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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 2 mai 2001

• 1414

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): La séance est ouverte. J'aimerais inviter les témoins suivants à venir prendre place autour de la table: Suresh Krishnan; Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic; Zubair Choudhry; Women's Health in Women's Hands Health Centre; et Kean Bhatacharya.

• 1415

À tous nos témoins, je m'excuse de ce léger retard, mais comme certains d'entre vous le savent peut-être, ce matin nous avons entendu d'excellents exposés et les membres du comité ont posé de nombreuses questions. Comme toujours, lorsqu'on prend un peu de retard, il faut nourrir les troupes afin qu'elles aient suffisamment d'énergie pour poursuivre.

Je voudrais donc saisir l'occasion pour vous souhaiter la bienvenue au comité et vous remercier de l'excellent travail que vous faites quotidiennement pour notre pays, pour les immigrants et les réfugiés.

Cela étant dit, j'espère que chacun d'entre vous ou chaque organisation prendra entre cinq et sept minutes pour nous donner un aperçu de vos préoccupations et nous faire part de votre point de vue, ce qui nous laisserait suffisamment de temps pour les questions. Nous devrions avoir un exemplaire de chaque mémoire.

Suresh Krishnan n'est-elle pas ici? Non elle n'est pas ici.

Nous allons donc passer à Avvy Yao-Yao Go de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic.

Mme Avvy Yao-Yao Go (avocate, directrice de la clinique, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic): Je m'appelle Avvy Go, et je suis la directrice de la clinique Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic. La clinique est également membre de la Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy, et nous appuyons le mémoire présenté par la coalition au comité permanent.

Étant donné que le temps est limité, je n'aborderai que quelques-unes des principales préoccupations dont nous parlons dans notre mémoire écrit.

À titre d'observation liminaire, je voudrais dire aux fins du compte rendu qu'à notre avis, le projet de loi C-11 exprime une orientation qui stigmatise les immigrants et réfugiés. Le projet de loi pourrait miner davantage les droits des immigrants et des réfugiés au Canada. Il a un impact très négatif pour les raisons suivantes.

Tout d'abord, il met l'accent sur l'application en augmentant le pouvoir du ministère de l'Immigration de détenir les gens qui n'ont pas de document et de renvoyer les immigrants et les réfugiés pour des motifs de criminalité et autres.

Deuxièmement, il ajoute de nouveaux motifs d'inadmissibilité et élimine d'éventuels revendicateurs du statut de réfugié pour de prétendus motifs de sécurité, en tenant très peu compte de leurs droits et de l'application régulière de la loi.

Troisièmement, il crée une nouvelle catégorie de non-citoyens, le groupe des ressortissants étrangers, ce qui mine les droits des immigrants et des réfugiés et leur refuse le droit de contribuer au pays.

Enfin, il crée un régime à deux paliers pour la catégorie de la famille. Il accorde un statut préférentiel aux conjoints et aux enfants par rapport aux autres membres de la famille.

• 1420

Je sais que certaines de ces préoccupations ont été soulevées par bon nombre de représentants qui ont témoigné devant votre comité, particulièrement en ce qui concerne les ressortissants étrangers. Je veux tout simplement souligner que pour les Canadiens chinois, l'expression «ressortissants étrangers» provoque chez eux une montée d'émotions négatives car ils sont victimes de racisme au Canada. Que ce soit la crainte du «péril jaune» au début du siècle dernier ou «l'invasion asiatique» dans la société contemporaine, les Canadiens chinois sont souvent considérés comme des étrangers dans ce pays qu'ils ont aidé à bâtir. J'implore donc le comité de demander au ministre d'éliminer entièrement cette expression du projet de loi.

J'aimerais maintenant parler de la question de la réunification des familles. Je voudrais tout d'abord rappeler au comité que depuis que le gouvernement est au pouvoir, le pourcentage d'immigrants de la catégorie de la famille a été progressivement réduit, passant de plus de 50 p. 100 de la population immigrante totale en 1992 à moins de 30 p. 100 aujourd'hui. Donc, toute déclaration de la part du gouvernement au sujet de son engagement à l'égard de la réunification des familles doit être examinée dans ce contexte statistique.

Nous nous réjouissions que la définition de la catégorie de la famille ait été élargie un peu dans le projet de loi C-11 pour inclure les conjoints de fait et les partenaires de même sexe et pour augmenter de façon marginale l'âge limite des enfants à charge, mais nous avons de graves préoccupations au sujet de certaines des nouvelles restrictions visant le parrainage des familles et de la création d'un régime à deux paliers pour la catégorie de la famille.

Nous sommes d'avis que tous les membres de la catégorie de la famille doivent être traités de la même façon. La loi actuelle reconnaît essentiellement le concept de la famille nucléaire. Le projet de loi renforce ce concept en exemptant les conjoints et les enfants à charge de certaines exigences d'admissibilité tout en assujetissant d'autres membres de la famille à des critères plus stricts.

Le projet de loi cherche par ailleurs à éliminer le droit des Canadiens de parrainer la famille parce qu'ils reçoivent de l'aide sociale. Cela équivaut à une discrimination législative à l'égard de ceux qui ont besoin de l'aide du gouvernement.

Le projet de loi élargit les motifs d'inadmissibilité, pour inclure les fausses déclarations, ce qui limitera davantage les immigrants de la catégorie de la famille. D'après notre expérience à la clinique, ces fausses déclarations sont parfois non intentionnelles et sans malice. Il arrive également que les fausses déclarations soient faites par des experts conseils en immigration sans scrupules à l'insu ou sans la permission des revendicateurs.

Aux termes du projet de loi C-11, ces revendicateurs, dans toutes ces circonstances, seront visés par la nouvelle clause d'inadmissibilité. Ces personnes perdront également leur droit de porter le parrainage en appel, sauf dans le cas du parrainage d'un conjoint et des enfants.

Nous sommes d'avis que tout refus de parrainage dans la catégorie de la famille doit pouvoir être porté en appel et que les motifs d'appel doivent permettre les raisons d'ordre humanitaire dans tous les cas.

En ce qui concerne la question des droits des résidents permanents, nous faisons nôtres également les préoccupations de la coalition selon lesquelles le projet de loi mine le droit des résidents permanents de porter en appel les ordonnances de renvoi pour des motifs de criminalité et autres.

Les immigrants de couleur sont victimes de racisme systémique dans le système de justice pénale. Le pouvoir accru d'expulser les résidents permanents et l'érosion correspondante du droit d'appel feront en sorte qu'un plus grand nombre d'immigrants de couleur seront expulsés, peu importe depuis combien de temps ils vivent au Canada.

En conclusion, nous disons que le projet de loi doit être examiné en tenant compte de la discrimination fondée sur le sexe et la race, afin de s'assurer qu'il n'a pas un impact négatif sur les gens de couleur et les femmes au Canada.

Enfin, nous voulons tout simplement dire que pour être à la hauteur de sa réputation d'être l'un des pays les plus humanitaires au monde, le Canada doit adopter une loi sur l'immigration et les réfugiés qui respecte les droits des immigrants et des réfugiés et qui reconnaît la contribution qu'ils apportent au pays. Pour cette raison, le projet de loi C-11 ne doit pas être adopté dans sa forme actuelle.

Merci.

Le président: Merci, Avvy.

Nous allons maintenant donner la parole à Zubair.

M. Zubair Choudhry (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, honorables membres du comité permanent, mesdames et messieurs, je m'appelle Zubair Choudhry, je suis membre d'une communauté canadienne sud-asiatique et membre fondateur du Groupe de travail sur l'immigration de la Région du Grand Toronto présidé par M. Léon Benoit, un député qui était à l'époque porte- parole pour l'immigration. Il n'a pu se joindre à nous aujourd'hui en raison d'un engagement préalable à Ottawa, mais il a demandé que nous présentions le rapport du groupe de travail que nous avons publié l'an dernier, au mois de mai.

• 1425

Je suis accompagné de Bikram Lamba qui est stratège politique et ancien conseiller auprès du premier ministre de l'Inde et qui a immigré récemment au Canada, et de Jawaid Manzoor et Ajit Deskmukh, membres du South Asian Regional Cooperation Council of Canada et membres respectés de la communauté canadienne.

Le président: Zubair, je vous demanderais de bien vouloir ralentir un peu pour les services d'interprétation.

M. Zubair Choudhry: Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration à Toronto, où la moitié de tous les immigrants s'établissent à leur arrivée au Canada. Nous sommes par ailleurs heureux d'apprendre qu'enfin le gouvernement reconnaît le fait que notre système d'immigration actuel ne fonctionne pas et que nous avons besoin d'une nouvelle réforme et d'une loi prospective qui trouve un juste équilibre entre l'égalité et la reddition de comptes.

Nous aimerions que notre nouveau système d'immigration non seulement incorpore les droits des nouveaux immigrants éventuels mais prenne également en considération la vie des citoyens canadiens. Nous croyons que les Canadiens ont le droit de savoir qui viendra vivre dans leur voisinage et qui vivra dans leur communauté.

Notre présence ici est due à nos préoccupations personnelles relativement au projet de loi C-11 et, dans une large mesure, aux conclusions du Groupe de travail sur l'immigration—nous avons inclus un exemplaire du rapport du groupe de travail pour votre gouverne—, concernant les nouveaux immigrants dans la région du grand Toronto où viennent s'établir environ la moitié des immigrants. D'autres membres de la communauté ont déjà exprimé certaines de ces préoccupations devant votre comité: on rappelle notamment au comité l'abus du statut de réfugié, notamment le resquillage alors que la liste d'attente est déjà longue et très lente; le passage de clandestins; les faux revendicateurs du statut de réfugiés; l'entrée au Canada avec double intention; la taxe d'établissement. Ce sont toutes des questions qu'il faut régler dans ce projet de loi.

Bien que ces questions soient généralement connues, et étant donné le peu de temps dont nous disposons, nous aborderons plutôt les problèmes spécifiques qui nous préoccupent récemment le plus dans le projet de loi C-11.

Les pouvoirs des agents d'immigration. Tout semble indiquer que les pouvoirs accrus accordés aux agents d'immigration sont disproportionnés à ce niveau et risquent de faire l'objet d'abus, malgré le processus d'appel, qui est déjà lourd et coûteux.

J'attire votre attention au paragraphe 55(2) du projet de loi intitulé «Arrestation sans mandat et détention». L'arrestation et la détention d'un étranger qui n'est pas un résident permanent ou une personne protégée, constituent en soi une violation des droits de la personne.

Le paragraphe 12(2), la catégorie «regroupement familial». Le regroupement familial, en fonction des relations plutôt qu'à titre de conjoints de fait... Le gouvernement a déjà du mal authentifier les mariages, et nous estimons qu'inclure les unions de fait dans le regroupement familial, créera non seulement un cauchemar administratif mais favorisera aussi un groupe par rapport à un autre.

Alinéa 34(1)b):

    Sécurité.

      b) être l'instigateur ou l'auteur d'actes visant au renversement d'un gouvernement par la force;

Récemment, au Sommet des Amériques à Québec, le gouvernement a signé une convention disant que seuls les gouvernements élus démocratiquement dans les Amériques recevront notre appui et pourront compter sur notre collaboration. Aux termes de cette disposition, si quelqu'un lutte pour apporter une réforme démocratique au système d'un pays en particulier, cette personne se verrait refuser le droit d'entrer au Canada. Il existe des exemples de chefs politiques qui ont reçu le prix Nobel pour leur lutte contre les gouvernements non démocratiques, mais on leur refuserait l'entrée au Canada.

Le paragraphe 22(2), «Double intention», ne les empêche pas de devenir résident temporaire si l'agent constate que la personne quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Nous croyons que nous devrions éliminer la double intention dans ce projet de loi, qui accorde en somme l'amnistie générale sans vérification de sécurité et sans vérification médicale des réfugiés pour des motifs humanitaires. D'un autre côté, les agents de visa refusent l'entrée à des visiteurs et à des touristes légitimes car ils soupçonnent qu'ils deviendront des réfugiés à leur arrivée au Canada.

• 1430

À mon avis, le paragraphe 9(1) en particulier, sous le régime d'un accord fédéral-provincial, et concernant l'acceptation d'étrangers par les provinces, est antinational, discriminatoire et contraire à l'essence même du projet de loi. Je vous demanderais de vous reporter aux alinéas 3(1)b) et 3(1)c) dans les objectifs du projet de loi.

Par exemple, la province de Québec pourrait n'accepter que des francophones pour le Québec, et la province de la Colombie-Britannique pourrait n'accepter que des gens qui parlent le punjabi et l'Ontario pourrait n'accepter que des gens qui parlent le chinois pour venir au pays. Cela pourrait également aller à l'encontre du principe même du projet de loi.

Voilà qui conclut notre exposé. Je vous remercie.

Le président: Merci, Zubair et Bikram.

Nous allons maintenant donner la parole au Women's Health in Women's Hands Community Health Centre.

Madame Johnson, je vous souhaite la bienvenue.

Mme Eunadie Johnson (directrice administrative, Women's Health in Women's Hand Community Health Centre): Merci.

Je m'appelle Eunadie Johnson. Je vois que vous avez du mal à prononcer mon nom.

Le président: Oui. Je vous avoue, j'ai très peu dormi la nuit dernière.

Mme Eunadie Johnson: Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.

Je suis la directrice administrative de Women's Health in Women's Hands, un dispensaire du centre-ville de Toronto. Nos services sont offerts exclusivement aux femmes qui habitent à Toronto et dans les municipalités avoisinantes. Nous sommes un service de proximité antiraciste, pro-choix et multilingue.

Le centre existe depuis dix ans et est au service des immigrantes et des réfugiées, des handicapées, des jeunes et des plus âgées. Priorité est donnée aux Noires, et aux femmes de couleur.

De par notre vocation, nous maintenons des liens avec toutes les régions du pays et à l'étranger, particulièrement avec les pays d'origine de ces femmes. Depuis dix ans, nous prenons une part active à la défense des droits fondamentaux des femmes dans les instances internationales. La prestation directe de services aux immigrantes et aux réfugiées, associée à la défense des droits et à la promotion de l'égalité des femmes à l'échelle locale, nationale et internationale, nous place dans une situation privilégiée pour commenter les effets de ce projet de loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Nous estimons que les facteurs qui déterminent la santé englobent davantage les déterminants classiques comme des considérations physiques, mentales et médicales. Pour nous, le racisme est un facteur de santé. Le statut d'immigrant et de réfugié, ou son absence, est un facteur de santé parce que ce qu'il y a de plus important dans la vie de quelqu'un c'est que si vous n'avez pas la santé, vous n'avez rien.

Nous avons beaucoup d'inquiétude à propos de l'absence de visions concrètes dans le texte de loi. Malgré le fait que plus de 80 p. 100 des 27 millions de personnes dans le monde jugées sujets préoccupants par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés sont des femmes et des enfants, le texte ne tient pas compte des problèmes particuliers des femmes, soit comme réfugiées soit comme immigrantes, même si Citoyenneté et Immigration prétend dans son communiqué du 21 février 2001 que le texte renforce l'attachement du gouvernement en faveur de la parité de sexes.

En 1995, ce même gouvernement, le gouvernement du Canada, s'est engagé à mettre en oeuvre la Déclaration et le Programme d'action de Beijing. J'espère que la majorité d'entre vous savent de quoi il s'agit, parce qu'il semble que le Canada ne réussit pas très bien à diffuser au pays ce qu'il fait sur la scène internationale et il semble y avoir une coupure entre ce qui est dit à l'étranger et ce qui se fait ici.

Plus précisément, le gouvernement s'est engagé à promouvoir et protéger tous les droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles et de faire respecter le droit international, y compris le droit humanitaire, dans le but de protéger les femmes et les jeunes filles en particulier. Il a promis notamment d'appliquer les normes internationales pour assurer le même accès et le même traitement aux femmes et aux jeunes dans des procédures de détermination du statut de réfugié et dans l'octroi de l'asile et de faire concorder sa réglementation d'immigration avec les instruments internationaux pertinents et d'envisager de reconnaître comme réfugiées les femmes dont la revendication repose sur une crainte fondée de persécution.

• 1435

Pas plus tard que le 10 juin 2000, l'ONU a adopté par consensus d'autres mesures destinées à mettre en oeuvre la Déclaration et le Programme d'action de Beijing. Signataire du document, le gouvernement du Canada s'est engagé à intégrer la parité des sexes dans les politiques, règlements et pratiques d'immigration et d'asile, lorsque cela est approprié pour promouvoir et protéger les droits de toutes les femmes, y compris envisager des mesures destinées à reconnaître la persécution et la violence reliées au sexe dans l'évaluation des motifs d'octroi du statut de réfugié.

Nous pouvons rappeler toutes les conventions internationales que le Canada a signées sans que ses engagements se répercutent sur le plan intérieur. Il se trouve que j'ai participé à certaines des rencontres à New York et encore au mois de mars, le Canada préconisait une proposition aux autres pays en faveur de la généralisation du souci de parité entre les sexes. Cela ne se retrouve toutefois pas dans ce projet de loi.

De plus, le Canada reconnaît à l'étranger l'inégalité entre les femmes. Quand je parle de sexospécificité, je ne parle donc pas uniquement des femmes qui sont dans la norme, les Blanches en particulier, je parle de reconnaître celles qui sont marginalisées, celles qui ont le statut d'immigrantes et de réfugiées au Canada ou en sont privées.

Avant d'adopter ce texte, il faut l'examiner sous cet angle pour s'assurer qu'il respecte tous les engagements pris. Nous sommes vigoureusement opposées à l'augmentation du pouvoir des agents d'immigration, qui pourront arbitrairement décider de détenir des personnes, sans doute pour des préjugés racistes, des stéréotypes et autres pratiques de discrimination. Encore une fois, le Canada a signé la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Pour cette raison, le Canada doit s'employer à ne pas pratiquer, défendre ou soutenir la discrimination raciale contre quiconque, et doit prendre des mesures pour réviser les politiques gouvernementales, nationales et locales.

En particulier, nous estimons que les enfants ne devraient jamais être détenus, puisque le Canada est signataire de la Convention relative aux droits de l'enfant. Nous exhortons le gouvernement à élargir les raisons d'ordre humanitaire pour les immigrants qui se trouvent en territoire canadien. Nous constatons que les enfants canadiens de femmes qui n'ont pas le statut d'immigrantes sont déjà privés de leurs droits de citoyen. Par exemple, en Ontario, les enfants canadiens sont privés du droit de fréquenter l'école et de recevoir des soins couverts par le RAMO.

Nous savons qu'il y a beaucoup de femmes sans papiers qui vivent actuellement au Canada et qui travaillent comme puéricultrices, nannies, travailleuses domestiques et travailleuses de soins de relève. D'autres travaillent dans le secteur manufacturier, dans les ventes ou dans des services de nettoyage. Elles sont payées moins que le salaire minimum et ne bénéficient d'aucuns droits fondamentaux. Elles sont souvent victimes de harcèlement sexuel et racial. Lorsqu'elles cherchent à régulariser leur situation, beaucoup deviennent la proie de consultants en immigration sans scrupules qui ne sont soumis à aucune réglementation.

La taxe d'entrée...nous pouvons en parler. La taxe d'établissement est abusive et inabordable pour beaucoup de ces femmes. Certaines d'entre elles ont des enfants nés au Canada.

Dans le cadre des services offerts...

C'est difficile de tout dire, mais j'essaie.

Le président: Il vous reste 30 secondes.

Mme Eunadie Johnson: Dans le cadre de services offerts aux femmes venues au Canada avec leurs partenaires comme revendicateurs du statut de réfugié ou parrainées par leurs conjoints, nous avons eu vent de beaucoup de cas où des femmes ont été contraintes à rester dans des relations dangereuses où elles étaient maltraitées. Nous sommes heureuses que le projet de loi réduise le nombre d'années de parrainage, mais cela ne tient pas compte des femmes déjà parrainées dont la période de trois ans n'est pas terminée, qui sont victimes de violence et qui doivent rester dans ces relations.

• 1440

Vous avez notre mémoire. Vous avez nos recommandations et nos sujets de préoccupation. Nous vous exhortons donc à tenir compte de la sexospécificité ainsi que des inégalités entre les femmes.

Merci.

Le président: Merci, Eunadie.

Nous entendrons maintenant Kean Bhatacharya.

M. Kean Bhatacharya (témoignage à titre personnel): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous dirai d'abord combien je suis heureux de l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

Je suis moi-même venu ici comme immigrant, mais je suis aujourd'hui sérieusement préoccupé par l'actuelle politique d'immigration, en particulier l'objectif annuel du nombre d'immigrants.

Avant la pause du déjeuner, je vous ai entendu dire que vous vouliez l'augmenter de 1 p. 100, je crois. Je ne suis pas de cet avis. J'estime en effet que certaines suppositions du projet de loi C-11 ne peuvent pas être évaluées de façon réaliste sans tenir compte du niveau actuel de l'immigration.

Peu de gens savent que le Canada est le pays qui accueille le plus d'immigrants par habitant au monde. Notre démographie n'est pas très différente de celle des États-Unis. Il peut donc être instructif de faire une comparaison avec l'immigration aux États-Unis. Une grande partie du territoire canadien n'est pas habitable. Ces principaux centres de population sont situés dans une bande d'environ 160 kilomètres de large, au nord de la frontière américaine.

À cet égard, les États-Unis ont plus de chance. Ils ont beaucoup plus à offrir. Pourtant, le Canada reçoit 7,5 immigrants par millier d'habitants alors que le chiffre correspondant aux États-Unis est de 2,9.

Vous trouverez les chiffres dans mon mémoire. Ce qui caractérise l'ensemble des immigrants au Canada, c'est d'abord qu'ils ne se dispersent pas sur l'ensemble du territoire; 70 p. 100 d'entre eux s'établissent dans nos trois plus grandes villes et 45 p. 100 des arrivants vont dans la région métropolitaine de Toronto. Celle-ci et Vancouver souffrent beaucoup de congestion.

Au fil des années, on nous a parlé de la contribution des immigrants à l'économie, combien ils ajoutent à notre population en baisse et aident à neutraliser le vieillissement de la population grâce à l'augmentation de la main-d'oeuvre. Or, les études des experts n'étayent pas ces affirmations. Le Conseil économique du Canada, aujourd'hui disparu, par la bouche de son directeur de la recherche, Neil Swan, a déclaré dans une interview en 1992 que l'immigrant crée un emploi mais en fait aussi disparaître un, de sorte que l'effet économique est neutre.

Vous trouverez dans mon mémoire un résumé de l'enquête de Santé et Bien-être Canada, en date de 1989, sur la baisse de la population, intitulé Esquisse du Canada de demain: Rapport de l'Étude démographique. Avec une immigration nette de 80 000 personnes par année, la population baisserait et se stabiliserait aux environs de 18 millions après 2086. La population canadienne ne disparaîtrait donc jamais.

M. Rober Brown, professeur au Département de statistique et d'actuariat, dans un article récent, a déclaré que c'est la productivité qui compensera le fardeau de la retraite des baby-boomers, et non la qualité des immigrants.

Considérons la qualité des immigrants que nous recevons. Je rappelle d'abord qu'un nombre limité de candidats prisés se trouvent sur le marché à tel ou tel moment. Lorsque l'objectif général dépasse ce chiffre, il faut baisser les critères et offrir des encouragements aux immigrants potentiels, et c'est précisément ce que le projet de loi C-11 fait dans certaines de ses dispositions.

• 1445

Le projet de loi donne à quelqu'un de 18 ans le droit de parrainer, même s'il est difficile de concevoir quelles peuvent être ses ressources financières. De plus, les revenus des immigrants après 1980, représentant leur capacité de production, sont tombés à 58 p. 100 de ceux d'avant 1981 dans les régions de Vancouver et de Victoria, comme l'indique une étude réalisée par M. Don DeVoretz de l'université Simon Fraser.

À la station CFMT, j'ai vu récemment un appel à l'aide des autorités qui disait que la plupart ou beaucoup de Tamouls vivent au seuil de la pauvreté ou en deçà. Est-ce vraiment une bonne chose d'avoir une société où un grand groupe de personnes ne peut pas répondre aux exigences du marché du travail et doit être continuellement subventionné?

Vu les avis d'expert que j'ai cités et que je développe dans mon mémoire, j'estime que le comité permanent devrait se poser la question de savoir pourquoi nous avons besoin d'une immigration annuelle deux fois et demie celle des États-Unis.

On trouve dans le projet de loi C-11 d'autres encouragements injustifiés destinés à attirer les immigrants. Le paradoxe, c'est que c'est le contribuable canadien, déjà rudement mis à l'épreuve, qui paie la facture. Comme le montre mon mémoire, nous souffrons de congestion, de smog, de blocage routier et nous trouvons à peine de place sur les autoroutes.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, Kean.

Avant de passer aux questions, j'ajouterai que si nous appliquons tout ce que vous préconisez, vous n'auriez peut-être pas pu entrer ici il y a 34 ans.

M. Kean Bhatacharya: Que voulez-vous dire?

Le président: Précisément cela. Si vous aviez rédigé ce document il y a 35 ans, vous n'auriez sans doute pas été reçu comme immigrant ici. Je dis cela en passant. Mais je suis certain que certains de mes collègues auront des questions.

M. Kean Bhatacharya: Je ne comprends pas pourquoi vous dites cela.

Le président: Je vous poserai peut-être la question plus tard.

Passons aux questions.

Inky.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, AC): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue également aux témoins.

Il y a deux choses que j'aimerais soumettre à votre attention. Il y a d'abord la question de la double intention, qui représente un changement dans le projet de loi. Les partisans de la double intention estiment que cela donne aux étudiants étrangers la possibilité de rester ici, les professionnels aussi. Au lieu d'être forcés à rentrer dans leur pays d'origine pour présenter leur demande, ils peuvent le faire en territoire canadien. Ceux qui sont contre estiment que cela a des chances d'ouvrir les portes. Je suis certain que cela ne va pas arriver.

L'autre question, c'est la discrimination à l'endroit des femmes. Je trouve cela troublant, parce que nous avons entendu bon nombre de témoignages qui parlent du caractère discriminatoire du projet de loi.

Sur une note plus personnelle, ma mère aujourd'hui décédée était mon modèle. J'estime qu'une loi qui établit une distinction entre les hommes et les femmes n'est pas une bonne loi. J'aimerais donc que soient apportés des changements précis pour corriger la discrimination à l'endroit des femmes si cela se produit de façon évidente. Pourriez-vous me répondre à propos de la double intention et de la discrimination?

Le président: Eunadie, pourriez-vous nous donner des exemples concrets. C'est une excellente question sur la façon dont on pourrait corriger les prétendus aspects discriminatoires de...

Mme Eunadie Johnson: Il s'agit de voir les problèmes du gouvernement dans sa politique. Je parle encore une fois des conventions internationales qui ont été signées et de ce qu'elles disent à propos de l'inclusion des femmes et de tenir compte de l'impact sur les femmes, et des conséquences différentes pour elles, et de les inclure. Quand on parle de persécution et des femmes qui sont parrainées...parce que nous sommes encore dans un monde qui est un système d'hommes blancs. Dans ce système d'hommes blancs, il y a des hommes de couleur, des Noirs, des hommes d'Asie du Sud ou d'ascendance chinoise; il y a des femmes dans ce système, mais la structure est généralement composée d'un système d'hommes blancs. Alors quand vous regardez cela et que vous parlez de parrainage dans les milieux de l'immigration, il faut voir si oui ou non la femme qui est venue ici et a été parrainée pourrait être considérée comme une immigrante en son propre nom au lieu d'être considérée comme le prolongement de son partenaire.

• 1450

Il faut aussi songer aux cas où les femmes ne sont pas à égalité économiquement. Le Canada fait surtout venir des immigrants de la catégorie économique, des gens qui ont de l'argent. La femme qui n'est pas dans cette situation est immédiatement désavantagée, même si elle peut avoir beaucoup à offrir dans d'autres domaines. Voilà le genre de choses dont il est question. Considérez la femme indépendamment et non comme le prolongement de son partenaire.

Le président: Merci. Bien dit.

En ce qui concerne la double intention, Zubair, pourriez-vous développer votre pensée?

M. Zubair Choudhry: Ce qui nous inquiète, c'est que lorsque quelqu'un entre au Canada, il a une intention donnée. La personne vient comme visiteur, comme touriste, comme étudiant, comme immigrant, et cette intention est claire à ce moment-là.

Une fois que la personne est entrée au pays, son intention change et cela crée des difficultés. Il y a des problèmes pour obtenir un visa de visiteur pour nos parents ou nos amis, un visa d'homme ou femme d'affaires pour nos associés et un visa d'étudiant pour quelqu'un comme l'étudiant chinois qui veut fréquenter l'université ici. S'ils ont du mal à obtenir un visa, c'est que les agents d'immigration et de visa pensent qu'une fois que la personne sera entrée au Canada, elle changera d'intention et réclamera le statut de réfugié, et cela nous cause des difficultés. C'est pourquoi il faut corriger ce problème; la loi doit dire expressément qu'une fois que vous entrez au pays avec une intention, après ça vous devez quitter le Canada et représenter une demande si votre intention change.

Le président: C'est précisément ce que nous ne voulons pas faire, et je pense qu'il y a... Je pense qu'il y a un malentendu. En fait, ce dont Inky parlait, ce que le projet de loi dit, c'est qu'on ne devrait pas avoir à quitter le pays pour rester ici comme étudiant, comme visiteur...

M. Zubair Choudhry: Mais nous voulons qu'ils s'en aillent.

Le président: Vous voulez qu'ils s'en aillent.

M. Zubair Choudhry: Nous voulons qu'ils s'en aillent. De cette façon, nous n'aurons pas de problème pour les visiteurs véritables ou les touristes véritables qui viennent au Canada... L'agent des visas n'aura pas de problème parce qu'il saura qu'en général, lorsque quelqu'un vient comme visiteur, il repartira. Il ne devrait pas y avoir de loi qui dit non, l'intention est autre.

Le président: Ça m'a surpris parce que vous êtes le premier à nous dire cela. C'est pour ça.

M. Zubair Choudhry: C'est notre avis; c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.

Le président: Avvy, à propos des femmes.

Mme Avvy Yao-Yao Go: Je pense que sur les deux points...

Le président: À la double intention.

Mme Avvy Yao-Yao Go: Je vais répondre aussi à la question concernant les femmes. Je pense qu'un autre exemple concret de la façon dont on peut changer le système c'est que, et Eunadie l'a dit tout à l'heure, les femmes qui sont prisonnières d'une relation où règne la violence craignent d'abandonner leur mari parce qu'elles risquent de perdre leur statut... Aux États-Unis, il y a des programmes expressément conçus pour permettre à ces femmes de rester indéfiniment sans crainte de perdre leur statut même si elles sont dans une relation où elles sont maltraitées. Voilà quelque chose que le comité pourrait recommander au gouvernement...de créer un programme humanitaire qui permettrait aux femmes de rester de façon permanente même si le parrainage ne marche plus.

En ce qui concerne la double intention, ce qui me préoccupe dans le système actuel, c'est que cela devient un prétexte pour les agents d'immigration pour refuser un visa. C'est quelque chose de très subjectif. Qui peut dire ce que pense quelqu'un qui a fait une demande de visa?

Puis on constate que les personnes venant de certains pays se voient systématiquement refuser un visa d'étudiant à cause du personnel dans tel ou tel bureau, qui croit que ces étudiants ne quitteront pas le Canada une fois rendus ici. Je pense tout de suite au bureau de Beijing où un nombre disproportionné de demandes de visa d'étudiant sont rejetées.

La réalité, c'est que les gens ont une double intention. Ils peuvent être un visiteur authentique mais aussi avoir l'intention de rester au Canada. Ce ne devrait pas être considéré comme un péché ou un crime; ce n'est que la réalité. Cela montre combien le Canada est un pays magnifique, pour ainsi dire.

Le président: Précisément, et c'est l'objectif du projet de loi. On veut reconnaître que les gens changent d'avis et ne devraient pas être pénalisés pour cela une fois ici. C'est une façon de rendre la tâche plus facile et non pas plus difficile pour les agents de visa ou d'immigration ou ceux qui aspirent à s'établir ici.

John.

• 1455

M. John McCallum (Markham, Lib.): Je veux répéter certaines choses que mes collègues ont déjà entendues, mais cela répond directement à certains arguments qui ont été présentés. Certains amendements vont sans doute être présentés, qui vont dans le sens de vos préoccupations. Par exemple, on précisera que le règlement ne pourra pas aller à l'encontre de l'esprit général du texte, qui n'est pas clair actuellement. Deuxièmement, personne d'entre nous n'aime l'expression «foreign national» en anglais et nous allons trouver quelque chose d'autre. Troisièmement, on a proposé deux façons de modifier le projet de loi pour réduire le pouvoir arbitraire des agents d'immigration, tout d'abord en ce qui concerne le contrôle et ensuite en ce qui concerne l'expulsion des résidents permanents. Cela ne répond pas à toutes nos inquiétudes, mais je suis certain que cela va dans le bon sens.

J'aimerais poser une question à M. Choudhry. Au fait, je suis économiste, et je suis tout à fait en désaccord avec M. Bhatacharya. Il est certain que l'économie a besoin de plus d'immigrants spécialisés. Nous sommes en concurrence avec le reste du monde. Anita et moi sommes allés en Asie récemment, et à Singapour il y avait une grosse campagne de publicité à la télévision invitant tout le monde à s'établir à Singapour. Les gens parlent d'exode des cerveaux. Je pense que c'est exagéré, mais si nous faisons venir des immigrants spécialisés, nous serons un importateur net de cerveaux, et c'est très important à notre époque.

Je n'oublie pas notre population vieillissante. Je pense que l'on peut répondre à cette situation en partie au moyen de l'immigration de jeunes gens spécialisés, sans pour autant réduire notre compassion pour les réfugiés et les familles à réunir. Il y a suffisamment d'espace au pays pour au moins 1 p. 100 de la population par année, peut-être même plus. Mais ce n'est pas la question que je voulais poser, ce n'est que ma petite sortie.

Ma question porte sur votre opposition à la double intention. Je ne suis pas vraiment d'accord avec vous. Je ne vois pas non plus comment cela pourrait s'appliquer aux réfugiés. Une des choses que l'on craint, c'est que quelqu'un viendra comme visiteur et revendiquera ensuite le statut de réfugié. Êtes-vous en train de dire que si cela arrive la personne doit automatiquement être expulsée? Et si cela mettait sa vie en danger?

Le président: Nous allons vous donner l'occasion de répondre. Je sais que l'émotion va monter, et c'est très bien. Nous allons nous échauffer un peu.

M. John McCallum: J'ai presque terminé ma question. Pour moi, nos obligations humanitaires font qu'il ne faut pas expulser des gens si on les renvoie là où ils sont en danger, torturés ou menacés. Même si j'étais d'accord avec vous, ce qui n'est pas le cas, je ne vois pas comment cela pourrait être faisable.

M. Zubair Choudhry: Je voudrais que l'intention des gens soit très claire, parce qu'il existe une impression erronée que le visiteur restera ici et prolongera son séjour au Canada comme réfugié ou deviendra un candidat à la résidence permanente. Même si nous voudrions que ces gens soient ici, il y aura des centaines et des milliers de gens dont les Canadiens ne veulent pas. Je pense aux criminels, ceux qui n'ont pas de dossier médical, n'ont aucun potentiel économique et sont incapables de contribuer à la société. On va finir par leur donner une amnistie élargie, puis ils resteront ici à ces conditions—c'est ce qui a été fait la dernière fois.

C'est là le problème. Est-ce que ceux qui ne sont pas de véritables réfugiés et qui ont été rejetés par le système devraient être autorisés à rester dans notre pays? Oui, ça arrive. Même si notre taux officiel d'acceptation de réfugiés tourne autour de 50 p. 100, ce qui est beaucoup plus élevé que dans la plupart des autres pays, à peine 15 p. 100 de ceux qui viennent au Canada en affirmant être réfugiés quittent le pays. C'est ce qui rend les Canadiens mécontents vis-à-vis de notre système et de la façon dont le gouvernement laisse notre système échouer. C'est ce dont les Canadiens ne veulent pas, et c'est ce que j'essaie de dire ici: il y a un problème.

M. John McCallum: Je n'accepte toujours pas votre façon d'exprimer le problème, mais je reconnais qu'il doit y avoir un équilibre et que si les gens sont des criminels ou des indésirables, le projet de loi renforce notre capacité soit de ne pas les laisser entrer, soit de les expulser. Je pense qu'il faut être raisonnablement fermes sur ce point, ou alors ceux qui, comme moi, sont en faveur d'une politique d'immigration libérale ne pourront pas le faire à cause de l'hostilité de la population. Je pense que le projet de loi, même si je ne suis pas d'accord avec vous sur la double intention, donne toutefois plus de poids à la sécurité et à la criminalité.

• 1500

Le président: Madeleine, vous avez la parole.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Ma première question, je vais l'adresser à M. Choudhry.

J'ai écouté et j'ai lu votre texte attentivement. Il y a des choses qui sont claires. Il y en a d'autres qui m'apparaissent un peu obscures. Je vais donc vous demander d'éclairer ma mémoire.

À la page 2 de votre texte, vous faites référence à l'article 12. Je vais le lire en anglais.

[Traduction]

    Le gouvernement a déjà du mal à authentifier les mariages et nous estimons qu'inclure les unions de fait dans le regroupement familial créera non seulement un cauchemar administratif mais favorisera aussi un groupe par rapport à un autre.

Que voulez-vous dire?

M. Zubair Choudhry: Nous disons que nous avons déjà un problème dans le système d'immigration quand vient le moment de reconnaître ou de justifier le mariage comme motif de réunification des familles. Conjoint de fait est une expression relativement générale, et il sera très difficile de prouver qui l'est et quels critères sont nécessaires pour que cela soit un motif de réunification familiale. C'est donc quelque chose qui va créer beaucoup de problèmes et servira d'échappatoire à quiconque voudra dire qu'un tel est mon conjoint de fait. Il n'y a pas de mariage en bonne et due forme, il n'y a pas de preuve, il n'y a pas de cohabitation. Comment peut-on avoir une union de fait quand une personne vit dans un pays et l'autre dans un autre pays. Ça me semble absurde. C'est pourquoi nous avons jugé bon de soulever la question.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il me semble qu'il y a eu des guerres où les maris étaient au loin et où les femmes restaient ici pendant quatre ou cinq ans. Cela étant dit, je comprends, en tout cas, que vous êtes contre.

Ma deuxième question s'adresse à Mme Johnson.

Vous avez fait allusion aux pouvoirs excessifs des agents d'immigration. Je suis sûre que vous pouvez nous faire part de vos suggestions pour réduire cette discrétion très grande qui est laissée, dans la loi actuelle, aux agents d'immigration. Est-ce que vous pouvez nous donner quelques solutions?

[Traduction]

Mme Eunadie Johnson: Je vous donne un petit exemple personnel très vite. En juin dernier, je revenais de New York où j'avais participé aux travaux de la Commission sur le statut des femmes qui s'était réunie pendant trois semaines à New York. J'ai débarqué de l'avion avec environ 25 autres femmes blanches. J'étais la seule personne avec une carte d'affaires canadienne qu'on a arrêtée. Moi qui vit ici depuis 35 ans, j'ai été la seule qu'on a arrêtée et envoyée non pas à la douane—aucun problème avec cela—mais à l'immigration, dans l'espace intersidéral. Comment se fait-il que vous êtes allée à New York pendant trois semaines? Que faisiez- vous? Où travaillez-vous? Montrez-nous votre carte. Si je n'avais pas eu quelque chose d'urgent à faire, je me serais mise à discuter avec eux et j'aurais probablement été arrêtée. J'aurais alors été obligée de prouver que j'étais citoyenne canadienne.

Donc, quand je parle d'un pouvoir arbitraire de l'immigration, j'estime qu'il doit y avoir des conséquences pour les agents de l'immigration qui arrêtent arbitrairement des personnes. Je ne veux pas dire qu'ils ne doivent pas faire leur travail, car tous les pays doivent protéger leurs frontières, mais en même temps on ne peut pas simplement décider, en regardant seulement la couleur de la peau de quelqu'un, que c'est peut-être un criminel ou un non-immigrant ou quelqu'un de malsain. Je pense aussi qu'il faudrait peut-être qu'il y ait une meilleure représentation des personnes de couleur au sein du ministère pour que leur présence serve à sensibiliser les autres qui ont des valeurs différentes ou des stéréotypes à l'égard des personnes de race différente.

• 1505

Il faut donc premièrement qu'ils soient tenus de rendre des comptes pour ce qu'ils font, et deuxièmement, veiller à avoir un effectif représentatif de la population du pays.

Le président: Eunadie, nous sommes très nombreux à être scandalisés par ce genre de chose. En fait, notre propre collègue Jean Augustine a subi exactement le même traitement. Je trouve scandaleux, encore une fois, qu'on catalogue ainsi des Canadiens en fonction de leur couleur, de leur type ou de leur religion, etc. C'est inacceptable, et j'espère que nous pourrons veiller à inclure dans ce projet de loi des dispositions pour empêcher que cela se produise aussi souvent.

Mme Eunadie Johnson: Il devrait y avoir un recours. Nous recommandons qu'on mette en place un dispositif de plaintes pour que la personne puisse recevoir une réponse appropriée.

Le président: Certainement. Vous pouvez aussi écrire à votre député.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): C'est un peu comme l'histoire de la personne noire qui arrive à un aéroport au Canada et à qui on demande: «Où êtes-vous née?», et elle répond la Nouvelle-Écosse. Alors l'autre lui dit: «Non, je veux dire avant cela». Je pense que c'est exactement la même situation que vous décrivez, Eunadie.

J'aimerais simplement faire une remarque. Si l'immigration était conçue comme M. Bhatacharya la voit, je ne pense pas que je serais ici. Je ne pense pas que mes grands-parents, qui étaient des paysans en Ukraine au début du XXe siècle, auraient pu entrer au Canada avec une telle politique d'immigration. Mais je pense que le plus important, c'est de savoir si ces personnes pourraient entrer au Canada avec ce projet de loi-ci. Il faudra revenir là-dessus plus tard.

J'aimerais poser une question au sujet de l'impact du projet de loi sur les femmes, car je pense que cela mérite réflexion. Si le projet de loi est tendancieux, cela ne se manifeste pas ouvertement. Ce n'est pas comme si on disait que seules seront admises au Canada les femmes qui marcheront pieds nus, seront enceintes et resteront dans la cuisine. Je crois que le problème de ce projet de loi, c'est que certaines de ses dispositions auront des répercussions différentes pour les femmes. Je voulais donc demander à Eunadie et à Avvy s'il y a des incidences différentes à cause de choses comme l'interdiction de parrainer un membre de la famille si l'on est un assisté social. Est-ce qu'il y a un problème pour les femmes compte tenu des nouvelles dispositions concernant la possibilité de refuge intérieur? Y a-t-il un problème en raison de l'obligation pour les réfugiés de présenter des papiers d'identité? Y a-t-il un problème supplémentaire pour les femmes du fait que l'on met plus l'accent sur l'interdiction? Je pense qu'il serait utile de dire tout cela au comité pour que nous sachions à quoi nous en tenir.

Mme Eunadie Johnson: Des précisions et un accent qui est mis sur...?

Mme Judy Wasylycia-Leis: Disons que j'aimerais que vous nous aidiez à comprendre les répercussions du projet de loi sur les femmes en ce qui concerne...

Le président: Je crois que Judy voudrait des cas précis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Oui.

Le président: Tout le monde parle de cette impression générale que le projet de loi pénaliserait les femmes ou ne s'appuierait pas sur une analyse comparative entre les sexes. Je pense donc que le comité voudrait avoir des exemples concrets, et elle vous a mentionné quelques-uns des exemples dont nous avons entendu parler. Peut-être pourriez-vous maintenant... Sinon Eunadie, vous pourriez nous écrire ou nous communiquer cette information un peu plus tard, après y avoir réfléchi, pour nous permettre de bien peser cette information.

Mme Avvy Yao-Yao Go: Je vais vous mentionner quelques points, et je suis sûre qu'Eunadie et d'autres pourront en ajouter d'autres plus tard.

Tout système axé sur le pouvoir économique a des répercussions sur les femmes, car dans notre société, comme dans bien d'autres sociétés du monde, le pouvoir économique n'est pas également partagé entre les hommes et les femmes. Donc, par exemple, si l'on se concentre de plus en plus sur les immigrants indépendants et de moins en moins sur la catégorie de la famille, les immigrants vont être de plus en plus des hommes et non des femmes.

Je n'ai pas les chiffres actuels pour l'instant, et je ne suis même pas certaine que l'Immigration fasse ce genre d'analyse statistique, mais en général, les femmes immigrent dans la catégorie de la famille. Elles sont généralement parrainées. Les hommes ont plus tendance à venir en tant qu'immigrants indépendants, en raison de ces exigences concernant les immigrants indépendants. Il doit avoir des compétences, de l'argent, une éducation. On sait que les femmes, en particulier celles qui viennent de pays où elles ont moins accès à l'éducation, où elles ont moins accès à des emplois bien rémunérés, ont plus de difficulté à répondre aux critères de sélection de la catégorie des immigrants indépendants. Alors que font-elles? Elles se présentent en tant que personnes à charge des hommes. Toute disposition concernant le parrainage a des répercussions sur les femmes puisque ce sont elles qui sont parrainées, et non pas elles qui parrainent les hommes.

• 1510

Mais en outre, toute restriction supplémentaire de la possibilité de parrainer quelqu'un aurait aussi des répercussions sur les femmes car l'exigence de parrainage est aussi axée sur le pouvoir et l'aptitude économiques. À mon avis, si l'on empêche les assistés sociaux de parrainer quelqu'un, ce sont plus les femmes que les hommes qui seront touchées par cette disposition.

Ce sont là simplement quelques exemples qui me viennent à l'esprit.

Mme Eunadie Johnson: Je peux vous donner très vite quelques exemples. Quand j'ai parlé de persécution axée sur le sexe, notamment la violence contre les femmes, mais aussi des problèmes comme les mutilations génitales des femmes, je pensais à des cas où des femmes ont été acceptées à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, alors que d'autres ont été rejetées.

Je pense que cela dépend de la personne qu'on rencontre ou à laquelle on s'adresse. L'attitude n'est pas systématique face aux cas de meurtres et de stérilisation forcée, des pouces brûlés ou d'infanticide des bébés filles. On ne veut pas que toutes ces petites filles naissent; on veut seulement des garçons et alors...or tout cela, ce sont des formes de persécution liée au sexe.

Mais ce qui est plus important encore, c'est que dernièrement, le groupe de personnes le plus rapidement contaminé par le virus du VIH-sida, ce sont les femmes. Les femmes n'ont pas les moyens économiques ou autres de s'opposer à leurs partenaires. Les hommes ont de multiples partenaires, et toutes ces femmes attrapent le virus du VIH-sida. Elles ne peuvent pas s'échapper, elles n'ont pas de pouvoirs économiques. Cela aussi, c'est de la persécution des femmes.

Quand on regarde un projet de loi où le ministère de la Santé du Canada parlait de—je n'ai pas toute la liste—faire des tests de VIH-sida sur les personnes en provenance de divers pays, là encore ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus victimes car ce sont ces femmes et ces enfants qui sont contaminés par le virus du VIH-sida. C'est la persécution des femmes à caractère socio-économique...mais c'est aussi un problème racial, qui touche les femmes venant d'un certain pays.

Je me souviens même...si ce que dit Jean Augustine est exact, elle est arrivée au Canada de Grenade il y a une trentaine d'années et elle est fière de dire: «Je suis arrivée comme domestique.» Je pense que ce qu'elle doit ajouter, c'est qu'en raison du racisme qui sévit au Canada et de la société raciste qu'on y trouve, elle a précisément dû arriver comme domestique alors qu'elle était enseignante dans son pays. Pourquoi n'avait-elle pas été recrutée pour enseigner? Pourquoi a-t-elle dû venir ici comme domestique et reprendre ses études pour pouvoir enseigner? C'est de cela que je parle.

Mme Avvy Yao-Yao Go: La domestique est un autre exemple...

Le président: Excusez-moi.

Mme Avvy Yao-Yao Go: De rien.

Le président: Anita, allez-y.

Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): J'allais entrer dans le détail, mais je ne puis m'empêcher, Eunadie, de répondre à l'exemple que vous donnez de Jean Augustine, à cause précisément des possibilités que le Canada lui avait offertes. Elle est maintenant députée, et il faut donc en tenir compte.

Je ne tiens pas à me lancer dans un débat. Je vous écoute, et tout ce que vous dites est vrai et légitime. Je ne conteste rien de ce que vous dites. Ce que j'essaie de découvrir, c'est l'impact du projet de loi C—11 et ce que celui—ci pourrait contenir qui pourrait porter préjudice aux femmes. Je ne conteste rien de ce que vous dites au sujet de la santé des femmes et des femmes en général. Je sais qu'il existe un programme concernant les aides familiaux aux résidents et je sais qu'il y a de nombreuses femmes qui se sentent exploitées dans le cadre de ce programme.

Comme l'a dit M. McCallum, nous revenons d'une tournée des bureaux d'immigration en Asie, et il va y avoir aux Philippines à l'intention des personnes qui postulent un emploi d'aide familial résidant au Canada un projet pilote pour leur expliquer leurs droits. Elles ne sont pas obligées d'accepter d'être exploitées et on leur fera valoir avant leur arrivée au Canada les possibilités qui leur sont offertes de poursuivre des études.

Si je ne me trompe pas, dans le cas d'une femme victime d'une relation de violence, lorsqu'elle décide de quitter son conjoint qui l'a parrainée, ce dernier est toujours obligé de subvenir à ses besoins si elle n'est pas capable de le faire elle-même. Le projet de loi C-11 ne change rien à cela. C'est déjà une exigence qui figure dans la loi, et le projet de loi n'y change rien. Je voudrais donc savoir quels sont les éléments du projet de loi qui sont discriminatoires à l'endroit des femmes, et j'aurais besoin de vos lumières à ce sujet.

• 1515

Mme Eunadie Johnson: Il y a le fait que les femmes ne sont aucunement mentionnées, ce qui revient à exclure celles-ci. Si on ne parle pas de vous, il est certain que personne ne saura quels sont les problèmes.

Regardez autour de vous les gens qui sont ici: Il y a un homme de couleur, il y en a deux, mais il n'y a aucune femme de couleur, aucune femme noire. Ce que vous apprenez ici de même que la tournure que la discussion va finir par prendre, tout cela me met mal à l'aise. Je veux espérer qu'il y a ici des gens suffisamment compréhensifs pour accepter d'exposer les problèmes, mais le seul fait que je ne sois pas là ou que quelqu'un comme moi ne soit pas là...cela me met mal à l'aise quant à l'issue que tout cela aura.

Par conséquent, lorsque je vois que le projet de loi ne mentionne aucunement les effets que cela pourrait avoir sur les femmes, lorsqu'il n'y a dans le projet de loi qu'une modification qui aurait un effet positif sur les femmes, cela m'inquiète. Alors, pour être précis, où peut-on trouver dans le projet de loi ces problèmes très particuliers qui intéressent les femmes?

Le président: Je vous remercie.

Joe, à vous.

M. Joseph Volpe (Eglinton—Lawrence, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame Johnson, je vous invite, et c'est peut-être un défi que je vous lance, à vous mettre en rapport avec tous les députés de couleur, même si j'ai toujours pensé que moi-même, j'étais quelqu'un de coloré. Mais quoi qu'il en soit, vous pouvez leur téléphoner et vous verrez comment ils voteront sur le projet de loi. Je pense que ce serait très important que vous le fassiez.

Je voudrais très rapidement évoquer deux éléments, même si on en a déjà parlé, dont le premier est la question du concubinage. Moi, monsieur le président, je vois cela sous l'angle de quelqu'un dont le bureau est inondé de dossiers d'immigration. La moitié de mes collaborateurs ne font que cela. Et dans les cas de ce genre, j'imagine que je chercherais une solution juridique. Autant que j'ai pu le vérifier ou en attester, les fonctionnaires de l'immigration regardent de très près les mariages qui sont contractés dans des pays moins procéduriers que le nôtre. Ce sont des pays où il n'y a ni certificat de mariage authentique, qu'il soit civil ou religieux, et ainsi de suite. Tout ce qui est exigé, ce sont des photographies ou un film, des déclarations ou des attestations de la part de témoins, etc.

Ce projet de loi sous sa forme actuelle permet-il plus facilement à quelqu'un qui contracte légitimement mariage ailleurs d'être accepté comme immigrant, toutes autres choses étant égales, ou bien la mention du concubinage, vient-elle encore compliquer les choses? Personnellement, je n'en sais rien.

Le second élément, et c'est ce que je voudrais livrer à votre réflexion, est la question des femmes, dont Mme Johnson a également parlé. Dans ma circonscription, la très grande majorité des dossiers d'immigration concernent les aides familiaux résidants.

Cela dit, je pense—et dites-moi le si je me trompe—que la majorité écrasante des aides familiaux résidants sont des femmes. Par conséquent, cet élément en particulier de la Loi sur l'immigration intéresse exclusivement les femmes. Personne ne s'est vraiment demandé ce qui se passait dans leur cas et, incidemment, il n'y en a pas dans la salle. Même si nous avons un député philippin, il ne fait pas partie du comité et la communauté philippine n'est pas davantage représentée. Mais inévitablement, toutes ces femmes finissent par se rendre compte qu'elles voudraient également pouvoir faire venir au Canada quelqu'un de leur famille, ou alors, comme c'est le cas aussi, elles finissent par rencontrer quelqu'un, au Canada ou ailleurs, qu'elles veulent parrainer. Mais cela leur est difficile parce qu'elles sont elles-mêmes parrainées par quelqu'un.

• 1520

Je sais que vous vouliez dire quelque chose, madame Go, mais je me demande si le projet de loi remédie d'une façon ou d'une autre aux problèmes de ces femmes qui aspiraient devenir immigrantes, puis résidentes permanentes, et à pouvoir parrainer un membre de leur famille? Ce projet de loi remédie-t-il d'une façon ou d'une autre à certains inconvénients ou vient-il renforcer certains avantages? Pourriez-vous me préciser ce qu'il en est?

Mme Avvy Yao-Yao Go: Non, il ne fait rien de cela. Le projet de loi est complètement muet pour ce qui est des aides familiaux résidants, il ne parle pas du tout du programme. Ici aussi, c'est quelque chose qui relève de la réglementation applicable pour la sélection des immigrants.

Lorsque j'ai examiné le projet de règlement sur le site Web du ministère, j'ai eu l'impression que celui-ci cherchait à attirer des gens ayant un meilleur niveau d'instruction. Quiconque a un doctorat ou une maîtrise obtient 25 points, mais le problème des aides familiaux résidants est complètement passé sous silence.

Je dirais que cela aussi montre à quel point le système ne fait rien pour apporter une solution aux problèmes des femmes. Et cela est dû en partie au fait que le travail des femmes n'est pas apprécié de la même façon. Par conséquent, au lieu d'admettre que ces femmes sont des travailleuses qualifiées qui viennent au Canada comme résidentes permanentes, et qu'elles pourraient parfaitement immigrer en se réclamant du statut d'immigrantes autonomes, nous leur accordons un statut moindre parce que leur travail n'est pas jugé aussi important que celui des autres travailleurs prétendument qualifiés.

S'agissant de la question du concubinage, je dois toutefois ajouter...

Le président: Je pense que la question a été posée à M. Choudhry, même si vous êtes vous-même parfaitement informée sur toutes les questions.

Je dois dire à mon collègue Joe Volpe que nous avons beaucoup entendu parler du Programme concernant les aides familiaux résidants lorsque nous étions à Winnipeg et à Vancouver. Les témoins ont évoqué le problème, et le comité n'a pas oublié l'impact que ce problème avait sur les femmes.

Monsieur Choudhry, au sujet du concubinage.

M. Zubair Choudhry: Je vais demander à mon collègue de vous éclairer à ce sujet.

Monsieur Lamba.

M. Bikram Lamba (témoignage à titre personnel): La notion de conjoint ou conjointe de fait n'a aucune légitimité dans la plupart des régions de l'Asie, de l'Asie méridionale, de l'Asie du Sud-Est, de l'Océanie et de l'Afrique. À l'heure actuelle, nos immigrants sont majoritairement originaires de ces régions du monde.

J'avais pensé que votre question précédente aurait permis de confirmer si effectivement le projet de loi précisait les problèmes qui se posent aux gens lorsque le mariage ne fait pas systématiquement l'objet d'un certificat authentique. Non, pas du tout. Au contraire, le projet de loi embrouille encore davantage les choses. Dans la plupart des collectivités asiatiques et océaniennes, dès lors qu'un mariage est célébré, il acquiert une validité légale. Il y a des registres et il y a des certificats.

La notion de «conjoint de fait» est une échappatoire qui impose une obligation à une personne qui n'est pas le conjoint marié selon la loi. Et cela a deux effets. D'abord, cette notion bat en brèche le caractère sacré du mariage, le sacrement du mariage, par opposition au contrat légal. En second lieu, cette notion donne une ouverture aux gens qui veulent faire diversion et en profiter pour rendre les choses plus difficiles au conjoint marié selon la loi. La question n'a donc pas été effectivement traitée. Et comme je le disais un peu plus tôt, cette notion vient embrouiller une situation qui l'est déjà suffisamment.

Le président: Je vous remercie, monsieur Lamba, mais il faut que vous sachiez deux choses. Les mariages et les unions de fait sont sanctionnés par la loi au Canada depuis plusieurs années. J'ignore par contre ce qui se passe dans d'autres pays, mais il en demeure pas moins qu'ici, au Canada, c'est ce que dit la loi: les unions de fait sont reconnues.

• 1525

Par ailleurs, la loi dit également au Canada qu'une union de fait peut être une union entre deux personnes de sexe opposé ou du même sexe. C'est la loi. Lorsque nous adopterons ce projet de loi, si nous le faisons, c'est pour avoir l'assurance que nos agents d'immigration à l'étranger, ceux qui délivrent les visas, comprennent bien la loi canadienne et l'appliquent dans le cas des couples qui demandent un visa, qu'il s'agisse de personnes de même sexe, de sexe opposé, de concubins, d'époux qui se sont mariés à l'église ou de conjoints qui ont contracté un mariage civil.

Au Canada, les lois sont très claires, et je ne voudrais pas ouvrir un débat pour savoir si les gens sont d'accord ou non.

Quoi qu'il en soit, je vous remercie tous très sincèrement. Comme vous pouvez le constater, vous nous avez donné de l'énergie cet après-midi. Vous nous avez offert amplement matière à réflexion avec vos arguments, et tout ce que vous nous avez dit était extrêmement utile. Je vous remercie donc individuellement.

M. Joseph Volpe: Ce que je voulais savoir, je suis persuadé que d'autres en parleront également, c'est si les agents d'immigration appliquent la loi comme ils le voient faire dans le pays d'où provient la demande. Ils ne jugent pas, mettons, les gens du Punjab selon la loi canadienne, mais plutôt selon que les requérants ont ou non respecté la loi de leur pays.

Le président: Bien dit, Joe, je vous remercie.

Nous allons maintenant demander à nos témoins suivants de bien vouloir s'approcher. Je sais que nous avons pris du retard, mais cela est manifestement dû au fait que le problème nous intéresse beaucoup et nous mobilise. Que les témoins suivants veuillent bien s'approcher.

Chers collègues, mesdames et messieurs, je vous remercie. Encore une fois, toutes mes excuses si nous sommes un peu en retard, mais comme vous pouvez le voir, les membres du comité ont tout un tas de questions à poser après avoir entendu vos mémoires et vos exposés. Je pense que c'est de bon augure. Je voudrais d'avance vous remercier pour vos exposés, et vous remercier aussi d'avoir bien travaillé au nom de la communauté canadienne.

Nous allons rapidement passer à la Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy, représentée par Mme Sudabeh Mashkuri.

Mme Sudabeh Mashkuri (Coalition for a Just Immigration and Refugee Policy): Bonjour et merci, monsieur le président et membres du comité, d'avoir donné à notre coalition la possibilité de faire valoir son avis sur le projet de loi C-11.

Notre coalition est un vaste regroupement composé de près de 75 organisations communautaires nationales, provinciales, et locales. La composition de ces organisations est elle-même très variée, mais toutes ont le même but, oeuvrer pour que les politiques canadiennes concernant l'immigration et les réfugiés soient justes et équitables.

Je m'appelle Sudabeh Mashkuri et je travaille en réalité comme avocate à la Barbara Schlifer Commemorative Clinic de Toronto, une clinique communautaire au service des femmes victimes de violence. Nous fournissons des services-conseils, des services juridiques, des services culturels et des services d'information aux femmes qui ont survécu à des actes de violence et qui essayent de poursuivre leur vie sans devoir en subir d'autres.

• 1530

En tant que membre de cette coalition, ma clinique est très heureuse de pouvoir vous présenter ce mémoire. Je ne vais pas le lire dans son intégralité car il compte environ 27 pages et 51 recommandations, mais je dois vous dire que nous avons procédé à une analyse extrêmement approfondie du projet de loi.

J'ai également inclus une liste des membres de la coalition ainsi qu'une liste de certains des pays qui reconnaissent la double citoyenneté et de ceux qui ne la reconnaissent pas. C'est au cas où quelqu'un se demanderait pourquoi certains immigrants reçus ne deviennent pas citoyens canadiens. C'est souvent parce que certains immigrants reçus ne veulent pas perdre la citoyenneté de leur pays d'origine.

Je sais que je ne dispose que de cinq minutes et que vous manquez de temps; je résumerai donc brièvement certaines des préoccupations de notre coalition. Je parlerai principalement des dispositions du projet de loi sur la protection des réfugiés. Je vais vous parler d'expériences qu'ont vécues mes clientes au Canada.

Vous trouverez bon nombre de réponses à vos questions au sujet de la persécution des femmes et de l'effet de ce projet de loi sur les femmes en comparant la Loi sur l'immigration actuelle et le nouveau projet de loi. Vous pourrez constater quelles sont les différences. Je vais donc essayer d'être discrète et de ne pas révéler les noms de mes clientes, mais je vous donnerai des exemples de certains pays et de ce qui s'y est produit pour que des femmes décident de venir au Canada.

Pour commencer, ce qui est le plus frappant lorsqu'on lit le projet de loi C-11, c'est son libellé. Il est difficile à comprendre et encore plus difficile à interpréter pour les non- initiés. Je donne de nombreux cours de formation aux fournisseurs de services de Toronto. Je leur ai remis certains articles du projet de loi et je leur ai demandé s'ils comprenaient en quoi ces dispositions touchaient leurs groupes de clients. La plupart d'entre eux ne comprenaient pas quel effet ces dispositions auraient sur leurs clients car elles sont très difficiles à comprendre pour qui n'est pas un avocat ou un législateur.

L'un des principaux objectifs de l'examen législatif antérieur était de rendre plus transparent le processus d'immigration et de revendication du statut de réfugié. Cet objectif n'a pas été atteint, surtout que depuis, comme nous le savons tous, un grand nombre des aspects les plus importants de ce domaine seront traités dans des règlements, des règlements qui seront rédigés plus tard. Je trouve décourageant de penser que le sort de mes clients, que je vois chaque jour, sera entre les mains de bureaucrates qui ne les ont jamais rencontrés.

Premièrement, je vais parler un peu de la protection des réfugiés. Le projet de loi n'apporte évidemment aucun changement à la façon dont sont nommés les membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. À l'heure actuelle, la commission compte deux membres et s'ils rendent des avis contraires, c'est la décision positive qui s'applique au revendicateur. Mais puisque le projet de loi propose que les tribunaux soient constitués d'un seul commissaire, il est encore plus important de voir à la qualité de ceux qui prendront les décisions.

Il est donc très important que le projet de loi énonce des mécanismes qui garantiront des mandats clairs, l'indépendance des commissaires et une méthode de reddition de comptes. Les organismes qui oeuvrent auprès des réfugiés devraient être consultés pour les nominations des commissaires.

L'un des aspects les plus importants du nouveau projet de loi est que les réfugiés ne pourront présenter de revendication qu'une fois dans leur vie. Plus tard, lorsque je vous parlerai de mes clientes, vous verrez comment cette disposition nuit aux femmes, surtout à celles du tiers monde. En fait, nous sommes préoccupés par le fait que les réfugiés n'auront pas le droit de présenter une deuxième revendication même si leurs situations ou celles de leurs pays d'origine ont changé.

Par exemple, prenons le cas de la place de Tian'anmen en 1989. Supposons qu'un revendicateur de Chine dont la demande avait été rejetée se trouvait là à ce moment. Sous le régime de la nouvelle loi, si cette personne souhaite présenter une nouvelle revendication du fait des événements qui se sont produits—elle était peut-être étudiante ici et a décidé qu'elle s'opposait au gouvernement chinois—, elle ne pourrait jamais présenter une seconde revendication parce que cette loi dit qu'une personne ne peut présenter qu'une revendication au cours de sa vie.

• 1535

Je ne parle pas de l'évaluation des risques avant le renvoi car ce n'est pas la même chose qu'une revendication du statut de réfugié. La personne qui fait l'objet d'une telle évaluation n'a pas les mêmes droits et n'est pas protégée de la même façon qu'un revendicateur du statut de réfugié.

En outre, le projet de loi crée un nouveau processus d'appel à l'intention des revendicateurs dont la demande est rejetée, mais ce processus d'appel proposé, qui repose sur le bien-fondé de la cause, est très limité. La demande d'appel doit être présentée par écrit en fonction du dossier d'audience initiale. Dans bien des cas, y compris les cas de certaines femmes que je représente, les revendications sont rejetées sur le motif de la crédibilité du revendicateur, un motif qu'il est difficile de contester dans un mémoire écrit. Également, un revendicateur pourrait difficilement rédiger sa demande d'appel sans l'aide d'un avocat, et bon nombre de revendicateurs ne peuvent avoir recours à une telle aide parce qu'ils ne peuvent se prévaloir de l'aide juridique. Par conséquent, je soumets que tous les revendicateurs du statut de réfugié devraient avoir accès à des services d'aide juridique financés par les contribuables afin qu'ils puissent retenir les services d'un avocat pour les représenter dans ces audiences de plus en plus complexes.

Avant de passer à mes exemples, je tiens à dire que les obstacles à la revendication du statut de réfugié sont particulièrement dangereux pour les femmes. C'est là que je veux en venir. Moins de femmes que d'hommes ont accès à l'information et aux services d'avocat. Les femmes qui ont été victimes de violence sexuelle peuvent avoir besoin de temps et de renseignements sur leur droit de réclamer le statut de réfugié en raison des agressions qu'elles ont vécues dans leur pays d'origine. L'interdiction de présenter une seconde revendication nuira aux femmes qui n'ont pas pu expliquer, lors de leur première revendication, comment elles ont été persécutées parce que leur conjoint était l'intervenant principal. En outre, certaines femmes n'ont pas fondé leur première demande sur la persécution en raison du sexe et ont appris par la suite qu'elles avaient le droit de le faire dans une deuxième demande.

Mon premier exemple est celui d'une femme qui a fui de Tanzanie. Elle est venue me voir. Elle était sous le coup d'une ordonnance d'expulsion. Elle habitait ici depuis de nombreuses années. Sa première revendication se fondait sur la religion et l'opinion politique. Elle a été rejetée en raison d'un manque de crédibilité ou parce que la revendicatrice avait été mal conseillée. Mais si elle s'était enfuie de Tanzanie, ce n'était pas spécialement pour ces raisons-là. Elle s'enfuyait d'un mari qui la maltraitait et d'une famille qui s'apprêtait à effectuer des mutations génitales rituelles sur ses deux petites filles. Quand elle est venue me consulter, elle s'était déjà prévalu du processus du DNRSRC et avait déjà présenté une demande pour des raisons humanitaires. Toutes ses demandes avaient été rejetées. Elle ne savait plus quoi faire. On s'apprêtait à la renvoyer en Tanzanie.

Nous avons décidé de l'envoyer aux États-Unis pour une période de 90 jours puisque, sous le régime de la loi actuelle, les personnes qui quittent le pays pour 90 jours ont le droit de présenter une deuxième revendication pour de nouveaux motifs. Évidemment, il ne peut s'agir des mêmes motifs. Elle vient juste de revenir après ses 90 jours et nous présentons une nouvelle revendication sur le motif de persécution en raison du sexe, puisqu'elle fuit un mari qui la maltraite, ainsi que pour ses deux petites filles, qui tentent d'échapper aux mutilations génitales. Voilà pour le premier exemple.

Le second est celui d'une cliente de Hongrie qui est arrivée au Canada avec son mari. Ils ont présenté une revendication de statut de réfugié. Le mari était le revendicateur principal. Elle était personne à charge. La revendication du mari a été rejetée. Leur relation est devenue violente. Il a essayé de la tuer, et il a été condamné pour tentative de meurtre au Canada. Il a purgé une peine d'emprisonnement de deux ans, puis il a été expulsé.

Juste avant son expulsion, il a dit à tous les membres de sa famille en Hongrie et au Canada que dès que sa femme reviendrait avec ses enfants, il allait la tuer. Nous avons pu présenter une deuxième revendication pour elle, sur le motif de persécution en raison du sexe, en disant que si elle retournait en Hongrie, son mari la tuerait. Nous avons démontré qu'elle ne pouvait se prévaloir de la protection de l'État en Hongrie. C'en est un autre exemple.

Le dernier exemple est celui de mon dossier le plus glorieux, celui d'une femme qui est arrivée de Russie. Elle fuyait la mafia. Elle avait été violée par un groupe d'hommes qui étaient en relations avec la mafia russe et la police. Elle a présenté une revendication de statut de réfugié. Pendant qu'elle attendait le traitement de sa revendication, elle a rencontré un Canadien. Ils se sont aimés et se sont mariés. Il lui a offert de la parrainer si elle retirait sa revendication de statut de réfugié. C'est ce qu'elle a fait, et il l'a parrainée.

Avant que le parrainage soit officiel, ma cliente a été agressée par son mari. Elle a appelé le 911 et les policiers sont venus. Le mari a été accusé de voies de fait graves. Mais elle a été elle aussi arrêtée parce que le mari avait retiré la demande de parrainage sans lui en parler. Elle faisait donc par conséquent l'objet d'une ordonnance d'expulsion en vigueur parce qu'elle avait retiré sa première revendication de statut de réfugié. Elle a été détenue pendant cinq jours au Celebrity Inn, un centre de détention de Toronto. Elle était désespérée. Nous avons réussi à rétablir sa revendication de statut de réfugié. On a fait droit à sa revendication et elle est maintenant immigrante reçue.

• 1540

Voilà quelques exemples de l'incidence sur les femmes dont vous vouliez entendre parler. Merci.

Le président: Merci. Je suis désolé d'avoir à vous couper la parole après cinq ou sept minutes. Je vous ai accordé onze minutes. Cette information est très importante.

Nous entendrons maintenant M. Dheer et M. Hancock au nom de la International Association of Immigration Practitioners. Bienvenue.

M. Ramesh K. Dheer (président national, International Association of Immigration Practitioners): Merci, monsieur le président.

Membres du comité, distingués invités, messieurs et mesdames les témoins, comme l'a dit le président, je m'appelle Ramesh Dheer. Je suis président national de International Association of Immigration Practitioners du Canada. Notre organisation professionnelle regroupe des consultants et des avocats en matière d'immigration et nous avons des sections locales dans tout le pays.

J'ai avec moi M. Douglas Hancock. Il est membre du conseil d'administration chargé des relations publiques. Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais l'inviter à lire notre exposé.

Le président: Douglas, bienvenue.

M. Douglas Hancock (directeur national, relations publiques, International Association of Immigration Practitioners): Merci de nous avoir invités à comparaître.

D'autres ont déjà mentionné aujourd'hui certaines de nos préoccupations.

La définition de la catégorie «regroupement familial» et de membres de la famille nous préoccupe. Nous souhaiterions un élargissement de la définition afin d'inclure les enfants adultes jusqu'à l'âge de 23 ans, comme nous le suggérons dans notre mémoire.

Quant aux exigences en matière de scolarité, qui ne concernent pas que le sexe mais aussi l'incidence pratique, si ce n'est pas la douzième année, ce pourrait être la dixième année avec la possibilité d'ajouter l'«expérience requise».

Aujourd'hui, on a peu parlé du besoin qu'a le Canada de travailleurs qualifiés. Notre association sait fort bien que la venue des travailleurs qualifiés est souhaitable pour le Canada. La liste des professions devrait être ouverte et il devrait être possible de modifier la procédure accélérée en temps opportun, compte tenu surtout du fait que certaines provinces ont des besoins découlant de l'évolution des marchés.

Nous souhaiterions le rétablissement du rôle de la Commission d'appel de l'immigration en ce qui a trait aux réfugiés et que les appels soient portés devant la commission, comme cela se faisait dans le passé.

Nous avons abordé la question du pardon. Nous suggérons que quand un pardon est accordé, cela doit être considéré comme un casier vierge.

Notre association se préoccupe du traitement des demandes. Nous souhaiterions que les dossiers papier soient traités là où il est pratique de le faire. Nous visons un taux de traitement des dossiers papier de 50 p. 100. Le délai de traitement est actuellement au Canada de deux à trois ans. La référence en Australie est de six mois, et les membres de notre association estiment que ce serait un objectif qu'il serait bon de viser.

Comme les intervenants qui nous ont précédés, nous nous inquiétons du rôle de l'agent d'immigration et des pouvoirs que leur confère le projet de loi C-11.

Notre association souhaite que le comité examine l'opportunité d'une amnistie. Il se trouve au Canada des milliers de personnes à qui on a refusé le statut de réfugié. Les résidents de facto devraient être autorisés à présenter une demande et, s'ils satisfont à certains critères, ils devraient obtenir le droit de travailler au Canada.

• 1545

Nous faisons aussi dans notre mémoire des commentaires sur certains articles précis du projet de loi.

Notre premier commentaire porte sur le paragraphe 57(2) qui traite de la détention. Nous sommes d'avis qu'il faudrait recommander une révision hebdomadaire.

Quant au paragraphe 64(1), nous proposons qu'un droit d'appel soit accordé lorsqu'un candidat à l'immigration est interdit de territoire pour raison de sécurité. Nous estimons que c'est conforme au principe de justice naturelle et que c'est un équilibre raisonnable entre des objectifs antagonistes tels la sécurité nationale et la liberté de la personne.

S'agissant de l'article 112, nous suggérons qu'un appel puisse être interjeté auprès de la Commission d'appel de l'immigration en ce qui a trait à l'examen des risques avant renvoi.

Le paragraphe 168(2) concernait le retrait d'une affaire. Un intéressé ne pourrait demander le retrait de l'affaire si le retrait constitue un abus de procédure. Nous sommes d'avis que ce droit de demander le retrait de l'affaire devrait toujours exister sous réserve de l'imposition de frais raisonnables selon les circonstances.

Nous abordons dans notre mémoire quelques autres questions d'importance secondaire. Par exemple, les aides familiaux doivent actuellement avoir un diplôme de 12e année et nous proposons que cela soit remplacé par un diplôme de 12e année mais que l'on tienne compte de l'expérience. Par ailleurs, ces aides devraient pouvoir parfaire leur scolarité une fois rendus au Canada.

Nos membres sont préoccupés par les mesures de sélection initiale des intéressés dans des pays étrangers. Nos membres ont mentionné plus particulièrement le bureau de Bucarest.

Notre association s'inquiète surtout de la mise en place d'un régime d'agrément pour les praticiens du ministère de l'Immigration. Nous accueillons favorablement cette idée.

Nous souhaitons aussi le relâchement des critères pour la catégorie du regroupement familial lorsqu'il y a des problèmes médicaux peu graves.

Voilà un survol très rapide de nos commentaires sur le projet de loi C-11.

Le président: Merci, Douglas et Ramesh.

Nous recevons maintenant Sungee John du Comité canadien d'action sur le statut de la femme.

Mme Sungee John (présidente, Comité de l'immigration et trésorière, Comité canadien d'action sur le statut de la femme): Merci.

Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme souhaite d'abord saluer les peuples autochtones et le territoire Haudenosaunee, les terres que nous occupons actuellement, avant de présenter notre mémoire.

Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme se réjouit de pouvoir présenter ses opinions et ses préoccupations au Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l'immigration. Le CCASF est la plus importante organisation féministe du Canada et compte plus de 700 groupes membres. Nous déplorons l'absence de consultations avant le dépôt de ce projet de loi.

Par ailleurs, nous déplorons que ce projet de loi méconnaisse le principe de l'inclusion puisque notre organisation représente toutes les femmes, qu'elles soient noires ou autres, Autochtones, handicapées ou lesbiennes.

Dans son communiqué, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Eleanor Caplan, semblait se préoccuper davantage d'apaiser les opposants à l'immigration en faisant passer la «lutte contre les criminels» avant les droits des immigrants et des réfugiés.

Dans notre mémoire, nous analysons l'incidence qu'auront certaines dispositions du projet de loi, nous le craignons, sur les femmes. Nous déposerons plus tard un mémoire plus étoffé mais, étant donné que nous ne disposons que de cinq minutes, nous tenterons d'être aussi concises que possible.

En tant que signataire des pactes des Nations unies dont la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes (CEDAW), de la Convention relative aux droits de l'enfant et des déclarations sur les droits de la personne, le Canada doit respecter ses obligations. Par ailleurs, l'une des principales directives du plan d'action de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes, qui s'est tenue à Beijing, prévoit la mise en oeuvre d'une analyse comparative entre les sexes pour toutes les politiques et tous les programmes, qu'ils soient régionaux, nationaux ou internationaux.

Puisque le Canada est aussi l'un des signataires de ce plan d'action, la persécution fondée sur le sexe doit être prise en compte non seulement dans les règlements de l'immigration mais aussi dans loi. C'est l'une de nos recommandations. Nous recommandons par ailleurs que la persécution fondée sur le sexe soit ajoutée aux motifs justifiant le statut de réfugié.

L'utilisation du terme «étranger» est inutile. Ce terme ne sert qu'à exclure les résidents permanents et autres de toute participation à part entière dans la Société canadienne. Ce choix des termes encourage la xénophobie et les attitudes anti-immigrants. Il faudrait donc retrancher ce terme.

• 1550

Ce ne sont pas tous les revendicateurs du statut de réfugié qui obtiennent ce statut dès leur première audition. Les décisions de la CISR ne s'appuient pas toujours sur une bonne compréhension des dossiers individuels des réfugiés. Le gouvernement a admis récemment que la violence contre les femmes est une raison crédible pour demander l'asile. Les femmes victimes de violence et de sévices souvent ne peuvent pas invoquer le droit d'asile étant donné la crainte, l'isolement ou la dépendance imposée, habituellement, par leurs conjoints qui sont les principaux revendicateurs du statut de réfugié.

Il se peut que les avocats spécialisés en droit de l'immigration eux-mêmes n'aient pas la formation ou la sensibilité voulue pour dépister les cas d'agression sexuelle. Ce n'est qu'à la deuxième ou à la troisième demande que les femmes comprennent habituellement que la violence familiale est un motif crédible pour demander l'asile. Par conséquent, nous recommandons que les revendicateurs de statut de réfugié aient plus qu'une chance de revendiquer le statut de réfugié.

En vertu du projet de loi, il serait virtuellement impossible pour les gens vivant de l'aide sociale de parrainer des familles. En privant les prestataires d'aide sociale du droit de parrainer les membres de leurs familles, le gouvernement ne fera qu'aggraver les difficultés de ces familles, les femmes en particulier. La discrimination fondée sur la situation économique sous-estime la valeur du travail et de la contribution des femmes qui sont nombreuses à occuper des emplois mal rémunérés dans le secteur tertiaire. Les femmes seront mieux en mesure de subvenir à leurs besoins économiques si elles ont l'appui des membres de leurs familles au Canada.

Le projet de loi C-11 mentionne la catégorie du «regroupement familial», mais sa définition de la famille reprend les paramètres étroits du modèle de la famille nucléaire ordinaire. Il exclut toute définition plus large qui inclurait les grands-parents et les frères et soeurs. Par conséquent, nous recommandons que la situation économique d'un citoyen canadien ou d'un résident permanent ne soit pas un facteur déterminant du régime de parrainage. Les prestataires d'aide sociale ne devraient pas faire l'objet de discrimination lorsqu'ils présentent une demande de regroupement familial. Par ailleurs, nous recommandons que la définition de la famille soit élargie au-delà du modèle de la famille nucléaire.

Le projet de loi C-11 instaure des mesures permettant l'arrestation arbitraire, la détention et la saisie des documents de résidents permanents. Qui plus est, en fonction d'une définition plus large de la grande criminalité, les résidents permanents pourraient être privés de leur liberté et menacés d'expulsion. Un résident permanent pourra littéralement être arrêté et détenu par simple caprice d'un agent d'immigration, sans bénéficier des mesures de protection habituelles de la loi qui devraient être acquises de droit.

Les femmes victimes de violence dans leurs relations craignent souvent la fin de leur parrainage. Souvent, elles ne connaissent pas leurs droits. Par conséquent, la loi devrait protéger expressément ces femmes. Nous recommandons que les résidents permanents aient le droit à l'application régulière de la loi en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés et que les immigrantes parrainées victimes de violence soient autorisées à demeurer au Canada sans risquer de perdre leur statut de résidentes permanentes si elles quittent leur conjoint.

Les travailleurs temporaires sont vulnérables aux abus et à l'exploitation parce qu'ils doivent se plier aux exigences de leur employeur pour conserver leur permis de travail. Par exemple, le programme concernant les aides familiaux résidants est discriminatoire envers les femmes qui viennent au Canada à ce titre ou comme travailleurs domestiques. Il sous-estime la valeur du travail effectué généralement par des femmes ainsi que leur expérience comme mères et comme ménagères.

Le PAFR exige que les femmes habitent chez l'employeur et leur refuse d'en choisir un autre, même si elles sont victimes d'abus. Ce programme est à la fois raciste et sexiste puisque la grande majorité des travailleurs du PAFR sont des femmes venues du Sud. Par conséquent, nous recommandons l'abandon du PAFR tel qu'il existe actuellement. Les femmes devraient plutôt se voir offrir le statut de résidentes permanentes afin de reconnaître leurs compétences et la contribution économique qu'elles font à la société canadienne.

Les droits de 975 $ exigés pour l'établissement, instaurés par le gouvernement libéral en 1995, constituent depuis un obstacle pour les femmes, surtout celles du Sud, pour qui 975 $ représentent souvent le salaire de plusieurs années. Ces droits créent un obstacle systémique fondé sur la race et la classe sociale. Nous recommandons l'abrogation de ces droits exigés pour l'établissement.

Le débat entourant la détention des réfugiés et des revendicateurs de statut de réfugié est devenu une question d'actualité à l'été de 1999 quand 599 migrants chinois ont été arrêtés et détenus en Colombie-Britannique. Le traitement de ces migrants chinois ne peut être attribué qu'au réflexe réactionnaire du gouvernement qui réagissait à l'hystérie anti-immigration d'une minorité ultra-conservatrice.

Sous l'angle des droits de la personne, c'est une réaction purement raciste et xénophobe. L'établissement de ces profils ethniques des migrants chinois se compare à l'expulsion des Canadiens d'origine africaine en vertu des dispositions de la Loi de l'immigration concernant les menaces pour le public.

L'an dernier, en Ontario, plus de 30 jeunes, dont la majorité avaient moins de 18 ans, ont été arrêtés et incarcérés. C'était des jeunes d'origine chinoise. On leur a refusé l'accès à l'éducation, et dans de nombreux cas, des mineurs ont été emprisonnés avec des adultes. Certains ont été rudoyés et certains agressés.

En mars, le rapporteur spécial chargé d'étudier les droits des migrants a soumis un rapport critiquant la façon dont le Canada traite les migrants chinois. Gabriela Rodriguez Pizarro a entre autres déclaré:

    N'oublions pas [que les migrants chinois] sont deux fois victimes, puisqu'ils sont également victimes du trafic.

• 1555

Je vais passer aux recommandations pour abréger. Nous recommandons que la Loi sur l'immigration affirme clairement que les enfants ne doivent pas être détenus et que les agents d'immigration doivent trouver des solutions de rechange qui protègent plutôt qu'incriminent l'enfant. Immigration Canada doit s'assurer que les ministères provinciaux font le nécessaire pour que les enfants soient placés dans des foyers pour enfants ou des foyers d'accueil. Le gouvernement fédéral doit établir d'autre part une norme commune qui définisse la protection des enfants conformément à la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant. Le pouvoir de détention ne devrait pas être accru. Voilà pour l'élargissement des pouvoirs de détention des réfugiés sans papiers. On s'inquiète aussi...

Le président: Sungee, si vous me permettez de vous interrompre, vous êtes en train de dire mot à mot ce que nous avons sur papier.

Mme Sungee John: D'accord.

Le président: Nous pouvons très bien le lire nous-mêmes. C'est la raison pour laquelle je demande que l'on nous résume ce qu'il y a dans les documents. Pourriez-vous donc conclure. Je suis désolé, nous n'avons pas beaucoup de temps. Il y a des centaines de témoins qui voudraient être entendus à ce sujet et je dois accélérer le rythme. Nous avons votre document. Pourriez-vous donc simplement conclure en résumant vos principales recommandations?

Mme Sungee John: Vous pouvez lire toutes ces recommandations. Nous pensons que, tout d'abord, le gouvernement doit montrer qu'il a une idée de la façon dont il veut aborder le problème croissant de la migration mondiale. Cette migration ne va pas diminuer. Elle ne va pas s'arrêter. Elle va se poursuivre et augmenter. Tant que le gouvernement n'aura pas compris cela et examiné l'incidence que peuvent avoir ses politiques sur ces pays, sur le problème de la pauvreté, sur la question de la persécution fondée sur le sexe ou du racisme systémique... Ce sont des questions dont on doit débattre avec la société civile, les ONG et les intéressés avant d'adopter des lois qui changeront à tout jamais la Loi sur l'immigration.

Le président: Merci. Je signale pour la gouverne de tous que le Comité canadien d'action sur le statut de la femme, organisme national, intervient évidemment à chacune de nos étapes, et que son message est toujours le même. Je vous en félicite. Merci beaucoup.

Nous allons passer immédiatement aux questions. Inky.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins d'être venus.

J'aimerais tout d'abord répondre à ce qui a été dit à propos des réfugiés de la mer. Je conviens que ce fut une réaction irréfléchie. Cela nous montre dans quelle société nous vivons. C'est irréfléchi parce que les gens ne comprennent pas le système d'immigration et ne connaissent pas les chiffres. Si l'on considère les chiffres, les réfugiés de la mer ne représentent pratiquement rien. Même l'idée que 68 p. 100 des gens qui viennent ici le font pour des raisons économiques et que 31 p. 100 le font pour des questions de réunification familiale... Sur les 200 000 personnes qui viennent ici, nous n'acceptons que quelque 26 000 réfugiés. Là encore, il est essentiel de s'assurer que les gens comprennent de quoi il est question et ne se contentent pas de réagir à un petit incident particulier. Je répète que les médias sont responsables en grande partie. Je suis peut-être également partiellement responsable, et le président en conviendra probablement.

Deux autres choses. Vous avez dit quelque chose de tout à fait pertinent à propos des nominations à la CISRC et du principe du mérite. En fait, c'est une recommandation qu'avait fait le comité dans son rapport sur la nécessité de protéger nos frontières et de parvenir à juste équilibre, au sujet duquel je vais proposer un amendement.

D'autre part, à propos des problèmes de personnalité, je pense qu'il nous faudrait dans le projet de loi une disposition touchant un ombudsman, et je prépare actuellement aussi un amendement là- dessus, afin que les gens aient un endroit où s'adresser et ne soient pas toujours obligés de recourir à un avocat—je n'ai rien contre les avocats—mais qu'il y ait un endroit où l'on puisse aller se plaindre quand on est insatisfait des décisions de certains fonctionnaires.

Hier, à Winnipeg, on a soulevé le problème du manque de transition entre l'adoption et la mise en application de cette loi. Je reviendrai sur deux de vos exemples. L'absence de période de transition suscitera, me semble-t-il, beaucoup de problèmes parce que l'une des plaintes que l'on entend toujours formuler est qu'il faut de deux à trois ans pour traiter une demande. Alors, que va-t- il se passer lorsque la loi, une fois qu'elle aura été adoptée par le Sénat, entrera en vigueur et qu'il y aura ainsi de nouvelles règles qui s'appliqueront à des demandes qui auront été formulées sous l'ancien système? Pourriez-vous répondre à cette question particulière?

• 1600

Le président: Sudabeh, pourquoi ne pas commencer par vous? Pour une raison ou une autre, nous aimons bien nous en prendre aux avocats et aux économistes au sein de ce comité, alors ne vous sentez pas visés. Nous en avons fait autant dans tout le pays. Allez-y.

Mme Sudabeh Mashkuri: Ma foi, je suppose que, comme pour toute autre nouvelle loi, il y aura une disposition d'antériorité. Non? Ce n'est pas le cas?

Eh bien, je pense qu'il faudra que je l'indique maintenant dans toutes les demandes que je fais pour mes clients. Mais je ne suis pas certaine. Je pense que tout dépendra de la façon dont le gouvernement considérera...que la nouvelle loi s'applique, À partir de quel moment une demande sera traitée en fonction de la nouvelle loi. Il devrait y avoir une disposition d'antériorité dans le projet de loi.

Le président: Merci de cet avis juridique.

Inky.

Mme Sudabeh Mashkuri: Je ne savais pas qu'il n'y en avait pas. Par exemple, j'estime qu'il faudrait absolument une disposition concernant la période transitoire. C'est très... Je suis contente que vous ayez soulevé la question car j'avais entièrement laissé passer cela.

Cela va toucher énormément de gens dont je m'occupe—de clients—qui ont fait leurs demandes. J'ai des clients qui ont fait des demandes reposant sur des considérations humanitaires qui remontent à trois ans, et j'ai des demandeurs du statut de réfugié qui sont considérés comme revendicateurs. Il y a des réfugiés au sens de la Convention mais les dossiers sont restés en suspens. Ils n'ont pas de papiers d'identité parce qu'ils viennent d'un pays en guerre ou parce que certains pays n'émettent pas de papiers aux femmes, en particulier si elles essaient d'échapper à une situation de violence conjugale, parce que ce sont les partenaires qui doivent en faire la demande. C'est une autre question qui a été posée, à savoir en quoi cela touche les femmes.

Le président: Article 190.

Sungee, même question.

Mme Sungee John: Ma foi, j'estime que s'il n'est pas prévu de période transitoire, il est encore plus nécessaire que le Parlement en discute sérieusement et consulte la population avant d'adopter ce projet de loi afin de pouvoir apporter les modifications voulues qui donneront aux gens le temps de se préparer. Cela permettra peut-être aussi d'apporter d'autres améliorations.

Le président: D'accord.

Douglas, commentaires?

M. Douglas Hancock: Oui, je pense que la question de la transition est importante. Je suis également avocat, et je ne l'avais pas non plus remarqué, mais je dirais qu'il faut y réfléchir.

Des gens qui ont présenté une demande depuis longtemps ont évidemment intérêt à ce que le régime actuel soit maintenu car tout changement risque de créer des tas de nouveaux problèmes.

Le président: D'accord, merci.

Madeleine.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Il y a au moins deux témoins qui ont fait allusion au droit de second appel. Je dois vous dire que les exemples que vous avez apportés nous éclairent. Je pense qu'on devrait envisager, comme comité, de réintroduire cette mesure-là, qui existe dans la loi actuelle, pour permettre le droit à la seconde chance. Tout le monde a droit à ça parait-il.

Mme Sungee a parlé d'éliminer le Programme concernant les aides familiaux résidants afin de réduire l'espèce de biais lié au sexe. Alors, qu'est-ce qui va se passer? Il y a un certain nombre de travailleurs domestiques qui arrivent avec... Est-ce qu'ils vont pouvoir correspondre aux critères qui existent pour pouvoir recevoir une autorisation d'immigrer?

[Traduction]

Le président: Sungee, voulez-vous répondre à la première question à propos du programme concernant les aides familiaux résidants puis Sudabeh pourra répondre à la question concernant une nouvelle demande.

Mme Sungee John: Certainement. Pour ce programme nous estimons en effet qu'il devrait être éliminé, et que les femmes devraient venir de façon indépendante.

Nous pensons d'autre part que les critères d'immigration devraient être modifiés pour reconnaître la contribution des femmes qui ont ces compétences et n'obtiennent pas les points qu'elles devraient pour cela. Tout le processus de présélection par lequel on juge les compétences et contributions d'une personne devrait être réexaminé.

• 1605

Le président: Sudabeh, permettez-moi de reposer la question de Madeleine pour y ajouter une petite question complémentaire. Comment peut-on arrêter le phénomène de la porte-tambour tout en laissant aux gens une deuxième chance pour tenir compte des exemples dont vous nous avez parlé. Comment peut-on empêcher que des gens à qui on a refusé la demande continuent indéfiniment à présenter d'autres demandes? Peut-être pourriez-vous répondre.

Mme Sudabeh Mashkuri: Ma foi, comme le disait M. Mark, je crois que le phénomène de la porte-tambour est un mythe créé par les médias. D'après mon expérience, environ 80 p. 100 des secondes revendications aboutissent. Combien de fois peuvent-ils présenter une demande? Quatre ou cinq fois. Il faut quitter le pays pendant 90 jours. Est-ce difficile pour certains? Très difficile, et je ne pense pas que cela se produise tellement. C'est un mythe. Je travaille au ministère de la Justice et me trouvais donc de l'autre côté de la barrière. J'ai constaté qu'il n'y avait pas tellement de cas de porte-tambour.

Permettez-moi de dire autre chose car je trouve cela très intéressant. Je suis venue ici en taxi et j'ai expliqué au chauffeur de taxi où j'allais. Il m'a déclaré: «Oh, ils vont donc empêcher tous ces immigrants d'entrer et tous ces réfugiés qui sont de faux réfugiés et qui viennent nous prendre...?» C'est ça la mentalité. Ce sont là les réactions négatives, tout le monde pense que ces réfugiés ne sont pas méritants et qu'ils sont à l'origine de ce phénomène de porte-tambour.

Je veux bien qu'il y en ait certains qui exploitent le système. Je ne veux pas dire que tous les réfugiés qui arrivent soient parfaits et aient eu la vie dure. Mais je ne pense pas qu'on arrêtera le phénomène de la porte-tambour par une disposition aussi stricte qui refuse une deuxième chance à un réfugié de bonne foi. Peut-être que l'on pourrait envisager de limiter à deux le nombre de demandes que l'on peut présenter. Je ne sais pas. Je n'ai pas tellement réfléchi à la façon de faire. Les motifs ne sont pas toujours les mêmes. On ne peut évidemment pas présenter les mêmes motifs deux fois. Il faut quitter le pays. Qui peut obtenir un visa pour aller aux États-Unis afin de revenir? C'est très difficile. La plupart des immigrants et des réfugiés du tiers monde ne peuvent pas le faire.

Le président: Merci d'avoir fait la distinction aussi clairement entre mythe et réalité. On nous a déjà signalé cela et je suis satisfait de vous l'entendre dire aussi.

Joe.

M. Joseph Volpe: Monsieur le président, comparez sa réponse à celle de la dernière intervenante qui fait partie d'une organisation qui pourra peut-être clarifier encore mieux les choses. Je vous conseille de réserver votre jugement pour le moment.

J'aimerais poser une question parce que nous avons l'avantage d'avoir...

Le président: Toute petite question, Joe, d'accord?

M. Joseph Volpe: Je pose toujours une longue question et la réponse est toujours courte.

Le président: Pourquoi pas essayer cette fois-ci de poser une petite question...

M. Joseph Volpe: Je fréquente Judy Wasylycia-Leis depuis trop longtemps.

Je veux profiter du fait que nous ayons une représentante du Comité canadien d'action sur la situation de la femme. Nous avons parlé—vous nous avez entendu—du fait que les femmes sont désavantagées dans la loi actuelle et peut-être également dans celle que l'on propose.

Un des problèmes est celui que rencontrent les femmes qui parrainent de nouveaux conjoints. Si ces femmes sont divorcées et viennent essentiellement d'Asie du Sud-Est, les agents d'immigration pratiquement dans tous les cas, pour une première demande, déclarent que c'est un faux mariage parce qu'il s'agit toujours de femmes qui épousent des hommes plus jeunes. Pour des motifs religieux et culturels, ce sont des partenaires moins attirantes si elles n'ont pas quelque chose d'autre à offrir. Elles rentrent dans leur pays et constatent qu'elles ont plus de succès parce qu'elles offrent une chance. Elles ont un autre atout. Je suis désolé de réduire cela à une considération économique mais beaucoup de mariages sont des partenariats et des arrangements économiques.

Nos agents d'immigration, arguant de critères religieux, culturels et particuliers à cet environnement, rejettent immédiatement la demande. Or personne ici ne s'est porté à l'aide des femmes qui veulent épouser un homme plus jeune et qui ont suivi tout le processus...personne ne vient dire qu'il s'agit là de mariages de bonne foi et que les fonctionnaires de l'immigration n'ont pas le droit de contester la légitimité de la décision d'une femme qui veut épouser un homme plus jeune. Est-ce une lacune de notre système d'immigration, ou est-ce parce que des organisations telles que le Comité canadien d'action ne comprennent plus les problèmes des femmes?

Le président: Sungee.

• 1610

Mme Sungee John: Je ne suis pas d'accord. J'estime que les organisations comme le NAC sont très pertinentes. Nous sommes restées pertinentes en dépit des compressions budgétaires que nous ont imposées les gouvernements tels que le vôtre.

La réalité, c'est que ces décisions sont remises en question, que ce soit par des femmes à titre individuel ou par des groupes de femmes. Le NAC, en sa qualité d'organisation nationale, remet en question diverses politiques. Il ne s'occupe toutefois pas de cas particuliers. Ce sont les groupes et les femmes qui sont nos membres dans les régions qui s'occupent de ces cas. Vous en avez peut-être rencontrés.

Je reconnais que certaines femmes qui veulent être parrainées se heurtent à la patriarchie de leur propre culture, car notre monde est encore très patriarcal et les femmes sont encore considérées comme des citoyennes de seconde zone. Il s'agit de sensibiliser les fonctionnaires de l'immigration, de s'assurer qu'ils sont sensibles aux différences culturelles et qu'ils tiennent compte de l'égalité des sexes dans leurs décisions et même, dans toute la législation.

Le président: John posera la dernière question.

M. John McCallum: J'ai une très courte question pour M. Hancock, question qui est peut-être un peu injuste. Vous préconisez une amnistie, et c'est une idée qui me plaît, mais quels arguments pourrait-on invoquer contre cette idée et comment pourrait-on contrer ces arguments? Je sais que chaque argument suscite un argument contraire que j'aime bien connaître à l'avance.

Le président: Autrement dit, il vous demande de vous faire l'avocat du diable.

M. Douglas Hancock: L'un des plus grands talents des avocats est de pouvoir plaider une chose et son contraire. Il est vrai que c'est une proposition assez controversée. On pourrait notamment faire valoir qu'une amnistie équivaut à légitimiser la tricherie. Comment peut-on de façon réaliste riposter? Il n'est pas facile de réfuter cet argument.

Les Américains ont réglé la question non seulement en matière d'immigration, mais aussi au chapitre fiscal. Il semble que c'est ainsi que les Américains ont pu transformer les participants à l'économie souterraine en contribuables légitimes, et faire en sorte que leur activité économique est reconnue et imposée. À mon avis, c'est la meilleure façon de rationaliser le concept de l'amnistie.

Cette amnistie ne serait pas nécessairement sans conditions; il n'est pas nécessaire qu'elle le soit. On pourrait prévoir des critères. D'autres pays, tels que la Belgique, l'ont fait. Il faut d'abord dégager un consensus politique. Le principal défi auquel font face ceux qui travaillent dans le domaine de l'immigration et qui le réglementent est celui de la sensibilisation. Ce qu'on prend pour des faits ne sont souvent que des concepts ou des généralisations.

Le président: Merci. Une question complémentaire.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Le gouvernement a perdu la trace de 15 000 personnes qui ont fait l'objet d'un mandat. À votre avis, combien d'entre elles espèrent une amnistie? À combien d'entre elles cette amnistie devrait-elle s'appliquer?

M. Ramesh Dheer: Monsieur le président, si vous me le permettez, je pratique le droit de l'immigration depuis 25 ans. D'après mon expérience, il y a plus de 300 000 personnes qui vivent dans la clandestinité. Cela ne fait aucun doute.

Le président: Sur cette déclaration stupéfiante, je vous remercie tous...

M. Ramesh Dheer: Le calcul est simple. La dernière fois où l'on a institué un programme de suppression de l'arriéré, c'était il y a 12 ou 13 ans. Depuis, le gouvernement n'a pas relâché les règles d'immigration. Chaque année, environ 30 000 personnes revendiquent le statut de réfugié et un tiers d'entre elles essuient un refus. Ces chiffres sont bien sûr approximatifs. Il vous suffit de multiplier 12 ou 13 ans par 10 000 ou 15 000 personnes chaque année. À peine 10 p. 100 d'entre elles sont expulsées du pays.

• 1615

De plus, il y a des gens qui entrent au pays clandestinement. Même avec une amnistie, bien des immigrants sont restés dans la clandestinité, approximativement 300 000 personnes.

Nous ne prétendons pas que leur situation devrait être régularisée sans condition.

Pour répondre à la question de John, j'estime qu'il faut prévoir des critères. Ceux qui répondent aux critères d'établissement devraient se voir accorder le statut d'immigrant reçu. Aux autres, on pourrait accorder un permis de travail pour deux ou trois ans afin qu'ils aient le temps de s'établir. C'est la seule façon de faire.

On a beaucoup parlé de l'exploitation des femmes. Les hommes aussi se font exploiter par certains gens d'affaires peu scrupuleux, ici au pays, qui les engagent pour du travail au noir sous-payé. Si on régularise la situation de ces immigrants, ceux-ci deviendront des contribuables. Ils achèteront des maisons et des voitures. Je peux aussi vous garantir que leurs familles, qui ne vivent pas ici, viendront se joindre à eux. En fait, ce sera excellent pour l'économie.

Certains prétendent que c'est fermer les yeux sur la fraude. C'est un fait que, depuis des temps immémoriaux, les gens émigrent vers les pays où le niveau de vie est meilleur. Le Canada est connu pour son excellente situation économique. Lorsque les gens entendent les Nations unies dirent c'est au Canada qu'on a le meilleur niveau de vie, on trouve ce pays tout naturellement attirant. Quelles que soient les lois que vous adopterez, les gens continueront d'entrer au Canada illégalement.

Je le répète, je suis dans ce domaine depuis 25 ans. Je connais des cas horribles. Certains ont beaucoup souffert pour venir au Canada et revendiquer le statut de réfugié. Que leurs allégations soient vraies ou fausses importe peu. Ils ont beaucoup souffert.

C'est ce que nous devrions faire. Nous tenterons de mieux contrôler nos frontières pour nous assurer que seuls les immigrants légitimes entrent au pays. Mais si nous croyons pouvoir garantir que personne ne franchira la frontière illégalement, nous nous leurrons.

Le gouvernement n'a rien fait depuis 13 ans pour régulariser la situation des immigrants clandestins.

Le président: Monsieur Dheer.

M. Ramesh Dheer: Je serai bref, monsieur.

J'aimerais faire la remarque suivante sous toutes réserves. J'ignore si je peux le faire ou non.

Le gouvernement libéral a toujours déclaré vouloir accueillir davantage d'immigrants. En 25 ans de pratique, je n'ai pas vu une seule administration libérale mettre en place un programme pour légitimiser la situation des immigrants clandestins. Ces personnes ont souffert. Le dernier programme de ce genre a été institué par un gouvernement conservateur, il y a 13 ans. Depuis, le gouvernement libéral n'a rien fait. Le temps est venu d'agir.

Merci.

Le président: Merci. Monsieur Dheer, je ne remets pas en question votre expérience ni votre sincérité. Vous avez parlé de 300 000 immigrants illégaux; vous êtes arrivé à ce chiffre à l'aide d'une formule arithmétique très simple. Malheureusement, je peux vous garantir que dès demain, les médias clameront qu'il y a 300 000 immigrants qui vivent dans la clandestinité au Canada. Je ne suis pas certain que ce soit le chiffre dont nous nous servons. Je tiens seulement à préciser que je suis très conscient que vous êtes un homme chevronné. Toutefois, vous avez employé une donnée qui n'est nullement scientifique, ce qui ne m'apparaît ni juste, ni responsable.

Merci beaucoup.

Le comité fera une pause de cinq minutes.

• 1619




• 1626

Le président: Je souhaite la bienvenue aux témoins qui viennent de prendre place; encore une fois, je vous remercie de bien vouloir prendre le temps de contribuer à nos travaux sur ce projet de loi des plus importants. Veuillez excuser le retard.

Nous vous remercions aussi d'être arrivés à l'avance et d'avoir écouté nos discussions. Cela vous permettra de mieux vous préparer à répondre à nos questions.

Je cède la parole à Robin Seligman, de l'Association du Barreau canadien.

Mme Robin Seligman (présidente, Canadiens et Canadiennes pour une politique d'immigration juste et équitable): Je suis avocate et membre de l'Association du Barreau canadien, mais aujourd'hui, je témoigne au nom d'une coalition dont fait partie l'Association du Barreau canadien, les Canadiens et les Canadiennes pour une politique d'immigration juste et équitable.

Le président: D'accord.

Mme Robin Seligman: Je suis accompagnée de Michael Schelew et de Mario Calla de COSTI.

Le président: Bien, et ils sont là pour vous aider à répondre à nos questions?

Mme Robin Seligman: Ils ont aussi des remarques liminaires à faire.

L'Association du Barreau canadien est représentée par Ben Trister et Stephen Green.

Le président: C'est très bien.

Stephen, voulez-vous présenter les remarques de l'Association du Barreau canadien?

M. Stephen Green (président sortant, Association du Barreau canadien, Ontario): Essentiellement, je traiterai d'une question et Ben, d'une autre.

Le président: Allez-y.

M. Stephen Green: Je vous remercie, ainsi que le comité, de nous avoir invités à témoigner.

Je traiterai d'une seule question—je sais que vous avez reçu des documents de discussion. Il s'agit du document de discussion numéro 2 portant sur le droit qu'ont les résidents permanents d'entrer au Canada et de demander une audience à laquelle sera déterminé leur statut.

En vertu de la Loi sur l'immigration actuelle, tout résident permanent a le droit d'entrer au Canada et de comparaître devant un arbitre de l'immigration—ou un juge, comme nous les appelons. En cas d'échec, il a le droit d'en appeler à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui rend une décision finale.

Que fera ce projet de loi? Il modifiera considérablement ce droit puisqu'il prévoit que le droit d'appel des résidents permanents au Canada dépendra de leur nationalité. C'est ce que prévoit ce projet de loi.

Je m'explique. Le projet de loi stipule que, si vous êtes un résident permanent et que vous êtes à l'extérieur du Canada, il vous faudra un document—appelons-le un document de voyage ou de facilitation—pour monter à bord d'un avion. Si vous n'avez pas ce document, vous vous adressez à une ambassade ou à un consulat où vous expliquez que vous croyez répondre aux exigences de présence effective ou que vous aviez la permission de sortir du Canada. On vous remettra ce document de facilitation, essentiellement une carte d'embarquement vous permettant de rentrer au Canada en avion.

Si l'agent d'immigration refuse de vous accorder un document de facilitation, le projet de loi vous confère un droit d'appel. Vous formulez cet appel par écrit à la Commission d'immigration et du statut de réfugié. Ça peut aussi se faire par téléphone. Toutefois, si vous êtes un citoyen américain qui est résident permanent du Canada, ou si vous êtes un ressortissant allemand qui est résident permanent du Canada, vous n'avez pas besoin de document de facilitation puisque vous n'avez pas besoin de visa pour monter à bord d'un avion. Vous pouvez donc rentrer au Canada et plaider votre cause en personne devant la CISR. Par conséquent, nous faisons une distinction entre les résidents permanents qui sont des ressortissants de pays dont on exige un visa pour l'entrée au Canada, et les résidents permanents qui sont des ressortissants de pays pour lesquels on nÂexige aucun visa. Le projet de loi crée un régime d'appel fondé sur la nationalité, ce à quoi nous nous opposons vigoureusement.

Cela met fin à mes remarques.

Le président: Quelle est votre solution?

• 1630

M. Stephen Green: Nous devrions conférer à tous les résidents permanents du Canada les mêmes droits d'appel.

Si je suis un résident permanent qui vient de Russie, je devrais avoir le droit, tel qu'il existe à l'heure actuelle, de monter à bord d'un avion pour rentrer au Canada. Nous ne devrions pas prévoir des droits différents selon la nationalité. Nous croyons à l'égalité garantie par l'article 15 de la Charte.

Le président: Merci, Stephen.

Ben.

M. Ben Trister (avocat spécialiste de l'immigration, Association du Barreau canadien): Merci. Vous recevrez sous peu deux documents de discussion de l'Association du Barreau canadien, le premier sur la question dont vient de traiter Stephen et le second sur l'expression «étranger». Je commenterai les deux brièvement.

Premièrement, en ce qui concerne l'expression «étranger», je sais que vous en avez déjà discuté et que vous avez demandé au ministère de réexaminer la question. Je dirais simplement que l'Association du Barreau canadien est d'avis que les résidents permanents ne devraient pas être considérés comme des «étrangers», pour les raisons que vous avez vous-mêmes tous évoquées.

La solution est simple: il suffit d'amender l'article des définitions dans la version anglaise, de façon à ajouter les mots «or permanent resident» après «Canadian citizen», de sorte que l'expression «foreign national» ou «étranger» ne s'entende pas d'un citoyen canadien ou d'un résident permanent, puis d'ajouter l'expression «et résident permanent» partout où figure le terme «étranger». C'est simple.

Que le ministère ne tente pas de vous faire croire que cette solution est peu pratique, car elle est en fait très simple. Un simple logiciel de traitement de texte peut le faire. Toutefois, si cette solution vous semble inacceptable et que vous acceptez l'argument du ministère selon lequel le terme «résident permanent» doit avoir sa propre définition, nous recommandons que l'on parle alors de «non-citoyen».

Si le ministère prétend vouloir employer l'expression «étranger» afin que l'on sache qu'ils ne sont pas des citoyens canadiens, pourquoi ne pas tout simplement les appeler des non- citoyens? Cela décrit bien leur situation sans pour autant les étiqueter; c'est plus acceptable. Ce sont là nos recommandations sur le terme «étranger».

Le président: Merci, Ben.

M. Ben Trister: Si je peux me permettre...

Le président: Oui.

M. Ben Trister: En ce qui concerne la carte de résident permanent, selon le projet de loi C-31, la carte de résident permanent équivaut plus ou moins au permis de retour pour résident permanent qui existe actuellement. En effet, si vous aviez une telle carte, vous pourriez rentrer au Canada sans avoir à prouver que vous répondez au critère de résidence. Ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi C-11. Il stipule que chaque fois qu'un immigrant rentrera au Canada, il devra prouver qu'il satisfait au critère de résidence.

Je vous donne un exemple, rapidement: vous êtes à l'étranger pour accompagner un citoyen canadien; à votre retour, à la frontière, on vous demande de prouver que, pendant 730 jours, vous avez été en compagnie de votre conjoint, qui est citoyen canadien, et que vous étiez tous les deux à l'étranger. Comment ferez-vous? À l'aide des cartes d'embarquement? À l'aide d'une déclaration sous serment? Chaque fois que vous rentrerez au pays, vous devrez fournir des preuves.

Nous proposons que, comme le prévoyait le projet de loi C-31, si vous détenez une carte de résident permanent, vous n'avez pas à prouver que vous répondiez au critère de résidence pendant la période de validité de la carte. Toutefois, au moment du renouvellement de votre carte, vous devrez faire cette preuve.

Mais tant que vous détenez cette carte, celle-ci constitue votre preuve. Ce serait beaucoup plus efficace à la frontière car il ne serait plus nécessaire de demander à tous ceux qui rentrent au Canada de prouver ce qu'ils ont fait pendant 730 jours des cinq dernières années.

Merci.

Le président: Merci, Ben.

Robin, des Canadiens et Canadiennes pour une politique d'immigration juste et équitable, vous avez la parole.

Mme Robin Seligman: Merci.

Je vous présente d'abord brièvement la coalition. Nous vous avons remis des documents qui comprennent la liste des membres.

Comme je l'ai déjà dit, nous représentons non seulement l'Association du Barreau canadien, mais plus de 50 organisations d'un peu partout au pays, y compris COSTI—représenté aujourd'hui par Mario Calla, le Congrès national des Italo-Canadiens, qui témoignera plus tard, B'nai Brith, la Société canadienne de l'ouïe et bien d'autres. C'est véritablement une coalition nationale.

COSTI est la plus importante organisation dispensant des services aux immigrants, au Canada. Elle dessert plus de 30 000 immigrants par an et emploie plus de 200 personnes parlant plus de 41 langues. Nous sommes heureux que Mario Calla ait accepté d'aborder la question du renvoi des résidents permanents sans un contrôle judiciaire.

Mais avant de lui céder la parole, je vous présente Michael Schelew, président sortant de la section canadienne d'Amnistie internationale, président sortant du Conseil canadien pour les réfugiés et ancien vice-président de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Je suis présidente de la section ontarienne de l'Association du barreau canadien, depuis trois ans. Je suis avocate spécialisée en droit de l'immigration, droit que je pratique depuis plus de 16 ans. Nous avons donc tous des antécédents et une expérience variée.

• 1635

Au sujet du projet de loi, la position de la coalition, c'est que ce n'est pas un projet de loi canadien. Il ne traduit pas les valeurs canadiennes et il n'est pas équitable. C'est un projet de loi négatif. C'est un projet de loi d'application. C'est une loi- cadre qui fixe... Il serait plus simple d'aller directement aux objectifs, mais nous ne croyons pas que les moyens justifient la fin. Le processus qui vous a été présenté isole la prise de décisions. On essaie d'écarter le ministère d'un examen indépendant et nous en parlerons tantôt, dans les discours de mes partenaires. Le rapport du vérificateur général a confirmé l'insuffisance et le manque de qualité de la prise de décisions au ministère.

Nous vous avons présenté six grandes questions. Je ne parlerai pas de chacune d'entre elles. Nous vous en présenterons trois brièvement, car ce sont nos questions clés. Je vais parler de la délégation de pouvoirs à la réglementation; Michael va parler de l'autorisation et de son imposition; et Mario, comme je le disais, de l'exclusion des résidents permanents, sans recours.

Au sujet de la délégation, l'article 114 de la loi actuelle énumère 70 choses qu'on peut faire par règlement. Seulement quatre se rapportent aux résidents permanents. Le nouveau projet de loi prévoit que tout ou presque peut se faire par règlement, ce qui est à notre avis un processus antidémocratique et dangereux. L'adoption des règlements n'est pas assujettie à un examen parlementaire. Le ministère rédige une ébauche de règlements qui est soumise à un processus administratif interne, puis publiée dans la Gazette pendant 30 jours, avant son adoption. Pendant cette période de 30 jours, le public peut présenter des instances. Le ministère n'est toutefois pas tenu de comparaître devant un comité permanent. Ce n'est donc pas nécessairement un débat acceptable.

Et si, pendant vos heures de loisirs, vous examinez brièvement le projet de loi, vous constaterez qu'article après article, et je sais que vous avez soigneusement examiné l'article 5 ce matin, paraît-il... Chaque article, dans chaque catégorie, précise que tout peut se faire par voie de règlements. Nous considérons que c'est un changement dangereux qui donne trop de pouvoirs à la bureaucratie. Je vais maintenant donner la parole à Mario qui vous parlera du renvoi des résidents permanents, sans recours possible.

M. Mario Calla (directeur exécutif, COSTI Immigrant Services): Merci pour cette occasion de m'adresser au comité. Je parlerai de l'article 64 du projet de loi. C'est celui qui porte sur l'expulsion de résidents permanents ou de réfugiés reconnus comme tels.

Actuellement, la décision d'expulsion un résident permanent ou un réfugié se fait en deux étapes: la Section d'arbitrage émet l'ordonnance de renvoi et la Section d'appel examine les circonstances de chaque affaire. Les deux sections sont des tribunaux indépendants de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le projet de loi C-11 prévoit que tout résident permanent condamné pour une infraction criminelle grave à plus de deux ans de détention sera expulsé sans droit d'appel auprès de la Section d'appel.

On fait référence à l'appel à la Cour fédérale. Pourtant, cet appel ne vise qu'à examiner la procédure, c'est-à-dire si on a respecté la loi. La Cour fédérale n'examine pas le fond de l'affaire. Ce qui est dangereux, c'est que des gens soient renvoyés sans qu'on prenne en considération la durée de leur séjour au Canada, le fait qu'ils aient été ici depuis leur enfance, le fait qu'ils aient un conjoint ou une conjointe, des enfants ou des parents au Canada, le fait que cette condamnation résulte d'un incident isolé, ni le fait qu'une réinsertion sociale soit vraiment probable. Nous pensons que c'est une mauvaise chose et qu'il doit y avoir la possibilité de présenter ces faits. Même en vertu de la loi actuelle, comme vous le savez, bon nombre de personnes ont été renvoyées dans un pays qu'elles ne connaissaient pas, essentiellement, puisqu'elles vivaient ici depuis leur enfance.

Nous recommandons que l'article 64 soit supprimé du projet de loi. Nous croyons que les résidents permanents qui vivent au Canada depuis cinq ans ou plus doivent avoir un droit absolu à un examen de la décision, avant que la section d'appel ne les expulse. Merci.

Le président: Merci.

Michael, vous avez la parole.

M. Michael Schelew (représentant, Canadians for Fair and Just Immigration Policy): Je crois que le comité connaît l'autorisation et le statu quo actuel, où il n'y a pas d'autorisation. C'est le cas pour les revendicateurs du statut de réfugié, et nous avons été sévèrement critiqués pour cela par la Commission interaméricaine des droits de l'homme. La commission disait qu'au Canada, on s'en sert pour contrôler les dossiers, et pour empêcher les revendicateurs de statut de réfugié d'obtenir la protection judiciaire dont ils ont besoin. Pourquoi faire cela et pourquoi choisir de le faire aussi, désormais, pour les décisions prises à l'étranger?

• 1640

Le vérificateur général a bien dit dans son rapport qu'actuellement, au ministère, il y avait des problèmes d'uniformité et de qualité de la prise de décisions. Il y a des problèmes de formation des agents de visa à l'étranger, et le ministère n'a pas les ressources ni la capacité opérationnelle pour s'acquitter de ses tâches. Pourquoi imposer l'autorisation dans une situation comme celle-ci?

La Cour fédérale observe ce qui se passe au ministère. Au Canada, il n'y a que deux groupes qui peuvent surveiller le ministère: les politiciens et les parlementaires, d'une part, et la Cour fédérale d'autre part.

On parle de responsabilité gouvernementale. Vous rendez-vous compte qu'entre 55 et 60 p. 100 de toutes les décisions prises à l'étranger qui font l'objet d'un appel à la Cour fédérale sont annulées? Cinquante-cinq à 60 p. 100! Pourquoi vouloir imposer l'autorisation, s'il y a un problème manifeste? Si l'autorisation est imposée, on a vu ce qui s'est produit avec les revendicateurs du statut de réfugié: seulement 10 p. 100 de ces demandes sont autorisées. Aucune politique ne justifie cela.

Le ministère doit être surveillé. À mon avis, la Cour fédérale peut mieux le faire que les politiciens qui affaibliraient le système. Je ne sais même pas pourquoi ce problème survient.

Si l'on examine les statistiques, en 1999, il n'y a eu que 850 contrôles judiciaires, sur 25 000 refus. Ce n'est que 3,2 p. 100. Seulement 20 p. 100 des dossiers traités à la Cour fédérale sont uniquement des questions d'immigration. Il n'y a pas d'excès, il n'y a pas d'augmentation.

Nous parlons de nombres relativement petits, et d'un principe très important. Voulez-vous ou non une responsabilité gouvernementale? Voulons-nous que le ministère décide des politiques en matière d'immigration, ou voulons-nous exercer une surveillance? Ce n'est pas maintenant le moment d'imposer l'autorisation. On n'aurait d'ailleurs jamais dû le faire pour les revendicateurs de statut de réfugié.

Quand on l'a fait, les libéraux étaient dans l'opposition. Les conservateurs étaient au pouvoir et vous vous y êtes opposés avec véhémence, pour les motifs invoqués par la Commission interaméricaine des droits de l'homme: le contrôle des dossiers et le refus de la protection judiciaire. Vous vous engagez maintenant dans cette voie pour les décisions prises à l'étranger, et je ne vois pas comment vous pouvez le justifier.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant au Centre canadien pour victimes de torture.

Ezat, vous avez la parole.

M. Ezat Mossallanejad (analyste des politiques, Centre canadien pour victimes de torture): Permettez-moi de vous transmettre un message de mes collègues. Ils vous remercient tous, l'honorable Joe Fontana et les honorables députés, de nous donner la possibilité de vous faire part de nos préoccupations au sujet du projet de loi C-11.

Je vais d'abord vous donner quelques renseignements sur le centre. Depuis sa création en 1977, le Centre canadien pour victimes de torture, ou CCVT, a offert ses services à plus de 1 100 survivants de la torture, de la guerre et de la violence organisée, provenant de 110 pays. Le centre a été le premier en son genre à être créé en Amérique du Nord, et le deuxième au monde.

En collaboration avec la collectivité, le centre offre son appui aux survivants de la torture pour faciliter leur intégration à la société canadienne, contribue à les protéger et sensibilise le public aux effets permanents de la torture et de la guerre sur les survivants et leurs familles. Le mandat du centre est d'offrir à ses clients l'espoir après l'horreur.

Au sujet du projet de loi, nous appuyons la démarche globale et détaillée visant les besoins en matière de protection des particuliers, surtout des victimes de torture. Nous sommes aussi en faveur de l'élargissement de la définition de la catégorie de la famille, du traitement amélioré pour les enfants, du processus d'appel pour les revendicateurs du statut de réfugié qui ont essuyé un refus, tout cela, bien entendu, en comparaison des pratiques actuelles.

Nous sommes préoccupés par la détention et nous estimons que le projet de loi ne devrait pas offrir de nouveaux motifs de détention. Nous appuyons la priorité accordée aux revendicateurs du statut de réfugié en détention, pour les audiences, et nous recommandons que soit fixée une période maximale de détention, d'au plus six mois. Nous demandons aussi des normes nationales pour les détentions aux fins de l'immigration.

Certains de nos clients, d'après notre évaluation, avaient été à tort désignés comme représentant un risque pour la sécurité nationale. Les décisions du SCRS, le Service canadien du renseignement de sécurité, ne sont pas disponibles et ne font pas l'objet de reddition de comptes. Nous proposons qu'on comble ces lacunes dans le nouveau projet de loi.

• 1645

Nous sommes inquiets au sujet de nos clients qui ont été victimes de torture et qui n'ont pas pu s'exprimer pendant l'audience relative au statut de réfugié, à cause des tortures subies, et dont les documents médicaux n'ont pas reçu l'attention voulue de la part des membres de la SSR. Nous recommandons par conséquent une disposition claire dans la loi, qui exigerait que soient adoptées des politiques et des lignes directrices précises pour les audiences des revendicateurs du statut de réfugié victimes de torture.

Nous estimons que l'orientation prise dans le projet de loi C-11 pour le renvoi des criminels dangereux est insatisfaisante et inefficace. Nous croyons que le renvoi ne doit pas servir de raccourci pour résoudre les épineux problèmes de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Le renvoi ne doit pas se substituer aux sanctions. Dans ce cas-là, nous préférons les poursuites judiciaires au renvoi.

Le projet de loi C-11 est en outre muet sur certaines questions. Par exemple, il n'y a aucune référence suffisante et explicite à une formation contre le racisme et la xénophobie pour les fonctionnaires, ni de redevabilité à ce sujet. Nous recommandons qu'un ombudsman indépendant reçoive les plaintes dans ce genre de cas, dans le respect de l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture.

Nous avons quelques demandes spéciales, monsieur le président. Nous demandons une disposition claire et transparente sur les survivants de la torture, qui tienne compte des obligations internationales du Canada, particulièrement dans le cadre de la Convention contre la torture. À ce sujet, nous tenons à réitérer la nécessité d'intégrer la Convention contre la torture, particulièrement les dispositions suivantes, à la Loi sur l'immigration. Nous nous fondons sur la recommandation du Comité des Nations unies contre la torture, faite l'an dernier à l'intention du gouvernement du Canada.

Tout d'abord, l'article 3 de la Convention contre la torture explique le principe de non-refoulement. Cela signifie qu'en aucune circonstance une personne ne doit être renvoyée dans un pays où elle risque d'être torturée. Pour les centres de défense des droits de la personne et d'aide aux torturés, il s'agit d'une condition absolue, qui ne saurait être mis en balance avec des considérations comme le danger pour la sécurité du public ou le risque pour la sécurité nationale.

Ensuite, il y a de graves lacunes dans la formation des agents de CIC, des membres de la CSR, du personnel des centres de détention et des responsables de la détention aux fins de l'immigration sur la torture et les besoins en matière de réadaptation des survivants. On comblerait cette lacune en intégrant au projet de loi l'article 10 de la Convention contre la torture.

De plus, on peut en dire autant de l'article 11 de la Convention contre la torture, qui porte sur les normes minimales relatives à l'interrogation, l'arrestation et la détention. Les questions d'exécution de la loi et de détention nous préoccupent particulièrement parce que les centres de détention, d'après notre expérience, pourraient être propices à la torture et à des traitements cruels et inhumains.

Enfin, monsieur le président, il faut au Canada une définition claire des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la mise sur pied de mécanismes de responsabilisation et de poursuites contre les agents qui commettraient pareilles infractions. L'article 16 de la Convention contre la torture traite de cet aspect.

Monsieur le président, nous vous remercions encore une fois de votre attention. Nous espérons que notre intervention sera utile à vos importants travaux.

Le président: Merci, Ezat.

Nous passons maintenant au Conseil national des Canadiens chinois. Bienvenue à Gloria Fung et à Cynthia Pay.

Mme Cynthia Pay (vice-présidente, Conseil national des Canadiens chinois): Pour notre gouverne, le Conseil national des Canadiens chinois est un organisme qui se consacre à la défense des droits de la personne et de l'égalité depuis sa fondation il y a plus de 20 ans. Nous comptons 28 sections au pays. Nous nous sommes toujours occupés de défense liée à la politique d'immigration. Nous faisons également partie de la Coalition pour une politique juste à l'égard des requérants au statut de réfugié, qui a d'ailleurs comparu plus tôt aujourd'hui.

• 1650

Nous sommes préoccupés par l'approche négative et criminalisante du nouveau projet de loi.

Nous allons nous concentrer sur quatre principaux aspects, la détention, l'exécution, le regroupement familial et la résidence permanente.

Vous n'ignorez pas que le projet de loi prévoit des pouvoirs élargis en matière de détention et de fortes pénalités. Nous craignons qu'une grande partie de l'augmentation des pouvoirs soit une réaction contre les immigrants chinois qui sont venus au Canada en 1999.

Comme vous le savez, la loi actuelle prévoit déjà trois motifs de détention. Le projet de loi en ajoute de nouveaux, comme celui de terminer un contrôle. Le gouvernement a également ajouté qu'il pourrait inclure dans le règlement le fait que la personne a fait l'objet d'un trafic.

Nous estimons que les motifs actuels sont très vastes et ont permis au gouvernement de détenir la plupart des migrants chinois. Pourquoi alors en ajouter d'autres? Nous n'en avons pas besoin.

En outre, à notre avis, aucun nouveau motif ne devrait être ajouté aux règlements. Il devrait au contraire être assujetti à un débat public et au processus législatif. Aucun motif de détention ne devrait se fonder sur la situation de la personne; par exemple, si vous faites partie d'un groupe de gens entrés au pays suite au trafic de personnes. Cela nous paraît discriminatoire. Dans des causes aussi importantes où il y va de la liberté des personnes, chaque dossier devrait être examiné attentivement et uniquement en fonction des faits.

Nous tenons aussi à vous rappeler que les personnes ayant fait l'objet d'un trafic sont en réalité les victimes d'une activité criminelle, et qu'il est plutôt ironique de voir ces dernières incarcérées, supposément pour leur propre protection. Il est aussi important de se rappeler à cet égard que même la CIA reconnaît que la plupart des victimes du trafic de personnes sont des femmes et des enfants, c'est donc un autre aspect du puzzle dont vous devrez tenir compte, c'est-à-dire le sexisme.

Nous aimerions que vous envisagiez des solutions de rechange à la détention. Ainsi que d'autres témoins l'ont mentionné, la liberté est un droit très important dans la société canadienne, elle ne devrait être limitée que dans des circonstances extrêmement précises. Parmi les propositions auxquelles nous avons pensé, mentionnons une période de détention fixe, par exemple six mois, après laquelle on ne pourrait plus être maintenu en détention, ou un séjour dans une maison de transit avec mise en liberté dans la collectivité, où les conditions de détention ne sont pas aussi strictes qu'en prison.

En Ontario, dans le cadre d'un programme de ce genre s'adressant à des enfants détenus, on a obtenu un très grand succès. J'y reviendrai. L'essentiel à retenir ici, c'est que les enfants réunis dans des foyers de groupe où ils disposaient d'une certaine liberté de mouvement ne se sont pas enfuis. Ils auraient pu, mais ils étaient dans un milieu plus humain, ce qui tranche avec leur transfert ultérieur dans des centres pour jeunes contrevenants, où ils vivaient avec des détenus condamnés, ou encore dans des centres de détention pour adultes, où ils ne bénéficiaient d'aucune protection, d'aucune surveillance et d'aucun accès à l'enseignement. Cela porte carrément atteinte à leurs droits en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant. Nous nous réjouissons donc d'apprendre que l'on détiendra les enfants seulement en dernier recours.

Toutefois, le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces pour veiller à ce que les enfants, s'ils doivent être détenus, le soient dans des conditions humaines et non dans des centres de détention pour jeunes contrevenants. À notre avis, ce qui est survenu en Ontario ne devrait jamais se reproduire.

Enfin, sur la question de la détention, examinons les causes profondes de la migration. La détention n'est pas une solution à ce problème. Dans une vision d'ensemble de la question, nous devrions envisager un élargissement des critères d'accueil au pays, et non seulement privilégier les immigrants hautement qualifiés, parce que nous avons besoin d'une variété d'immigrants au Canada. Je crois qu'en accordant l'amnistie aux États-Unis, le gouvernement américain affirme que son économie s'effondrerait sans tous ces travailleurs clandestins. Le Canada aussi a besoin de toutes sortes d'immigrants.

Et maintenant je vais céder la parole à Gloria, qui abordera les deux dernières questions.

Mme Gloria Fung (Exécutif national, Conseil national des Canadiens chinois): Bonjour, je m'appelle Gloria Fung, de l'exécutif national du Conseil national des Canadiens chinois.

Aujourd'hui j'aborderai deux questions importantes ayant trait au projet de loi, à savoir le regroupement familial et le statut de résident permanent.

En ce qui concerne le regroupement familial, nous voudrions d'abord féliciter le gouvernement pour ses propositions positives visant à élargir la définition de la catégorie de la famille, à relever l'âge des enfants à charge, à créer une catégorie d'immigrants reçus au Canada pour les conjoints et les partenaires parrainés, et à réduire la durée du parrainage, qui passerait de 10 à 3 ans.

Toutefois, nous souhaitons aussi exprimer nos inquiétudes sur les questions suivantes: d'abord, bon nombre de ces politiques positives ne seront pas visées par le projet de loi, mais plutôt par des règlements, lesquels ne feront l'objet d'aucune procédure parlementaire ni d'une consultation publique. Ceci empêchera le public de contribuer des renseignements et une rétroaction utiles au gouvernement. En conséquence, nous recommandons au gouvernement d'enchâsser dans le projet de loi son engagement à faciliter le regroupement des familles.

• 1655

Ensuite, il est à noter que beaucoup de ces propositions favorables sont très limitées dans leur champ d'application. Nous recommandons au gouvernement de faire en sorte que toutes les mesures facilitant le regroupement familial s'appliquent également à tous les autres membres de la catégorie de la famille, tels les parents, les grands-parents et les fiancés.

En vertu du nouveau projet de loi, les bénéficiaires de l'aide sociale ne seraient pas autorisés à parrainer des membres de leurs familles, ce qui constitue une discrimination fondée sur la situation économique. Nous croyons que le Canada, en tant que signataire de nombreuses conventions internationales rehaussant l'importance des droits de la famille et des droits de la personne, ne devrait mettre aucune interdiction au parrainage par un membre de la famille tout simplement parce que celui-ci touche de l'aide sociale.

Dans chaque cas, le gouvernement devrait aussi prendre en compte les circonstances économiques particulières; la durée de la période pendant laquelle un parrain ne s'acquitte pas de ses obligations avant de prendre des mesures juridiques de recouvrement. Enfin, aucune restriction ne devrait être imposée quant au droit d'appel des parrains, quelles que soient les raisons du refus. Chaque cas précis devrait être jugé selon des critères objectifs.

Sur la question des résidents permanents, nous accueillons favorablement la mesure proposée selon laquelle une personne doit avoir résidé effectivement au Canada deux ans sur cinq ans pour conserver son statut de résident permanent. Toutefois, le résident permanent n'a plus la possibilité de demander un permis de retour. La preuve du statut de résident est entièrement fondée sur une carte d'identité renouvelable périodiquement.

Nous considérons que le gouvernement devrait prévoir des mesures discrétionnaires pour les gens d'affaires immigrants, les étudiants qui doivent étudier à l'étranger, ainsi que les personnes qui ne peuvent peut-être pas répondre à cette stricte exigence de résidence pour des raisons valables et impérieuses. De plus, les résidents permanents devraient être admis au Canada pour des entrevues, des enquêtes, ou des appels liés à l'immigration.

Le nouveau projet de loi redéfinit le statut et les droits d'entrée des résidents permanents et interdit leur séjour lorsque leur statut est remis en question. Le texte définit un résident permanent comme étant une personne qui n'est pas un citoyen canadien, et qui n'a pas perdu ce statut. Cette politique met l'accent sur l'origine étrangère d'une personne et atténue ses liens avec le Canada. Au CNCC, nous ne voyons aucune utilité à mettre les résidents permanents, dont l'attachement au Canada est authentique, dans la catégorie vague des étrangers.

C'est en contradiction avec les affirmations répétées du gouvernement selon lesquelles il souhaite accueillir à bras ouverts les nouveaux venus et les intégrer dans notre société qui se veut inclusive. De plus, le pouvoir discrétionnaire de l'agent d'immigration s'en trouve élargi.

Le président: Merci beaucoup. Je suis désolé, mais j'ai un horaire plutôt serré à respecter. Le comité est décidément très attentionné.

Avant de passer aux questions, en ce qui concerne les règlements, je voulais faire une mise au point: les règlements seront soumis à l'examen du comité et feront l'objet d'un débat public. Peut-être l'aviez-vous déjà entendu, mais notre comité prend la question des règlements très au sérieux. En fait, peu importe le nombre de règlements, ils seront soumis à notre examen. Comme vous, nous croyons qu'il devrait y avoir transparence et imputabilité, ce qui est préférable à l'ancienne méthode.

Ensuite—je voulais tout simplement vous mettre à jour sur notre point de vue—des témoins ont fait valoir au comité que le projet de loi devrait peut-être prévoir un mécanisme de révision, de sorte que, si d'autres règlements sont présentés, ils soient toujours soumis à l'examen du comité. Une telle disposition de révision devrait être inscrite dans le projet de loi. C'est ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant. Je voulais tout simplement porter ce fait à votre attention, si vous n'étiez pas déjà au courant.

• 1700

La première question sera posée par Inky.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président, et je souhaite la bienvenue à tous nos invités cet après-midi.

Nous avons tous entendu le premier ministre affirmer que, dans notre pays, nous respectons la primauté du droit et conséquemment l'application régulière de la loi. En fait, nous y croyons à tel point que nous avons envoyé des conseillers juridiques en Chine. M. Volpe et moi y étions le mois dernier. Nous enseignons à leurs avocats comment travailler dans le respect de la primauté du droit, et nous formons leurs juges.

Plus j'entends parler de ce projet de loi, plus je recueille les avis des experts juridiques, et plus je vois ressortir l'un des problèmes principaux qui découlent de ce projet de loi, à savoir que nous éliminons le droit au contrôle judiciaire. Il est ironique, je trouve, que ce projet de loi ne respecte pas une philosophie et un principe auxquels adhère notre pays. Je suis tout à fait d'accord avec la suppression des paragraphes 64(1) et (2).

Il y a deux questions que j'aimerais vous poser, et la première concerne les résidents permanents. Peut-être est-il plus facile de redéfinir le résident permanent comme une personne qui, pour reprendre l'ancienne terminologie, est un immigrant reçu, de sorte que cette personne jouit du statut d'immigrant reçu, qu'elle soit au Canada ou à l'étranger. Peut-être que cela réglerait la question.

Mon autre question porte sur la carte de résidence. Je ne comprends toujours pas la logique de ce document. Si nous étendions sa durée de validité à dix ans, cela pourrait-il atténuer le problème que nous nous créons lorsque nous émettons les cartes de résidence? J'aimerais connaître vos réponses à ces deux questions.

M. Ben Trister: La carte de résidence remplit deux fonctions. D'abord, le gouvernement veut pouvoir obliger les immigrants à faire périodiquement la preuve qu'ils ont maintenu leur lien avec le Canada. Conséquemment, si vous doublez cette période, les immigrants ne seront pas soumis à cette obligation aussi souvent. Ce qui importe plus encore, du point de vue du gouvernement, ce sont les frais que ce dernier impose aux compagnies aériennes lorsqu'elles permettent à des immigrants de venir au Canada quand ils sont interdits de séjour et quand ils n'ont pas le statut requis.

Ainsi, une carte valide pour cinq ans qui vous permet de monter à bord de l'avion, est un message clair aux compagnies aériennes: «D'accord, dans le cas de ces personnes, nous ne vous réclamerons rien. Nous accepterons d'assumer le risque pour les cinq premières années, mais si vous acceptez à votre bord une personne qui n'a pas sa carte ou qui n'a pas le document de facilitation requis, et que cette personne est déboutée de sa demande à la suite d'une enquête, la facture sera à vos frais.» Voilà le raisonnement derrière la politique, me dit-on. J'espère que cela vous éclaire un peu.

M. Inky Mark: Devrions-nous tout simplement éliminer la carte de résidence?

M. Ben Trister: La carte devrait remplir le rôle de permis de retour. Notre collègue disait qu'il est nécessaire d'avoir une certaine assurance de pouvoir revenir au pays lorsqu'on le quitte. Tout détenteur de la carte devrait être admis au pays sans avoir à fournir d'explications, et ne devrait avoir à s'expliquer que lorsqu'il fait la demande pour une nouvelle carte. C'est tout simple. Si vous avez une carte, vous pouvez rentrer. Cela réglerait le problème; un retour à l'intention du projet de loi C-31 serait acceptable. C'est encore lourd du point de vue administratif parce que les demandes seront très nombreuses, mais c'est le choix. C'est une politique choisie par le gouvernement et qui concerne le degré de contrôle qu'il veut exercer.

M. Inky Mark: Je voudrais faire un commentaire sur les immigrants reçus...

M. Ben Trister: Je crois que la solution que nous avons suggérée était tout simplement la suivante: immigrant reçu ou résident permanent; les deux termes sont interchangeables. Les Américains les appellent tout simplement «résidents permanents». Cela ne fait aucune différence. Les deux termes ne dénotent pas deux sens différents. Ils représentent effectivement, en langage courant, la même notion. La question est la suivante: croyez-vous qu'ils devraient aussi tomber sous la nomenclature de l'étranger, ou pouvons-nous établir une distinction efficace entre les deux? Nous vous avons proposé un moyen de le faire. Je crois que la solution que j'ai mentionnée réglerait votre problème.

Le président: John, vous avez la parole.

M. John McCallum: J'ai quelques questions, et peut-être que je les poserai toutes ensemble. Ma première question est peut-être un peu bête. Je ne suis pas avocat. Mais prenons le cas hypothétique d'une personne très dangereuse, une mauvaise personne. Or, si on l'a renvoie chez elle, elle court le risque d'être torturée. Conséquemment, nous ne la renverrons pas chez elle, quelles que soient les circonstances. Mais que faire d'une personne qui est très dangereuse et qui n'a commis aucun crime au Canada?

Deuxièmement, personne ici n'apprécie l'expression «ressortissants étrangers» pour désigner les immigrants reçus. La solution que vous proposez est de dire «ressortissants étrangers et immigrants reçus». Pouvez-vous me donner un contre-argument à solution, et me dire quelles seraient les objections que l'on pourrait formuler à cette proposition, d'une part, et d'autre part, la réponse que vous feriez à ce contre-argument?

• 1705

Troisièmement, je l'ai déjà fait, mais à Vancouver et à Winnipeg nous avons proposé des amendements à certains de vos collègues de l'ABC, qui ont paru assez impressionnés, même si ces amendements n'allaient pas jusqu'au bout. J'aimerais vous les énumérer brièvement et vous demander de les commenter.

Tout d'abord, l'intention de la loi n'a jamais été de permettre à un agent d'immigration de renvoyer un immigrant reçu. Nous proposons donc de modifier l'article 44 de façon que l'interdiction de séjour des résidents permanents soit toujours déterminée par un arbitre indépendant de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

En ce qui concerne le contrôle, je crois que l'un de vous a mentionné que nous aurions pu avoir affaire à une situation de type staliniste, permettant d'aller tirer les personnes de chez elles au milieu de la nuit. Cette modification établirait clairement que les contrôles ne pourraient être effectués que lorsqu'une personne a déjà une demande en traitement. L'un de vos collègues a particulièrement apprécié cette idée, parce qu'il avait mis de l'avant une proposition identique relativement aux limites imposées aux autorités réglementaires de l'article 5. Il s'agit simplement de supprimer la motion «et ceux qu'il juge nécessaires à la réalisation de son objet», ce qui aurait pour effet de limiter considérablement le pouvoir réglementaire.

Je sais que la solution proposée ne va pas aussi loin que certains le souhaiteraient, mais je vous demande ce que vous en pensez

Le président: Nous entendrons Robin d'abord, puis Stephen.

Mme Robin Seligman: Merci. J'aimerais formuler un commentaire sur la dernière question, et je laisserai à mes collègues le soin de répondre aux deux premières.

En ce qui a trait à l'article 5 et au pouvoir de prendre des règlements, je crois que c'est un bon début. Mais l'inquiétude soulevée est la suivante: bien que l'on nous assure que les règlements accompagnant ce projet de loi seront soumis à l'examen du comité, cela n'est pas nécessairement exécutoire. Le problème risque de se poser dans le futur, et je comprends ce que vous dites, à savoir qu'il faudrait inscrire dans le projet de loi l'obligation de soumettre tous les règlements à l'examen du comité et à un débat, mais le processus de réglementation ne fonctionne pas ainsi.

Alors quand le gouvernement change...

Le président: C'est pourquoi nous avons proposé cette modification.

Mme Robin Seligman: Mais si le gouvernement change et que cette consultation n'est pas prévue dans la loi, en général il y a un avis de 30 jours, puis l'affaire est réglée, le règlement est adopté. Il ne fait pas l'objet d'un débat parlementaire.

Le président: Stephen, la parole est à vous.

M. Stephen Green: J'aimerais commenter très brièvement la question des droits d'appel des résidents permanents, que vous avez soulevée quand il était question de modifier cette partie. Je veux m'assurer d'avoir bien compris: lorsqu'un résident permanent fait l'objet d'une mesure de renvoi, et que son statut de résident permanent est étudié par la section d'arbitrage, qu'il s'agisse d'un cas de grande criminalité ou autre, peu importe...l'arbitre ne serait pas autorisé à tenir compte de motifs humanitaires; par exemple, si des membres de la famille du résident permanent sont ici, cela n'aurait aucune incidence, et ainsi de suite.

L'article 64, qui interdit expressément cela, devrait être amendé de telle manière qu'un résident permanent devrait avoir le droit d'en appeler à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, pour que toutes les circonstances de son affaire soit examinées. C'est très important, et il faudrait mentionner expressément que toutes les circonstances de son affaire seraient examinées. On n'examine pas toutes les circonstances d'une affaire lorsqu'un agent d'immigration étudie le dossier pour décider s'il y a eu condamnation au criminel et s'il s'agissait d'une infraction grave à une loi. S'il s'agit d'une infraction grave, l'agent la signalera. Par conséquent, le résident permanent ne disposera d'aucun droit d'appel qui lui permettrait de faire examiner toutes les circonstances de son affaire. Le résident doit donc avoir ce droit d'en appeler pour que l'on examine toutes les circonstances de son affaire.

Le président: Ben, vous vouliez intervenir?

M. Ben Trister: Je crois que le ministère vous a expliqué pourquoi il veut considérer les résidents permanents comme des étrangers, et c'est bien ce qu'ils sont, ce n'est pas sorcier. J'admets qu'ils sont étrangers. Je crois simplement que nous ne sommes pas autorisés à les considérer sur le même pied que les visiteurs et les personnes qui ont un visa temporaire. Ils ont fait valoir, je crois, qu'il n'y avait pas moyen de dire les choses autrement dans le texte de loi, et ce sont des étrangers de toute façon; donc ne vous inquiétez pas, ça ne tient pas debout, parce qu'il y a...[Note de la rédaction: Inaudible]

Je crois qu'il appartient au gouvernement de dire que ce sont aussi des résidents permanents même s'ils sont étrangers, et cela est plus important pour nous, et c'est l'étiquette principale que nous voulons accoler à leur statut.

Vous aviez une autre question?

Le président: Je vais d'abord céder la parole à Cynthia.

Mme Cynthia Pay: En réponse à votre première question au sujet des individus dont on ne veut pas, de ces immigrants qui font peur, comme je l'ai dit, nous avons déjà trois motifs très solides pour détenir quelqu'un, et le danger pour le public en est un.

• 1710

Mais d'un autre côté, je ne comprends pas pourquoi vous voulez tracer une distinction entre l'immigrant qu'il y a lieu de redouter et le citoyen canadien, parce que les autres droits de la personne interviennent aussi. On sait qu'il y a des gens qui sont condamnés par la justice, qui purgent leur peine et qui sont ensuite libérés, et on ne peut tout simplement pas les garder en prison pour toujours, parce qu'ils ont droit à la liberté, c'est un droit fondamental de la personne, n'est-ce pas? Voilà donc ce que j'ai à dire. Nous avons des motifs pour détenir des personnes, mais les autres droits de la personne interviennent également.

Le président: Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Ezat Mossallanejad: Si vous me demandez quel est le principal obstacle à l'élimination de la torture dans le monde, je vous répondrai par un mot: l'impunité. Nous tenons beaucoup à ce que les tortionnaires et autres mauvais sujets soient traduits en justice. Prenez l'extrême, une personne qui a commis des crimes contre l'humanité ou qui s'est rendue coupable de génocide—qu'allez-vous faire de cette personne? Nous avons des normes internationales, par exemple, l'article 6 de la Convention contre la torture, le Statut de Rome. Donc traduisez cette personne en justice, tout simplement, ne la renvoyez pas chez elle, parce que si vous la renvoyez chez elle, elle demeurera impunie. Vous pourrez me dire ensuite: si nous traduisons cette personne en justice et que nous l'emprisonnons au Canada, et que nous ne l'expulsons pas, il en coûtera aux contribuables. Oui, mais il y a un prix aux droits de la personne.

J'étais à Genève et j'ai été témoin des efforts que le Canada a déployés pour faire adopter une résolution contre la torture. Tout le monde admirait cela. Si nous disons que l'on peut renvoyer dans son pays une personne qui sera torturée, notre réputation internationale en souffrira.

Deuxièmement, lorsqu'on parle du principe de non-refoulement vers un pays qui pratique la torture, nous ne disons pas qu'il faut leur donner le statut d'immigrant ou qu'il faut les laisser en paix. Nous disons seulement qu'il ne faut refouler personne qui risquerait la torture parce que la torture est horrible et qu'elle est un crime contre l'humanité.

Je tiens à vous rappeler, monsieur le président, que nous sommes au seuil d'un nouveau millénaire. La torture est pratiquée dans deux tiers des pays du monde. Dans 80 pays où elle est pratiquée, des gens sont morts, et dans 50 pays, on torture des enfants. Voilà l'horreur de la torture.

Divers tribunaux des droits de la personne en Europe ont expressément et catégoriquement souligné le caractère absolu du non-refoulement vers un pays qui pratique la torture, et pourquoi le Canada devrait-il faire les choses autrement?

Merci.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je veux vous poser une question relativement à l'évaluation des risques avant renvoi.

Théoriquement, on doit faire une évaluation des risques, mais il semble que celle-ci ne soit pas faite systématiquement. Est-ce que vous croyez que le projet de loi devrait prévoir quelque chose qui, par exemple, ferait en sorte que, chaque fois qu'une mesure de déportation est prononcée, il y aurait nécessairement une évaluation des risques dans tous les cas où le pays où la personne doit être retournée est reconnu comme n'étant pas démocratique, comme ayant une qualité très pauvre en matière de droits de la personne? Est-ce que ça ne devrait pas être fait systématiquement?

[Traduction]

Le président: Robin, je vais devoir vous demander, à Michael ou à Mario...

[Français]

M. Michael Schelew: Je peux répondre à cette question si vous voulez.

Nous avons maintenant une politique où l'on évalue le risque avant de refouler les gens. Je crois que le projet de loi C-11 ne change pas beaucoup de choses par rapport à cela. Le problème, c'est de savoir qui va faire l'évaluation. Nous préférons qu'elle soit faite par la commission et non par les fonctionnaires.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Nous avons rencontré des gens de la GRC et de la sécurité. Ce qu'ils nous ont dit, c'est qu'eux ne font qu'une collecte de données, voilà tout. Ils ne font pas d'analyse. Je trouve ça un petit peu inquiétant, parce qu'à un moment donné, ça peut tomber dans les limbes.

M. Michael Schelew: Il y a un autre aspect aussi à considérer: qui a l'expertise nécessaire à cette évaluation? Je dirais que c'est la commission indépendante créée par le gouvernement qui a cette expertise. Ce n'est pas le ministère de l'Immigration.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce que ce serait alors une bonne idée de préciser qui est responsable de le faire?

M. Michael Schelew: On croit que ce serait une très bonne idée.

• 1715

[Traduction]

Le président: Question supplémentaire, parce que je crois que c'est ce que nous...

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous parlez toujours après moi, Joe.

[Traduction]

Le président: Nous avons demandé à la CISR elle-même, et au président de la CISR, si la CISR pouvait mesurer ce risque. On nous a répondu que CIC était mieux placé pour faire cela.

Pouvez-vous nous dire pourquoi à votre avis la CISR a cette compétence. Nous avons posé exactement la même question à la CISR.

M. Michael Schelew: La CISR vous a peut-être répondu qu'elle préfère voir CIC prendre ce risque. Mais a-t-elle bel et bien dit qu'elle n'est pas compétente pour le faire? Est-ce bien ce qu'on vous a répondu?

Le président: Oui.

M. John McCallum: Si je me souviens bien, on nous a répondu que lorsqu'on est devant une situation où il faut mesurer le risque que court le Canada par rapport au risque que la personne court si elle est expulsée, elle n'avait pas compétence pour en décider et elle voulait que le ministre prenne cette décision.

Le président: C'est ce que j'ai dit.

Au bout du compte, elle croit que la compétence...le ministre et CIC sont mieux placés pour juger le risque que court le Canada et le risque qui se pose à l'extérieur du Canada. Je fais appel à votre expérience: pouvez-vous nous éclairer ici?

M. Michael Schelew: Je dirai en premier lieu qu'il ne s'agit pas toujours d'évaluer les risques étant donné que la criminalité n'intervient pas dans la plupart de ces risques.

Donc s'il ne s'agit pas d'évaluer un risque, et la seule chose que vous voulez savoir, c'est si la personne court un risque, et s'il n'y a pas de problèmes relatifs à la sécurité nationale, eh bien, c'est justement ce qu'évalue la commission. S'il y a des cas où la sécurité nationale est en jeu, alors je peux comprendre que la commission ne voudra pas intervenir pour des raisons politiques.

Mais cela doit-il être le cas? Si on dit à la commission qu'elle doit évaluer ces risques, alors elle le fera, et c'est elle qui évaluera tous ces risques. Autrement, une autre instance devrait peut-être faire cette évaluation, mais je ne crois pas que le soin doit être laissé à des fonctionnaires. Il faut confier ce soin à une commission indépendante, qui aurait la compétence voulue pour évaluer ces risques.

Le président: J'en prends bonne note.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Où commencer?

Je veux simplement faire remarquer que nous avons fait beaucoup de chemin depuis la première fois que l'ABC a témoigné devant notre comité. Quand était-ce? Il y a quelques mois?

Le président: On dirait que ça fait un siècle.

Mme Judy Wasylycia-Leis: On dirait que cela fait un siècle, oui, et je crois que notre comité a beaucoup appris depuis. Vous pouvez constater que nous avons réfléchi à certains amendements. Vous avez entendu les propositions de John.

Ma première question s'adresse à l'ABC. Pouvez-vous nous dire quelles devraient être nos trois prochaines priorités, étant donné que nous progressons pas à pas?

Ma deuxième question s'adresse à la coalition. On nous a dit au départ que les groupes qui s'intéressent aux questions relatives à l'immigration et aux réfugiés avaient été consultés et qu'ils étaient de manière générale favorables au projet de loi C-11. Si j'en juge d'après la longue liste de groupes qui appartiennent à votre coalition, ce n'est tout simplement pas le cas. Avez-vous changé d'avis? Ou est-ce parce qu'on ne vous a jamais vraiment consultés au départ?

Le président: On s'adresse au président pour poser une question. C'est moi qui préside.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Pardonnez-moi. Toutes mes excuses.

Le président: Merci, Judy.

J'invite tout d'abord l'ABC a répondre à la question que Judy a posée.

M. Stephen Green: Nous avons publié une série de documents de fond. Nous croyons savoir que vous vous penchez sur la question du contrôle obligatoire. Je crois qu'il vous serait utile d'étudier avec soin la question des résidents qui retournent au Canada, pour ce qui est de la carte de résident permanent.

J'ignore dans quelle mesure vous y avez réfléchi, ou si votre réflexion est assez claire à ce sujet pour que vous ayez une solution. Mais cela va poser un énorme problème parce qu'il y a des immigrants qui rentrent au Canada par centaines, sinon par milliers.

C'est donc à mon avis une question importante. Le comité n'a pas vraiment exprimé sa pensée sur la question de la permission d'en appeler et de l'imposition du contrôle judiciaire. Une telle réflexion serait donc utile.

Au sujet de la dévolution des pouvoirs aux instances réglementaires, le témoignage du ministère nous préoccupe beaucoup. D'ailleurs, je disais à un collègue que si le ministère avait dit ce qu'il a dit dans le contexte d'un contrôle obligatoire, ses fonctionnaires seraient chassés du pays pour malhonnêteté.

Il est malheureux que le ministère ait décidé de déplacer trois petits domaines du règlement vers la loi, et qu'il ait commodément oublié que la loi lui donne aussi le pouvoir de prendre des règlements dans tous les domaines. C'est cela qui est au coeur du problème.

Je vous dirais que je connais bien le Parlement étant donné que j'ai été le premier stagiaire parlementaire prédiplomé de l'université McGill à travailler dans le bureau d'un député libéral fédéral, en fait, et...

• 1720

Mme Judy Wasylycia-Leis: En quelle année?

M. Ben Trister: Il y a longtemps de cela. À mon avis, cette loi-cadre pose un danger incroyable pour la démocratie. Je crois que les ministères ont des visées qui leur sont propres. Notre ministère, par exemple, a fait savoir qu'il ferait ceci ou cela parce qu'un autre ministère l'a fait. C'est la tendance qui émerge.

Eh bien, si la tendance se maintient, mesdames et messieurs, vous n'aurez plus grand chose à faire. Le gouvernement...dans mon temps, en science politique, on enseignait que les fonctionnaires étaient censés donner des conseils et proposer des options au gouvernement, et vous étiez tous censés faire le tri là-dedans et prendre les décisions qui s'imposaient. Ce qu'on vous demande de faire aujourd'hui, c'est de céder d'énormes pouvoirs au ministère, et pas seulement à ce ministère-ci. Si vous le faites avec cette loi, d'autres ministères vous diront: «Eh bien, écoutez, l'immigration l'a bien fait, vous devriez le faire pour nous aussi.» Il faut stopper cette tendance.

Le président: Merci.

En réponse à l'autre question, Robin, veuillez parler au nom de votre organisation. Je ne peux permettre à tout le monde de parler...

Mme Robin Seligman: Oh, non, je vais parler au nom de mon organisation.

Le président: ...pour ou contre.

Mme Robin Seligman: Merci.

L'organisation appelée Canadiens et Canadiennes pour une politique d'immigration juste et équitable a été fondée après le dépôt du projet de loi C-31 en avril dernier. Nous sommes opposés activement au projet de loi, et nous avons modifié notre document de position pour le projet de loi C-11, mais nous n'avons pas changé grand-chose. Vous remarquerez même que notre texte est daté de juin dernier. Nous avons les mêmes réserves; nous avions soulevé les mêmes objections mais sans succès, et nous n'avons jamais changé d'avis, nous restons opposés au projet de loi. Nous ne sommes pas satisfaits de ce projet de loi-ci.

Il y a quelques petites choses que mon collègue a mentionnées qui sont positives et qui ont à voir avec la catégorie de la famille. On aurait pu mettre ces changements en oeuvre par voie de règlement, et cela peut être fait par voie de règlement maintenant. On n'a pas besoin d'un projet de loi très négatif pour hausser à 22 ans l'âge des personnes à charge ou pour éliminer l'inadmissibilité pour raison médicale pour les enfants et les parents. Tout le monde est d'accord avec cela.

Le président: Avez-vous quelque chose à dire en réponse à cette question, Cynthia?

Mme Gloria Fung: Oui. Nous pensons que les nombreuses valeurs que nous chérissons tous doivent être enchâssées dans le texte de loi lui-même et non dans un règlement. L'adoption d'un règlement n'est pas assujettie au processus parlementaire ou à la consultation publique, même si l'on en discute dans divers comités. Cependant, dans le cas d'un règlement, la consultation publique est très, très limitée, et voilà pourquoi nous pensons que certaines valeurs plus importantes que d'autres et les principes de l'État doivent être mentionnées dans la loi.

Le président: Merci.

Anita.

Mme Anita Neville: Monsieur le président, je vous prie de patienter un moment. J'essaie de lire quelque chose.

Toutes mes excuses à la délégation, j'étais au téléphone lorsque vous avez fait votre exposé.

Je veux faire état de deux changements que j'ai proposés, mais vous ayant écoutés, je suis préoccupée par quelque chose de plus important, et je viens de lire des lettres à ce sujet.

Je dois vous dire que je suis nouvelle au Parlement. Je n'ai été élue qu'en novembre dernier, je ne connais donc pas les antécédents de l'ancien projet de loi, même si j'ai lu les quelques textes où l'on compare l'ancien projet de loi et les changements qui ont été incorporés dans ce projet de loi-ci en conséquence des audiences publiques.

Mais je crois savoir qu'on a longuement consulté l'Association du Barreau au sujet de ce projet de loi-ci. Certaines suggestions ont été intégrées dans le projet de loi C-11—mais pas tout—et je suis vivement préoccupée. Je respecte le droit que vous avez de faire valoir vos préoccupations. J'ai rencontré un grand nombre de membres de l'Association du Barreau, à Ottawa comme à Winnipeg, d'où je suis, mais ce qui me dérange vraiment, c'est ce que je crois être une opposition accusatoire et l'absence totale de confiance ou de respect envers ceux qui travaillent au ministère, ceux qui sont au front et qui font tout le travail ou ceux qui articulent la politique et les formalités.

Je ne sais pas si quelqu'un veut répondre à cela, mais je trouve ça extrêmement troublant. Je suis trop nouvelle pour me voir muselée par la bureaucratie. J'ai été moi-même fonctionnaire. Je sais comment fonctionne l'administration. Mais j'ai rencontré au comité des personnes qui travaillent dur et qui étaient sensibles à nos objections.

• 1725

M. McCallum et moi-même avons accompagné la ministre dans la tournée de certains postes en Asie du Sud-Est. Je sais que Mme Wasylycia-Leis a accompagné la ministre en Inde et visité un certain nombre de postes là-bas aussi. Dans l'ensemble, les agents de l'immigration, autant ceux qui sont au Canada que ceux qui sont à l'étranger, sont des personnes intègres qui se donnent beaucoup de mal pour préserver et mettre en oeuvre les politiques et les formalités de notre gouvernement.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, après quoi je vous parlerai des deux propositions que j'ai soumises relativement à ce projet de loi-ci. Ce que lisais à l'instant, c'était la correspondance entre M. Green et la ministre, où celle-ci admet qu'il y a des divergences mais souligne également le fait qu'on a apporté plusieurs changements en conséquence des nombreuses consultations auprès du Barreau.

Le président: Je ne crois pas que la loi ait pour but de satisfaire le Barreau, mais je...

Mme Anita Neville: Je comprends cela, monsieur Fontana.

Le président: Une seule personne peut répondre, donc choisissez...

Allez-y, Ben. Monsieur Trister.

M. Ben Trister: Dans nos observations sur la qualité des décisions et la qualité du travail des agents à l'étranger, nous avons dit essentiellement la même chose que le vérificateur général. Il y a des problèmes et il y a pénurie de ressources. Nous reconnaissons qu'il y a pénurie de ressources. Nous admettons parfaitement que la plupart de ces personnes travaillent dur, sont bien intentionnées, et même que les personnes qui s'écartent du droit chemin, le font parce qu'elles sont bien intentionnées et non mal intentionnées.

Écoutez nos observations et lisez les transcriptions de nos témoignages, vous allez voir que nous ne critiquons nullement le ministère pour ce qui est de sa gestion quotidienne compte tenu des difficultés qu'il a.

J'affirme cependant qu'on a fait seulement semblant de nous consulter. Nous sommes nombreux à croire que le ministère nous consulte strictement pour dire qu'il nous a consultés, mais qu'il retient bien peu de choses de ce que nous lui disons. Nous n'essayons pas d'infléchir son action, nous faisons simplement ressortir les effets de son action.

Je suis membre du Barreau du Haut-Canada. Lorsque je me prononce sur des questions de politique gouvernementale, le Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada m'oblige à défendre ce que je crois être l'intérêt national. Lorsque je me prononce sur des questions d'intérêt public, je ne peux pas plaider en faveur de mes clients; autrement, je me rendrais coupable d'inconduite.

Je vous dis que l'Association du Barreau...relisez notre texte, nous vous disons comment nous comprenons ce que le gouvernement essaie de faire et pourquoi nous pensons que le gouvernement n'atteindra pas son objectif. Je ne vous dis pas, par exemple, d'abaisser de cinq à deux le nombre d'années de résidence. Il appartient au gouvernement d'en décider. Je ne vous dis pas non plus de ne pas exiger la carte de résident permanent. Il appartient au gouvernement d'en décider. Mais je vous dis que si vous faites certaines choses de certaines manières, voici les effets que vous obtiendrez. Et je vous dis—et je n'hésite nullement à vous le dire—que lorsque le ministère vous a fait connaître sa position, il ne vous a pas donné tous les faits. À mon avis c'est honteux. À titre de Canadien, c'est ce que je pense.

Le président: Il entre dans nos responsabilités de nous assurer que...

M. Ben Trister: Cela entre dans nos responsabilités aussi.

Le président: ...d'entendre le point de vue des témoins, mais nous consultons les gens du ministère. Croyez-moi, jusqu'à présent, nous les avons rencontrés trois fois, ce qui est sans précédent dans ce processus, et nous les rencontrerons de nouveau à notre retour.

M. Ben Trister: J'ai une dernière chose à dire. Notre crainte au sujet du processus réglementaire n'a nullement changé. Je vous rappelle que lorsque le gouvernement a proposé les changements à la CNP, lorsqu'il a adopté le nouveau répertoire de professions pour remplacer l'ancien, l'Association du Barreau canadien a dit que vous alliez néantiser 40 p. 100 d'immigrants, alors que le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qu'a publié le ministère à l'appui au projet de loi disait qu'il ne toucherait—et je cite—«qu'une poignée d'immigrants». Au bout du compte, ce sont 35 p. 100 des immigrants qui ont été touchés; on a exclu 35 p. 100 des immigrants qui auraient réuni les conditions voulues mais qui ne le pouvaient plus.

Pour contester notre position, certains ont cherché à diffamer l'objectif et le rôle de l'Association du Barreau canadien dans ce débat. Mais notre rôle consiste à vous présenter une analyse objective, et fondée en droit de la mesure législative. C'est ce que nous vous soumettons.

Le président: Merci, Ben.

En réponse à la même question, Michael, au nom de la coalition...

M. Michael Schelew: Je vais parler moi aussi en tant qu'avocat, même si je représente aujourd'hui la coalition.

• 1730

Madame Neville, en réponse à ce que vous avez dit au sujet du manque de respect que vous nous prêtez à l'égard du ministère, nous sommes très attachés à la légalité, et je veux croire que vous y êtes attachée autant que nous.

Mme Anita Neville: C'est pourquoi je suis ici.

M. Michael Schelew: Très bien. Les tribunaux de notre pays jouent un rôle essentiel dans le respect de la légalité.

Nous croyons qu'il existe une attitude au ministère—et cela ne date pas d'hier, c'est une attitude qui existe depuis fort longtemps—une attitude hostile à tout examen extérieur. Le ministère n'aime pas que l'on contrôle son action. Ce ne sont pas tous les fonctionnaires qui sont comme ça, mais il existe une école de pensée au sein du ministère qui veut réduire le rôle des tribunaux dans l'application de la Loi sur l'immigration. Nous ne sommes pas du tout d'accord. J'espère que vous n'êtes pas du tout d'accord non plus.

Les examens judiciaires, les contrôles et la reddition de comptes sont essentiels pour notre gouvernement et notre démocratie, et nous tenons à protéger cela.

Le président: Merci.

Anita.

Mme Anita Neville: Excusez-moi. Permettez-moi de...

Le président: Alors je vais céder la parole à Joe, et je reviendrai à vous dans un instant.

M. Joseph Volpe: Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous prie d'être patient avec moi aussi. J'aurais besoin d'un peu de patience.

Le président: Tout le monde met ma patience à l'épreuve.

M. Joseph Volpe: J'ai lu les textes de fond, comme nous l'avons tous fait, présentés par l'Association du Barreau canadien. J'ai pris connaissance de la réponse du ministère et de celle de la ministre. Je lis toujours ces textes dans l'esprit où ils ont été écrits. J'imagine que ces textes visent à éduquer les législateurs. C'est-à-dire nous.

J'ai appris à faire la différence entre le substantiel et le superficiel. Certains textes que nous avons reçus—et je ne veux pas défendre les intervenants ici présents, et il ne s'agit pas seulement de l'Association du Barreau canadien mais de tous les autres aussi—et je dirai que certaines communications sont tellement excessives qu'elles n'éveillent que le sarcasme. J'aimerais dépasser cela, monsieur le président.

En dernière analyse, pour bien comprendre toutes les ramifications de ce projet de loi, j'aimerais que notre comité réunisse une table ronde où nous entendrions des avocats du ministère de la Justice, qui sont, j'imagine, ceux qui conseillent le ministère dans l'élaboration des projets de loi, et j'aimerais que l'on invite des intervenants choisis, comme ceux que nous avons entendus aujourd'hui, qui ne seraient pas nécessairement tous de l'Association du Barreau canadien, mais qui représenteraient une palette d'experts que notre comité a déjà entendus. J'aimerais qu'on les réunisse. D'autres comités l'ont déjà fait. Et nous pourrions ensuite terminer la discussion avec les autres participants pour nous assurer que la perception que nous avons de certains articles du projet de loi est fondée sur les mêmes faits ou sur les mêmes analyses.

Je dois vous dire que mon père aimerait penser que j'ai appris quelque chose à l'école, lorsque j'ai obtenu mes diplômes, etc., mais chaque fois que je lis quelque chose, je me rends compte que quelqu'un d'autre a une perception différente. J'ai donc fait enquête comme certaines personnes ici présentes. Ces personnes ont accompagné la ministre, moi non. Mais j'ai rencontré des gens sur le terrain.

Je dois vous dire tout de suite qu'il n'y a pas unanimité entre les fonctionnaires au sujet de ce projet de loi. Et il n'y avait pas d'unanimité non plus au sujet du projet de loi C-31.

Cela dit, monsieur le président, si vous voulez que je propose une motion en bonne et due forme pour que cette table ronde ait lieu, je le ferais. Autrement, j'aimerais que tous les membres du comité ici présents considèrent mon intervention comme étant une demande en faveur de cette suggestion.

Le président: Je ne vous permettrai pas de proposer une motion en bonne et due forme parce que...

M. Joseph Volpe: Je ne vous ai pas donné 48 heures d'avis.

Le président: C'est exact, et le comité ne votera pas. Vous avez été président, vous le savez donc. Et deuxièmement, votre proposition sera étudiée en temps utile.

M. Joseph Volpe: Merci beaucoup.

Le président: Maintenant, posez votre question si vous le voulez, Joe.

M. Joseph Volpe: Non, je vais poser une série de questions.

Premièrement, votre groupe et l'autre, ainsi que d'autres groupes, ont fait état des bons éléments ou aspects de ce projet de loi, mais dans tous les cas, j'ai entendu des gens dire que le ministère était en mesure de se tirer d'affaire aujourd'hui. Dans mon esprit, monsieur le président, cela veut dire que tous ces éléments positifs que nos intervenants ont attribué à ce projet de loi—que ce soit le cas ou non, c'est ce qu'ils ont dit—peuvent être réalisés par voie de règlement...et non par voie législative, mais bien par voie de règlement.

• 1735

Voilà donc la toute première question que je pose aux personnes ici présentes parce que je ne peux pas poser les autres. Y a-t-il quoi que ce soit dans ce projet de loi-ci qui ait un mérite quelconque et qu'on ne peut pas réaliser en modifiant les règlements actuels? C'est ma première question.

Le président: Merci, Joe. Excusez-moi, nous devons passer à autre chose.

M. Michael Schelew: Je vais m'en tenir aux dispositions visant les réfugiés. Mon collègue vient de vous dire quÂoutre les dispositions visant les réfugiés, c'est non. Toutefois, j'aimerais vous dire quelque chose. Les dispositions visant les réfugiés que la ministre a présentées sont très importantes et représentent un pas dans la bonne voie—par exemple, la création de la Section d'appel des réfugiés. À mon avis, pour répondre à votre question, ce n'est possible qu'en adoptant une loi à cet effet.

Le président: Monsieur Green.

M. Stephen Green: Néanmoins, il existe de nombreuses autres dispositions dans la loi actuelle qui portent sur la sélection des immigrants et des membres de la catégorie «regroupement familial». Tout cela est possible aujourd'hui aux termes de la loi actuelle.

Le président: Gloria, avez-vous un commentaire?

Mme Gloria Fung: Nous estimons que de nombreuses propositions concernant le regroupement familial pourraient également figurer dans ce projet de loi, je songe notamment à l'élargissement de la définition du regroupement familial, à la création d'une catégorie des revendicateurs au Canada ainsi qu'à l'inclusion des parents dans le regroupement familial. Tout cela pourrait faire partie du projet de loi plutôt que d'être traité par réglementation.

M. Joseph Volpe: J'invoque le Règlement. Ma question, en fait visait à savoir si quelque chose a un certain mérite, comme l'exemple que vous avez donné, pouvons-nous procéder actuellement au moyen des règlements ou devons-nous attendre l'adoption du projet de loi?

Le président: Je pensais que c'est ce que j'avais entendu et ce que je demandais, mais Gloria nous a rendus perplexes. Joe demandant, pour les propositions que vous voulez inclure, si on peut accepter que cela se fasse par réglementation aux termes de la loi actuelle?

Mme Gloria Fung: Je pense que si nous incluons toutes ces propositions dans la réglementation, elles seront sujettes au pouvoir discrétionnaire des fonctionnaires et cela limitera également la consultation.

Le président: Donc vous voulez une nouvelle loi.

Mme Gloria Fung: Oui.

Le président: Ezat.

M. Ezat Mossallanejad: À notre avis, en ce qui concerne la protection des survivants de la torture, c'est dans la loi même qu'on doit trouver des dispositions qui serviront de directives pour la formulation des règlements et des politiques. Cela fait grandement défaut. Il y a quelques mentions de la Convention contre la torture, mais il y a certaines dispositions dans la Convention qui devraient expressément être mentionnées dans la loi même.

Le président: Robin, rapidement.

M. Robin Seligman: Oui, de nombreux éléments positifs dont on parle, tels qu'élever l'âge des personnes à charge et élargir la définition du regroupement familial, dont le CNCC a parlé, pourraient être adoptés immédiatement par règlements, ce dont nous serions très heureux.

En ce qui concerne la loi, de notre point de vue, il est inacceptable de modifier la loi pour faire passer cela rapidement. Je ne pense pas que ce soit nécessaire. En ce qui concerne les problèmes existants, apporte des modifications à la loi n'arrangera pas nécessairement les choses. Le problème tient au manque de ressources, aux attitudes et à l'application de la loi actuelle. Par exemple, de nombreux problèmes qui entourent la réaction spontanée d'éliminer le droit d'appel dans les cas de crimes graves découlent de plusieurs incidents auxquels ont participé des personnes qui étaient au Canada sans statut. Cela ne changera pas avec une nouvelle loi.

En fait, il existe actuellement un mécanisme d'application, mais on ne l'utilise pas bien. Ce serait toutefois possible. C'est une question de ressources et de financement. Ce n'est pas nécessairement la faute du ministère, mais il doit financer les ressources et faire correctement ce qu'il a actuellement le pouvoir de faire. Ce n'est pas en changeant la loi que l'on va nécessairement changer quoi que ce soit.

Le président: Anita.

Mme Anita Neville: Si vous le permettez, monsieur le président, si j'ai bien compris, les amendements sont présentés à la suite de consultations avec l'Association du Barreau canadien, particulièrement dans le cas de la disposition voulant que les parents fassent partie du regroupement familial et l'exemption qui permettrait aux conjoints parrainés, aux partenaires, aux enfants à charge, aux réfugiés et à leurs personnes à charge, de se soustraire aux exigences excessives en matière de dossier médical. Voilà ce que j'ai cru comprendre.

Je vous vois hocher la tête.

• 1740

Je veux simplement revenir sur deux propositions que j'ai formulées. Et en passant, je tiens à vous remercier de vos réponses à mes questions. Elles étaient excellentes. Elles étaient bien pensées. Mais mon problème existe toujours, et nous pouvons en discuter davantage.

À l'article 42, qui porte sur l'accès à la procédure de reconnaissance du statut de réfugié, je propose d'ajouter: «Un étranger, sauf pour le résident permanent ou la personne à protéger, interdiction de territoire pour inadmissibilité...»

Ensuite, en ce qui concerne le séjour pour motif d'ordre humanitaire, une des garanties les plus importantes du régime à mon avis, je propose de rayer à l'alinéa 26c): «dans le cas d'attribution déléguée au titre du paragraphe 6(2) à l'article 25». Je pense que cela éliminerait le pouvoir de limiter, de quelque façon que ce soit, l'accès à un examen pour motif d'ordre humanitaire par règlement.

C'est ce que je vous soumets. Je sais que vous avez un autre groupe à rencontrer, mais c'est une proposition qu'on vous fera.

Le président: Merci, Anita.

Permettez-moi de terminer cette partie en commençant par vous remercier.

Ensuite, incontestablement, les gens veulent une bonne loi, et nous tentons d'en élaborer une. Jusqu'à présent, d'après les mémoires et consultations effectués depuis trois ou quatre ans...il ne faudrait pas juger du produit final tant que nous n'aurons pas entendu tous les témoins et que nous n'aurons pas tenu toutes nos discussions en comité. Je ne veux pas prêcher par excès de zèle, parce que j'ai entendu peut-être tous les avocats dire, nous avons déjà une bonne loi; n'y touchons même pas, mais prenons plus de règlements. Par ailleurs, vous dites qu'on ne peut pas faire confiance aux règlements. On me dit des choses différentes qui prêtent à confusion.

Plusieurs groupes qui s'intéressent aux questions d'immigration et des réfugiés sont évidemment favorables à certains aspects, et il y a du bon et du mauvais dans toutes les lois. C'est à nous de tenter de tirer ça au clair et d'apporter des améliorations. En dernière analyse, si nous obtenons une bonne loi et une réglementation transparente qui permet d'exiger des comptes, nous aurons le meilleur des mondes. Voilà ce que nous tentons de faire, et sans votre aide, ce serait probablement impossible.

Donc je vous remercie tous beaucoup de votre contribution et nous serons heureux de recevoir d'autres commentaires avant de passer à la tâche difficile de l'examen article par article. Merci beaucoup.

Nous sommes un peu en retard. Il nous reste un dernier groupe de témoins que nous voudrions entendre. Il s'agit de représentants du Congrès national des Italo-Canadiens, du YWCA, Ramgarhia, VIVE La Casa, et M. Mnan, je pense.

• 1745

Vous êtes notre dernier groupe de témoins d'aujourd'hui et je tiens à vous remercier de votre patience et de votre présence. Comme vous le savez, comme vous pouvez le voir, nous sommes très intéressés par ce que vous pensez, par vos opinions, et nous aimons poser beaucoup de questions à nos témoins. Je tiens donc à vous remercier de votre participation, d'avoir pris le temps et fait l'effort de venir nous voir et du travail que vous faites quotidiennement.

Nous avons le Congrès national des Italo-Canadiens. Ciao. Come stai, Signor Carella? Parlons un peu italien et désarçonnons les interprètes.

M. A.L.P. Carella (président, Congrès national des Italo- Canadiens, district de Toronto): Heather McGregor du YWCA m'a demandé si elle pouvait passer en premier car elle doit assister à une importante réunion du conseil d'administration.

Le président: Oui. Mme McGregor du YWCA.

Mme Heather McGregor (directrice administrative, YWCA de la région du Grand Toronto): Oui. Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité.

Je n'ai jamais en fait comparu devant un comité comme celui-ci et j'ai été un peu naïve en calculant le temps nécessaire. Néanmoins, c'est formidable, vraiment.

Le président: Merci.

Mme Heather McGregor: Je suis la directrice administrative du YWCA de la région du Grand Toronto, mais je suis ici aujourd'hui pour représente le YWCA de tout le Canada avec ma collègue Darina Vasek qui travaille au bureau national.

Nous sommes une organisation nationale qui représente 42 YM-YWCA partout au Canada, de Saint-Jean, Terre-Neuve, à Victoria, Colombie-Britannique. Nous existons depuis plus de 125 ans et nous avons une longue expérience du travail avec les immigrants et les nouveaux arrivés et beaucoup de nos associations offrent de nombreux services aux immigrants et aux réfugiés. Au YWCA de Toronto, en fait, nous avons une panoplie extraordinaire de programmes à l'intention des enfants immigrants qui ont été victimes de torture dans leur pays d'origine.

Je vous remercie beaucoup de cette nouvelle politique qui est proposée. Dans le cadre des consultations, nous avons présenté un mémoire qui comporte 13 recommandations. J'aimerais vous parler de trois d'entre elles et dire que nous appuyons le Livre blanc sur le projet de loi C-11 présenté par la Canadian Coalition for a Just and Fair Immigration Policy.

Environ 80 p. 100 des réfugiés actuels du monde sont des femmes et des enfants, mais le Canada n'accueille que 50 p. 100 de femmes réfugiées. Manifestement, cette question nous intéresse. Nous estimons par conséquent que les femmes n'ont pas la même possibilité d'accès au Canada, et dans leur pays d'origine, elles n'ont pas un accès égal à la propriété foncière aux ressources, à la formation, à l'éducation et à d'autres possibilités. Nous considérons que les femmes font également l'objet de persécution propre à leur sexe telle que la violence familiale, le viol, la torture et la mutilation génitale.

La première recommandation que nous voulons mentionner, c'est celle qui demande une analyse propre à chaque sexe de toutes les dispositions actuelles et proposées dans le projet de loi. Cela n'a pas été fait ou si cela a été fait, on n'a pas disséminé l'information encore.

Deuxièmement, j'aimerais parler du programme concernant les aides familiaux résidants qui touche essentiellement les femmes. Nous encourageons le gouvernement à améliorer ce programme à cause de l'incidence qu'il a sur les femmes qui y participent.

• 1750

Actuellement, les femmes qui obtiennent l'autorisation de venir au Canada dans le cadre de ce programme doivent passer deux ans à travailler comme bonnes d'enfants ou autre type de soignantes et vivre chez leur employeur. Ce n'est qu'une fois ce critère respecté, qu'elles peuvent présenter une demande pour obtenir le statut de résident permanent. Nous estimons que les femmes qui viennent au Canada pour combler des postes de travail ménager sont semblables aux autres immigrants qui sont choisis pour venir au Canada en fonction de la demande du marché du travail et qui obtiennent ce statut à leur arrivée. Nous pensons que c'est injuste et qu'exigeant que cette catégorie d'immigrantes se conforment à des exigences aussi rigoureuses avant même d'être admissibles au statut de résident permanent on applique en fait deux poids deux mesures.

Nous constatons que ce programme n'est pas visé dans le projet de loi et nous craignons que ces femmes demeurent très vulnérables. Nous recommandons que les requérantes admissibles reçoivent le statut de résident permanent au lieu d'une autorisation d'emploi temporaire à leur arrivée au Canada.

Troisièmement, j'aimerais parler des femmes réfugiées. Nous sommes inquiets de voir que l'on dresse des obstacles supplémentaires pour empêcher aux réfugiés qui arrivent au Canada d'avoir accès au système de détermination du statut de réfugié. Il y a des directives concernant la persécution fondée sur le sexe, mais elles n'ont pas valeur de loi et les commissaires ne sont pas obligés de les respecter. À notre avis, le projet de loi doit comprendre cet aspect du sexe comme tel ou dans le contexte plus vaste d'une liste ouverte de groupes sociaux dans la définition de réfugiés au sens de la Convention.

Les obstacles à la présentation d'une demande du statut de réfugié sont particulièrement dangereux pour les femmes. Il est moins probable que les femmes, contrairement aux hommes, aient accès à de l'information et à des conseillers. Les femmes qui ont survécu à la violence sexuelle ont parfois besoin de temps et d'information sur leurs droits pour présenter une demande de statut de réfugié fondée sur les sévices dont elles ont fait l'objet dans leur pays d'origine. L'interdiction de présenter une deuxième demande nuira aux femmes qui n'ont pas eu l'occasion d'expliquer la persécution dont elles ont fait l'objet dans la première demande parce que leur conjoint était le revendicateur principal. En outre, certaines femmes n'ont peut-être pas invoqué la persécution fondée sur le sexe dans la première demande, mais apprennent par la suite qu'elles ont le droit de le faire dans leur deuxième demande.

Nous recommandons donc en troisième lieu que le gouvernement canadien s'assure que le projet de loi ne soit pas discriminatoire envers les immigrantes et réfugiées et tout particulièrement que les risques fondés sur le sexe associés au retour des femmes réfugiées dans leur pays d'origine soient évalués à fond avant que de telles décisions ne soient prises.

Je tiens à vous remercier beaucoup d'avoir écouté nos commentaires sur ce projet de loi. J'espère que certaines de nos suggestions pourront y figurer.

Le président: Merci. Pour une première fois, vous vous êtes très bien tirée d'affaire. Revenez nous voir.

Mme Heather McGregor: Merci beaucoup. Si vous voulez bien m'excuser, ma collègue Darina sera là pour répondre à vos questions.

Le président: Nous la mettrons à l'épreuve.

Mme Heather McGregor: D'accord. Je ne sais pas si elle a déjà comparu devant un comité, mais je sais que vous serez plein d'amabilité à son égard.

Le président: Merci Heather, et merci au YMCA et au WCA—oui, les YWCA. Ma vue baisse. C'est à cause de la lumière. Le seul moyen pour moi d'obtenir un bronzage dans ce pays serait de rester sous cette lumière encore quelques heures. Merci beaucoup.

Signor Carella.

M. A.L.P. Carella: Merci monsieur le président.

Je désire préciser que je ne représente pas le Congrès national des Italo-Canadiens, mais le Congrès national des Italo- Canadiens, district de Toronto.

Le président: D'accord.

M. A.L.P. Carella: Notre association représente les 500 000 à 600 000 Italiens de la région métropolitaine de Toronto. Elle existe depuis 1974. J'aimerais que vous sachiez que le Congrès national, district de Toronto, partage les préoccupations exprimées au gouvernement par la Canadian Coalition for a Just and Fair Immigration Policy, groupe dont nous sommes membres, au sujet du projet de loi C-11. Cependant, mes observations ne porteront que sur les aspects de la loi proposée qui ont une répercussion directe sur une grande partie de la communauté italo-canadienne: ceux qui ont le statut de résident permanent.

Nous avons formulé trois recommandations. La première touche le droit de rentrer au pays qui devrait être garanti aux résidents permanents, ainsi qu'un droit d'appel au Canada, au cas où le droit de rentrer au pays d'une personne à titre de résident permanent, serait contesté. Nous nous appuyons sur le fait que de nombreux Italos-Canadiens ont le statut de résident permanent au Canada depuis des décennies et donc apportent et continuent d'apporter une contribution importante à ce pays. Le fruit de leur travail accroît la richesse du pays: leurs impôts financent les gouvernements à tous les niveaux et, qui plus est, ils inculquent à leurs enfants un amour du pays qu'ils ont adopté comme le leur.

À l'heure actuelle, ils ont un statut défini lorsqu'ils sont résidents permanents. Ce statut leur assure le droit de rentrer au Canada après des vacances à l'étranger, des visites chez des membres de la famille en Italie ou ailleurs, des voyages d'affaires, etc. Si un problème survient au moment de rentrer au Canada il existe un processus permettant de déterminer de nouveau leur statut.

• 1755

Comme vous l'avez entendu plus tôt, le projet de loi C-11 redéfinit le résident permanent comme étant un étranger. Un agent d'immigration pourra donc refuser l'entrée au pays à une personne s'il n'est pas convaincu que le résident permanent est en règle. Il se peut que le résident qui rentre au pays ait égaré sa preuve de résidence, qu'on la lui ait volée, ou que le document soit périmé. Dans de tels cas, faudra-t-il que le résident permanent à qui on a refusé l'accès au pays soit obligé d'interjeter appel de l'extérieur du Canada? Ce n'est pas notre avis.

Notre deuxième recommandation est que les résidents permanents ne doivent pas être expulsés automatiquement sans accès à un quelconque processus d'examen. Selon le projet de loi, ceux qui sont reconnus coupables d'infraction criminelle grave et sont condamnés à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, sont automatiquement expulsés sans droit d'examen. Selon la loi proposée, peut importe que la personne ait vécu au Canada depuis son enfance, qu'elle ait un conjoint, des enfants ou des parents au Canada, que sa condamnation soit un incident isolé, ou qu'elle ait une possibilité réelle de réadaptation. Bref, le projet de loi manque complètement de souplesse, ne tient absolument pas compte des éléments de la situation qui doivent être pris en considération étant donné les conséquences que peut avoir un tel manque de souplesse.

Le droit d'appel n'interdit pas l'expulsion, mais le projet de loi C-11 est arbitraire à cet égard et viole la notion de justice telle qu'elle est comprise par le Canadien moyen. C'est pourquoi, nous recommandons que les résidents permanents ne soient pas expulsés automatiquement sans avoir accès à un processus d'examen quelconque.

Notre troisième recommandation vise à éliminer l'exigence de demande d'autorisation pour les examens judiciaires de détermination en vertu de la Loi sur l'immigration modifiée. Le projet de loi C-11 permet aux agents d'immigration d'exiger qu'un résident permanent, à tout moment, réponde à des questions et présente ses papiers sous peine de cinq ans de prison ou d'une amende de 100 000 $. Aucune limite n'est imposée au nombre ou à la portée des interrogations. De plus, en vertu du projet de loi C-11, un résident ne pourra interjeter appel qu'avec l'autorisation de la Cour fédéral du Canada et aucun recours n'est prévu si ce droit d'appel n'est pas accordé. Cette exigence est déraisonnable et inutilement onéreuse. De plus, elle garantit un pouvoir absolu aux agents d'immigration, ce qui viole la notion de justice telle qu'elle est comprise par le Canadien moyen.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, monsieur Carella.

Nous passons maintenant à la Ramgarhia Association of Ontario, Grumail Saggu et Harby Rakhra.

M. Grumail S. Saggu (président, Ramgarhia Association of Ontario): Je suis le président de la Ramgarhia Association of Ontario. D'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à toute votre équipe qui est venue ici pour écouter les préoccupations au sujet des immigrants, et pour entendre ce qu'ont à dire les gens—les réfugiés ainsi que les immigrants—et leur apporter la perspective de bien vivre.

Nous sommes une fondation sociale qui compte plus de 500 membres. Nous remercions le gouvernement du Canada d'offrir aux immigrants l'occasion de venir au Canada, le meilleur pays au monde. Cependant, à cause de leurs circonstances actuelles et passées, on ne semble se concentrer que sur les réfugiés et sur les questions qui s'y rattachent. Mme Rakhra vous fera part de nos préoccupations.

Mme Harby Rakhra (Ramgarhia Association of Ontario): Bonjour à tous. Je m'appelle Harby Rakhra. J'essaierai d'être brève.

Nous voulons vous présenter six points. D'abord, l'élargissement de la définition des exigences concernant le regroupement familial. Malgré les améliorations apportées avec ce nouveau projet de loi, la question des frères et des soeurs n'est toujours pas abordée. Je crois qu'on devrait en tenir compte si nous voulons vraiment parvenir au regroupement familial.

C'est l'ABC qui a soulevé le prochain point, soit les lois et règlements. La loi comporte trop de généralités. Le transfert des lois aux règlements est extrêmement dangereux. Nous y sommes totalement opposés. Par exemple, en vertu du paragraphe 44(2), ce seront les règlements qui détermineront la façon dont seront tenues les audiences. On voit là une porte grande ouverte aux violations des droits de la personne. Il faut que cela passe par le processus parlementaire.

Le paragraphe 64(2) a aussi été mentionné auparavant concernant les résidents permanents qui sont reconnus coupables d'un crime. On leur retire tous droits d'appel. Ici aussi nous nous opposons tout à fait à cette disposition. Je crois qu'on devrait examiner les circonstances et tenir compte de la situation.

• 1800

En vertu de l'article 28, si vous perdez votre statut permanent, une carte de résident permanent vous sera émise. Je crois que l'ABC a soulevé ce point un peu plus tôt également, je devrais donc me joindre à leur groupe, même si je ne suis pas avocate. Encore une fois, c'est une injustice pour ce qui est d'avoir accès au Canada.

Nos valeurs sont extraordinaires. Je suis arrivée ici à l'âge de 11 ans. J'aime ce pays et toutes ses lois. Grâce à ces lois, nous avons une qualité de vie exceptionnelle ici. Je voulais simplement le mentionner.

Certains pays exigent un visa, et d'autres pas. J'ai toujours trouvé cela tout à fait injuste. Je suis également une ancienne agente d'immigration—j'ai travaillé au service d'immigration il y a environ 10 ans—alors je parle en connaissance de cause.

Le paragraphe 27(2) indique: «Un résident permanent est assujetti aux conditions imposées par règlements.» Le pouvoir de preuve de règlements est très étendu, ce qui pourrait aboutir à imposer aux immigrants des conditions arbitraires. Cela me fait peur. C'est un article très inquiétant. Nous aimerions que vous examiniez cet article à nouveau. C'est primordial pour moi et pour notre organisme.

L'alinéa 61a) porte sur les règlements et précise ensuite les motifs pour la mise en liberté d'immigrants détenus. En vertu de la loi actuelle, les immigrants détenus ne sont pas mis en liberté s'ils présentent un danger public ou si l'on craint qu'ils ne se présentent pas à leurs audiences. À mon avis c'est merveilleux. Je ne vois pas pourquoi on voudrait changer cela. En vertu des nouveaux règlements, ce sont les agents d'immigration qui prennent la décision. C'est dangereux. Ce ne sont pas nos valeurs canadiennes. Voilà le point que je voulais soulever.

De plus, lorsqu'on concède le statut à un réfugié, on lui dit qu'il a besoin d'un passeport. Son pays d'origine ne lui délivrera pas de passeport, alors il perd son droit de revendiquer le statut de résident permanent. Il y a ici aussi un manque total de logique.

Les cas de mariage, surtout en provenance de l'Inde, posaient un problème lorsque j'étais au ministère. Ces cas sont toujours un problème. Dans les cas de mariages arrangés, 48 p. 100 sont rejetés, même aujourd'hui. Il faudrait peut-être dispenser une formation visant à sensibiliser le personnel du ministère aux réalités culturelles... Je ne sais trop, mais en tant qu'ancienne agente d'immigration, je dois admettre que j'avais un énorme pouvoir de décision sur l'avenir d'un autre être humain.

Je crois que tout cela doit émaner du sommet de la hiérarchie. Il faut qu'il y ait manifestation de leadership, puis une discussion des valeurs et de la déontologie du ministère. À mon avis c'est ce qu'il faut. Il faudrait peut-être aussi voir ce qui se passe concernant les valeurs et la déontologie au ministère du DRHC. Ils ont publié un document—je crois que c'était l'année dernière—qui est absolument extraordinaire. À mon avis ce serait une imitative très positive.

Le président: Merci, Harby, de cet aperçu et de ces recommandations.

Nous passons maintenant à l'organisme VIVE La Casa, M. Long et Deborah Greitzer. Bienvenue.

M. John R. Long (directeur général, VIVE La Casa): Merci beaucoup de nous accueillir cet après-midi. Nous vous sommes particulièrement redevables puisque nous sommes un organisme de Buffalo, dans l'État de New York. Nous vous sommes reconnaissants de vous avoir adressé cette invitation, nous sommes conscients que vous n'y étiez pas contraints.

Nous estimons pouvoir apporter une contribution utile à vos délibérations, puisque nous travaillons presque exclusivement avec des réfugiés qui viennent au Canada. Le CIC, les autorités d'Immigration Canada à Fort Erie et à Niagara Falls nous ont confié la tâche de remplir les documents que les réfugiés doivent apporter avec eux. Autrement dit, les réfugiés doivent venir nous voir d'abord pour remplir les formulaires et puis les envoyer. Nous avons donc une bonne relation de coopération avec le CIC, ainsi qu'avec le ministère d'Immigration des États-Unis.

Nous avons préparé un document. J'espère que vous l'avez reçu. On y soulève quatre points, mais je vais surtout parler de celui qui concerne les personnes qui revendiquent le statut de réfugié une deuxième fois.

Je vais vous parler un peu de nos antécédents. Au départ, ce sont des soeurs catholiques qui ont constitué l'organisme en 1984. Nous sommes un groupe confessionnel non sectaire. Nous accueillons tout le monde et nous aidons tout le monde. Nous sommes un organisme à grande échelle, mais nous faisons preuve d'un engagement auprès des personnes que nous tentons d'aider. Nous fournissons nourriture, hébergement, soins médicaux ainsi que de l'aide juridique—particulièrement avec le système canadien, mais aussi le système américain.

• 1805

Je reviens maintenant à ce que je disais il y a une seconde. Il y a environ un an, j'ai eu l'occasion d'entendre Peter Showler, président de la CISR. Il disait que son organisme, le CISR, constituait le tribunal le plus important au Canada au chapitre du nombre de cas entendus et que chacun de ces cas était d'une importance primordiale puisque dans chacun de ces cas, si une erreur était commise, cela pourrait se traduire par une condamnation à mort. J'ai oublié tout le reste de son discours, mais cela est resté gravé dans ma mémoire. C'est une déclaration qui impressionne énormément. Voici le rôle que nous voulons assumer: nous voulons nous assurer que chacun ait sa chance—peut- être plus qu'une chance, mais deux—ou du moins être absolument certains, avant de renvoyer qui que ce soit, qu'on a pris la bonne décision.

Nous étions ici il y a quelque temps, et quelqu'un racontait qu'il croyait que dans 80 p. 100 des cas, les gens qui revendiquaient le statut de réfugié une seconde fois, étaient assurés d'une réussite. Nos statistiques ne sont pas aussi optimistes, mais d'après ce que nous ont dit les gens qui nous écrivent après être retournés au Canada, il y aurait un taux de réussite d'environ 50 p. 100 parmi les gens qui revendiquent le statut de réfugié une deuxième fois. J'ai eu une conversation fort intéressante avec un haut fonctionnaire de l'immigration, à Niagara Falls. Il m'a raconté qu'il avait mené sa propre étude à l'aide des cas qu'il avait pu retracer, et qu'il en était arrivé à la même conclusion; soit qu'il y a un taux de réussite d'environ 50 p. 100 parmi les gens qui revendiquent le statut de réfugié une seconde fois.

Je demanderai à Deborah de vous en parler, parce qu'elle est avocate et peut vous donner plus de précisions. Elle peut également vous citer des exemples de cas que nous avons réglés.

Mme Deborah Greitzer (avocate, VIVE La Casa): Je vais vous expliquer pourquoi certaines revendicateurs peuvent échouer la première fois, et pourquoi les gens revendiquent le statut de réfugié une seconde fois. Une des raisons découle des problèmes liés au processus à la CISR. Je crois toutefois que des gens tels François Crépeau se pencheront sur la question vendredi à Montréal. Puisque nous sommes de Buffalo, nous n'en discuterons pas.

Nous voyons souvent également une piètre représentation. Au Canada—qui, soit dit en passant, a un système différent de celui en vigueur aux États-Unis—les gens qui représentent les réfugiés ne sont pas tenus d'être avocats. Ils peuvent être des conseillers ou ce qu'on appelle notarios.

Je vous donne un exemple: j'avais une cliente, une jeune fille, qui avait quitté son pays à l'âge de 12 ans. Elle avait pris la fuite avec sa mère parce qu'elle ne faisait pas partie du bon clan. Elle a vécu pendant quelques années dans un camp de réfugiés jusqu'à ce que sa mère ait amassé assez d'argent pour l'envoyer au Canada, lieu où elle avait des parents éloignés. Elle ne parlait pas l'anglais à l'époque. Elle est arrivée seule et était représentée par un avocat qui a soumis une revendication passe- partout. Il affirmait que Ann méritait l'asile parce qu'elle pourrait être victime de persécution, de meurtre, de torture et de génocide. Voilà la revendication qui a été déposée et qui a été rejetée par la CISR. Lorsqu'elle est venue aux États-Unis—elle était retournée aux États-Unis, expulsée par le Canada en vertu de l'accord réciproque—elle a eu gain de cause aux États-Unis parce que je la représentais. C'est le genre de personne qui serait retournée au Canada et aurait présenté une deuxième revendication. Elle n'a vraiment jamais eu l'occasion de raconter son histoire.

• 1810

Les gens peuvent également être déboutés lors de leur première revendication pour des raisons personnelles ou culturelles. J'ai une cliente qui est également une jeune femme d'un autre coin du monde. Sa revendication a été entendue en même temps que celle de son frère, pour des motifs politiques qui ont eu des répercussions sur elle et sur sa famille. Dans sa déclaration, elle n'a pas parlé du fait qu'elle avait été violée de manière répétée, lorsqu'elle avait sept ans, dans une prison où elle était détenue. Elle a exclu ces renseignements parce qu'elle redoutait la honte que ressentiraient les hommes de sa famille lorsqu'ils seraient mis au courant. Sa revendication a également été rejetée par le Canada. En vertu de cette loi, elle ne pourrait pas présenter une deuxième revendication.

Je crois que Mme McGregor a également indiqué que parfois les femmes ne sont pas au courant qu'elles peuvent présenter une revendication fondée sur des motifs liés au sexe. Récemment, une femme est retournée au Canada pour présenter une deuxième revendication. Sa situation était semblable. Elle a peut-être eu un excellent avocat qui a écouté son histoire concernant son activisme politique. Elle ne l'avait pas mentionné parce c'était le motif que son mari utilisait pour la rouer de coups et la violenter constamment.

Certaines des revendications qui sont perçues comme étant faibles sont souvent dignes d'être bien accueillies. Je veux le souligner parce qu'on parle souvent de gens qui profitent du système.

Tout récemment, un homme est entré à nouveau au Canada pour présenter une troisième revendication. Il est détenu au Canada à l'heure actuelle. Je lui ai fait passer la frontière. Deux employés de la Wackenhut Corporation l'ont menotté à la hauteur de la taille et des jambes. Il est détenu par le CIC depuis plus d'un mois. Cet homme n'était pas persécuté; cependant, il a vu... Il est originaire du Sri Lanka. Il est Tamoul. Son exploitation agricole a été complètement détruite. Il était apparemment un agriculteur plutôt à l'aise. Son fils a été victime de violence, il a été battu puis emprisonné. Il a voulu défendre et protéger son fils et c'est pourquoi, il est finalement venu au Canada. Il n'a cependant pas été lui-même victime de persécution. Voilà pourquoi sa revendication a été rejetée. Étant donné que c'est un homme cultivé et qui a eu des chances de succès, il n'aime pas se plaindre ou parler de ses problèmes. Il n'a pas donné les détails de son histoire à son avocat. Voilà un homme qui a perdu sa cause à deux reprises au Canada, et à l'heure actuelle, il est détenu par le CIC.

En vertu de la loi en vigueur, ceci a été décrit comme une porte-tambour. Dans le cas de notre organisation, ce qui se produit vraiment, c'est que les personnes qui sont passées par les États-Unis y sont renvoyées en vertu de l'entente réciproque, et de là elles seront vraisemblablement expulsées par les États-Unis. Toutefois, étant donné que ces gens-là peuvent retourner au Canada après 90 jours, beaucoup d'entre eux se prévalent de ce droit. Comme le disait le révérend Long, plus de 50 p. 100 d'entre eux voient leurs demandes accueillies favorablement la deuxième fois.

Le projet de loi C-11 éliminerait cette possibilité. La seule occasion d'avoir un nouvel examen est offerte par un droit d'appel légèrement élargi. Toutefois, cela ne permettrait pas aux demandeurs réitérants de bénéficier d'une nouvelle audition de leurs demandes. De plus, il y a ce nouveau mécanisme que l'on appelle examens des risques avant renvoi, qui ne permet pas de présenter de nouvelles informations que dans les cas où ces renseignements ne pouvaient pas l'être à temps pour l'examen initial. Ni l'une ni l'autre de ces dispositions n'auraient protégé les clients dont je vous parlais un peu plus tôt.

Pour conclure, j'aimerais dire que la solution dans la façon de traiter les réfugiés dépend en grande partie de votre attitude. Souvent, on dit que nous sommes inondés de réfugiés, et j'ai entendu les membres du personnel du CIC parler de 30 000 réfugiés et ainsi de suite. Si vous considérez ces êtres humains comme une inondation, il va de soi que vous ressentiez le besoin d'ériger un barrage. Mais si l'on considère ces immigrants comme des personnes—Mohamed ou Maria—dans ce cas, il faut trouver une solution individuelle qui leur permette de raconter leur histoire.

• 1815

Le président: Merci beaucoup. Vous avez apporté un éclairage utile au comité.

Et maintenant la parole est à M. Mann, je crois. Il sera notre dernier témoin.

M. Harry Mann (South Asian Lawyers Association): Bonjour, monsieur le président et membres du comité.

Je m'appelle Harry Mann, et j'exerce la profession d'avocat depuis 19 ans. Pendant sept ans j'ai pratiqué en Inde, jusqu'à ce que je sois reçu à nouveau au Canada, après quoi je suis devenu membre du Barreau. J'oeuvre dans le domaine de la législation canadienne en matière d'immigration depuis plus de 13 ans. J'ai plaidé la cause de centaines de réfugiés, j'ai interjeté des appels devant la Section d'appel de l'Immigration, et j'ai plaidé maintes fois devant la Cour fédérale du Canada. Je suis également président de la South Asian Lawyers Association. Je témoigne aujourd'hui à titre personnel et au nom de la South Asian Lawyers Association.

Les Asiatiques du Sud représentent le plus important groupe d'immigrants au Canada à l'heure actuelle. Les nouveaux immigrants de l'Asie du Sud sont des entrepreneurs, des ouvriers qualifiés, en particulier dans les domaines technique et informatique, et des immigrants du regroupement familial. Tout le monde reconnaît que le Canada a besoin d'immigrants pour prospérer et se développer. Les lois canadiennes en matière d'immigration régissent l'entrée, le séjour, et le renvoi des résidents temporaires et permanents du Canada.

La manière dont le Canada traite ses résidents permanents est un facteur important pour ceux qui envisagent la possibilité d'immigrer dans ce pays. La réalité du traitement inégal qui est faite aux résidents permanents et aux citoyens du pays est un des facteurs importants dont doivent tenir compte les revendicateurs instruits et les résidents actuels, quand vient le temps de choisir leur futur pays de résidence, en particulier lorsqu'on considère que le Canada est en concurrence avec d'autres pays pour obtenir sa part d'immigrants.

À mon avis, le traitement inégal des résidents et des citoyens ne résistera pas à une contestation en vertu de la Charte. De telles limites imposées aux droits ne sauraient être justifiées dans une société libre et démocratique telle que le Canada. Nous avons examiné le projet de loi C-11. Nous avons aussi examiné toute la documentation de fond préparée par l'Association du Barreau canadien, et avons fait parvenir notre examen à l'honorable ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et aux honorables membres du comité permanent.

La South Asian Lawyers Association et moi appuyons pleinement toutes les recommandations proposées dans les neuf documents de fond déjà préparées et déposées par l'Association du Barreau canadien. Vous recevrez nos commentaires sur les cinq documents encore en voie de préparation lorsqu'ils seront terminés et déposés.

Outre les recommandations de l'Association du Barreau canadien relativement au contrôle judiciaire des décisions en matière d'immigration étudiées dans les huit documents de fond de l'Association du Barreau canadien, nous formulons également la recommandation suivante: au lieu d'exiger l'autorisation de la Cour fédérale pour en appeler des décisions des agents à l'étranger, dans les demandes autres que celles du regroupement familial, on devrait ajouter un alinéa à l'article 63 du projet de loi, qui devrait se lire comme suit:

    Les étrangers qui ont demandé le statut de résident permanent au Canada à un bureau des visas situé à l'étranger peuvent en appeler à la Section d'Appel de l'Immigration d'une décision refusant le visa de résident permanent à un étranger.

En vertu de la loi en vigueur, la Section d'Appel de l'Immigration n'entend pas les appels de statut de résident permanent dans les catégories autres que le regroupement familial. Malgré cela, nous croyons que la Section d'Appel de l'Immigration traite de questions complexes touchant à d'autres sujets à l'heure actuelle, et dispose des moyens nécessaires pour connaître aussi de ces appels.

Il y a déjà une jurisprudence considérable de la Cour fédérale du Canada pour éclairer les décisions de la Section d'Appel de l'Immigration dans les demandes touchant aux catégories autres que le regroupement familial. Ceci réduirait la charge de travail de la Cour fédérale du Canada; en outre cela contrerait aussi l'objection que l'on soulève selon lequel les vannes seraient ouvertes et que la Cour fédérale serait submergée si tous les appels étaient entendus par celle-ci.

Ce changement permettrait aussi de faire comprendre aux revendicateurs de catégories autres que le regroupement familial à travers le monde que nous prenons au sérieux leur désir de vouloir faire du Canada leur future patrie. Et s'ils sont contrariés par la décision d'un agent des visas, ils ont droit à une nouvelle tentative de prouver qu'ils satisfont aux exigences de la Loi sur l'immigration et à ses règlements.

En outre, nous croyons que les exigences prévues à l'article 40(1) sur la découverte des fausses déclarations sont très larges et pourraient rendre inadmissible un requérant qui fait des fausses déclarations sans intention malveillante, des déclarations faites de bonne foi et sans motif ultérieur. On peut penser, par exemple, à des incohérences dans les dates de naissance, dans la scolarité, etc., dans le cas des membres plus âgés d'un regroupement familial qui ne tireraient aucun profit de telles fausses déclarations, mais qui les font néanmoins en raison d'une insuffisance de documentation ou pour d'autres raisons qui ne sont pas malveillantes.

• 1820

En vertu de l'article 65, les résidents permanents qui arrivent au Canada dans la catégorie des indépendants dont les gens d'affaires, n'ont pas le droit d'invoquer des motifs d'ordre humanitaire lorsqu'ils interjettent appel à la Section d'Appel de l'Immigration. Non seulement cette discrimination se fonde-t-elle sur la catégorie des résidents permanents lorsqu'ils sont reçus au Canada, mais cela dit aussi que le Canada considère les immigrants de la catégorie des indépendants dont les gens d'affaires inférieurs à ceux de la catégorie du regroupement familial.

Lorsque la Section d'Appel de l'Immigration fait droit à l'appel en vertu du paragraphe 67(2), la Section d'Appel de l'Immigration devrait avoir l'autorité de donner d'autres directives aux bureaux des visas, à sa discrétion, en ce qui a trait au traitement de la demande de visa. Cela permettra à la Section d'Appel de l'Immigration d'exercer un certain contrôle sur les délais décisionnels causés par les bureaux des visas après l'appel. Dans certains cas, lorsque le droit à l'appel a déjà été accordé, les bureaux des visas peuvent mettre des années à traiter ces dossiers. Dans certaines des causes que j'ai plaidées, les requérants sont décédés pendant que leur demande était en traitement, ce qui a provoqué la frustration et la colère chez leurs parrains canadiens et les membres de leur famille.

Dans les cas où le ministre ou un fonctionnaire du ministre s'oppose à la mise en liberté pour des motifs très ambigus et très peu solides, les alinéas 58c) et 58d) ne laissent aucune discrétion à la section de l'immigration en matière de mise en liberté et de détention.

Enfin, rien dans le projet de loi ne garantit qu'on a songé à améliorer les normes de qualité dans le service offert par le ministère de l'Immigration au pays et à l'étranger. Ni les disproportions dans l'affectation des ressources aux différents bureaux d'outre-mer, ni les longues attentes dans certains de ces bureaux n'ont été mentionnées dans le projet de loi.

Nous espérons que ces questions seront étudiées de près car elles affectent des millions de Canadiens. En mon nom, et au nom de la South Asian Lawyers Association je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner. Nous sommes toujours prêts à participer à de tels forums pour effectuer un changement positif. Merci.

Le président: Je vous remercie, Harry.

Merci à tous d'avoir déposé ces mémoires. Nous allons maintenant passer aux questions.

Inky, la parole est à vous.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Merci d'être venus.

C'est étonnant, nous sommes ici depuis près de neuf heures, et l'on entend encore dire combien ce projet de loi menace le droit à la légalité et au contrôle judiciaire. C'est ce que l'on nous répète depuis maintenant trois jours. Je comprends bien l'importance de ce projet de loi en matière d'immigration. Comme je l'ai déjà dit, la loi dicte l'avenir des immigrants, comme ce fut déjà le cas dans le passé. Rétrospectivement, j'ai toujours espoir que nous avons tiré les leçons de l'histoire et que nous ne répéterons pas les mêmes erreurs. Peut-être ne suis-je pas réaliste.

J'ai une brève question pour M. Carella. Nous avons parmi nous deux députés de descendance italienne. Quelle est la réaction de la communauté italo-canadienne? Le fait que les résidents permanents soient désignés comme des étrangers dans le projet de loi soulève- t-il la colère? Quelle est la réaction instinctive au projet de loi dans la communauté italienne?

M. A.L.P. Carella: Comme je l'ai dit lors de mon intervention, la communauté est d'avis que le projet de loi met en place un système qui n'est pas équitable. La tâche des juges et des tribunaux quasi-judiciaires est d'assurer l'équité—de veiller à ce que justice soit faite. Ce n'est pas le rôle de l'agent d'immigration; sa tâche est d'appliquée les règlements. Où est la justice lorsque l'on élimine la possibilité d'examen? Où est la justice si vous ne pouvez interjeter appel sans obtenir l'autorisation de le faire, et vous n'ayez pas le droit d'en appeler d'une décision, sans être autorisé à le faire?

Le président: Madeleine, la parole est à vous.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui.

[Traduction]

Le président: Je voulais vous faire une surprise et...

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ma première question s'adresse à Darina. Dans l'exposé de Heather, on a fait allusion au Programme concernant les aides familiaux résidants. Ce que vous demandez, c'est qu'il soit amélioré, notamment en autorisant la demande de résidence permanente pour les personnes qui s'inscrivent à ce programme.

• 1825

Des intervenants d'autres groupes ont demandé que le programme soit carrément aboli.

J'aimerais donc savoir pour quelle raison vous voulez qu'il soit maintenu, mais amélioré.

[Traduction]

Mme Darina Vasek (YWCA de la région du Grand Toronto): C'est une bonne question, je vous en remercie.

Je crois que nous reconnaissons l'existence du programme au départ, et nous essayons de travailler dans le cadre de celui-ci. Je crois que l'amélioration du programme exigerait de nombreux changements importants. Je ne sais pas s'il serait plus opportun de tout éliminer et de repartir à zéro, ou de travailler à l'intérieur des structures en place. Mais ce qu'il faut retenir, je crois, c'est que le programme comporte des problèmes, et beaucoup de femmes sont exploitées par leurs employeurs parce qu'elles ont peur de mettre en péril leur statut, ou encore parce qu'elles ont peur de ne pas obtenir le statut de résident permanent. Elles sont contraintes de vivre chez quelqu'un... Et les femmes voient leur employeur comme la personne qui décide si oui ou non elles peuvent rester au Canada, voilà le vrai problème.

Quant à savoir si le programme devrait être éliminé ou non, je sais que je ne réponds pas entièrement à votre question. Mais que le problème soit considéré dans le cadre actuel ou que l'on reparte à la case départ, notre préoccupation principale, c'est que la vie de bon nombre de femmes est en jeu.

Le président: Merci, Darina.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Long.

Au cours de votre présentation, vous avez fait allusion au nombre assez important de demandes de réfugiés qui sont rejetées mais qui, après appel, sont acceptées. Vous disiez que cela était très certainement dû à des erreurs commises par les membres de la CISR.

Comment pourrait-on réduire ces erreurs? Il n'y a aucun avantage à devoir faire une deuxième demande pour ce que l'on pourrait obtenir dès la première demande.

[Traduction]

M. John Long: Je crois que vous avez certainement raison en principe, mais étant donné ce que M. Peter Schowler a dit, à savoir qu'il s'agit du plus grand tribunal au Canada—et je suis sûr qu'il a raison—la perfection n'est pas de ce monde. Il est impossible d'en arriver à une décision parfaite dans tous les cas. Cela pourrait être vrai dans les conditions optimales, lorsque les intentions sont louables, lorsque les conditions de formation et de connaissance sont idéales, et lorsque tout le monde connaît une excellente journée. Mais dans la réalité, d'autres facteurs entrent en jeu. Par exemple, l'un des combats que nous menons sans cesse chez VIVE, c'est d'essayer d'éloigner les gens des escrocs, des conseillers malhonnêtes, qui essaient de faire de l'argent aux dépens des réfugiés et qui n'agissent pas dans l'intérêt supérieur du client; nous essayons de les diriger vers des conseillers juridiques reconnus et compétents, et, très souvent, vers des cliniques d'information juridique et des personnes jouissant d'une excellente réputation. C'est très difficile.

J'ai vécu à l'étranger, j'y ai voyagé. L'un des phénomènes que j'observe, c'est la crédibilité immédiate que l'on accorde à une personne qui parle notre langue. Supposons que vous arriviez du Sri Lanka. Vous venez chez VIVE, on vous donne des conseils judicieux, et vous répondez: oui, oui, et vous y croyez. Puis, vous allez à Toronto, et un ami de votre beau-frère vous dit: je connais l'avocat qu'il vous faut, il s'occupera de vous, venez avec moi. Le lendemain, il vous conduit au bureau de cet expert, et reçoit 100 dollars de commission de la part de l'avocat, et peu de gens le savent. Ce professionnel accepte trop de clients, même si par ailleurs il a une éthique professionnelle. Il ne peut effectuer une préparation adéquate et perd la cause, sans que l'on puisse vraiment le blâmer.

• 1830

C'est la combinaison de toute une série d'événements. L'autre chose que Deborah a mentionnée et que quelqu'un d'autre a mentionnée un peu plus tôt concerne les femmes. Nous constatons que beaucoup de femmes, tout particulièrement celles qui ont été victimes de viol et d'agression sexuelle ne sont tout simplement pas prêtes à dire à leur mari, parfois à leur frère ou leur père mais tout particulièrement à leur mari ce qui leur est arrivé. Elles ne sont pas du tout prêtes à le dire au juge de la CISR quand leur mari est assis dans la salle. Elles ne disent rien et le juge se demande pourquoi cette femme fait cette demande, nous parle de tous ces événements dans son village, de l'histoire de son pays, de tout ce qui est arrivé aux autres mais ne nous parle pas de ce qui lui est arrivé à elle? La demande est rejetée. La fois suivante elle saura peut-être qu'il lui faut d'abord parler à son mari ou s'arranger pour qu'il ne soit pas présent pendant l'audience—parce qu'il faut absolument qu'elle parle. Une partie de notre travail consiste à aider ces gens à comprendre qu'il faut absolument le faire.

Il arrive aussi que les gens ne comprennent pas tout ce qu'ils doivent faire la première fois. La deuxième fois ils sont mieux préparés.

Le président: John.

M. John McCallum: Merci.

J'ai été convaincu par vos arguments en faveur de la nécessité de pouvoir faire une deuxième demande de statut de réfugié ainsi que par le témoignage précédent. Mais j'ai quelque chose ici qu'écrit le ministère, je suppose, en faveur de cette proposition. J'aimerais vous en lire un extrait et vous demander ce que vous en pensez.

    [...] le projet de loi prévoit également un mécanisme garantissant à ceux et à celles dont les circonstances ont véritablement changé, la possibilité de représenter une demande. Les personnes ayant résidé à l'extérieur du Canada pour une période au minimum de six mois, pourront faire une demande d'examen des risques avant renvoi [...] accordée sur la base de nouvelles preuves associées aux changements de circonstances [...]

Puis plus loin:

    Le projet de loi C-11 prescrit que les motifs devant être considérés lors de l'examen des risques avant renvoi doivent être les mêmes que ceux considérés par la CISR.

J'ai du mal à concilier ce commentaire avec ce que je viens d'entendre.

M. John Long: Je vais vous donner une première réponse. Dans tout ce que j'ai dit il y a une minute, en réponse à la question de Madeleine, il ne s'agissait pas véritablement de nouvelles preuves, mais de preuves qui n'avaient été déposées soit parce que l'avocat avait mal préparé son client ou sa cliente soit parce que des facteurs psychologiques et émotifs en avaient empêché le dépôt.

M. John McCallum: Si ces preuves n'ont pas été déposées, ne peut-on pas parler de nouvelles preuves?

M. John Long: Je suppose que c'est ce que pourraient penser certains tribunaux, mais, juridiquement, cela ne me semble pas du tout évident. Je crois qu'il y a autant de pour que de contre.

Le président: Harry Mann veut répondre à la même question, John.

M. John Long: Deborah aussi—je m'excuse, je ne voulais pas l'interrompre.

Mme Deborah Greitzer: Je voulais simplement que vous nous citiez l'article sur l'examen des risques avant renvoi, l'alinéa 113a) du projet de loi C-11:

    Le demandeur d'asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n'étaient pas alors normalement accessibles.

Vous avez parlé de «changements de circonstances véritables» et il est vrai que cela permettrait, disons, à quelqu'un qui est retourné dans son pays et qui y serait menacé de mort pour ses opinions politiques de revenir et de présenter ce nouvel élément de preuve. Mais pour le genre de personnes dont j'ai décrit le cas, cela ne marcherait pas.

Le président: Très bien.

Deborah, j'aimerais une précision. Je crois que vous aviez raison, mais afin d'être sûr de bien comprendre, si vous avez été débouté et que vous optez pour un examen de risques avant de repartir, vous n'avez pas à être hors du pays pour faire cette demande d'examen de risques avant renvoi, vous pouvez le faire au Canada. À la fin vous avez dit qu'il n'était pas nécessaire d'avoir quitté le pays, etc. Vous m'avez perdu en cours de route.

Mme Deborah Greitzer: Les deux cas sont prévus.

Le président: Très bien.

Monsieur Mann.

M. Harry Mann: Merci.

À propos de l'examen des risques avant qu'une personne ne soit renvoyée, il y a actuellement un système, le système PBRCC qui permet d'évaluer ces risques. Mais si vous interrogez le ministère, le taux de succès de ce programme n'est absolument pas comparable aux chiffres que vous avez entendus aujourd'hui concernant le taux de succès des deuxièmes demandes. Le taux de succès du programme PBRCC est très faible.

Le président: Joe.

• 1835

M. Joseph Volpe: L'adoption de cette loi entraînera-t-elle la disparition de VIVE?

M. John Long: Les faits seraient très problématiques pour nous. Je doute cependant que cela nous fasse mettre la clé sous la porte si nous offrons un certain nombre d'autres services. Cela entraînera indubitablement des ajustements.

Une partie de nos activités consiste à aider ceux qui font une première demande, donc je ne pense pas que cela changera grand- chose. En fait, sur la feuille de statistiques que je vous ai donnée, si ces chiffres sont si élevés c'est parce que beaucoup de ceux que nous voyons viennent simplement pour remplir les formulaires et pour que nous les aidions à s'y retrouver.

Deuxièmement, je crois que les gens continueront—tant que l'accord de réciprocité est en place—à être renvoyés aux États- Unis si leur demande de réfugié est rejetée. Ces gens continueront à venir nous voir à VIVE parce que nous avons une bonne réputation et que nous sommes connus dans la communauté des réfugiés. Je crois que nous essaierons tout simplement de trouver avec eux ce qu'ils peuvent faire, arrivés à cette étape de leur demande.

Pour certains d'entre eux il est possible que l'examen des risques avant renvoi soit une option viable. Il est possible qu'ils aient besoin...avec Deborah dans la voiture, sur la route, nous avons discuté de l'éventualité de la nécessité de mettre tout d'un coup toute une nouvelle organisation sur pied pour traiter un nombre grandissant de demandes d'asile aux États-Unis. Je crois qu'en réalité nous ne savons pas quelle sera l'incidence de cette initiative mais elle sera vraisemblablement très sévère.

M. Joseph Volpe: Madame Harby Rakhra, j'ai été le témoin de cas ou l'agent d'immigration a protégé son droit de prendre des décisions à l'encontre des interventions du gestionnaire de programmes par le biais de la procédure d'appel mise à sa disposition par la bureaucratie et par la loi. Est-ce que cette loi consacrera l'autorité de l'agent d'immigration contre les interventions du gestionnaire de programmes?

Mme Harby Rakhra: Absolument. Elle accroît les pouvoirs discrétionnaires des agents d'immigration.

M. Joseph Volpe: C'est une réponse sans équivoque.

En passant, monsieur Long, je déduis de votre réponse que, oui, vous fermerez boutique et c'est une des intentions de la loi.

Monsieur Carella, étant donné que...

Le président: Je m'excuse, Joe, vous ne m'avez pas laissé le temps d'intervenir, et j'ai vu l'air d'effroi qui se peignait sur les visages de John et de Deborah.

M. Joseph Volpe: Ils ne joueront plus ce rôle de porte tambour dont on les accuse. Cette partie de leur travail va disparaître.

Monsieur Carella, c'est intéressant, vous êtes la seule personne à vous être exprimée dans un contexte historique. Ou plutôt, permettez-moi de me reprendre, le groupe que vous représentez n'a pas connu d'immigration au Canada depuis 1970. Cela fait 30 ans. Tous les autres ont des expériences d'immigration très récentes.

Il y a une coïncidence entre la fin de l'immigration italienne au Canada—elle s'est arrêtée, presque immédiatement, en 1970—et la revendication de certains droits pour la population immigrée italienne de Montréal. Je me demande si le conseil que vous donneriez aujourd'hui à la communauté italienne sera le même que d'autres ont déjà donné et que j'ai donné moi-même à un des intervenants précédents—à savoir, prenez tout de suite votre citoyenneté, n'attendez pas à demain.

Avec cette nouvelle loi, si vous n'aviez pas la citoyenneté canadienne oseriez-vous quitter le pays?

M. A.L.P. Carella: J'aimerais certainement savoir quelles sont les options.

M. Joseph Volpe: Ne soyez pas timide. M. Mark ne m'a pas demandé ce que j'ai fait, en tant que membre de la communauté italienne, mais je vous dirais une des choses que j'ai faites après avoir vu ce qui s'était passé suite aux bons conseils donnés par des membres bien inspirés et bien intentionnés du ministère en 1970. J'ai couru jusqu'au ministère pour faire ma demande de citoyenneté. C'est ce que j'ai fait.

M. A.L.P. Carella: Je dirais...

M. Joseph Volpe: Je me demande simplement si c'est le conseil que vous donnerez à tout le monde.

Le président: Laissez M. Carella répondre.

M. A.L.P. Carella: J'appuie votre motion.

Des voix: Oh, oh!

• 1840

M. A.L.P. Carella: Oui, vous avez tout à fait raison. Si cette question n'avait pas été précipitée par ce projet de loi, je crois qu'il nous aurait fallu faire du meilleur travail dans notre communauté et inciter tous ces gens qui sont ici depuis des années à devenir citoyens.

Je crois que c'est en partie dû à ce phénomène de double citoyenneté qui est relativement récent. C'est en partie dû au fait que le couple qui est arrivé ici il y a, disons, 30 ou 40 ans, est venu parce que l'homme cherchait du travail alors que la femme hésitait à quitter son pays. Aujourd'hui, ils ont des enfants, ils ont des petits-enfants. Très souvent ce sont les hommes qui veulent retourner en Italie et les femmes qui veulent rester. Elles veulent rester au Canada avec leurs enfants et leurs petits-enfants.

Je crois que beaucoup d'entre eux n'ont pas demandé la citoyenneté parce qu'ils pensaient qu'ils retourneraient en Italie. Ça ne se passe pas ainsi. Donc, peu importe ce nouveau projet de loi, il nous fait faire mieux et inciter ces gens à devenir citoyens. Mais, vous avez tout à fait raison, ce projet de loi nous donne une raison de plus à faire notre travail à cause des conséquences.

Le président: Merci, monsieur Carella.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: J'arriverais peut-être à me gagner des faveurs de la présidence en limitant mes questions.

J'aimerais poser une question à John et à Deborah, et à quiconque pourrait me renseigner, sur l'article 117 du projet de loi. Pensez-vous que les Canadiens qui aident des réfugiés à passer la frontière ou que les organisations canadiennes qui communiquent avec certaines personnes qui travaillent avec des agences aux États-Unis pour organiser l'entrée de revendicateurs du statut de réfugié, sont assujettis aux dispositions énoncées à l'article 117 et passibles des sanctions pouvant aller jusqu'à 10 ans de prison et/ou 500 000 $? Dans l'affirmative, devrions-nous demander des précisions pour les gens qui interviennent à la frontière pour des raisons humanitaires à but non lucratif?

Le président: Voulez-vous répondre?

M. John Long: J'avais remarqué cette disposition. Elle m'a un peu inquiété. Il y a une disposition dans la loi actuelle que je ne connais pas très bien. Tous les gens que je connais au ministère me disent qu'ils ne vont pas se mettre à arrêter des bonnes soeurs. Ce sont des soeurs qui sont à l'origine de notre mouvement et nous continuerons à porter cette médaille, je crois, mais cela nous place dans une situation délicate.

Je vous répondrai donc par l'affirmative. À mon avis, il serait tout à fait souhaitable de préciser que telle n'est pas l'intention.

Le président: Harby, est-ce que vous avez un commentaire sur cette question particulière? Je m'excuse de vous avoir mis sur la sellette.

Mme Harby Rakhra: Je crois qu'elle devrait être supprimée, ou modifiée, plutôt. Oui, il faudrait apporter des modifications. Je suis tout à fait d'accord avec John.

Le président: C'est un commentaire tout à fait honnête.

Monsieur Mann.

M. Harry Mann: Je crois qu'une clarification serait la bienvenue. Le paragraphe 117(4) dit clairement:

    Il n'est engagé aucune poursuite pour une infraction prévue au présent article sans le consentement du procureur général du Canada.

Cependant, ces pouvoirs sont très souvent délégués à des subalternes. Si un simple agent d'immigration décide de le faire et que son supérieur approuve, c'est fait. En conséquence, j'estime nécessaire de mettre en place un garde-fou afin que le procureur général, et lui seul, ait le pouvoir de prendre cette décision.

Le président: Très bien.

Anita, plus de questions?

Puisqu'il en est ainsi, permettez-moi de saisir cette occasion pour tous vous remercier de votre participation et du travail énorme que vous faites pour les immigrants et les réfugiés. Certains de vos témoignages nous ont beaucoup éclairés.

Nous voulions que John et Deborah viennent témoigner, bien entendu, parce que nous voulions tenir audience dans une de nos villes frontières pour nous faire une meilleure idée de la réalité sur le terrain. Je crois qu'ils nous ont donné beaucoup de matière à réflexion.

Permettez-moi aussi de remercier les membres du comité pour une longue et dure journée de travail. Je remercie notre personnel, nos interprètes et le personnel de l'hôtel et tous ceux qui ont peiné à la tâche pendant ces huit heures. À demain matin.

La séance est levée.

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