AANR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 24 février 2003
¿ | 0900 |
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)) |
M. George Calliou (directeur général intérimaire, "Athabasca Tribal Council") |
¿ | 0905 |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
Le président |
M. George Calliou |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne) |
M. George Calliou |
M. Maurice Vellacott |
M. George Calliou |
M. Maurice Vellacott |
M. George Calliou |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Maurice Vellacott |
M. George Calliou |
Le président |
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ) |
¿ | 0935 |
M. George Calliou |
Le président |
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.) |
¿ | 0940 |
M. George Calliou |
Le président |
M. George Calliou |
Le président |
M. George Calliou |
¿ | 0945 |
Le président |
M. Ken Janke (À titre individuel) |
Le président |
M. Ken Janke |
¿ | 0950 |
Le président |
M. Ken Janke |
Le président |
CANADA
Comité permanent des affaires autochtones, du développement du Grand Nord et des ressources naturelles |
|
l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 24 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0900)
[Traduction]
Le président (M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Nous reprenons maintenant les audiences publiques sur le projet de loi C-7, Loi concernant le choix des dirigeants, le gouvernement et l'obligation de rendre compte des bandes indiennes et modifiant certaines lois.
Nous accueillons le directeur général intérimaire de l'Athabasca Tribal Council, M. George Calliou.
Après l'exposé de M. Calliou, tous ceux qui sont ici disposeront de deux minutes pour s'exprimer, s'ils ne l'ont pas déjà fait ou s'ils ne figurent pas sur la liste des témoins. Ceux qui souhaitent prendre la parole peuvent s'inscrire.
Bienvenue, George. Veuillez commencer votre exposé. Nous avons 45 minutes et j'espère que vous nous laisserez du temps pour poser des questions.
M. George Calliou (directeur général intérimaire, "Athabasca Tribal Council"): Bonjour. J'aimerais commencer mon exposé par ce que l'on appelle un moment de purification vu que ce dont nous allons discuter dépasse le cadre d'un débat politique ou législatif; en effet, nous allons parler de l'essence même de notre peuple et des éléments spirituels de notre relation avec ceux qui maintenant se désignent comme étant des Canadiens. J'aimerais donc commencer mon exposé en demandant à nos ancêtres et à notre Créateur de bien vouloir nous guider. Je ne le fais pas pour la galerie, mais avec sincérité et parce que le chef Jim Boucher ne peut pas être avec nous ce matin. La responsabilité qui m'incombe est donc plus grande et j'ai besoin de tout l'appui et de tous les conseils possibles. Je vous demande donc un peu de patience.
Merci beaucoup.
Je m'appelle George Calliou et je suis directeur général intérimaire de l'Athabasca Tribal Council. Comme nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous préparer en raison du calendrier des audiences, nous avions décidé, le chef Jim Boucher et moi-même, de faire ensemble cet exposé. J'ai parlé à Jim Boucher hier soir et plus tôt ce matin mais, malheureusement, il ne peut être avec nous aujourd'hui.
Comme je l'ai indiqué, la gouvernance et les questions qui s'y rattachent dans le contexte des peuples d'origine de notre pays sont des sujets qui s'inscrivent non seulement dans le cadre des relations mutuellement favorables découlant de traités, mais aussi dans celui de notre relation avec la Création dans son ensemble. Ceci étant dit, je souhaite la bienvenue à toutes les personnes ici présentes, aux membres du Comité permanent des affaires autochtones en particulier, et à ceux des territoires traditionnels des peuples cris et dénés, tels que représentés par l'Athabasca Tribal Council.
¿ (0905)
Vous avez entendu dans tout le pays diverses déclarations et observations à propos de cette mesure législative. Vous avez appris, j'en suis convaincu, que bien des gens ne sont pas en faveur de ce projet de loi qui traite de la gouvernance dans une perspective administrative et non pas dans une authentique perspective de gouvernance, non pas dans une perspective de traités.
J'aimerais renvoyer le comité à la Commission royale sur les peuples autochtones, qui a conclu qu'il existait quatre grandes étapes au niveau des relations, pour ainsi dire. La première étape correspond à celle où deux nations, deux sociétés vivaient indépendamment l'une de l'autre, chacune s'intéressant à ses propres besoins et réalités.
Puis, nous avons eu l'étape de dépendance mutuelle qui, en grande partie, a été également instaurée par les premiers peuples de ce pays accueillant les nouveaux venus. Cet accueil a donné lieu à une relation bénéfique pour les deux parties.
Ensuite, nous avons assisté à l'étape de ce que l'on appelle la domination, la colonisation et l'oppression qui ont revêtu plusieurs formes. Un des premiers changements entre l'étape de la dépendance mutuelle et celle de la domination s'explique essentiellement par les réalités économiques. Les commerçants de fourrure ont fini par avoir la main mise sur l'économie des peuples des Premières nations.
On en est ensuite arrivé aux concepts de christianisation et de civilisation et c'est là que les églises ont joué un rôle important; des agents du gouvernement venaient christianiser et civiliser les Indiens. Cette étape est caractérisée au départ par la confiance de nos peuples, car qui étions-nous pour ne pas croire l'homme en robe noire portant une croix qui déclarait représenter Dieu? Nous étions un peuple confiant et nous avons cru à cet homme, mais plus tard, ses représentants ont pris nos enfants pour les placer dans des pensionnats. Cette étape a été également marquée par la domination administrative du gouvernement sur les Indiens.
¿ (0910)
Nous avons ensuite connu le processus de traités en vertu des lois du pays qui obligeaient le Canada à conclure des traités avec plusieurs nations indiennes indépendantes. Or, l'interprétation de ce processus de traités n'est pas universelle. D'après nos anciens, ces traités permettaient à deux nations souveraines de s'entendre pour partager les terres qui nous sont données par le Créateur. Il s'agissait de partager les terres.
D'après les anciens de l'époque, ce processus s'inscrivait dans une logique de partage et non de propriété. Le concept de fief simple n'existait pas dans notre langue, ni dans notre mentalité, ni dans notre relation quotidienne avec la terre. L'entente conclue oralement ne correspondait pas tout à fait à ce qui était écrit, d'où le fardeau regrettable des revendications territoriales et des affaires judiciaires qui visent à préciser le sens réel des traités et de ce qui s'est fait depuis le début du processus.
Autant que je sache, les traités devaient rassembler deux parties, l'une représentant les Indiens, l'autre, la Reine. La Reine a fourni une liste de promesses, offrant même la bienveillance de Sa Majesté, à laquelle nous n'avons encore jamais eu recours. Ces promesses se sont traduites par des services en matière d'éducation, de soins de santé et de développement économique.
Les peuples indiens ont convenu de partager le vaste territoire reconnu comme le leur en vertu des lois du pays. Ma grand-mère était présente lors de la signature du traité no 8 et elle se rappelle clairement que les colons étaient autorisés à exploiter la terre selon les pratiques de l'époque. Le soc de la charrue à ce moment-là n'était pas plus long que l'espace qui sépare le bout du doigt du poignet, si bien qu'aujourd'hui tout cultivateur dont le soc est plus long viole le traité et ne se contente pas de labourer la terre. Il n'y a pas eu de discussion au sujet du sens caché de ces traités. Seul le texte écrit l'a révélé après la conclusion des ententes orales.
¿ (0915)
Les peuples d'origine ont donc accepté de partager les terres et également de respecter les lois de la Reine et d'être de bons citoyens. C'est essentiellement l'accord qui a été conclu. Il n'était pas question d'abandonner notre culture, notre langue, notre spiritualité, notre relation avec la terre. Il n'était pas question d'abandonner notre droit à l'autonomie gouvernementale. À l'étape de la domination, du colonialisme, des relations étranges se sont développées entre les signataires de ces traités, que la Cour suprême définit constamment comme représentant les lois du pays.
La quatrième étape dont parle la Commission royale est celle de la réconciliation, des efforts conjoints au bénéfice de tous. C'est cette étape que nous voudrions vivre dans les faits.
Le président: Permettez-moi de vous dire que avez épuisé un tiers de votre temps de parole; ce n'est pas un problème, mais j'espère que vous nous donnerez le temps de poser des questions et que vous parlerez aussi du projet de loi C-7, puisque c'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Tout ce que vous dites est très intéressant et c'est à vous de décider de la suite.
M. George Calliou: Malheureusement, le fait est que tout est relié au projet de loi C-7. Si le comité permanent fait du découpage et se limite uniquement à ce que contient chaque page du projet de loi, je dirais alors qu'il ne répond pas entièrement aux préoccupations des peuples des Premières nations. Je vous remercie de vos observations, monsieur, mais comme je l'ai dit avant de commencer, il ne faut pas oublier la dimension spirituelle du processus, ainsi que la dimension historique. Nous parlons ici de notre identité et je souhaite que l'on se rende compte du caractère global de cette mesure législative. J'espère, bien sûr, que le comité permanent jouera un rôle clé afin que la quatrième étape, celle de la réconciliation et de la réédification, soit la plus importante à vos yeux en ce qui a trait aux peuples autochtones du Canada.
La mesure législative que vous appelez projet de loi C-7 a de très grandes incidences sur tout un ensemble de domaines visant les Premières nations. L'Athabasca Tribal Council respecte les efforts, respecte le gouvernement du Canada et respecte le travail de votre comité. L'Athabasca Tribal Council est actuellement un partenaire efficace de l'industrie et du gouvernement du Canada dans le domaine économique. C'est un pas vers la réconciliation, vers la recréation de notre réalité.
L'Athabasca Tribal Council et ses nations membres respectent également les exigences administratives, notamment en matière des nombreux rapports à présenter. Comme l'a récemment indiqué la vérificatrice générale, les peuples des Premières nations doivent présenter jusqu'à 168 rapports, ce qui prend beaucoup de temps. Même s'il faut clarifier et préciser les choses dans le domaine du gouvernement et dans ce que l'on appelle l'obligation de rendre compte—et dans ce contexte, l'obligation de rendre compte est malheureusement étroite—j'aimerais encourager le comité à élargir cette obligation de rendre compte afin d'englober la réalité spirituelle des traités, leur caractère sacré, ainsi que les paramètres constitutionnels et juridiques de ces traités et des relations entretenues avec les peuples des Premières nations.
¿ (0920)
Alors que nous avons aussi certainement besoin de certitude et de clarté dans notre réalité administrative, nous croyons que le projet de loi C-7 répond en partie à certains de ces besoins, mais l'absence de vraie gouvernance nous inquiète. La vraie gouvernance est un processus qui n'est pas nécessairement de nature administrative uniquement, mais qui vise l'édification d'une nation. C'est l'une des recommandations clefs de la Commission royale sur les peuples autochtones.
C'est également un élément clef de la réponse du gouvernement fédéral donnée dans «Rassembler nos forces.» Cette gouvernance découlera de l'édification délibérée et respectueuse de la nation, permettant ainsi de concrétiser la relation de nation à nation, comme le reconnaissent les lois du pays. Le projet de loi C-7 ne répond pas à cette préoccupation de manière réelle et significative et nous tenons à exprimer notre inquiétude à cet égard. Tout en reconnaissant sans aucun doute la nécessité relative à l'obligation de rendre compte, nous prétendons également que cette obligation de rendre compte ne s'inscrit pas uniquement dans une perspective culturelle, mais aussi dans une perspective de partenariat authentique.
Nous nous inquiétons également du fait qu'il y ait des incidences sur la réalité actuelle. Par exemple, la Loi sur les Indiens —et par conséquent les Indiens—serait subsumée sous une autre mesure législative, sans recherche et étude approfondies. Nous ne sommes pas en désaccord avec l'esprit de la Loi canadienne sur les droits de la personne, mais le fait de lier de façon arbitraire la Loi sur les Indiens et de subsumer celle-ci sous la Loi canadienne sur les droits de la personne provoquerait des incertitudes à propos du véritable esprit et du sens initial du traité. Le projet de loi C-7 ne reflète pas comme il le faut l'esprit et le sens de ces traités.
Bien sûr, comme je l'ai indiqué, l'Athabasca Tribal Council et les Premières nations qui en sont membres souhaitent rester partenaires du gouvernement du Canada et d'autres entités afin de créer une société juste pour nos peuples et de parvenir à une relation juste avec nos partenaires sur cette terre que nous appelons avec fierté le Canada.
Merci beaucoup.
¿ (0925)
Le président: Merci beaucoup. Il nous reste 20 minutes, si bien que nous allons commencer par une ronde de cinq minutes. Monsieur Vellacott, c'est à vous.
M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Merci beaucoup d'être ici, monsieur Caillou.
Spontanément, la question que j'aimerais poser se rapporte aux observations que vous avez faites à la toute fin de votre exposé. Je suis intrigué et j'aimerais comprendre ce que vous dites. Vous sous-entendez que la Loi canadienne sur les droits de la personne fragilise en quelque sorte... Je ne sais pas si vous vouliez parler des traités ou de la relation des Premières nations avec le Canada. Pourriez-vous préciser? Pourquoi, selon vous, le fait d'appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne aurait nécessairement un tel résultat?
M. George Calliou: Ce n'est pas l'applicabilité de l'esprit de la Loi canadienne sur les droits de la personne, c'est le fait que l'on subsume, arbitrairement, sous une autre loi...
M. Maurice Vellacott: Que voulez-vous dire par arbitrairement? Pensez-vous que certains usages des Premières nations seraient interdits?
M. George Calliou: Non, je parle du principe, pas tant des détails.
M. Maurice Vellacott: Pourriez-vous développer? Lorsque vous dites que c'est le principe, le fait que vous soyez sous... vous voulez une loi sur les droits de la personne spécifique aux Premières nations, est-ce...
M. George Calliou: Non, ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que ce serait une décision arbitraire si je disais que tel parti politique A n'existe plus, mais qu'il ne constitue plus maintenant qu'un chapitre du parti politique B. Il s'agit d'un principe général auquel, je pense, aucun parti politique actuel n'adhérerait. Tous les partis s'opposeraient vigoureusement au fait que ces gens conservent leur indépendance comme parti politique.
Alors, je parle du principe que la Loi sur les Indiens, aussi périmée et aussi paternaliste qu'elle soit, serait arbitrairement subsumée—et mes observations sont fondées sur la déclaration de M. Nault que la Loi sur les Indiens serait arbitrairement subsumée en vertu de la législation canadienne sur les droits de la personne. Plutôt que de permettre aux peuples des Premières nations et aux gouvernements des Premières nations d'en arriver à une décision par consentement mutuel et après consultation significative, on leur dit que d'autres lois du Canada viendraient faire partie intégrante de toute nouvelle structure de gouvernance que les peuples des Premières nations décideraient d'adopter.
¿ (0930)
Le président: Monsieur Vellacott, avez-vous une autre question? Vous avez deux minutes.
M. Maurice Vellacott: Je pense que ce n'est pas clair dans mon esprit. Aux fins du compte rendu, j'ai des amis qui appartiennent aux Premières nations et avec qui j'ai discuté. Par le mot «nation», ils ne sous-entendent pas une armée, ils ne sous-entendent pas une monnaie, ils ne sous-entendent pas une politique en matière de commerce international, du moins, si j'ai bien compris ce qu'ils m'ont dit. Cependant, je pense qu'il règne parfois de la confusion dans l'esprit du public canadien à cet égard, parce que lorsque vous dites «nation», le public pense à un État moderne avec sa devise, son armée, sa politique de commerce international et tout cela.
Est-ce ce que vous voulez dire? Nous parlons de bandes qui regroupent quelques centaines de personnes. On nous a dit la semaine dernière que certaines bandes ne comptent que quelques douzaines de membres. Nous ne parlons certainement pas ici de monnaie, d'armée, de politique en matière de commerce international et de toutes ces autres choses, n'est-ce pas? Ce que je dis, c'est que cela jette de la confusion dans l'esprit du public.
M. George Calliou: C'est la confusion malheureuse qui a été créée par beaucoup de gens dans l'esprit des Canadiens en général. Et c'est pourquoi beaucoup de Canadiens s'opposent au concept de gouvernance des Premières nations.
Je pense que le concept de nation doit être défini par les Premières nations au fur et à mesure qu'elles évoluent à l'intérieur de leur relation actuelle avec le Canada. La relation actuelle est largement administrative et paternaliste. En grande partie à cause de Loi sur les Indiens, il s'agit d'une relation administrative et nous avons besoin de renouer avec la relation initiale du traité entre deux parties.
La relation devrait être fondée sur les traités parce que les traités fixent des paramètres qui balisent ces relations. Il est certain que la question d'une monnaie ne susciterait pas un long débat, parce que dans le contexte actuel du Canada et de la devise canadienne, je ne pense pas qu'une Première nation peu nombreuse veuille s'aventurer sur ce terrain.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Monsieur Loubier, vous avez cinq minutes.
M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.
Pour répondre à M. Vellacott et pour faire écho à l'exposé de Monsieur Calliou présenté dans un contexte de modernité des rapports entre nations souveraines, en l'occurence sa nation et la nôtre, je dirai que les nations d'aujourd'hui se définissent très peu en rapport avec une monnaie, une politique commerciale ou même une politique extérieure.
Regardez ce qui se passe en Europe. Il y a 15 pays, soit 15 nations réellement souveraines qui n'ont plus de monnaie nationale depuis quelque temps déjà et qui ont mis en commun, là où il le fallait, la monnaie et la politique monétaire. On ajoutera bientôt à cela la politique extérieure. Ainsi, l'Europe se construit par des nations modernes et un ensemble commun qu'on a voulu adopter.
Pour ma part, je comprends les ambitions des nations autochtones à notre égard. Il s'agit ici d'établir un rapport d'égal à égal tout en mettant en commun certaines choses. On a beaucoup à mettre en commun.
Cela étant dit, j'aimerais demander à Monsieur Calliou si le Conseil tribal d'Athabasca a été consulté par le ministre des Affaires indiennes. Ce dernier dit à qui veut l'entendre que le projet de loi C-7 a l'approbation d'une grande majorité des premières nations au Canada, qu'il a assisté à 400 réunions avec les premières nations, qu'on lui a donné des indications sur l'orientation qui devait être prise pour assurer une meilleure gouvernance des premières nations et que normalement, on devrait en arriver à un accord, même si l'Assemblée des Premières Nations n'était pas d'accord avec le projet.
Qu'est-ce que vous pensez des prétentions du ministre?
¿ (0935)
[Traduction]
M. George Calliou: Je n'ai pas de données scientifiques étayant l'appui que le ministre dit avoir reçu. Je ne peux répondre que d'une manière générale et dire qu'un assez grand nombre de membres des Premières nations ont compris, de manière générale, que le ministère a entrepris un processus de consultation et que de nombreuses Premières nations ont eu des doutes quant au sens véritable de cette consultation.
Beaucoup de réponses au processus de consultation entrepris par le ministère ont été obtenues par le biais de l'Internet et d'un numéro 1-800, et il est certain qu'il y a eu une consultation auprès des Premières nations individuelles partout au pays. Cependant, je n'ai pas de données empiriques pour répondre vraiment à votre question en ce qui concerne le nombre de consultations de personne à personne qui ont eu lieu. C'est la seule réponse que je peux donner à votre question.
Sur la question de la monnaie, je suis d'accord pour dire qu'une monnaie commune comme l'euro est un exemple de ce que pourrait vouloir faire les Premières nations. Historiquement, avant l'arrivée des étrangers sur notre terre, notre monnaie était universelle et elle était notre relation avec notre mère, la Terre, et les diverses réalités environnementales du Canada lui-même. Nous avons utilisé différentes monnaies d'échange, comme la fourrure de castor, les peaux de bison et même les chevaux, après leur arrivée. Alors le concept de monnaie dans ce contexte existe.
Si nous voulons dévier dans une discussion sur une monnaie commune, il nous faudrait probablement trouver une façon de marier cette monnaie commune traditionnelle avec la monnaie canadienne et tenir compte des monnaies modernes, tel l'euro, mais cela nous éloignerait certainement de l'importance de l'autonomie gouvernementale, de l'importance de la nation et de l'importance de créer une structure de gouvernance réelle pour les peuples des Premières nations. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de dévier dans des discussions au sujet d'une armée ou d'une monnaie. Nous devons plutôt discuter des intentions véritables du traité au moment où il a été conclu.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Dromisky, vous avez cinq minutes.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai bien aimé votre exposé et votre point de vue quelque peu philosophique. Je pense qu'en ce sens, c'était plus important qu'une discussion du principe réel, du projet de loi lui-même. Vous m'avez donné une leçon d'histoire, de philosophie, de religion, etc., tout cela en même temps.
À la toute fin de votre exposé, vous avez parlé d'une société juste pour votre peuple. J'ai des liens avec des gens des Premières nations depuis 1959. J'ai eu des liens très étroits pendant un très grand nombre d'années avec un très grand nombre de personnes sur de nombreuses réserves. J'ai dormi, j'ai bu, j'ai fait toutes sortes de choses avec ces gens et tout ce que je peux vous dire, c'est qu'un grand nombre de peuples des Premières nations ont commis de nombreuses injustices à l'égard des leurs. Ce ne sont pas des gens qui recherchent la justice pour leur peuple, mais qui cherchent à s'enrichir eux-mêmes, qu'il s'agisse de pouvoir, d'argent, de prestige, ou d'autres types d'avantages qu'ils peuvent retirer de leur relation avec ce conseil ou au sein de cette organisation, que ce soit de manière générale, à titre de président de comité ou quoi que ce soit d'autre.
Ce que j'essaie de dire, c'est que ce projet de loin a servi de stimulus. Le fait est que, pendant de nombreuses années, il y a eu de nombreuses injustices que l'on ne pouvait corriger à l'aide de quelque partie que ce soit de la Loi sur les Indiens ou de toute autre loi que nous avons. Cela nous a amenés au genre de choses dont nous traitons à l'heure actuelle, à savoir le projet de loi qui est devant la Chambre à l'heure actuelle.
Vous parlez d'injustice pour votre peuple. Qu'y a-t-il dans la loi qui empêcherait que justice soit faite pour votre peuple? J'y vois plutôt le contraire. Je vois ce projet de loi comme un véhicule, comme un instrument qui apportera la justice, laquelle ne peut s'exercer à l'heure actuelle.
¿ (0940)
M. George Calliou: Voulez-vous m'accorder cinq minutes pour répondre?
Le président: Je vous accorde trois minutes et demie.
M. George Calliou: Premièrement, au sujet de l'injustice dont vous avez parlée du temps de vos soûleries avec les gens des Premières nations, l'avez-vous vue avec des yeux sobres ou avec des yeux ivres?
Quant à la notion d'injustice que vous avez décrite, il s'agit des conséquences de l'oppression culturelle. Elle est l'expression de ce que certains appellent la violence latérale, dans laquelle les gens réagissent négativement les uns envers les autres plutôt que de réagir négativement face à l'oppresseur. Lorsque vous privez les pères et les mères de leurs responsabilités en leur enlevant leurs enfants, le résultat final, ce sont des familles dysfonctionnelles. Nous avons fini par avoir des familles dysfonctionnelles parce que, pendant plusieurs générations, les enfants ont été enlevés à leurs parents, et on peut aussi parler dans ce cas des répercussions négatives des internats, par exemple. Alors, c'est de là que viennent ce que vous avez appelé des injustices.
Je ne nie pas le contexte social auquel font allusion vos observations. La justice dont je parle n'est pas ce... dans mes observations, j'ai clairement fait allusion au fait que le projet de loi auquel vous vous intéressez est exactement cela: une législation et une politique administratives. Il ne traite pas de la gouvernance dans sa totalité, telle que la voient les Premières nations. La justice dont je parle, c'est la justice en termes de relation, de l'intention et de l'esprit véritables de cette relation et de l'intention et de l'esprit véritables des traités. C'est de cette justice-là dont je parle.
Certainement, l'intention de la loi sur la gouvernance est de fournir certains paramètres, approuvés par le ministre et par le Parlement, pour permettre aux peuples des Premières nations de résoudre les problèmes de direction, pour résoudre les problèmes d'administration et pour résoudre les problèmes de responsabilisation. Ce sont des processus techniques, ce sont des processus administratifs par opposition à la relation réelle des peuples des Premières nations avec le Canada et à l'expression de l'intention et de l'esprit véritables de la relation balisée par les traités. C'est l'injustice dont je parle.
Le président: Merci beaucoup. Il reste trois minutes et elles sont à votre disposition pour vos observations finales.
M. George Calliou: Merci beaucoup.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, il n'était pas prévu que je prenne la parole. Le Chef Jim Boucher devait donner l'exposé, et passer en revue les détails de la Loi sur la gouvernance des Premières nations, élément par élément, n'était pas mon intention. Par conséquent, comme vous l'avez si bien dit, c'est le mot philosophique qui qualifie le mieux mes propos. Il est à espérer que vous n'êtes pas guidé par votre connaissance philosophique. J'espère que tous les membres du comité auront un respect véritable pour les éléments spirituels qui sont absents dans ce projet de loi, et dans toutes les relations actuelles entre le gouvernement du Canada et les peuples des Premières nations. Il y a une réalité spirituelle dans tous les traités, et certains d'entre nous doivent le comprendre véritablement avant que nous puissions en arriver à un partenariat véritable, constructif.
Je vous souhaite bonne chance pour la suite de votre voyage et je prie pour votre sécurité, pour vos familles et pour vos enfants et, dans le cas de certains d'entre vous, pour vos petits-enfants. Merci beaucoup.
¿ (0945)
Le président: Nous vous remercions beaucoup. C'est un excellent exposé.
Certaines des questions importantes que vous avez soulevées méritent certainement qu'on leur trouve une solution, méritent qu'il y ait entente, confiance et tout le reste. Le problème que nous avons, c'est que tout le monde est d'accord pour dire que la Loi sur les Indiens, n'est pas le bon instrument. Ce n'est pas une loi, ce n'est pas un texte de loi qui est utile pour résoudre les véritables problèmes, mais ce qui est ici, c'est un texte de loi. Nous tentons de moderniser une partie de cette loi, mais nous n'avons pas la prétention de dire que nous allons résoudre les autres problèmes en attente d'une solution. C'est simplement que nous ne croyons pas qu'il s'agisse de l'instrument pour le faire. Alors, vos observations nous seront très utiles et nous vous remercions beaucoup de votre exposé.
J'ai remarqué que vous avez énuméré tous les gens pour lesquels vous allez prier, et à la fin, vous m'avez regardé et vous avez dit: «et les petits-enfants». Je suppose que vous avez vu que j'étais assez vieux pour en avoir. Merci beaucoup.
La parole est à quiconque désire faire une observation d'une durée de deux minutes. M. Ken Janke a demandé la parole.
M. Ken Janke (À titre individuel): J'étais propriétaire de Janke Excavating là-bas avant que vous enleviez...
Le président: Merci. Nous avons parlé avant la réunion. Nous vous invitons à mettre au compte rendu la partie de la discussion que nous avons eue au sujet de vos démêlés avec une communauté des Premières nations et comment, à votre avis, vous avez fini par être une victime. Cette élément pourrait avoir un lien avec le projet de loi C-7. Pour ce qui est des autres problèmes que vous avez, comme nous vous l'avons promis, les députés vous rencontrerons après la réunion, officieusement, parce que nous avons suivi cette règle toute la semaine. Nous n'ajoutons pas de personnes en chemin, alors c'est la solution que nous avons trouvée pour traiter de votre problème.
Vous avez maintenant deux minutes pour parler, surtout des transactions commerciales.
M. Ken Janke: J'ai été élevé dans l'Ouest et j'ai passé à travers la Grande Dépression en Saskatchewan, alors, je sais ce que c'est que d'être archipauvre. Sur la question de l'autonomie gouvernementale, je crois que c'est la même que lorsque j'ai quitté la maison. J'ai pris un sac à dos, j'ai gagné ma vie, j'ai fait ma marque dans la vie, et maintenant que je deviens vieux, on me l'a enlevée.
J'ai des documents confidentiels ici qui montrent que les Indiens ont reçu 5,4 millions de dollars en prêt non recouvrables pour les Autochtones de notre gouvernement—prêts que nous n'avons jamais reçus. Un bon nombre des mêmes bandes, entreprises ou personnes ont reçu plusieurs prêts qui ont été radiés. L'argent est allé à plusieurs bandes du sud de l'Alberta pour soutenir leurs activités économiques, y compris les bandes indiennes de Stoney, de Sarcee, des Pieds-Noirs et des Blood, qui ont déjà été prospères. Quelques bandes du nord de l'Alberta, qui ont reçu des millions de dollars liés au pétrole et au gaz, ont également reçu de l'argent. Parmi les individus qui ont reçu des paiements figuraient des chefs et des conseillers bien payés, ainsi que des membres des bandes. Nous n'avons jamais reçu cet argent pour aller en affaires. Nous n'avons jamais reçu d'argent de qui que ce soit. Nous pratiquions l'autonomie gouvernementale et nous avons fait notre propre argent. Nous n'avons même pas emprunté. Nous avons gagné notre argent au fil des ans et bâti une entreprise. On m'a retiré la mienne, et je n'en suis pas très heureux.
¿ (0950)
Le président: Monsieur Janke, il vous reste 30 secondes pour nous dire comment votre entreprise vous a été retirée. Je pense qu'il est important que cela figure dans le compte rendu. À deux minutes, nous devrons vous couper la parole.
M. Ken Janke: J'ai loué une terre de la Couronne et je l'ai travaillée pendant 18 ans. J'ai obtenu des permis pour tout ce que j'ai fait. Il n'y a pas eu de publicité ni rien et on a vendu la terre sur laquelle j'étais installé. Ils ont saisi mes immeubles et tout, même si j'avais des permis pour tout.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Janke. Les députés vont maintenant vous rencontrer officieusement, tout de suite.
Quelqu'un d'autre désire-t-il faire un exposé de deux minutes? Non?
La séance est suspendue jusqu'à notre prochain arrêt, à Slave Lake, à quinze heures.