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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS, NORTHERN DEVELOPMENT AND NATURAL RESOURCES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES, DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 octobre 2001

• 1059

[Traduction]

Le président (M. Ray Bonin (Nickel Belt, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier le projet de loi C-33, Loi concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut et modifiant diverses lois en conséquence.

Je vais présenter nos invités, mais tout d'abord, comme je vois notre collègue Nancy s'approcher de la table, je vais lui demander de nous présenter des gens qui sont, d'après moi, les personnes les plus importantes dans la salle, c'est-à-dire les jeunes, comme toujours.

Si nous sommes en politique, c'est pour créer un meilleur avenir pour la prochaine génération et c'est vraiment un privilège pour nous de vous avoir parmi nous aujourd'hui. J'inviterais Nancy à nous dire quelques mots à votre sujet pour que nous apprenions à vous connaître un peu mieux.

• 1100

Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.): Merci.

Je suis très heureuse de voir ici ce matin la classe Nunavut Sivuniksavut. Elle s'inscrit dans le cadre d'un programme qui a débuté il y a dix ans, je crois, et qui a évolué au cours de ces dix années pour devenir une sorte de pont entre l'école secondaire et les études supérieures. La liste d'attente est maintenant tellement longue qu'il faut poser sa candidature deux ans à l'avance et attendre son tour pour s'inscrire au programme, car les étudiants viennent de tous les coins du Nunavut et le programme est destiné aux bénéficiaires du Nunavut. Je pense que c'est l'un des couronnements des efforts déployés pour amener nos jeunes à se prendre en main, et je suis donc très contente qu'ils aient pu venir assister aux travaux de notre comité.

Je vous souhaite la bienvenue au comité.

Merci, Ray.

Le président: Merci beaucoup, Nancy.

Nous recevons aujourd'hui trois groupes différents. Je vais d'abord les présenter tous les trois et les inviter à faire un exposé de dix minutes chacun, après quoi nous aurons une période de questions au cours de laquelle les membres du comité pourront adresser leurs questions à l'un ou l'autre des participants. Puis, les témoins auront quelques minutes pour le mot de la fin.

Je vais d'abord fixer les règles du jeu. Nous accordons un certain nombre de minutes pour chaque question. Quand nous disons cinq minutes, cela veut dire cinq minutes pour la question et la réponse, et je vais m'en tenir à cette règle. Si vous n'avez pas terminé votre réponse dans le temps imparti, le truc, ici à Ottawa, c'est que vous profitez de la question suivante qu'on vous pose pour compléter votre réponse à la question précédente.

Je souhaite la bienvenue à nos invités. Nous avons d'abord, au nom de Nunavut Tunngavik Inc., M. James Eetoolook, président, et M. John Merritt, conseiller juridique. De l'Office des eaux du Nunavut, nous avons M. Thomas Kudloo, président, et M. William Tilleman, conseiller juridique. Et de l'Inuit Tapirisat du Canada, nous avons Jose Kusugak, président, et Michael d'Eça, conseiller juridique.

Nous allons commencer par entendre l'exposé de Nunavut Tunngavik Inc.

M. James Eetoolook (président, Nunavut Tunngavik Inc.): Merci.

[Le témoin s'exprime en langue Inuktitut]

Je m'appelle James Eetoolook. Je suis le président par intérim de Nunavut Tunngavik Inc., connu sous le sigle NTI. Je suis accompagné aujourd'hui de John Merritt, qui est notre conseiller juridique à NTI.

Pour vous donner une idée de NTI et de son rôle dans la mise en oeuvre des lois, NTI est une entreprise à but non lucratif dont les dirigeants sont élus. Nous représentons plus de 20 000 Inuits du Nunavut et notre raison d'être est d'affirmer et de défendre les droits du Nunavut aux termes de l'Accord de 1993 sur les revendications territoriales du Nunavut. Notre travail consiste à veiller à ce que les engagements pris envers les Inuits dans le cadre de l'accord soient tenus entièrement et intégralement.

L'accord du Nunavut vise un territoire qui représente environ un cinquième de la superficie des terres émergées du Canada. C'est un traité conclu aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Un accord sur les revendications territoriales est un contrat. Ses dispositions, autant les grandes questions de portée générale que les points de détails, sont le fruit de négociations et de compromis. Ni l'une ni l'autre des parties n'obtient tout ce qu'elle veut. La mise en oeuvre de la loi s'effectue à partir de points de départ radicalement opposés. L'une des parties à l'entente rédige un texte de loi en s'appuyant sur son interprétation de l'accord. D'après notre expérience de l'élaboration et de l'application de cette loi jusqu'à maintenant, nous sommes en présence d'un exemple type des problèmes qui peuvent surgir.

• 1105

Les parties à l'accord du Nunavut avaient prévu que la loi applicable à l'Office des eaux du Nunavut et au Tribunal des droits de surface du Nunavut serait mise en vigueur dans les trois années suivant la mise en oeuvre de l'accord en 1993. Bien sûr, des années ont passé depuis et l'absence de loi a créé énormément de confusion au Nunavut pour ce qui est de la gestion de l'eau et des droits de surface. Cela n'a pas favorisé les affaires ni renforcé la confiance du public, mais a plutôt donné lieu à des poursuites coûteuses qui font perdre beaucoup de temps.

Le processus de consultation suivi par le MAINC au début de ses efforts visant l'élaboration de ce projet de loi pourrait être cité en exemple de ce qu'il ne faut pas faire. Nous avons longuement expliqué quand nous avons témoigné devant le comité en 1996 pourquoi le ministère se fourvoyait dans ses efforts visant à faire progresser ce dossier. Le projet de loi de 1996 était rempli d'incohérences par rapport à l'accord du Nunavut. Les législateurs du comité des Communes qui ont étudié ce projet de loi l'ont sagement mis de côté.

Plus récemment, de légères améliorations ont été apportées au processus de consultation appliqué par le ministère. Malheureusement, le projet de loi dont le comité est saisi laisse encore à désirer et nous voudrions qu'on y apporte des changements.

Le premier est une disposition d'interprétation positive. Le projet de loi devrait inclure une telle disposition afin de montrer que l'intention du Parlement, en adoptant un tel projet de loi, est de donner suite activement aux efforts visant à tenir les engagements pris envers les Inuits au nom de la Couronne au moment de la ratification par le Parlement, en 1996, de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

L'un des problèmes les plus irritants pour les parties autochtones au moment de la mise en oeuvre d'un accord de revendication territoriale tient au fait d'empêcher les fonctionnaires d'essayer d'en réduire la portée. Nous invitons le comité à prendre position contre les pressions qui s'exercent en vue de restreindre la portée de l'accord du Nunavut. Nous invitons le comité à faire clairement comprendre aux hauts fonctionnaires les responsabilités qui leur sont confiées. Cela peut se faire en ajoutant la disposition suivante:

    La loi sera interprétée et appliquée de façon à mettre en oeuvre l'accord, y compris les droits des Inuits qu'elle prévoit.

NTI a proposé dans le passé aux fonctionnaires du ministère d'ajouter cette disposition au projet de loi, mais ils semblent mal à l'aise face à cette proposition, sans qu'on comprenne bien pourquoi.

Le deuxième changement consiste à exempter les terres inuites des droits d'utilisation des eaux. L'accord du Nunavut divise le Nunavut en terres inuites et en terres domaniales. Les terres inuites représentent environ 20 p. 100 de la superficie des terres consacrées aux utilisations ancestrales, et elles sont occupées et détenues par les Inuits en fief simple. Selon la common law, les propriétaires de terres détenues en fief simple ont divers droits relativement aux eaux qui se trouvent sur leurs terres ou qui traversent celles-ci. Dans l'accord du Nunavut, c'est l'article 20.2.2 qui établit les droits des propriétaires fonciers inuits. Cet article est formulé en ces termes:

    Sous réserve des autres dispositions de l'accord et de toute exception prévue par les descriptions foncières des terres inuites, l'OID

il s'agit d'une organisation inuite.

    a le droit exclusif d'utiliser les eaux qui se trouvent à la surface ou dans le sous-sol des terres inuites, ou qui traversent celles-ci.

À noter qu'il s'agit bel et bien d'un droit exclusif.

Après avoir lu une première version du projet de loi, NTI a fait remarquer que le pouvoir de prendre des règlements que confère le sous-alinéa 82(1)m)(i) semble ouvrir la porte à la possibilité que le gouvernement fasse payer des droits aux utilisateurs des eaux se trouvant sur les terres appartenant à des Inuits. Je ne crois pas que ce soit délibéré; il semble que ce soit plutôt un point qui a échappé à l'attention des rédacteurs. NTI a demandé que l'on supprime cette possibilité en ajoutant un libellé explicite visant les terres appartenant aux Inuits. À notre grande surprise, il n'a pas été donné suite à cette demande.

Un accord de revendication territoriale peut se comparer à deux personnes qui cohabitent. Un tel arrangement vise notamment à permettre à chacune des parties de conserver une certaine autonomie et de préserver sa vie privée. Cependant, il semble qu'aux yeux du MAINC, la cohabitation signifie que ce qui est au ministère est à lui et que ce qui est à nous appartient également au ministère. Ayant accepté que les Inuits ont des droits exclusifs sur les eaux se trouvant sur la partie inuite du territoire ainsi partagé, le ministère veut maintenant être en mesure de nous faire payer des droits pour pouvoir utiliser cette eau.

• 1110

L'un des objectifs de l'accord du Nunavut est de promouvoir l'indépendance économique des Inuits. Nous osons croire que c'est également l'un des objectifs du MAINC, de façon générale. Cette tentative de percevoir des droits des propriétaires fonciers inuits est contraire à la fois à l'accord du Nunavut et au bon sens. Même si elle était permise par notre accord, l'imposition de tels droits à des propriétaires fonciers en fief simple serait abusive et fondamentalement hostile à la jouissance de nos droits et de nos biens. Ce projet de loi doit être modifié en adoptant le libellé suivant au sous-alinéa 82(1)m)(i):

    le droit d'utiliser les eaux ou d'y rejeter des déchets conformément à un permis, à l'exception des eaux qui se trouvent à la surface ou dans le sous-sol des terres inuites, ou qui traversent celles-ci.

Le troisième changement consiste à supprimer l'agrément du ministre. L'article 13 de l'accord du Nunavut confie explicitement à l'Office des eaux du Nunavut le pouvoir de décision quant à l'octroi de permis d'utilisation des eaux. Dans un contraste frappant avec les autres articles de l'accord, l'article 13 ne prévoit aucune possibilité d'annuler ou d'outrepasser les décisions de l'Office. L'article 13 confie plutôt à l'Office des eaux la tâche d'utiliser son expertise spécialisée, dans le cadre d'audiences publiques, pour prendre des décisions justes et raisonnables en matière de permis.

Je vais maintenant passer sur les arguments juridiques d'ordre technique à l'appui de notre interprétation de l'accord dans ce dossier; ces détails ainsi que nos arguments sur d'autres questions figurent dans l'annexe de notre mémoire.

Le MAINC estime que les permis d'utilisation des eaux délivrés par l'Office des eaux du Nunavut n'ont aucune valeur juridique en l'absence de l'agrément du ministre. Cette interprétation est contestée devant les tribunaux et la Cour fédérale du Canada est actuellement saisie de l'affaire. La suppression de l'article 56 du projet de loi empêcherait que de nouvelles poursuites soient intentées à l'avenir.

La confiance du public envers le Nunavut a été érodée à cause de la façon dont le MAINC a agi dans l'affaire des permis d'eau d'Iqaluit. À la fin de l'année dernière, quand l'Office a rendu sa décision d'assortir d'une condition le permis limitant l'incinération des déchets, dans les 30 jours suivant la décision de l'Office, le MAINC aurait pu demander un contrôle judiciaire de la compétence de l'Office des eaux pour ce qui est d'assortir le permis d'une telle condition, mais s'en est abstenu. Au lieu de cela, en faisant connaître son mécontentement mais en ne prenant aucune mesure décisive, le MAINC a plongé l'Office des eaux, la ville d'Iqaluit, les organisations inuites et les particuliers du Nunavut dans un océan d'incertitude juridique, politique et administrative.

En août dernier, bien des mois après la décision de l'Office des eaux, le MAINC a aggravé encore davantage l'incertitude entourant toute la situation en faisant savoir qu'il considérait que le permis d'utilisation de l'eau délivré par l'Office des eaux à la ville d'Iqaluit n'avait aucune valeur juridique. Cette intervention du MAINC a jeté des doutes sur la valeur d'autres permis d'utilisation d'eau et a entraîné de nouvelles poursuites judiciaires.

Une interprétation juste de l'accord du Nunavut ne permet pas de souscrire à la proposition voulant que les permis délivrés par l'Office des eaux soient nuls et non avenus en l'absence d'agrément ministériel. Dans l'accord du Nunavut, cette exigence n'existe pas.

Les événements récents montrent que le pouvoir discrétionnaire ministériel illimité que recherche le MAINC ne peut se justifier sur le plan des politiques. Au minimum, tout pouvoir discrétionnaire devrait être limité dans le temps, c'est-à-dire que le ministre devrait disposer d'un délai précis pour faire connaître son intention de s'opposer aux décisions prises par l'Office des eaux en matière de permis; ce délai pourrait être de 30 ou de 60 jours après la décision de l'Office. À l'heure actuelle, le MAINC semble vouloir affirmer sans sourciller qu'un ministre devrait pouvoir invalider une décision même plusieurs années après l'octroi d'un permis.

• 1115

Le deuxième point concerne les critères objectifs limitant les circonstances dans lesquelles un ministre pourrait s'opposer à une décision. On pourrait donner l'exemple de l'absence de preuve, ou encore des préoccupations relatives à la santé ou à la sécurité du public. Ce sont des critères qui donnent entière satisfaction dans le cadre du fonctionnement du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.

Le troisième point a trait à la possibilité que l'Office des eaux reconsidère sa décision. Cette approche permettrait au ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire en demandant à l'Office de reconsidérer une décision à la lumière de raisons objectives avancées par le ministre, au lieu de la rejeter purement et simplement. Là encore, cette technique est utilisée dans d'autres parties de l'accord du Nunavut.

Enfin, si le ministère croit que le MAINC devrait agir à titre de gardien ou de tuteur pendant une période de transition, il n'est assurément pas nécessaire de prolonger ce rôle indéfiniment.

Le changement numéro quatre consiste à utiliser une clause non dérogatoire...

Le président: Excusez-moi, monsieur Eetoolook.

M. James Eetoolook: ...correctement libellée.

Le président: Comptez-vous poursuivre encore longtemps votre exposé? Nous avons dépassé de trois minutes le temps imparti.

M. James Eetoolook: Oui, il m'en reste encore beaucoup.

Le président: Bon, alors nous allons devoir passer au prochain intervenant. Nous avons dit très clairement que ce serait dix minutes.

M. James Eetoolook: Bien, merci.

Le président: Nous vous avons accordé 13 minutes et vous devrez donc intégrer les autres éléments dans les réponses que vous donnerez et dans votre mot de la fin. Espérons que nous aurons le temps voulu et que nous pourrons vous redonner la parole.

M. James Eetoolook: Vous allez me redonner la parole pour...

Le président: Nous allons essayer de le faire, si nous en avons le temps. Nous avons deux heures, mais je veux être juste envers tout le monde. Je ne veux pas que notre comité ait la réputation d'accorder 20 ou 25 minutes à un intervenant qui a droit à seulement dix minutes, au détriment des autres.

Nous allons donc passer à l'Office des eaux du Nunavut. Vous avez la parole et je vous demanderais de vous limiter à 10 à 13 minutes.

M. Thomas Kudloo (président, Office des eaux du Nunavut):

[Le témoin s'exprime en Inuktitut]

Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Thomas Kudloo et je suis le président de l'Office des eaux du Nunavut. Je suis accompagné aujourd'hui de Philippe di Pizzo, qui est le directeur général de l'Office, et de Bill Tilleman, qui est le conseiller juridique de l'Office des eaux.

Premièrement, je voudrais remercier le comité de nous avoir invités à prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-33, concernant les ressources en eau du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut. Je peux vous assurer que je ne dis pas ça seulement pour la forme et en guise d'introduction polie. Au contraire, vous êtes les premiers en cinq ans à avoir pris l'initiative de nous demander ce que nous pensons de la loi sur les eaux.

Vous serez peut-être étonnés d'apprendre qu'en dépit des demandes répétées au MAINC au cours des dernières années, depuis 1996, notre Office n'a participé ni aux discussions générales sur l'élaboration de la législation sur les eaux, ni à l'étude du projet de loi C-33 en particulier. Nous avons seulement reçu copie de ce projet de loi il y a environ un mois, après avoir dit au ministre des Affaires indiennes il y a près d'un an que nous n'avions jamais vu un exemplaire du texte de loi proposé. En fait, la dernière fois que l'Office a eu son mot à dire dans le processus, c'était en novembre 1996, quand nous avons fait une présentation sur le projet de loi C-51, Loi concernant les ressources en eaux du Nunavut, devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes. Les cinq dernières années que nous avons passées dans le noir ont été très frustrantes, c'est le moins que l'on puisse dire, et nous sommes entièrement d'accord avec le NTI pour dire qu'il faudrait éviter à l'avenir de procéder de cette façon lorsqu'il s'agira de légiférer pour d'autres volets des régimes de gestion des terres et des ressources créés par l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, nommément l'aménagement du territoire et l'évaluation environnementale.

Comme nous n'avions ni le temps ni les ressources voulues pour faire un examen approfondi du projet de loi, notre présentation sera brève et concise. Nous avons eu l'occasion de prendre connaissance du mémoire détaillé de NTI et nous souscrivons entièrement à toutes ses recommandations, sans exception.

• 1120

Avant de passer aux objections précises de l'Office des eaux du Nunavut à l'égard de la version actuelle du projet de loi, je voudrais signaler que je sais que le comité a entendu la semaine dernière des représentants de la ville d'Iqaluit. Je voudrais dire dès le départ qu'il ne serait pas inapproprié que je discute de toute question relative au permis d'eau d'Iqaluit.

Comme vous le savez, NTI a déposé une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par le ministre des Affaires indiennes consistant à rejeter le permis émis par l'Office des eaux. En conséquence, par respect pour la Cour fédérale, je vais m'abstenir de faire tout commentaire sur le dossier d'Iqaluit. Je tiens toutefois à réitérer la position de l'Office: l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ne donne pas au ministre des Affaires du Grand Nord le pouvoir d'approuver ou de rejeter les permis émis par l'Office. À titre d'information à l'intention du comité, j'ai apporté une copie de la décision de l'Office des eaux du Nunavut dans l'affaire du permis d'eau d'Iqaluit, et je vais remettre ce document au greffier du comité.

Premièrement, comme vous le savez sûrement maintenant, l'Office des eaux du Nunavut est une institution de gestion des affaires publiques créée aux termes de l'article 13 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. L'Office fonctionne depuis le 9 juillet 1996 et j'en occupe la présidence depuis cette date. Depuis sa création, l'Office est tout à fait opérationnel, en dépit de l'absence de loi habilitante. Par exemple, en 1997-1998, l'Office a tenu 11 réunions et trois audiences publiques et a approuvé 17 demandes et 18 rapports techniques. Trois ans plus tard, en 2000-2001, nous avons tenu 14 réunions et une audience publique et avons approuvé 46 demandes et 43 rapports techniques.

Quoique l'Office ait hâte que l'on mette en vigueur une loi habilitante, nous ne voulons pas que cela se fasse à n'importe quel prix. D'abord et avant tout, nous voulons nous assurer que toute loi qui serait adoptée soit conforme à l'esprit et à l'intention de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et qu'elle reconnaisse explicitement que l'accord a préséance en cas d'incohérence ou de conflit, comme il est stipulé à l'article 2.12.2 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

À titre d'observation générale, je dirai que nous attendons du projet de loi qu'il reprenne exactement le libellé de l'accord. Par exemple, l'article 26 du projet de loi stipule que le siège social de l'Office doit être situé à Gjoa Haven. Pourtant, l'article 13.3.9 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut dit simplement: «Le siège social de l'OEN est situé dans la région du Nunavut». Il s'agit là d'un exemple facile en comparaison d'autres articles.

Cet article et d'autres dans le projet de loi doivent être récrits pour reprendre le libellé exact de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Par exemple, voici une modification corrélative à l'article 13.7.1 de l'accord. En quelques mots, cet article stipule que: «Nul ne peut utiliser les eaux ou y rejeter des déchets sans avoir obtenu l'approbation de l'OEN». Cet article est au coeur même des pouvoirs et des compétences de l'Office des eaux du Nunavut, mais il ne se trouve nulle part dans le projet de loi C-33.

La version actuelle du projet de loi renferme un certain nombre d'écarts par rapport à l'esprit et à l'intention de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Je mentionnerai seulement les deux principales objections que nous avons à l'égard du projet de loi. La première, qui ne vous surprendra pas, a trait à l'article 56 du projet de loi. Comme NTI l'a soutenu avec beaucoup d'élégance dans sa présentation, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ne confère au ministre des Affaires indiennes aucun pouvoir d'approuver ou de rejeter un permis d'utilisation d'eau émis par l'Office des eaux du Nunavut.

L'article 56 du projet de loi reprend essentiellement un article semblable qui se trouve dans la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest. Il ne se trouve nulle part, de façon explicite ou implicite, dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, et il viole l'esprit et l'intention de cet accord. Je n'ajouterai pas grand-chose aux arguments de NTI, sauf pour dire que l'article 56 doit être supprimé du projet de loi. Nous croyons que les parties en présence, y compris le ministre, ont des recours plus appropriés pour contester toute décision de l'Office, par exemple en déposant une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la cour fédérale.

• 1125

La deuxième question et la plus importante que je voudrais porter à votre attention est l'utilisation de l'eau ou le rejet de déchets dans l'eau sans permis, ce qui est autorisé par le règlement aux termes des alinéas 11(2)a) et 12(2)a), respectivement, du projet de loi. Je constate que cette question n'a pas été abordée par NTI dans son mémoire.

D'après ces deux alinéas, l'utilisation de l'eau et le rejet de déchets dans l'eau sont exemptés de l'approbation de l'Office des eaux. Cela est tout à fait contraire à l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, qui stipule à l'article 13.7.1:

    À l'exception de l'utilisation à des fins domestiques ou en cas d'urgence [...] nul ne peut utiliser de l'eau ou rejeter des déchets dans l'eau sans avoir obtenu l'autorisation de l'OEN.

Aucune exception à cette règle n'est prévue dans le régime établi par cet accord, sinon, je le répète, en cas d'urgence et pour l'utilisation domestique.

Contrairement au régime créé au titre de l'accord, le projet de loi C-33 crée essentiellement trois classes d'utilisation de l'eau ou de rejet de déchets dans l'eau. Premièrement, la classe A comprend des activités qui sont assujetties à une audience publique. Deuxièmement, la classe B comprend des activités qui sont exemptées de l'exigence de l'audience publique. Troisièmement, la classe C est une nouvelle classe d'utilisation de l'eau et de rejet des déchets dans l'eau, et elle est exemptée de toute approbation de l'Office ou exigence quelconque concernant un permis.

Par contre, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut envisage seulement deux catégories. Il y a d'abord les demandes qui entraînent obligatoirement une audience publique, et ensuite des demandes qui peuvent faire l'objet d'une décision sommaire. Lisez les articles 13.7.1 à 13.7.5 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et comparez-les au libellé actuel du projet de loi C-33.

En terminant, je vous ai dit au début de mon exposé être convaincu que toute loi sur l'eau doit respecter l'esprit et l'intention de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. La version actuelle du projet de loi n'atteint tout simplement pas cet objectif pourtant essentiel. Quoique la majorité de ses dispositions soient globalement acceptables, il viole un certain nombre d'articles de l'accord qui sont d'une importance critique, parce qu'il crée des exceptions aux termes des articles 11 et 12 et parce qu'il accorde des pouvoirs au ministre aux termes de l'article 56, entre autres choses. Pour cette seule raison, le projet de loi devrait être soit modifié comme le demande NTI, en y ajoutant la suppression des exemptions dont j'ai parlé tout à l'heure, soit rejeté entièrement. La prochaine fois, il faudrait faire des consultations utiles, avec NTI et avec l'Office des eaux du Nunavut, avant que le ministre des Affaires indiennes présente une nouvelle version du projet de loi.

Cela met fin à ma présentation. Je suis accompagné du conseiller juridique Bill Tilleman et aussi de Philippe di Pizzo, qui seront à votre disposition pour répondre aux questions.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Inuit Tapirisat du Canada.

M. Jose A. Kusugak (président, Inuit Tapirisat du Canada):

[Le témoin s'exprime en Inuktitut]

Merci, monsieur. Je suis le président de l'Inuit Tapirisat du Canada, dont les membres du conseil sont les groupes à l'origine des revendications territoriales au Nunavut, ainsi que dans la région Inuvialuit, de l'Arctique occidental; l'Association des Inuits du Labrador et la Société Makivik du Nord québécois. Certains d'entre vous savent peut-être que j'ai été président de Nunavut Tunngavik de 1994 à 2000. Pendant cette période, nous avons travaillé pendant un certain temps aux projets de loi qui ont précédé le C-33 et je suis donc content de voir que le dossier est de nouveau à l'étude. J'ignore pourquoi le processus a pris tellement de temps, parce que le travail de déblayage avait été fait en 1993.

• 1130

Comme je l'ai dit, j'ai travaillé à ce dossier de 1994 à 2000 et je sais donc ce que c'est que de m'adresser à un comité comme le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. Si j'étais à la place de James, j'aimerais bien pouvoir terminer ma présentation. Donc, comme je suis ici pour appuyer Nunavut Tunngavik, je propose de céder à James les neuf minutes de temps de parole qu'il me reste, afin qu'il puisse finir sa présentation, parce qu'il parlait justement de l'élimination de l'agrément ministériel et de la mise en place possible de limitations du rôle du ministre relativement à cette mesure législative sur l'eau. Il allait justement aborder la question de la clause non dérogatoire correctement libellée.

Puis-je lui céder mon temps de parole, pour qu'il puisse terminer son explication?

Le président: Ma décision est que vous pouvez lui donner votre temps, pourvu que l'Office des eaux du Nunavut ne réclame pas également une autre tranche de huit minutes.

Je vous mets de la pression.

M. Thomas Kudloo: C'est d'accord.

Le président: Dans ce cas, M. Eetoolook a encore huit minutes.

M. Jose Kusugak: Merci, monsieur.

James.

M. James Eetoolook:

[Le témoin s'exprime en Inuktitut]

Le quatrième changement est l'utilisation d'une clause non dérogatoire correctement libellée. Le paragraphe 3(3) du projet de loi devrait être supprimé et remplacé par le libellé suivant qui est tiré de l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés:

    (3) Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits existants—ancestraux ou issus de traité—des peuples autochtones du Canada en vertu de la Loi constitutionnelle de 1982.

Les modifications qui ont accompagné le rapatriement de la Constitution canadienne en 1982 renfermaient une clause non dérogatoire relativement à l'interaction entre la charte et les droits ancestraux ou issus de traité. La disposition non dérogatoire qui figure à l'article 25 de la charte donnait aux peuples autochtones l'assurance que la charte ne visait pas à leur enlever quelque droit que ce soit, qu'il s'agisse de droits ancestraux ou issus de traité.

Le libellé de cette clause non dérogatoire dans la charte a été accepté et utilisé par tous les rédacteurs législatifs jusqu'à la Loi sur le contrôle des armes à feu en 1996, inclusivement. Ces dernières années, cependant, quelques projets de loi fédéraux ont comporté au moins deux variantes de ce libellé. Le paragraphe 3(3) du projet de loi actuel contient l'une de ces variantes. À notre connaissance, aucun comité parlementaire n'a jamais été saisi des incidences de ces variantes, pas plus qu'on n'a demandé aux peuples autochtones de donner leur point de vue à ce sujet. Cela en soi est troublant, mais ce qui est encore plus troublant, c'est que l'on a amoindri la valeur de la clause non dérogatoire de la charte à cause des libertés que l'on a prises à ce sujet.

Le libellé de la charte peut être interprété comme une déclaration d'intention. C'est-à-dire que le Parlement n'a aucunement l'intention d'enlever quoi que ce soit aux droits ancestraux ou issus de traité. L'énoncé différent qui figure dans le projet de loi à l'étude pourrait facilement être interprété comme une déclaration relativement aux pouvoirs du Parlement, c'est-à-dire que le Parlement rappelle aux tribunaux que dans certaines circonstances, il a le pouvoir d'empiéter sur ces droits, en dépit de la protection des droits ancestraux et issus de traité conférée par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. En adoptant ce libellé différent de la clause non dérogatoire, vous pourriez vous retrouver paradoxalement à adopter une sorte de clause dérogatoire. Ce qui était conçu comme un bouclier devient une épée.

Il y a donc des raisons impérieuses pour lesquelles le comité doit rejeter l'actuel paragraphe 3(3) et le remplacer par le libellé de la charte. Je vous fais part d'un certain nombre d'idées à cet égard.

Premièrement, le libellé de la charte est fondé sur un usage constitutionnel bien établi. Il n'y a aucune raison valable de s'en éloigner.

• 1135

Deuxièmement, le libellé de la charte a été utilisé uniformément dans les lois fédérales, dans la majorité des mesures législatives renfermant des dispositions non dérogatoires depuis 1982. Rien n'indique que ce projet de loi est conforme à la pratique du Parlement.

Troisièmement, dans l'éventualité où les fonctionnaires gouvernementaux estiment qu'il existe une raison transcendante de laisser tomber la formulation de la charte, leurs raisons doivent être présentées clairement au comité parlementaire compétent. Il est inacceptable d'essayer d'opérer pareil changement par la bande, en particulier en l'absence de consultations préalables et candides avec les peuples autochtones.

Quatrièmement, le MAINC n'a fait aucun effort pour préciser au comité de quelle manière, le cas échéant, cette disposition pourrait empiéter sur les droits ancestraux ou issus de traités. Au minimum, ceux qui voudraient soutenir ultérieurement que la nouvelle loi justifie d'empiéter sur les droits ancestraux ou issus de traités ont l'obligation de signaler cette possibilité d'empiétement à nos juristes qui étudient le projet de loi et de dire exactement pourquoi ils pensent que de tels empiétements pourraient être inévitables. Toute autre conduite ne serait pas conforme au rôle que jouent les législateurs ni à l'obligation fiduciaire qu'assume la Couronne envers les peuples autochtones.

Cinquièmement, NTI est un représentant des peuples autochtones touchés par ce projet de loi et nous sommes d'avis que lorsque les Inuits du Nord québécois ont adhéré pour la première fois à l'ordre constitutionnel, il n'y avait aucun différend quant à ce qui constitue un libellé non dérogatoire standard. En fait, la Société Makivik, qui représente les Autochtones du Nord québécois, a reçu du MAINC des signaux clairs indiquant l'intention du ministère d'utiliser le libellé de la charte. C'est maintenant faire preuve de mauvaise foi que d'adapter un libellé différent.

Pour ce qui est de la version en langue française du projet de loi, nous avons identifié un certain nombre de changements qu'il faudrait y apporter, lesquels sont présentés dans l'annexe.

En terminant, l'adoption d'une loi habilitante pour ce qui est de l'Office des eaux du Nunavut et du Tribunal des droits de surface du Nunavut est un besoin qui se fait sentir depuis longtemps. L'absence de cette loi nuit à la mise en oeuvre des obligations prises par la Couronne dans l'Accord de 1993 sur les revendications territoriales du Nunavut.

En dépit du besoin d'une telle loi, deux évidences s'imposent: premièrement, le projet de loi exige un certain nombre d'amendements pour qu'il soit tout à fait conforme à l'accord du Nunavut et compatible avec une approche juste et équilibrée pour la mise en oeuvre de cet accord; et deuxièmement, le processus de consultation qui a accompagné le dépôt du projet de loi doit être corrigé. En conséquence, NTI exhorte le comité, premièrement, à amender le projet de loi de la façon que nous avons proposée; et deuxièmement, à communiquer au ministre des Affaires indiennes que toute nouvelle loi de mise en oeuvre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut doit être élaborée en partenariat avec NTI et le gouvernement du Nunavut afin d'obtenir des résultats justes et opportuns.

Nakurmiik. Merci.

Le président: Merci.

Avant de passer aux questions, chers collègues, je tiens à vous remercier de votre patience. Nous avions demandé un exposé de dix minutes, mais nous en avons eu un de 22 minutes. Je tiens à dire cela officiellement, parce que nous avons été en mesure de le faire aujourd'hui, mais ce ne sera pas toujours possible. Nos témoins doivent être bien conscients que nous avons des contraintes, mais c'était intéressant et très valable et je les en remercie.

Le premier tour sera de cinq minutes, en commençant par M. Elley.

M. Reed Elley (Nanaimo—Cowichan, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier personnellement, tous et chacun d'entre vous, d'être venus aujourd'hui. Vous avez fait un long voyage. Je viens de l'île de Vancouver chaque fin de semaine, mais vous avez fait un voyage encore plus long. Je vous remercie d'être venus nous faire part de vos préoccupations au sujet de ce projet de loi. Je suis content que vous ayez eu l'occasion de nous dire le fond de votre pensée sur ce projet de loi, et j'aurais des questions à poser en particulier au sujet du droit ministériel d'approbation des permis.

Il y a effectivement une affaire qui est actuellement devant les tribunaux. Je m'adresse à M. Kudloo et à M. Tilleman, mais les autres peuvent aussi répondre s'ils le souhaitent; je voudrais leur demander s'ils entrevoient des problèmes quelconques si nous adoptons ce projet de loi, dans l'éventualité, par exemple, où la décision du tribunal irait à l'encontre du gouvernement. Cela rendrait-il nulle et non avenue cette partie du projet de loi, à supposer que nous l'adoptions? Dans quelle situation nous retrouverions-nous en pareil cas? À votre avis, quelle serait alors la situation relativement à ce projet de loi?

• 1140

Je vous pose tout de suite une deuxième question: avez-vous des suggestions quelconques à formuler pour nous aider à nous sortir de cet éventuel dilemme de nature juridique et peut-être même constitutionnelle?

M. William A. Tilleman (conseiller juridique, Office des eaux du Nunavut): Merci, monsieur, et merci aux autres députés.

Au minimum, je pense que cela place le gouvernement dans l'embarras, dépendant de ce que le juge dira, et nous n'avons aucun moyen de le savoir à l'avance. S'il donne gain de cause au plaignant, alors vous pourriez, au pire, vous retrouver avec un article 56 tout simplement illégal. Cela pourrait peut-être même être encore pire si c'était jugé anticonstitutionnel. C'est une situation tout simplement embarrassante.

Que pourriez-vous faire en pratique? Supprimer l'article 56. Dans ce cas particulier, l'Office se trouve également dans une situation difficile, parce qu'à l'époque où la lettre a été envoyée par le ministre, l'Office était en fait en plein milieu du processus. Autrement dit, la ville avait demandé des modifications et les audiences subséquentes de l'Office sur ces amendements étaient en instance au moment où la lettre est arrivée.

Comme l'affaire est du domaine public, je tiens à dire publiquement que l'Office a en fait suspendu la nouvelle audience, y compris la question des émissions atmosphériques et autres actes que la ville n'avait pas encore commis, en attendant le règlement du litige devant les tribunaux. L'Office se trouve lui-même coincé et il a simplement arrêté toute sa procédure.

Je sais que les cinq minutes sont écoulées et je n'irai donc pas plus loin à moins que l'on me pose une autre question, mais ma position est que cet article viole clairement l'accord sur les revendications territoriales, ce qui signifie que l'article sera invalidé dans cette décision. C'est mon opinion, monsieur.

M. Reed Elley: Quelqu'un d'autre voudrait commenter cette situation?

M. John Merritt (conseiller juridique, Nunavut Tunngavik Inc.): Le point de vue de NTI est sensiblement le même que celui de l'Office des eaux. Je signale que c'est plutôt à contrecoeur que NTI s'est résigné à intenter des poursuites devant les tribunaux pendant l'été, parce que cet été, c'était la première fois que le ministre des Affaires indiennes prenait activement des mesures pour invalider une décision relative à des permis. Pendant un certain nombre d'années, le ministre avait essentiellement accepté toutes les décisions de l'Office en matière de permis. NTI a seulement intenté des poursuites quand il est devenu tout à fait clair que l'intervention active du ministre pour invalider une décision constituait bel et bien une contestation de ce qui nous apparaît être l'interprétation appropriée de l'accord sur les revendications territoriales.

Le fait est que huit mois se sont écoulés entre la décision de l'Office d'octroyer un permis et l'intervention du ministre pour invalider ce permis en août. Cela a certainement compliqué la situation et embrouillé bien des gens. Nous avons trouvé que c'était un aspect regrettable de tout le processus car l'affaire s'est éternisé pendant l'hiver et le printemps.

Le président: Quelqu'un d'autre voudrait-il ajouter son grain de sel pendant quelques secondes?

M. Jose Kusugak: Oui, je vais prendre les quelques secondes que l'on m'offre.

Je veux seulement dire que lorsque l'accord sur les revendications territoriales a été ratifié, les Inuits se sont réjouis de pouvoir participer à l'élaboration de lois et de projets de loi comme celui-ci aux termes de l'accord, et de se voir attribuer certaines responsabilités au nom du Canada pour ce qui est de prendre certaines décisions. Mais le gouvernement et Nunavut Tunngavik semblent voir de façon tout à fait opposée la mise en oeuvre de l'accord. L'autre partie semble laisser entendre que c'est eux contre nous, ce qui ne nous aide vraiment pas beaucoup. À cause de l'accord, nous voulons participer aux efforts en vue de bâtir le Canada. C'est la possibilité que l'on nous a donnée.

Je veux simplement m'assurer que l'on comprenne bien pourquoi nous estimons nécessaire d'apporter ces changements à ces dispositions. C'est pour respecter cet accord.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui, messieurs les membres de l'Office et autres témoins. Je vous remercie également de vous être fait accompagner par les jeunes du Nunavut. Je trouve que c'est vraiment une merveilleuse idée parce que cela aide à démystifier la Chambre des communes, du moins à leurs yeux.

Je sais que j'ai seulement cinq minutes et je vais donc commencer par reconnaître qu'il y avait un thème récurrent dans tous vos mémoires, à savoir que tous se plaignaient du manque de consultation à mesure que le projet de loi prenait forme. Je signale à l'intention de l'Office des eaux du Nunavut que la dernière consultation officielle remonte à février 1998. Le projet de loi lui a d'abord été présenté en 1997 et il n'y a eu aucune autre rencontre officielle avant 1998, du moins d'après les dossiers que l'on nous a remis.

• 1145

Même si vous avez énuméré cinq changements précis que vous exigez, je pense que l'article 56 figure en tête de liste dans les deux mémoires que j'ai entendus. Je conviens que le fait de donner au ministre un droit de veto contredit tout à fait la notion même d'autonomie que l'on veut accorder au Nunavut face à la gestion des ressources qui se trouvent dans son domaine. Je suis d'accord avec vous là-dessus.

S'ils ne sont pas disposés—et quand je dis «ils» je veux dire le gouvernement libéral—à supprimer l'article 56, comme vous recommandez de le faire, quels compromis pourriez-vous proposer qui vous donneraient une certaine satisfaction ou qui limiteraient le pouvoir du ministre d'opposer son veto à vos décisions en matière de permis? Pourriez-vous nous dire quels changements précis vous recommanderiez et que nous pourrions proposer sous forme d'amendements qui pourraient être adoptés?

M. John Merritt: Dans son mémoire, bien sûr, notre président a dit que nous n'acceptons pas que ce pouvoir conféré à l'article 56 est conforme à l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Il a ajouté que même si notre accord de revendications territoriales n'existait pas, même si l'on examinait un projet de loi en l'absence de tout accord relativement à des revendications territoriales, le point de vue de NTI serait que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être limité par certaines contraintes. À l'heure actuelle, il est illimité. Par exemple, quant à ce qui s'est passé en hiver, au printemps et en été de cette année, le ministre a attendu huit mois avant de contester une décision. En l'absence de toute contrainte dans la loi, cela pourrait se reproduire.

Nous avons identifié les quatre éléments précis qui seraient utiles si le pouvoir discrétionnaire devait demeurer. Le premier est qu'il doit y avoir au minimum des contraintes de temps. Si le ministre doit décider d'invalider une décision en matière de permis, il doit le faire dans les 30 jours, dans les 60 jours ou dans un délai quelconque. C'est là une mesure standard dont on constate la présence dans une foule d'interactions entre les ministres et les tribunaux administratifs et il n'y a donc rien d'inhabituel là-dedans.

Le deuxième point est qu'il serait utile d'avoir certains critères objectifs sur lesquels le ministre devrait se baser pour pouvoir invalider ou annuler une décision relative à un permis, à la lumière par exemple d'une préoccupation quant au manque de preuves ou quant à des inquiétudes en matière de santé ou de sécurité publique. Je pense que notre président a dit que notre Conseil de gestion de la faune du Nunavut, qui a été créé aux termes de l'accord, fonctionne de cette façon. Il est en effet possible de revenir sur les décisions du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, mais seulement pour des raisons relatives à la conservation, à la santé ou à la sécurité.

Le troisième changement serait d'avoir une situation dans laquelle, premièrement, le ministre renvoie la décision qui lui déplaît à l'Office en lui demandant de la reconsidérer, peut-être en tenant une deuxième audience publique. Là encore, il existe des dispositions de ce genre pour d'autres offices établis aux termes de l'accord sur les revendications territoriales.

Et le dernier point soulevé par notre président était la temporarisation de tout cela. Si l'on estime que le ministre doit, pour une raison ou une autre, constituer une sorte de tuteur politique encadrant l'Office pour assurer un contrôle de la qualité pendant une certaine période, alors ce rôle doit prendre fin après une date déterminée. Disons que ce rôle disparaîtra après que l'Office aura acquis un certain nombre d'années d'expérience, que ce soit cinq ans ou dix ans après l'entrée en vigueur de l'accord sur les revendications territoriales, ou à une date quelconque à préciser. Une mesure de temporisation serait également attrayante.

Le président: Vous avez 45 secondes.

M. Pat Martin: En fait, vous avez énuméré cinq amendements que vous aimeriez voir adopter. J'ai réussi à en mettre quatre par écrit, mais j'ai raté le tout premier. Monsieur Eetoolook, pourriez-vous nous dire quel était le premier changement que vous avez recommandé d'apporter au projet de loi C-33?

M. John Merritt: Je pense que c'était la disposition d'interprétation positive. Je pense qu'il y a une argumentation assez étoffée à ce sujet dans l'annexe que l'on a distribuée aux membres du comité.

M. Pat Martin: C'est très utile. Merci beaucoup.

Le président: Madame Grey.

Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PC/RD): Je vous remercie d'être venus.

Au sujet du ministre qui a tous les pouvoirs, si l'on peut dire, ou qui est une sorte de superviseur politique, si aucun pouvoir n'était confié au ministre, ce qui serait manifestement le résultat de la suppression de l'article 56, et ce serait évidemment votre premier choix, alors quelles mesures d'autodiscipline y aurait-il? Si le ministre ne surveille pas—et je ne suis pas d'accord pour dire que c'est une bonne chose qu'il surveille, mais s'il ne surveille pas, alors qui donc le fera à sa place?

• 1150

M. John Merritt: On dirait que je commence à avoir trop de temps d'antenne, et peut-être que l'Office des eaux devrait s'expliquer à ce sujet.

La position de NTI est que c'est justement la raison pour laquelle nous avons des tribunaux. La Cour fédérale essentiellement existe pour donner aux citoyens la possibilité de poser publiquement la question de savoir si une instance publique ou un fonctionnaire a agi dans les limites de ses compétences en rendant une décision aux termes de la loi.

À notre avis, ce qui aurait dû se passer en janvier, c'est que le ministre, s'il croyait que l'Office n'avait pas compétence pour décréter des conditions sur l'incinération des déchets, aurait dû s'adresser à la Cour fédérale dans un délai de 30 jours pour mettre en doute la compétence de l'Office. Quiconque est mécontent d'une décision rendue par l'Office doit procéder de cette manière. Il arrive souvent, dans d'autres dossiers, que des ministres fassent de telles interventions quand ils sont mécontents de la décision rendue par un tribunal.

Mme Deborah Grey: Je déteste voir un conseiller juridique préconiser un plus grand nombre de recours aux tribunaux, car je trouve que c'est un peu intéressé.

Néanmoins, qui paie le coût de ces contestations devant les tribunaux, et pendant combien de temps allons-nous dire que l'on va poursuivre quelqu'un parce qu'il a fait quelque chose de mal? Dieu sait que ce n'est pas une bonne chose. Comment sortir de ce bourbier juridique? Il faut bien trouver une solution.

Le président: Y a-t-il un autre témoin qui veut donner une réponse ou faire une observation?

M. William Tilleman: C'est une bonne question, mais nous sommes trop proches de la Cour suprême du Canada pour que j'exprime mon désaccord quant au rôle que jouent de nos jours les avocats dans cette ville et dans notre pays.

Je suis d'accord avec M. Merritt, mais la reddition des comptes comporte un autre volet, à savoir les membres eux-mêmes. Autrement dit, ces nominations sont faites soit par NTI, soit par le gouvernement fédéral ou territorial, et les membres eux-mêmes peuvent être remplacés. Ils doivent rendre des comptes quant à leur bilan, et la branche exécutive devrait toujours garder l'oeil sur leur performance.

Le président: D'autres commentaires là-dessus? Monsieur d'Eça.

M. Michael d'Eça (conseiller juridique, Inuit Tapirisat du Canada): Brièvement, c'est en effet un dilemme, mais on ne s'en débarrasse pas pour autant en demandant au ministre de donner son approbation. Cela ajoute simplement un autre degré, mais il y aura toujours le contrôle judiciaire, qui est une étape nécessaire, de même qu'un processus d'appel, comme le prévoit d'ailleurs le projet de loi.

Je ne peux pas répondre à la question, mais je veux simplement signaler que la présence du ministre dans ce dossier n'est pas une solution au problème particulier que vous soulevez.

Mme Deborah Grey: Merci, monsieur le président. Comme c'est un projet de loi du gouvernement, je serais intéressée à entendre les députés ministériels nous dire comment nous sortir de ce pétrin.

Le président: Cela se fera pendant l'étude article par article.

Mme Deborah Grey: Super.

Le président: Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell: En tant que bénéficiaire, je trouve très troublant d'apprendre qu'une bonne partie des fonds qui me sont octroyés pourraient être consacrés à des litiges. Ce n'est pas l'image que je voudrais présenter aux jeunes qui sont ici présents. Je trouve fort troublant de voir que c'est ainsi que se dessine l'avenir de l'accord sur les revendications territoriales.

Je constate que le paragraphe 3(1) stipule:

    Les dispositions de l'Accord l'emportent sur les dispositions incompatibles de la présente loi.

Ce texte est censé nous rassurer, nous les bénéficiaires, en nous disant que notre accord de revendications territoriales a préséance. J'ai un peu de difficulté à admettre que nous ayons toutes ces interprétations différentes qui aboutissent à des litiges devant les tribunaux, puisque notre accord de revendications territoriales est censé avoir préséance, ce qui est écrit noir sur blanc dans un projet de loi. J'essaie de trouver une façon de présenter cette question sous un angle agréable et compréhensible. Je sais que nous devons inscrire une disposition semblable dans tous les projets de loi qui touchent à un accord sur des revendications territoriales.

Pourquoi l'accord que nous avons conclu n'a-t-il pas préséance dans certains dossiers qui aboutissent devant les tribunaux? Est-ce parce que le libellé de l'accord laisse place à une trop grande latitude quant à son interprétation? Y a-t-il moyen de donner une interprétation définitive de toutes les dispositions de l'accord? J'ignore si c'est possible. Quand on a dix avocats, on peut avoir dix interprétations différentes.

• 1155

J'ai de la difficulté—et je suis quelque peu en conflit en l'occurrence, parce que je suis une bénéficiaire de cet accord réglant des revendications territoriales. À votre avis, quelle est l'incidence concrète de cette disposition qui figure dans ce projet de loi et dans les autres lois qui découleront de cet accord?

J'aurais une autre très brève question, mais je vais vous donner le temps de répondre.

Certaines conditions exigées par l'Office des eaux, disons dans le cas d'Iqaluit, ont des conséquences énormes sur le plan financier. J'essaie de savoir si vous en tenez compte, à l'Office des eaux, quand vous émettez un permis. Il incombe aux titulaires du permis de respecter les conditions, mais cela leur est très difficile s'ils n'ont pas les ressources voulues. Je cite le cas d'Iqaluit seulement à titre d'exemple, mais je suis certaine qu'il y en aura d'autres et qu'il sera bien difficile pour certaines personnes de respecter les échéances et les conditions. Comment établissez-vous les délais, compte tenu des ressources dont disposera le titulaire?

Le président: Vous avez une minute pour répondre.

M. William Tilleman: Oui, monsieur.

Sur la première question, relativement à la clarté, je pense que la disposition du projet de loi que l'on a cité, la loi de mise en oeuvre de l'accord de revendications territoriales, ainsi que l'accord lui-même, étaient parfaitement clairs. C'est-à-dire qu'en cas de conflit ou d'incompatibilité, l'accord sur les revendications territoriales a préséance puisque c'est le document primordial en droit.

Sur la question de l'agrément du ministre, je crois que tout est parfaitement clair dans cet accord. L'accord traite d'une foule d'autres questions en plus de l'Office des eaux.

Je voudrais vous parler pendant 30 secondes des autres organismes créés par l'accord. Il y a d'abord le Conseil de gestion des ressources fauniques, la commission d'établissement et la Commission de l'évaluation environnementale. L'Office faunique est créé par l'article 5; la commission d'établissement, par l'article 11; la commission d'évaluation environnementale, par l'article 12; et l'Office des eaux, par l'article 13. Dans les trois premiers cas, il est explicitement fait mention du ministre et l'on précise expressément la fonction de l'Office, qui relève du ministre, lequel prend la décision ultime dans bien des cas sinon dans tous. Ce n'est pas le cas de l'Office des eaux.

Dans au moins six domaines des activités de l'Office des eaux, il n'est nullement fait mention du ministre. À l'article 20, qui traite des droits des Inuits sur les eaux, il n'est pas fait mention du ministre. En fait, dans au moins une disposition, il est dit qu'en cas de conflit entre l'organisation inuite et l'industrie en matière d'indemnisation, c'est l'Office des eaux qui rend la décision ultime, finale et exécutoire. Il n'y a aucune incertitude ni ambiguïté dans ce projet de loi à ce sujet. C'est très clair à l'article 13 et je pense que les tribunaux le confirmeront. C'est mon argument.

Maintenant, que faire dans des dossiers difficiles comme celui de la ville d'Iqaluit, par exemple? Nous avons entendu des gens dire que l'Office avait interdit toute émission atmosphérique. En toute déférence, ce n'est pas vrai. Si vous lisez la décision, vous constaterez qu'en réalité, l'Office s'est préoccupé des émissions en eau douce. Autrement dit, la décision traite précisément du rejet de déchets dans l'eau. L'Office n'a pas réglementé globalement les émissions atmosphériques. Il a seulement abordé les émissions qui auraient probablement une incidence sur la qualité de l'eau.

Oui, le coût est énorme—ce n'était d'ailleurs pas la première audience, mais bien la seconde—mais quel coût peut-on attribuer à la santé humaine? Walkerton en est le meilleur exemple. L'Office est confronté à des décisions difficiles.

Merci.

Le président: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Grand Nord a déclaré au sujet du projet de loi C-33 qu'il créerait la certitude quant à l'accès pour le secteur des ressources; la certitude relativement au processus d'émission des permis d'utilisation de l'eau; et la certitude pour les membres de l'Office et les tribunaux, dont les décisions en l'absence de loi ouvraient la porte à des contestations. Fréquemment, le mot clé dans tout cela est «certitude». Il a insisté là-dessus. Je voudrais donc savoir très rapidement—je n'ai pas besoin d'une réponse longue ou détaillée—si vous partagez l'opinion du ministre, à savoir que le projet de loi C-33 crée un régime qui renforce cette certitude. Il a déclaré de façon assez dogmatique, assez catégorique, que ce serait le cas. Partagez-vous ce point de vue?

M. William Tilleman: Sauf votre respect, je ne veux pas dire que... Premièrement, je ne pense pas que ce soit le cas, pas dans ce dossier. C'est cependant vrai dans plusieurs autres domaines, et ce n'est donc pas un mauvais projet de loi, c'en est un bon.

Sur la question de l'agrément ministériel, M. Merritt a dit comme il est difficile de recevoir une lettre d'un ministre huit mois après le fait, et une lettre qui a probablement été écrite par des fonctionnaires, surtout qu'elle ne se contente pas de dire non, mais traite aussi de plusieurs autres points. Ce n'était pas simplement un non, c'était un non accompagné de plusieurs autres questions. Je ne veux pas manquer de respect envers le ministre, car j'ai du respect pour le ministre actuel, mais j'ose dire qu'il n'y a là aucune certitude.

• 1200

M. Maurice Vellacott: Donc, à part la question du pouvoir ministériel, vous croyez que le projet de loi donnera une plus grande certitude, qu'il est bon de ce point de vue, mais pour ce qui est du pouvoir ministériel, vous avez une réserve et vous dites: je ne crois pas qu'il y ait de certitude sur ce point.

M. William Tilleman: Bien sûr qu'il n'y en a pas, monsieur, puisque nous sommes actuellement devant la Cour fédérale, comme il était de notre devoir de le faire dans ce dossier.

M. Maurice Vellacott: À l'article 13 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, il est dit que les responsabilités et pouvoirs de l'Office des eaux du Nunavut doivent être «au moins» l'équivalent de ceux de l'Office des Territoires du Nord-Ouest aux termes de la Loi sur les eaux internes du Nord, lequel a ensuite été remplacé en 1992. L'article 13 n'énumère pas les attributions et pouvoirs précis de l'Office, alors comment interprétez-vous cette stipulation selon laquelle l'Office des eaux du Nunavut doit avoir un pouvoir au moins équivalent à celui de l'Office analogue des Territoires du Nord-Ouest?

Le président: Monsieur Tilleman.

M. William Tilleman: Oui, monsieur, je suis d'accord. Mais cela représente, si l'on peut dire, la laisse de basse mer. La loi s'appelait à l'époque Loi sur les eaux internes du Nord, elle s'appelle aujourd'hui la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest et c'est cette dernière loi qui confère des pouvoirs à l'Office, notamment le pouvoir d'exiger le dépôt de documents. Il faut donc remonter à cette loi. C'est probablement le point de friction entre les gens qui ont rédigé ce projet de loi et la position de l'Office des eaux, à savoir que l'on s'est simplement contenté de remonter à cette loi, on l'a examinée et l'on s'est dit qu'elle établissait une distinction entre les classes de permis, et le ministre prenait la décision dans les cas les plus importants, et l'on a donc repris le même régime pour l'Office des eaux.

C'est un mauvais raisonnement, en toute déférence, à cause de la dernière partie de la phrase de l'article que vous avez lu. À la fin de l'article 13.2, on lit ceci:

    ...et toute autre responsabilité acquise aux termes du présent article.

Par conséquent, si l'on considère cela comme le minimum et que l'on lit ensuite la dernière partie de l'article, que je viens de citer, c'est là que se trouve la clé—personne n'en parle, mais c'est la clé.

M. Maurice Vellacott: Dans ce cas, d'un point de vue juridique, mais cela varie peut-être du tout au tout selon le juriste auquel on s'adresse, si l'on ne dit pas qu'il a un rôle de supervision, sans pour autant l'exclure nécessairement, serait-ce là une opinion unanime, ou bien obtiendrons-nous des opinions divergentes? Si l'on ne précise pas qu'il est inclus, cela l'exclut-il automatiquement, du point de vue juridique?

M. William Tilleman: On n'exclut jamais un ministre; en l'occurrence, le ministre participe aux nominations et à cet aspect important de l'Office. Quelqu'un a demandé à M. Merritt quelles étaient les options. Il y a l'option de la temporarisation, qui constituerait probablement le deuxième choix de l'Office. Le premier est de supprimer tout simplement l'article 56, et le deuxième choix est de fixer une date d'abrogation.

Il y a encore une troisième option. Je vais peut-être dire quelque chose que l'on n'a jamais entendu ici et que l'on n'entendra plus, à savoir qu'à mon avis, il arrive parfois que les ministres doivent intervenir et prendre des décisions. Par exemple, que fait-on des projets qui sont d'envergure nationale ou transfrontière? Je crois qu'en pareil cas, les ministres ont un rôle à jouer et doivent le jouer. Ce serait peut-être donc une suggestion: dans les dossiers où le ministre veut exercer le pouvoir décisionnel, compte tenu des intérêts en jeu qui sont plus étendus qu'un dossier ou un endroit précis, on pourrait l'indiquer dans le projet de loi.

Je ne fais que répondre à votre question. Je respecte le mandat des ministres, qui est immense, puisqu'ils doivent s'occuper du pays tout entier.

Le président: Madame Grey.

Mme Deborah Grey: Merci.

Quelqu'un a dit tout à l'heure que pendant toutes ces années, depuis la création de votre Office, vous n'avez jamais participé à la moindre consultation. Pourquoi, à votre avis? Cela me semble incroyable. Et comment la situation va-t-elle s'améliorer, que pouvez-vous faire pour l'améliorer, que pouvons-nous faire pour l'améliorer à l'avenir?

Le président: Monsieur Tilleman.

M. William Tilleman: Je dois dire au comité que je sais que le ministre Nault avait et a encore l'intention de nous consulter. Je dois lui reconnaître ce mérite. Il y a environ un an, il l'a fait savoir à l'Office. Alors pourquoi l'Office n'a-t-il pas été consulté? C'est peut-être de ma faute; peut-être aurais-je dû descendre ici et chercher à savoir qui s'occupait du projet de loi. Si c'est de ma faute, alors je suis coupable.

Je dois toutefois préciser que le projet de loi m'a été communiqué par M. Merritt il y a deux ou trois semaines. Il m'en a donné un exemplaire qu'il avait reçu de quelqu'un que je ne connais pas et, dans les jours qui ont suivi, quelqu'un m'a piqué mon exemplaire. Je n'ai donc même pas la version la plus récente et j'ignore pourquoi l'Office n'a pas été consulté, mais je sais que le ministre se proposait de le faire il y a au moins un an.

• 1205

Mme Deborah Grey: Vous parlez du projet de loi C-33.

M. William Tilleman: C'est exact.

Mme Deborah Grey: Nous l'avons probablement tous reçu il y a un mois. Moi, je parle de 1996.

M. William Tilleman: Pour être juste envers le gouvernement, ce sont là de nouveaux offices, c'est un nouveau territoire et ça n'a pas été facile. Nous essayons encore de faire fonctionner tout cela: de nouvelles administrations, le transfert des responsabilités. Les rédacteurs juridiques sont occupés, les ministres sont occupés et tous les employés sont occupés. J'ignore ce qui s'est passé, mais je dois dire en toute justice pour le gouvernement que la tâche n'est pas facile.

Mme Deborah Grey: Je le comprends bien, mais je pourrais peut-être demander à la personne qui a dit cela de répondre. C'était l'un de vous deux, ou peut-être l'auteur du mémoire, je ne sais pas. Mais je pense que c'est vous, monsieur Kudloo, qui avez dit que vous n'aviez...

Le président: Bill, pourriez-vous répondre à cette question, je vous prie?

Mme Deborah Grey: C'est vous qui l'avez dit et je vous demanderais donc de répondre.

M. Thomas Kudloo: Je vais demander au directeur général de répondre à cette question.

Le président: Veuillez prendre place. Vous devez d'abord vous nommer et décliner vos titres et qualités.

M. Philippe di Pizzo (directeur général, Office des eaux du Nunavut): Je m'appelle Philippe di Pizzo et je suis le directeur de l'Office des eaux du Nunavut. Je ne peux pas dire pourquoi le MAINC n'a pas consulté l'Office des eaux, c'est une question qu'il faudrait poser aux gens du MAINC, mais il est certain que nous avons demandé plusieurs fois au MAINC de participer à l'exercice. Je me rappelle que la dernière fois que l'on nous a consultés, c'était pour le projet de loi C-51, ce qui remonte à cinq ans. Je ne me rappelle pas de la rencontre dont M. Martin a parlé ni des communications qu'il a eues vers 1998. Je ne suis pas au courant de cela. Je n'ai pas de réponse à votre question. J'ignore pourquoi le MAINC ne nous a pas consultés.

Le président: Merci.

Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci beaucoup.

Je vais laisser de côté pour l'instant le pouvoir du ministre, car il y avait d'autres questions. Sur la liste des changements que vous souhaitiez obtenir, ou tout au moins que NTI souhaitait obtenir, le premier élément était d'exempter les terres inuites des droits sur l'utilisation de l'eau. Le projet de loi C-33 envisage effectivement que le gouvernement fédéral puisse encore exiger des droits, même pour les terres appartenant aux Inuits. Vous demandez que cela soit changé, mais jusqu'où peut-on aller, d'après vous, en application du texte actuel? Serait-il possible d'imposer des droits sur une usine d'embouteillage de l'eau, ou sur la vente de la glace, ou sur l'utilisation de l'eau pour arroser la glace d'un aréna? Le libellé actuel est-il tellement mauvais qu'à vos yeux, il serait possible de faire payer les gens qui habitent là-bas pour de telles activités?

M. John Merritt: La réponse à votre question est oui, et je voudrais vous donner de plus amples détails en revenant peut-être sur le commentaire qu'a fait il y a un instant Nancy Karetak-Lindell.

Ce qui est frustrant quand on travaille dans une organisation autochtone après la signature d'un accord réglant les revendications territoriales, c'est que l'on consacre énormément de temps à des efforts visant à encadrer l'accord pour en assurer la mise en oeuvre. J'ai passé dix ans à négocier. Quoique je sois coupable d'être membre du barreau, je n'ai pas passé dix ans à négocier parce que je croyais que les tribunaux étaient les mieux placés pour régler les problèmes. Je sais que des politiciens inuits sont ici présents et que d'autres ont passé des années de leur vie à s'occuper de ces négociations, tous armés de la conviction qu'il y a des solutions de compromis, qu'il y a des résultats négociés et qu'il n'est pas nécessaire de s'adresser aux tribunaux pour faire invalider des arrangements compliqués.

Cependant, quand on investit dans un tel accord et que l'on fait des compromis de ce genre, il faut au minimum insister pour que les engagements pris soient tenus, et ce qui est frustrant, c'est que dès que l'accord passe sous silence un point particulier... Notre accord, par exemple, ne dit pas noir sur blanc que les Inuits ne paieront jamais le moindre droit pour l'utilisation de l'eau sur les terres qu'ils possèdent. De notre point de vue, la raison pour laquelle l'accord ne le dit pas, c'est qu'il est généralement admis au Canada que celui qui possède des terres ne s'attend pas à ce que quelqu'un vienne lui dire qu'il doit payer des droits à quelqu'un dès qu'il plonge un seau pour tirer de l'eau du puits. Je ne parle pas de services municipaux qui sont fournis moyennant paiement, je parle plutôt d'un propriétaire foncier qui peut tirer profit de ses terres en ouvrant une usine d'embouteillage, en permettant à quelqu'un de nager dans un lac, ou de faire ce qui lui plaît.

Nous nous retrouvons donc dans la situation inconfortable d'être forcés d'investir énormément de temps, d'élaborer des mémoires compliqués, de donner l'impression de hurler et de tempêter, mais en fin de compte, nous avons assurément l'obligation d'insister pour défendre cet accord contre les efforts continuels visant à éroder graduellement les divers droits et avantages qu'il comporte. Il est regrettable que nous soyons forcés de consacrer autant de temps à cette tâche. Nous ne voulons pas passer de temps à faire ce genre de travail, mais quand on en est rendu au point où l'on est empêché d'installer une fontaine sur une terre de 20 000 milles carrés sans que le gouvernement puisse théoriquement imposer des droits, il faut élever la voix et faire connaître nos préoccupations.

• 1210

M. Pat Martin: Je pense que la plupart des Canadiens voudraient aussi que ce pouvoir soit limité. Personne, je pense, n'envisagerait que l'on facture les gens pour l'utilisation de leur propre eau sur leur propre terre.

Vous laissez donc entendre que le libellé doit être récrit de manière à dire explicitement: «le droit d'utiliser les eaux ou d'y rejeter des déchets conformément à un permis, à l'exception des eaux qui se trouvent à la surface ou dans le sous-sol des terres inuites, ou qui traversent celles-ci». C'est mot pour mot le texte que vous réclamez au sous-alinéa 82(1)m)(i).

M. John Merritt: Oui. Dans notre mémoire, je pense que le président a dit que nous avions en fait proposé à un moment donné, en pensant que cela allait de soi, que ce n'était certainement pas l'intention du législateur d'envisager pareilles activités. Nous présentons donc cette suggestion essentiellement comme un éclaircissement, mais à notre grande surprise, nous nous retrouvons en train de débattre de cette question. Nous n'en sommes pas contents.

M. Pat Martin: Le représentant de l'Office des eaux du Nunavut a précisé le nombre de permis émis depuis 1993, même en l'absence de la loi habilitante créant votre Office des eaux. Peut-être pourriez-vous nous en dire plus long. Le ministre a-t-il toujours approuvé les permis que vous avez émis, ou bien y a-t-il une zone d'incertitude lorsque l'Office approuve un permis et que le ministre ne donne pas son agrément? Ce flou juridique existe-t-il? Quel est le statut de tout permis que le ministre aurait rejeté ou n'aurait pas approuvé? Où en sommes-nous?

M. William Tilleman: Je serai bref, monsieur. L'Office prend des décisions, il ne fait pas des recommandations, et depuis que je travaille à l'Office et que je le conseille, soit depuis environ quatre ans, l'Office se contente simplement de prendre des décisions.

Votre question était: le ministre nous a-t-il déjà écrit?

M. Pat Martin: Ou y a-t-il des permis qu'il n'a pas approuvés?

M. William Tilleman: Oui, monsieur, c'est arrivé. Plusieurs décisions sont en suspens parce que l'Office n'a pas reçu...

M. Pat Martin: Quel est alors le statut juridique du projet en coparticipation de Hope Bay? Les promoteurs ont demandé et obtenu un permis et le ministre ne l'a jamais approuvé. Le ministre pourrait-il se réveiller un matin, donner un ordre et retirer le permis d'utiliser cette eau?

M. William Tilleman: Je pense que le statut juridique découle de l'accord sur les revendications territoriales et de la position de l'Office selon laquelle les permis sont valables en conformité de l'accord. C'est la position de l'Office. Les permis sont valides et si le ministre veut nous écrire à ce sujet, il lui est possible de le faire.

M. Pat Martin: Cela ne crée-t-il pas un précédent que nous pouvons invoquer, à savoir que vous n'avez pas besoin de l'approbation du ministre à l'égard d'un permis d'utilisation de l'eau, puisqu'il y a des exemples chez Echo Bay Mines et bien d'autres groupes qui utilisent actuellement de l'eau sans aucune crainte que leur permis leur soit retiré? Vous avez maintenant créé le précédent établissant que vous avez effectivement le pouvoir de le faire.

M. William Tilleman: L'Office a fait cela il y a quatre ans, monsieur.

M. Pat Martin: Eh bien, l'Office n'existe même pas du point de vue juridique tant que le C-33 n'est pas adopté et vous avez donc pris l'initiative d'appliquer une mesure d'autonomie gouvernementale qui dépasse peut-être ce qui était envisagé par le gouvernement, et il y a des décisions qui semblent en suspens. Je pense que cela crée un précédent très favorable que nous pouvons invoquer pour faire limiter le pouvoir ministériel.

Le président: Nous avons dépassé le temps imparti, mais je pense qu'il faut faire une rectification à propos d'une observation qui a été faite.

Madame la recherchiste.

Mme Mary Hurley (recherchiste du comité): Monsieur Martin, vous avez laissé entendre que l'Office n'est pas créé tant que le projet de loi C-33 n'est pas adopté. L'accord sur les revendications territoriales prévoyait la possibilité que le gouvernement ne puisse légiférer dans les délais prévus par l'accord et, en conséquence, tous les offices et toutes les commissions, la commission chargée de l'examen des répercussions, la commission d'établissement, l'Office des eaux et le Tribunal des droits de surface existent et fonctionnent depuis 1996. L'accord sur les revendications territoriales leur permet de fonctionner légalement.

M. Pat Martin: Pour préciser davantage...

Le président: Il y aura un autre tour.

Monsieur Finlay.

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1215

Je voudrais revenir au sous-alinéa 82(1)m)i). Je vais vous le lire et j'aurai ensuite deux ou trois questions à poser. Je cite:

    Le gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du ministre, par règlement [...] fixer les droits à payer pour le droit d'utiliser les eaux...

On ne dit pas à qui les droits doivent être payés. Suis-je naïf de croire que l'intention est de faire payer des droits pour les terres inuites dont ils ont la charge? Fait-on payer des droits pour l'émission de permis au Yukon ou dans les Territoires du Nord-Ouest? Il me semble qu'il n'y a rien d'extraordinaire à exiger le paiement d'un droit. On peut argumenter sur la question de savoir qui doit l'imposer ou quoi que ce soit, mais y a-t-il quelque chose d'irrégulier à demander le paiement de droits pour l'octroi d'un permis à quelqu'un? Il est évident que cela exige du travail et l'Office s'en charge. Il possède les experts voulus pour faire ce travail. Cela me dépasse.

Par ailleurs, monsieur le président, je suis content que M. Tilleman ait soulevé cette question, parce que cela me tracassait. Je poursuis la lecture de ce passage:

    pour le droit d'utiliser les eaux ou d'y rejeter des déchets conformément à un permis, à l'exception des eaux qui se trouvent à la surface ou dans le sous-sol des terres inuites ou qui traversent celles-ci.

Quelqu'un a dit tout à l'heure que l'eau, comme bien d'autres ressources naturelles, en tout cas à la surface, ne reste pas en place. Il me semble qu'il faut qu'il y ait une autorité quelconque au-dessus des personnes directement intéressées dans la région, si l'eau coule et traverse ensuite les terres de quelqu'un d'autre. À défaut d'une autorité supérieure quelconque pour régler cela, il y aura des poursuites judiciaires. Si l'eau traverse les terres de quelqu'un d'autre et y transporte une trop grande quantité de déchets, cela pourrait poser un problème de santé, etc.

Je voudrais poser une dernière question, monsieur le président. Il me semble que dans beaucoup de ces dossiers, il y a une responsabilité ultime, et je présume que c'est le gouvernement fédéral qui est responsable dans tout cela, qui est chargé d'assurer les services de base et tout le reste. Est-ce que je me trompe?

Le président: Qui veut répondre à cette question?

M. Merritt, je crois, et n'importe qui d'autre après lui.

M. John Merritt: Sur le dernier point, je pense que je dirais que ce n'est pas le gouvernement qui a placé l'eau sur les terres inuites. Il peut faire bien des choses, mais une grande partie des 350 000 kilomètres carrés des terres du Nunavut appartenant aux Inuits sont recouvertes d'eau, et cette eau est là parce que Dieu, dans sa sagesse, a jugé bon d'y mettre de l'eau. Ce n'est donc pas de l'eau qui nous est livrée aux frais du gouvernement.

Deuxièmement, au sujet de la perception de droits, je comprends votre argument, quand vous dites qu'en théorie, à la lecture de l'alinéa 82(1)m) et de l'alinéa suivant, numéroté n), qui traite des modalités de paiement des droits, on pourrait entretenir l'espoir que les droits ainsi perçus se retrouvent d'une façon ou d'une autre entre les mains des Inuits, mais je ne crois pas que l'intention de ce projet de loi soit de faire percevoir ces droits pour les remettre ensuite aux Inuits. Je pense que le projet de loi, dans sa forme actuelle, est fondé sur la conviction erronée que le gouvernement peut percevoir des droits sur les terres inuites, tout comme il pourrait le faire sur les terres domaniales.

Vous avez fait allusion, monsieur Finlay, aux régimes en place au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Je pense que ce que vous avez sous les yeux, c'est un projet de loi qui est fondé sur le raisonnement voulant que toutes les terres du Grand Nord continuent d'être des terres domaniales, et il aurait pu être logique, dans cette optique, d'imaginer un régime selon lequel quiconque utilise des terres domaniales, lesquelles appartiennent à l'ensemble des Canadiens, devra payer un droit pour l'utilisation de ces terres. Les auteurs d'un tel raisonnement oublient bien sûr une chose: c'est qu'en 1993, les Inuits ont négocié et conclu la division des droits sur ces terres et obtenu des droits de propriété privée sur 350 000 kilomètres carrés. C'est bien beau d'essayer de prélever un loyer sur une chose qu'on possédait auparavant, c'est un appétit très compréhensible, et je suppose que les Inuits pourraient espérer que tout droit ainsi perçu serait utilisé à bon escient au nom de la population canadienne, mais c'est contraire à la réalité, à savoir qu'en 1993, un changement fondamental a eu lieu.

Ce thème constitue un problème de notre point de vue et il revient dans une foule de mesures législatives. Il y a une sorte d'indifférence ou d'inconscience dans la façon dont ces mesures législatives sont élaborées, par rapport à l'incidence de cet accord de revendications territoriales. Cet accord vise à changer de façon fondamentale la façon dont on aborde la propriété et la gestion des ressources. L'une des raisons pour lesquelles nous voulions la clause d'interprétation positive, c'est qu'elle permettrait au Parlement de rappeler de belle façon aux fonctionnaires gouvernementaux, qui travaillent pour tous les Canadiens, qu'ils sont censés être des instruments actifs de la mise en oeuvre, et non pas faire de la résistance passive.

• 1220

Le président: Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Très brièvement, je ne sais pas trop laquelle des personnes présentes connaîtrait la réponse à ma question, mais il me faut une réponse rapide pour aller au coeur de ma question. À quelle étape en est actuellement la cause de NTI devant les tribunaux?

M. John Merritt: L'affaire en est à ses débuts. Nous avons eu un délai de 30 jours aux termes des règles de la cour fédérale pour réagir à la décision rendue le 13 août par le ministre, et nous avons déposé le minimum de documents nécessaires pour que la porte demeure ouverte en vue d'une action en justice.

M. Maurice Vellacott: Quand la cause doit-elle être entendue?

M. John Merritt: Aucune date d'audience n'a encore été fixée, l'affaire n'en est donc qu'au tout début de la procédure.

M. Maurice Vellacott: Y a-t-il d'autres affaires en instance, à votre connaissance, au sujet de cette affaire?

M. John Merritt: Au début de l'année, un simple citoyen d'Iqaluit a intenté une action devant les tribunaux pour essayer d'obtenir une injonction pour mettre fin à l'incinération des déchets. Je pense que vous en avez entendu parler un peu plus longuement mardi dernier, quand le maire d'Iqaluit a témoigné. L'injonction interlocutoire a été refusée, mais le juge qui a rendu cette décision a permis que l'affaire soit présentée de nouveau ultérieurement.

M. Maurice Vellacott: C'est la seule autre affaire, à votre connaissance?

M. John Merritt: Oui.

M. Maurice Vellacott: Bien.

J'ignore comment la requête est présentée pour le renvoi en cour fédérale, et vous pourrez donc me le préciser dans votre réponse. J'aimerais savoir si, à votre avis, cette action en justice va régler la question du pouvoir d'émettre des permis de façon générale, ou si la décision visera seulement le permis d'Iqaluit.

M. John Merritt: Un juge qui rendrait une décision relativement à ce permis d'utilisation de l'eau devrait rendre une décision applicable dans toute situation semblable, de sorte qu'elle réglerait la question de façon générale.

Le président: Monsieur Tilleman.

M. William Tilleman: Ce n'est pas l'Office qui a intenté cette poursuite. C'est NTI qui a présenté une demande de contrôle judiciaire et je ne veux pas vraiment en parler. Je peux vous donner mon opinion, mais je ne suis pas certain que ce serait utile.

M. Maurice Vellacott: Votre requête vise uniquement la situation d'Iqaluit, n'est-ce pas? Je n'en connais pas la formulation ni le cadre.

M. John Merritt: Notre décision découle d'un fait: pour la première fois en août, le ministre a catégoriquement invalidé un permis. Nous avons dit qu'à ce moment-là, il a violé l'accord sur les revendications territoriales, et nous avons contesté cette décision.

M. Maurice Vellacott: Donc, dans votre demande de renvoi, vous ne visez pas seulement la situation d'Iqaluit.

M. John Merritt: C'est d'une portée plus générale, parce que cela met en cause l'interprétation du pouvoir de l'Office de prendre des décisions en matière de permis sans l'agrément du ministre.

M. Maurice Vellacott: J'ose dire que notre comité apprécierait de recevoir tout document que vous transmettriez au tribunal, aujourd'hui ou à l'avenir. J'ignore à partir de quand vous pouvez divulguer cela aux autres parties intéressées, mais je pense que nous serions intéressés à prendre connaissance de ces documents, que vous avez déposés ou envisagez de déposer, quand vous jugerez bon de nous les communiquer.

M. John Merritt: Nous nous ferons un plaisir de le faire. Ce sont bien sûr des documents qui sont du domaine public et nous nous ferons un plaisir de communiquer avec le greffier du comité pour vous les faire parvenir.

M. Maurice Vellacott: Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Bagnell.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci.

Unnusakkut. Je vous remercie pour vos mémoires. Je trouve qu'ils sont très bons et détaillés, je dirais même exceptionnels. Moi aussi, je me réjouis que vous ayez amené les jeunes avec vous. J'espère que vous les amènerez à la Chambre des communes, peut-être à la période des questions à 14 heures. Si vous avez un problème pour y entrer, je pourrais vous faciliter les choses. Vous devriez aussi aller au Sénat, parce que dans notre régime politique, comme vous le savez, toute loi doit être approuvée par les deux chambres et ce serait une belle expérience pour eux.

Je trouve que vous avez un argument valable quand vous dites que cette loi ne peut évidemment pas être incompatible avec votre accord de revendications territoriales. Par contre, je suis certain que le ministère n'aurait pas proposé une loi qu'il estime incompatible, et je suppose qu'il incombera aux avocats de s'entendre là-dessus.

Je trouve toutefois problématique, quoique cette situation se produise au Canada, que des gouvernements légifèrent sans assumer la responsabilité du financement ou des coûts—je pense que Nancy a fait allusion à cette question—et aussi, dans la même veine, sans veiller à ce que la mise en oeuvre soit réaliste—je pense que Mme Grey a fait allusion à cela. C'est pourquoi j'accueille favorablement l'intention d'une partie de ce projet de loi.

• 1225

Mais ma question porte sur une affaire entièrement différente. L'un des témoins que nous avons entendus antérieurement a laissé croire—et je pense même qu'il a présenté un mémoire en ce sens—que certaines stipulations de la Loi sur les pêches lui causaient encore plus de problèmes que l'Office des eaux. En fait, ces dispositions étaient draconiennes et n'avaient aucun sens dans le nord. D'autres problèmes de ce genre se sont posés dans le nord. Le témoin nous a dit qu'à son avis, l'Office des eaux devrait avoir le pouvoir de décision relativement à ces dispositions sur les substances délétères qui sont rejetées dans l'eau. Je me demandais ce que l'Office des eaux pense de ce concept.

Le président: Monsieur Tilleman.

M. William Tilleman: L'Office des eaux a entendu dans plusieurs audiences des citoyens dire qu'ils aimeraient que l'Office soit plus énergique dans la mise à exécution de la Loi sur les pêches, par exemple, qui est une loi très punitive. L'Office a répondu que les mécanismes d'exécution ne relèvent pas de lui, mais plutôt des inspecteurs nommés par le ministre Nault. L'Office a donc probablement déçu certaines personnes en déclarant qu'il ne pouvait que faire appliquer l'article 13, lequel stipule que nul ne peut utiliser de l'eau ou rejeter des déchets dans l'eau. Je réponds donc que l'Office s'est attaché exclusivement à l'accord de revendications territoriales, quoiqu'il ait interprété le mot «déchets» en conformité de ce que les tribunaux ont décidé, sauf erreur, c'est-à-dire de façon très large. Mais il ne s'est pas mêlé de la Loi sur les pêches ni de toute autre loi dont l'application relève actuellement d'inspecteurs nommés dans les formes et d'autres formes dont les attributions sont définies par la loi.

M. Larry Bagnell: Oui, où en sommes-nous? Ce que je voulais savoir, c'est ce que vous pensez d'un changement du régime, c'est-à-dire que ce pouvoir vous serait transféré, par opposition au régime actuel, qui confie le tout au ministère des Pêches.

Le président: Monsieur Tilleman.

M. William Tilleman: Je ne pense pas avoir l'expérience ni l'autorité ni même, franchement, le respect voulu, parce que je ne suis pas bénéficiaire et que je n'habite pas dans le Grand Nord du Canada. Je sais que d'aucuns aimeraient que l'Office ait des pouvoirs plus étendus. Tout ce que je peux faire, c'est de lire la loi, c'est mon gagne-pain. Pour moi, l'accord de revendications territoriales était clair et il demeure clair. Je crois fermement que si les inspecteurs veillaient à l'exécution des permis de l'Office, le résultat serait le même, c'est-à-dire que l'intégrité de l'eau serait assurée. Je ne crois donc pas qu'il soit nécessaire de changer la loi. M. Kudloo me reprendra si je me trompe. Je n'ai pas l'expérience de M. Kusugazk, je n'ai pas l'expérience de M. Eetoolook et je suis donc probablement mal placé pour répondre à cette question.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Nous avons beaucoup de tours de parole à ce comité. Cela me plaît.

Le président: Eh bien, nous nous en sommes tenus à cinq minutes. Normalement, nous réduirions le temps de parole, mais je constate que nous aurons tout le temps voulu et que chacun aura donc pleinement l'occasion de s'exprimer.

M. Pat Martin: C'est appréciable.

Pour en finir avec la question que je posais tout à l'heure, je me suis entretenu avec notre recherchiste et je comprends que l'article 13.2 énonce les pouvoirs de l'Office des eaux, mais ce pouvoir avait déjà été accordé antérieurement et l'Office avait bel et bien le droit de rendre ces décisions. Je pense que nous avons réglé cela de façon satisfaisante, et peut-être même aussi les droits sur l'utilisation de l'eau.

Je voudrais vous poser une autre question qui vous donnera l'occasion de nous en dire plus long. À votre avis—et je m'adresse à tous—pourquoi le libellé de la clause non dérogatoire de ce projet de loi est-il différent de celui que l'on trouve habituellement dans les nouvelles lois traitant des Autochtones, y compris le projet de loi sur les armes à feu? Pourquoi le libellé est-il différent de la clause non dérogatoire que nous trouvons même à l'article 25 de la Charte des droits et libertés? À votre avis, quelle en est la raison? Je comprends que vous voulez le faire changer, mais pourquoi, d'après vous, a-t-on choisi de mettre ici un libellé différent de celui que l'on trouve habituellement?

Le président: Monsieur Merritt.

M. John Merritt: C'est la deuxième fois que cette question m'est posée à un comité parlementaire. M. Kusugak et moi-même avons témoigné il y a quelques années devant un comité sénatorial sur les contaminants, et la même question nous avait été posée. C'est curieux, car nous avons l'impression de donner gratuitement des conseils juridiques au ministère de la Justice.

Tout ce que nous pouvons dire n'est bien sûr que pure conjecture quant à ce qui a bien pu inciter les rédacteurs du gouvernement à formuler les choses comme ils l'ont fait. On ne nous a jamais expliqué rationnellement pourquoi on a changé le processus de consultation, ce qui est déjà en soi frustrant. Bien sûr, à l'origine, la clause non dérogatoire vise à donner des assurances aux peuples autochtones et l'insertion d'une telle disposition a pour but de créer une certaine prévisibilité dans l'interprétation. Alors, quand les gens commencent à changer un mot ici et là, les avocats étant de nature des gens soupçonneux, les gens commencent à se demander ce que tout cela veut dire—il doit bien y avoir un sens à toute cette démarche.

• 1230

Notre première réponse est évidemment de dire que les gens qui préconisent le changement, en particulier un changement par rapport à un usage ancré dans la Charte des droits et libertés, devraient sortir des bureaux où ils se cachent et venir nous dire pourquoi ils changent le libellé. Ce serait déjà une première étape importante.

M. Pat Martin: D'après les gens que vous représentez, que se passe-t-il vraiment? Que craignent-ils?

M. John Merritt: Il y avait au départ une déclaration d'intention et peut-être veut-on la changer. Si vous adoptez le libellé de la charte, ce que vous dites, en tant que parlementaires, c'est que vous ne voulez pas que le projet de loi diminue le moindrement les droits autochtones issus des traités. Vous avez adopté cette nouvelle mesure en escomptant qu'elle ne changera pas les droits autochtones issus des traités. Nous savons par la jurisprudence que les tribunaux, depuis la décision Sparrow et dans d'autres affaires, ont dit qu'il peut y avoir des circonstances où le Parlement est justifié d'empiéter sur les droits autochtones issus des traités. Dans un monde où il est possible d'assister aux événements du 11 septembre, j'ose dire que nous pouvons tous faire des conjectures et imaginer qu'il puisse y avoir des circonstances où tous les droits des Canadiens doivent céder la place à d'autres priorités du bien public. C'est une question de capacité.

Je pense que ce changement de libellé témoigne du fait que le ministère de la Justice s'efforce de tenir compte de la jurisprudence de manière à toujours se réserver une position de repli. Un élément d'une nouvelle loi pourrait bien empiéter sur les droits autochtones, mais tout va bien, car le Parlement avait seulement l'intention de protéger ces droits dans la mesure où les tribunaux ont forcé le Parlement à respecter ces droits. Au départ, on exprimait l'intention du Parlement; on aboutit maintenant à un simple énoncé de la capacité du Parlement.

Nous ne contestons pas la capacité du Parlement, mais ce que nous vous invitons à faire, en tant que législateurs, c'est de dire que vous n'avez pas l'intention dans ce projet de loi d'empiéter sur les droits autochtones ancestraux et issus de traités. Si les gens du ministère qui proposent cela veulent que vous fassiez des empiètements, nous pensons qu'il sont tenus de le dire et d'expliquer pourquoi ils le font.

M. Pat Martin: Dans ce cas, je vais vous poser la question suivante: croyez-vous qu'il y ait quoi que ce soit dans ce projet de loi qui puisse empiéter sur les droits autochtones ancestraux ou issus de traités? Quelle est votre pire crainte?

M. John Merritt: Je pense que le fait de payer des droits sur des terres appartenant à des Inuits constituerait certainement un empiètement, et que vous connaissez notre opinion sur cet exemple précis. Il se trouve que c'est un bon exemple et je dirais donc que oui, il y a là une situation où nous vous invitons à éviter ce type de formulation.

M. Pat Martin: Nous devrions tous consulter les décisions récentes comme celles dans l'affaire Sparrow. Seriez-vous d'accord pour dire que le gouvernement a l'obligation d'agir davantage dans le cadre d'une relation de fiduciaire avec les Autochtones, de prendre leur défense et d'être leur représentant, au lieu de se cantonner à un rôle antagoniste et de chercher à émietter graduellement les droits ancestraux et issus de traités?

Je n'ai pas besoin de vous poser tout le temps la même question. Je vous invite tous à commenter la décision Sparrow.

Le président: Vous mettez de la pression sur la présidence quand vous posez une question quelque peu partisane et qu'il ne reste que quelques secondes sur les cinq minutes pour y répondre, mais je vais autoriser cette question.

Je donne la parole à M. Merritt.

M. John Merritt: Je pense que la réponse est oui.

Le président: Merci.

Madame Karetak-Lindell.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

En fait, ma question portait aussi sur la clause non dérogatoire dont M. Martin a parlé. Je pourrais peut-être donner à Jose l'occasion de répondre également à cette question, puisqu'il a eu l'obligeance de céder son temps au président intérimaire de NTI.

Au sujet de la clause non dérogatoire, ITC doit avoir des préoccupations au sujet du changement de libellé, parce que, comme il l'a dit au début, l'organisme représente tous les différents accords de revendications territoriales du pays qui sont peut-être maintenant assortis de clauses non dérogatoires différentes.

Le président: Monsieur Kusugak.

M. Jose Kusugak: En l'occurrence, il est question de l'Office des eaux du Nunavut et nous voulons nous en tenir à cela. Quand Nunavut Tunngavik ou l'Inuit Tapirisat du Canada, à titre de représentants de tous les groupes qui ont des revendications territoriales, viennent faire des présentations devant différents comités permanents, nous essayons toujours de nous en tenir à un point précis, disons par exemple la question des parcs de Nogait dans le cas des Inuvialuits.

• 1235

Il est important, quand on parle d'une clause non dérogatoire, de revenir sur la situation qui existait avant les revendications territoriales—c'était d'ailleurs votre question originale. Il importe de signaler que nous avons toujours maintenu que l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut devait avoir préséance. Parce que certaines réponses que John a données peuvent inciter les gens à dire, par exemple, nous avions le pouvoir à l'origine, alors que s'est-il passé? Mais ce qui s'est passé en 1993 a bel et bien eu lieu. C'est pourquoi ces présentations et ces audiences sont nécessaires.

Le président: Monsieur d'Eça.

M. Michael d'Eça: Merci, monsieur le président.

ITC a déjà eu affaire à d'autres lois et à la même clause non dérogatoire que le ministère de la Justice tente d'introduire, s'efforçant depuis quelques années de remplacer le libellé de la charte par cette nouvelle version. Il y a la Loi sur les espèces en péril, qui est actuellement à l'étude au comité, la Loi sur les aires marines de conservation, et aussi le projet de loi C-10. Et ITC est extrêmement préoccupé—et je pense qu'on l'a déjà fait savoir—parce que la clause non dérogatoire traditionnelle, par ce nouveau libellé, a été transformée en une clause qui permet justement à l'État de déroger. Elle dit exactement le contraire. Et elle a de profondes répercussions sur tous les peuples autochtones, en tout cas certainement pour tous les Inuits.

Je répète qu'un véritable problème s'est posé pour ce qui est des consultations entre le gouvernement, le ministère de la Justice ou le ministère compétent et les peuples autochtones. On dirait que l'on n'arrive pas à amorcer le dialogue. À titre d'exemple, monsieur le président, je serai bref et cela pourrait vous être utile, je rappelle que Mme Dawson, qui est sous-ministre associée chargée des affaires constitutionnelles au ministère de la Justice, a comparu devant le Comité de l'environnement. On l'a interrogée au sujet de la clause non dérogatoire car nous avions exhorté instamment le gouvernement à en modifier le libellé dans ce projet de loi. Pour montrer le fossé entre nos perceptions respectives, la sous-ministre associée déclare que la disposition est légèrement plus étoffée que les clauses non dérogatoires traditionnellement utilisées. Je ne peux pas entrer dans les détails et vous dire comment on en est arrivé là, mais le résultat est assez proche. Demandez à n'importe quel dirigeant de n'importe quelle organisation autochtone nationale qui s'occupe de revendications territoriales, et il vous dira que ce n'est pas vrai. La clause non dérogatoire a été changée et est devenue une clause dérogatoire pour la Couronne.

Notre recommandation est semblable à celle de NTI. Nous discutons en l'occurrence d'un projet de loi de mise en oeuvre d'une revendication territoriale, par opposition à une mesure législative de portée plus générale. Vous devriez vous en tenir strictement au libellé de la charte, l'insérer dans le projet de loi et transmettre ainsi un message clair aux ministères qui ont compétence dans ces affaires: si vous voulez introduire cela dans les prochaines lois de mise en oeuvre de revendications territoriales, ou dans n'importe quelle autre loi que vous voulez présenter, vous devriez consulter les Autochtones directement touchés et en discuter avec eux. Le droit coutumier vous impose de le faire et, en l'occurrence, l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut est très clair sur cette question.

Merci.

Le président: Merci.

Comme nous abordons le dernier droit, nous allons réduire le temps de parole. Nous allons faire autant de tours que nous le pourrons en 20 minutes, mais nous allons à partir de maintenant nous en tenir à trois minutes par intervenant, pour la question et la réponse.

Monsieur Vellacott.

M. Maurice Vellacott: Je voudrais répondre brièvement à mon collègue d'en face, M. Bagnell, qui dit qu'il a quelque objection à ce que le Nunavut ait le dernier mot, alors que la plupart des coûts sont payés par d'autres. Je comprends votre argument. En fait, nous, au Parti réformiste, avons justement invoqué cet argument quant aux coûts de ce territoire éloigné et dont la population est clairsemée. C'est la réalité. Donc, Larry, je dois dire que je suis d'accord avec vous, mais la loi a maintenant été adoptée. Je ne suis pas certain que vous puissiez maintenant revenir sur la question et la modifier par la bande. C'est un fait qu'il y a des déficits. C'est un territoire éloigné et peu peuplé, il faut tout importer, etc. Je me demande donc s'il ne s'agirait pas là d'une tentative visant à reconsidérer la question, parce qu'on aurait enfin compris ce que nous disions dans notre parti à l'époque, les responsables se disant que comme 90 p. 100 du coût est payé par d'autres, il faudrait peut-être exercer un contrôle plus serré. Je ne pense pas que vous puissiez revenir là-dessus maintenant.

• 1240

Mais voici la question que je pose à nos témoins, en particulier aux représentants de NTI: est-ce que des membres du Tribunal des droits de surface ont été nommés par NTI?

J'aurai ensuite une autre question.

M. John Merritt: Je pense que la réponse à cette question est oui, mais de façon informelle.

M. Maurice Vellacott: Croyez-vous que la moitié des membres de ce tribunal devraient être nommés par NTI, comme c'est le cas pour l'Office des eaux? Est-ce le modèle que vous adopteriez?

M. James Eetoolook: Oui. Nous avons fait les nominations au Tribunal des droits de surface du Nunavut. Je crois que nous y avons quatre membres.

M. Maurice Vellacott: Vous estimez donc que la moitié des membres devraient être nommés par NTI, comme c'est le cas pour l'Office des eaux?

M. James Eetoolook: Oui.

M. Maurice Vellacott: Pour quelle raison exige-t-on que deux membres du tribunal soient résidents du Nunavut, tandis qu'aucun critère n'est appliqué dans le cas de l'Office des eaux? Pour le Tribunal des droits de surface, il est obligatoire que deux membres soient résidents du Nunavut, tandis qu'il n'y a aucune exigence de ce genre pour l'Office des eaux.

M. John Merritt: Je pense que le raisonnement au moment de la négociation de l'accord de revendications territoriales était que si les nominations sont faites par le gouvernement du Nunavut ou par Tungavik, on peut avoir l'assurance que les personnes nommées à ces postes seront des résidents du territoire. Quant au tribunal, on n'a pas les mêmes garanties et il est très important qu'il y ait une certaine représentation locale.

Pour revenir à votre dernière question sur les espoirs de NTI quant aux futures nominations, je voudrais simplement faire observer que nous semblons, par pure nécessité, consacrer la plupart de notre temps à tenter de mettre en oeuvre ce qui figure déjà dans l'accord, sans pouvoir nous permettre le luxe d'anticiper sur les améliorations qui pourraient y être apportées un jour.

Le président: Monsieur Martin.

M. Pat Martin: Merci, monsieur le président.

Étant donné que vous demandez l'ajout d'une clause d'interprétation positive, qui dirait... En fait, voici le libellé qu'on semble proposer: «La loi sera interprétée, appliquée et administrée de manière à mettre en oeuvre l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.» Puisque vous demandez que l'on ajoute ce texte, estimez-vous que le projet de loi, dans sa forme actuelle, n'est pas vraiment conçu pour mettre en oeuvre l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut conclu en 1993? Soupçonnez-vous que telle est l'intention du gouvernement en proposant ce projet de loi?

Le président: Monsieur Tilleman.

M. William Tilleman: Je ne crois pas que ce soit l'intention du gouvernement. C'est quasiment comme pour mes enfants: il y a des choses qui arrivent et ce n'est pas toujours intentionnel. L'article 56 existe et il est incompatible, à mon avis, avec l'accord sur les revendications territoriales. Ce n'est pas le cas du projet de loi tout entier, mais seulement de cet article.

Si je pouvais demander une seule chose aux membres du comité, ce serait de lire l'article 13. Il est très bref, il ne fait que huit pages environ. Et l'une des raisons pour lesquelles je dois m'en tenir à cela... En fait, M. Bagnell a soulevé la question: pourquoi pas la Loi sur les pêches, pourquoi ne pas tout simplement faire cela? Et bien des gens ont souscrit à cette opinion dans le nord.

Une réponse à cette question est que dans la revendication territoriale, par exemple, l'Office des eaux a seulement compétence sur l'eau douce, et non pas sur l'eau de mer. Et il est clair, à la lecture des définitions de cet accord, que quiconque en a assuré la rédaction—et il y a des hommes autour de cette table qui étaient présents—a décidé que l'Office des eaux aurait compétence sur l'eau douce, mais pas sur l'eau de mer. Et il ne peut pas s'intéresser aux questions de pêche et maritimes; il n'en a tout simplement pas le pouvoir.

Je répète donc que du point de vue de l'Office des eaux, l'article 13, si vous le lisez attentivement, semble énoncer clairement l'intention, surtout pour ce qui est du pouvoir du ministre de donner son agrément.

Le président: Chers collègues, l'article 13 est le 6.3 dans le cartable rouge qu'on vous a remis.

Nous entendrons Mme Karetak-Lindell, après quoi je donnerai la parole aux témoins qui auront trois ou quatre minutes chacun pour le mot de la fin.

Mme Nancy Karetak-Lindell: Merci.

• 1245

Je vous remercie tous de l'information que vous nous avez fait parvenir. Cet exercice donne également l'occasion aux gens du Nunavut d'attirer l'attention de tous les intéressés sur le fait que nous voulons être participants à part entière dans notre pays, jouer un rôle dans les consultations et avoir la possibilité de dire quelles mesures devraient être prises pour que nous soyons parties prenantes aux décisions qui nous touchent.

J'ai été un peu troublée d'entendre les griefs au sujet de la consultation. Je sais comme il est difficile de bien communiquer et je saisis cette occasion pour dire que lorsque la Chambre des communes est saisie de projets de loi comme celui-ci, je fais tout mon possible pour m'assurer que les gens qui sont touchés y aient accès. À votre avis, quelles mesures pouvons-nous prendre pour améliorer le processus de consultation? Comment pouvons-nous nous assurer que tous ceux qui seront touchés par une loi soient parties prenantes au processus de consultation?

J'ose croire, et je suis peut-être naïve, qu'une fois qu'un projet de loi est déposé à la Chambre des communes, tout résident du pays a accès à ce projet de loi et a la possibilité, par l'entremise de son député, de faire connaître son point de vue. Je suppose que c'est un éclaircissement que je demande: comment pouvons-nous nous assurer que les gens participent aux consultations, que ce soit par une invitation officielle lancée par le ministre compétent ou par un député? Comment pouvons-nous nous assurer que les gens sachent qu'ils sont invités à présenter des mémoires?

M. James Eetoolook: Je ne sais pas si je peux répondre à la question de Nancy. Je vais toutefois faire de mon mieux.

Je pense que la consultation est très importante quand il s'agit d'un projet de loi de mise en oeuvre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. J'estime que l'un des meilleurs moyens de consulter consiste à tenir des audiences dans la région directement touchée, par exemple pour l'Office des eaux du Nunavut. À mon avis, il y aurait beaucoup plus de gens qui assisteraient à ces audiences. C'est une façon de procéder et je pense que c'est l'un des meilleurs moyens de consulter, de tenir une audience comme celle-ci dans la région qui sera touchée par la loi à l'étude.

Nous utilisons aujourd'hui des moyens technologiques, notamment l'Internet. Nous consultons les intéressés, par exemple NTI et l'Office des eaux du Nunavut. J'ignore si vous pouvez trouver un meilleur moyen de consultation pour faire intervenir les personnes touchées. C'est l'une des façons les plus efficaces d'obtenir la participation des parties en cause, notamment NTI, le gouvernement du Nunavut et le gouvernement fédéral, quand vous rédigez une certaine loi qui concerne le Nunavut. Je pense que c'est l'un des meilleurs outils de consultation.

J'ignore si j'ai répondu à votre question, Nancy.

Le président: Merci.

Pour le mot de la fin, nous allons essayer de nous en tenir à trois minutes chacun. Je vais commencer par Nunavut Tunngavik Incorporated.

• 1250

M. James Eetoolook: Nous aimerions que le projet de loi concernant l'Office des eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut soit adopté par le Parlement. Je pense qu'il est très important que les parties soient consultées quand vous rédigez de tels projets de loi, et j'exhorte le comité à apporter au projet de loi les changements que nous avons demandés.

Les intervenants ont un grand poids quand ils participent au processus. Le Nunavut est le Nunavut et c'est nous qui allons y habiter. Je trouve qu'il est très important que toute décision mettant en cause le Nunavut soit prise au Nunavut. Les habitants du Nunavut doivent prendre part à l'élaboration de toute loi. C'est très important pour nous.

De plus, nous devons nous assurer d'avoir la même interprétation de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. C'est parfois vraiment difficile pour nous lorsque les cosignataires ont une interprétation différente. Il est très important que nous ayons la même idée, le même but et la même interprétation.

Si nous travaillons ensemble, nous pouvons réussir. Je vous remercie tous de nous avoir invités à cette audience.

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant le représentant de l'Office des eaux du Nunavut.

M. Thomas Kudloo:

[Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone]

Je vais répéter très brièvement en anglais ce que j'ai dit en Inuktitut.

Je remercie le président et les membres du comité de nous avoir permis de faire nos présentations. Nous prenons notre travail très au sérieux et nous espérons que vous donnerez suite à nos demandes ou tout au moins que vous tiendrez compte de nos commentaires.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant l'Inuit Tapirisat du Canada.

M. Jose Kusugak: Merci, monsieur.

D'ici quelques mois, nous allons raccourcir le nom de notre organisation qui deviendra Inuit Tapiri Canada, et nous espérons que l'Inuit Tapirisat du Canada sera connue sous le nom d'Association inuite du Canada. Depuis 30 ans, nous mettons l'accent sur nos activités dans l'Arctique et dans différentes régions du Canada qui représentent 30 p. 100 du territoire du pays. Nous mettons au point une nouvelle mission parce que nous avons réglé des revendications; la seule qui reste en suspens est celle du Labrador. Nous voulons maintenant nous faire accepter par le reste du Canada, participer à ce qui se passe au Canada, etc.

M. Vellacott a posé la question de savoir comment transférer à l'Office des eaux du Nunavut le libellé applicable aux Territoires du Nord-Ouest. Depuis le temps que je travaille à Nunavut Tunngavik, nous nous sommes efforcés d'explorer la possibilité d'inclure dans les lois et les règlements, pourvu qu'ils ne soient pas trop volumineux, certaines dispositions tirées des accords de revendications territoriales, de manière qu'on ne renvoie pas simplement à l'article 3.3, par exemple, mais qu'on reprenne intégralement le texte de cette disposition. Il faut faire un effort pour passer d'un texte de loi au texte d'un accord et les deux ne sont pas toujours facilement accessibles. Je vous encourage donc à envisager cette possibilité.

En terminant, nous vous encourageons à lire le texte de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, et vous verrez que le ministre n'a aucun pouvoir d'approbation des décisions prises par l'Office des eaux du Nunavut en matière de permis. Les règles ne sont pas clairement énoncées dans le cas de l'Office des eaux du Nunavut, tandis qu'elles le sont pour les autres groupes de revendications territoriales, par exemple dans l'accord Makivik et dans l'accord Inuvialuit de l'Arctique occidentale. Donc, quand le ministre a un rôle, celui-ci est explicitement énoncé, tandis qu'il ne l'est pas du tout dans le cas de l'Office des eaux du Nunavut.

Je vous remercie de votre temps.

• 1255

Le président: Je tiens à vous remercier tous. Les membres du comité prennent leur tâche très au sérieux. Je n'ai pas assisté à beaucoup de séances de comité où l'on a posé 15 questions valables, et nous venons de passer à travers 15 questions. Je félicite donc mes collègues pour le sérieux qu'ils accordent à ces dossiers. Je vous remercie de nous venir en aide dans cette affaire.

Je m'adresse maintenant à tout le monde: nous aimerions que tous quittent la salle afin que les députés puissent tenir une séance à huis clos. Nous en avons pour environ cinq minutes et j'invite donc tous et chacun à se dire aurevoir très rapidement. Je vous invite à poursuivre vos discussions à l'extérieur de la salle.

[Note de la rédaction—La séance se poursuit à huis clos]

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