, chef, je voudrais vous dire que les rêves que vous entretenez pour vos enfants et vos petits-enfants sont les mêmes que les miens, pour mes enfants et mes petits-enfants. Je crois que vous avez le droit de réaliser vos rêves tout autant que nous, mais je sais que ce sera plus difficile pour vous que pour moi. Ce que nous essayons de faire, c'est de supprimer ces obstacles.
Merci beaucoup.
J'invite maintenant M. Frank Cassidy, qui est professeur associé à l'école d'administration publique de l'Université de Victoria, à venir témoigner.
Monsieur Cassidy, nous vous avons accordé 45 minutes, alors que les témoins disposent normalement de dix minutes seulement selon les règles que nous avons établies. Nous allons respecter notre engagement, mais si nous terminons en une demi-heure, personne ne s'en plaindra.
Á (1145)
M. Frank Cassidy (professeur associé, «School of Public Administration», Université de Victoria): Vous avez hâte d'allez manger, n'est-ce pas?
Le président: Non, c'est une question d'équité, parce que nous allons poursuivre nos audiences pendant encore trois semaines. J'essaie simplement de tout uniformiser. Mais si vous avez besoin de 45 minutes, nous allons respecter notre engagement.
M. Frank Cassidy: D'accord, merci beaucoup.
Je voudrais d'abord saluer la nation snuneymuxw, puisque nous sommes sur son territoire ce matin. Je voudrais aussi remercier le comité de m'avoir permis de m'adresser à lui aujourd'hui.
Je me suis demandé comment je devais commencer ma présentation. J'ai un peu changé d'optique pendant l'intervention du juge Scow, parce que cela m'a ramené en arrière, il y a près de 30 ans. J'étais alors tout jeune professeur à l'Université Simon Fraser et j'avais décidé de déménager dans le nord de la province, dans un endroit appelé Kispiox, en territoire gitksan.
Pendant que je m'installais là-bas, j'avais rencontré le chef de la bande de Kispiox et certains autres membres du conseil de bande. Un jour, le président m'a téléphoné et m'a dit: «Le directeur de notre école s'en va. Nous vous avons rencontré et nous vous aimons bien. Voudriez-vous devenir directeur de notre école?» Je n'avais pas d'emploi—je venais d'en quitter un—et cela m'a paru très excitant. Nous en avons parlé plus longuement et nous avons convenu que j'accepterais le poste s'ils étaient prêt à m'accepter. Il m'a donc dit d'appeler le ministère des Affaires indiennes et de me procurer un formulaire de demande.
J'ai appelé le ministère des Affaires indiennes et j'ai parlé à une personne, puis à une autre, à une autre et à une autre encore, et finalement, la quatrième personne à qui je me suis adressé m'a dit que je ne pouvais pas avoir de formulaire. J'ai demandé pourquoi. J'étais naïf, j'imagine. Je lui ai dit que, d'après ce que le chef m'avait indiqué, l'entente avec le ministère était que la bande allait choisir le directeur cette fois-ci à cause des problèmes qu'elle avait eus avec le directeur précédent. Mon interlocuteur m'a dit que c'était impossible parce que le ministère avait déjà choisi son propre candidat pour le poste.
Je n'ai jamais reçu de formulaire, et nous avons fait appel de cette décision. Nous nous sommes rendus jusqu'au ministre des Affaires indiennes de l'époque, un certain Jean Chrétien. À cause d'une formalité—même si j'ai un doctorat de l'Université de Stanford, je n'ai pas de certificat d'enseignement—, je n'ai pas pu me porter candidat. Or, je dirais qu'il n'y avait qu'un seul enseignant de l'école, cette année-là, qui avait un certificat d'enseignement. Tous les autres avaient bénéficié de l'exemption que nous avions demandée pour moi.
Si je vous raconte cette histoire, c'est qu'il y a toute une culture dont j'ai fait l'expérience aux cours de mes années de travail avec les Premières nations, de mes recherches pour la commission royale, de mon travail à l'Institut de recherche en politiques publiques et de mes travaux de recherche personnels en tant que professeur à l'Université de Victoria. C'est une culture selon laquelle le gouvernement fédéral dit aux Premières nations ce qui est bon pour elles, en présumant essentiellement qu'il sait comment les membres des Premières nations devraient vivre.
Ce qu'il y a de malheureux dans le projet de loi sous sa forme actuelle, à mon avis, c'est qu'il reflète dans une trop large mesure cette tradition qui consiste à dire aux Premières nations ce qui est bon pour elles. Je voudrais donc me pencher aujourd'hui sur certains passages du projet de loi et discuter avec vous de la façon dont cette tendance s'y manifeste.
Voyons d'abord l'objet du projet de loi, qui est énoncé à l'article 3. L'alinéa 3a) précise que le projet de loi vise à «offrir aux bandes des outils de gouvernance plus efficaces» comme mesure provisoire, en attendant l'autonomie gouvernementale. Je pense que c'est une bonne idée. Le ministre a parlé de «pont», et l'alinéa a) nous fournit un principe d'interprétation de chacune des dispositions du projet de loi. il faut se demander si le projet de loi va favoriser l'autonomie gouvernementale, s'il s'agit vraiment d'un pont vers l'autonomie gouvernementale. C'est une bonne question à poser et un bon principe à appliquer.
Á (1150)
Mais quand on passe à l'alinéa 3c) et qu'on regarde le troisième objectif, on voit qu'il consiste à permettre aux bandes «de concevoir et de mettre en oeuvre leurs propres régimes concernant le choix de leurs dirigeants, leur gouvernement, la gestion financière et l'obligation de rendre compte», ce qui est très bien, sauf que le paragraphe dit ensuite «tout en prévoyant des règles applicables aux bandes qui ne se dotent pas de leurs propres régimes». J'aimerais bien savoir en quoi le fait de fournir des règles sur la façon dont les gens vont administrer les rouages essentiels de leur gouvernement peut favoriser leur autonomie gouvernementale. Il me semble que, si on impose des règles à quelqu'un, ce n'est pas de l'autonomie gouvernementale. C'est exactement le contraire.
Il y a donc une contradiction dans les objectifs du projet de loi. Et cette contradiction est manifeste dans tout le projet de loi. Je pense qu'il serait possible de corriger cela, et j'espère sincèrement que le comité le fera. Il faut résoudre cette contradiction.
Dans le préambule du projet de loi, vous constaterez, comme l'a indiqué le vice-chef Satsan, qu'on reconnaît les valeurs de gouvernance auxquelles tiennent les Canadiens, mais qu'on ne reconnaît nulle part que les Premières nations ont aussi des valeurs de gouvernance. J'ai une question pour vous. Si nous voulons favoriser l'autonomie gouvernementale, ne devrions-nous pas faire preuve de respect pour les Premières nations et tenir compte du fait qu'elles se sont longtemps gouvernées elles-mêmes? C'est en partie pourquoi le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale est protégé par la Constitution, parce qu'il est fondé sur les lois autochtones, les pratiques autochtones et les coutumes de gouvernance autochtones. Ce droit est reconnu et consacré par le gouvernement fédéral. Mais ces valeurs ne sont pas énoncées explicitement, contrairement aux valeurs canadiennes. L'implication, c'est qu'il n'y a pas de valeurs propres aux Premières nations, et c'est une perception qu'il faudra vraiment corriger.
Passons maintenant aux articles 4, 5 et 6 du projet de loi. Avec d'autres dispositions, ces articles visent à préciser à quoi ressembleraient les codes de sélection des dirigeants, de reddition de comptes et d'administration. En gros, on dit aux Premières nations qu'elles auront deux ans pour élaborer ces codes, sans quoi des codes par défaut—qu'elles ne connaissent pas encore—leur seront imposés. À mon avis, cela ne ressemble guère à de l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas en imposant à une Première nation un code sur la conduite des rouages essentiels de son gouvernement qu'on favorisera son autonomie gouvernementale. Il me semble que cela va exactement dans le sens contraire.
En 1995, comme vous le savez sûrement tous, le gouvernement fédéral a rendu publique sa politique sur le droit inhérent. Il y affirmait que la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et la négociation des mécanismes d'application de ce droit étaient la pierre angulaire de cette politique. Pourtant, dans ce projet de loi, les éléments mêmes qui devaient être négociés sont maintenant imposés par voie législative, et les Premières nations se font dire qu'il leur seront fort probablement imposés. Encore une fois, il semble y avoir une contradiction fondamentale entre la politique fédérale et ce projet de loi, tel qu'il se présente actuellement.
Si on passe ensuite aux articles 10 et 32, on constate que les pouvoirs du ministre y sont soit confirmés, soit élargis. L'article 10 accorde au ministre de très vastes pouvoirs d'intervention dans les affaires financières des bandes. Et, selon l'article 32, c'est lui qui a le dernier mot en cas d'appels concernant la sélection des dirigeants.
Bien sûr, il pourrait être nécessaire d'aider certaines Premières nations à gérer leurs affaires financières, mais le modèle selon lequel cette aide doit passer par le ministre n'est pas un modèle fondé sur l'autonomie gouvernementale. C'est le modèle de la Loi sur les Indiens, qui a été conçu dans les années 1870. Pourquoi en revenir au modèle de la Loi sur les Indiens dans un projet de loi qui est censé constituer une mesure provisoire sur la voie de l'autonomie gouvernementale? Pourquoi confirmer et étendre les pouvoirs conférés au ministre? À mon avis, cela n'a rien à voir avec l'autonomie gouvernementale. C'est plutôt un pas dans la direction contraire.
Á (1155)
Ensuite, aux articles 15, 16 et 17, les pouvoirs des bandes sont énumérés. J'ai entendu plusieurs questions ce matin, pendant que j'étais assis dans l'auditoire, au sujet du processus de consultations. J'ai suivi ce processus de très près. Je pense pouvoir affirmer que j'ai lui à peu près tout ce que le ministre des Affaires indiennes a dit depuis deux ans au sujet de ce projet de loi. Il a dit clairement, et parfois très explicitement, que ce n'était pas une question de pouvoirs. Il n'a jamais dit que le projet de loi préciserait les pouvoirs des Premières nations.
Pourquoi? Parce que, si on remonte à la politique énoncée en 1995—la politique sur le droit inhérent—, on se rend compte que tout passe en fait par la négociation des pouvoirs. La politique prévoit toutes sortes de lignes directrices sur la façon dont les pouvoirs seront négociés. Et tout à coup, sans préavis, nous nous retrouvons avec un projet de loi qui définit les pouvoirs des bandes.
S'il y a quelque chose qui devrait être à la base des négociations sur l'autonomie gouvernementale, il me semble que ce sont bien les pouvoirs des Premières nations. Mais dans ce cas-ci, ces pouvoirs ont été définis sans véritable consultation avec ces Premières nations au sujet de la méthode selon laquelle ils sont établis ici.
À mon avis, cela n'a rien à voir avec l'autonomie gouvernementale, la mise en oeuvre du droit inhérent, les négociations avec les Premières nations ou la signature d'ententes consensuelles. Cela ressemble plutôt à une approche législative selon laquelle une solution élaborée par le gouvernement du Canada est imposée aux Premières nations. C'est l'approche qu'on retrouve dans la Loi sur les Indiens, et non une approche axée sur l'autonomie gouvernementale. Ce n'est pas celle que le gouvernement fédéral s'était engagé à adopter en 1995.
Je voudrais maintenant vous parler de deux autres dispositions avant de passer à ma conclusion.
Je ne sais pas jusqu'à quel point vous avez étudié attentivement l'article 34. Je le trouve très inquiétant. On y dit que le gouverneur en conseil peut, pour une période de deux ans—le délai arbitraire inventé pour les fins du projet de loi avant l'imposition de codes par défaut aux bandes qui n'auraient pas adopté leurs propres codes—, décider quelles Premières nations seront soustraites à l'application de ces codes par défaut et pendant combien de temps.
Donc, en vertu de ce projet de loi, le gouverneur en conseil a le pouvoir de déterminer quelles Premières nations vont négocier leur autonomie gouvernementale, pendant combien de temps et dans quelles conditions. Ce n'est pas de l'autonomie gouvernementale, à mon avis. C'est plutôt le gouvernement du Canada qui dit qu'il a déjà choisi son propre candidat, ou son propre processus. C'est une lacune très grave du projet de loi.
L'article 35 mentionne un certain nombre de lois en vertu desquelles diverses Premières nations seront exemptées de l'application de la nouvelle loi. Mais il ne précise pas que les Premières nations qui négocieront leur autonomie gouvernementale à l'avenir en seront également exemptées. La substance de l'autonomie gouvernementale serait-elle inscrite dans la loi avant même que les négociations aient lieu? Si vous lisez bien le libellé actuel du projet de loi, c'est ce qu'il dit. S'il y a des erreurs de rédaction qui se sont glissées ici ou là, ces erreurs doivent être corrigées parce que c'est ce que laisse entendre le projet de loi.
Comment avons-nous pu nous retrouver, en 2003, avec un projet de loi déposé par un gouvernement qui a renouvelé en 1995 son engagement à l'égard de l'autonomie gouvernementale dans le cadre de l'accord de Charlottetown? Comment se fait-il que le gouvernement dise maintenant qu'il va déterminer qui pourra négocier, pendant combien de temps et dans quelles conditions? Cela n'a rien à voir avec l'autonomie gouvernementale.
Passons finalement à l'article 36 proposé, qui autorise la Couronne à imposer des codes par défaut. Pourquoi la Couronne tient-elle à avoir ce pouvoir? Pense-t-elle vraiment que les Premières nations ne veulent pas appliquer de bonnes pratiques pour choisir leurs dirigeants, qu'elles ne recherchent pas une saine administration et qu'elles ne se soucient pas de la reddition de comptes?
La réalisation de l'autonomie gouvernementale est une question de confiance. Si le gouvernement faisait confiance aux Premières nations, il ne leur imposerait pas de codes par défaut. Il leur dirait simplement: «Voici une mesure législative utile pour vous permettre d'avancer. Nous vous faisons confiance, et nous voulons que vous nous fassiez confiance de votre côté.» Cette confiance mutuelle serait le fondement de l'autonomie gouvernementale.
 (1200)
Ce que nous avons ici—et je suis vraiment désolé d'avoir à le dire—, c'est une manifestation de méfiance très claire. Ce n'est pas une marque de confiance. Si c'était le cas, ce serait une main tendue, et non des menottes aux poignets des Premières nations.
Je voudrais faire encore quelques commentaires en terminant. Nous savons tous que les choses sont au point mort en ce qui concerne l'autonomie gouvernementale. Cela ne fait aucun doute, malgré tout l'argent qui a été dépensé depuis 1995. Nous avons une entente qui reflète la politique du droit inhérent en Colombie-Britannique; c'est le traité des Nisga'a. Autrement, il y a des négociations un peu partout au pays. Nous entendons toujours dire qu'elles vont déboucher sur une entente d'ici trois à six mois, mais on nous dit ensuite, trois à six mois plus tard, qu'il faut encore trois à six mois. Les choses n'avancent pas.
Je pense que ce n'était pas une mauvaise idée de légiférer pour essayer de sortir de l'impasse. Mais, comme j'ai essayé de vous le démontrer, ce n'est pas ce projet de loi qui va nous permettre d'y arriver. Il doit être sérieusement repensé.
Je connais la procédure parlementaire et j'ai entendu ce qu'ont dit les membres du comité au sujet du fait que certains projets de loi sont adoptés sans même avoir été modifiés. Mais vous êtes nos représentants élus. Vous êtes le bras législatif du gouvernement, et ce que nous avons ici, c'est une mesure législative. Nous vous demandons d'examiner ce projet de loi pour vous assurer qu'il repose sur la confiance—et qu'il est équitable.
J'espère que le comité étudiera ce projet de loi très attentivement. Il n'est pas impossible de le modifier pour en faire un projet de loi respectueux et positif. J'espère—comme bien des gens, je pense—que votre comité réussira à en faire quelque chose de vraiment positif. Il faut bâtir un pont vers l'avenir, un pont vers l'autonomie gouvernementale, mais ce pont vers l'avenir ne peut pas être fondé sur une mentalité qui vient du passé et qui dit «nous savons ce qui est bon pour vous». Malheureusement, dans sa forme actuelle, ce projet de loi reflète beaucoup trop cette mentalité.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Avant que nous passions aux questions, je voudrais au moins mentionner pour le compte rendu tous les efforts que fait notre comité. Nos membres prennent cette question très au sérieux. Nous avons passé trois mois au printemps dernier simplement à nous informer. Nous avons invité les experts, les chefs, les chefs nationaux, et j'en passe. Et maintenant, nous consacrons neuf semaines presque à plein temps à ce projet de loi.
Je ne dis pas que la question ne mérite pas autant d'effort. Elle en mérite peut-être plus, mais dans la vie de 16 députés, neuf semaines, c'est beaucoup. Nous prenons la chose au sérieux et nous apprécions vos commentaires. Ils vont nous être très utiles.
Nous allons commencer par une ronde de quatre minutes. Monsieur Vellacott.
Vellacott, Maurice Vice-Chair : Merci beaucoup, monsieur.
Vous avez dit au début, et tout au long de votre intervention, que ce projet de loi n'avait rien à voir avec l'autonomie gouvernementale, et j'accepte respectueusement votre commentaire. Dans ce projet de loi, il y a des dispositions qui permettent aux membres des bandes ou des conseils d'établir des codes. Diriez-vous que c'est un pas dans la bonne direction—même si c'est très transitoire et s'il s'agit d'une mesure provisoire—, dans la direction d'une certaine autonomie gouvernementale grâce à la mise en place de ces éléments? S'il y a des bandes qui décident, par choix—ou parce qu'elles auront manqué de temps, ce qui serait vraiment dommage—, qu'elles vont adopter les codes par défaut, reconnaissez-vous que certaines bandes pourraient dire de cette façon-là qu'elles ne sont pas encore prêtes pour l'autonomie gouvernementale et qu'elles sont disposées à appliquer des codes minimaux, des codes fondamentaux qui—il faut l'espérer—ne seraient pas trop onéreux?
 (1205)
M. Frank Cassidy: Eh bien, premièrement, il faut se demander ce que les Premières nations seraient prêtes à accepter. D'après ce que je sais d'elles, il y en aurait probablement qui ne voudraient pas consacrer à ces codes les ressources et le temps nécessaires. Elles auraient autre chose à faire. Elles pourraient vouloir s'occuper d'éducation ou de logement pour leurs communautés, ce qui prend énormément de temps.
Donc, je dirais qu'il est possible que certaines Premières nations soient prêtes à accepter un code par défaut. Mais ce code devrait être conçu différemment de ce qui est prévu dans le projet de loi. Il devrait être élaboré avec la pleine participation et l'accord total des Premières nations. Il devrait reconnaître et refléter les valeurs des Premières nations. Je pense que, dans ces circonstances...
Vellacott, Maurice Vice-Chair : Je suis parfaitement d'accord avec vous. Notre parti, l'Alliance canadienne, s'inquiétait de l'absence de code par défaut dans le projet de loi et de l'absence de précisions à cet égard, mais nous sommes maintenant satisfaits parce que le ministre s'est engagé à tenir des consultations et à faire participer les Premières nations, et nous allons certainement lui rappeler cet engagement au besoin.
L'autre question que je voudrais vous poser, à vous précisément en tant que citoyen canadien non autochtone, ou n'appartenant pas à une Première nation, est la suivante: d'après ce que vous avez-vous pu constater, que pensent les Premières nations—et qu'en pensez-vous personnellement—de l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, ce qui devrait permettre pour la première fois aux membres des Premières nations de déposer des plaintes en vertu de la LCDP au sujet d'activités de leur conseil ou de politiques fondées sur la Loi sur les Indiens? Pouvez-vous nous dire si c'est une bonne décision, à votre avis, ou si c'est encore une fois une imposition trop manifeste d'une volonté colonialiste?
D'autre part, vous savez que cette disposition n'est pas absolue; elle peut encore être influencée par les coutumes, la culture et d'autres éléments du genre. Mais pensez-vous que c'est un pas dans la bonne direction que l'article 67 de la LCDP soit applicable à tous les citoyens canadiens, autochtones ou non?
M. Frank Cassidy: Je pense que c'est une question dont il faudrait discuter. Mon expérience des communautés des Premières nations, c'est qu'on y respecte généralement les droits personnels, fondamentaux, civiques et politiques des gens. Si elle était présentée de la bonne façon, cette disposition pourrait bien servir de fondement à une entente. Le problème, c'est simplement qu'on laisse entendre que, d'une manière ou d'une autre, cela devrait être imposé aux Premières nations, qu'elles ne l'accepteront pas d'elles-mêmes, et je trouve cela dommage.
Mais je n'ai pas d'objection à cette disposition, parce qu'il y a des garanties dans la Constitution. L'article 25, par exemple, précise qu'aucune des dispositions de la Charte des droits et libertés ne porte atteinte aux droits ancestraux ou issus de traités. Il y a différentes garanties dans la Constitution; par conséquent, je n'ai aucune objection à ce que cet article soit abrogé. Il y a bien des choses dans le projet de loi qui sont tout à fait acceptables sur le plan des concepts ou des idées. C'est seulement que la façon de faire est très différente de ce à quoi on pourrait s'attendre à notre époque.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur Cassidy, de vos nombreux commentaires utiles. Comme nous manquons de temps, je vais me contenter de vous parler des articles 7 à 9, qui portent sur la gestion financière et la reddition de comptes. Vous avez déclaré que le projet de loi C-7 imposerait des normes de reddition de comptes déraisonnables aux Premières nations et qu'à peu près n'importe qui pourrait exiger de tout savoir au sujet des transactions financières d'une Première nation—pas seulement au sujet des fonds qui pourraient lui être versés par le gouvernement fédéral sous forme de contributions, mais aussi au sujet de ses biens privés, de ses entreprises privées.
Premièrement, diriez-vous que c'est en quelque sorte une violation de la vie privée? Deuxièmement, pensez-vous que cela pourrait même un obstacle à la compétitivité d'une entreprise que la bande pourrait exploiter, si ses concurrents avaient le droit de connaître tous les aspects de ses opérations financières? Que pensez-vous de tout cela?
 (1210)
M. Frank Cassidy: Oui, je pense que certains éléments des articles 7 à 9 entraînent effectivement des empiétements sur la vie privée. Ils vont constituer un obstacle au développement économique. Encore là, le projet de loi devrait plutôt contenir des dispositions visant à faire en sorte que les gouvernements des premiers nations soient responsables devant leur propre population, et non qu'ils aient à rendre leurs affaires publiques alors qu'aucun autre gouvernement au Canada n'est obligé de le faire.
Il y a un membre de votre comité—au moins—qui a déjà été maire. Les municipalités ne sont pas soumises à une réglementation de ce genre. Pourquoi faudrait-il que les Premières nations le soient? Je ne peux qu'insister encore une fois sur le fait que cela semble être une question de méfiance; on dirait que vous ne pouvez pas faire confiance aux Premières nations pour qu'elles s'occupent de leurs propres affaires.
Eh bien, si le gouvernement du Canada ne fait pas confiance aux Premières nations, je suppose que cela en dit long sur son engagement à appliquer la politique d'autonomie gouvernementale, et peut-être aussi sur la raison pour laquelle nous n'avons toujours pas d'ententes d'autonomie gouvernementale après huit ans. On entend dire parfois que les Premières nations sont incapables de négocier leur autonomie gouvernementale. La vérité, c'est peut-être plutôt que le gouvernement fédéral ne leur fait pas confiance et que c'est lui qui est responsable de l'absence de négociations sur l'autonomie gouvernementale, et ce que nous voyons ici, c'est la survivance et l'imposition de ce genre de mentalité.
C'est un autre aspect préoccupant du projet de loi. Il n'est pas vraiment nécessaire. Nous devons nous respecter les uns les autres et chercher à normaliser nos relations. Nous n'avons pas besoin d'imposer toutes sortes de cadres bizarres aux membres des Premières nations.
M. Pat Martin: Je voudrais également revenir à un de vos commentaires sur le fait que certaines dispositions—je pense que vous avez mentionné les articles 10 et 32—augmentent et élargissent en fait les pouvoirs exclusifs du ministre plutôt que de céder des pouvoirs réels aux Premières nations. Vous avez affirmé que cela semble être un recul si nous cherchons véritablement...
M. Frank Cassidy: Vous savez probablement que cette idée d'institutions indépendantes a fait l'objet d'une attention considérable au moment de la rédaction du projet de loi, et même avant, et qu'il devait y avoir des institutions indépendantes pour faciliter l'autonomie gouvernementale. Si vous n'êtes pas au courant, je pourrai certainement vous fournir plus d'information à ce sujet-là, tout vos attachés de recherche, sans aucun doute. Il y a des passages importants, dans le rapport du CCMC—tout un chapitre, en fait, je pense—, au sujet de ces institutions indépendantes.
Je ne vois pas pourquoi le ministre aurait le dernier mot dans la sélection des dirigeants des Premières nations. C'est une approche tout à fait contraire à l'idée d'autonomie gouvernementale.
Je voudrais en revenir à la question précédente sur les règlements par défaut. Nous devons aborder cette question à la lumière de ce qui s'est passé avant que votre comité n'entreprenne ses consultations. Le processus de consultations était très déficient. Dieu soit loué pour votre comité! C'est ce que le gouvernement fédéral aurait dû faire ces deux dernières années: sortir de son cocon, parcourir le pays et parler aux gens. Je sais que le gouvernement fédéral dit qu'il le fait, mais malheureusement, nous n'avons pas eu le dialogue qui aurait dû avoir lieu.
Le président: Merci.
Monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Merci.
Monsieur Cassidy, je suis très impressionné par vos antécédents. Vous parlez du projet de loi presque mieux que nous parce que vous en connaissez très bien tous les articles; c'est très impressionnant.
Au sujet du processus de consultations, est-ce que vous avez participé, à titre individuel, aux différentes consultations qui ont eu lieu auprès de différents groupes de tout le Canada?
M. Frank Cassidy: Non, et cela m'a beaucoup étonné parce que c'est moi qui étais responsable de la recherche sur la gouvernance autochtone et sur les dimensions internationales des gouvernements autochtones à la Commission royale sur les peuples autochtones. Personne ne m'a demandé mon avis sur ce projet de loi. J'ai assisté à une réunion, qui était censée être une réunion d'information, à titre d'invité de quelqu'un d'autre qui y avait été invité. Plusieurs des participants des Premières nations ont indiqué très clairement, lors de cette rencontre, que ce n'était pas une séance de consultation. Je pense—mais je n'en suis pas sûr à 100 p. 100—qu'on a dit par la suite que c'en était une.
Il y a d'autres membres de la communauté universitaire qui ont travaillé très fort pour faire de la recherche sur la gouvernance des Premières nations. Encore une fois, je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de discussions avec eux.
Nous aurions certainement pu trouver des moyens de tenir des conférences, des tables rondes et d'autres rencontres au cours desquelles les gens auraient pu venir discuter des approches envisagées. Le gouvernement fédéral a contrôlé très étroitement le processus de consultations; je suis sûr que certains d'entre vous ont vu la stratégie de consultation de février 2001.
Le jour où j'ai vu cette stratégie, pas longtemps avant qu'elles soit distribuée comme document interne, il était très clair qu'il devait y avoir un processus de consultations, mais qu'il manquait quelque chose de très important dans un processus de ce genre, à savoir que les consultations n'ont de sens que si elles peuvent déboucher sur des changements. Comment se fait-il, à votre avis, que nous ayons un projet de loi qui reflète exactement ce que le ministre des Affaires indiennes et du Nord a dit en février 2001, sans aucune modification? Y a-t-il vraiment eu des consultations significatives? De toute évidence, rien n'a changé. Ce qui veut dire qu'il n'y a pas eu de véritables consultations.
 (1215)
M. Charles Hubbard: À la Chambre, il y a souvent des interventions au sujet de diverses Premières nations qui connaissent des difficultés économiques et financières. Nous parlons de gestion par des tierces parties, de cogestion et d'une foule d'autres choses. Il me semble, monsieur le président, que quand il y a des problèmes, par exemple quand le conseil scolaire de Skeena ne reçoit pas les paiements auquel il a droit pour l'éducation, on demande au ministre, à la Chambre, pourquoi il n'intervient pas.
Ce projet de loi offre un cadre, du moins espérons-le. Il traite des budgets. Il traite des efforts de reddition de comptes. Il cherche à offrir une façon de mettre en place un système de reddition de comptes et de l'aide à cet égard. Pourriez-vous nous dire comment le ministre, le Parlement et les autres intervenants devraient envisager les problèmes que les Premières nations connaissent parfois en ce qui concerne la gestion par des tierces parties ou la cogestion?
Je trouve cela très frustrant quand un chef et un conseil perdent le contrôle des ressources financières de leurs réserves. Pourriez-vous commenter les dispositions du projet de loi à ce sujet-là?
M. Frank Cassidy: Encore là, je pense que l'approche adoptée n'est pas la bonne.
Si vous aviez des problèmes avec vos finances, que diriez-vous si quelqu'un se proclamait autorisé à aller examiner tous vos dossiers, tous vos chèques et l'ensemble de votre situation financière, et à vous dire ensuite quoi faire? Est-ce que ce serait une façon normale de procéder? Pourtant, c'est ce que prévoit le projet de loi: le ministre pourrait intervenir et prendre carrément en main les affaires financières d'une bande. Au Canada, ce n'est pas en prenant le contrôle de leur vie qu'on aide les gens.
La meilleure façon d'aborder la question dans le projet de loi, ce serait d'envisager par exemple une institution indépendante qui pourrait aider les Premières nations qui en feraient la demande. Il y a donc des solutions possibles. Nous avons un système fédéral. Nous n'avons pas un système dans lequel l'Alberta peut dire, par exemple: «Regardez la Colombie-Britannique; c'est maintenant une province moins bien nantie. Alors, allons voir ce qui se passe et allons prendre ses livres pour pouvoir administrer ses finances.» Pourquoi les Premières nations devraient-elles êtres soumises à ce genre d'intervention du gouvernement fédéral? Quand on y pense, qu'est-ce que cela dénote exactement?
Le président: Merci.
Vous avez huit minutes pour nous présenter votre conclusion, pour un total de 45 minutes.
D'accord?
M. Frank Cassidy: Eh bien, je n'ai pas grand-chose à ajouter parce que je sais que vous avez faim.
Le président: Je suis allé à l'université assez tard; j'y suis entré à 26 ans et j'ai pris mon temps avant d'obtenir mon diplôme à 40 ans. Je ne peux pas croire que vous ne prendrez pas vos huit minutes.
Vellacott, Maurice Vice-Chair : Est-ce qu'il serait possible d'avoir une ronde de questions d'une minute?
M. Frank Cassidy: Cela me conviendrait pour meubler mes huit minutes.
Le président: D'accord. Chaque parti peut poser une question d'une minute, mais vous incorporerez vos réponses dans votre conclusion.
Monsieur Vellacott.
 (1220)
Vellacott, Maurice Vice-Chair : J'aimerais savoir ce que vous pensez des modèles d'entreprise que bon nombre de bandes doivent adopter de nos jours, par exemple en raison de leurs ressources naturelles. Pour ce qui est de votre question, il y a au Canada une loi sur la protection en cas de faillite. Les municipalités peuvent enregistrer un déficit. Nous espérons que les gouvernements fédéral et provinciaux auront un jour une loi du même genre. Donc, je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point parce qu'il y a des moyens de régler ces problèmes dans un scénario de protection en cas de faillite.
Nos salaires sont de notoriété publique. Les sociétés d'État doivent présenter des rapports publics, et les salaires des maires, des premiers ministres et des autres titulaires de charges de ce genre sont aussi du domaine public. Pourquoi n'y aurait-il pas d'exigences du même genre pour les Premières nations? Elles peuvent respecter leurs traditions et tout le reste tout en étant tenues de rendre des comptes publiquement.
Le président: C'est maintenant au tour de M. Martin, pour une minute.
M. Pat Martin: Je ne peux pas faire grand-chose en une minute, mais certaines personnes ont souligné que toute cette série de projets de loi—le C-6, le C-7 et le C-19—tendent vers la municipalisation des communautés, ou leur constitution en personnes morales, et qu'il y a des risques inhérents à la municipalisation. Donc, si vous en avez le temps, vous pourriez peut-être commenter brièvement cet aspect-là.
Le président: Merci.
Le reste du temps vous appartient.
M. Frank Cassidy: Je dirais que nous devons être conscients de notre vision de l'autonomie gouvernementale des Premières nations au Canada. Cette vision doit inclure un certain nombre de dimensions différentes. Premièrement, il faut tenir compte du fait que ces gouvernements seraient au Canada. On ne peut pas nier qu'il existe des normes qui s'appliquent à tous les habitants du pays et qui aident à faire du Canada un pays.
Cela dit, il y a une autre dimension importante et nécessaire dans l'autonomie gouvernementale des Premières nations: c'est le fait qu'elle concerne des Premières nations. Notre Constitution reconnaît clairement que les Premières nations étaient ici avant même la naissance du Canada et qu'elles ont un statut juridique et politique tout à fait particulier au Canada. La gouvernance des Premières nations doit donc refléter aussi ce statut juridique et politique particulier.
Nous devons établir un équilibre entre le caractère canadien de la gouvernance des Premières nations et le fait qu'elle concerne justement les Premières nations. Je pense que c'est possible. Ce n'est pas facile, mais nous pouvons y arriver par la négociation, le dialogue, la discussion et la signature d'ententes.
Évidemment, nous n'avons pas eu beaucoup de succès dans cette voie jusqu'ici. Ce qu'il faut se demander, c'est pourquoi nous n'avons pas réussi et ce que nous pouvons faire de mieux. Quand je regarde ce projet de loi, j'ai presque l'impression que le gouvernement a déjà démissionné. Qu'il dit: «C'est trop frustrant. Nous avons perdu patience. Nous ne faisons pas confiance aux Premières nations. Nous n'avons qu'à légiférer une bonne partie de ce que nous avions l'intention de négocier.»
La politique de 1995 contenait plusieurs listes différentes de choses à négocier. Je voudrais mentionner trois listes en particulier: premièrement les points sur lesquels les Premières nations auront à toutes fins utiles le pouvoir de déterminer ce qui arrivera, deuxièmement les éléments qu'il faudra partager et troisièmement les secteurs dans lesquels les Premières nations n'auront pas compétence, par exemple les affaires étrangères.
Tout en haut de la première liste, qui porte sur les secteurs dans lesquels les Premières nations devraient avoir des pouvoirs, il y a les institutions gouvernementales, la sélection des dirigeants et l'administration des Premières nations. Les questions à négocier arrivaient tout en haut de la liste, dans cette politique. Et maintenant, huit ans plus tard, nous légiférons sur ces questions.
Je pense qu'il faut abandonner ce modèle de législation pour revenir au modèle de négociation et nous demander comment nous pourrions faire mieux. Nous devons nous asseoir avec les Premières nations et faire une autre tentative. Huit ans, ce n'est pas très long. Les Premières nations sont assujetties à la Loi sur les Indiens depuis plus d'un siècle. Et pendant toutes ces années, les Canadiens leur ont fait du tort. Si nous renoncions après même pas une décennie, après tout le tort que nous avons causé pendant un siècle, ce ne serait vraiment pas juste.
Ce qu'il faut faire, c'est nous asseoir avec les Premières nations et nous demander comment nous pouvons faire un tout de notre pays. Comment pouvons-nous intégrer les Premières nations au Canada pour qu'elles soient respectées en tant que Premières nations? Ce n'est pas ce que fait ce projet de loi, alors qu'il pourrait constituer un pas dans cette direction.
Je sais c'est un lourd fardeau pour vous, mais je suis convaincu qu'il repose maintenant sur vos épaules. Je sais que vous prenez le temps nécessaire, et cela me réjouit. Mais il vous incombe maintenant de vous assurer que ce projet de loi est vraiment une mesure provisoire, un pont vers l'autonomie gouvernementale. Il y a une bonne façon d'y arriver. C'est de trouver un moyen de refléter non seulement les valeurs des Premières nations, mais aussi les valeurs canadiennes.
Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne reflète pas les valeurs canadiennes. Il est plein de méfiance et d'irrespect. J'aime à penser que notre pays est fondé sur la confiance et le respect. Si nous pouvons bâtir sur ces valeurs et modifier ce projet de loi dans le sens qui a été indiqué ce matin, je pense que nous pourrons vraiment progresser. La dernière chose que nous voulons, c'est un retour à la mentalité propre à la Loi sur les Indiens. La dernière chose que nous voulons, c'est un retour à une mentalité qui dit: «Nous avons déjà notre propre candidat pour ce poste, nous avons déjà notre propre processus prévu à cette fin.» Il y a des moyens d'aller au-delà de ce genre de choses. Je suis certain que c'est possible.
Je vous remercie infiniment
 (1225)
Le président: Je vous remercie beaucoup également. Vous nous avez fourni beaucoup d'information. Il est évident que vous avez consacré bien des années d'efforts à cette question, et c'est précieux pour nous.
Je pense avoir bien entendu, mais je voudrais clarifier quelque chose. Quand vous dites qu'il y a des moyens de réussir et que nous devrions continuer à faire des efforts et à entretenir le dialogue—et à faire tout ce que vous avez dit—, je ne pense pas vous avoir entendu dire qu'il fallait rejeter complètement le projet de loi C-7 et que nous serions mieux avec la Loi sur les Indiens. Il me semble vous avoir entendu dire que nous devrions apporter des modifications au projet de loi C-7 et garder tous les autres éléments inclus dans la Loi sur les Indiens. Nous n'avons pas le choix: nous devons travailler à partir du projet de loi C-7. Comme je l'ai dit à Red Deer, nous ne pouvons pas le rejeter; nous pouvons seulement voter non à ses 59 articles et le renvoyer à la Chambre. Mais nous savons ce qui va se passer si c'est ce que nous faisons.
Est-ce que vous nous dites que nous ferions mieux, une fois le processus engagé—et ce n'est pas nous qui allons l'engager, c'est le gouvernement—, de continuer dans cette voie plutôt que de garder la vieille Loi sur les Indiens telle qu'elle existe actuellement?
M. Frank Cassidy: Je devrais peut-être clarifier mon message. Je pense que c'est une bonne idée d'avoir un projet de loi à ce moment-ci. Vous avez reçu ce matin des propositions de modifications très précises. J'appuie ces modifications. Je suis d'avis que vous devriez les envisager très sérieusement et j'espère que vous allez les adopter. Si vous en arriviez à un projet de loi très différent de celui que nous avons actuellement, ce serait une bonne chose.
Mais il faut aussi que vous demandiez au gouvernement du Canada de démontrer qu'il est vraiment sérieux quand il parle de négocier l'autonomie gouvernementale. Évidemment, il est possible de conclure qu'il va s'arrêter ici, avec ce projet de loi. Si c'est un pont, nous devons savoir où il mène. Il faudrait que ce pont soit redessiné de manière à refléter ce qu'il doit refléter et à montrer ce qu'il y a de l'autre côté. Et si vous voulez savoir si j'appuierais ce genre de chose, il est certain que oui.
Le président: Vous ne voulez pas que la construction de ce pont soit confiée au plus bas soumissionnaire. Merci beaucoup.
M. Frank Cassidy: Merci.
Le président: Merci à vous et à tous ceux qui étaient ici ce matin.
Chers collègues, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 13 h 30. Mais il y a peut-être quelqu'un dans la salle qui doit témoigner tout à l'heure et qui voudrait le faire plus tôt. Avons-nous besoin d'une heure pour manger? Non.
Y a-t-il quelqu'un qui doit témoigner cet après-midi, pour 30 minutes au maximum, et qui aimerait passer à 13 heures? Votre témoignage est prévu pour 13 h 30. Voudriez-vous le présenter à 13 heures?
D'accord, nous reprendrons la séance à 13 heures.