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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 décembre 1999

• 1542

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous. C'est la dernière séance que nous tenons avant que le comité rédige son rapport et fasse des recommandations au ministre des Finances. Nous allons donc discuter avec vous de certaines des idées que nous avons recueillies au cours de nos déplacements dans tout le pays, et naturellement nous vous demanderons quel type de recommandations vous aimeriez faire concernant le budget de l'an 2000.

Cet après-midi, nous avons le plaisir d'accueillir les témoins suivants: David Rosenberg, vice-président et économiste principal, Nesbitt Burns; M. Pierre Fortin, Département des sciences économiques, Université du Québec à Montréal; M. David Laidler, Département des sciences économiques, University of Western Ontario; Jim Stanford, économiste, TCA Canada; John McCallum, vice-président principal et économiste principal, Banque royale du Canada; Joshua Meldensohn, vice-président et économiste principal, Banque canadienne impériale de commerce; Tim O'Neill, vice-président exécutif et économiste principal, Banque de Montréal; William Robson, analyste de politique principal, C.D. Howe Institute; Andrew Jackson, économiste principal, Congrès du travail du Canada; Marc Van Audenrode, professeur, président, Département des sciences économiques, Université Laval.

Nous attendons encore deux ou trois témoins, mais nous allons quand même commencer la séance.

Un bon nombre d'entre vous avez déjà comparu au Comité des finances. Vous connaissez la formule. Vous avez de 7 à 10 minutes pour faire une déclaration, puis nous vous poserons des questions.

Commençons par M. David Rosenberg. Soyez le bienvenu.

M. David Rosenberg (vice-président et économiste principal, Nesbitt Burns): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais poser une question aux membres du parti gouvernemental. Pourquoi faudrait-il absolument affecter 50 p. 100 de ce qu'on appelle le dividende budgétaire à de nouvelles dépenses et le reste à des réductions d'impôt et à la réduction de la dette, et pourquoi devrions-nous nous sentir tenus de répartir le gâteau fiscal d'une façon aussi prédéterminée comme si la politique financière était établie d'avance?

La politique financière, à mon avis, suppose toujours des choix difficiles quant à ce qu'il y a lieu de faire concernant des programmes qui ne sont plus utiles, les nouvelles initiatives de dépenses qu'il faut engager pour assurer le bien public, et la façon dont le régime fiscal peut être modifié pour réaliser au mieux notre potentiel économique et hausser notre niveau de vie.

J'aimerais revenir un instant au budget de l'année dernière. Bien que le gouvernement ait réagi au sondage qui révélait que les soins de santé étaient la priorité des Canadiens, de nouvelles dépenses de près de 4 milliards de dollars ont été prévues pour les quatre années suivantes en vue de «renforcer l'économie». Parallèlement à cela, le dégrèvement fiscal qui permettrait d'atteindre cet objectif qui était convenu dans le budget de l'année dernière était minime, c'est le moins qu'on puisse dire, et ne représentait qu'une fraction négligeable de 0,2 p. 100 du PIB pour cette année, de sorte que les taux marginaux d'imposition supérieurs pour les particuliers sont demeurés à un niveau encore très élevé, soit juste en deçà de 50 p. 100, selon les provinces.

• 1545

Ainsi donc, si le budget de 1999 a été celui de la santé, celui de 1998, celui de l'éducation, et celui de 1997 celui des prestations pour enfants, celui que nous verrons en février devrait, espérons-nous, être appelé le budget du dégrèvement fiscal et viser, pour une fois, à renforcer le revenu des familles et à renforcer la confiance qu'on peut avoir dans une économie qui est restée trop longtemps à la traîne des États-Unis.

Les parlementaires devraient être conscients du fait que les futurs historiens qui se pencheront sur notre évolution économique relèveront que le revenu disponible réel par habitat a diminué de près de 5 p. 100 dans les années 90—sort qu'ont connu peu d'autres pays industrialisés, et que cette décennie était sans précédent dans l'histoire du Canada. Compte tenu de l'inflation, de la croissance démographique et du régime fiscal, le revenu des particuliers n'est pas plus élevé aujourd'hui qu'il ne l'était en 1988, et c'est là une donnée statistique troublante.

Par conséquent, j'insisterais fortement pour vous dire qu'à compter de maintenant, chaque dollar de ce qu'on appelle le dividende budgétaire devrait servir à renforcer le revenu de tous les ménages, et qu'après cette décennie de stagnation de la croissance du revenu, cela devrait être la priorité du gouvernement.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Rosenberg.

Nous donnons maintenant la parole à M. Pierre Fortin. Soyez le bienvenu.

M. Pierre Fortin (professeur, École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, aujourd'hui j'évoquerai essentiellement trois sujets: premièrement, le contexte économique prospectif dans lequel la politique financière devrait vraisemblablement se déployer au cours des cinq prochaines années; deuxièmement, la répartition générale du surplus entre la diminution de la dette, la réduction des impôts et les augmentations de dépenses, et troisièmement, la contribution potentielle de la politique financière à l'accélération de la productivité.

Les projections financières et économiques de base de la mise à jour économique et financière sont tout à fait raisonnables, y compris la mise de côté d'une réserve économique supplémentaire. Ce qui déterminera la réalisation de ces hypothèses économiques, ce sera l'arrivée ou non d'un ralentissement économique au cours de la période de planification.

À cet égard, j'aimerais faire remarquer au comité que, dans le domaine de l'analyse scientifique des cycles économiques, aucune règle ne permet de prévoir la durée maximale d'une expansion. Toutefois, il existe un fait majeur, qui concerne toutes les récessions survenues dans les 50 dernières années de l'histoire macro-économique de l'Amérique du Nord: sans exception, toutes les crises majeures (1960, 1975 et 1982 aux États-Unis, et 1960, 1982 et 1991 au Canada) ont été mises en branle par nos banques centrales pour réduire l'inflation.

À l'heure actuelle, il n'existe pas d'inflation élevée à combattre ni aux États-Unis ni au Canada. Toutefois, une hausse subite liée à une éventuelle explosion des prix mondiaux des marchandises n'est pas exclue, quoique très improbable avant 2005.

Par conséquent, la pire situation à laquelle nous pourrions devoir faire face proviendrait des éventuelles mesures que prendraient les banques centrales des États-Unis et/ou du Canada, non pas vraiment pour réduire l'inflation, mais pour l'empêcher d'augmenter. Il pourrait en résulter une courte pause dans la croissance économique, mais rien qui ressemble aux graves reculs que nous avons connus en 1990-1993.

Donc, vous pouvez me ranger dans le groupe O, le groupe des optimistes, en ce qui concerne les perspectives économiques pour les cinq prochaines années. À mon sens, il est très probable que le scénario moyen présenté dans la Mise à jour se réalisera comme prévu et que la réserve d'urgence et la réserve économique ne seront pas nécessaires. Elles pourront donc permettre de réduire la dette.

Dans l'immédiat ou presque, l'événement qui pourrait assombrir la situation économique serait que la Banque du Canada augmente prématurément ses taux d'intérêt à court terme. Personne ne sait avec certitude quel est le taux de chômage le plus faible que puisse soutenir l'économie sans inflation. C'est peut-être 7 p. 100, mais ce pourrait aussi être 6 ou 5,5 p. 100. La Banque semble penser que le taux actuel de 7,2 p. 100 est sans doute proche du point critique (inconnu) à partir duquel il faut rehausser les taux d'intérêt.

Le risque est gros que la Banque se trompe. Jusqu'à il y a deux ans, elle croyait que le taux de chômage ne pouvait pas tomber au-dessous de 8,5 p. 100 au Canada sans engendrer une inflation permanente. Elle avait tort à ce moment-là, et elle pourrait bien se tromper encore, alors qu'elle estime que le taux de chômage ne peut descendre au-dessous de 7 p. 100 sans déclencher l'inflation.

• 1550

Comme l'a montré l'expérience américaine au cours de la présente décennie, la clé d'une bonne politique monétaire consiste à poursuivre les essais et à laisser descendre le chômage tant qu'on n'a pas la preuve ferme que l'inflation menace réellement de nouveau. L'attaque préventive n'est pas souhaitable, car cela équivaut à lutter contre l'inflation avant même qu'elle n'arrive, en prenant le risque de maintenir le niveau de chômage plus haut que nécessaire. Nous devrions aussi nous rappeler qu'une baisse du taux de chômage de un point équivaut à 225 000 emplois de plus au Canada et à une production additionnelle de quelque 20 milliards de dollars.

Quelle devrait être la règle d'or du partage entre la diminution de la dette, la réduction des impôts et l'augmentation des dépenses? À mon avis, la Mise à jour offre un bon cadre de réflexion à ce propos. Comme l'ont dit beaucoup d'observateurs, les finances fédérales sont encore dans une situation de fragilité. Si les taux d'intérêt augmentaient de façon persistante de 1 p. 100 sur toute la ligne, le service de la dette, et par conséquent le déficit financier, monterait de 5,7 milliards de dollars. Je pense donc qu'il est sage de continuer de mettre de côté une réserve d'urgence, augmentée d'un facteur de prudence économique supplémentaire, et de l'utiliser pour réduire la dette si elle n'a pas été nécessaire au cours de l'exercice financier.

Toutefois, je ne crois pas que le gouvernement devrait pousser plus loin et ajouter des versements supplémentaires pour rembourser la dette. À trois points de pourcentage par année, le rythme actuel de la réduction du ratio de la dette au PIB est très respectable, il est bien compris par le public et il permet au gouvernement d'accorder une certaine attention aux autres besoins pressants situés de l'autre côté de l'équation budgétaire, celui des impôts et des dépenses.

Comment donc, pour les besoins de la planification, faudrait-il répartir l'excédent financier entre les réductions d'impôt et les augmentations de dépense? À mon avis, la réponse du premier ministre est la bonne: il faut faire un partage 50-50. Cela signifie que les dépenses de programmes augmenteront selon un pourcentage très voisin de celui du PIB en dollars courants, de sorte que le poids relatif du gouvernement fédéral dans l'ensemble de l'économie canadienne, qui récemment était tombé à son niveau d'il y a 50 ans (voir la page 86 de la Mise à jour) serait pour l'essentiel maintenu.

À mon avis, augmenter les dépenses de programmes plus rapidement que le PIB nominal encore une fois ne serait pas une bonne idée. Il faut en effet tirer les leçons des affres budgétaires que nous avons connues au cours des deux dernières décennies. En revanche, nous ne serions pas mieux avisés de laisser les dépenses de programmes augmenter plus lentement que le PIB. Je dois reconnaître que ces conseils de ma part se fondent sur des valeurs personnelles. À mon avis, il serait absurde de jeter par-dessus bord le genre de société que nos parents et nos grands-parents ont mis des décennies à construire, une société qui offre un niveau de services publics plus élevé (quoique pas exagérément plus élevé) qu'aux États-Unis, et qui place notre pays au premier rang de l'indice du développement humain des Nations Unies.

J'ajouterais que ma priorité absolue, en ce qui touche aux augmentations de dépenses, serait que le gouvernement rende au secteur de la santé les fonds qu'il lui a retirés en révisant les transferts aux provinces au cours de la dernière décennie. Cela pourrait se faire en augmentant à nouveau les transferts ou en dépensant avec un peu d'imagination davantage d'argent fédéral directement dans le secteur de la santé de manière à soulager les provinces de leur carcan financier actuel.

Mon premier argument réside dans le fait que le secteur de la santé se dégrade de manière scandaleuse de jour en jour et qu'il faut faire quelque chose rapidement. À l'heure actuelle, ce n'est pas le moment pour le Canada de commencer à dépenser à gauche et à droite, mais bien d'améliorer les modalités de ce qui se fait déjà.

Donc, si l'on admet les hypothèses économiques financières de la Mise à jour et un partage à 50-50 (mon option privilégiée) entre la réduction des impôts et les augmentations de dépenses, il sera possible d'offrir entre 12 et 15 milliards de dollars d'allégements fiscaux aux Canadiens d'ici à 2004-2005. Plusieurs raisons majeures, politiques et économiques, militent en faveur de cet allégement fiscal. Les enjeux en sont la crédibilité fondamentale de nos institutions démocratiques et la compétitivité internationale de notre secteur privé. La nécessité d'un allégement fiscal n'est nulle part plus évidente que dans le domaine des impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés.

À mon avis, le gouvernement devrait profiter des réductions fiscales prévues pour réviser la structure de la fiscalité, de manière à stimuler la croissance de la productivité, qui a pris un sérieux retard dans notre pays au cours des 20 dernières années. Le grand avantage de la réduction des impôts réside dans le fait qu'elle rend possible la modification de la structure fiscale sans que personne n'y perde. C'est peut-être l'occasion du siècle qui se présente à nous.

La politique financière ne peut pas tout faire en matière de productivité, mais elle peut y aider grandement en encourageant l'épargne et l'investissement. Il y a de nombreux moyens de générer davantage d'épargne au Canada. L'un des plus efficaces consiste à exonérer toutes les épargnes d'impôt personnel, faisant ainsi de l'impôt sur le revenu personnel un impôt sur la consommation. À cet égard, deux plans ont été proposés: l'impôt uniforme, prôné au Canada par M. Dennis Mills, et la taxe progressive à la consommation, défendue par les sénateurs Domenici, Nunn et Kerrey aux États-Unis.

• 1555

Selon cette dernière proposition, toute épargne nouvelle serait soustraite de l'assiette fiscale de l'impôt sur le revenu personnel, et toute l'épargne ancienne utilisée et ramenée dans le flot de la consommation deviendrait imposable. À mon avis, le comité et le ministre pourraient s'intéresser au potentiel qu'une telle taxe progressive sur la consommation pourrait avoir en matière de promotion de l'épargne au Canada.

Nous savons également de manière certaine que le Canada accuse un retard marqué à l'égard des États-Unis dans le domaine de l'investissement commercial. Ici, l'outil d'intervention est l'impôt sur le revenu des sociétés. Le taux réel d'imposition sur le capital des entreprises est de 31 p. 100 au Canada, de 22 p. 100 aux États-Unis et de 10 p. 100 en Irlande. Compte tenu de ces données, devinez qui a obtenu le taux le plus élevé et le taux le plus bas d'investissement étranger direct et qui a eu le taux le plus rapide et le taux le plus lent de croissance du revenu par habitant dans le monde industriel au cours de la dernière décennie?

Dans ce contexte, j'estime que les impôts sur le capital des entreprises devraient être réduits considérablement au Canada. C'est le seul point sur lequel je diffère d'opinion avec la mise à jour: à mon avis, dans le domaine de l'impôt sur le capital des entreprises, l'action prévue par le ministère est trop lente et trop faible.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre M. David Laidler du Département des sciences économiques de l'Université Western Ontario.

M. David Laidler (professeur, Département des sciences économiques, Université Western Ontario): Merci, monsieur le président.

Permettez-moi de commencer par la dernière question qu'ont nous a posée: comment pouvons-nous modifier la productivité par la politique économique? Je ne suis pas de ceux qui croient qu'on peut désigner des gagnants et microgérer l'innovation. Il me semble qu'un cadre stable de politique microéconomique et une structure fiscale microéconomique qui ne faussent pas les mesures d'encouragement du secteur privé sont les deux choses que le gouvernement peut fournir pour vraiment soutenir la productivité, si tant est qu'on puisse la soutenir.

Sur le front monétaire, je pense que les choses vont relativement bien pour l'instant. Les objectifs en matière d'inflation donnent de bons résultats. Je dirais qu'au cours des deux ou trois dernières années, ils ont tout au moins contribué à maintenir une politique monétaire d'accommodation, et cela à un juste titre à un moment où de nombreuses personnes demandaient un resserrement de la masse monétaire pour soutenir les taux de change. Les objectifs en matière d'inflation devront être renouvelés en 2001. Il faut en discuter, mais je ne pense pas que ce soit le moment de le faire.

Pour ce qui est de la dimension macro de la politique budgétaire, nous sommes naturellement en assez bonne position, mais je suis de ceux qui pensent que le niveau actuel d'endettement est exagérément élevé, qu'il est ridicule de dépenser 40 milliards de dollars par année pour le service de la dette et que plus vite elle diminuera, mieux cela vaudra. Je considérerais comme tout à fait prioritaire le maintien de la réduction de la dette.

Pour ce qui est de l'aspect microéconomique de la politique budgétaire, permettez-moi de dire deux choses au sujet de la santé et de l'éducation. Je parle en tant que partie prenante. Je pense que ces deux secteurs sont une honte nationale, toutefois je ne suis pas convaincu que la solution au problème des soins de santé et au problème d'éducation tienne à une augmentation des dépenses fédérales à ces chapitres. Ce sont des questions beaucoup plus complexes que cela et il faut en débattre, mais ce n'est pas le moment non plus de le faire ici.

Pour ce qui est de la microstructure du régime fiscal, c'est de la bouillie pour les chats. Je dirais qu'au lieu d'accorder un allégement fiscal au coup par coup, le comité devrait songer à une réforme globale du régime fiscal, afin de supprimer les nombreuses mesures d'encouragement que comporte le régime et qui ont un effet pervers.

Comme vient de le faire remarquer Pierre Fortin, c'est l'occasion ou jamais de faire quelque chose pour corriger la structure fiscale. Comme la réforme fiscale n'a pas à être neutre sur le plan fiscal, nous pouvons cette fois indemniser les perdants.

J'ai dressé une brève liste des choses que j'aimerais voir se réaliser dans une réforme fiscale. Permettez que je vous la présente.

J'ai été très impressionné par le rapport du Comité technique de la fiscalité des entreprises. Comme nous disposons de ce rapport, qui examine le domaine très disproportionné de la fiscalité des entreprises au Canada et qui nous propose déjà un plan pour nous sortir de ce pétrin, ce serait sans doute le bon endroit pour démarrer une réforme fiscale.

• 1600

Quand on modifie la fiscalité des entreprises, il faut examiner l'impôt sur le revenu des particuliers, parce que l'impôt sur les dividendes et sur les gains en capital doit être intégré à la structure de la fiscalité des entreprises.

La deuxième chose que j'examinerais, c'est le rétablissement de la pleine indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers. L'absence de la pleine indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers semble indéfendable sur le plan économique. La seule excuse possible tenait au fait que c'était un bon moyen de contribuer à réduire lentement le déficit. C'est maintenant de l'histoire ancienne. Je considérerais comme prioritaire l'indexation de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Il en serait de même pour la surtaxe de 5 p. 100 sur les revenus élevés. Cette surtaxe visait à réduire le déficit. Je soulignerais que l'impôt sur le revenu n'est pas un impôt sur la richesse, c'est un impôt sur l'enrichissement, et si vous êtes un jeune qui veut s'enrichir, vous allez probablement vous rendre dans un endroit qui ne pratique pas un fort taux d'imposition marginal. Je suis de ceux qui pensent que les forts taux d'imposition marginal peuvent créer un problème d'exode des cerveaux. Cette question me préoccupe, quoique je reconnaisse certainement que cette question de l'exode des cerveaux ne tient pas qu'à la fiscalité.

Je m'en prendrais ensuite à la récupération des mesures de soutien du revenu qui sont intégrées à la structure fiscale pour l'instant. Nous avons une incroyable diversité de taux d'imposition marginaux variables, selon le moment où le crédit d'impôt à la TPS est récupéré, selon le moment où le crédit d'impôt pour enfants est récupéré. Je réduirais la progressivité de ces mesures de récupération pour atténuer l'effet des mesures d'incitation qui se trouvent dans la structure de l'impôt sur le revenu des particuliers. Je ne l'ai pas mentionné dans mon mémoire écrit, mais il existe bien sûr toutes sortes de mesures d'encouragement à effet pervers qui sont liées à la structure des taxes et des avantages qu'accordent les provinces et qui doivent également être examinées.

Enfin, en bon universitaire, je vais aborder deux questions qui ne sont pas très populaires politiquement parlant. Il me semble qu'en ce qui concerne les charges sociales, les recherches universitaires montrent qu'elles ne faussent pas de façon importante l'offre globale de travailleurs. Je ne suis pas particulièrement préoccupé par la situation à cet égard au Canada, sauf en ce qui concerne les très faibles niveau de revenu où ces charges sociales commencent à avoir une incidence sur le salaire minimum et les prestations d'assistance sociale et créent des problèmes pour les personnes qui n'ont pas beaucoup de qualifications.

Je ne suis donc pas en faveur d'un abaissement global du niveau des charges sociales, mais j'aimerais demander qu'on réexamine le système de taux particuliers de l'assurance-emploi afin de corriger certains des problèmes de répartition de la main-d'oeuvre qu'il cause aujourd'hui.

Enfin—je pense que c'est la seule fois qu'on en parlera cet après-midi—, l'assiette de la TPS est assez restreinte et son taux, assez élevé. Il serait possible d'élargir l'assiette fiscale et d'abaisser le taux, et ce serait économiquement souhaitable. Je reconnais que c'est politiquement très difficile, mais je suis un universitaire et il m'a semblé que je devais le dire.

Enfin, si l'on songe à une réforme fiscale plutôt qu'à des réductions d'impôt au petit bonheur, il faudra du temps, de la réflexion et une planification soigneuse. Cela voudra dire qu'il faudra y aller lentement. Étant donné mes préoccupations au sujet du fort degré d'endettement public, je n'aurais aucune objection à ce que nous commencions dès maintenant à planifier en vue d'une véritable réforme fiscale dans deux ou trois ans, à mi-parcours, quand nous aurions vraiment passablement réduit le rapport dette-PIB.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant donner la parole à Jim Stanford.

M. Jim Stanford (économiste, Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile): Merci, monsieur le président.

Merci de m'avoir invité à comparaître. Je suis heureux d'être parmi vous, tout comme le sont tous ceux qui étaient à bord du vol de 13 h d'Air Canada en partance de Toronto. Si nous avions eu un pilote suicidaire, la profession des économistes aurait subi toute une perte. Heureusement, le pilote ne savait pas que je travaillais pour les travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile. Les pilotes d'Air Canada en ont contre nous ces temps-ci, et je me suis donc montré discret.

Quoi qu'il en soit, je présenterai trois éléments au cours de mon exposé, qui se trouve dans le livret vert.

D'abord, je vais vous présenter mon avis des prévisions budgétaires, mon interprétation de la mise à jour financière du ministre des Finances et de la direction qu'elle prend. Je pense que ces projections de l'excédent anticipé et donc de la marge de manoeuvre financière qui permettrait de prendre des initiatives, soit sur le plan fiscal soit du côté des programmes, sont un peu prudentes.

Je me réjouis des efforts qu'il a faits cette année pour étendre l'horizon de planification à cinq ans et intégrer, il me semble, plus de transparence et d'intégrité dans l'exercice de prévision, mais j'ai examiné les chiffres, et même en utilisant les mêmes prévisions sur lesquelles on s'entend en matière d'inflation, de croissance et de taux d'intérêt, j'en arrive à des excédents qui sont plus importants du cinquième environ.

• 1605

Pour ce qui est de l'exercice de planification budgétaire, je me réjouis également des initiatives qu'il a prises cette année, mais je persiste à penser qu'il y a des hypothèses assez prudentes, outre le fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars dans le cadre de cet exercice, qui donne un ton assez modéré. Je pense qu'on dispose d'une plus grande marge de manoeuvre en ce qui concerne les initiatives touchant les programmes et la fiscalité que ne le laisse supposer cette mise à jour. J'en suis arrivé à un excédent potentiel de quelque 12 milliards de dollars au cours de l'année financière que vous examinez, l'exercice de l'an 2000, et à près de 18 milliards de dollars pour l'année d'après.

Pour ce qui est des priorités relatives à l'utilisation de l'excédent potentiel, j'insiste sur la nécessité de renforcer les dépenses de programmes. Ce sont les dépenses de programmes fédéraux qui ont fait les frais de la transition budgétaire au milieu des années 90. C'était une grande erreur—et je pense que la plupart des membres du comité seraient d'accord avec moi sur ce point—de dire, comme le font un bon nombre d'observateurs aujourd'hui, que nous avons épongé le déficit grâce aux impôts. L'augmentation des impôts en tant que proportion du PIB représentait moins de un cinquième de l'écart du bilan fédéral final en tant que proportion du PIB, tandis que les réductions des dépenses de programmes en tant que proportion du PIB représentaient quelque chose comme les deux tiers de l'écart du bilan final.

Les dépenses de programmes fédéraux ont diminué de un cinquième en tant que part du PIB depuis 1994. Ce qui est encore plus préoccupant à mon avis, c'est que ces dépenses continuent de diminuer en tant que proportion du PIB malgré l'amélioration très nette de notre situation budgétaire. Ce qui donne à penser que non seulement nous n'allons pas réparer les dommages subis par l'infrastructure, les programmes publics et les prestations d'aide sociale, nous allons en fait voir le mal se perpétuer.

Pour ce qui est de la question que posait David au début—qu'y a-t-il de si essentiel dans cette formule de partage moitié-moitié?—pour moi, elle n'est essentielle que parce que c'est un élément clé du programme grâce auquel le gouvernement s'est fait élire. Je ne sais pas ce que signifient la démocratie et la responsabilité de nos jours, mais si elles comptent encore pour quelque chose, cette formule de 50-50 devrait vous guider.

Je rappelle les résultats des sept élections provinciales qui ont eu lieu au cours des deux dernières années. On a parlé de réductions d'impôt dans chacune d'entre elles, mais seulement un gouvernement s'est fait élire grâce à une réforme fiscale radicale. Je pense que c'est parce que la majorité des Canadiens reconnaissent la valeur des services publics qu'ils reçoivent. Ils le pensent toujours.

Quant aux deux points que je veux aborder relativement à la priorité de l'augmentation des dépenses de programmes, parmi les éléments que vous devez examiner, je plaiderais en faveur d'un fort investissement dans un programme national public de développement de la petite enfance. C'est une grande priorité pour notre syndicat. Cette année, nous avons toutes les raisons d'être fiers des progrès que nous avons accomplis dans le cadre de nos négociations avec les grands fabricants d'automobiles en ce qui concerne l'accessibilité aux services de garde d'enfants pour nos membres. Nous pensons que le gouvernement a tout à fait les moyens d'offrir un programme national public, y compris un programme de garde d'enfants, et que ce serait important de le faire, non pas simplement pour améliorer les perspectives de ces enfants mais aussi pour maximiser la participation de leurs parents au monde du travail.

Enfin, pour ce qui est des baisses d'impôt, je suis partagé entre le scepticisme et l'inquiétude au sujet de ce que je considère comme des appels de plus en plus exacerbés et souvent extrêmes en faveur de baisses d'impôt, surtout de l'impôt sur le revenu des particuliers, appels émanant de nombreuses entreprises, d'analystes financiers et d'économistes. Je trouve qu'il y a un contraste tout à fait frappant entre les interventions alarmistes du genre «réduisez les impôts tout de suite, sinon notre économie est vouée à la ruine, tous les gens brillants, tous les créateurs de richesse s'en iront et il n'y aura plus aucun encouragement à travailler», et d'autre part, les faits concrets que nous pouvons constater relativement à ce qui se passe vraiment dans notre économie.

Pour la première fois durant les années 90, nous assistons à une croissance économique soutenue et à une hausse de notre niveau de vie, notamment pour les membres de mon syndicat, grâce à la baisse du chômage et à une légère augmentation des revenus. Au moment même où le Canadien ordinaire a enfin le sentiment que les choses s'améliorent, il y a des gens qui s'affolent et crient à tue-tête que le Canada est voué à la ruine à cause de nos impôts.

Absolument rien n'indique que tel est le cas. Les arguments qu'on nous présente sont manifestement creux, pour ne pas dire faux. Je vais vous en donner deux ou trois exemples. Le Financial Post de cette semaine—je suis à l'emploi de ce journal en tant que chroniqueur et je dois donc faire un peu attention à ce que je vais dire—a publié en manchettes un sondage mené auprès des chefs d'entreprise qui réclament une baisse des impôts sur le revenu des particuliers, qui serait d'après eux l'initiative la plus importante. Eh bien, il s'agit là d'un groupe de gens dont le revenu moyen est supérieur à un million de dollars et il ne faut donc pas s'étonner qu'ils jugent prioritaire de réduire l'impôt sur le revenu des particuliers. Ils ont par ailleurs évoqué le besoin de faire concurrence aux millionnaires du marché boursier des États-Unis, aux gains énormes que les employés de certaines compagnies peuvent faire en réalisant leurs options d'achat d'actions dans le secteur technologique, etc.

• 1610

Nous pourrions ramener notre taux d'imposition du revenu des particuliers à zéro au Canada et nous ne pourrions toujours pas faire concurrence aux millionnaires du marché boursier des États-Unis, et je ne vois donc nullement la valeur de cet argument. Si nous commençons à vouloir édifier d'importants programmes de notre économie de façon à ne pas perdre de terrain par rapport à des gens qui gagnent le gros lot dans un marché boursier américain dont la hausse est clairement insoutenable, alors je pense que nous allons commettre de graves erreurs.

Il est tout à fait faux de dire—et les faits le démontrent—que sur le revenu des particuliers a fait baisser le revenu disponible au Canada. L'impôt sur le revenu des particuliers a augmenté légèrement durant les années 90, mais il commence maintenant à baisser. Il a baissé à un taux moyen en 1997 et probablement encore en 1998, comme on pourra le constater quand nous aurons les chiffres.

La baisse du revenu disponible des particuliers au Canada est attribuable presque exclusivement à la baisse du revenu avant impôt au Canada, à cause de notre mauvaise performance macroéconomique et, surtout, en raison de la diminution des paiements de transfert public, qui est une composante importante du revenu des particuliers.

Je préférerais que la totalité du surplus soit réinvestie dans des programmes publics. Je doute que ce soit politiquement possible pour votre gouvernement de faire une telle chose et je considère donc que c'est un pas dans la bonne direction que de s'en tenir à la formule moitié-moitié qui vous a permis de vous faire élire.

Je voudrais maintenant vous présenter le revers de la médaille, si on peut dire, c'est-à-dire le point de vue des Canadiens qui gagnent entre 40 000 $ et 50 000 $ ou moins et pour qui les impôts sur le revenu sont modérés au Canada, beaucoup plus qu'ils ne le sont aux États-Unis, et pour qui la consommation de services publics représente une portion très importante de leur niveau de vie.

Pour ces Canadiens-là, le réinvestissement de l'excédent dans les dépenses de programmes serait la toute première priorité de votre gouvernement. Je pense que c'est justifié à la fois sur le plan éthique et en termes d'efficacité.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Stanford.

Nous entendrons maintenant M. McCallum. Je vous souhaite la bienvenue.

M. John McCallum (premier vice-président et économiste en chef, Banque royale du Canada): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi d'être ici, bien que je ne suis pas sûr de ne pas être dans une position dangereuse, coincé comme je le suis entre ces deux messieurs.

Je pense que le défi fondamental que le Canada devra relever au cours des prochaines années consiste à mettre dans la balance deux objectifs peut-être conflictuels. D'une part, nous souhaitons conserver une identité nationale distincte—une société fondée sur la bonté et la compassion, comme le veut le cliché—et d'autre part, nous devons être compétitifs.

J'espère que Jim ne dira pas que je m'affole comme les gens qu'il a dénoncés, mais je pense que les faits démontrent que la baisse de notre compétitivité nous coûte de plus en plus cher en cette époque de mondialisation. C'est bien beau pour le Canada d'avoir des impôts plus élevés que ceux des États-Unis et ce sera toujours le cas, comme l'exigent notre bonté d'âme et notre compassion, ce à quoi je ne m'oppose d'ailleurs nullement, mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser s'élargir toujours davantage l'écart entre le Canada et les États-Unis sur le plan de l'imposition, et c'est pourtant ce que nous promettent les politiques axées sur le statu quo. C'est pourtant bel et bien ce qui se passe à la fois pour l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt des sociétés. Je pense donc que la baisse des impôts doit être assez prioritaire.

Quelle importance faut-il accorder à la dette par opposition aux dépenses et aux impôts? Je sais que le gouvernement s'est maintenant engagé envers une formule de moitié-moitié, mais si l'on se tourne vers le prochain mandat, cela pourrait changer. Ces temps-ci, on parle de planification sur cinq ans. Je serais en faveur de consacrer à peu près la moitié de l'excédent à la baisse des impôts et le quart à la dette et aux dépenses. Je vais passer brièvement en revue chacun de ces éléments.

Pour la dette, je pense que je ferais ce que le gouvernement s'apprête essentiellement à faire, à savoir de présenter une suite ininterrompue de budgets équilibrés, mais avec d'importantes réserves pour éventualité. Si celles-ci ne sont pas utilisées, qu'elles servent à rembourser la dette. Il me semble qu'en appliquant cette politique, nous obtiendrons un taux raisonnable de réduction de la dette par rapport au PIB.

Du côté des dépenses, je propose d'augmenter les dépenses au rythme d'environ 3,5 p. 100 par année, en supposant une croissance du PIB de 4,5 p. 100. Cela permet une légère augmentation réelle des dépenses par habitant, mais l'augmentation n'est pas aussi rapide que celle du PIB.

J'ai mentionné trois domaines de dépense. Premièrement, il est vrai que notre infrastructure nationale est quelque peu délabrée. Que l'on se tourne vers la Gendarmerie royale, les forces armées, ou notre réseau routier, il faut injecter de l'argent.

Deuxièmement, je consacrerais certainement plus d'argent à ce que l'on pourrait appeler les domaines où les besoins sociaux sont les plus pressants: les sans-abri, les Autochtones, l'aide étrangère, etc.

• 1615

Troisièmement, dans la nouvelle économie, les industries axées sur le savoir sont essentielles. Ce sont des domaines où le Canada a pris du retard par rapport aux États-Unis. J'injecterais donc de l'argent dans la recherche fondamentale et autres dépenses de cette nature. Je veillerais toutefois à ce que l'augmentation des dépenses ne dépasse pas 3,5 p. 100.

Pour ce qui est des impôts, j'insiste d'abord et avant tout sur l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt des sociétés et je vais vous donner trois raisons pour lesquelles il faut accorder une priorité élevée à la baisse de l'impôt sur le revenu des particuliers.

La première, c'est simplement qu'il faut redonner de l'argent aux Canadiens sous forme de revenu disponible, après une décennie noire au cours de laquelle le revenu disponible moyen des ménages a baissé.

Deuxièmement, il y a l'idée voulant qu'il est mauvais d'avoir un taux d'imposition marginal supérieur à 50 p. 100. Cela ne fait que stimuler l'économie souterraine. C'est un facteur de dissuasion. Je suis d'accord qu'il faut se débarrasser de la surtaxe, comme David Laidler l'a dit, mais j'insiste également sur le fait que ce ne sont pas seulement les riches qui sont visés par les taux d'imposition marginaux élevés. Les taux marginaux parmi les plus élevés s'appliquent à ceux qui gagnent entre 25 000 $ et 30 000 $ et qui perdent jusqu'à 70 cents, de chaque dollar supplémentaire qu'ils gagent à cause de la combinaison des impôts et de la réimposition de diverses prestations sociales.

J'accorderais donc une priorité élevée à la réduction de ces taux d'imposition élevés attribuables à l'imposition des programmes sociaux et pour ce faire, j'instaurerais une période beaucoup plus longue et graduelle de réimposition des programmes sociaux en fixant un seuil de revenu plus élevé.

Enfin, et non le moindre, nous faisons triste figure au Canada à cause de notre taux d'imposition du revenu des particuliers extrêmement élevé, en comparaison d'autres pays, notamment mais pas uniquement les États-Unis. Nos impôts sont à peu près 30 p. 100 supérieurs aux leurs.

Il est vrai que l'exode des cerveaux n'est pas gigantesque, mais je pense que ce n'est que la pointe de l'iceberg et que cela pourrait s'aggraver si nous n'agissons pas. Les États-Unis ont un surplus budgétaire tout comme nous, ils ont un congrès républicain et il s'apprête à réduire les impôts. Si nous ne faisons rien, l'écart, comme je l'ai dit tout à l'heure, ne fera que s'aggraver constamment. Je ne pense pas que ce soit soutenable dans un monde où les grandes entreprises américaines sillonnent la planète en quête de talents, dans un monde où la frontière canado-américaine disparaît et dans un monde où l'anti-américanisme parmi les jeunes Canadiens est assurément en train de s'estomper.

Ce n'est donc pas seulement une question d'exode des cerveaux. Je pense que ce péril nous menace si nous faisons du surplace dans un monde où les États-Unis s'apprêtent à réduire les impôts, mais il y a aussi les deux autres raisons que je vous ai données au début en faveur d'une baisse prononcée et généralisée de l'impôt sur le revenu des particuliers. Il faut beaucoup d'argent pour cela, parce que près de la moitié des recettes publiques proviennent de l'impôt sur le revenu des particuliers. Toute réduction sensible des impôts coûtera énormément d'argent.

Enfin, je suis d'accord avec Jack Mintz, qui a paraphrasé Bill Clinton en disant que l'impôt sur les sociétés est stupide si l'idée est d'arriver à une économie canadienne plus prospère et compétitive. Sur le plan de la focalisation de l'activité économique, je soupçonne qu'on en aurait plus pour notre argent en réformant le régime fiscal applicable aux sociétés plutôt qu'en réduisant l'impôt sur le revenu des particuliers. Un autre avantage est que cela coûte beaucoup moins cher. Mintz estime qu'il en coûterait quelque chose comme 2 milliards de dollars pour obtenir une réduction d'un tiers du taux d'imposition des sociétés. Je pense qu'un tel geste entraînerait une très forte augmentation de l'activité économique. Comme Pierre Fortin l'a dit, l'Irlande en est un exemple.

Je pense que je vais m'en tenir là. Je ne veux pas sembler alarmiste, mais si nous faisons de la prospective sur cinq ans, les Américains ne faisant pas de surplace, je pense qu'il y a un élément d'urgence et qu'il faut agir sur les deux fronts: l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt des sociétés. C'est pourquoi j'insisterais un peu plus là-dessus.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur McCallum.

Nous entendrons maintenant M. Mendelsohn.

M. Joshua Mendelsohn (vice-président et économiste en chef, Banque canadienne impériale de commerce): Je vous remercie, monsieur le président, et merci de m'avoir invité à comparaître cet après-midi.

Je vais essayer d'éviter de répéter ce que les autres intervenants ont dit, mais je vais assurément m'opposer à certaines déclarations. C'est un peu regrettable que je prenne la parole après John McCallum, parce que lui et moi sommes à peu près sur la même longueur d'ondes.

Je voudrais faire ressortir deux ou trois éléments. Premièrement, en dépit du fait que moi-même et bien des gens dans cette salle insistent sur la baisse des impôts, nous ne vivons pas dans un monde imaginaire et nous ne croyons nullement que les impôts sont le seul élément qui nuise à l'économie canadienne ou le seul élément susceptible de remédier aux maux de l'économie canadienne. Cela s'insère clairement dans un ensemble plus vaste, mais ce serait aussi faire preuve de mauvaise foi que de nier que la lourde fiscalité du Canada nous nuit. Et cela met en cause de nombreuses questions.

• 1620

Deuxièmement, je m'interroge et me demande pourquoi les dépenses du secteur public sont tellement bénéfiques et sacrées. Ce n'est pas nécessairement bénéfique. Ce que nous devons faire, c'est d'évaluer les dépenses publiques de façon continue et, comme je le dirai dans quelques instants, pour tout programme que nous mettons en place, prévoir une disposition d'abrogation exigeant que le programme soit réexaminé périodiquement, que ce soit à tous les cinq ans ou quelque autre période, afin que nous puissions déterminer si le programme atteint ses objectifs et, sinon, comment nous pourrions le modifier ou bien s'il y aurait lieu de le supprimer.

Permettez-moi de revenir un peu en arrière. En ce qui concerne les projections financières et l'exposé économique du ministre des Finances à l'automne, j'ai trouvé cet exposé, cette évaluation, plus encourageante qu'elle ne l'était par le passé, cela est certain. Bon nombre des questions qui me préoccupent... notamment le fait qu'il s'agit de l'argent des contribuables, non pas de l'argent du gouvernement. Je pense que c'est quelque chose de très clair qu'il faut répéter: c'est leur argent.

Il y a également le fait que nous payons les impôts parmi les plus élevés de tous les pays du G. La dérive fiscale pose clairement un problème. Même s'il y avait des réductions d'impôt, nous n'aurions toujours pas la pleine indexation, de sorte qu'il y a toujours une érosion du revenu de base tant que nous ne reviendrons pas à la pleine indexation, et, à mon avis, nous devons y revenir assez rapidement.

Or, je suis d'avis que le fardeau fiscal et la structure fiscale très progressive au Canada ont contribué à une mauvaise tenue de la productivité et à la dépréciation à long terme du dollar canadien qui, à son tour, renforce cette mauvaise tenue de la productivité.

Naturellement, il y a diverses preuves à l'appui, mais je voudrais faire quelques observations au sujet de la productivité.

Il y a tout un débat qui se poursuit au sujet de la mesure de la productivité, à savoir si la mesure est exacte, si notre productivité est légèrement plus élevée ou légèrement moins élevée qu'aux États-Unis, ou autre. Pour moi, cela n'est pas important; il s'agit là d'une habile diversion. À long terme, le taux de croissance de la productivité est certainement important, mais il y a de très nombreux écarts de productivité à grande échelle. Il s'agit de déterminer comment nous pouvons maximiser la tenue de la productivité au Canada et notre compétitivité à long terme sans compter sur une monnaie bon marché. En fait, c'est la seule chose qui nous permet d'être concurrentiels à l'heure actuelle dans de nombreux secteurs, si ce n'est dans tous les secteurs.

Tandis que j'y suis, je voudrais souligner que même si mes observations portent surtout sur l'impôt des particuliers—encore une fois pour répéter ce qu'ont dit d'autres intervenants, en partie en raison des impératifs politiques du jour—, il est clair qu'il est nécessaire de réformer la structure fiscale des sociétés au Canada et les distorsions qui en résultent.

Je trouve intéressant que l'OCDE, le FMI et toute une série d'organismes internationaux parlent encore du Canada... En fait, le FMI, après avoir fait un examen de la situation au Canada en 1999, a conclu que l'on devrait accorder la priorité à la réforme de l'impôt sur le revenu afin d'améliorer les incitatifs pour travailler et économiser, et cette restructuration des impôts entraînera de façon permanente une plus grande croissance et prospérité au Canada.

Le FMI n'est pas infaillible et a certainement fait des erreurs dans de nombreux domaines. Mais cela étant dit, je pense que le régime d'encouragement est également important pour le régime fiscal.

Malheureusement—et ce n'est que mon opinion personnelle—mais je sais que j'ai souvent entendu des gens exprimer un tel sentiment—, nous avons tendance à dénigrer le succès. Quand allons-nous commencer à l'applaudir? Quand allons-nous dire que c'est une bonne chose que de s'enrichir et d'avoir du succès—bien que, naturellement, ce soit quelque chose qu'il faut atteindre de façon responsable sur le plan social et légal? Quand allons-nous dire cela? Nous ne faisons pas cela. En fait, nous disons que lorsqu'une personne réussit, c'est qu'elle a certainement fait quelque chose de mal.

L'une des choses qui me préoccupent constamment, c'est que lorsque nous parlons de rétablir les paiements de transfert à leurs niveaux originaux, et de dépenser ici et là, ce que nous disons en fait c'est qu'il faut continuer à protéger le système canadien dans sa forme actuelle. Le système canadien comporte beaucoup de bonnes choses. Beaucoup de choses que les Américains aimeraient avoir eux aussi. Tout ne peut être parfait cependant, et le problème c'est que nous devons passer à un processus d'encouragement qui permettra de restructurer notre économie.

• 1625

Permettez-moi de revenir à la productivité. Certains chiffres sont publiés. Lorsque les gens parlent de la productivité américaine dans le secteur de la fabrication, ils soulignent souvent le fait que cette croissance élevée de la productivité se retrouve dans deux ou trois secteurs: la technologie de l'information, les ordinateurs et la machinerie commerciale industrielle. Cela est vrai, mais les États-Unis ont changé leur production manufacturière de façon à ce que ces secteurs prennent de plus en plus d'importance dans l'économie, ce qui leur permet de profiter des avantages des technologies en évolution et de la structure mouvante de la demande mondiale, tandis que nous n'avons pas encore vraiment commencé à mettre tout cela à profit. La structure fiscale nous nuit certainement à cet égard.

Permettez-moi de revenir à la question du revenu disponible. C'est intéressant, nous utilisons tous des choses semblables. J'ai un tableau devant moi qui montre le revenu disponible réel aux États-Unis de 1983 à juin de cette année, et à partir de 1989, l'année au cours de laquelle le Canada et les États-Unis étaient à peu près au même niveau—les montants sont en monnaie du pays—, le revenu aux États-Unis a augmenté d'environ 17 p. 100 tandis que, on le sait, le revenu au Canada n'a pas augmenté; en fait, il a diminué.

Les rapports publiés récemment selon lesquels nous allons finalement rattrapé les niveaux de 1989, plutôt que de me réconforter, me font peur, car cela montre bien que nous avons perdu une dizaine d'années, si vous voulez, et que nous devons laisser tomber ce genre de processus.

Il est vrai cependant que ce ne sont pas les impôts qui ont le plus contribué à cette situation. Les tableaux montrent que même si on ne tient pas compte des impôts, ce ne sont pas seulement les impôts. C'est l'emploi. Dans quelle mesure notre structure fiscale et notre approche face aux subventions et aux autres mesures semblables ont appuyé un système qui ne permet pas la création d'emplois—et la création d'emplois de grande valeur—et la productivité, un système qui nuit au développement futur de notre économie?

C'est en fait pour ces raisons que je dis que nous avons besoin de réductions d'impôt. Ce serait à mon avis une mesure d'encouragement plus que tout autre chose. C'est pourquoi la surtaxe de 5 p. 100 devient importante, car cela montre visiblement que l'on pénalise un groupe malgré le fait que cette taxe ne soit plus justifiée, qu'il n'y ait absolument aucune raison de l'imposer.

Enfin, j'aimerais vous parler de la formule 50-50. J'ai mentionné précédemment que je ne sais pas pourquoi les dépenses publiques sont sacrées. Il y a certainement de bonnes choses et certains domaines... Nous devons certainement financer notre système de soins de santé et je suis fermement convaincu qu'il faut également appuyer notre système d'enseignement. Cependant—je pense que David Laidler a soulevé la question—, la meilleure solution ne consiste pas nécessairement à y investir davantage d'argent. En fait c'est peut-être même la pire solution.

Je ne nierai pas le fait que si l'on investit davantage d'argent dans les soins de santé et que cela réduit ou élimine, je l'espère, la nécessité pour certains patients de faire des centaines de milles pour se rendre aux États-Unis afin d'obtenir un traitement qu'ils devraient pouvoir obtenir plus près de chez eux, ce serait certainement une chose nécessaire et souhaitable. On peut cependant également examiner le système et voir quelles sont les lacunes et comment on pourrait y remédier, afin de ne pas tout simplement masquer temporairement les problèmes en y investissant davantage d'argent.

L'éducation est un autre exemple, et je vais laisser de côté l'enseignement supérieur pour le moment et parler tout simplement des niveaux primaire et secondaire. Le Canada est l'un des pays qui dépense le plus pour l'éducation par habitant, et pourtant nous savons que les résultats sont loin d'être l'idéal. Il faut examiner ce qui doit être amélioré dans notre système plutôt que de tout simplement y investir de l'argent.

Donc pour moi, il ne suffit pas de dépenser de l'argent pour régler le problème; il s'agit de le dépenser judicieusement.

Pour ce qui est de la formule 50-50, elle sera peut-être nécessaire au cours des deux prochaines années, car le gouvernement s'y est engagé. Je n'en suis cependant toujours pas convaincu. Je sais que c'est de cette façon que vous définissez la formule 50-50. Il y a encore de nombreuses questions en ce qui concerne la base, etc. Je laisse donc cela pour les questions.

En fin de compte, ce que je veux faire comprendre, c'est qu'il n'y a pas de resquillage dans le commerce international. Les services et programmes sociaux que nous avons au pays ne sont pas une manne tombée du ciel, mais ils sont entièrement payés par la force de notre économie, et ils ne sont pas payés par nos faiblesses, quelles qu'elles soient. Si cette force s'effrite davantage, nos programmes sociaux seront alors menacés tout comme le niveau de vie des Canadiens pour l'avenir.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Mendelsohn.

Nous allons maintenant entendre M. O'Neill.

M. Tim O'Neill (vice-président-directeur et économiste en chef, Banque de Montréal): Étant donné ma position sur la liste des intervenants, je me sens un peu comme le septième mari de Zsa Zsa Gabor—je sais ce que je dois faire, mais je ne suis pas sûr de savoir comment être intéressant. Je voudrais cependant faire quelques observations sommaires.

• 1630

Tout d'abord, le coût du fardeau fiscal au Canada est toujours considérable et je suis d'accord avec David Laidler lorsqu'il dit qu'il faudrait accorder une plus grande attention à cette question dans le cadre de notre étude de ce que nous devrions faire avec les surplus. Des taux d'intérêt à long terme réels plus élevés, une souplesse fiscale réduite lorsque l'on frappe une poche d'air économique imprévue et, franchement, l'utilisation continue des ressources pour le service de la dette alors qu'elles seraient mieux utilisées ailleurs constituent les éléments clés de ce coût.

Il est clair qu'au Canada le fardeau fiscal est plus élevé qu'aux États-Unis, et le régime fiscal canadien est donc non concurrentiel en ce sens par rapport à notre principal partenaire commercial. Sur le plan structurel, il comporte par ailleurs—comme je l'ai déjà mentionné—des éléments qui découragent considérablement le travail, ce qui à mon avis diminue la productivité et la croissance de l'investissement.

Ma troisième observation, c'est que le niveau relativement moins élevé des dépenses de programme ne semble pas nuire de quelque façon que ce soit à l'économie—si je peux présenter l'argument d'une autre façon—et, comme on l'a mentionné, selon les normes internationales, nous faisons assez bonne figure dans les grands secteurs de dépense comme ceux de la santé et de l'éducation. Il est peut-être même vrai que le niveau moins élevé de dépense a eu un effet salutaire sur l'efficience avec laquelle l'argent est dépensé dans le secteur public.

Donc, en résumé, mes recommandations seraient d'allouer un pourcentage plus élevé de l'excédent à la réduction de la dette par rapport à ce qui est envisagé à l'heure actuelle; de ne pas permettre aux dépenses de programme de croître plus rapidement que le taux d'inflation plus le taux de croissance démographique; que les considérations économiques dictent que la réduction de l'impôt des sociétés et la réforme fiscale aient priorité par rapport à la réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers; et que s'il y a des réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers, ces dernières portent sur deux éléments clés—les effets de dissuasion des taux marginaux d'imposition élevés pour les catégories de faible revenu et des taux marginaux d'imposition élevés qui s'appliquent aux tranches de revenu modestes, considérées comme un revenu élevé. Lorsqu'on envisage des initiatives de dépense au-delà de celles dont je viens de parler, elles devraient comprendre des dépenses d'investissement, et non pas de consommation.

Selon notre perspective économique, l'économie ne connaîtra pas de récession au cours des cinq prochaines années, mais je crois qu'il y a un risque légitime. Je ne suis peut-être pas d'accord avec Pierre ici concernant l'économie américaine, et la Federal Reserve en particulier. Je pense qu'il y a un risque très important que la Fed passe à côté et soit obligée de resserrer assez vigoureusement l'an prochain. Ce n'est pas ce que nous prévoyons, mais cela est un risque réel, et si c'est le cas, la croissance économique sera très faible en l'an 2001, sans qu'il n'y ait nécessairement de récession, mais il y aurait un niveau de croissance très faible, soit en dessous des 2 p. 100 que nous prévoyons à l'heure actuelle.

J'aimerais revenir sur plusieurs principes stratégiques qui doivent à mon avis guider le débat. Certaines choses ont déjà été dites, mais ce que je retiens, c'est qu'il faut d'abord décider quelle combinaison de réduction de la dette, de réduction des impôts et de déblocage de crédits peut le plus contribuer à la productivité et à la croissance économique et à l'amélioration du niveau de vie, tout en étant équitable—en faisant un compromis entre l'efficacité et l'équité.

Deuxièmement, l'allocation entre ces trois catégories, particulièrement entre les impôts et les dépenses, doit se fonder à mon avis sur leur efficacité à résoudre les problèmes économiques et sociaux qui sont considérés comme ayant la plus grande priorité.

L'un des problèmes que l'on retrouve fréquemment au niveau de la politique gouvernementale est celui de la loi des conséquences non intentionnelles. Il faut s'assurer d'avoir la bonne solution au problème, non pas la solution que les gens estiment sincèrement être la bonne.

De plus, cela laisse entendre que les problèmes qui sont identifiés sont ceux auxquels il faut trouver une solution. Permettez-moi de m'expliquer: si vous avez une solution à proposer, vous devez tout de même vous assurez qu'il existe un problème qui doit être réglé. Je ne suis pas tout à fait convaincu que les discussions qui ont porté sur divers grands éléments de la politique gouvernementale, ont vraiment pu faire ressortir qu'il y avait un problème qui devait être réglé, ou que les solutions qui sont proposées sont les meilleures.

J'aimerais également rappeler que les choix qui sont faits au niveau de la politique financière—et ce n'est pas une question qui reçoit beaucoup d'attention—doivent tenir compte des impacts que cela pourrait avoir pour d'autres secteurs; par exemple, plus une politique financière a un effet stimulant, que ce soit par l'entremise de réductions d'impôt, d'augmentations des dépenses, ou d'une combinaison des deux, plus la politique monétaire deviendra restrictive. C'est inévitable. Cela reflète le fait que la Banque du Canada visera par exemple un taux particulier de croissance économique qui est compatible avec ses objectifs en matière d'inflation. Tout comme les autres éléments qui ont été mentionnés plus tôt, cet aspect de l'équation ne doit pas être oublié.

• 1635

Pour ce qui est de recommandations particulières, j'aimerais en revenir à la réduction de la dette. J'ai parlé des coûts en ce qui a trait aux taux d'intérêt réels à long terme élevés, aux exigences au niveau du service de la dette, et au fait que nous sommes quand même toujours assez vulnérables aux fluctuations sur le plan de la qualité. Et nous en avons certainement été conscients lors de la crise en Asie, quand les États-Unis sont devenus le pays de choix pour ceux qui recherchaient un refuge sûr. Et j'ai signalé qu'il y avait un compromis à faire en ce qui a trait aux deux leviers macro-politiques. Le fait est que la réduction de la dette sera un choix politique neutre en ce qui a trait à la stimulation de l'économie, du moins à court terme.

Quant à la marge de manoeuvre financière disponible, si nous avons des problèmes économiques plus graves que je ne le prévois, il est clair que la réaction du marché financier si l'on doit s'écarter du programme financier prévu sera moins grave si nous avons déjà établi que nous allons assurer une réduction du ratio de la dette au PIB non seulement en laissant le dénominateur croître, mais en assurant également une réduction du numérateur.

À cet égard j'aimerais faire un dernier commentaire avant de passer aux réductions d'impôt. Le coût du fardeau fiscal, qui existe clairement, est à mon avis beaucoup moins important maintenant.

Il y a deux facteurs qui entrent en ligne de compte. Tout d'abord, l'exode des cerveaux vers les États-Unis n'est pas très prononcé, peu importe les chiffres historiques dont on veut se servir, en dépit du fait que depuis déjà une dizaine d'années le rendement économique au Canada est beaucoup plus faible que celui qu'on trouve aux États-Unis. De plus, certains mentionnent le faible taux de croissance des investissements, surtout des investissements étrangers directs. Encore une fois, à mon avis, cela est attribuable au rendement cyclique faible, et non pas à un obstacle structurel qui existerait dans le système fiscal.

Cela dit, je crois que les réductions d'impôt sont importantes et devraient venir au deuxième rang après la réduction de la dette; à mon avis, ces réductions sont beaucoup plus importantes que d'assurer des dépenses réelles plus élevées par habitant au chapitre des programmes. Je crois qu'il faudrait se concentrer davantage sur l'impôt des sociétés en raison de l'impact négatif de ces charges sur l'investissement et sur la productivité.

Si le gouvernement envisageait d'accroître les dépenses réelles par habitant, c'est-à-dire d'accroître les dépenses plus rapidement que ce que je propose, j'aimerais vous offrir une petite mise en garde. Tout d'abord, les dépenses devraient cibler les éléments qui accroîtront la capacité de l'économie et qui accroîtront la productivité, ou les deux. En d'autres termes, de la façon traditionnelle dont les économistes étudient la question, il devrait s'agir là d'un investissement plutôt que d'une dépense de consommation.

De plus, je crois qu'il faudrait éviter de cibler par ces dépenses un secteur particulier—par exemple, la recherche et le développement dans les secteurs de la technologie de pointe. Nous avons essayé à plusieurs reprises d'élaborer une stratégie industrielle au Canada. Cependant, je crois qu'une nouvelle stratégie, qu'elle soit officielle ou pas, ne se soldera pas tout à fait par les mêmes échecs qu'auparavant.

Si l'on prévoit des dépenses pour l'infrastructure—et à mon avis il s'agit là en fait d'un investissement, à condition que ce soit bien l'infrastructure et non des toits pour des patinoires—, il faudrait viser à régler les problèmes les plus importants et ne pas tenir compte des facteurs régionaux.

J'aimerais faire deux derniers commentaires. Il faut faire clairement la distinction entre les dépenses d'investissement comme celles que je viens de décrire et ce qu'on appelle maintenant des dépenses stratégiques. C'est là un concept qui est à mon avis beaucoup trop vague et nébuleux pour être vraiment utile lorsque l'on prend des décisions en matière de dépenses.

Enfin, il faut faire la distinction entre les dépenses qui sont bonnes et celles qui sont essentielles. Je crois qu'on peut dire qu'une dépense est essentielle si, à défaut de l'autoriser, la croissance économique, la productivité, le niveau de vie et ou la qualité de la vie en souffrirait de façon marquée, tout cela étant confirmé par des faits.

Nous avons longuement discuté du besoin de dépenser parce qu'il nous faut revenir aux niveaux qui existaient auparavant. Cela m'amène à poser une question très importante. Est-ce que l'établissement de ces niveaux était en fait la meilleure façon pour la société de répartir et d'utiliser ses ressources?

Si nous songeons sérieusement à dépenser dans les secteurs dont on a parlé, il faut s'assurer que tout indique clairement que ces dépenses sont nécessaires et qu'elles permettront en fait de régler le problème qu'on a cru identifier dans le secteur en question.

Merci.

• 1640

Le président: Merci beaucoup, monsieur O'Neill.

Monsieur Robson.

M. William B.P. Robson (analyste principal des politiques, Institut C.D. Howe): Il y a pire dans la vie vous savez que d'être le septième époux de Zsa Zsa Gabor. Enfin vous pourriez être la cinquième femme d'Henri VIII.

Je tiens moi aussi à vous remercier de m'avoir offert l'occasion de comparaître devant votre comité—à nouveau, car ce n'est pas la première fois. Je ne sais pas si la même chose vaut pour tous. Cependant, si vous êtes disposés à revoir les mêmes témoins, ça ne veut pas dire que vous êtes disposés à entendre les mêmes interventions.

Néanmoins, pour la gouverne de ceux qui n'étaient pas présents lors de ces réunions fascinantes à Mississauga, j'aimerais passer en revue rapidement certains des commentaires qui ont été faits sur l'excédent de 23 milliards de dollars qui a été identifié dans la mise à jour financière du mois dernier. Pour répéter ce qu'a dit Pierre Fortin, j'appuie le processus qui a donné naissance à ce chiffre. Je crois qu'il s'agit d'une évaluation utile et réaliste de la marge de manoeuvre dont nous disposons, tout en assurant que nous aurons de fortes chances d'avoir de nouveaux excédents budgétaires. Mais je tiens à rappeler que ce chiffre ne tient pas compte des coussins dictés par la prudence et des effets dynamiques; il n'y a donc pas vraiment de risque, mais il y a beaucoup de possibilités. Si nous nous rencontrions tous à nouveau dans cinq ans, en décembre 2004, il se pourrait, si lors des prochains budgets l'on prend des décisions intelligentes, que nous soyons beaucoup plus avancés qu'on ne le prévoit même dans la mise à jour financière; il se pourrait que cette marge de manoeuvre soit beaucoup plus importante que 23 milliards de dollars, grâce à une dette moins élevée et à une économie plus saine.

Dans le temps qui reste des dix minutes qui m'ont été accordées, j'aimerais dire quelques mots sur ce que nous devons faire pour que tout cela soit possible; j'espère que cela vous sera utile dans la rédaction de votre rapport.

Tout d'abord, comme certains autres témoins l'ont signalé, j'espère que vous recommanderez que le gouvernement ne donne pas suite à sa promesse de dépenser la moitié de l'excédent prévu. Cela fait une nouvelle intéressante, et ça paraît très bien aussi dans les sondages quand on demande aux gens ce qu'on devrait faire des excédents fédéraux. Mais comme on vient de le dire, si vous ne savez pas vraiment quels sont vos échéanciers, cela pourrait être fort trompeur.

Je ne vais pas vous faire tous les calculs, mais dans une situation comme celle que nous connaissons, où on prévoit un excédent qui devrait croître chaque année, et où on augmente chaque année les dépenses de la moitié de l'excédent prévu, il va y avoir croissance exponentielle des dépenses. Dans un exemple bien simple, il se pourrait qu'après cinq ans vous ayez dépensé 80 p. 100 de l'excédent que vous aviez prévu à l'origine. Ce genre de chose me préoccupe. Certains d'entre nous ici aujourd'hui vous diront que ce pactole de 23 milliards de dollars pourraient croître considérablement si vous en dépensez 80 p. 100, mais je ne suis pas tout à fait de cet avis.

Cela m'amène à la deuxième raison pour laquelle je n'aime pas la formule 50-50: elle permet de court-circuiter ce qui devrait être une discussion assez sérieuse de la façon dont divers changements dans le budget fédéral pourraient contribuer à améliorer notre prospérité future. À chaque étape, nous devons réellement nous demander quelle incidence telle ou telle mesure pourra avoir sur l'avenir en matière d'emploi, d'investissement et de revenu au Canada. À quel point sommes-nous certains de cette incidence?

La troisième question—et c'est peut-être délicat de la soulever dans cette salle—est de savoir si le gouvernement fédéral est l'organisation ou l'entité la mieux en mesure de mettre en oeuvre ces mesures.

Je pense que des réponses franches à ces questions pourraient vous amener à choisir une autre solution que la nécessité de dépenser 50 p. 100.

Je suis peut-être en minorité à cette table quand je préconise qu'on utilise les marges de sécurité inutilisées pour rembourser une partie de la dette, alors je vais vous faire valoir brièvement les mérites de cette idée.

Pour ce qui est de l'incidence d'une telle mesure, elle sera de réduire les frais d'intérêt du gouvernement fédéral et d'améliorer la capacité d'offrir des réductions d'impôt dans tous les budgets suivants, de même que des programmes supplémentaires ou un bilan plus sain. Quelle certitude avons-nous au sujet de ces effets? Nous en sommes absolument convaincus. C'est simple.

Le gouvernement fédéral est-il la bonne organisation? Nous parlons du budget fédéral, mais en plus, je tiens à signaler que le gouvernement fédéral a la capacité financière, ce que les gouvernements provinciaux et locaux n'ont pas, d'améliorer l'état du bilan du pays avec le temps. Il y a des pressions démographiques qui se feront sentir dans un avenir pas trop éloigné. Le gouvernement fédéral est le mieux en mesure de nous préparer à faire face à un tel problème.

La raison pour laquelle je le signale, cependant, est qu'il ne s'agit pas nécessairement d'une question abstraite qui nous concernera dans un avenir lointain. Nous y faisons déjà face dans l'exercice financier en cours. Dans la mise à jour relative à la situation financière, on voit une réserve pour éventualités de 3 milliards de dollars pour le présent exercice et, aussi, un excédent de 2 milliards de dollars. Les données récentes sur la situation économique sont meilleures que prévu, et nous pourrons donc même peut-être nous retrouver avec un peu plus que ce total de 5 milliards de dollars.

• 1645

Je me demande ce que nous verrons à la fin de cette année. Verrons-nous une répétition de la situation de l'an dernier où presque 7 milliards de dollars de dépassement des dépenses prévues ont effacé un très bon surplus, une grande partie de ces dépenses étant antidatées? Ou récolterons-nous plutôt les fruits de la chance et de la bonne gestion, et pourrons-nous rembourser une partie de la dette? Comme je l'ai dit, les avantages du remboursement de la dette sont absolument certains, mais il est tout aussi certain qu'il faut vraiment rembourser une partie de la dette pour en profiter.

Lorsqu'il s'agit des dépenses, quand on se pose ces trois questions au sujet de l'incidence, de notre certitude à ce sujet, et de la conviction que le gouvernement fédéral est la bonne entité pour y voir, elles apportent souvent des réponses qui donnent à réfléchir. Je pourrais vous donner une longue liste, mais je ne veux pas abuser de votre temps et je ne le ferai donc pas.

Les prestations d'assurance-emploi constituent un bon élément à soumettre à cet examen. Je répète que je n'exposerai pas tout le raisonnement qui s'impose, mais il y a une chose que je tiens à signaler, car je sais que ce domaine fait l'objet de pressions. Nous approchons maintenant de la partie la plus prononcée de la hausse des cotisations du Régime de pensions du Canada. Nous allons passer l'an prochain de 7 p. 100 à 7,8 p. 100 pour les employeurs et les employés. Le gouvernement fédéral est le seul gouvernement qui a la capacité de compenser cela d'une manière significative, quand on regarde le fardeau total des charges sociales au Canada.

Pour compenser totalement cette hausse, il faudrait réduire en l'an 2000 le taux de cotisation des employés de 35 cents au lieu des 15 cents qui sont prévus—ce qui représenterait environ 2,6 milliards de dollars l'an prochain—et il faudrait continuer de le faire l'année suivante et encore l'année d'après, parce que ces taxes sont à la hausse. Cela représente tout un morceau qui serait enlevé de notre budget, et je ne recommanderais pas nécessairement qu'on accorde une réduction aussi importante, mais dans la mesure où on augmentera les prestations d'une manière ponctuelle parce qu'il y aura beaucoup d'argent dans le compte d'assurance-emploi, on rendra d'autant plus difficile la tâche de compenser ces augmentations d'impôt.

Au sujet des transferts aux provinces, encore une fois, je ne vous donnerai pas toute la liste. Je vais directement à la fin, pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral: je recommande que dans votre examen des réductions d'impôt, pour le prochain budget, et particulièrement à mesure que s'épuisent les fonds supplémentaires destinés au transfert social canadien, vous réserviez une partie de la réduction d'impôt recommandée comme marge de manoeuvre pour les provinces. Si elles ont besoin de ces recettes, permettez-leur de les prendre. Elles ne cessent de dire qu'elles ont besoin de plus d'argent. Donnez-leur la marge de manoeuvre et voyez si elles en profitent ou non.

Pour les autres domaines, comme la défense, la rémunération des fonctionnaires—particulièrement les hauts fonctionnaires—et la recherche, des éléments de l'infrastructure matérielle déjà mentionnées, il s'agit de domaines où les incidences positives dont j'ai parlé sont plus probables. Dans certains cas, elles sont même certaines et la capacité d'Ottawa d'agir est assez claire.

Je crains que l'impression qu'il y a maintenant de l'argent à dépenser suscite un excès d'enthousiasme chez de nombreux bureaucrates fédéraux et peut-être, aussi, chez nombre de vos collègues. Il faut poser ces questions et y répondre, et il ne faut pas le faire comme s'il s'agissait uniquement de formalités. J'aimerais beaucoup que le ministère du Développement des ressources humaines, par exemple, soit tenu de respecter des normes et justifie ses largesses, de la même façon qu'on demande des comptes au ministère des Finances lorsqu'il propose des réductions d'impôt.

Parlons maintenant de ces réductions d'impôt. Je trouve encourageant le ton de la mise à jour économique et financière et de nombre de discussions qui ont eu lieu autour de cette table sur l'importance d'abaisser les impôts.

Je vais passer à ces trois questions. Quelle incidence cela devrait-il avoir? Les théories économiques insistent depuis longtemps sur le coût de niveaux élevés de taxe sur la main-d'oeuvre et sur le rendement de l'épargne.

En sommes-nous si sûrs? J'ai toujours eu une double incertitude à ce sujet. Pour commencer, certaines évaluations de l'importance de ces effets dans la réalité ont été plutôt vagues. Deuxièmement, rien ne garantit, bien entendu, que toute réduction d'impôt fédéral réglera certains des pires problèmes décrits par les économistes.

Récemment, certaines incertitudes se sont dissipées. On a fait un travail très soigneux, à l'échelle du pays, sur les budgets gouvernementaux et la croissance. Dans ces études, les effets des taxes sur le revenu et le rendement de l'épargne ont tendance à être confirmés.

C'est peut-être un peu injuste, mais Andrew Jackson aura l'occasion de réfuter mes propos au sujet des résultats plutôt flous que vous avez, notamment dans le diagramme que vous avez sous les yeux. En choisissant soigneusement les années de début et de fin d'une étude, de même que l'échantillon des pays, en négligeant de regarder l'ensemble du budget gouvernemental et les diverses formes de fiscalité, on peut prouver n'importe quoi avec un diagramme de dispersion comme celui-ci. Mais plus on étire la période, plus on a de pays dans son échantillon et plus on s'assure de tenir compte de l'ensemble du budget gouvernemental—soit le fait que les recettes fiscales payent pour des dépenses, qu'il y a des excédents et des déficits associés à certains niveaux de taxes et de dépenses—, plus on voit clairement certains de ces effets. Et en passant, on remarque aussi certains des effets positifs des dépenses gouvernementales sur certaines choses. Mais les effets négatifs des impôts sur le travail et sur l'épargne sont assez clairs.

• 1650

L'autre raison pour laquelle je dis que les incertitudes se dissipent, c'est que je crois déceler dans les délibérations du comité et dans la mise à jour financière une orientation ferme et judicieuse vers la réduction des impôts sur le travail et sur l'épargne. Je dirais donc que le gouvernement ferait bien d'abaisser l'impôt des particuliers et des sociétés, d'un coup, pour faire profiter cet excédent budgétaire de 23 milliards de dollars.

Au sujet du rôle du fédéral, la troisième question sur les impôts, Ottawa doit faire preuve de leadership. Malgré ce qui a été dit dans la mise à jour économique et financière, le fardeau fiscal fédéral continue de croître. Quand on calcule le montant des impôts de façon exacte, plutôt que de défalquer les divers paiements de transfert et de les oublier comme s'ils n'existaient pas, quand on en tient compte comme s'ils faisaient partie du fardeau fiscal des particuliers, notre part du fardeau fiscal par rapport au PIB baisse très peu. En termes absolus, elle augmente toujours. Pour la prochaine année financière, les impôts fédéraux, dans un scénario de statu quo, atteindraient 22 000 $ pour une famille moyenne de quatre personnes. C'est un record, même compte tenu de la croissance de la population et de l'inflation.

J'espère donc que vous ferez preuve de fermeté dans votre rapport. J'espère que vous réclamerez fermement une augmentation des paliers d'imposition des particuliers, une réduction des taux, l'élimination des surtaxes des particuliers et des entreprises et un jour, peut-être pas tout de suite, une amélioration de l'assiette fiscale par un choix de déductions plus judicieux. Laissez les partisans de la dépense lutter contre vous et entre eux pour arracher chaque dollar additionnel, et gardez l'oeil sur ce dividende de 23 milliards de dollars et faites le croître.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robson.

Nous écoutons maintenant monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson (économiste en chef, Congrès du travail du Canada): Je suis ravi de succéder à Bill, puisque je vais parler en partie des mêmes sujets.

Je dois dire en commençant que j'étais tout à fait d'accord avec Bill sur une chose, soit sur les critères à employer pour étudier ces questions, particulièrement la répartition entre les dépenses et les impôts; il faut tenir compte des incidences sur l'investissement et sur l'emploi, et de notre certitude quant à ces incidences.

Malheureusement, dans le cadre de la discussion menant au budget, on a eu tendance à mettre en opposition l'équité et l'efficience. On peut présenter les questions de manière que les partisans des programmes sociaux demandent des dépenses dans ces programmes tandis que le monde des affaires demande des réductions d'impôt pour promouvoir la croissance. On obtient des positions contradictoires, pour la croissance et pour la justice.

Ce que je tiens à dire principalement, c'est que le lien entre les réductions d'impôt et la croissance économique est plus ténu et faible que ne nous laisse croire beaucoup de ce qu'on a lu dernièrement dans les journaux, et aussi plus ténu et plus faible que ne nous laissent croire les économistes.

Il est particulièrement important de le souligner quand on considère le genre de réductions d'impôt demandées, par exemple, par le CCCE, par la Chambre de commerce et par diverses personnes autour de la table. Ces réductions d'impôt auraient un effet régressif sur la répartition des revenus: l'élimination de la surtaxe sur les revenus élevés, la réduction des taux d'imposition des paliers supérieurs, l'allégement du fardeau fiscal sur les gains en capital. Toutes ces mesures, comme je l'ai déjà souligné au comité, allégeraient davantage le fardeau fiscal des personnes à revenu élevé et soulageraient très peu—ou pas du tout, selon certaines propositions—les personnes qui sont au bas de l'échelle de la répartition des revenus.

Les seules raisons moralement défendables de demander des réductions d'impôt maintenant sont celles qui se rapportent à la stimulation de la croissance et à l'élargissement de la tarte.

Comment aborder cette question? Je ne suis pas convaincu que mes collègues voudraient beaucoup en discuter. Parlons de l'incidence relative sur la croissance économique, au cours de l'année ou des deux années à venir, d'une augmentation des dépenses publiques et d'une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers. La plupart des modèles macroéconomiques qui ont cours actuellement montreraient qu'on obtient une incidence supérieure du côté des dépenses, par rapport à la réduction d'impôt, à cause de l'effet sur l'épargne et l'importation. Ce qu'on propose réellement, c'est une réduction des impôts et l'aménagement d'une bonne structure incitative qui augmenteraient les taux de croissance économique à long terme.

• 1655

Parlons clairement de ce sur quoi nous nous entendons: nous convenons tous que des taux élevés d'investissement public et, je dirais, privé, dans la machinerie, l'équipement, la recherche et les compétences en développement, etc., sont extrêmement importants pour la croissance économique à long terme. Il faut donc se demander comment encourager l'investissement dans notre économie. Comment faire croître l'efficience?

Du côté de l'impôt sur le revenu des particuliers, je pense que c'est Tim O'Neill qui a parlé des effets négatifs sur le travail. Bien honnêtement, en faisant une bonne recherche dans les études sur le sujet, on constate que presque toutes concluaient que les supposés effets négatifs de taux d'imposition marginaux élevés sur l'ardeur au travail s'évanouissent quand on cherche un peu, particulièrement pour les principaux soutiens de famille.

En langage clair, on a prétendu que si les taux d'imposition marginaux sont élevés, les gens vont réduire leur nombre d'heures de travail et se tourneront les pouces. En réalité, les Canadiens travaillent plus fort et font des semaines plus longues que jamais auparavant. On pourrait tout aussi bien prétendre que les taux d'imposition élevés forcent les gens à travailler plus et plus fort, pour obtenir le même revenu après impôt.

C'est donc en théorie ambigu, de toute façon, et bien de faits montrent l'incidence des impôts sur l'ardeur au travail. Il y avait autrefois des preuves plus tangibles pour les femmes, mais dans le cas du Canada, d'après les recherches, les hommes et les femmes sont assez rapprochés.

Parlons maintenant de l'exode des cerveaux, une autre histoire... Tom d'Aquino m'a accusé l'autre jour de faire l'autruche. On entend toutes sortes d'anecdotes, mais en réalité, il n'y a pas de données qui les confirment. L'étude Halliwell, effectuée pour Industrie Canada, nous fournit les données les plus récentes à partir du recensement américain actuel et montre que la proportion de Canadiens résidant aux États-Unis est à son niveau le plus bas pour notre siècle. Un récent sondage auprès des diplômés universitaires au Canada révélait que 1,5 p. 100 d'entre eux émigraient aux États-Unis, une proportion infime. D'ailleurs, la plupart d'entre eux reviendront ici. Une bonne part de ces émigrants étaient des infirmiers et infirmières qui ne trouvaient pas d'emploi ici.

Il s'agit en outre d'une proposition qui est implicitement plutôt raciste, puisqu'on ne tient compte que de l'émigration, qui est pourtant largement éclipsée par l'immigration. En fait, quatre diplômés universitaires viennent au Canada pour chaque diplômé qui le quitte. Et même au niveau des doctorats, nous avons un équilibre entre les immigrants et les émigrants. L'idée selon laquelle nous subissons un exode des cerveaux est en soi douteuse. Il est encore plus spécieux d'invoquer comme cause les taux d'impôt élevés.

Parlons maintenant du lien présumé entre l'impôt sur le revenu des particuliers et les niveaux d'épargne. On prétend que si l'on taxe les revenus, particulièrement les revenus provenant de biens, nous allons gruger dans les niveaux d'épargne nationale et, par conséquent, dans l'investissement. Sans m'aventurer sur le terrain du lien entre l'épargne et l'investissement, je vais simplement citer la critique d'une récente étude de l'OCDE sur la fiscalité et le rendement économique:

    Les études empiriques pour les pays de l'OCDE ont en général difficilement prouvé que les taux d'intérêt réels après impôt jouaient un déterminant dans l'évaluation des fonctions d'épargne. En gros, il semblerait que la taxation du revenu sur le capital réduise l'épargne mais pas de beaucoup.

Les incidences sur l'épargne sont donc faibles. D'après des études américaines, la réforme fiscale de 1980, la grande révolution axée sur l'offre, n'a eu aucun effet sur l'épargne. Je dirais même que quiconque prétend qu'une baisse des impôts produira une hausse de l'épargne contredit le fait que les États-Unis ont un taux d'épargne incroyablement faible, et même, négatif. D'ailleurs, c'est ce qui mène la croissance de l'économie américaine: les Américains dépensent comme des fous. Ils n'épargnent rien de ce revenu. Dès le départ, c'est un argument fallacieux.

En outre, d'aucuns ont observé, et je crois que c'est une réflexion dangereuse à faire pour le CTC, que si quelque chose allait dans le sens d'une réduction des impôts, pour favoriser la croissance et l'investissement, ce serait une baisse des impôts des entreprises, plutôt que des particuliers. Je crois que les études montrent certainement que cela aurait un effet plus marqué.

Mais il faut répéter que les faits montrent, quand on les observe de près, et on ne devrait pas s'en étonner, à bien y penser, que ce qui influence le plus les niveaux d'investissement des entreprises, c'est la croissance de la production dans son ensemble. Les entreprises investissent surtout lorsqu'elles voient l'occasion de vendre les produits qui découleront des investissements—des produits ou des services. Le coût du capital après impôt a bien sûr un effet sur cette décision, mais la plupart des études montrent qu'il est assez faible en réalité. On cite souvent, ici, le FMI, mais malheureusement, beaucoup de ses recommandations ne découlent pas vraiment de leurs propres documents de travail. Je vais vous citer une étude de Philip Gerson du FMI, tirée d'un récent document de travail:

    Bon nombre de ces études constatent l'effet négatif du coût du capital sur l'investissement, mais aussi que cet effet est assez limité.

• 1700

Dans cette étude de l'OCDE sur les effets de la fiscalité sur le rendement économique, on passe en revue 10 études économétriques récentes sur les effets du coût du capital après impôt sur l'investissement. Trois d'entre elles ne faisaient part d'aucun effet. Pour quatre études, il y avait un faible effet négatif.

Des études récentes sur les incidences des divers taux d'imposition aux États-Unis, d'un État à l'autre, ont en général permis de constater très peu d'effets des taux d'imposition du capital sur l'investissement, d'un État à l'autre.

Il est vrai que le rapport Mintz prétendait, et je cite: «Les impôts ont un effet significatif sur les décisions des entreprises». En fait, après un examen soigneux, on constate que c'est un peu comme Donald Macdonald, à la commission royale, et l'acte de foi en faveur du libre-échange, puisque dans le rapport Mintz, si on prend soin de le lire, on ne cite que trois études, qui étaient elles-mêmes assez ambiguës à ce sujet.

La principale étude de fond qui a été faite pour le comité Mintz par McKenzie et Thompson concluait que les changements dans le coût relatif du capital entre le Canada et les États-Unis avaient un effet restreint, mais statistiquement notable, sur les niveaux d'investissement relatifs pour l'achat d'équipement, mais pas pour l'investissement dans les structures.

On avance ensuite que l'ingrédient principal du coût du capital pour les deux pays était en fait les taux d'intérêt, plutôt que l'effet des impôts.

On en venait à la conclusion qu'une augmentation de 1 p. 100 du coût global du capital au Canada mènerait à une baisse de 0,03 p. 100 du taux de croissance du capital national, soit un effet minime. Fait intéressant, mon ami et collègue, Jim Stanford, dans Paper Boom: Why Real Prosperity Requires a New Approach to Canada's Economy, constate que l'investissement est davantage influencé par les taux de profit qu'on ne le dit ailleurs, dans la plupart des autres études. Je ne conteste pas ses conclusions, selon lesquelles 11 p. 100 de l'investissement des entreprises au Canada est causé par une augmentation de la rentabilité, plutôt que par l'ensemble de ces effets macroéconomiques.

Ce qu'il faut retenir, et pas seulement pour en débattre, c'est que si l'on veut se servir des réductions d'impôt pour faire augmenter la production et la croissance, influencer l'efficience et la productivité, cela peut être une expérience intéressante; toutefois, ces résultats assez peu intéressants pourraient exiger le sacrifice d'une part imposante des recettes fiscales. Les changements proposés doivent donc faire l'objet d'une analyse des coûts et des avantages.

Je vous rappelle que sous les gouvernements précédents, nous avons fait une expérience importante en offrant des incitatifs à l'épargne et à l'investissement sous forme d'exemptions à vie pour gains en capital. Toute une gamme d'études ont été faites sur cette mesure, sous l'égide d'un certain Jack Mintz, et publiées dans une édition spéciale de Analyse de politiques. On constatait l'effet très régressif de ces changements pour ce qui est de la répartition des revenus, d'une part, et d'autre part, un effet négligeable sur la croissance.

On estime donc, je crois, que la réduction des impôts des entreprises et des particuliers aura des effets importants sur l'investissement. Honnêtement, il y a bien des études qui montrent des effets modestes en ce sens. Je ne conteste pas que la rentabilité est une considération importante pour l'investisseur, mais il faut réunir de nombreux facteurs pour obtenir, par exemple, des profits après impôt plus élevés qui feront augmenter le taux d'investissement. De nos jours, beaucoup d'entreprises achètent leurs parts, plutôt que de les investir.

Ce qui m'amène à un autre ensemble d'études, que Bill a mentionnées, en disant avec raison qu'un nombre croissant d'études prouvent l'effet considérable sur la croissance de certains types de dépenses publiques. Je vous le signale brièvement. Là aussi, quand on y pense un peu, il n'y a rien d'étonnant: l'investissement dans l'éducation publique, particulièrement l'enseignement primaire, a un effet marqué sur la croissance. Je pense que Jim a signalé avec raison l'importance des programmes d'éducation de la petite enfance, qu'il ne faudrait pas voir uniquement comme une «mesure sociale». Et je pense que nombre de recherches faites par Fraser Mustard et d'autres ont prouvé qu'en fait, en termes d'incidence sur le capital humain, les investissements dans l'éducation de la petite enfance ont des résultats très importants.

• 1705

Beaucoup d'études ont montré l'incidence importante sur la productivité du secteur privé des investissements dans les infrastructures publiques, particulièrement les infrastructures de transport et de communication. Je pense qu'il vaut aussi la peine de faire remarquer qu'on commence à voir des documents assez intéressants qui établissent un lien entre une répartition des revenus relativement équitable en termes de revenu après impôt et de taux de croissance. Danny Roderick, de Harvard, est l'un des principaux auteurs d'études de ce genre. Je le répète, le lien essentiel, c'est que si l'on a une répartition relativement équitable des revenus, des taux de pauvreté relativement faibles, on aura un effet positif sur le capital humain, des coûts sociaux réduits pour des choses comme la criminalité, des meilleurs chiffres quant à la santé publique, etc.

Vous avez vu mon diagramme de dispersion que nous avons préparé rapidement ce matin et que nous vous avons distribué. Ce que je veux dire, essentiellement, c'est que si on veut établir une corrélation étroite entre le fardeau fiscal global et la croissance en revenu per capita, ou, d'ailleurs, en productivité démontrée par la productivité manufacturière, on verra que le lien est assez ténu.

Je recommande à Bill la lecture de l'étude de l'OCDE, où l'on prend à peu près la même période d'imposition et les mêmes mesures, pour produire une évaluation de l'incidence des réductions d'impôt sur le PIB. La principale différence, dans mon étude, c'est que j'ai converti la croissance du PIB en croissance du PIB par personne, ce qui me semble être un changement raisonnable. La croissance plus rapide des États-Unis, par rapport à d'autres pays, est en partie attribuable à la croissance supérieure de sa population.

Quoi qu'il en soit, je crois qu'on peut produire des études différentes, avec des résultats un peu différents. Encore une fois, si l'on revient à l'étude de l'OCDE sur l'efficacité et le rendement économique, ainsi qu'aux récents sondages du FMI, qui tendent à justifier les réductions d'impôt, on constate tout de même que les incidences sur l'efficience sont en fait assez modestes. En résumé, pour l'OCDE, si l'on réduit les impôts de 10 p. 100 du PIB, on «pourrait» obtenir une augmentation du taux de croissance à long terme de près de 0,5 p. 100. Ce n'est pas un lien de cause à effet très marqué, bien que je ne veuille pas dénigrer une augmentation éventuelle des taux de croissance de un demi pour cent.

En outre, cette étude ne tient pas compte des effets d'une réduction de taxe de 10 p. 100 du PIB sur la répartition des revenus, en termes d'investissement public. Pour opérer cette réduction, il faudrait sans doute éliminer d'importantes dépenses de programme.

Je vais simplement terminer en disant que je crois que ces incidences sur l'efficience économique des réductions d'impôt, particulièrement de l'impôt des particuliers, sont gravement exagérées quand on fait référence aux études qui ont été menées. Et je vais réitérer ce qu'a dit Bill, c'est qu'en toute justice, malgré la polarisation du débat, si vous nous posez franchement la question, nous devrons tous convenir que les réductions d'impôt et les augmentations de dépenses peuvent tout aussi bien avoir des effets positifs sur la croissance et la productivité. On n'arrivera pas à une discussion intelligente en mettant en opposition les dépenses et les réductions d'impôt, puisqu'on pourrait prendre des mesures de toutes sortes, des deux côtés.

Je dirais qu'il n'est pas sérieux de proposer uniquement des réductions d'impôt pour obtenir l'efficience économique et une augmentation de production.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Jackson.

Nous écouterons maintenant M. Van Audenrode.

M. Marc Van Audenrode (président, Faculté de sciences économiques, Université Laval): Merci, monsieur le président.

Je présume qu'à ce moment-ci, personne ne croira qu'il est possible d'ajouter quoi que ce soit à la très longue liste d'épicerie présentée par mes collègues, mais je vous prouverai que c'est encore possible.

• 1710

Je vais commencer par une observation d'ordre général sur les propos de certains de mes collègues. Je voudrais insister un peu sur l'équilibre fragile des finances publiques et des finances du gouvernement fédéral. Cet équilibre est menacé essentiellement par deux sources de danger. Il y a la récession et une augmentation subite des taux d'intérêt.

Parlons d'abord de récession. Aucune récession n'est prévue dans l'avenir immédiat, mais il faut reconnaître que la croissance de notre économie est surtout soutenue par nos exportations, qui sont elles-mêmes surtout soutenues par la forte croissance de l'économie américaine. Personne n'a pu prédire une si longue période de croissance pour l'économie américaine et personne n'a su expliquer les raisons de cette durée. On peut donc en arriver à douter de notre capacité de prédire la fin de cette période de croissance, ce qui doit nous pousser à la plus grande prudence.

Je ne vais pas trop insister sur le problème des taux d'intérêt, mais personne ne peut prédire quand la Banque du Canada va se lancer dans une autre opération de lutte contre le fantôme de l'inflation qui pourrait s'avérer fort coûteuse. Je dirais que cela justifie qu'on soit prudents pour encore une année, probablement, tout en essayant de rembourser une bonne partie de notre dette, afin de mettre en branle un très fort effet de boule de neige à l'envers, qui permettrait de solidifier clairement l'état de nos finances publiques.

Bien. Passons maintenant à la liste d'épicerie. Je dirais que la source du surplus fédéral qui est à la fois la plus importante et qu'on peut cerner a été et continuera d'être l'excédent de la caisse de l'assurance-emploi. Ce surplus était de 7,5 milliards de dollars l'an dernier, et va se maintenir pour nombre d'années. Beaucoup d'économistes ont critiqué les pays européens, pendant des années, parce qu'ils finançaient leurs programmes généraux avec les charges sociales. Il est clair que ces charges sociales créent un écart entre les salaires et les coûts de main-d'oeuvre, qui est à son tour associé à un taux de chômage élevé et persistant.

Bien entendu, le marché du travail pourrait se passer de cette charge sociale pour quelques années. On peut aussi bien sûr envisager un jour une réduction marquée des cotisations à l'assurance-emploi. D'autant plus que cette taxe, la cotisation à l'assurance-emploi, est certainement régressive. L'existence d'un niveau de revenu assurable maximal et de cotisation maximale peut être justifiée quand les cotisations à l'assurance-emploi ne sont que des cotisations à un régime d'assurance. Lorsqu'il s'agit de taxes, il s'agit d'une mesure régressive, et il faut certainement en tenir compte. En effet, un tout petit groupe parmi les personnes à faible revenu contribuent de manière disproportionnée à la réduction du déficit et à la création de cet excédent. Cela sera pris en compte lorsqu'on examinera l'équilibre général de la progressivité de notre régime d'imposition des revenus.

Voilà pour commencer. La deuxième question que je voulais soulever, et dont on n'a pas suffisamment parlé, c'est le mythe selon lequel les finances publiques du Canada sont saines simplement parce que les finances publiques et les finances du gouvernement fédéral le sont. Il y a encore bon nombre de provinces et de territoires où ça ne va pas si bien. Il y a beaucoup de municipalités, de conseils scolaires, d'universités et d'hôpitaux qui souffrent encore essentiellement d'avoir écopé de ce grand jeu de pelletage que le gouvernement fédéral a lancé il y a quelques années afin de rétablir l'ordre dans ses affaires. Ils ne s'en sont pas encore remis. Le gouvernement devrait donc notamment rétablir le financement accordé à ces institutions et à ces autres instances gouvernementales, surtout compte tenu du fait que ces paliers de gouvernement offrent des services qui sont les plus proches de la population.

Il y a un troisième élément que je tiens vraiment à mentionner, et que personne d'autre n'a encore mentionné, et il s'agit de la question de l'équité horizontale dans notre régime fiscal. Je suis étonné que personne n'en ait encore parlé. Les familles, en particulier les familles comprenant des enfants, ont été frappées ces dernières années par toutes les mesures de compression des coûts et des dépenses. Elles ont essentiellement dû absorber plusieurs augmentations des frais occultes dans le domaine de l'éducation et celui du transport scolaire. Ce sont eux qui ont souffert de la réduction des subventions municipales au titre des activités sociales, culturelles et sportives. J'ai été frappée de manière exagérée par toutes ces mesures de compression.

• 1715

Si vous regardez l'allégement fiscal accordé par le gouvernement fédéral à une famille avec deux enfants et des revenus de 50 000 $, ce qui n'est pas très élevé, et si vous comparez sa situation à celle d'une famille ayant les mêmes revenus, mais sans enfants, et si vous regardez ce que le gouvernement fédéral américain fait—essentiellement, il s'agit de deux familles à l'aise qui gagnent environ 50 000 $ canadiens—vous constaterez que le gouvernement canadien accorde à cette famille un dégrèvement fiscal de l'ordre de 850 $ par année, tandis que le gouvernement fédéral américain accorde à une famille semblable un dégrèvement fiscal de près de 1 300 $ par année. C'est 50 p. 100 de plus. Et il ne s'agit pas de la Norvège, de la France, ou des pays d'Europe de l'Est, par exemple. Il s'agit des États-Unis. Les Américains font beaucoup plus pour aider les familles dont le niveau de revenu est très moyen et raisonnable. Si je ne regarde pas ces chiffres en termes absolus, mais plutôt en proportion du niveau des impôts que ces familles doivent payer, la différence est énorme.

Je dirais que le faible niveau d'aide que les familles reçoivent du gouvernement fédéral constitue une honte nationale et nous devons remédier très rapidement à cette situation. Je dis que le moment est venu de dire qu'on n'a pas à être pauvre pour que le gouvernement fédéral se préoccupe de nos enfants. Notre régime est devenu très inéquitable récemment et c'est beaucoup plus manifeste que les inégalités verticales dont tous mes collègues ont parlé au cours de cette table ronde.

C'est tout ce que j'ai à dire.

Le président: Merci beaucoup.

C'était le dernier exposé et j'ai l'impression que tout est bien clair maintenant. Je sais ce que nous devons faire.

Nous aurons une période de questions et réponses de 10 minutes, en commençant par M. Epp, qui sera suivi de M. Loubier.

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci.

J'ai l'impression d'être très loin, mais je prévoyais être appelé à remplir d'autres obligations.

Ces exposés étaient très intéressants. Je me souviens de l'an dernier; c'était ma première année au comité des finances. Après avoir entendu une foule de témoins au comité, nous sommes enfin arrivés à cette réunion où tous les témoins qui comparaissaient savaient avec certitude de quoi ils parlaient. Je me souviens d'avoir été étonné par la grande diversité des témoignages, comme c'est le cas présentement. Il est probablement vrai que si l'on demande à une vingtaine d'économistes ce qu'il faut faire, on devrait obtenir une trentaine d'avis différents. Vous avez livré la marchandise aujourd'hui.

J'ai quelques questions à poser. Premièrement, en ce qui concerne les taux d'imposition, vous dites tous qu'ils coûtent de l'argent au gouvernement. L'un ou l'autre d'entre vous accepte-t-il l'idée que si nous réduisons les taux d'imposition, les recettes du gouvernement pourraient vraiment augmenter?

M. David Rosenberg: Je pense qu'il suffit de regarder ce qui se passe en Ontario. Le gouvernement a réduit de façon agressive les impôts sur les revenus des particuliers, et voilà qu'aujourd'hui les recettes provenant de l'impôt sur les revenus des particuliers dépassent de 7 p. 100 le niveau de ces recettes au moment où les conservateurs sont arrivés au pouvoir en 1995. Essayez donc d'y comprendre quelque chose. En outre, les dépenses de programmes ont augmenté d'autant. Je pense donc que lorsque la fiscalité est excessive comme c'est le cas au Canada, on peut certainement faire valoir que les effets multiplicateurs d'une mesure corrective sont d'au moins un tiers.

Je prendrai comme exemple la situation fiscale aux États-Unis. Quelle est la dernière mesure prise par ce pays? Chose étonnante, un démocrate a réduit le taux d'impôt sur les gains en capital il y a deux ou trois ans. Quand on regarde les recettes fiscales provenant de l'impôt sur le gain en capital actuellement, on constate que cette réduction a rapporté plus qu'elle ne semblait devoir coûter.

Par conséquent, peu importe ce que les manuels disent, lorsqu'on regarde la situation de manière empirique, on peut trouver dans le monde des exemples où une réduction des impôts génère effectivement plus de recettes qu'on obtiendrait par des mesures visant à stimuler l'investissement de capital de risque et la croissance économique. Je pense que l'expérience de l'Ontario constitue probablement la meilleure preuve de ce que j'avance.

• 1720

Le président: Merci, monsieur Rosenberg.

M. McCallum, suivi de M. Laidler.

M. John McCallum: Monsieur le président, je crains que vous n'obteniez pas l'unanimité, car je ne crois pas un instant que si l'on réduit l'impôt sur le revenu des particuliers on verra une augmentation des recettes. Enfin, ce serait simplement trop beau pour être vrai. On dirait qu'il faut réduire l'impôt sur le revenu de 20 p. 100, mais alors pourquoi pas de 80 p. 100? Pourquoi ne pas ramener cet impôt à près de zéro, car alors les recettes monteraient en flèche? Je pense qu'il y a une certaine récupération, mais je ne crois pas que cela dépasserait les recettes qu'on aurait autrement perçues, en particulier dans le cas de l'impôt sur le revenu des particuliers.

En ce qui concerne les autres types d'impôt, ce serait peut-être plus—et je pense que je cite encore une fois Jack Mintz. Dans le cas de certains éléments de la fiscalité des entreprises, on pourrait les ramener à un niveau inférieur de celui de nos voisins. On pourrait ainsi encourager les entreprises à ramener des revenus dans notre pays, ainsi que certaines activités économiques, peut-être. Je pourrais donc concevoir que votre énoncé puisse être correct dans le cas de la fiscalité des entreprises. Mais en ce qui concerne un impôt aussi important et aussi général que l'impôt sur le revenu des particuliers, je trouve cela très difficile à croire.

M. Ken Epp: Si vous le permettez, j'aimerais en parler davantage avant que quelqu'un d'autre ne prenne la parole, car je n'ai pas de difficulté à admettre que si l'on réduit le taux d'impôt à zéro, chacun sait que les recettes provenant de l'impôt sur le revenu seront alors réduites à zéro. Mais si le taux d'imposition est fixé à 100 p. 100, les recettes provenant de l'impôt sur le revenu serait encore réduites à zéro. Qui continuerait de travailler s'il devait envoyer tous ses revenus au gouvernement? La solution se trouve entre ces deux extrêmes, et si vous visualisez la chose—je sais que les économistes adorent faire cela, alors je vais présenter la question de votre point de vue—vous avez cette courbe où les recettes tirées de l'impôt sur le revenu se situent à zéro aux deux extrémités. Entre les deux, dépendant de l'endroit où l'on se situe sur cette courbe, on peut avoir dépassé le point des recettes maximales pour un taux donné.

Je suppose que je cherche à savoir si nous avons dépassé ce taux ou non, car le message que nous transmettent continuellement les Canadiens, c'est qu'ils estiment être imposés à mort. Il me semble donc que nous pourrions vraiment contribuer à relancer l'économie si nous leur accordions une bonne réduction.

Peu importe, poursuivez, je vous en prie.

Le président: Je donne d'abord la parole à M. Laidler, qui sera suivi de M. Robson, de M. Mendelsohn et de M. Fortin.

M. David Laidler: Je suis l'un de ceux qui croient que nous sommes déjà définitivement du mauvais côté de la courbe de Laffer, du point de vue de l'économie de l'offre au Canada. J'ai vécu en Angleterre avant de venir au Canada en 1975. Je suis porté à croire que lorsque le taux maximal d'impôt sur le revenu a été réduit, passant de 96 p. 100 à environ 50 p. 100, puis 40 p. 100, les recettes ont augmenté parce que les gens ont quitté la Suisse et les Antilles pour revenir en Grande-Bretagne et ont commencé à déclarer leurs revenus. Mais nous sommes très loin d'en être rendus là ici.

Je vous mets également en garde au sujet des preuves tirées d'études limitées seulement aux impôts sur les gains en capital. Si l'on réduit les impôts sur le gain en capital en ne touchant pas aux impôts sur le revenu, des comptables astucieux vont se hâter de convertir des revenus en gains en capital. Les recettes tirées des impôts sur les gains en capital vont augmenter, mais les recettes provenant des impôts sur le revenu vont diminuer.

Il est donc certain que c'est une erreur de déduire qu'une réduction proportionnelle d'un taux d'imposition entraînera une réduction proportionnelle des recettes. Je serais estomaqué si, au Canada, nous nous trouvions du mauvais côté de la courbe de Laffer et que nous puissions nous fier à des réductions d'impôt pour engendrer une augmentation des recettes. Je pense que nous sommes plus redevables à Alan Greenspan qu'à Mike Harris pour les recettes fiscales provenant de l'impôt sur le revenu en Ontario.

M. William Robson: C'est seulement dommage que le même effet ne se soit pas fait ressentir dans les provinces voisines de l'Ontario, je suppose. Je n'ai pas pu m'empêcher de le signaler. Quoi qu'il en soit, je suis essentiellement d'accord avec David Laidler.

Il n'est habituellement pas de bon ton que des économistes affirment que l'augmentation des recettes fiscales puisse compenser et même plus la diminution des taux d'imposition, mais de telles situations existent manifestement. Nous en avons un bel exemple ici au Canada dans le cas de la règle sur les biens étrangers. Il s'agit d'un impôt. C'est un impôt spécial que doivent payer les gens qui ont investi dans des biens étrangers une trop grande proportion de leur régime de retraite. Le taux de cet impôt est prohibitif et il génère très peu de recettes. Si le taux de cet impôt était plus faible, nous pourrions peut-être voir des recettes provenir de cet impôt. L'effet compenserait et même plus la réduction du taux. Je préférerais cependant que cet impôt tombe à zéro.

Pour ce qui est de la fiscalité des entreprises, je pense que l'assiette fiscale devient probablement de plus en plus élastique. Par conséquent, c'est un secteur où on ne verrait certainement pas des diminutions de recettes équivalentes à la réduction des taux d'imposition.

• 1725

En ce qui concerne les gains en capital, David a raison de dire qu'il est possible que l'on transforme des revenus en gains en capital, mais il arrive que des gens soient coincés dans des situations dont ils aimeraient se sortir, et à court terme certainement, si l'on réduisait les impôts sur ces gains, on pourrait en tirer des recettes supplémentaires.

Par conséquent, la réponse bien terne est que cela dépend, mais il y a certainement des cas où il faut prendre avec un grain de sel l'aide-mémoire accompagnant la mise à jour relative à la situation financière qui montre les effets des mesures sur les recettes, pour les raisons que vous avez mentionnées.

Le président: Monsieur Mendelsohn.

M. Joshua Mendelsohn: Je pense que je vais compliquer les choses encore un peu plus pour vous.

Je suis porté à être d'accord. Le problème auquel nous faisons face—et je pense que cela nous ramène à certaines des questions dont parlait Andrew Jackson et d'autres—c'est que lorsqu'on dit qu'il y a des preuves, il n'y a pas vraiment de preuves. Nous tentons de mesurer une variable par rapport à une autre, un impact direct ou un impact raisonnablement direct.

Je ne possède pas la réponse, mais le problème découle à mon avis du fait que les économies dans lesquelles nous vivons aujourd'hui sont de plus en plus complexes. Les fonctions de réaction, les modes de comportement sont plus complexes peut-être parce que les gens sont plus avertis. Ils se sont habitués à des réactions différentes. Ils réagissent différemment.

À court terme, je serais porté à dire que si nous réduisons simplement les impôts de manière marginale, on ne pourra pas récupérer les sommes ainsi perdues en recettes additionnelles, et en fait, on y perdra. Il y a cependant alors lieu de se demander—et c'est ce qui m'intéresse le plus—ce qui se produira à long terme si l'on modifie un régime d'incitatifs, si l'on modifie ce qui est disponible, quelle que soit la structure fiscale qu'on modifie? Je n'ai pas la réponse à cette question, mais je suppose qu'on aura une réponse différente, un résultat différent.

Comme on l'a dit tout à l'heure, il est vrai que les impôts n'engendreront pas nécessairement à court terme des investissements supplémentaires, par exemple, et par conséquent une production supplémentaire.

J'ai été chargé d'une étude—cela remonte au milieu des années 70 à l'Institut C.D. Howe—sur les incitatifs fiscaux destinés à stimuler les investissements. Le résultat final a été que c'était la demande, c'est-à-dire la capacité de vendre les produits, comme on l'avait déjà remarqué, qui pouvait engendrer des investissements. Qu'est-ce qui engendre la demande? C'est l'emploi. Ce sont les revenus. C'est la capacité de dépenser. C'est un système intégré.

Je pense donc qu'il faut se méfier de la notion selon laquelle des recettes supplémentaires compenseront les recettes perdues, car nous allons obtenir toutes sortes de réponses différentes.

L'Ontario présente un cas intéressant car je dois aussi l'admettre, les résultats sont davantage dus à M. Greenspan qu'aux mesures fiscales. Je pense que le gouvernement de l'Ontario a lui-même répugné à affirmer que ces mesures fiscales étaient à elles seules responsables de la croissance économique. On y reconnaît certainement que les États-Unis ont contribué à cette croissance.

Le président: Monsieur Fortin? Non? Quelqu'un d'autre?

Monsieur Epp, vous avez une question?

M. Ken Epp: Je veux seulement poser une brève question au sujet de la dette. Plusieurs d'entre vous avez mentionné qu'elle devrait constituer une priorité. Il me semble qu'à un moment où notre économie est relativement assez prospère et où les taux d'intérêt sont faibles, ce serait une excellente occasion de réduire le principal de notre dette. Pourtant, certains d'entre vous l'avez fait d'une façon hésitante ou ne l'avez même pas mentionné.

Ceux d'entre vous qui ne l'avez pas mentionné peuvent-ils me dire pourquoi vous préférez maintenir la dette à son niveau élevé?

Le président: Monsieur Mendelsohn.

M. Joshua Mendelsohn: Je ne pense pas que je ne l'ai pas mentionné parce que je veux qu'on la garde à son niveau élevé; je pense que d'autres l'avaient mentionné et j'ai donc omis de le faire.

Pour être tout à fait juste, je pense qu'il faut se demander de combien on la réduirait. Prenons par exemple tout le surplus imprévu, comme j'ai tendance à l'appeler, ce qui reste à la fin de l'année; je dirais très catégoriquement qu'il y a une seule chose à faire avec, et c'est l'utiliser pour réduire la dette.

À tout le moins, on a les 3 milliards de dollars, c'est vrai; je dirais que je serais très heureux si l'on allait jusqu'à 4 milliards ou 5 milliards de dollars. Je dois cependant mettre aussi cela en regard de ce que je vois personnellement comme la contribution à long terme à certains des effets bénéfiques de la croissance par opposition à ce qu'on pourrait économiser en ajoutant dès le début de l'exercice encore un milliard de dollars, par exemple, à la réduction de la dette. Si on le fait à la fin de l'exercice, je suis absolument certain qu'il est préférable de le faire le plus tôt possible.

Le président: Merci.

Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Bien sûr, je suis désolé. Monsieur Rosenberg.

M. David Rosenberg: J'ai présenté un préambule assez rapide au début. Je dirais seulement qu'à mon avis le principal indice de difficulté financière n'est pas le niveau d'endettement, mais le rapport de la dette au PIB, et ce rapport est en train de diminuer. Même si l'on ne rembourse pas l'hypothèque, elle diminue simplement du fait de la croissance économique. Je suis cependant tout à fait d'accord pour dire qu'on devrait utiliser au moins la réserve pour éventualité comme acompte. Le rapport dette-PIB, qui a déjà diminué de 10 points de pourcentage ces deux ou trois dernières années, continue de baisser.

• 1730

La question est de savoir pourquoi ce rapport dette-PIB est trop élevé. Quel indice en avons-nous? Je dirais qu'au Canada nous nous trouvons dans cette situation très rare où nos taux d'intérêt sur la courbe de rendement, pour les obligations de 30 ans, sont inférieurs à ceux des États-Unis. Les marchés ne nous disent certainement pas que le niveau actuel d'endettement du pays est inacceptable. Ce sont les attentes qui importent.

Vers la fin des années 80 et au début des années 90, l'écart sur la courbe de rendement de nos obligations était de 200 points de base ou plus, et les marchés signalaient aux décideurs politiques que notre endettement était terrible. Nous avons réussi à renverser cette situation. Ainsi, le fait que nos taux d'intérêt soient inférieurs à ceux des États-Unis et que nous ne soyons pas en situation inflationniste, car notre taux d'inflation est à peu près le même, montre que les investisseurs sont satisfaits du progrès que le Canada fait sur le plan de son bilan financier. Quelle meilleure preuve peut-on en avoir que le fait que la semaine dernière Terre-Neuve a vu sa cote relevée par Standard & Poor's de triple B à A-moins?

Je pense que nos progrès sur le plan financier ont été bons. Quand je regarde la situation, je vois que le PIB a baissé, que les dépenses totales du secteur public comme proportion du PIB, bien qu'inférieur à son niveau record, est encore plus élevé qu'il y a 10 ou 20 ans, ce qui crève les yeux, c'est que les recettes du gouvernement fédéral en proportion du PIB représentent encore plus de 17 p. 100—le niveau le plus élevé des 20 dernières années, et deux points de pourcentage plus haut que lorsque les libéraux sont arrivés au pouvoir. Cela représente près de 1 000 $ de plus à payer pour le ménage moyen.

Je ne dis pas que la dette n'est pas élevée et qu'il ne faut pas remédier à la situation, mais le fait est qu'elle a déjà diminué de 10 points de pourcentage et qu'elle continuera de diminuer. Le gouvernement doit se demander quelle doit être la véritable grande priorité à partir de maintenant. La raison pour laquelle j'ai mis l'accent sur le côté fiscal est qu'à mon avis c'est là que le besoin le plus pressant se fait sentir actuellement.

Le président: Merci, monsieur Rosenberg.

Je vous en prie, professeur Wilson.

M. Thomas A. Wilson (professeur, directeur, Institut pour l'analyse des politiques et de l'économie, Université de Toronto): Je dis seulement que je suis aussi d'avis qu'à moyen terme les réductions d'impôt sont extrêmement importantes. Je préciserai plus tard, si l'occasion se présente, quels impôts il faut réduire.

J'estime cependant qu'à court terme, la priorité devrait nettement être la réduction de la dette. Je dis cela pour un certain nombre de raisons. Notre perspective économique s'est raffermie au cours des deux derniers mois depuis le premier exercice du dividende budgétaire; les excédents prévus sont maintenant plus élevés que les deux ou trois premières années. C'est exactement le bon moment de traduire ces bons résultats en une diminution plus rapide de la dette. Nous devons avoir un plan à moyen terme, mais à ce moment-là le remboursement de la dette devrait être vraiment une action résiduelle. Je pense qu'en période de vaches grasses, c'est le moment de rembourser la dette plus rapidement.

Je crois également que nous devons prévoir réduire suffisamment la dette pour que, étant donné l'engagement du ministre et du gouvernement, je pense, à ne plus jamais avoir de déficit, nous ayons une marge de manoeuvre suffisante pour éviter le risque d'une politique financière perverse en cas de récession. Par conséquent, si nous devions nous retrouver en récession dans un an ou deux—même si cela paraît peu probable étant donné les perspectives actuelles, les choses peuvent changer—et si nous devions traverser une récession de la pire sorte, si l'inflation s'accélérait aux États-Unis, si la réserve fédérale resserrait sa politique monétaire, de sorte que nous ferions face à la fois à une diminution de la demande réelle et à une augmentation des taux d'intérêt, nous voudrions avoir une marge de manoeuvre suffisante pour que l'engagement du gouvernement à ne plus avoir de déficit ne nous force pas à réduire les dépenses en période de récession ou à augmenter les impôts. En outre, le fait d'avoir un excédent plus important à l'heure actuelle réduit l'obligation de la Banque du Canada de juguler l'inflation.

Le président: Monsieur Loubier.

[Français]

M. Yvan Loubier: J'aimerais poursuivre le débat sur la taxation à l'aide de certaines remarques et aborder ensuite un autre sujet.

Même si les analyses présentées ici ne reconnaissent pas qu'une baisse des impôts aurait des effets évidents, dans les faits, il y en a tout de même d'assez remarquables. Par exemple, alors que le fardeau fiscal global des particuliers, surtout depuis 1993, a augmenté de 40 p. 100, on remarque que le PIB a augmenté de 27 p. 100. Ces deux données indiquent donc un appauvrissement certain des particuliers.

• 1735

Quand on voit le déséquilibre entre les catégories de revenus par rapport à leur contribution fiscale, là aussi il y a certains faits qui ne trompent pas. Ainsi, dans la catégorie des revenus de 30 000 $ à 70 000 $ par année, qui comprend environ 27 p. 100 des contribuables, la contribution aux impôts perçus par le gouvernement fédéral est de plus de 50 p. 100.

L'autre fait que je considère assez important, et je crois que M. Mendelsohn et M. Van Audenrode l'ont souligné plus tôt, c'est toute la question de l'équité de la structure fiscale. Il est assez surprenant que certains d'entre vous ne soient pas convaincus de l'effet d'une diminution des impôts pour la catégorie des revenus moyens en particulier, alors que seule l'absence de la pleine indexation entraîne des déséquilibres flagrants entre la fiscalité fédérale et la fiscalité des provinces, en particulier celle du Québec.

Nous en avons justement relevé un exemple cet après-midi même au Comité des finances: le seuil d'imposition nul pour une famille avec deux enfants est de beaucoup supérieur au fédéral qu'il ne l'est du côté du gouvernement du Québec, par exemple. Une famille avec deux enfants est imposée au fédéral à partir d'un revenu de 10 700 $, alors qu'elle l'est, au provincial, à partir d'un revenu de 30 200 $, si ma mémoire est bonne.

Lorsqu'on constate de tels déséquilibres, dont la croissance du PIB en comparaison de celle des impôts des particuliers, on voit que la réduction des impôts des contribuables de cette catégorie aurait un impact certain. Peut-être ne s'agit-il pas de réduire les impôts s'appliquant à toutes les catégories de revenus, mais ceux de cette catégorie de contribuables en particulier, d'autant plus que c'est dans cette catégorie qu'on diagnostique le niveau le plus élevé de la propension marginale à consommer. Donc, toute économie d'impôt résultant d'une mesure contenue dans le prochain budget pourrait être totalement dépensée ou totalement investie et avoir des effets structurants importants.

J'aimerais entendre votre opinion là-dessus parce que vous n'avez pas l'air convaincus, sauf certains d'entre vous, de l'impact qu'aurait une réduction des impôts sur la croissance économique.

Je vais vous poser tout de suite mon autre question au cas où je n'aurais pas le temps de reprendre la parole. J'aimerais aussi avoir votre opinion sur tout ce qui fait l'objet du débat sur l'intégration monétaire nord-américaine et même des trois Amériques. Je crois, en effet, que M. Robson et M. Mendelsohn ont parlé tout à l'heure de la productivité des entreprises et du fait qu'on ne pouvait pas continuellement baser le rendement de nos entreprises sur la dévaluation du dollar canadien.

J'aimerais donc que vous me parliez de l'éventualité de l'intégration monétaire nord-américaine d'abord et des trois Amériques, en second lieu, en tant que facteur de stabilité, et ensuite de mesures plus structurantes quant à l'augmentation de la productivité des entreprises canadiennes.

[Traduction]

M. Joshua Mendelsohn: Permettez-moi de répondre de la façon suivante. Je ne fais pas partie de ceux qui sont en faveur d'une monnaie commune parce que je ne pense pas qu'une monnaie commune soit la solution. Je pense qu'on utilise souvent l'intégration monétaire comme mécanisme pour tenter de forcer un certain degré de changement, exclusion faite des pressions politiques qui se sont exercées en Europe et qui ont amené l'introduction de l'euro.

On a vu l'intégration monétaire comme un moyen de forcer les gouvernements à réduire leurs déficits budgétaires, à diminuer leur endettement et à restructurer leurs économies. L'échec des divers pays à faire cela, en particulier l'Italie, qui n'a jamais manifesté beaucoup d'efforts ou de capacité à le faire, montre que c'est davantage un exercice machinal. En fin de compte, il pourra s'avérer très efficace.

Je pense que nous faisons face au même défi au Canada et c'est pourquoi j'ai soulevé certaines de mes questions. Si nous adoptons des politiques destinées à favoriser notre compétitivité économique par des facteurs autres que la monnaie, ou à améliorer notre productivité, notre compétitivité, les industries qui dépendent d'une faible monnaie perdront, si elles ne font pas d'améliorations. Cette monnaie va prendre de la valeur par elle-même et se stabilisera à un certain niveau. J'ignore quel est le niveau approprié.

• 1740

Le problème que j'ai en ce qui concerne le taux de change fixe est celui-ci: à quel niveau doit-on le fixer? Si on le fixe à 50c. américains pour chaque dollar canadien, la situation sera pire parce qu'on ajoutera en réalité encore une protection supplémentaire aux industries canadiennes. Si on fixe le taux instantanément à 80c. ou 85c., je pense que plusieurs industries canadiennes ne survivront pas.

Quel est le bon taux? La théorie de la parité du pouvoir d'achat est un concept à long terme et je ne pense pas qu'on puisse l'appliquer en l'occurrence.

Je préférerais que nous adoptions des politiques en vue d'atteindre un plus haut niveau de stabilité et un meilleur rendement général grâce à des choix plutôt qu'à un simple mécanisme. Lorsque Margaret Thatcher a essayé, sa politique a fonctionné dans une certaine mesure lorsqu'elle a aligné la livre sterling sur le deutsche mark. Mais c'était une question d'inflation, il s'agissait d'empêcher les entreprises de céder aux exigences des syndicats. Il s'agissait donc de motifs différents.

Nous avons besoin cependant d'une certaine flexibilité dans notre taux de change. Peu importe jusqu'où nous regardons dans l'avenir, la structure de l'économie canadienne continuera certainement d'être différente dans une certaine mesure de la structure de l'économie des États-Unis. Elle est davantage axée sur les ressources. Elle comporte donc plus de différences selon les régions. Par conséquent, nous aurons besoin d'une certaine flexibilité.

Je ne suis donc pas en faveur d'une monnaie à parité fixe ou d'un taux de change fixe.

Le président: Monsieur Laidler ou monsieur Fortin.

M. David Laidler: En ce qui concerne la question d'une monnaie commune, je pense que la principale objection est politique, je le dis franchement. Je ne peux pas concevoir une monnaie commune à l'Amérique du Nord qui ne serait pas le dollar américain contrôlé par la réserve fédérale, qui relève du Congrès américain. Je ne peux pas m'imaginer que les Américains renoncent à cela et je ne vois pas pourquoi nous devrions créer une hiérarchie du pouvoir politique à l'intérieur de l'Amérique du Nord.

L'autre option serait un accord sur un taux de change fixe. De tels accords ont vraiment mal fonctionné au cours des 15 dernières années. Ils ont été la source de toutes sortes d'instabilité. Il est difficile de s'en tenir à un taux de change lié.

En outre, je pense qu'on n'a pas assez porté attention dans cette discussion au fait qu'il existe une frontière entre le Canada et les États-Unis que la plupart des membres de la population active trouvent très difficile à traverser. Il y a des chocs asymétriques qu'il faut absorber à l'intérieur de l'économie canadienne. Je suis d'accord avec Josh Mendelsohn pour dire qu'il vaut la peine d'avoir un peu de flexibilité dans le taux de change pour absorber une partie de ces chocs.

Je ne fais pas de plaidoyer en faveur d'une politique monétaire faible. Je ne me souviens pas d'avoir entendu bien des gens se plaindre que la Banque du Canada avait eu une politique monétaire faible au cours de la dernière décennie. Je n'accorde pas tellement foi à l'argument selon lequel c'est une politique monétaire faible qui a été responsable du peu de croissance de notre productivité.

Le président: Monsieur Fortin.

[Français]

M. Pierre Fortin: Je voudrais répondre plutôt à la question qui concerne la réduction des impôts. Tout d'abord, je pense que la littérature contemporaine, où a été analysée l'expérience américaine du début des années 1980, celle d'une réduction de 20 à 25 p. 100 des impôts des particuliers et des sociétés, a démontré que l'idée que l'Amérique du Nord était rendue sur le mauvais versant de la courbe de Laffer était tout simplement crackpot. En France, on appelle cette courbe la courbe de Colbert. C'est en fait Colbert qui avait développé cette idée. C'est une idée crackpot parce que nous sommes loin d'en être rendus là. Je pense que la réaction des membres du comité, tout à l'heure, constituait le bon signal à donner.

Ensuite, la raison qui fait qu'intuitivement, on ne se sent pas prêts à dire qu'une réduction marquée des impôts va encourager par elle-même une croissance économique extraordinaire, c'est que... La véritable raison qui nous amène à demander des réductions des impôts, c'est qu'avec l'élimination des déficits budgétaires, la proportion représentée par les intérêts dans le total du PIB va diminuer progressivement. Nous proposons donc tout simplement de remplacer cela par des réductions d'impôt, de compenser la réduction des intérêts à payer afin d'équilibrer la chose. Cela signifie, à toutes fins utiles, que l'argent qui aurait été dépensé pour verser des intérêts sera maintenant plutôt dépensé par des gens qui l'auront dans leurs poches pour en faire ce qu'ils veulent.

Bref, sur le plan du pouvoir d'achat, cela ne change strictement rien. Le pays a une capacité de produire des biens et des services à court terme qu'il ne peut pas dépasser sans relancer l'inflation. À ce moment-là, même si une baisse d'impôt relançait l'économie et que cela devienne inflationniste, vous verriez immédiatement une augmentation des taux d'intérêt qui empêcherait cette baisse d'impôt d'avoir un effet expansionniste.

• 1745

D'autre part, il est aussi crackpot de dire que la baisse récente des impôts en Ontario—c'est ainsi que les collègues en général m'ont semblé réagir—a contribué de façon importante à l'expansion économique de cette province. En fait, déclarer cela équivaut en quelque sorte à dire que la vente de «pinottes» durant les fins de semaines en Italie est la cause de la hausse des accidents d'automobile en Écosse, parce que les deux phénomènes augmentent tous deux en fin de semaine, comme tout le monde le sait. Il n'y a pas vraiment de lien entre les deux.

Ce qui s'est passé, c'est que les taux d'intérêt ont baissé en Amérique du Nord, en particulier aux États-Unis, que nos exportations ont repris et que l'Ontario en a bénéficié. L'économie de l'Ontario est d'ailleurs l'économie régionale qui s'est affaissée le plus au Canada pendant la récession. Il est donc normal que pendant une période d'expansion, elle se reprenne plus vite que les autres.

En fin de compte, il y a quand même un aspect sous lequel une baisse d'impôt importante pourrait avoir un impact. Ce serait sur le plan corporatif, par rapport à la concurrence qui s'exerce dans le monde pour la localisation de l'investissement direct des entreprises internationales. Il est clair que le geste de l'Irlande de diminuer le fardeau de la taxation sur le capital d'entreprise, qui était, je crois, de 22 p. 100 par rapport à 10 p. 100 il y a 10 ou 15 ans, a eu un impact majeur sur l'inondation d'investissements étrangers en Irlande.

Il est certain que si le Canada faisait la même chose, on aurait une inondation d'investissements, mais ce ne serait pas engendré par de l'épargne venant du Canada ou du travail supplémentaire, d'un effort supplémentaire qui proviendrait du Canada. Cela serait essentiellement l'effet de la décision d'entreprises étrangères ou d'origine canadienne qui décideraient de prendre de l'expansion ou de s'installer au Canada.

Donc, si on veut avoir un véritable bond dans l'investissement au Canada, il faut ou bien détaxer l'impôt corporatif, ou bien changer la structure de l'impôt des particuliers de manière à détaxer l'épargne au maximum. Pour cela, il faudrait peut-être analyser le régime préconisé par M. Mills, mais aussi le régime préconisé par des sénateurs américains comme M. Domenici qui proposent la USA Tax.

M. Yvan Loubier: J'aurais une sous-question en rapport avec ce que vous venez de dire. Est-ce que vous trouvez aussi crackpot, comme vous dites, que depuis 1993-1994, ce soit la catégorie de revenu que j'ai mentionnée, celle du revenu moyen situé entre 30 000 $ et 70 000 $ par année, qui contribue le plus, toutes proportions gardées, à l'effort d'assainissement des finances publiques, alors qu'on se retrouve dans une situation où on a des surplus prévus, pour les cinq prochaines années, de 95 à 150 milliards de dollars?

Ce matin, des économistes de Toronto avaient la même opinion que nous, à savoir que les surplus des cinq prochaines années étaient encore une fois sous-estimés par M. Martin. Cela devient une habitude. C'est un vieux travers qu'on ne peut pas changer. Est-ce que vous trouveriez crackpot qu'on donne du répit à ces catégories, à ces familles à revenu moyen, qui ont fourni presque l'essentiel de l'effort d'assainissement des finances publiques?

M. Pierre Fortin: Je ne dirais pas que c'est crackpot dans ce cas-là. En fait, le gouvernement a une décision à prendre. Il peut choisir d'aller d'un côté ou de l'autre. Ce que j'ai qualifié de crackpot, c'était le fait de dire qu'on était du mauvais côté de la courbe de Laffer. Cela, je pense que les finances l'ont démontré dans les faits.

Cependant, je crois que c'est une bonne idée que de cibler carrément la classe moyenne pour des réductions massives d'impôt au Canada au cours des 10 prochaines années. Personnellement, je pense à au moins 30 milliards de dollars de réductions d'impôts au total pour les 10 prochaines années, et ce devrait être globalement la classe moyenne qui en bénéficie. Je ferais tout de même un effort particulier pour réduire le taux marginal maximum de taxation au Canada et le ramener à un niveau moins éloigné de celui des États-Unis, tout à fait comme John McCallum l'a préconisé tout à l'heure.

M. Yvan Loubier: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur McCallum.

M. John McCallum: J'ai deux brefs commentaires à ajouter au sujet de l'intégration monétaire.

En passant, je suis d'accord avec David Laidler. Quand on parle d'une monnaie commune à l'Amérique du Nord, c'est un euphémisme de dire que le Canada utiliserait le dollar américain et par conséquent, pour des raisons politiques, cela risque fort peu de se produire bientôt. Je pense que nous parlons plutôt d'un taux de change lié ou d'une caisse d'émission.

• 1750

Ce que je voulais dire... pour des pays comme l'Argentine, le Mexique ou le Brésil, qui ont un passé plein d'instabilité monétaire et d'hyperinflation, il peut être attrayant de laisser tomber simplement leur système pourri et d'utiliser le dollar américain, mais je ne pense pas que cela se produise dans un avenir rapproché, ne serait-ce que parce qu'ils n'auraient pas de prêteur de dernier recours et que leurs banques ne sont pas exactement stables.

Au Canada, nous avons connu des difficultés au début des années 90 lorsque nous avons voulu assainir nos politiques monétaires. Nous avons connu d'autres difficultés plus récemment lorsque nous avons assaini nos finances. On peut dire que nous faisons preuve d'autant de discipline au niveau monétaire et fiscal que les Américains, et à titre de preuve, comme on l'a signalé plus tôt, nos taux d'intérêt sont actuellement moins élevés qu'aux États-Unis. Donc les avantages du point numéro 1 ne sont pas là.

Quant au deuxième point, je pense que la crise asiatique est le meilleur exemple des avantages d'un taux de change flottant. Lors de cette crise, le prix des marchandises à travers le monde a chuté et les pays ayant des économies axées sur la vent de ressources, tels que le Chili, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada, ont connu une dépréciation monétaire, du moins temporaire, qui a atténué l'impact de la crise.

À mon avis, il fallait encaisser le coup de la crise asiatique d'une façon ou d'une autre, et il valait mieux composer avec une devise plus faible et c'est ce qui a permis une croissance soutenue et la création d'emplois, plutôt que d'être obligés de renflouer notre devise en augmentant les taux d'intérêt, ce qui aurait ralenti notre économie.

Quant aux taux fixes dont le rendement n'a pas été bon, il n'y a que deux grands pays au monde qui ont actuellement des taux de change liés. Ils ont vécu la crise. Il s'agit de l'Argentine et de Hong Kong et leur situation actuelle n'est pas très bonne. Je crois que notre taux de change flottant nous a bien servis. Ce fait n'a jamais été aussi évident que récemment à la suite de la crise asiatique.

Le président: Merci.

Monsieur Jackson, suivi de M. O'Neil.

M. Andrew Jackson: Très rapidement, je suis d'accord avec presque avec tous les commentaires de John. Je veux faire valoir l'opinion suivante à propos des avantages d'un taux de change flottant. Certains perçoivent la chute récente du dollar canadien comme une mauvaise chose, mais je crois qu'il est très clair que la croissance économique que nous connaissons découle directement de ce taux de change, qui a atténué l'impact de la crise asiatique.

Ce que j'essaie de dire... et j'étais heureux de voir le nouveau doyen de la faculté d'administration de l'Université de Toronto soulever ce point hier, et en passant il paraît qu'il a accepté une réduction de 90 p. 100 de son salaire pour revenir au Canada. Il disait, et je pense qu'on a tendance à oublier ce côté du débat, que les entreprises canadiennes, surtout celles qui exportent aux États-Unis, ce qui est le cas de bien des entreprises dans le domaine de la haute technologie qui demandent un allégement fiscal... eh bien, pour ces entreprises les choses vont très bien à l'heure actuelle. Elles vendent le produit ou service contre des dollars américains et rémunère leurs employés en dollars canadiens.

Si une entreprise rémunère ses employés en dollars canadiens... je pense que la plupart des gens sont d'accord pour dire que le pouvoir d'achat du dollar canadien est de l'ordre de 80c. Le taux de change est de 66c. Cette mesure favorable encouragera les entreprises qui vendent leurs produits aux États-Unis à s'installer ici, au Canada. Cet avantage l'emporte sur n'importe quelle réduction fiscale éventuelle.

C'est absurde... je ne dis pas que les gens se font piéger, et surtout pas John car il a beaucoup trop de bon sens. C'est absurde que les gens comme Sherry Cooper demandent des réductions d'impôt et un taux de change fixe. Ces politiques sont contradictoires. Il faudrait optimiser la marge de manoeuvre que nous avons grâce à la dépréciation du taux de change.

Le président: Monsieur O'Neill.

M. Tim O'Neill: Il faut faire attention. Une des conséquences évidentes d'une devise dévaluée, c'est que notre pouvoir d'achat à l'étranger diminue, du moins à court terme. Cette situation n'est pas souhaitable. Les effets sont quand même semblables. Un des aspects clés, cependant... et je suis parmi ceux qui croient qu'une devise commune ou un taux de change lié est une des pires politiques imaginables. Je peux dresser une longue liste des politiques que je qualifierais de ridicules je placerais celle-là en haut de la liste.

Un des arguments invoqués—il y en a d'autres qui sont très valables, à mon avis—c'est qu'un taux fixe nous protège de la volatilité des devises et des problèmes qui en découlent. Si, en effet, vous regardez les 20 ou 25 dernières années, vous verrez que le dollar canadien est une des devises les moins volatiles. Je vous dirais même que la Banque du Canada a peut-être mis trop l'accent sur la devise, a été trop préoccupée par elle, et non pas le contraire. On pourrait la critiquer pour ces raisons, et il va sans dire que tous les arguments invoqués en faveur d'un taux de change flottant sont appropriés.

• 1755

Permettez-moi de revenir à quelque chose que Pierre a mentionné. Je ne voudrais pas trop simplifier les choses, mais en examinant les avantages des réductions d'impôt à long terme, il faut faire une distinction entre l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt des sociétés, comme Pierre l'a mentionné. À court terme, les deux vont stimuler les dépenses—une sorte d'expansion du côté de la demande.

La clé, cependant, c'est que cet investissement aura deux autres impacts. D'abord, il s'agit d'une dépense qui vise à élargir les capacités, donc à long terme on peut améliorer les taux de croissance au sein de l'économie. On améliore les possibilités de croissance future. Ce n'est pas le cas lorsqu'on augmente les possibilités de dépenses de consommation. Une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers, à cet égard, n'améliore pas la capacité de l'économie à être plus productive dans l'avenir. Et dans la mesure où les dépenses d'investissement comprennent des changements d'ordre technologique, elles ont également un rôle à jouer pour augmenter la productivité.

S'il est vrai, comme l'a signalé Andrew Jackson plus tôt, que l'effet éventuel semble être relativement mineur, je vous dirai qu'une augmentation d'un demi-point du taux de croissance de l'économie représente une grande amélioration à long terme. L'effet composé échelonné sur 20 ou 30 ans est très important. À mon avis, même les textes les plus optimistes à propos de l'impact des dépenses en infrastructure sur la productivité du secteur privé ne pourraient prétendre avoir ce genre d'impact.

Le président: M. Robson, et ensuite M. Mendelsohn.

M. William Robson: Comme tout le monde parle de l'union monétaire, j'aimerais ajouter une chose, si vous me le permettez. Il est très difficile de démanteler la machinerie à la base de tout le système monétaire—la banque centrale, les prêteurs de dernier recours, et les pouvoirs réglementaires et juridiques connexes.

Ce qui me dérange de ce débat à propos d'une union monétaire nord-américaine, c'est que personne n'a pu m'expliquer pourquoi nous pourrions nous attendre à recevoir de la part de la U.S. Federal Reserve les mêmes types de services que nous obtenons à l'heure actuelle de la part de la Banque du Canada, sans une extension de son pouvoir juridique et réglementaire au Canada, ce que personne ne semble vouloir envisager. Cette question a également été soulevée dans un autre contexte qui nous intéresse—à savoir si le Québec, à titre de pays indépendant, voudrait utiliser le dollar canadien. J'ai tendance à croire qu'il y aurait certaines difficultés, et j'ai les mêmes réserves à propos d'une union monétaire nord-américaine.

Dans votre première question à propos du fardeau de l'impôt sur le revenu des particuliers et des familles, vous avez mentionné l'exemple des familles ayant des enfants. Je me demandais si le professeur Van Audenrode voulait intervenir à ce niveau-là. Je ne l'ai pas mentionné dans mon exposé.

M. Yvan Loubier: Deux enfants...

M. William Robson: Ou trois.

Je pense que le régime fiscal canadien est presque le seul au monde à ne pas reconnaître l'existence des enfants pour bien des familles.

À la fin de mon exposé, j'ai fait une petite demande visant le rétablissement d'un bon système de déductions, parce que c'est de cette façon-là qu'il faut agir et c'est de cette façon-là qu'on peut obtenir l'équité pour tout le monde à laquelle on a fait allusion ici. Au Canada, nous avons eu beaucoup de mal à distinguer la question de la définition de la base fiscale et des transferts sociaux.

Nous avons essayé de compenser les lacunes de l'assiette fiscale, telles que le manque de déductions, par exemple, en compliquant encore plus notre système de transferts, et nous empirons la situation. Il faut régler la question de l'assiette fiscale. Je pense que les déductions qui mettraient une famille de deux, trois, ou quatre enfants dans la situation que vous décrivez—c'est-à-dire une situation où ils ne paient pas d'impôt avant d'atteindre un revenu plus élevé—représentent la solution.

Le président: Monsieur Mendelsohn.

M. Joshua Mendelsohn: Je voudrais juste revenir à un des arguments soulevés. Je ne voudrais pas vous laisser une mauvaise impression; nous semblons tous être d'accord pour dire que nous ne voulons pas de taux de change lié, mais Andrew Jackson et peut-être d'autres ont fait certains commentaires, et ont dit: «Ça va Jack, notre taux de change est bas, c'est formidable, nous pouvons vendre.» Il faut comprendre qu'il y a un prix associé à cela. Peu importe si les salaires sont moins élevés ou le taux de change est moins élevé, il y a un coût qui affecte le niveau de vie de tous les Canadiens à cause de cela. Dans la mesure où les entreprises n'exportent pas et n'ont pas de revenus provenant des exportations et ont besoin d'acheter des équipements, ces équipements deviennent de plus en plus cher.

• 1800

Il y a donc un coût associé à cela, et prétendre... Je ne suis pas en faveur d'un gonflement artificiel du taux de change. Je n'y crois pas. Mais en même temps, laisser l'impression que si le taux de change baissait encore de 2, 3, 5 ou 7 p. 100, ce ne serait pas problématique, à mon avis, nous induit en erreur. Il y a un coût associé à cela, un coût très élevé à long terme.

Le président: Monsieur Rosenberg.

M. David Rosenberg: Je voudrais appuyer ce qu'a dit M. Mendelsohn.

Évidemment, M. Jackson a décidé de s'attaquer à mon patron, qui n'est pas là, mais je ferai preuve de discipline et je dirai tout simplement que tout le monde parle des avantages du taux plus élevé du dollar canadien pendant la crise asiatique, et de l'avantage qu'il présente pour nos producteurs de ressources primaires qui connaissent des difficultés. Personne ne parle de ce qui s'est passé cette année. Le dollar canadien a pris de la valeur, ce qui constitue la déception de l'année pour certains, bien que ce soit une amélioration.

Il faudrait que quelqu'un m'explique la véritable politique de la Banque du Canada. Lorsqu'on pense que les prix des produits étaient à la hausse le printemps dernier—le prix du pétrole avait déjà augmenté de 16 $, 17 $ ou 18 $ le baril—et que le 3 mai le dollar canadien valait 69c., son record pour l'année... Le lendemain, la Banque du Canada a décidé de réduire les taux d'intérêt de 25 p. 100 pour empêcher la devise de dépasser les 69c., à un moment où les indicateurs du commerce montraient qu'elle devrait dépasser les 70c. Quelle est donc la politique de la Banque du Canada vis-à-vis le dollar canadien si elle l'empêche de prendre de la valeur lorsque les indicateurs de base disent très clairement que le taux de change devrait augmenter? C'est ça la question, et non pas ce qui s'est passé l'année dernière.

Pourquoi est-ce que le dollar canadien se négocie comme si le prix du pétrole était de 16 $ ou de 17 $ le baril au lieu de 24 $ ou de 25 $? Il y a un grand écart entre le taux actuel du dollar canadien et le taux qu'il devrait avoir, en fonction des indicateurs fondamentaux. On ne s'est pas encore penché sur cette question.

Le président: Monsieur Laidler.

M. David Laidler: Oui, il y a deux choses.

La politique de la Banque du Canada consiste à maintenir le taux de l'inflation entre 1 et 3 p. 100, et c'est ce qu'elle fait.

Deuxièmement, dire que le prix du pétrole a un effet positif sur la valeur du dollar canadien peut nous induire en erreur. Les preuves empiriques et le travail théorique effectué à la Banque du Canada depuis dix ans montrent que le prix du pétrole a un effet négatif sur la valeur du dollar canadien, parce que les fabricants canadiens de produits d'exportation utilisent énormément de pétrole et de produits énergétiques, et cet effet indirect est plus important que l'effet direct du prix du pétrole. Les produits qui ont un impact sur le dollar canadien sont ceux qui sont produits ici et exportés mais qui ne sont pas liés au secteur pétrolier.

Le président: Merci.

Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

On a tous l'impression que ce débat sur le 50-50 est un peu théorique. Cette distribution ne sera pas toujours la bonne. Elle est assez raisonnable en ce moment-ci, maintenant qu'on vient de juguler le déficit et qu'on a des surplus modestes. Mais une fois que le surplus augmente, si on maintient cette formule on sera peut-être obligé de dépenser dans des domaines où il n'y a pas de besoins réels.

Je pense que tout le monde est d'accord là-dessus, monsieur le président.

J'ai eu l'impression qu'en fait tout le monde parlait de la productivité. Nous cherchons des moyens d'améliorer la qualité de vie des Canadiens, et cela peut être fait par différents moyens. Certains moyens sont directs; les particuliers en bénéficient directement. D'autres sont moins directs, par exemple on améliore la situation des sociétés pour agrandir l'assiette, soit en réduisant les impôts des sociétés, soit par d'autres moyens.

Mais j'aimerais bien savoir quelle est la relation entre tout cela et la taille de la dette. Beaucoup de témoins nous ont dit qu'il est scandaleux d'avoir cette énorme dette et de payer 40 milliards de dollars par an en intérêts. Cela me fait penser à la réaction initiale à un dividende fiscal—le vrai dividende, c'était les intérêts qu'on économisait en repayant la dette.

C'est une argumentation intéressante. D'après moi, comme la dette nationale représente tous nos déficits cumulatifs, il y a de bonnes raisons pour la réduire. Mais cela ne sera pas nécessairement la priorité si nous pouvons agrandir l'assiette ou améliorer la qualité de vie de notre population plus rapidement qu'en réduisant la dette.

• 1805

Il faut décider si nous avons vraiment besoin de réduire les impôts pour améliorer notre situation et revenir vers la moyenne. Devons-nous dépenser pour améliorer la qualité de vie d'une façon directe? Je suis content de voir qu'il y a beaucoup de débats autour des enfants et des familles, surtout ceux qui n'ont pas nécessairement la même qualité de vie que d'autres Canadiens.

Passons maintenant au solde de la dette: est-ce que la dette devrait être considérée comme financement provisoire quand c'est le coût en capital des réductions d'impôt qui agrandira l'assiette... ou les dépenses stratégiques, qui serviront aussi à agrandir l'assiette? N'est-elle pas une dette flottante? Devons-nous vraiment la réduire en oubliant le rapport endettement-PIB? Doit-elle être ramenée à un niveau spécifique simplement parce que les Canadiens trouvent qu'il est absurde d'avoir une dette nationale?

Le président: Monsieur O'Neil.

M. Tim O'Neil: Évidemment, comme j'ai dit dans ma présentation, la formule qu'on choisit va dépendre des impacts qu'elle aura sur la productivité, la qualité de vie, etc. Donc quel est le rôle de la réduction de la dette?

Premièrement, l'un des effets de la réduction de la dette sera de réduire les taux d'intérêt à long terme au Canada. Cela sera un des plus grands avantages qui découlera d'une réduction du rapport endettement-PIB plus rapide que prévue. Le Canada est un pays très endetté, et maintient encore une dette très élevée. Comme je l'ai déjà mentionné, notre niveau d'endettement est à peu près 20 points de base plus élevé que la moyenne des pays ayant la cote triple-A. Est-ce que c'est une mesure valable? Franchement, aucun économiste ne pourrait vous citer un rapport endettement-PIB idéal. Mais ils peuvent vous dire que nous ne l'avons pas. Ici, il est trop élevé.

Deuxièmement, réduire la dette nous donne plus de flexibilité. J'ai déjà mentionné cela dans ma présentation, et Tom Wilson aussi. Si l'économie reçoit un choc de l'extérieur—par exemple, si la Federal Reserve des États-Unis était obligé d'être plus agressive que les gens ne le prévoient aujourd'hui, il pourrait y avoir une décélération de la croissance, ou même une vraie récession au Canada en 2001.

À ce moment-là vous voulez avoir une très grande marge de manoeuvre vous permettant de faire deux choses. Premièrement, il faut se détourner de la voie fiscale et obtenir l'approbation des marchés financiers. N'oublions pas que le problème du milieu des années 90 n'avait aucun rapport avec le déficit précis d'une année donnée; c'était plutôt le rapport dette-PIB croissant qui a provoqué tellement de problèmes sur les marchés financiers. Deuxièmement, une telle approche vous permettra d'avoir recours aux politiques fiscales anticycliques, si cela est nécessaire, plutôt qu'aux politiques passives. Nous n'avons pas eu cette possibilité pendant les années 90. Une telle approche nous donnera une plus grande marge de manoeuvre à l'avenir.

Voilà, me semble-t-il, les trois avantages importants qui résulteront de l'utilisation de l'excédent dans le but de réduire la dette directement ainsi que le rapport dette-PIB plus vite que prévu.

Le président: Monsieur Wilson.

M. Thomas Wilson: Je suis désolé d'être arrivé en retard. Le document que je vous ai distribué comprend un ensemble de politiques relatives à la réduction de l'impôt des particuliers et des entreprises—y compris les impôts des sociétés et l'impôt sur les gains en capital—la réduction des charges sociales, l'augmentation des dépenses et la diminution de la dette. Le document met l'accent sur la réduction de la dette au cours des premières années, suivie d'une réduction fiscale plus tard.

Nous avons examiné l'impact de chacune de ces politiques par rapport à un scénario où tout le soi-disant dividende fiscal, exception faite de la réserve pour éventualités, est affecté aux dépenses, aux transferts non imposables aux particuliers. Nous avons donc examiné l'impact de chacune de ces mesures.

Eh bien, il s'avère que les mesures les plus favorables à la croissance—c'est-à-dire la croissance de la production, de la productivité et de l'emploi, sont une combinaison d'une réduction de la dette, de l'impôt des entreprises et des charges sociales. Je tiens à signaler que lorsqu'on envisage la possibilité de réduire quelque chose comme l'impôt des particuliers, l'impact d'une telle mesure ressemble beaucoup à une augmentation d'un paiement de transfert. Nous ne tenons pas compte de l'impact possible des coupures ciblées chez certains particuliers ni de l'exode des cerveaux. Les conséquences pourraient être importantes. Dans un contexte plus vaste, les meilleurs gains ont été réalisés grâce à une réduction des autres taxes et au remboursement de la dette.

• 1810

Ces résultats s'expliquent, en partie, par la façon dont ces mesures interagissent avec la politique monétaire. Disons, par exemple, qu'on décide de réduire les impôts des particuliers. Nous ne pouvons pas simplement examiner une telle mesure en vase clos pour ensuite dire qu'il y aura un impact formidable sur la demande, que les gens vont acheter plus de biens durables et ainsi de suite. On ne peut pas faire cela parce que la Banque du Canada, qui veut contrôler l'inflation, prendra d'autres mesures pour compenser cet impact sur la demande.

Nous devons vraiment nous pencher sur la question de l'impact sur l'offre, parce que si l'impact sur l'offre est favorable, les trois politiques dont je vous ai parlé... La réduction de la dette, les impôts des sociétés et des entreprises ont un impact à long terme sur l'amélioration de la productivité. Toute réduction de la charge sociale aura, par contre, un impact à court terme très important. Ces mesures vont avoir un impact très positif sur le coût de l'offre. C'est en prenant ces mesures que nous allons réaliser certains gains, l'interaction avec la politique monétaire étant tout à fait favorable.

Le président: Les personnes suivantes vont prendre la parole: M. Laidler, M. Van Audenrode, M. Stanford, M. McCallum et M. Jackson.

M. David Laidler: J'aimerais faire une courte observation en ce qui concerne la dette. Le coût de la perception des impôts pour rembourser la dette constitue une perte énorme. Si notre rapport dette-PIB actuel était celui qu'on avait en 1984, on pourrait abolir la TPS et disposer quand même de moyens pour effectuer un changement. Cela vous montre jusqu'à quel point la fardeau fiscal de notre dette actuelle affecte les finances de notre pays.

M. Marc Van Audenrode: Quant à la dette, il faut à tout prix éviter de nous coincer avec un autre chiffre magique, en disant, par exemple, que le rapport dette-PIB doit être de l'ordre de 40 p. 100 et le taux de l'inflation de l'ordre de 1 p. 100, avec un déficit de zéro. Par la suite on est coincé et on n'arrive pas à faire quoi que ce soit.

Le message que plusieurs d'entre nous veulent transmettre, c'est que si jamais l'économie canadienne connaît d'autres moments difficiles, nous voulons nous assurer que nous n'aurons pas à revivre les années 90, qui se caractérisaient par ces augmentations fiscales, ces coupures de programmes et ce genre de choses. Nous pensons qu'à l'heure actuelle le report dette-PIB est trop élevé pour que la même chose se reproduise. Voilà notre message.

Le président: Monsieur Stanford.

M. Jim Stanford: J'aimerais faire quelques observations, Paul. Nous sommes tous d'accord pour dire, d'après moi, que le report dette-PIB doit diminuer, ce qu'il fait. Ce report diminue de façon rapide par rapport à toute autre norme historique, et il va continuer à diminuer conformément à nos prévisions et à nos programmes. Le fardeau fiscal qui résulte du remboursement de la dette va finir par faire de même.

Voici une expérience intéressante à faire. Prenez vos perspectives consensuelles sur la croissance du PIB et ensuite élaborez quelques scénarios. Tracez d'abord point par point la réduction du fardeau fiscal dans le cas de budgets équilibrés, et ensuite tracez point par point la réduction du fardeau fiscal dans le cas où la réserve pour éventualités est de l'ordre de 3 milliards de dollars, qu'on utilise pour rembourser la dette, et ensuite tracez, point par point, la réduction du fardeau fiscal dans le cas où la réserve pour éventualités s'élève à 10 milliards de dollars qu'on utilise pour rembourser la dette. Vous allez constater qu'il est quasiment impossible de faire la distinction entre ces trois lignes. Je trouve cela incroyable que nos marchés financiers sauraient faire la différence, quatre ans plus tard, entre la décision de verser 3 milliards de dollars chaque année pour rembourser la dette et la décision de ne rien rembourser.

Si Tim a raison lorsqu'il dit qu'on pourrait réduire, de façon soutenue, les taux d'intérêt réels à long terme en remboursant la dette, cela constituerait, d'après moi, un argument puissant pour rembourser la dette. Mais je n'ai pas encore vu de preuves empiriques démontrant un lien systématique ou prévisible entre l'endettement d'un pays et ses taux d'intérêt réels à long terme, y compris le Canada.

Plusieurs personnes ont suggéré que c'est une bonne chose d'avoir un excédent important comme coussin pour que, dans le cas d'une reprise économique, vous ne soyez pas obligés de couper les dépenses de programmes et d'augmenter les impôts. Cependant, tout cela part du principe que nous acceptons le concept que le Canada ne peut jamais se permettre un déficit, peu importe les circonstances. Cela est grosso modo ce qu'a dit le ministre des Finances. Si cela est vrai, je dirais que nous devrions avoir un excédent, parce qu'un tel excédent éviterait les changements cycliques à la politique fiscale qui s'avéreraient nécessaires afin de respecter cette promesse.

Mais nous pouvons également remettre en question la promesse en tant que telle. Il n'est pas tout à fait évident, pour moi, malgré tous les maux que nous avons connus au cours des années 80 et des années 90, que si on fait face à un problème cyclique, le gouvernement ne devrait pas accumuler un déficit. En effet, accumuler un déficit me semble être la meilleure chose à faire dans le cas d'un problème de nature cyclique.

Pour toutes ces raisons, je mettrais la réduction de la dette à la fin de la liste des priorités en ce qui concerne cet excédent.

• 1815

Le président: Merci.

Monsieur McCallum, êtes-vous d'accord?

M. John McCallum: C'est curieux, mais mes observations rejoignent plutôt celles de Jim plutôt que celles de Tom ou de Tim.

M. Jim Stanford: John, je vous ai averti que cela allait vous influencer un peu si jamais vous décidiez de vous asseoir ici.

Des voix: Ah, ah!

M. John McCallum: Pas à ce point-là. J'ai proposé d'affecter un quart de l'excédent au remboursement de la dette, ce qui ne différerait pas énormément de l'approche de gouvernement, d'après mon interprétation. Mais ayant écouté Tom, et cela fait assez longtemps que je ne l'ai pas entendu, je commence à changer d'avis un peu. Permettez-moi de vous donner deux raisons qui expliquent pourquoi je pourrais me tromper et pourquoi il pourrait avoir raison.

Premièrement, si vous examinez l'aspect démographique, nous avons un répit de dix ans avant que les enfants des baby boomers commencent à prendre leur retraite en masse. À ce moment-là, il va coûter de plus en plus cher à subvenir aux besoins de ces vieillards, et les coûts de santé vont grimper. Par conséquent, une façon de régler cette question démographique, c'est de rembourser la dette aussi vite que possible au cours de ce répit de dix ans.

La deuxième raison pour laquelle je pourrais me tromper est que nous pourrions fort bien dans deux ans, avec le recul, avoir le sentiment que cette année a été la meilleure de toutes. J'ai fait partie de cette large consultation organisée par Paul Martin, et j'ai le sentiment, comme l'a dit Jim, que si nous arrivons juste à équilibrer nos budgets, le ratio d'endettement chutera à moins de 50 p. 100. C'est quand même pas mal, quand on pense que ce pourcentage était à 72 p. 100 il y a deux ans. Comme l'a dit Tom, tout cela se fonde sur une hypothèse de croissance continue et régulière pendant les cinq années qui viennent. Que se passe-t-il alors s'il y a un effondrement des marchés des valeurs? Que se passerait-il si les taux d'intérêt crèvent le plafond aux États-Unis et que nous nous retrouvons dans une récession? Tous ces excédents de demain dont on parle si librement, dans ces scénarios que je viens d'évoquer, ne seront pas là. Ça n'aura été qu'un mirage, il n'y aura pas d'excédents.

Dans la mesure où vous pensez que nous traversons une période de vaches grasses—et effectivement nous ne nous en sortons pas trop mal, avec une croissance de l'emploi qui a fait chuté le chômage à 7,2 p. 100 etc.—vous pouvez certainement défendre une politique de prudence et de réduction accélérée de la dette, plus rapide que ce que je proposais.

Le président: Merci.

M. Jackson et ensuite M. Robson.

M. Andrew Jackson: J'aimerais donner quelques explications sur ce que je disais à propos du dollar. Je voulais simplement dire que la politique macro-économique récemment suivie, y compris la dévaluation du taux de change, est un politique qui à juste titre a des effets stimulants, et les taux de croissance actuels sont la traduction de cette politique et des conséquences...

Je suis d'accord pour dire qu'une dévaluation permanente n'est pas une stratégie économique à long terme pour le Canada. J'ai publié un article l'an dernier, où j'expliquais que la faiblesse du dollar, sur le long terme est en partie due à notre retard de productivité par rapport aux États-Unis.

Mais ce que j'essayais d'expliquer, et qui est important—en espérant que ce n'est pas un coup bas pour votre patron—c'est que l'on a besoin en permanence d'une politique macro-économique orientée vers l'expansion plutôt que vers un resserrement de l'économie. Et comme on l'a dit, c'est pour cela qu'il était bon que la Banque du Canada intervienne avant coup pour faire baisser les taux d'intérêt, plutôt que de maintenir le taux de change au même niveau. Là-dessus j'étais d'accord.

Les gens jouent avec divers scénarios, à un ou deux ans. Mais la grande question qui reste en suspens est celle-ci: quelle sera la politique macro-économique générale? J'ai trouvé décevant que la Banque du Canada décide de suivre les Américains sur l'augmentation des taux d'intérêt. Je ne pense pas qu'il y ait eu grand-chose, dans le rapport sur la politique monétaire, qui justifie cette décision.

J'ai du mal a accepter l'idée selon laquelle un budget fédéral de relance entraîne nécessairement une politique monétaire restrictive par voie de conséquence, et que cela annulerait de façon significative l'impact de la croissance. C'est une question intéressante. Avec l'excédent dont nous disposons à l'heure actuelle, on peut tous se demander si cet excédent doit profiter à l'impôt ou à la dépense, mais de toute évidence cela va faire beaucoup d'argent à réinjecter dans l'économie, avec un effet de relance. Et de toute évidence le danger existe que cette croissance puisse être annulée par la politique monétaire.

À ce sujet j'aimerais rappeler que tout ce que nous avons pu apprendre des États-Unis depuis quelques années nous permet de dire que notre potentiel de croissance, hors inflation, est beaucoup plus réel que nous avions l'habitude de le croire, et quÂil n'est pas aussi nécessaire que par le passé de procéder à un resserrement préventif.

• 1820

Il est aussi important de souligner que si nous examinons le cas du Canada à l'heure actuelle, avec un chômage qui a régressé—on en est tous ravis—celui-ci se retrouve au niveau de 1989-1990. Il est également vrai que l'an dernier il y a eu une croissance dans le secteur des emplois à temps plein. Mais il est également important de souligner à quel point le chômage persiste au Canada. On a vu des transferts du secteur des travailleurs indépendants vers le secteur des emplois salariés, et il y a encore beaucoup de travailleurs à temps partiel qui aimeraient avoir un emploi à temps plein.

Je pense donc que nous avons une réserve de croissance supérieure à ce que pense beaucoup de gens, y compris à la Banque du Canada. Je crois que c'est un point important que le comité aura peut-être à débattre.

Le président: Merci, monsieur Jackson.

Monsieur Robson.

M. William Robson: J'aimerais dire rapidement que je ne suis pas d'accord avec Jim Stanford lorsqu'il dit qu'il n'y aucune différence entre 3 milliards, 10 milliards par an, ou rien du tout.

Citons par exemple le Régime de pensions du Canada. Il y a quelques années nous avons connu quelques difficultés. Nous nous trouvions dans une situation où le Régime de pensions du Canada pouvait donner l'impression qu'il allait faire faillite, et qu'il allait falloir relever les taux de cotisation à 14 p. 100 ou plus, avec le sentiment que ça ne serait pas encore suffisant. Nous avons réagi par certaines modifications dans les prestations et des augmentations de cotisation, et nous avons finalement trouvé une solution qui semble viable à 9,9 p. 100 de taux de cotisation, du moins pour aussi longtemps que nous tous ici serons encore en vie.

Ces mesures de réforme représentaient beaucoup moins que 10 milliards de dollars par an. Ça n'était pas beaucoup plus que 3 milliards, si vous considérez les choses sur plusieurs années. Toutes ces petites différences finissent par s'ajouter, et faire beaucoup plus qu'on ne le pense, et si nous réfléchissons à long terme on ne peut quand même pas dire que quelques milliards de plus ou de moins par an ça ne fait aucune différence. Lorsque mes enfants seront adultes cela fera une grande différence, et cela dépend du choix que nous faisons. Voilà pourquoi j'aime cette idée de réduction de la dette, comme mesure budgétaire.

Le président: Merci, monsieur Robson.

Monsieur Nystrom.

L'honorable Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais un peu changer de vitesse, si je peux, et poser la question suivante à M. Stanford, et à tous ceux qui voudraient y répondre, vous êtes tous bienvenus. On a beaucoup parlé aujourd'hui de création de richesse, de capacité de production, de compétitivité et de productivité etc. La création de richesse est quelque chose d'important. Si l'on n'élargi pas l'assiette, on ne verra pas de création d'emplois, il n'y aura pas d'argent pour les services sociaux etc. Mais on a très peu parlé de la redistribution de cette richesse jusqu'ici.

En qualité de responsable des politiques de l'État nous devons réfléchir aux deux aspects de cette question, dans un esprit de défense de l'intérêt général. Les membres du comité m'ont souvent entendu dire que je représente la ville de Regina, là où il y a beaucoup de pauvreté et des tas de problèmes sociaux que l'on retrouve au centre des villes. L'inégalité, l'écart entre les riches et les pauvres s'est creusé depuis quelques années. Il y a eu quelques décennies pendant lesquelles, au contraire, l'égalité gagnait du terrain et cet écart régressait, mais maintenant il semble à nouveau progressé.

Un exemple de ces inégalités, qui remonte à il y a quelques jours, est l'annonce par les six grandes banques canadiennes—nous avons beaucoup de banquiers présents aujourd'hui—d'un bénéfice de 9 milliards de dollars l'an dernier. C'est sans doute le bénéfice le plus important de notre histoire. Il y a environ un an, les 24 dirigeants les plus importants de ces banques ont eu droit à une indemnité, salaires et primes et options sur titre réunis, de plus de 250 millions de dollars au total. Cela fait environ 10 millions de dollars par tête de pipe, monsieur Stanford, ce qui fait à peu près l'équivalent du salaire de 12 000 employés de banque qui travaillent au guichet. Voilà donc encore un exemple de ces inégalités flagrantes dont souffre notre société.

Étant donné que cette tendance se confirme, que recommanderiez-vous au Comité des finances, ou au ministre des Finances, en matière de redistribution de la richesse, pour que ceux qui ont véritablement fait les frais de cette politique de réduction du déficit depuis quelques années, avec les coupures et les transferts diminués dans le secteur de la santé et de l'éducation, des services sociaux etc, puissent à nouveau se sentir traités de façon équitable?

M. Jim Stanford: Merci pour votre question, Lorne.

Je n'ai pas payé Lorne pour qu'il me pose la question. Je veux que ce soit bien clair.

L'hon. Lorne Nystrom: C'est M. McCallum qui l'a fait.

Des voix: Oh, oh!

Le président: La question qui se pose c'est de savoir s'il vous a payé pour la réponse que vous allez faire.

• 1825

M. Jim Stanford: Pour ce qui est de la redistribution de la richesse, il n'y a certainement pas de moteur plus puissant de l'égalité que la croissance, la création d'emplois, et la restructuration du marché du travail à laquelle nous avons assisté depuis quelques années. Et peut-être que certains de mes collègues plus conservateurs que moi seront quand même d'accord, lorsque le taux de chômage recule comme il l'a fait, lorsque l'on créé des emplois, vous avez inévitablement une progression du revenu disponible, un recul de la pauvreté, et tout le monde en profite.

Voilà pourquoi j'insiste toujours beaucoup sur les facteurs macro-économiques de la redistribution, mais j'insiste également beaucoup sur le rôle des gouvernement fédéral et provinciaux, et notamment en matière de transfert fiscal et de programmes publics. J'avais cité quelques chiffres dans mon exposé liminaire—cela se retrouve dans le document qui a été distribué—et qui concernent le rôle de l'État en matière de redistribution du revenu, cela à partir de la dernière enquête de Statistiques Canada sur la répartition du revenu au Canada.

Les chiffres vont jusqu'en 1997, et ce qui est intéressant c'est qu'en 1997, pour la première fois au cours de cette période de relance, le taux d'imposition moyen des particuliers a reculé. À savoir, l'imposition marginale des ménages a reculé d'environ 20,2 p. 100 à juste un peu moins de 20 p. 100. Mais si l'on regarde qui a profité de cette diminution de l'impôt, on reste stupéfait. En effet plus de 100 p. 100 de la valeur absolue de cet impôt sur le revenu des particuliers était concentré dans la tranche des 20 p. 100 les plus riches. Les 80 p. 100 situés au-dessous de cette tranche ont en réalité eu à payer un petit plus d'impôt en moyenne. Cela veut dire que les diminutions d'impôt sur le revenu sont extrêmement injustes, en Ontario et en Alberta, et maintenant également dans les autres provinces. Les diminutions d'impôt profitent aux personnes dont le revenu est le plus élevé, c'est cette tranche-là qui se taille la part du lion de l'ensemble de la diminution d'impôt.

Ce qui est encore choquant, en 1997, alors que c'est une bonne année sur le plan du marché du travail qui aurait dû être également quelque chose de bon sur le plan de la distribution du revenu, les conséquences des diminutions d'impôt sur la répartition du revenu après impôt l'emporte sur les effets positifs de la reprise du marché du travail. C'est-à-dire qu'en 1997 on a une augmentation des inégalités, si l'on regarde cela du haut en bas de l'échelle des revenus.

J'ai fait un autre petit calcul avec ces mêmes chiffres. Si vous vous penchez sur la répartition du revenu du marché—c'est-à-dire ce que vous empochez avant les transferts—le rapport entre le cinquième supérieur et le cinquième inférieur est d'environ 24 à 1 en 1997, et ce ratio a augmenté de façon constante. Après impôts et après paiements de transfert, ce rapport tombe à 8:1, environ 7,9:1. Cela montre très bien quel est l'impact du système des transferts et des transferts fiscaux, celui-ci va dans le sens d'une égalisation.

Mais il y a encore autre chose qu'il faut prendre en considération, c'est la valeur des services publics qui sont consommés dans l'ensemble du pays. Si nous supposons que chaque Canadien consomme une certaine part de ces services publics, santé, éducation, infrastructures routières—et je pense que c'est une supposition juste, ces services publics profitent à peu près à tout le monde—on voit que l'écart des revenus voit son effet chuté à moins de 4:1. Pour les 20 p. 100 les plus pauvres de la population, leur part de services publics multiplie par deux leur niveau de vie, par rapport à leur revenu liquide disponible, et cela même lorsque l'on inclus les transferts.

Dans une circonscription comme la vôtre, Lorne, ou pour ce qui est des autres circonscriptions du centre des villes au Canada, où il y a beaucoup de pauvreté etc, la collecte de l'impôt et la dépense de cet impôt en services publics—qu'il s'agisse du développement de l'enfant, de la santé, de la formation et de l'éducation, ou d'autres formes de consommation de services publics mis à la disposition de tout le monde sans égard pour le revenu—est un élément essentiel de la justice sociale, de l'égalité des chances, etc.

Je sais bien sûr qu'il y a des gens comme David, par exemple, qui poseront des questions sur l'efficacité de cette dépense de l'État, sur sa valeur, mais même en prenant des repères raisonnables, je crois que cela représente quelque chose d'important lorsque l'on mesure le niveau de vie de ces gens.

Le président: McCallum, Fortin et Laidler.

M. John McCallum: Comme je l'ai dit tout à l'heure, tout est une question d'équilibre, et je suis tout à fait partisan d'une bonne protection sociale. Je ne suis pas tenté par le modèle fiscal américain. Je n'aime pas beaucoup cet accroissement des inégalités auquel on assiste au sud de la frontière. Ces inégalités y sont colossales. D'un autre côté nous devons rester compétitifs, et si nous allons trop loin dans un sens, nous risquons de ne pas avoir les emplois et la création de richesse dont nous avons besoin. C'est donc une question d'équilibre.

Je pense qu'il faut rétablir un petit peu cet équilibre. Je ne demande pas d'autres compressions. Je demande simplement un certain nombre de mesures en faveur des tranches inférieures de revenu, mais l'on doit aussi penser aux tranches supérieures, car les États-Unis risquent de devenir de plus en plus un véritable aimant.

Je vais vous donner un exemple, celui de la Saskatchewan. Le gouvernement NPD de la Saskatchewan a demandé un rapport économique qui m'a paru excellent, car on y décrit très bien les rapports entre la Saskatchewan et l'Alberta sur le mode des rapports entre le Canada et les États-Unis. La Saskatchewan ne pourra jamais abaisser ses impôts autant que l'Alberta, un petit peu comme le Canada ne pourra jamais suivre les États-Unis. Mais ne laissons pas cet écart se creuser au-delà de ce qui est raisonnable, ce qui risquerait de nuire à l'activité en Saskatchewan au profit de l'Alberta. Et l'on voit la Saskatchewan réagir en diminuant de façon importante l'impôt sur le revenu pour défendre sa compétitivité, et sa richesse, exactement comme nous avons besoin de le faire pour l'ensemble du Canada. Tout sera donc dans la mesure et l'équilibre.

• 1830

Finalement beaucoup des problèmes de Regina à mon avis, ont un rapport avec le problème des Autochtones. J'ai dit dans mon allocution que j'accorde une priorité toute particulière aux secteurs sociaux les plus démunis, ce qui n'est nulle part plus évident qu'au sein de la population autochtone. Ce n'est pas simplement une question morale ou sociale. C'est également une question économique, car on a ici une véritable bombe démographique à retardement. La seule chose que je ne sache pas—il y a beaucoup de choses que j'ignore, mais je parle maintenant de ce sujet plus particulier—c'est si nous avons véritablement les moyens de dépenser cet argent de façon avisée. Nous avons déjà dépensé plus de 6 milliards de dollars. Je serais prêt à en donner plus si nous savions comment le dépenser. Mais il n'est pas certain que les Affaires indiennes sachent exactement quelle est la réponse à cette question.

Le président: Monsieur Fortin.

M. Pierre Fortin: Merci beaucoup.

Il faut rappeler que l'inégalité des revenus au Canada est inférieure à ce qu'elle est aux États-Unis. Premier point. Notre pauvreté, mesurée selon les normes internationales, c'est-à-dire le pourcentage de la population canadienne vivant au-dessous de cette médiane des 50 p. 100, est de 12 p. 100, alors que ce pourcentage est de 20 p. 100 aux États-Unis.

Cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas faire plus pour réduire les iniquités, en matière de revenu. La première chose à faire est de faire pression auprès des autorités monétaires pour qu'elles réfléchissent à la façon de faire baisser le taux de chômage. Il est absurde de dire qu'avec un taux de chômage de 7,2 p. 100 au Canada, on en est là où on en était en 1989, et que c'est donc bien suffisant; nous savons que sur le plan structurel le chômage a régressé, mais si nous pouvons aller jusqu'à 6 p. 100, nous devrions le faire aussi rapidement que possible.

Troisième point: une façon d'y parvenir est de mettre fin à ces compressions imposées aux prestations d'assurance-emploi. Je ne sais si quelqu'un y réfléchit, mais je pense que pour le moment on en a assez fait.

Une autre mesure qui pourrait être envisagée serait d'agrégé le transfert social aux paiements de péréquation. Il s'agirait d'inclure cette dépense des provinces dans la formule de péréquation. Le problème est que les provinces les plus pauvres ont moins d'argent à dépenser au titre du bien-être social pour soulager la pauvreté, mais qu'elles ont également plus de pauvres. Autrement dit leurs responsabilités sont plus lourdes que la moyenne. Ce serait donc un argument pour agréger le transfert social aux paiements de péréquation.

Le président: Merci.

Monsieur Laidler.

M. David Laidler: Oui, si nous nous inquiétons de ces inégalités, et c'est mon cas, je laisserais de côté ces chiffres de répartition du revenu annuel; je m'intéresserais plutôt aux inégalités qui perdurent pendant toute la durée d'une vie, et c'est beaucoup plus difficile à mesurer. Mais nous savons cependant comment taxer cela, il suffit d'imposer une taxe à la consommation plutôt que d'imposer le revenu. Ma réforme fiscale idéale consisterait à déplacer la fiscalité sur le revenu vers une taxe à la consommation. Je serais prêt même à envisager l'impôt sur l'héritage. Cela relève des provinces. Mais si vous vous inquiétez beaucoup des inégalités, vous devez vous intéresser à la richesse et non pas au revenu; comme je l'ai dit dans mon allocution, un impôt sur le revenu progressif n'est pas un impôt sur la richesse, c'est un impôt sur le fait de devenir riche, et vous ne voulez surtout pas décourager les gens qui veulent s'enrichir si vous vous intéressez à la croissance de la productivité dans une économie de marché.

Et si finalement vous pensez que les directeurs de banque sont trop payés, c'est un problème qui intéresse les actionnaires. Si vous pensez qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans la façon dont les actionnaires réglementent leurs banques, reportez-vous aux statuts. Je m'intéresserais à ce moment-là à la règle de 10 p. 100 de propriété du capital.

• 1835

Le président: Monsieur Van Audenrode.

M. Marc Van Audenrode: L'inégalité est le résultat de plusieurs facteurs, et on dispose également de plusieurs outils pour répondre à ce problème. Comme l'a dit Pierre ils semblent tous donner d'assez bons résultats.

Si les inégalités ont augmenté au Canada depuis quelques années, ce n'est pas le fait de la fiscalité. Il faut plutôt regarder du côté des autres outils dont je parlais, tels que la réduction de la dépense d'assurance-emploi et d'assistance sociale. Il faudrait donc se reporter à ces programmes avant de penser à la fiscalité comme moyen de résoudre ces inégalités.

Cela dit, je ne nie pas qu'il y ait quelques insuffisances dans le système, et qu'il y a un certain nombre de faiblesses dans notre fiscalité. On en a déjà invoqué une et il s'agit du revenu imposable minimum des familles; ce minimum devrait être considérablement relevé. Mais il y a encore beaucoup d'autres exemples de ces petites faiblesses qui ennuient beaucoup de gens, et qui sont des injustices.

Un autre exemple—je ne vais pas être très bien vu de mes collègues—c'est que j'ai un employeur qui cotise pour moi en vue d'une retraite très généreuse, alors que j'ai encore la possibilité de déduire des milliers de dollars que j'investis dans un REER. Je ne pense pas que cela soit juste. Je suis ravi de le faire, mais ce n'est pas juste. Voilà donc quelques exemples de faiblesse de notre système qu'il faudrait revoir.

Le président: Monsieur Wilson.

M. Thomas Wilson: J'aurais juste deux petites choses à dire. La première concerne le fait inquiétant que les Canadiens au revenu le plus bas sont en même temps ceux dont le taux d'imposition marginal est le plus élevé. Je plaisante quelquefois en disant qu'il faudrait revoir la constitution, afin que personne n'ait un taux d'imposition marginal supérieur à celui du plus riche des Canadiens.

Si vous regardez ce qui se passe pour ceux qui ont de 15 000 $ à 20 000 $ de revenu, une fois tenu compte de la récupération des transferts en espèces, des crédits d'impôt pour enfants, des crédits de taxe de vente, on voit quelquefois leur taux d'imposition marginal dépasser les 50 p. 100. Si vous tenez compte de ces rappels fiscaux en nature—les gens qui perdent leur logement social, ou leur garderie subventionnée, etc.—vous verrez que le taux d'imposition marginal peut atteindre des pourcentages considérables.

Il faudrait donc voir comment la fiscalité, le système de transferts, et le système d'assistance sociale s'articulent l'un sur l'autre, pour s'assurer que les familles défavorisées ne soient pas dissuadées de chercher un travail et d'économiser. Dans l'immédiat, ce que vous pouvez faire pour les soulager est de relever la franchise fiscale individuelle—on l'a déjà dit—et réduire le taux de cotisation à l'assurance-emploi. Celle-ci est un impôt très lourd sur l'emploi et sur la création d'emplois.

Enfin, il y a l'imposition des entreprises. Pierre a parlé de l'Irlande, mais je rappelle que les pays scandinaves ont tous réduit l'impôt sur les sociétés. Il y a maintenant un impôt à deux volets, l'investissement étant imposé de façon uniforme à 30 p. 100. Et l'on n'a pas affaire ici à des pays de droite.

Le président: Avez-vous autre chose à nous dire? Merci.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci. Je suis heureux d'entendre Andrew Jackson nous rappeler qu'une réduction de l'impôt sur les sociétés serait la meilleure mesure fiscale permettant de relancer la croissance. Je m'attends à ce que Herb Grubel, à son tour, nous dise qu'un accroissement de la dépense sociale serait en ce moment une bonne idée. Je suis quand même heureux de voir qu'il y a un chemin de Damas pour beaucoup de gens, avec des convergences et des conversions sur certaines de ces questions.

J'ai une question à poser à M. Stanford. Vous dites qu'il faudrait maintenant se concentrer sur une réinjection d'argent dans le social, puisque le budget a été équilibré grâce à des compressions de cette dépense sociale. D'un point de vue de politique économique, n'est-ce pas un argument spécieux? La façon dont nous sommes parvenus là où nous en sommes n'entre pas en ligne de compte. Ne devrions-nous pas nous concentrer au contraire sur la meilleure façon d'allouer cet excédent budgétaire? Que nous en soyons arrivés là grâce à une réduction de la dépense sociale n'est-il pas un argument spécieux?

M. Jim Stanford: Je comprends la question, dans une certaine mesure. La raison pour laquelle j'ai dit cela est double.

Il faut peut-être d'abord dissiper le mythe, propagé à corps et à cris par certains, selon lequel nous sommes arrivés là où nous en sommes en augmentant les impôts. Sur le plan économique, tout prouve le contraire. Oui, les impôts ont augmenté dans les années 90, mais de façon relativement modeste. C'est grâce à la réduction des dépenses de programmes que nous avons rétabli l'équilibre budgétaire.

• 1840

Deuxièmement, je rappellerai qu'il y a eu des coûts importants, aux effets durables, mais parfois invisibles et non détectés, à cette réduction des dépenses de programmes. Cela se voit de diverses façons en divers lieux, et l'on peut penser que ce que nous avons fait n'est peut-être pas défendable à plus long terme, quand on pense par exemple, comme John l'a dit, au déclin de nos infrastructures publiques.

J'ai repris les chiffres du budget des dépenses d'immobilisations... Tim s'intéresse également à cette question. Nous investissons à peine suffisamment au Canada pour compenser la perte de valeur de notre capital public, ce qui veut dire que cette infrastructure ne suit pas la croissance de l'économie. Il suffit de regarder autour de soi pour voir dans quel état se trouvent ces infrastructures qui appartiennent à l'État. Bien sûr, le coût social, l'aggravation de la pauvreté à laquelle nous avons assisté, et cela même en période de vaches grasses, s'explique dans une large mesure par les réductions à l'assurance-chômage et autres paiements de transfert.

Cela dit, j'accepte l'argument présenté par certains, à savoir que nous avons maintenant de l'argent à dépenser, et qu'il faut se demander quelle est la meilleure façon de le faire. Je crois effectivement que l'on peut militer en faveur d'un redéploiement social de cet argent.

M. Scott Brison: Si vous remontez 20 ans en arrière, il y avait un rapport entre l'impôt versé par les Canadiens et les services obtenus en contrepartie. Cela était largement dû au fait que cet impôt ne servait pas d'abord au service de la dette. Si vous comparez notre ratio dette-PIB dans les années 70 à ce qu'il était aux États-Unis, par exemple, vous verrez que les États-Unis étaient, si je ne me trompe, plus endettés que le Canada. Si vous comparez le pourcentage du PIB dépensé au Canada, aux États-Unis et ailleurs—mais concentrons-nous d'abord sur les États-Unis—pour la santé, l'armée, certains services publics, vous verrez que nous ne sommes pas très loin des États-Unis. Pourtant nos impôts, calculés en pourcentage du PIB, sont astronomiques. Les autres sont à 28 p. 100, nous en sommes à environ 30 p. 100. Mais le service de la dette au Canada est précisément le poste où la différence est la plus significative.

Ne devrait-on pas s'efforcer de rapprocher ces caractéristiques de celles de nos principaux partenaires commerciaux, ainsi que de certains autres pays? On a parlé des pays scandinaves. M. Jackson et d'autres ont reconnu l'importance de l'allégement du fardeau fiscal des entreprises. Quand des pays sociaux-démocrates comme l'Allemagne réduisent l'impôt des entreprises, de même que les pays scandinaves, ne devrions-nous pas orienter nos politiques publiques en tenant compte de cela, plutôt que des autres impressions qui ont cours?

Le président: Monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: Je veux clarifier un peu ce que j'ai dit au sujet de la fiscalité des entreprises. Lorsque je parlais de l'incidence respective de la réduction des taxes et de la réduction des dépenses, je m'efforçais de dire bien clairement qu'en termes de stimulation immédiate pour l'économie, en termes de croissance et de création d'emplois, les dépenses ont un effet plus marqué. Je disais que les études sur l'incidence des taux d'imposition sur la croissance économique à long terme étaient nombreuses à parler des effets très importants des dépenses publiques. Du côté des taxes, j'ai bien dit qu'il semble qu'il y ait des effets marqués du côté de la fiscalité des entreprises que du côté réductions de la dépense publique.

Mais j'ai dit cela dans un cadre limité. Je l'ai fait simplement pour faire observer une chose intéressante: ce sont surtout les entreprises qui demandent une réduction des impôts des entreprises. Le CCE et la Chambre de commerce se sont beaucoup concentrés sur les réductions d'impôt pour les personnes à revenu élevé, et je pense que cela contredit leur message au sujet des incidences sur la croissance. Je ne dis certainement pas, personnellement, qu'il faut accorder quelque priorité que ce soit à la réduction des impôts des entreprises.

Le président: Monsieur Mendelsohn.

M. Joshua Mendelsohn: Je veux simplement corriger une chose. Je suis bien ici en tant qu'économiste, représentant une institution financière, mais il se trouve que je suis aussi président du Comité des politiques économiques de la Chambre de Commerce du Canada. La Chambre de commerce n'est certainement pas obnubilée par l'impôt des particuliers à revenu élevé, ceux des tranches d'imposition supérieures. Nous nous intéressons à tout le monde. Je veux que ce soit bien clair.

Le président: D'autres observations?

• 1845

M. Scott Brison: Côté entreprises ou particuliers, on a offert de bons arguments pour une réforme importante de la fiscalité, comme véhicule de réduction des impôts. On a déclaré que nous avons là une excellente occasion de renouveler la fiscalité en utilisant des réductions d'impôt pour atténuer l'incidence de certaines réformes. On éliminerait beaucoup des distorsions du régime fiscal. Je crois que Mintz a fait un travail louable en soulignant certaines de ces distorsions du côté de la fiscalité des entreprises, pour ce qui est des taxes sur le capital et des taxes qui ne tenaient pas compte des bénéfices, ainsi qu'en parlant de la façon discriminatoire dont on taxe des secteurs qu'il nous faudrait plutôt encourager, comme la technologie et les services, en favorisant d'anciens secteurs axés sur les ressources dont il faudrait probablement plutôt nous écarter

N'avons-nous pas maintenant une excellente occasion de mettre en oeuvre une rigoureuse stratégie de réforme de la fiscalité, comme moyen de réduire l'impôt?

Le président: Monsieur Wilson.

M. Thomas Wilson: Je suis de tout coeur avec vous. Dans notre train de mesures de réduction des impôts, il y a 2 milliards de dollars prévus pour l'impôt sur le revenu des entreprises et sur les gains en capital. Le gros de cela s'adresse aux entreprises. Mais il faut noter une chose importante: cette réduction qui servirait à financer une réduction d'environ trois points de pourcentage du taux des grandes entreprises faciliterait la mise en oeuvre du rapport du comité Mintz. On pourrait donc abaisser bien davantage le taux d'imposition parce qu'on pourrait mettre en place toutes les mesures visant à élargir l'assiette, proposées par le rapport du comité Mintz, en combinant la réforme et les réductions d'impôt.

La réduction signifie qu'on n'aura pas à trop souffrir de la réforme. Je pense que c'est une autre bonne raison de prévoir le montant de ces réductions; elles ne seraient pas excessives. Pour la cinquième année de l'analyse, si l'on prévoit un excédent budgétaire d'au moins 30 milliards de dollars à répartir, dont la moitié ou 60 p. 100 seraient destinés à réduire les impôts, seul un petit pourcentage des réductions concernerait le revenu des entreprises. Mais je crois que ce sont ces réductions-là qui porteront le plus, particulièrement si elles sont combinées avec la mise en oeuvre des réformes proposées par le comité Mintz.

Le président: Monsieur Laidler.

M. David Laidler: En bref, je suis tout à fait d'accord. J'irais même plus loin et je dirais qu'il faut mettre l'accent sur la réforme de la fiscalité, et qu'il faut considérer le dividende budgétaire comme un moyen de réduire les impôts afin de rendre cette réforme politiquement possible.

Le président: Monsieur O'Neill.

M. Tim O'Neil: Il faut parler aussi du problème intéressant de certaines grandes entreprises canadiennes qui étaient au départ des compagnies manufacturières, par exemple, dans le secteur de l'informatique, et qui sont devenues des entreprises de service. À cause de cette évolution, leur taux d'imposition réel a augmenté, simplement parce que la nature de leurs activités a changé. On n'encourage donc nullement des entreprises du genre d'IBM à investir beaucoup dans un pays où le taux d'imposition réel a augmenté, simplement parce que la nature de leurs activités a changé.

Je pense que le rapport Mintz fait ressortir la grande nécessité d'une restructuration fiscale. Dans la réalité de l'économie politique, on ne peut probablement pas le faire de façon neutre. Il faut donc le faire dans un contexte où l'on fait baisser les taux d'imposition, plus pour certains que pour d'autres. Je pense qu'il y a là des avantages très importants à en retirer.

Le président: Monsieur Fortin.

M. Pierre Fortin: Pour le moment, je vais simplement convenir avec les autres témoins qu'il faut profiter de la situation pour restructurer la fiscalité, et pas seulement réduire les taxes. Je recommande au comité la lecture d'un livre récent de Larry Seidman, professeur à l'Université du Delaware, sur la détaxe du compte d'épargne, intitulé The USA Tax: A Progressive Consumption Tax, publié par les presses du MIT. On y décrit exactement ce que signifiera l'élimination de l'imposition de tout revenu provenant de l'épargne et le retour de toutes ces épargnes servant à la consommation dans l'assiette fiscale. Les résultats sont assez intéressants. Je vous recommande de faire une petite recherche et d'étudier cette idée. Je crois que ce serait une très bonne chose d'au moins envisager cette possibilité.

• 1850

Le président: Ce sera votre dernière question, monsieur Brison.

M. Scott Brison: Avant de poser ma dernière question, j'aimerais dire que mon parti n'a pas été soutenu lors de sa dernière tentative de réforme de la fiscalité en ce pays; nous ne craignons pas toutefois de recommencer.

À propos de l'impôt sur les gains en capital et de son incidence, particulièrement sur le secteur des hautes technologies, étant donné le taux croissant d'utilisation des options d'achat d'actions comme actif compensatoire, j'aimerais savoir quelle priorité nous devons donner, à votre avis, à la réduction des taxes sur les gains en capital des particuliers. La réduction du taux d'imposition sur les gains en capital, à des niveaux semblables à ceux des États-Unis, coûterait 247 millions de dollars par année au Trésor fédéral. Là encore, c'est une question de politique publique, parfois conçue à partir d'impressions plutôt que de faits.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le président: Monsieur Mendelsohn.

M. Joshua Mendelsohn: Pour l'impôt sur les gains en capital, je pense qu'il faudrait graduellement le réduire, mais qu'on pourrait le faire en partie en modifiant la structure générale de l'impôt sur le revenu puisque automatiquement cela abaisserait l'élément relatif aux gains en capital.

Par ailleurs, lorsque vous parlez des États-Unis, il faut savoir qu'il s'agit d'un impôt sur les gains en capital à deux volets. Il y a les gains en capital à long terme et les gains en capital à court terme et les taux sont très inférieurs aux nôtres. Je pense que la réforme fiscale devrait se faire en fonction de raisons économiques, mais que ce serait alors très difficile. Pour des raisons politiques, par conséquent, et pour toutes sortes d'autres raisons, si l'on veut investir notre capital politique dans quoi que ce soit, ce doit être dans une réforme plus généralisée de la structure fiscale. Je pense que cela réglerait une partie du problème.

Le président: Monsieur Rosenberg.

M. David Rosenberg: Je pense que c'est essentiel à la promotion des industries de l'avenir, soit le secteur de la haute technologie. C'est ce qu'on voit partout dans le monde. En Australie, on vient de réduire l'impôt sur les gains en capital, or ce pays n'est certes pas un bastion du conservatisme. Au Royaume-Uni, M. Brown, le chancelier de l'Échiquier, il y a à peine quelques semaines, a annoncé une réduction importante du taux d'imposition des gains en capital, et pourtant, c'est un gouvernement travailliste. Je pense qu'à l'extérieur du Canada, on se rend compte de plus en plus de l'importance des options sur titres comme forme de rémunération, et de l'importance de réduire l'impôt sur les gains en capital pour encourager le marché boursier et l'accès au capital dont les entreprises ont besoin.

Je dois aussi ajouter que si vous recherchez un effet du côté de l'offre, augmentant le potentiel de croissance de l'économie, je sais que le Département du commerce américain a fait une étude selon laquelle une réduction des impôts sur les gains en capital donnerait finalement aux États-Unis un point de pourcentage de plus de croissance non inflationniste, ce qui a permis aux démocrates de réduire l'impôt sur les gains en capital en 1996.

M. Scott Brison: On débloquerait ainsi d'importants capitaux.

M. David Rosenberg: Oui.

Le président: J'ai sur ma liste MM. Laidler, Fortin, McCallum et Jackson.

M. David Laidler: Encore une fois, je ne suis pas d'accord, désolé.

Une voix: Vous êtes universitaire.

M. David Laidler: Oui, je suis universitaire. Mais cela me paraît encore une fois une magouille fiscale mal pensée destinée à faire des heureux, du genre de celles qui ont causé les problèmes actuels du régime fiscal canadien.

Je vous exhorte vraiment à prendre du recul et à réfléchir à la façon dont vous voulez taxer les entreprises. Pensez ensuite aux conséquences que cela pourrait avoir pour l'impôt sur les dividendes et sur les gains en capital. Il faut cesser de choisir les gagnants du nouveau régime fiscal, sinon on court à notre perte.

Le président: Monsieur McCallum.

M. John McCallum: Je suis un ancien universitaire, mais je pense que sur cette question, je suis plutôt d'accord avec David Rosenberg. Ce n'est pas nécessairement une stratégie destinée à faire des heureux. On ne réduit pas l'impôt sur les gains en capital pour le secteur de la haute technologie seulement. Ce serait pour tout le monde. Dans le débat sur la productivité, c'est le secteur de l'information, de la haute technologie et de l'informatique qui explique plus que tout autre l'écart de croissance de productivité entre les entreprises canadiennes et américaines. Nous prenons vraiment du retard dans ces secteurs qui sont pourtant importants.

Je pense donc qu'il serait bon, en agissant de manière réfléchie et délibérée, d'élaborer des politiques, peut-être celles que vous avez mentionnées, permettant de donner un coup de pouce à ces secteurs. Parfois, je me dis que le taux d'imposition optimal pour le Canada n'est pas celui d'un Canada isolé, une île; mais le pays est étroitement tributaire du régime fiscal américain. Il n'en est pas entièrement dépendant, mais nous ne saurions l'ignorer, même si d'une certaine façon, il n'est pas idéal.

• 1855

Le président: Monsieur Wilson.

M. Thomas Wilson: Je pense qu'on pourrait obtenir une réduction immédiate des impôts sur les gains en capital en abaissant le taux d'inclusion aux deux tiers. Je pense que c'est tout à fait défendable, puisqu'on arriverait ainsi à faire correspondre le taux d'imposition marginal sur les gains en capital et celui sur les dividendes. Actuellement, pour les particuliers des tranches d'imposition supérieures, le taux marginal d'imposition sur les gains en capital est supérieur au taux des dividendes. Je ne pense pas qu'on puisse vouloir aller au-dessous du taux marginal des dividendes, puisqu'alors, on ouvre la porte au dépouillement des surplus, un problème qui a mené à la création de la commission Carter, il y a bon nombre d'années.

Si on veut prendre des mesures incitatives, je propose qu'on revoie l'exemption actuelle de 500 000 $ sur les gains en capital. Le comité Mintz a recommandé de l'éliminer et de la remplacer, pour les agriculteurs et les petites entreprises, par des dispositions plus souples pour le transfert dans les REER, ce qui permettrait une épargne. Si l'on veut des mesures incitatives d'ordre général, plutôt qu'un système qui fait quelques heureux, je dirais que c'est là la source de revenu. Il ne faut pas pour cela se servir de l'excédent budgétaire, mais plutôt d'une réforme des dispositions actuelles, pour que les mesures incitatives soient plus efficaces.

Le président: Très rapidement, monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: J'ai deux choses à dire. Premièrement, du point de vue de la répartition, l'allégement des impôts sur les gains en capital pourrait vraiment avoir des effets pervers. Plus de la moitié de tous les gains en capital imposables reviennent à des gens qui ont des revenus de plus de 100 000 $. Et une très large part de ces gains, en fait, échoit à ceux qui ont des revenus supérieurs à 250 000 $. Vos antennes politiques devraient certainement vous démanger, si ce sont là les candidats aux réductions d'impôt du prochain budget.

Deuxièmement, j'ai constaté qu'il y avait de plus en plus d'articles selon lesquels ce n'est pas nécessairement une bonne chose de favoriser la rémunération par options sur titres, pour les dirigeants d'entreprise. En fait, c'est même dans The Economist que j'ai vu un important article sur ce sujet, il y a deux ou trois mois.

La question se pose: veut-on que la haute direction souhaite, pour des raisons personnelles, que les actions de l'entreprise prennent de la valeur à court terme, plutôt que de s'occuper du rendement à long terme? Il y a des preuves manifestes du fait que ce genre de vision à court terme peut mener à toutes sortes de comportements improductifs de la part de la direction.

Troisièmement, je le répète, les études sur l'exemption à vie des gains en capital n'ont presque pas trouvé d'effets positifs sur l'investissement réel.

Je pense que c'est une mauvaise politique, de ces trois points de vue.

Le président: Nous sommes un peu en retard, mais j'aimerais très rapidement vous poser des questions, pour lesquelles j'espère obtenir de courtes réponses.

Si on abandonne la formule moitié-moitié pour la répartition de l'excédent budgétaire, quelle est la répartition que vous préconiseriez? Certains d'entre vous l'ont déjà dit, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Monsieur Fortin, je sais que vous êtes en faveur de la répartition moitié-moitié.

M. Pierre Fortin: Je suis d'accord, simplement parce que cela signifie que pour les cinq prochaines années, pour cette échéance de planification, c'est exactement ce qu'on obtiendrait si on augmentait simplement les dépenses au rythme du PIB. Pour toute autre période, la répartition pourrait être autre. Mais je suis en faveur de la répartition moitié-moitié parce qu'il se trouve, par coïncidence, que cela correspond exactement à ce qui arriverait si l'on maintenait le rapport entre les dépenses et la croissance du PIB.

Le président: Monsieur Wilson.

M. Thomas Wilson: Je dois vous quitter et je vais donc vous répondre rapidement.

Je suis habituellement d'accord avec Pierre, mais je pense que pour ces cinq années, il faudrait garder les dépenses à un niveau plus bas, et donner priorité à la réduction de la dette, à court terme, et aux réductions d'impôt, à long terme.

Je n'ai pas présenté ce calcul dans le document que je vous ai remis, mais je crois que je donne l'avantage à la réduction des impôts sur les dépenses, et aux dépenses sur la réduction de la dette. Pour les dépenses, c'est donc environ 30 p. 100 de l'excédent budgétaire disponible. Et nous parlons de l'excédent budgétaire calculé à partir de dépenses par habitant constantes et réelles.

Le président: Monsieur Laidler.

M. David Laidler: Le ministère des Finances fourmille de gens qui peuvent convertir des augmentations de dépense en réductions d'impôt, et vice versa. Je pense qu'il ne sert à rien d'en discuter.

• 1900

Le président: Monsieur McCallum.

M. John McCallum: Je disais au départ la moitié pour les réductions d'impôt, et un quart chacun pour les dépenses et la dette. Ma position n'a pas changé. Tom commence à me convaincre. Ça pourrait changer à un tiers, un tiers, un tiers mais pour l'instant, je suis encore à une moitié, un quart et un quart.

Le président: De toute façon, vous vous écartez de la formule moitié-moitié.

M. Joshua Mendelsohn: D'une certaine façon, nous vous avons déjà répondu, puisque la clé, ce n'est pas la formule. Moitié-moitié, c'est trop, puisqu'on ouvre la porte à trop de choses. La clé est de savoir comment on dépense l'argent, que ce soit 15 p. 100, 20 p. 100, 25 p. 100 ou 30 p. 100. Et si on peut parler fortement en faveur d'une aide à la croissance et au rendement, que ce soit dans les infrastructures publiques ou quoi que ce soit, tant mieux. C'est lorsqu'on parle de questions plus vagues, moins bien définies et plus émotives, que les choses deviennent compliquées. Ce qui me préoccupe, dans la formule moitié-moitié, c'est qu'on crée une barrière ou un seuil quantitatif qui pourrait nous gêner, que les projets soient bons ou non.

Le président: Monsieur O'Neill.

M. Tim O'Neill: Si, pour les cinq prochains exercices, on se sert, comme référence, de niveaux de dépenses constants, puis qu'on regarde l'excédent, on se retrouve avec un chiffre de 150. C'est le calcul auquel se sont livrés Jeff Rubin et ses collègues, d'après ce qui est décrit dans le document d'aujourd'hui; il n'y a donc aucune différence entre leurs résultats et les nôtres, en termes absolus, tout dépend de la façon dont on utilise le montant de référence. De ce 150, près de 50 est affecté à l'augmentation des dépenses pour suivre le rythme de croissance de la population et de l'inflation. D'une certaine façon, par ce mécanisme, en utilisant les dépenses courantes comme montant de référence, vous avez consacré un tiers aux dépenses. Il faut ensuite répartir 90 ou quelque chose comme ça, 92, 93 ou 95.

Je dirais que ce pourcentage devrait être plus grand. Dans notre document, nous disons que trois quarts de un pour cent du PIB devrait aller à la réduction de la dette. Au bout de cinq ans, cela donne à peu près 8 milliards de dollars, puis on réduit les impôts de 15 milliards, dans des catégories différentes. Un assez grand pourcentage de ces réductions—plus grand que le pourcentage de Tom—serait du côté des impôts sur les sociétés. Cela ne donne donc pas 50-50, c'est beaucoup moins élevé.

Le président: Quelle serait une bonne répartition entre l'impôt des particuliers et des sociétés?

M. Tim O'Neill: En tant qu'économiste, je dois répondre que cela dépendra de ce que vous essayez de faire. Si vous voulez accroître la capacité et la productivité de l'économie à long terme, il faudra au début se concentrer sur l'impôt des sociétés. Ce sera une incitation à investir: il y aura donc une réforme, et plus d'investissement. Si c'est cela votre objectif, l'impôt sur le revenu des particuliers ne sera pas votre priorité.

Mais si comme Jim Stanford vous voulez l'équité, vous devez vous y prendre différemment. Vous devez soit réduire plus l'impôt des particuliers, soit accroître les dépenses publiques pour redistribuer cette richesse. D'après moi, cela n'est pas particulièrement efficace, mais ça dépendra bien sûr de vos priorités.

Le président: Monsieur Robson.

M. William Robson: Pour ce qui est du deuxième «cela dépend», cela dépend de la catégorie dans laquelle vous mettez les gains en capital et les coupures à l'assurance-emploi. Est-ce que cela revient à l'entreprise ou société, ou est-ce qu'on est censé supposer qu'à la longue tout sera payé par le pauvre employé?

Si on définit la catégorie «particuliers» d'une façon assez large, il ne faudrait qu'à peu près un dixième ou un peu plus pour la catégorie «société». Mais là on pourrait en avoir plus pour notre argent.

Pour ce qui est du 50-50, si on basait nos dépenses sur les prix et la croissance démographique, je ferais tout pour y affecter trois quarts des excédents à la réduction d'impôt et un quart à la dette, en sachant que je vais perdre de l'argent même si tout est prévu dans le budget. Sans être cynique, je dois dire que nous savons tous comment les dépenses se font après les budgets. Une fois que les comptes sont publiés, on voit toujours des dépenses qui n'étaient pas dans le budget. Sans doute, 20 à 25 p. 100 disparaîtront dans les dépenses. C'est toujours comme ça. En ce moment même, quelque part quelqu'un fait une dépense qui n'était pas dans le budget.

Je ferais donc tout pour y affecter 75 p. 100 à la réduction d'impôt, et 25 p. 100 pour la dette, sachant très bien que c'est le seul moyen de maintenir les dépenses en deçà d'un tiers de l'excédent.

Le président: Monsieur Stanford.

M. Jim Stanford: Même en sachant que je vais perdre, je dirais que 100 p. 100 devrait aller vers les dépenses de programmes. Ce sera la position énoncée dans l'alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, qui sera publié au début de la nouvelle année pour la cinquième fois.

Cela surprendra peut-être Tim, mais je suis d'accord, la réduction des impôts sur les sociétés devrait venir avant les réductions d'impôt sur les particuliers. Cela ferait beaucoup pour promouvoir les investissements réels et la création d'emplois.

Le président: Monsieur Jackson.

M. Andrew Jackson: Je suis d'accord. Je suis d'accord avec David Laidler, il est un peu ridicule de parler de tout ceci dans l'abstrait. Beaucoup de choses sont difficiles à catégoriser: par exemple, si nous augmentons le crédit d'impôt pour enfants, est-ce que nous réduisons les impôts ou est-ce que nous augmentons les dépenses? On le compte comme une réduction d'impôt, mais c'est tout comme une dépense très ciblée... En fait, c'est une augmentation du transfert, mais on pourrait continuer le débat.

Pour ce qui est des sociétés, je suis d'accord, avec des ressources limitées vous en aurez plus pour votre argent avec les dépenses de programme bien ciblées que John Manley veut: par exemple accroître le financement pour la Conseil national de recherches et Partenariats technologiques Canada. Il est vrai que cela fait figure de dépenses, mais en fait ces dépenses réduisent directement le coût du capital pour les sociétés qui investissent dans la recherche-développement. C'est donc l'équivalent d'une réduction de l'impôt des sociétés, mais une réduction très efficace.

Le débat n'est donc pas tellement utile.

Le président: Au moins il vous donne une idée des positions... Il faut voir les objectifs clairement, et puis on fixe la meilleure politique possible. Les pourcentages sont relativement assez importants, mais nous avons cette division de 50-50 parce que cela représente un équilibre sur le plan symbolique. Voilà pourquoi...

M. Andrew Jackson: Nous avons voté pour.

Le président: Exactement.

M. Tim O'Neill: Personne n'est d'accord avec ce 50-50

Le président: C'est exact.

Monsieur Laidler.

M. David Laidler: Je n'ai qu'un commentaire sur ce débat. Il y a une bonne raison pour laquelle on pourrait commencer par une réduction d'impôt des sociétés: tout le travail de base sur cette réforme a déjà été fait. Elle est contenue dans le rapport Mintz.

Le président: C'est exact.

M. David Laidler: Donc si on commence par la réforme du régime fiscal des sociétés, on commettra probablement beaucoup moins d'erreurs.

Le président: J'avais beaucoup plus de questions à poser, mais malheureusement en tant que président j'ai donné la parole aux membres du comité et je n'ai donc pas pu poser les miennes. En tout cas, ce fut un privilège pour nous tous de vous avoir ici. Vous êtes tous experts dans votre domaine, et vous avez énormément enrichi le débat.

Nous avons eu beaucoup de réponses à nos questions. Il faudra bien sûr toute une réflexion, mais je suis sûr que vous retrouverez l'écho de vos prises de position dans les recommandations du comité au ministre des Finances. Merci beaucoup.

La séance est levée jusqu'à convocation du président.