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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 8 mars 2005




¿ 0900
V         Le vice-président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.))
V         M. Craig Forcese (professeur en droit, Université d'Ottawa, à titre personnel)

¿ 0910
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. David Tilson (Dufferin—Caledon, PCC)
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson

¿ 0915
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Derek Lee
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ)

¿ 0920
V         M. Craig Forcese
V         M. Mario Laframboise
V         M. Craig Forcese
V         M. Mario Laframboise
V         M. Craig Forcese
V         M. Mario Laframboise

¿ 0925
V         M. Craig Forcese
V         M. Mario Laframboise
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)

¿ 0930
V         M. David Tilson
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings

¿ 0935
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD)
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.)
V         M. Craig Forcese
V         M. Navdeep Bains
V         M. Craig Forcese
V         M. Navdeep Bains
V         M. Craig Forcese
V         M. Navdeep Bains
V         M. Craig Forcese
V         M. Navdeep Bains
V         M. Craig Forcese

¿ 0940
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Russ Hiebert (Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale, PCC)
V         M. Craig Forcese
V         M. Russ Hiebert
V         M. Craig Forcese
V         M. Russ Hiebert
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.)
V         M. Craig Forcese

¿ 0945
V         M. Russ Powers
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Tom Lukiwski (Regina—Lumsden—Lake Centre, PCC)
V         M. Craig Forcese
V         M. Tom Lukiwski
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Ed Broadbent
V         M. Craig Forcese

¿ 0950
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Ken Epp (Edmonton—Sherwood Park, PCC)
V         M. Craig Forcese

¿ 0955
V         M. Ken Epp
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Mario Laframboise
V         M. Craig Forcese
V         M. Mario Laframboise
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Ed Broadbent

À 1000
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Russ Hiebert
V         M. Craig Forcese

À 1005
V         M. Russ Hiebert
V         M. Craig Forcese
V         M. Russ Hiebert
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Marlene Jennings

À 1010
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Derek Lee
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Derek Lee
V         M. David Tilson

À 1015
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         M. Craig Forcese
V         M. David Tilson
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le vice-président (M. Derek Lee)

À 1020
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Ken Epp
V         M. Craig Forcese

À 1025
V         M. Ken Epp
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Ken Epp
V         M. Craig Forcese
V         M. Ken Epp
V         M. Craig Forcese
V         M. Ken Epp
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Ed Broadbent

À 1030
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le vice-président (M. Derek Lee)

À 1035
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Russ Powers
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Craig Forcese
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Craig Forcese
V         Le vice-président (M. Derek Lee)
V         M. Tom Lukiwski
V         Le vice-président (M. Derek Lee)










CANADA

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 014 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 mars 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0900)  

[Traduction]

+

    Le vice-président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): La séance est ouverte, puisque je constate qu’il y a quorum.

    Nous accueillons ce matin M. Craig Forcese, professeur de droit à l’Université d’Ottawa, qui nous présentera son point de vue sur les mécanismes de financement des hauts fonctionnaires du Parlement, et particulièrement des commissaires à l’information, à la protection de la vie privée et à l’éthique. Bien sûr, nous examinons la question d’une façon plus générale.

    Professeur Forcese, nous sommes heureux que vous soyez ici ce matin. Je crois savoir que vous avez un exposé d’une dizaine de minutes à présenter. Nous passerons ensuite aux questions.

+-

    M. Craig Forcese (professeur en droit, Université d'Ottawa, à titre personnel): Je désire tout d’abord remercier le comité de m’avoir invité à présenter un exposé sur les mécanismes de financement des opérations des hauts fonctionnaires du Parlement. On m’a demandé de vous faire part des réflexions d’un observateur du milieu universitaire pour éclairer vos délibérations. Dans ce but, je commencerai par vous fournir deux explications.

    Premièrement, mes recherches et la rédaction d’un livre sur les fondements juridiques de la démocratie canadienne, The Laws of Government: The Legal Foundations of Canadian Democracy, actuellement sous presse chez Irwin Law Inc., ont suscité mon intérêt pour ce domaine. Dans cet ouvrage, le coauteur Aaron Freeman et moi-même nous prononçons en faveur de mécanismes plus efficaces pour assurer la responsabilisation de l’exécutif devant le Parlement. Pour cette raison, nous concentrons une partie de notre attention sur les hauts fonctionnaires du Parlement.

    Mon premier point est donc que les recherches préparatoires à la rédaction de mon livre m'ont prédisposé à m’opposer à tout système—de financement ou autre—qui minerait l’indépendance des hauts fonctionnaires du Parlement.

    Ma seconde explication est la suivante : mes recherches ne portent pas sur l’administration publique, car je suis un juriste spécialisé en droit administratif, entre autres choses. Mes commentaires portent plutôt sur des aspects juridiques. À ce sujet, je me propose de vous exposer très brièvement un motif juridique pour lequel une plus grande indépendance financière des hauts fonctionnaires du Parlement est peut-être souhaitable. Je suggère ensuite trois critères sur lesquels votre comité peut se baser pour prendre une décision sur les modèles de financement proposés par d’autres témoins qui ont comparu devant vous.

    Je suis d’avis qu’au moins cinq hauts fonctionnaires du Parlement sont tenus de respecter des normes d’indépendance similaires à celle des tribunaux. Ces cinq hauts fonctionnaires—les commissaires à l’information, à la protection de la vie privée, aux langues officielles et à l’éthique et le vérificateur général—possèdent les pouvoirs d’une cour d’archives, ce qui leur permet d’obliger les témoins à comparaître et à témoigner devant eux. Ils ont donc le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal lorsqu’il est commis devant eux. Parce qu’ils possèdent ce pouvoir, la Constitution exige que ces hauts fonctionnaires soient suffisamment indépendants du gouvernement. C’est justement la conclusion à laquelle est parvenue la Cour fédérale en 2000 dans l’affaire Rowat c. Canada (commissaire à l’information).

    Dans Rowat, le commissaire à l’information poursuivait un fonctionnaire pour outrage au tribunal. Ce fonctionnaire a contesté la capacité du commissaire d’exercer ce pouvoir de sanction pour outrage au tribunal. La Cour fédérale devait déterminer si le pouvoir (implicite) du commissaire de disposer d’un outrage au tribunal en vertu de la Loi sur l’accès à l’information entraînait l’application de l'alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés.

    La Cour a conclu que l'alinéa 11d) s’appliquait. Ce paragraphe exige que le procès pour outrage au tribunal se déroule devant un organisme suffisamment indépendant. La Cour a établi l’analogie avec l’indépendance judiciaire et a statué que, pour remplir ce critère d’indépendance, le commissaire doit être inamovible (autrement dit, il ne doit pas être exposé à être destitué de façon discrétionnaire et arbitraire), être en sécurité sur le plan financier (autrement dit, il doit avoir droit à un traitement fixé dans la loi, qui n’est pas exposé à une ingérence arbitraire) et avoir une gestion indépendante (autrement dit, il ne devrait y avoir aucune possibilité d’ingérence dans sa responsabilité de déterminer comment mener ses enquêtes).

    La Cour fédérale a conclu que le commissaire satisfaisait à chacune de ces trois exigences et qu’une personne renseignée et raisonnable le jugerait indépendant. Cependant, en décidant que le commissaire était suffisamment indépendant sur les plans financier et de la gestion, la Cour n’a tenu compte que du contrôle sur la gestion de son commissariat que la loi accorde au commissaire et du fait que son traitement est à l’abri des manipulations. La Cour n’a pas établi d'une façon plus générale si le mécanisme de financement de l’ensemble du commissariat pouvait miner l’indépendance du commissaire.

    Un tribunal auquel un plaideur demanderait d’étudier précisément cette question pourrait maintenant conclure que le commissaire à l’information et les quatre autres hauts fonctionnaires qui possèdent le pouvoir de disposer d’un outrage au tribunal sont insuffisamment indépendants.

    Dans une affaire albertaine dont la Cour suprême du Canada est maintenant saisie, une juge d’appel s’est récusée plutôt que d’avoir à rendre une décision sur un différend entre le gouvernement et des fonctionnaires judiciaires relativement au traitement des juges. Dans cette affaire, le gouvernement a indiqué que s’il était obligé d’augmenter le traitement des juges, il supprimerait le financement d’autres services judiciaires. La Cour d’appel de l’Alberta a statué que si un tribunal, selon une perception, était exposé à des sanctions financières à cause de ses décisions, la confiance du public se détériorerait à juste titre. Au sujet des conséquences de la menace d’annulation du financement des services judiciaires, la Cour d’appel a ensuite signalé que pour assurer l’indépendance du pouvoir décisionnel des tribunaux, chaque juge et l’ensemble du tribunal devaient rendre leurs décisions sans qu’une influence soit exercée de l’extérieur et demeurer à l’abri d’une ingérence dans leur processus de décision.

    De même, lorsque le financement des opérations d’un haut fonctionnaire crée la perception qu'il est exposé à une sanction financière à cause de ses décisions, son indépendance est menacée. Le commissaire à l’information lui-même a fait part de cette préoccupation dans un exposé sur l’affaire Rowat en 2001. Depuis, un grand dossier public a été constitué—par votre comité, dans les médias et dans les déclarations publiques de plusieurs hauts fonctionnaires—sur l’atteinte à l’indépendance des hauts fonctionnaires que porte effectivement le mécanisme de financement actuel. La prochaine fois qu’une affaire semblable à l’affaire Rowat mettra en cause l’un des cinq hauts fonctionnaires qui possèdent le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal, seul un plaideur négligent omettrait d’utiliser ce dossier pour soulever une objection fondée sur la Constitution à l’exercice des pouvoirs du haut fonctionnaire en cause.

    En somme, le mécanisme de financement actuel pourrait en définitive inciter un tribunal à déclarer inconstitutionnelles les dispositions législatives définissant les pouvoirs d'enquête de ces hauts fonctionnaires. Compte tenu de ces conclusions, j’aimerais décrire brièvement les critères sur lesquels votre comité peut se baser pour déterminer les modèles de financement à adopter, à tout le moins dans le cas de ces cinq hauts fonctionnaires qui possèdent le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal.

    Premièrement, le modèle de financement prévoit-il des freins et des contrepoids qui empêcheraient un gouvernement mal intentionné de réduire le financement du bureau d’un haut fonctionnaire, en réponse à une décision négative de ce dernier? Sinon, le modèle de financement soulèvera des questions sur l’indépendance de ce haut fonctionnaire. Permettez-moi de vous indiquer que le système actuel ne satisfait pas à ce critère.

    Permettez-moi également de vous mettre en garde contre un système régi exclusivement par un comité parlementaire. Des discussions sont en cours sur la modernisation de la Loi sur l’accès à l’information. Si, comme certaines personnes le proposent, la portée de cette loi est élargie pour inclure le Parlement lui-même, la relation entre le commissaire à l’information et le Parlement changera. Dans ce cas, un système dans lequel un organisme compris dans le mandat de ce commissaire (c’est-à-dire le Parlement) établirait le budget de ce commissaire susciterait les mêmes préoccupations sur son indépendance que celles inspirées par le contrôle de l’exécutif sur le financement dans le système actuel.

    Deuxièmement, on a beaucoup discuté devant votre comité de la création d’un groupe d’experts. Si cet organisme externe détermine le financement à verser, il devrait lui-même disposer d’une certaine indépendance. Je ne veux pas exagérer la mesure dans laquelle le droit constitutionnel l'exige. Même en rapport avec l’indépendance judiciaire, les tribunaux ne se sont pas encore prononcés définitivement sur la mesure dans laquelle il faut qu’un organisme indépendant rende les décisions sur le financement des services judiciaires. Il semble néanmoins souhaitable qu’un organisme externe possède de nombreuses qualités par analogie à celles requises des commissions sur le traitement des juges.

    Premièrement, les membres de l’organisme externe ne devraient pas être nommés par un seul organe du gouvernement. En d’autres termes, le Parlement et l’exécutif devraient avoir voix au chapitre en ce qui concerne la composition de l’organisme externe. Deuxièmement, l'organisme externe devrait avoir le pouvoir d’entendre les arguments des hauts fonctionnaires et des autres parties intéressées sur le financement. Troisièmement, les décisions de l’organisme externe devraient être exécutoires ou presque exécutoires.

    Ma troisième et dernière observation a trait à l’efficience et à l’économie. La création d’un nouvel organisme externe n’est évidemment pas le plus économique des mécanismes de financement à l’étude. Un système plus efficient qui tiendrait compte des préoccupations en matière d’indépendance pourrait consister en un régime de financement pluriannuel fondé sur une formule de financement établie à l’avance qui déterminerait l’augmentation à verser en fonction d’un repère objectif comme l’inflation, la taille du gouvernement, le nombre de plaintes reçues par le haut fonctionnaire ou un autre critère similaire. Évidemment, même dans ce système, il faudrait procéder à une forme d’examen pour établir le budget initial du bureau de chaque haut fonctionnaire. De plus, il faudrait s’assurer par des mises à jour périodiques que le mécanisme fonctionne comme il convient. Toutefois, l’examen du budget des hauts fonctionnaires par le Parlement, le gouvernement ou un groupe d’experts devrait avoir lieu assez rarement pour minimiser la perception que les hauts fonctionnaires sont redevables à un de ces groupes.

    Ce sont là mes observations. Je vous remercie de votre intérêt.

¿  +-(0910)  

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Merci beaucoup pour votre mémoire écrit et votre exposé préliminaire.

    Nous commencerons les questions avec M. Tilson, de l’opposition officielle. Monsieur Tilson, vous avez sept minutes.

+-

    M. David Tilson (Dufferin—Caledon, PCC): Merci, monsieur le président.

    Vous avez dit vers la fin de votre exposé – que je vous remercie de nous avoir fourni par écrit – qu’une formule de financement pluriannuelle peut être efficiente et économique. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Voulez-vous dire qu’un financement annuel, dans le cadre duquel un commissaire se présenterait chaque année devant une autorité quelconque, ne conviendrait pas autant que le régime pluriannuel que vous proposez?

+-

    M. Craig Forcese: Je me débats avec l’idée d’un organisme externe, du genre groupe d’experts. De toute évidence, l’établissement d’un nouvel organisme externe est coûteux. Cela étant, peut-on envisager des circonstances dans lesquelles ce groupe n’aurait à se réunir qu’à l’occasion ou bien serait moins nécessaire parce que nous aurons réglé d’une autre façon le problème de l’indépendance?

    J’ai donc pensé à une formule pluriannuelle qui établirait le financement de base des hauts fonctionnaires du Parlement, pour éviter à ceux-ci l’obligation qu’ils ont actuellement de s’adresser chaque année au Conseil du Trésor ou pour écarter au moins la perception que leurs activités dans une année donnée pourraient influencer la mesure dans laquelle le gouvernement est disposé à leur accorder un financement suffisant. L’idée a des incidences sur la question de l’indépendance ainsi que sur les frais entraînés par l’établissement d’un groupe d’experts.

    Faut-il que le processus soit annuel? Faut-il que l’organisme soit permanent? Peut-être pas. Peut-être suffirait-il qu’il se réunisse une fois tous les trois ans. Peut-être pourrions-nous nous en tirer sans former ce groupe d’experts parce que nous aurons mis en place un processus qui fixerait d’avance le financement pendant une période suffisante pour qu’on ne puisse pas sérieusement prétendre que les hauts fonctionnaires sont influencés par la question du financement.

+-

    M. David Tilson: À votre avis, en quoi devrait consister un groupe d’experts? Qui devrait en faire partie?

+-

    M. Craig Forcese: C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Nous avons, par analogie, des commissions chargées de fixer le traitement des juges. Il y aurait peut-être un membre nommé par le haut fonctionnaire en cause, un autre par l’exécutif et un troisième par le Parlement, pour assurer une représentation équilibrée. Quant à l’identité de ces personnes...

+-

    M. David Tilson: Je ne voulais pas aller jusque-là. Nous avons entendu des exposés à ce sujet et avons discuté du système britannique, comme vous le savez sans doute. Je ne voulais pas avoir des noms, je voulais simplement le titre des personnes qui devraient, à votre avis, faire partie de ce groupe.

+-

    M. Craig Forcese: Si je devais deviner, je dirais que le meilleur système devrait avoir une représentation à peu près analogue à celle des différentes branches du gouvernement. Le haut fonctionnaire, le Parlement et l’exécutif auraient chacun leur mot à dire et un pouvoir de nomination.

+-

    M. David Tilson: Vous parlez dans ce cas d’indépendance judiciaire, question qui est toujours intéressante parce que le gouvernement s’est toujours occupé de ce que les membres de l’appareil judiciaire devraient recevoir. Sont-ils indépendants?

+-

    M. Craig Forcese: Sur le plan du mécanisme de financement?

+-

    M. David Tilson: Je me rends compte, monsieur le président, que ma question déborde un peu le sujet. Il me semble cependant qu’en définitive, les juges décident des choses, notamment en ce qui concerne les droits garantis par la Charte. En ce moment, les juges sont-ils indépendants?

¿  +-(0915)  

+-

    M. Craig Forcese: Le traitement des juges est actuellement fixé au niveau fédéral par une commission fortement indépendante établie en vertu de la Loi sur les juges. Au niveau plus vaste du financement des services judiciaires, la situation des juges est assez bizarre car, comme tous les autres organismes fédéraux, ils doivent s’adresser au Conseil du Trésor. J’ai examiné, par exemple, le rapport sur les plans et les priorités 2004-2005 du Service administratif des tribunaux judiciaires, selon lequel le Service est aux prises avec certaines difficultés. D’une part, il est obligé de s’adresser au Conseil du Trésor pour solliciter du financement ou faire approuver son budget. De l’autre, il doit préserver l’indépendance de l’appareil judiciaire.

    Je ne crois pas que cette question a été entièrement réglée. Il y a eu un effort, il y a deux ans, pour regrouper l’administration de la Cour fédérale. Si on examine la loi correspondante, à l’article 2, je crois, on peut noter que le motif du regroupement était d’assurer une plus grande indépendance sur le plan de l’administration des tribunaux. Pourtant, ils sont encore obligés de s’adresser au Conseil du Trésor.

+-

    M. David Tilson: Et c’est là que le bât blesse : aller au Conseil du Trésor. Voilà pourquoi nous avons toute cette discussion. Il faut s’adresser au Conseil du Trésor. Nous devons ensuite essayer de déterminer qui va contrôler les contrôleurs.

    Le Directeur général des élections a comparu devant le comité. Il a dit en substance – je suppose qu’on pourrait contester mon interprétation – qu’il se limite à transmettre ses factures. En ce qui concerne la nomination, que vous mentionnez également dans votre mémoire, la personne est inamovible jusqu’à l’âge de 65 ans.

    Avez-vous des observations à formuler sur ces deux questions, en supposant que mon interprétation est exacte et qu’il se limite à envoyer ses factures?

+-

    M. Craig Forcese: La première question à se poser porte sur le pouvoir qu’a le Directeur général des élections de – comme vous le dites – transmettre ses factures. Je ne suis pas un expert dans le financement de son bureau, mais je sais qu’il faut toujours tenir compte de la possibilité d’une élection surprise. Dans notre régime, le Directeur général des élections doit toujours avoir la possibilité de puiser dans le Trésor pour financer des élections.

+-

    M. David Tilson: Je comprends.

+-

    M. Craig Forcese: Au sujet de votre seconde question concernant le caractère inamovible de la personne nommée, tous les hauts fonctionnaires du Parlement satisfont plus ou moins à ce critère. Ils ne peuvent être démis de leurs fonctions que pour un motif valable et ce, par résolution de la Chambre, du Sénat ou des deux, selon le fonctionnaire dont il s’agit. On peut dire par conséquent que l’inamovibilité est bien là.

    Elle est analogue à celle que l’article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 accorde aux juges de la Cour supérieure, ce qui impose...

+-

    M. David Tilson: La raison pour laquelle j’ai posé la question est la suivante. Dans le cas du commissaire à l’éthique ou des trois autres commissaires auxquels le comité s’intéresse, cette question se pose-t-elle au chapitre de l’indépendance?

+-

    M. Craig Forcese: Pas dans le cas des commissaires, je ne le crois pas. Je pense que l’inamovibilité a toujours été prévue dans les lois correspondantes.

+-

    M. David Tilson: Je comprends.

    Quand vous parlez d’indépendance, laissez-vous entendre qu’il y a actuellement une intervention extérieure? Il est question de s’adresser au Conseil du Trésor, qui prend position et qui approuve ou rejette les demandes. Est-ce que cela implique une intervention?

+-

    M. Craig Forcese: Je crois qu’il y a une perception d’intervention. Comme je l’ai dit dans mon exposé, nous avons maintenant un dossier assez volumineux concernant le commissaire à l’information et d’autres qui, dans leur rapport annuel et ailleurs, ont noté qu’ils n’arrivent pas à s’acquitter de leurs fonctions à cause de problèmes de financement. Ces gens sont venus le dire devant le comité. Aujourd’hui, à la place de M. Rowat, mais cinq ans plus tard, je me prévaudrai de ce dossier pour contester le pouvoir de sanction du commissaire à l’information pour outrage au tribunal. Un tribunal serait tenu de se prononcer sur cette question maintenant qu’on dispose d’un dossier, qui n’existait pas en 2000. Je crois que les arguments seraient beaucoup plus forts aujourd’hui, par suite des déclarations faites par les différents commissaires eux-mêmes, établissant que les questions de financement ont des répercussions sur leur indépendance.

+-

    M. David Tilson: Merci, monsieur le président.

+-

    M. Derek Lee: Monsieur Laframboise, vous avez sept minutes.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Je vous remercie, monsieur le président.

    Si on vous comprend bien, l'indépendance juridique des commissaires est directement liée à leur indépendance financière. Pour ma part, je suis d'accord avec vous.

    Vous faites une analyse très précise, ce qui est bien, mais j'aimerais comprendre un peu mieux. Vous jugez que le système actuel n'est pas acceptable. En ce qui a trait au commissaire à l'éthique, qui relève du Président de la Chambre et donc du Parlement, vous ne jugez pas acceptable non plus la façon dont il se finance: il doit faire sa demande directement au Président de la Chambre.

¿  +-(0920)  

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: C’est un bon point. Vous pensez que le commissaire à l’éthique peut être critiqué pour les mêmes raisons, à savoir qu’il n’est pas assez indépendant.

    Ce qui distingue le commissaire à l’éthique du commissaire à l’information, par exemple, c’est qu’il est revêtu du privilège parlementaire. Le Parlement lui a essentiellement délégué son propre pouvoir inhérent d’examiner la conduite des députés. Les circonstances sont donc très différentes de celles du commissaire à l’information, par exemple, qui exerce un pouvoir que le Parlement lui a conféré pour enquêter sur l’exécutif, ce qui ne le revêt pas du privilège parlementaire.

    Le privilège parlementaire complique l’analyse. J’hésiterai donc à dire que toutes ces règles relatives à l’indépendance s’étendent à un organisme qui exerce essentiellement un privilège parlementaire. Ce serait une conclusion difficile.

    Le seul domaine dans lequel on pourrait se poser des questions au sujet du commissaire à l’éthique, c’est son rôle par rapport à l’exécutif. Il est en effet habilité à instruire les plaintes présentées en vertu du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique au sujet des hauts fonctionnaires de l’exécutif et a, à cet égard, des pouvoirs assez importants.

    Si une personne faisant l’objet d’une enquête en vertu du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique se plaignait du manque d’indépendance financière du commissaire à l’éthique, aurait-elle des chances d’être entendue? Il est probable que non parce que le financement passe par le Parlement et qu’il n’y a pas de relation de conflit. Autrement dit, le commissaire à l’éthique est assez indépendant de l’exécutif, sur le plan financier, pour être en mesure d’enquêter sur les hauts fonctionnaires de l’exécutif.

    Bien sûr, tout cela est hypothétique.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Cependant, si jamais il était prouvé qu'on le sous-finance pour empêcher l'évolution du règlement des plaintes, on pourrait remettre en question son indépendance.

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: Vous avez raison, en ce sens qu’il serait certainement critiqué pour manque d’indépendance. Je ne suis cependant pas sûr de ce qui arriverait dans un cas comme celui de Rowat.

    Il est certain que le rôle du commissaire à l’éthique par rapport aux députés est tel que l’affaire n’irait jamais devant les tribunaux. D’une part, cela ne relève plus de la juridiction de la Cour fédérale, en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada. De l’autre, cette loi établit de la façon la plus explicite qui soit que le privilège parlementaire s’étend à tout ce que fait le commissaire à l’éthique, au moins en ce qui concerne son rôle par rapport aux députés. Je ne crois donc pas qu’une affaire de ce genre irait devant les tribunaux.

    Je conviens cependant avec vous qu’on pourrait percevoir un problème, du moins en ce qui concerne le rôle du commissaire à l’éthique par rapport aux titulaires de charge publique. Je ne peux cependant pas aller plus loin dans mon analyse.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Je vous arrête. Notre problème est que certains commissaires regardent la façon dont est financé le commissaire à l'éthique et se disent que ce serait peut-être une solution. Cependant, dans votre texte, vous dites que si jamais les pouvoirs du commissaire à l'information était élargis dans la nouvelle loi, cela ne devrait pas relever du Parlement. Donc, selon vous, il ne devrait pas présenter son budget au Président de la Chambre, comme le fait le commissaire à l'éthique.

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: La notion du financement parlementaire direct des commissaires occasionnerait des difficultés, comme je l’ai noté dans mon texte, si nous commençons à élargir leur rôle, en étendant, par exemple, les attributions du commissaire à l'information au Parlement lui-même. Nous aurions alors des possibilités de conflit.

    Si nous étendons la portée de la Loi sur l’accès à l’information pour qu’elle s’applique au Parlement, le commissaire à la protection de la vie privée serait habilité à examiner les activités du Parlement et de ses membres par rapport à la Loi sur l’accès à l’information, à un moment où le Parlement serait responsable du financement du commissaire. Il y aurait alors une perception de conflit.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Nous sommes dans un dilemme. Si on adopte le modèle du commissaire à l'éthique, il n'y aura pas de modifications législatives. Si on adopte une autre formule de financement, on aura besoin de modifications législatives. Il y a donc un dilemme dans l'appareil gouvernemental. Est-ce qu'on doit modifier la loi? Pour ma part, je suis d'avis qu'on devrait modifier la loi afin que chacun des commissaires bénéficie d'un financement indépendant. Cependant, certains regardent le modèle du commissaire à l'éthique et nous disent qu'on pourrait adopter ce modèle sans modifier la loi.

    Il faudrait que votre position à ce sujet soit claire, parce que nous avons ce problème législatif.

¿  +-(0925)  

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: Il faudrait que je réfléchisse plus longuement pour répondre à la question de savoir s’il faut ou non modifier la loi pour codifier l’indépendance financière.

    À mon avis, s’il existe une pratique bien établie, le Conseil du Trésor ou un autre organisme ne contesterait pas sérieusement le mécanisme de financement. Autrement dit, la situation est semblable à celle des tribunaux aujourd’hui. Je crois savoir que lorsque la Cour suprême demande du financement, par exemple, elle ne s’attend pas vraiment à ce que le Conseil du Trésor lui réduise les montants demandés. Je me trompe peut-être.

    S’il y avait une pratique semblable dans le cas des commissaires, je ne pense pas qu’il serait nécessaire de modifier la loi. Cela ferait partie de la pratique relative au financement des hauts fonctionnaires. L’inscription dans la loi pourrait être préférable parce qu’elle établirait clairement la procédure à suivre. Je ne sais pas si ce serait obligatoire.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Vous semblez écarter l'idée d'un comité d'experts parce que ce serait trop coûteux. Vous semblez favoriser un financement pluriannuel qui serait connu à l'avance. Je trouve cette idée intéressante, parce que ce serait une façon de composer avec l'inflation, la taille du gouvernement et le nombre de plaintes reçues. Si on adoptait ce mode de financement, faudrait-il modifier la loi tout simplement pour garantir ce financement pluriannuel ainsi que l'indépendance des commissaires?

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: Encore une fois, je pense qu’il serait préférable de l’inscrire dans la loi, ne serait-ce que pour éviter des procès fondés sur un manque allégué d’indépendance. S’il est possible, dans de tels cas, de signaler la disposition législative établissant un mode de financement indépendant, ces cas pourraient être réglés rapidement.

    Même alors, il serait concevable qu’on puisse mettre en place une pratique. Je ne prétends pas être un expert en affectation de fonds, mais il devrait être possible d’établir une pratique en vertu de laquelle on pourrait affecter dans une année donnée l’équivalent du financement de trois ans, par exemple. Je ne sais pas s’il serait alors nécessaire de modifier la loi intéressant chacun des commissaires. Si l’on avait un mécanisme de financement triennal ou pluriannuel, on affecterait dans la première année le montant nécessaire pour trois ans. Cette pratique serait en place.

    Encore une fois, je n’en sais pas assez sur le processus des crédits parlementaires pour me prononcer d’une façon catégorique.

[Français]

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Merci.

    Madame Jennings, pour sept minutes.

[Traduction]

+-

    L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup pour votre exposé.

    Vous avez proposé un certain nombre de mécanismes possibles pouvant assurer une apparence d’indépendance. À mon avis, nous ne serons jamais complètement indépendants. C’est un peu comme l’idée des six degrés de séparation. Si nous formons un groupe d’experts, on se posera toujours la question de savoir s’il n’y a pas des liens entre les personnes nommées, que leur candidature ait été proposée par le Parlement, l’exécutif ou l’organisme en cause.

    La seule façon d’avoir une apparence d’indépendance complète – que ce soit pour le financement de tout l’organisme ou seulement du commissaire qui le dirige – consisterait à nommer des étrangers qui n’ont aucun lien avec le Canada. Même là, il pourrait y avoir des liens d’après le principe des six degrés de séparation. Il faudrait littéralement aller chercher les membres sur une autre planète.

¿  +-(0930)  

+-

    M. David Tilson: Quelle bonne idée!

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Nous pourrions l’envisager, mais il faudrait d’abord trouver une autre planète avec des êtres vivants.

    Je reviens à la thèse que ce n’est peut-être pas une mauvaise chose en fait que nous n’ayons pas l'indépendance complète, que ce soit pour un mécanisme de financement ou bien pour la nomination, car cela crée à mon avis une saine tension. Cette situation permet en outre à un groupe comme le nôtre de discuter régulièrement de la question de l’indépendance. Elle oblige ceux qui ont de l’influence à revoir leurs propres mécanismes, leur propre conduite, ce qui est une bonne chose.

    Toutefois, j’aime bien l’idée d’un mécanisme de financement pluriannuel. Je ne crois pas que ce soit la panacée qui nous assurera une indépendance complète car, même si elle compte plusieurs années, la période finit toujours par se terminer, ce qui impose d’établir une nouvelle base. Ainsi, la question de l’indépendance se poserait à nouveau, de même que celle de l’influence indue, etc. Je crois que vous êtes d’accord avec moi sur ce point.

    On voit cela se produire dans nos organismes d’arbitrage. Leur mécanisme de financement n’est pas indépendant, qu’il s’agisse de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ou du Conseil canadien des relations industrielles, qui sont tous deux des organismes indépendants. Les nominations sont jugées indépendantes et les membres ou commissaires le sont aussi. Toutefois, dans la dernière année de leur mandat, on entend dire – par les syndicats, les employeurs ou les avocats des particuliers qui s’adressent à ces organismes – qu’ils ne sont plus aussi indépendants parce qu’ils cherchent à faire renouveler leur mandat.

    Dans l’ensemble, je crois qu’il y a un problème. J’aime bien le système adopté aux États-Unis pour les tribunaux d’arbitrage, qui ont créé une catégorie particulière d’employés. Ils ont des concours dans le cadre desquels les candidats passent par un processus de sélection et sont nommés s’ils sont reçus. Une fois nommés, ils conservent leurs fonctions tant qu’il n’est pas établi qu’ils sont incompétents ou qu’ils ont commis une faute assez grave pour justifier leur renvoi. Leur situation est semblable à celle des juges. Ils ont en fait le titre de juges administratifs.

    J’aimerais savoir si vous avez examiné le modèle britannique. Certains des hauts fonctionnaires qui ont comparu devant nous sembler trouver ce modèle assez intéressant. Je voudrais savoir ce que vous en pensez sur le plan de l’indépendance du mécanisme de financement.

+-

    M. Craig Forcese: Ma réponse à cette question sera très brève. Je n’ai pas étudié le modèle britannique, et ce que j’en sais se limite à ce que j’ai lu dans le compte rendu de vos délibérations.

    Pour ce qui est de votre observation concernant la perception d'indépendance, je conviens avec vous qu’il n’y a pas de panacée. Nous n’aurons jamais un système parfait, mais nous n’en avons pas vraiment besoin. La Constitution ne l’impose pas. Nous ne sommes tenus qu’à une perception raisonnable d’indépendance.

    Nous sommes actuellement exposés à un danger : à cause de tout ce qu’on entend dire du mécanisme actuel de financement des hauts fonctionnaires, les gens peuvent raisonnablement croire que ceux-ci ne sont pas indépendants et qu’ils sont en fait punis pour ce qu'ils font. Que cela soit vrai ou non n’est pas...

+-

    L'hon. Marlene Jennings: C’est vrai.

+-

    M. Craig Forcese: ... vraiment la question, parce que la perception est déjà là.

    Comment réagir à cela? La seule chose à faire est de changer le système actuel. Autrement dit, le statu quo n’est plus acceptable. En effet, la prochaine fois que M. Rowat ou d’autres comme lui auront maille à partir avec le commissaire à l’information ou un autre haut fonctionnaire, il y aura des risques.

    Je regrette de ne pas pouvoir mieux vous renseigner sur le modèle britannique.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Est-ce que ce serait trop vous demander que de jeter un coup d’oeil rapide au modèle britannique, autrement qu’en lisant le compte rendu des délibérations du comité, et de nous transmettre un bref résumé écrit de vos conclusions? Vous êtes en quelque sorte un expert de ce domaine. Le comité l’apprécie, et moi aussi. J’aimerais beaucoup avoir votre point de vue sur ce modèle. Si vous avez lu le compte rendu, vous devez savoir que presque tous les hauts fonctionnaires du Parlement qui sont venus au comité l'ont mentionné. Ils semblaient croire que l’adoption de ce modèle au Canada ferait plus ou moins disparaître tous les problèmes relatifs à la perception de manque d’indépendance liée au financement de leur organisme. Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment le cas. C’est pour cette raison que je voudrais avoir votre opinion.

    Je n’ai pas d’autres questions. Je vous remercie.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Craig Forcese: Bien sûr, je peux faire cela.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Cela fait sept minutes.

    Monsieur Broadbent, vous avez sept minutes.

+-

    L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Monsieur le président, je voudrais commencer par présenter mes excuses, surtout à notre témoin, dont j’avais proposé la comparution devant le comité. Je voudrais également m’excuser auprès des membres du comité. C’est strictement pour des raisons personnelles que j’ai été dans l’impossibilité d’arriver à l'heure ce matin.

    Je ne veux certainement pas perdre le temps du comité ou du témoin en parlant de choses qui pourraient avoir déjà été abordées en mon absence. Je crois cependant qu’il serait utile que je propose au témoin de s’étendre, s’il y a lieu, sur une question ou un domaine que d’autres membres du comité ont soulevés. Il pourrait utiliser mon temps de parole à cette fin. J’en serais très heureux.

    Autrement, je préfère passer mon tour.

+-

    M. Craig Forcese: Je ne crois pas que j’accepterai votre proposition. Je serai très heureux de continuer à répondre aux questions.

    Je vous remercie de votre offre.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Tout le monde est très respectueux ce matin.

    Très bien, nous passons maintenant à des périodes de trois minutes.

    Monsieur Bains, pour trois minutes. Nous passerons ensuite à M. Hiebert.

+-

    M. Navdeep Bains (Mississauga—Brampton-Sud, Lib.): Merci beaucoup. J’ai beaucoup apprécié votre exposé.

    Nous sommes essentiellement aux prises avec deux grandes questions. D’une part, l’indépendance. Je suis heureux que vous ayez soulevé la question du coût, qu’il nous arrive parfois de négliger. Nos ressources sont limitées. Nous ne voulons donc pas créer un organisme qui dépense des sommes folles sans que nous puissions intervenir. Cet aspect me préoccupe.

    Je voudrais cependant connaître votre avis sur les repères objectifs dont vous avez parlé au sujet de chaque commissaire et qu'on pourrait peut-être indexer sur l’inflation. La formule serait-elle la même pour tous les commissaires, ou bien est-ce que chacun aurait la sienne? Y avez-vous pensé?

+-

    M. Craig Forcese: Je crois qu’il faudrait une formule différente pour chaque commissaire. Leurs fonctions étant différentes, leurs repères le seraient aussi.

    Prenons, par exemple, les cas du commissaire à la protection de la vie privée et du commissaire à l’information. Le premier a un mandat étendu puisqu’il doit s’occuper aussi de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ou LPRPDE qui s’étend maintenant au secteur privé. Par conséquent, si le mécanisme de financement était fondé sur les plaintes que le commissaire reçoit en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, abstraction faite de la LPRPDE, le financement serait insuffisant. Il faut tenir compte des différents mandats.

    Je suppose également que la fonction de vérificateur général, qui n’est pas fondée sur la réception de plaintes, devrait être financée par rapport à un critère différent. Je ne suis pas en mesure de préciser ce critère, dont la vérificatrice générale pourrait évidemment vous parler, mais il devrait sûrement être lié à l’étendue des opérations du gouvernement. La taille de l’administration constituerait probablement un critère raisonnable. Je crois que le Conseil du Trésor envisage, comme indicateur possible, la croissance des dépenses du gouvernement. Je ne peux pas dire si cela convient ou non, mais j’ai l’impression que c’est raisonnable comme point de départ.

+-

    M. Navdeep Bains: Auriez-vous des suggestions à faire sur la façon de formuler une telle proposition? En définitive, on veut que tous les intervenants soient dans le coup, mais, encore une fois, je m’inquiète de toute la notion de conflit d’intérêts et d’indépendance. Si, nous, parlementaires, devons y réfléchir encore, c’est que ces mécanismes de financement ou ces repères objectifs comportent un conflit d’intérêts inhérent. Avez-vous une idée de la façon d’atteindre ces objectifs? Faut-il en parler aux différents hauts fonctionnaires et aux parlementaires? Par-dessus tout, y a-t-il d’autres intervenants qui devraient participer au processus?

+-

    M. Craig Forcese: Il n’y a pas de doute que le processus le plus transparent serait le meilleur. De toute évidence, les hauts fonctionnaires eux-mêmes sont les principaux intervenants, mais il pourrait être important de tenir des audiences ouvertes où d’autres auraient la possibilité d’exprimer leur point de vue sur le niveau initial ou, du moins, sur le mécanisme initial. Par conséquent, je dirais qu’un mécanisme transparent serait le meilleur, pas nécessairement pour des motifs juridiques, mais strictement pour assurer la crédibilité nécessaire au processus.

+-

    M. Navdeep Bains: Avons-nous des exemples de ce genre de repères objectifs dans d’autres domaines de l’administration?

+-

    M. Craig Forcese: Pas que je sache, mais il faudrait que j’y réfléchisse.

+-

    M. Navdeep Bains: Il s’agirait donc d’une nouvelle idée qui, à votre connaissance, n’a jamais été mise en oeuvre ailleurs?

+-

    M. Craig Forcese: Pas à ma connaissance.

+-

    M. Navdeep Bains: Il serait intéressant de faire une étude de cas pour déterminer comment cela a marché, etc. Si cela était possible, voudriez-vous vous en occuper? Nous aimerions bien savoir...

+-

    M. Craig Forcese: Je peux faire des recherches.

    Le Conseil du Trésor disposerait également de tels renseignements. Je crois que cela a déjà figuré dans les modèles que le Conseil avait proposés et qui étaient assez étoffés. Il vaudrait donc la peine de poser également la question au Conseil du Trésor.

    De mon côté, je ferai des recherches.

¿  +-(0940)  

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Monsieur Hiebert, vous avez trois minutes.

+-

    M. Russ Hiebert (Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale, PCC): Merci beaucoup.

    Je vous remercie de votre exposé. Je voudrais vous poser quelques questions qui, je l’espère, aideront notre comité à prendre des décisions éclairées.

    J’ai noté que par suite de l’affaire Bodner, en Alberta, que vous avez reliée à l’affaire Rowat, vous êtes d’avis qu’un tribunal futur pourrait juger que les critères pris en compte dans l’affaire Rowat ne sont plus suffisants et que l’indépendance de l’ensemble du financement devrait se substituer à l’indépendance en matière de traitement.

    Dans l’affaire Bodner, il y avait un lien direct entre le financement reçu par la Cour et la décision qu’elle a prise parce que le gouvernement de l’Alberta a dit en substance qu’il réduirait les services judiciaires en cas de réduction du financement. Il y avait donc un lien direct entre le financement et l’indépendance.

    Or on ne peut pas trouver un lien direct du même genre dans le cas des commissaires. Ils obtiennent un financement annuel, de sorte qu’il serait difficile de relier une de leurs décisions au financement de leur bureau. Est-il possible que cette seule raison amène un tribunal futur à ne pas faire de différence entre ces cas?

+-

    M. Craig Forcese: Oui, votre argument est valide, mais l’analogie est imparfaite. Dans une certaine mesure, il s’agit d’une extrapolation.

    Permettez-moi de vous faire part d’un extrait de l’une des décisions clés concernant l’indépendance judiciaire. Il s’agit d’un arrêt de la Cour suprême remontant à 1985 dans l’affaire Valente, par le juge Le Dain. Voici ce passage :

Pour en venir maintenant aux autres éléments que je considère comme souhaitables pour consolider l’indépendance judiciaire, j’y inclus l’indépendance dans la confection et dans les dépenses d’un budget approuvé, et l’indépendance dans l’administration, s’étendant non seulement au fonctionnement des tribunaux, mais aussi à la nomination et à la supervision du personnel de soutien. L’indépendance budgétaire ne signifie pas que les juges devraient être autorisés à fixer leur propre traitement; cela signifie simplement que le budget ne devrait faire partie d’aucun budget ministériel, mais qu’il devrait être présenté et traité séparément. Je ne m’oppose pas, bien entendu, à sa présentation par un ministre responsable, mais il devrait le faire comme intermédiaire...

    Comme le dit cet arrêt, il faut préserver de toute manipulation politique et de toute perception de manipulation politique non seulement le traitement des juges, mais l’ensemble de leur budget.

    Je conviens cependant avec vous que je cite cette affaire par analogie. Il y a en effet une certaine extrapolation.

+-

    M. Russ Hiebert: Dans l’extrait que vous venez de citer, j’ai noté l’expression « un ministre responsable, mais il devrait le faire comme intermédiaire ». Vous dites que, dans l’affaire Valente, cela n’était pas interdit. C’est le cas du financement actuel, d’après ce que nous ont dit les commissaires que nous avons entendus. Beaucoup d’entre eux, sinon tous, ont un ministre responsable qui agit comme intermédiaire.

    Je passe à ma question suivante. Vous dites, à la page 5, que le régime de financement actuel, pour les cinq hauts fonctionnaires en question, ne satisfait pas au critère d’indépendance. De quel régime de financement parlez-vous? Les cinq hauts fonctionnaires ont des modèles de financement légèrement différents. Voulez-vous dire par là qu’aucun modèle de financement qui nécessite de s’adresser au Conseil du Trésor ne satisfait au critère?

+-

    M. Craig Forcese: C’est bien cela, surtout dans les cas de la vérificatrice générale et du commissaire à l’information, qui ont beaucoup insisté là-dessus... Je pense qu’ils ont même parlé de lobbying annuel, de l’obligation de se présenter devant le Conseil du Trésor le chapeau à la main pour essayer d’obtenir les fonds nécessaires.

    Encore une fois, si nous envisageons un cas futur, il serait assez facile de se fonder sur les déclarations des hauts fonctionnaires eux-mêmes, surtout pour ces deux-là, pour affirmer que leur indépendance est compromise. C’est ce que j’entends par le régime actuel. Je pense en particulier aux hauts fonctionnaires qui se sont plaints avec le plus de véhémence à ce sujet.

+-

    M. Russ Hiebert: Combien de temps me reste-t-il?

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Vous avez déjà pris trois minutes et demie, alors... Vous vous êtes fort bien débrouillé dans vos trois minutes.

    Monsieur Powers, pour trois minutes, puis monsieur Lukiwski.

+-

    M. Russ Powers (Ancaster—Dundas—Flamborough—Westdale, Lib.): Merci, monsieur Forcese.

    Nous parlons donc d’indépendance et de responsabilité. Je crois que l’équilibre entre les deux constitue notre plus grand défi.

    J’aimerais que vous utilisiez le temps qui m’est accordé pour expliquer le passage de votre exposé dans lequel vous dites que vous favorisez des mécanismes plus stricts pour assurer la responsabilité de l’exécutif devant le Parlement.

    Pouvez-vous élaborer?

+-

    M. Craig Forcese: Bien sûr. À mon avis, les hauts fonctionnaires jouent un rôle qui renforce la capacité du Parlement de demander des comptes à l’exécutif. Vous serez tous d’accord, je pense, que les 308 députés du Canada n’ont pas les moyens d’examiner à la loupe les activités de milliers et de milliers de personnes non élues. Les hauts fonctionnaires font partie de l'un des mécanismes dont le Parlement s’est doté pour pouvoir mieux exercer son contrôle.

    Si vous considérez que les hauts fonctionnaires constituent l’organe exécutif de l’appareil législatif, alors ils jouent un rôle vital de responsabilisation. À ce titre, que ce soit du point de vue politique ou du point de vue de la politique publique, il est important que ce mécanisme de responsabilisation soit lui-même assez indépendant et robuste. Or s’il est exposé à perdre une partie de son financement justement parce qu’il exerce le rôle de responsabilisation que le Parlement souhaite le voir assumer, il est certain que l’objet même des hauts fonctionnaires est compromis.

    Ai-je répondu à votre question?

¿  +-(0945)  

+-

    M. Russ Powers: C’est très bien, je voulais juste des éclaircissements. Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Merci, monsieur Powers.

    Monsieur Lukiwski, vous avez trois minutes.

+-

    M. Tom Lukiwski (Regina—Lumsden—Lake Centre, PCC): Merci beaucoup.

    Je vous remercie de votre exposé, monsieur Forcese. Je précise que vous avez déjà répondu à beaucoup des questions que je voulais vous poser.

    Je commence par une question générale. J’admets qu’elle est un peu injuste, compte tenu de la limite de temps que vous devez observer. Nous n’avons que trois minutes.

    Vous avez beaucoup parlé des lacunes du système. Vous avez dit – et je suis bien d’accord – que quoi que nous fassions, la solution sera toujours imparfaite. Je me demande si vous avez des recommandations. Vous avez signalé certains des problèmes du système actuel. Vous avez noté qu’il y a différents modèles que d’autres ont proposés et que nous voudrons peut-être envisager. Quelles sont vos préférences personnelles? Si vous deviez vous-même prendre la décision, en tenant compte de tous ces paramètres et en partant du principe qu’il n’y a pas de solution parfaite, quelles recommandations auriez-vous à présenter au comité?

+-

    M. Craig Forcese: Sans avoir vraiment pesé tous les avantages et les inconvénients, j’ai tendance à favoriser le mécanisme de financement pluriannuel, qui assure un financement stable pendant une période donnée. Si le niveau initial est choisi d'une façon raisonnable et est assorti d’un taux de croissance suffisant lié aux plaintes ou à un autre indicateur, les gens n’auront plus de raison de croire que les budgets sont tripotés. J’ai également l’impression a priori que c’est l’option la moins coûteuse. En effet, même si les niveaux sont fixés par un groupe d’experts ou un organisme extérieur, celui-ci n’aurait à se réunir qu’une fois toutes les quelques années. Il ne serait pas convoqué chaque année pour étudier les mêmes choses.

    En précisant encore une fois que je n’ai pas examiné tous les modèles différents comme le Conseil du Trésor semble l’avoir fait, je crois que c’est la formule la plus avantageuse du double point de vue de l’indépendance et de l’efficience.

+-

    M. Tom Lukiwski: Monsieur le président, je vois que M. Broadbent a levé la main. S’il me reste encore du temps, j’aimerais le lui céder.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Vous pouvez certainement céder la minute qui vous reste à M. Broadbent, à moins qu’il ne préfère attendre son tour. Avez-vous une question d’une minute à poser, monsieur Broadbent?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Voici ma question d’une minute. À ma connaissance, il existe deux variantes du financement indépendant ou à long terme. L’une consisterait en un engagement ministériel ou budgétaire. L’autre impliquerait de modifier la loi pour prévoir un certain montant sur un certain nombre d’années. Ainsi, quand le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique a été créé à Montréal, il disposait d’un financement quinquennal prévu par la loi. Autrement dit, le gouvernement ne pouvait pas modifier son budget chaque année, à moins de modifier la loi.

    Avez-vous des observations à formuler au sujet de ces deux options?

+-

    M. Craig Forcese: Ce financement valait-il pour les cinq premières années ou bien était-il reconduit tous les cinq ans par la suite?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Nous avons eu un changement de gouvernement qui a entraîné des modifications. Ce n’est pas très clair. On a débattu de la question de savoir si le financement quinquennal devait ou non être reconduit.

+-

    M. Craig Forcese: Nous revenons donc à la question soulevée par M. Laframboise: est-ce qu’un financement pluriannuel nécessite une modification législative ou bien suffit-il d’établir une pratique sur laquelle tout le monde s’entend plus ou moins? Vous parlez de deux possibilités. La question est de savoir laquelle est préférable.

    Dans l’optique de l’indépendance, plus l’indépendance de l’organisme est évidente, moins on risque qu'elle soit contestée. Si le financement est inscrit dans la loi et qu’un cas semblable à l’affaire Rowat se pose, il suffira de s'appuyer sur la loi, comme les tribunaux le font, pour trancher les questions d’indépendance. Les tribunaux ne se fondent pas toujours sur la pratique, mais ils doivent toujours appliquer la loi. Ils diront qu’il y a des dispositions législatives garantissant l’inamovibilité. S’il y a en plus des dispositions garantissant un financement quinquennal, on n'aurait plus à s’inquiéter d’allégations concernant une politisation possible du budget.

    L’inscription dans la loi est-elle souhaitable du point de vue de la logistique et de l’efficacité? Je ne le sais pas. Je crois cependant que les deux possibilités existent.

    Merci.

¿  +-(0950)  

+-

    L'hon. Ed Broadbent: J’y reviendrai plus tard.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Vous êtes inscrit sur la liste.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Incidemment, je voudrais remercier mon collègue pour ce temps.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Nous passons maintenant à M. Epp. Ensuite, s’il n’y a personne à ma droite, ce sera au tour de M. Laframboise.

    À vous, monsieur Epp, pour trois minutes.

+-

    M. Ken Epp (Edmonton—Sherwood Park, PCC): Merci beaucoup.

    Je voudrais revenir aux questions juridiques, qui sont votre spécialité. Nous savons que le financement des tribunaux et le traitement des juges constituent deux sujets distincts. Toutefois, on peut supposer que les deux influent sur l’indépendance des juges : si ceux-ci rendent des décisions qui ne plaisent pas au gouvernement et que le gouvernement les punisse en réduisant leur traitement, même si tous les autres mécanismes de financement restent les mêmes, on peut croire que cela touche à leur indépendance.

    J’aimerais que vous répondiez à cette question parce que je me sens frustré, comme député, et que les électeurs protestent très énergiquement contre le fait que les députés obtiennent une augmentation de salaire, semblable à celle des juges, de l’ordre de 10 p. 100. Lorsqu’on a annoncé que les députés ne bénéficieraient pas des mêmes augmentations que les juges, il y a également eu un tollé : qui sont ces juges qui s’attribuent une augmentation de 10 p. 100? Nous savons bien que ce n’est pas ce qui s’est passé, mais c’est la perception qu’ont les gens. Par conséquent, quelle influence pensez-vous que les salaires réels ont sur l’indépendance d’un fonctionnaire du greffe ou d’un juge?

+-

    M. Craig Forcese: La plupart des fonctionnaires—je crois qu’ils ne sont pas tous dans ce cas—reçoivent un traitement lié à celui des juges. Il est donc probable qu’ils obtiendront la même augmentation de 11 p. 100.

    La question est de savoir quelles répercussions ont les salaires sur l’indépendance. Nous avons eu une réponse venant de haut en 1997 lorsque la Cour suprême s’est prononcée sur une renvoi venant de l’Île-du-Prince-Édouard. La Cour suprême a été catégorique : le salaire influe considérablement sur l’indépendance du tribunal, aussi bien en ce qui concerne le maintien de la perception d’impartialité que... Si le salaire est trop bas, une personne raisonnable peut croire que le tribunal serait plus réceptif face à des actes vils, etc.

    Nous pourrions en débattre, mais je crois que la loi est assez énergique au sujet du salaire des juges après la décision rendue par la Cour suprême sur le renvoi de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons donc des commissions indépendantes chargées de fixer le traitement des juges au niveau fédéral, en vertu de la Loi sur les juges, ces commissions étant elles-mêmes des organismes très indépendants qui bénéficient, dans une certaine mesure, de l’inamovibilité.

    La question à trancher est celle que vous avez mentionnée : dans quelle mesure pouvons-nous extrapoler la décision claire rendue dans le cas du traitement des juges pour l’étendre au financement des services judiciaires? Au niveau fédéral, dans le cas de la Cour fédérale, de la Cour de l’impôt et, bien entendu, de la Cour suprême, c’est le gouvernement fédéral qui s'occupe du financement des services judiciaires. C’est à ce sujet que s’exercent les pressions dont j’ai parlé tout à l’heure, dans le cadre de la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires et dans les déclarations de l’administrateur du Service se plaignant qu’il devait à la fois demander de l’argent au Conseil du Trésor et préserver son indépendance.

    Je ne crois pas que le dernier mot ait été dit à ce sujet. Comme je l’ai mentionné, une affaire venant de l’Alberta est actuellement devant la Cour suprême. Ce n’est d’ailleurs pas la seule, car il y en a plusieurs autres venant d’autres provinces. Je ne sais pas s’il y a déjà eu des cas semblables et si la Cour va trancher, mais il est possible que nous ayons un autre arrêt important.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Ken Epp: Je vous remercie.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie. Cela fait trois minutes.

    Monsieur Laframboise, puis de nouveau monsieur Broadbent.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.

    J'espère que notre comité sera le premier à proposer un modèle. Nous devrions donc faire un rapport. C'est pourquoi nous vous avons fait comparaître. Je pense qu'il est urgent qu'on propose une nouvelle façon de financer les commissaires. Dans l'affaire Rowat, si les nouveaux événements avaient déjà eu lieu, les avocats auraient probablement réussi à mettre en doute la sécurité financière du commissaire. Quelles auraient été les répercussions de cela?

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: C’est une question intéressante : quelles seraient les conséquences si un tribunal statue que le commissaire à l’information n’est pas suffisamment indépendant pour satisfaire au critère 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés? C’est une bonne question. M. Rowat essayait d’obtenir de la Cour qu’elle déclare inconstitutionnel tout l’article 36 de la Loi sur l’accès à l’information.

    L’article 36 de la Loi sur l’accès à l’information accorde aux commissaires non seulement le pouvoir d’assigner des témoins à comparaître et à produire des pièces, mais aussi des pouvoirs d’enquête assez étendus. La Cour aurait-elle accordé cette réparation en cas de succès de M. Rowat? Je ne peux pas le dire. Dans ces circonstances, le moins qu’elle aurait pu faire aurait été de se prononcer sur la question de l’indépendance en déclarant que le commissaire à l’information n’est pas assez indépendant et qu’il n’a donc pas, comme une cour supérieure d’archives, le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal. C’est vraiment le moins que la Cour aurait pu faire. À l’autre extrême, elle aurait pu accorder à M. Rowat ce qu’il demandait en déclarant inconstitutionnel tout l’article 36, privant ainsi le commissaire à l’information de tous ses pouvoirs d’enquête.

    Quand je parle d’indépendance dans le contexte de l’alinéa 11d) de la Charte, une telle décision ne ferait pas disparaître la fonction du commissaire à l’information, mais elle le priverait de pouvoirs importants que le Parlement lui avait conférés, comme aux autres commissaires.

[Français]

+-

    M. Mario Laframboise: Cela veut donc dire que certains témoins auraient pu refuser de comparaître, que des enquêtes n'auraient pas pu être faites et que des gens auraient pu s'opposer.

[Traduction]

+-

    M. Craig Forcese: C’est bien possible.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Monsieur Broadbent, puis monsieur Hiebert.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Monsieur le président, je voudrais revenir à l’option du financement inscrit dans la loi par opposition à un poste budgétaire prévoyant un financement à long terme. Je voudrais, dans ce contexte, parler de mon expérience personnelle pour défendre l’option du financement inscrit dans la loi, par exemple un montant fixe sur cinq ans prévoyant des hausses régulières mais limitées fondées sur le coût de la vie, etc. Pour moi, c’est l’option la plus avantageuse. Je vais vous expliquer pourquoi, d’après ma propre expérience.

    Pendant que je dirigeais une institution établie par le Parlement, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, notre budget de départ était inscrit dans la loi et prévoyait des augmentations fixes pendant cinq ans. Il s’agissait d’une nouvelle institution, ce qui est important, parce qu’il y avait de bonnes raisons d’avoir des hausses annuelles, à mesure que l’organisme gagnait en expérience. Cela pourrait s’appliquer en principe aux hauts fonctionnaires du Parlement, non qu’ils ont nécessairement besoin d’étendre leurs opérations de la même façon, mais simplement pour tenir compte du coût de la vie. Il est question ici pour chaque fonctionnaire de prendre des décisions internes explicitement liées à son mandat, sans craindre d’indisposer le gouvernement au point où il envisagerait de réduire son budget.

    Lorsque nous avons perdu l’indépendance que nous assurait le financement inscrit dans la loi, nous avons commencé – je ne voudrais pas exagérer ce point – à en ressentir les effets sur nos discussions internes concernant nos activités de programme. Je tiens à dire tout de suite très clairement que j’ai dirigé ce centre sous deux premiers ministres de deux partis différents et sous deux ministres des Affaires étrangères de partis différents, qui n’ont jamais essayé d’influencer l’action du centre. Toutefois, comme nous nous occupions d’activités internationales liées aux droits de la personne, nous estimions qu’il faisait partie de notre mandat de critiquer le gouvernement du Canada si ses activités portaient atteinte aux droits de la personne. Nous ne considérions pas que notre principal rôle était de critiquer le gouvernement, parce que notre première fonction était de favoriser le respect des droits de la personne à l’échelle internationale.

    Je tiens à en parler à mes collègues. Lorsque le financement indépendant prévu dans la loi a pris fin, nous avons dû nous adresser à l’ACDI chaque année et faire du lobbying pour obtenir de l’argent. Cela a suscité des discussions internes parmi les membres de mon personnel au sujet des cas marginaux. Devons-nous poursuivre cette option ou non? Est-ce que nous pourrions déplaire à l’ACDI, même si notre action n’a pas d’effets à l’échelle ministérielle? Nous avons déplu à l’ACDI un certain nombre de fois, ce qui ne nous dérangeait pas trop puisque le Parlement nous avait clairement donné un mandat indépendant.

    Il me semble que la situation ici est analogue. La question du financement a influé – je n’irai pas plus loin – sur nos discussions internes concernant certains projets. Je crois qu’elle influerait également, à l’occasion, sur les discussions des hauts fonctionnaires du Parlement, non à cause d’une mauvaise foi présumée du gouvernement, mais simplement à cause de rivalités ainsi que de priorités et d’obligations contradictoires. Voilà ce qu’il en est.

    Je consacre un certain temps à cette question parce qu’elle a été posée. Le comité n’avait pas tenu jusqu’ici de discussions sur le financement inscrit dans la loi ou d’autres genres de financement à long terme. Comme vous avez soulevé cette question, je tiens à dire que le financement à long terme inscrit dans la loi assure une plus grande sécurité. Je répète que les augmentations annuelles n’ont pas à être élevées, elles peuvent être très limitées. Cela donnerait cependant une plus grande indépendance à ces hauts fonctionnaires, parce qu’un gouvernement qui essaierait de leur couper leur budget aurait d’abord à faire modifier une loi au Parlement. Cela confère un bien plus grand degré d’autonomie, comme j’ai pu m’en rendre compte au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.

    Mon successeur Warren Allmand – que beaucoup d’entre vous connaissent et qui venait d’un autre parti politique – a également défendu ce point de vue. Comme les collègues qui l’ont connu le savent, il a toujours agi avec un grand sens de l’indépendance.

    Bref, le processus interne de décision du personnel commence à dériver lorsque les gens n'ont plus l’impression d’être complètement indépendants. J’ai formulé ces observations à l’intention de mes collègues. Je ne sais pas si vous avez vous-même des commentaires, monsieur Forcese.

À  +-(1000)  

+-

    M. Craig Forcese: J’ai trois petites observations à faire à ce sujet.

    La première est la suivante. Vous avez parlé du mandat de Droits et Démocratie, comme on l’appelle maintenant, et de son rôle quasi indépendant. Je dirais que le rôle quasi indépendant est en fait un rôle indépendant dans le cas des hauts fonctionnaires du Parlement. Ils ont le mandat positif d’agir au nom du Parlement. Par conséquent, si leurs délibérations internes sont influencées, comme vous l’avez décrit dans le cas de Droits et Démocratie, par la perspective de ne pas obtenir suffisamment de fonds, les conséquences sont, à mon avis, d’autant plus graves.

    Deuxièmement, vous avez parlé de la nécessité de majorer le financement tous les ans lorsque vous avez démarré les opérations de Droits et Démocratie. Je dois dire que je m’inquiète un peu lorsque je vois les rapports venant du Commissariat à l’information au sujet de l’augmentation constante du nombre de plaintes et de demandes d’accès et du fait qu’il y a maintenant un arriéré de neuf mois dans le règlement des plaintes. À titre d’utilisateur de la Loi sur l’accès à l’information qui attend toujours une réponse à une demande présentée en juillet, j’ai des raisons de m’inquiéter. L’idée que ces organismes très importants ne reçoivent pas un financement suffisant est alarmante.

    Mon dernier point est que la Cour suprême est saisie d’une affaire dans laquelle le bureau du vérificateur général tente de poursuivre le gouvernement pour un différend qui s’est produit vers la fin des années 80. La Cour suprême a répondu en disant que si le bureau a maille à partir avec l’exécutif au sujet de l’application de la Loi sur le vérificateur général, il devrait s’adresser au Parlement, puisqu’il est lui-même un organe du Parlement. Il incombe au Parlement, et non aux tribunaux, de régler le différend.

    N’oubliez pas que les hauts fonctionnaires du Parlement se tourneront en définitive vers vous, parlementaires, s’ils ont un problème sérieux. Ils n’ont pas compétence pour se plaindre de l’exécutif devant les tribunaux.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Vous avez pris six minutes et demie. Je voulais le dire pour que tout le monde le sache.

    Monsieur Hiebert, puis madame Jennings.

+-

    M. Russ Hiebert: J’ai une question de plus à poser au sujet de ce dont nous parlions, il y a quelques minutes. Dans la partie de votre exposé décrivant vos propositions, vous dites que les députés ne devraient pas se mêler du financement de ces commissions parce que la Loi sur l’accès à l’information pourrait être étendue au Parlement lui-même. Si la loi n’était pas modifiée, cette question ne vous préoccuperait donc pas. Est-ce exact?

+-

    M. Craig Forcese: C’est exact.

À  +-(1005)  

+-

    M. Russ Hiebert: Même si la loi devait être modifiée, je ne vois vraiment pas pourquoi les parlementaires ne pourraient pas faire partie d’un comité s’occupant du financement des autres commissions.

+-

    M. Craig Forcese: Mon observation concernant le commissaire à la protection de la vie privée et le rôle des parlementaires dans le financement du Commissariat était hypothétique puisque je ne suis pas du tout sûr qu’on s’entende sur l’opportunité d’étendre la loi au Parlement. Nous n’en sommes pas encore là. J’en ai parlé en passant car il serait malheureux que la loi soit modifiée et que, quelques années plus tard, nous soyons dans la même situation en train de discuter de l’indépendance du commissaire par rapport au Parlement.

    C’est simplement une chose à ne pas perdre de vue.

+-

    M. Russ Hiebert: Ce n’est pas un élément qui empêchera notre comité d’avancer ce genre de suggestions en ce moment. Sur la base des renseignements que le comité a reçus, je trouve intéressant le modèle de financement qu’on a qualifié de britannique. C’est le modèle dans lequel des parlementaires de différents milieux ou différents hauts fonctionnaires du Parlement – je veux parler de parlementaires qui auraient des fonctions de hauts fonctionnaires – seraient responsables du financement à long terme des différentes commissions.

    Je vous remercie de vos commentaires et de nous avoir permis d’envisager cette option.

    C’est tout ce que j’ai à dire.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Madame Jennings, puis monsieur Tilson.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je voudrais remercier mon collègue, M. Broadbent, d’avoir soulevé la question de Droits et Démocratie. C’est un exemple très important. Les collègues présents ne le savent peut-être pas, mais une fois que le financement quinquennal inscrit dans la loi pour le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, dont vous avez été le premier président, a pris fin, non seulement le financement est devenu un problème, mais le budget du Centre a subi d’importantes coupures. Aujourd’hui encore, c’est un problème majeur. Depuis que j’ai été élue pour la première fois en 1997, je suis intervenue au nom de Droits et Démocratie en vue d’obtenir un financement pluriannuel garanti. Je n’ai pas réussi. J’exhorte les membres du comité à joindre leur voix à la mienne.

    Je voudrais revenir à la question du financement pluriannuel. Vous avez dit que s’il était inscrit dans la loi, il assurerait plus de sécurité et protégerait mieux l’indépendance. Je suis du même avis. Je crois qu’il faudrait établir un mécanisme garantissant le financement. L’inscription dans la loi constitue pour moi l’option la plus avantageuse. J’ai cependant une autre préoccupation concernant la gouvernance de ces commissariats. Il faudrait renforcer le pouvoir de contrôle des comités parlementaires pour qu’ils puissent tenir les commissaires responsables devant le Parlement.

    J’ai fait partie du Comité des comptes publics et j’en ai été la vice-présidente pendant plusieurs années. Je dois dire que malgré toutes les bonnes intentions et la grande intelligence de tous les membres du comité, il ne disposait pas des moyens et des ressources nécessaires pour exercer un contrôle suffisant et efficace sur la vérificatrice générale, par exemple. J’ai également fait partie d’autres comités dont relevaient d’autres hauts fonctionnaires du Parlement, et j’ai pu faire les mêmes constatations.

    Je crains donc que nous ayons déjà un problème puisse que nos comités n’ont pas, à mon avis, les moyens qu’il faut pour exercer un contrôle efficace sur les hauts fonctionnaires du Parlement. Si nous devions passer à un financement pluriannuel inscrit dans la loi, l’indépendance et le manque de contrôle en seront renforcés d’autant. Comment remédier à cette situation?

À  +-(1010)  

+-

    M. Craig Forcese: Vous avez soulevé un certain nombre de questions. Pendant que vous parliez, je pensais en fait à l’affaire Radwanski. Je crois que M. Lee a participé à la rédaction d’un rapport sur cette affaire et sur la responsabilité des hauts fonctionnaires du Parlement.

    Ces hauts fonctionnaires sont des agents du Parlement. Comment préserver au maximum la responsabilité? En définitive, la première place, pour le faire, est à l’entrée : il faut choisir les bonnes personnes et veiller à examiner attentivement leurs antécédents avant de les nommer. En effet, une fois qu’un haut fonctionnaire du Parlement est en place, il bénéficie d’une certaine protection. Je crois donc que les comités parlementaires devraient participer davantage à la vérification initiale pour qu’elle devienne plus une enquête qu’une approbation de pure forme, comme cela s’est produit dans le passé.

    Comme chacun le sait, la question des ressources est importante pour tous les comités parlementaires, et pas seulement dans le contexte des nominations par décret. Dans le cas des hauts fonctionnaires, le Parlement doit approuver le processus de nomination, ce qui est inhabituel dans le cas des nominations par décret. Sa participation revêt donc un caractère plus important. En bout de ligne, le vrai mécanisme de responsabilisation réside dans le pouvoir de congédiement, que possèdent le gouvernement et le Parlement, mais qui n’a jamais été exercé dans le cas d’un haut fonctionnaire du Parlement. Dans le cas de M. Radwanski, le Parlement aurait peut-être adopté une résolution en vue de le démettre de ses fonctions s’il n’avait pas donné sa démission, mais il y a des mécanismes de responsabilisation. Je ne suis pas sûr qu’ils doivent prendre la forme d’un contrôle du financement. Il y a d’autres formes. Voilà ma réaction.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: J’appuie en fait, avec une certaine réticence, le financement pluriannuel inscrit dans la loi pour les hauts fonctionnaires du Parlement.

    Si les comités parlementaires avaient disposé de ressources suffisantes pour surveiller efficacement nos hauts fonctionnaires, l’affaire Radwanski n’en serait peut-être pas arrivée au point qu’elle a atteint, parce qu’il y aurait eu un contrôle d’année en année. Nous aurions eu de meilleures chances de découvrir plus tôt les problèmes systémiques créés au commissariat. En fait, les choses en étaient arrivées au point où la pourriture a détruit l’édifice avant de crever la surface. Dans une certaine mesure, c’est probablement parce que nos comités n’ont pas la possibilité, par manque de ressources, d’exercer une bonne surveillance. Plusieurs autres raisons ont aussi contribué, je crois. La composition des comités change rapidement...

    Le président me dit que mon temps de parole est écoulé.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Vous avez pris six minutes et demie. Mais nous n’en avons pas souffert.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Cela ne fait que compenser le temps supplémentaire que vous avez accordé à d’autres membres.

+-

    M. Derek Lee: Probablement.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Alors, cela s’équivaut.

+-

    M. Derek Lee: Je les vois tous en train de sourire pour exprimer leur accord.

    Monsieur Tilson, vous avez trois minutes.

+-

    M. David Tilson: Je vous remercie de nous avoir proposé cette nouvelle formule du financement pluriannuel. J’ai quelques petites questions à vous poser à ce sujet.

    Je suppose qu’une fois le financement pluriannuel établi—je suis sûr que vous y avez déjà réfléchi—, il y aurait des augmentations dans chacune des cinq années. Il me semble cependant que le gouvernement pourrait vouloir, pour une raison ou une autre, diminuer le financement par suite d’un ralentissement de l’économie, par exemple, qui lui impose de faire des coupures partout. Nous venons de parler de cette malheureuse affaire mettant en cause l’un des commissaires. Compte tenu de la façon dont il dépensait, il est évident que des coupures se seraient imposées dans le cas de ce commissariat.

    À l’Assemblée législative de l’Ontario, j’ai fait partie d’un comité qui examinait la Loi sur l’information. Nous avions découvert que des gens profitaient du processus. Un individu qui se présentait comme anarchiste exigeait de savoir combien de rouleaux de papier de toilette le service de police de Toronto utilisait chaque année. Le comité avait donc commencé à discuter de la possibilité d’établir des restrictions. Dans ce cas particulier, il s’agissait du commissaire à l’information. Pouvons-nous permettre à des gens de demander n’importe quoi?

    Je ne crois pas qu’il soit bon d’accorder des augmentations automatiques pendant la période choisie, mettons cinq ans.

À  +-(1015)  

+-

    M. Craig Forcese: L’idée est d’établir un niveau de base, puis de trouver une formule permettant de calculer les augmentations ou les diminutions. Par exemple, si on rattachait le financement du commissariat à l’information à un niveau de base assorti d’un supplément dépendant du nombre de plaintes reçues, le budget annuel pourrait augmenter ou diminuer. Il est peu probable qu’il diminue et, dans la plupart des cas, il augmentera. Quoi qu’il en soit, la formule n’augmenterait pas nécessairement le financement chaque année.

+-

    M. David Tilson: Bien au contraire, professeur. Dans le cas du commissaire à l’information, par exemple, on pourrait avoir besoin de donner plus de services sans pour autant que l’économie permette de répondre à ce besoin. Peut-être chaque ministère du gouvernement—je pense à un ralentissement économique—y compris les commissaires, serait dans l’obligation de réduire son budget parce que le pays n’a plus de quoi payer. C’est la même chose dans les ménages : nous devons nous serrer la ceinture quand les temps sont durs.

+-

    M. Craig Forcese: Vous auriez à décider, si vous voulez inscrire cela dans la loi, dans quelle mesure le financement dépendrait de la fonction du commissaire et serait indépendant de tout événement extérieur tel qu’un ralentissement de l’économie. Comme vous le dites, on pourrait peut-être prévoir une disposition d’exception permettant des coupures générales dans l’administration en cas de difficultés économiques. Le mécanisme pourrait comprendre des dispositions pouvant être invoquées dans des circonstances exceptionnelles.

+-

    M. David Tilson: Je vous remercie.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): À vous, monsieur Broadbent.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Pour poursuivre dans la même veine, je crois que notre collègue a soulevé une question très importante dont il faudrait tenir compte si l’on veut assurer l’indépendance à long terme par voie législative.

    Votre dernier commentaire portait sur un point que je m’apprêtais à mentionner. On pourrait prévoir dans la loi l’adoption de mesures spéciales dans des circonstances extraordinaires.

    Je me souviens de la vérificatrice générale qui était venue nous informer d’une récente coupure budgétaire générale, qui s’appliquait à toute l'administration, mais ne touchait pas son bureau. Elle avait alors décidé de l’appliquer elle-même au bureau du vérificateur général. Je crois que ce point est important. Si on prévoit un financement fixe, on peut prévoir une disposition d’exception permettant de réduire le budget. L’autre option est de laisser les gens prendre leurs propres décisions, comme l’a fait la vérificatrice générale.

    Je peux également penser à des circonstances dans lesquelles des coupures seraient appliquées à tous les ministères et organismes de l’administration, mais où on ne voudrait pas réduire le budget des hauts fonctionnaires du Parlement à cause de leur mandat particulier. De toute façon, le comité devra tenir compte de cet aspect lorsqu’il présentera ses recommandations finales.

    C’est tout, monsieur le président. C’était seulement un commentaire.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Comme je ne vois personne d’autre, je vais peut-être poser moi-même quelques questions. Si d’autres membres veulent en poser, je leur donnerai bien sûr la parole.

    Voici ma question. Elle concerne ce concept d’indépendance sur lequel vous avez beaucoup insisté. Vous semblez supposer que lorsqu’une personne est nommée pour faire un travail, elle devrait en principe être indépendante de tout. Ma perception est différente. Les hauts fonctionnaires du Parlement sont engagés et sont maintenus en fonction par le Parlement. Par conséquent, ils ne sont certainement pas indépendants du Parlement.

    Vos arguments touchant l’appareil judiciaire sont très réels. Il existe dans ce cas une indépendance constitutionnelle. C’est très différent dans le cas d’un haut fonctionnaire du Parlement. Je veux bien admettre que ses décisions doivent être impartiales, mais cela n’implique pas une indépendance totale. Il y a une différence entre le fait d’être impartial et le fait d’être habilité à écrire votre propre chèque à des fins administratives.

    Pourriez-vous donc expliquer votre emploi du terme « indépendance »? Indépendance par rapport à quoi? Pour lequel des hauts fonctionnaires qui nous intéressent, le commissaire à l’éthique, le commissaire à la protection de la vie privée ou le commissaire à l’information, sans oublier bien sûr que d’autres fonctionnaires ont d’autres formes relatives d’indépendance à négocier? Pour ma part, j'insisterais plutôt sur le concept de l’impartialité et de la prise de décision judiciaire que sur celui de l’indépendance générale.

À  +-(1020)  

+-

    M. Craig Forcese: L’impartialité tend à se rattacher aux caractéristiques particulières du décideur en question. Par indépendance, j’entends l’indépendance structurelle par rapport à une branche donnée du gouvernement.

    Sur quelle base puis-je prétendre que les fonctionnaires ont besoin d’indépendance? Eh bien, je crois que vous avez raison : dans la plupart des cas, ils n’exercent pas des fonctions liées à une exigence constitutionnelle d’indépendance. Toutefois, comme l’affaire Rowat l’a montré, dans certaines circonstances limitées—surtout lorsqu’ils exercent le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal—, il y a une obligation constitutionnelle d’indépendance en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte. C’est ce qui ressort de l’affaire Rowat.

    Votre collègue a demandé quels pourraient être les effets si le tribunal aboutissait à la conclusion qu’un commissaire n’est pas indépendant dans un aspect particulier de sa fonction. Les conséquences seraient relativement étroites puisque, dans le pire des cas, le tribunal déclarerait inconstitutionnel l’article 36 ou, s’il voulait nuancer son jugement, déclarerait inconstitutionnel le pouvoir de sanction pour outrage au tribunal qui est conféré au commissaire par analogie avec une cour d’archives. Néanmoins, il y a une jurisprudence selon laquelle l’indépendance est une exigence, du moins dans ces fonctions étroites.

    Pour ce qui est de votre second point, il est vrai que ce sont des fonctionnaires du Parlement qui sont en définitive responsables envers le Parlement, bien que celui-ci ait choisi de leur attribuer une grande indépendance structurelle dans le cadre d’éléments tels que l’inamovibilité. Le Parlement ne peut pas démettre à son gré de ses fonctions l’un de ses hauts fonctionnaires. Il doit avoir une bonne raison de le faire et doit procéder par voie de résolution. Il faut donc d’une part qu’il y ait un motif et, de l’autre, qu’une procédure précise soit respectée. Il y a par conséquent un certain degré d’indépendance structurelle qui apparaît explicitement dans les actes régissant les hauts fonctionnaires du Parlement.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Monsieur Epp, puis monsieur Broadbent.

+-

    M. Ken Epp: Merci.

    Je vais maintenant vous lancer un défi. Vous nous avez exposé cette idée de financement à long terme garanti par voie législative. Je considère que votre idée comporte deux lacunes. D’abord, l’adoption de la loi initiale est marquée par un manque total d’indépendance parce que c’est un moment où le Parlement peut collectivement exercer de fortes pressions sur le haut fonctionnaire en cause.

    Vous proposez une augmentation basée sur le coût de la vie ou une hausse annuelle fondée sur un indice quelconque. Je ne sais pas vraiment comment cela se ferait. Il faut supposer que le corps législatif du moment peut prédire avec exactitude ce que seront les besoins de ce fonctionnaire pendant les cinq années suivantes.

    Il est difficile de croire qu’une telle exactitude soit possible, surtout parce que le rôle des hauts fonctionnaires peut changer considérablement. Je pense par exemple au commissaire à l’information dont les législateurs n’auraient jamais pu prédire la charge de travail il y a cinq ans. Or si le volume augmente, il faut augmenter le budget au-delà de la hausse du coût de la vie car il aura besoin de plus de personnel, de plus grandes installations, etc.

    Même si, à première vue, l’idée du financement à long terme semble attrayante, je crois qu’elle a des défauts parce qu’il est impossible de prévoir d’avance la nature du travail. Par ailleurs, si on établit un mécanisme de révision, ce serait le retour à la case départ : si le haut fonctionnaire propose quelque chose qui plaît au Parlement à ce moment-là, son budget sera approuvé. Autrement, s’il souhaite obtenir des choses qui vont nous mettre mal à l’aise, nous voterons contre, anéantissant son indépendance.

    J’aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

+-

    M. Craig Forcese: Au sujet de votre premier point concernant le manque d’indépendance au moment de l’établissement du mécanisme, Mme Jennings a fort bien dit qu’on ne peut aspirer à un système parfait. On trouvera toujours un élément qui révélera un certain manque d’indépendance, si on l’approfondit suffisamment. C’est une question d’apparence raisonnable d’indépendance. La mise en place du mécanisme peut donner lieu à toutes sortes de manoeuvres. Mais, encore une fois, nous ne visons pas la perfection. Nous cherchons seulement à éviter des circonstances dans lesquelles le commissaire à l’information prendrait une année donnée une décision qui déplairait beaucoup au gouvernement pour se voir punir l’année suivante. C’est ma réponse à votre première observation.

    La seconde concerne l’augmentation annuelle dans une formule de financement à long terme. Je ne pensais pas en fait au coût de la vie. Je ne crois pas que le coût de la vie ait quoi que ce soit à voir avec les frais d’un commissariat. Il faudrait chercher des critères différents qui seraient choisis par rapport aux fonctions exercées, de sorte qu’il soit possible de prédire la charge de travail possible.

    Sans beaucoup y réfléchir, je dirais que, dans le cas du commissaire à l’information, le nombre de plaintes semble constituer un critère raisonnable pour mesurer la charge de travail du commissariat. Dans le cas du commissaire à la protection de la vie privée, on pourrait songer au nombre de plaintes, sans perdre de vue cependant celles qui seraient reçues du secteur privé en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il ne faut pas oublier non plus que ces deux fonctionnaires ont un rôle de promotion. Il faudrait rattacher les augmentations à leurs fonctions, et non à un indicateur externe qui n’aurait rien à voir avec ces fonctions.

    Aboutirons-nous ainsi à un mécanisme parfait? Probablement pas, mais il faudrait faire l’effort nécessaire pour arriver le plus près possible de la perfection. Il pourrait en outre y avoir un processus de budget supplémentaire si ce critère ne se révèle pas assez efficace. L’idée, encore une fois, est d’assurer l’indépendance la plus complète, sans nécessairement viser la perfection.

À  +-(1025)  

+-

    M. Ken Epp: Je sais que mon temps de parole est écoulé, mais je voudrais poser une question supplémentaire.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Allez-y, monsieur Epp.

+-

    M. Ken Epp: Si nous avions un système de budget supplémentaire pour faire l’appoint chaque année, ne va-t-il pas complètement démolir notre principe d’indépendance?

+-

    M. Craig Forcese: Oui, si vous visez la perfection. Par contre, si vous ne visez qu’une apparence raisonnable d’indépendance, peut-être pas. Cela dépendrait de la façon dont le système de budget supplémentaire fonctionnerait. Il s’agit de dire aux fonctionnaires que s’ils trouvent leur budget insuffisant dans le cadre du financement pluriannuel, ils peuvent venir nous voir et, s’ils satisfont à une série de critères que nous aurons établis, ils pourraient recevoir un montant supplémentaire. Je crois que cela pourrait marcher.

    Il serait beaucoup plus difficile dans un système de financement pluriannuel de réduire le budget à notre discrétion, sans bonnes raisons. À mon avis, cela susciterait des appréhensions.

    Comment on dit, le diable est dans les détails. Il est difficile pour moi d’imaginer, sans grande réflexion, un système pouvant tenir compte de toutes ces hypothèses concernant l’indépendance. Je demeure cependant persuadé qu’un système de budget supplémentaire avec des lignes directrices claires indiquant dans quelles conditions un montant supplémentaire peut être attribué pourrait marcher. Une fois de plus, c’est une question de perception, et pas nécessairement de perfection à 100 p. 100.

+-

    M. Ken Epp: Pourtant, en majorant ou en réduisant les budgets, nous ne ferions qu’exercer le mandat constitutionnel du Parlement, qui est chargé de gérer les affaires financières des contribuables.

+-

    M. Craig Forcese: Oui, mais le Parlement est libre d’introduire, s’il le croit bon, un mécanisme qui établirait un processus pluriannuel. Autrement dit, je n’ai pas du tout l’impression que le Parlement renoncerait à sa fonction de contrôle des deniers publics en établissant un tel mécanisme pour ses hauts fonctionnaires. Il peut le faire à sa discrétion, comme il l’a déjà fait dans le cas du Centre international des droits de la personne et du développement de la démocratie, au moins dans les cinq premières années du Centre.

+-

    M. Ken Epp: Très bien. Je vous remercie, monsieur.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Monsieur Broadbent, puis madame Jennings. Je crois que ce sera ensuite terminé.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Pour poursuivre la discussion concernant le financement pluriannuel et le point que mon collègue a soulevé, je voudrais dire que c’est moi qui ai évoqué la possibilité – je dis bien possibilité – de rattacher le budget triennal ou quinquennal inscrit dans la loi à la hausse du coût de la vie. Tout d’abord, je ne voudrais pas être tenu à cela. Je préférerais pécher par excès de responsabilité financière, et peut-être ne pas inclure l’indexation au coût de la vie. Je me limiterais à estimer du mieux que je peux les besoins de l’organisme en question pour les cinq années suivantes. Je crois qu’il est très important – plus j’y pense, plus j’en suis persuadé – d’inscrire cette indépendance dans la loi afin, par exemple, d’éviter la situation qu’a évoquée mon collègue conservateur.

    Même si le mandat inscrit dans la loi du centre dont j’étais le président est arrivé à expiration pendant que j’étais encore là, c’est mon successeur – heureusement pour moi – qui a subi les coupures. Je n’ai pas eu à les supporter, mais il a fallu tenir compte par exemple... Nous savions combien d’argent nous allions recevoir, et nous aurions donc pu étendre nos activités à l’infini pour défendre les droits de la personne dans le monde, un peu comme dans le cas des demandes que reçoit le commissaire à l’information. Il incombait au centre de dire non. Le Parlement nous avait accordé un certain montant pour chacune des cinq premières années. Par conséquent, nous ne pouvions pas répondre à la demande puisque nous avions un plafond à respecter. Ainsi, il incombait à la direction interne du centre de dire que nous ne pouvions pas dépasser un certain niveau d’activité, quelle que soit l’importance de la demande, à cause des limites imposées par le Parlement.

    J’estime donc que le Parlement demeure responsable du processus budgétaire. Dans le pire des cas, le gouvernement pouvait modifier la loi ou établir un mécanisme, comme on l’a déjà mentionné. Quoi qu’il en soit, le principe de l’indépendance inscrit dans la loi pour les hauts fonctionnaires du Parlement mérite une attention spéciale de notre part.

À  +-(1030)  

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Madame Jennings.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Merci, monsieur le président.

    Voici une question que j’avais oublié de vous poser. Vous avez mentionné le cas du vérificateur général contre le gouvernement du Canada dans les années 80. Pouvez-vous nous donner la référence exacte de cette affaire?

    Mon second point est que je trouve assez surprenant que vous recommandiez que le financement, indépendamment de sa forme, soit rattaché aux fonctions exercées et non à quelque indicateur externe, comme le coût de la vie, qui n’aurait rien à voir avec ces fonctions.

    Je trouve cela surprenant car l’un de mes collègues a soulevé la question du salaire des députés et du fait que nous avons adopté un projet de loi, il y a quelque temps, qui faisait dépendre notre salaire de celui des juges, de façon à nous tenir à l’écart de nos propres augmentations de salaire à l’avenir. Dans sa grande sagesse – je suis évidemment sarcastique –, le gouvernement a décidé de dénouer ce lien et de rattacher les traitements à un indicateur extérieur, l’indice du Conference Board du Canada, ou quelque chose de ce genre, qui n’a absolument rien à voir avec les fonctions d’un député ou d’un parlementaire.

    Même si cela n’a pas de lien direct avec notre sujet, il existe un lien indirect parce que nous parlons d’établir un rapport entre le financement et les fonctions exercées. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur les raisons pour lesquelles il est important de relier le financement – ou les salaires – aux fonctions exercées par l’organisme ou la personne plutôt qu’à un indicateur extérieur n’ayant rien à voir avec les fonctions.

+-

    M. Craig Forcese: Au sujet du traitement des juges, comme vous le savez, les commissions indépendantes qui s’en occupent sont censées déterminer les augmentations. N’ayant pas participé à ces discussions et n’ayant ni beaucoup lu ni beaucoup écrit à ce sujet, j’imagine qu’une bonne part des augmentations de salaire est liée à la profession. Les juges sont essentiellement des avocats, et les avocats gagnent tant de milliers de dollars par an. Pour attirer de brillants juristes dans l’appareil judiciaire, il faut reconnaître ce fait dans une certaine mesure lorsqu’on fixe le traitement des juges. Je suppose que c’est l’un des critères qui permet de le faire.

    Le fait que ce sont des commissions qui s’en occupent relève de l’indépendance judiciaire, telle que définie dans l’affaire du renvoi de l’Île-du-Prince-Édouard.

    Vous avez également mentionné le traitement des hauts fonctionnaires du Parlement. Comme je l’ai dit plus tôt, ce traitement est dans la plupart des cas lié, pas nécessairement au traitement des juges de la Cour suprême, mais dans certains cas à celui des juges de la Cour fédérale. Je suppose qu’on peut s’interroger sur le bien-fondé de ce lien qui fait dépendre le traitement des hauts fonctionnaires du Parlement de préoccupations relatives à la profession juridique. Par ailleurs, il faut bien admettre que ce lien permet d’écarter l’inquiétude qu’on pourrait éprouver au sujet de leur indépendance en l’absence d’un tel lien.

    Pour ce qui est de savoir s’il doit y avoir un lien entre les députés et ces commissions, je préfère ne pas me prononcer.

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    L'hon. Marlene Jennings: Vous ne voulez pas y toucher, hein?

    Je n’ai pas d’autres questions.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je voudrais moi-même poser une petite question hypothétique.

    Il existe en principe deux fonctions budgétaires. La première consiste à planifier les dépenses et à établir le budget. La seconde comprend l’approbation du budget et le vote sur les crédits. Je voudrais vous faire remarquer que même le Parlement présente sa demande au Conseil du Trésor. À votre avis, cela signifie-t-il que le Parlement n’est pas indépendant? À ma connaissance, aucun député n’est choqué par cet arrangement dans le cadre duquel le Parlement présente une demande au Conseil du Trésor en précisant ses plans de dépenses, parce qu'en fin de compte, il incombe au gouvernement de gérer les recettes fiscales.

    S’il en est ainsi, s’il y a quelqu’un qui contrôle la planification budgétaire et que le Parlement lui-même s’occupe de l’approbation du budget en votant les crédits, croyez-vous que, si le Parlement établissait son propre mécanisme de planification budgétaire auquel les hauts fonctionnaires pourraient s’adresser au lieu d’aller plaider leur cause devant le Conseil du Trésor, nous aurions atteint quelques-uns de objectifs que nous poursuivons?

À  -(1035)  

+-

    M. Craig Forcese: Je le crois. Le financement ne relèverait plus du Conseil du Trésor.

    En ce moment, les hauts fonctionnaires du Parlement s’inquiètent. Ils disent que le Parlement leur a confié un mandat qui leur impose d’examiner de près les activités de l’exécutif. En même temps, ils doivent chaque année défendre leur budget. La presse en parle aussi.

    Si le financement relevait du Parlement, alors, sous réserve de ce que j’ai dit quant au cas hypothétique où le mandat du commissaire à l’information s’étendrait au Parlement, il ne dépendrait plus du Conseil du Trésor. C’est bien ce que nous visons en définitive.

    Vous avez dit en même temps que le Parlement, c’est-à-dire la Chambre des communes et le Sénat, doivent aussi s’adresser au Conseil du Trésor pour leur budget. Très franchement, j’ai toujours trouvé cela bizarre. Par ailleurs, cette façon de procéder semble concorder avec l’exigence constitutionnelle que les dépenses soient autorisées par le gouvernement. C’est le gouvernement qui propose d’augmenter les dépenses. La notion que le Parlement contrôle les deniers publics et que le gouvernement annonce les dépenses a toujours constitué un dilemme pour moi.

    Quant à savoir si le Parlement est indépendant ou non par suite de cette situation, je dirais que le Parlement n’a pas l’obligation légale d’être indépendant. L’alinéa 11d) ne le lie pas. Nous pourrions en discuter au cas où le Parlement exercerait son pouvoir de sanction pour outrage, mais d’une façon générale, rien ne l’oblige à être indépendant.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie.

    Je pense que nous avons terminé cette partie de notre réunion. Monsieur Forcese, au nom de tous mes collègues, je voudrais vous remercier d’être venu et de nous avoir fait profiter de vos connaissances et de votre expérience.

    Je crois que nous avons maintenant une question de procédure à régler.

    Merci beaucoup.

    Monsieur Powers.

+-

    M. Russ Powers: Monsieur Forcese, quel est le titre de votre livre? Vous nous avez donné les références.

+-

    M. Craig Forcese: À moins que l’éditeur ne le modifie, le titre actuel est The Laws of Government: The Legal Foundations of Canadian Democracy. Nous espérons qu’il paraîtra en mai.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Combien coûtera-t-il?

    Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Craig Forcese: Je n’en ai vraiment aucune idée.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Vous faites un peu de publicité, alors...

+-

    M. Craig Forcese: Nous devrons nous adresser au Conseil du Trésor.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je veux dire que nous ne vous accuserons pas d’essayer de fourguer votre livre, mais...

+-

    M. Craig Forcese: Voici le manuscrit.

+-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je crois comprendre que la fixation du prix du livre nécessitera l’approbation du Conseil du Trésor.

    Je voudrais tout simplement que mes collègues m’indiquent si nous poursuivrons ou non à huis clos. Si nous le faisons, il est inutile d’alourdir notre compte rendu avec des discussions de procédure.

    Très bien. Nous allons mettre fin à la séance publique. Nous prendrons deux minutes pour régler les questions administratives, puis nous poursuivrons à huis clos.

    Allez-y, monsieur Lukiwski.

+-

    M. Tom Lukiwski: Je crois qu’il est nécessaire que ceci figure à notre compte rendu. Il s’agit de la prochaine réunion du comité, qui est prévue pour jeudi, je crois.

    Je sais qu’un certain nombre d’entre nous seront absents jeudi. Nous devons assister à la cérémonie organisée en Alberta à la mémoire des quatre membres de la GRC qui ont été tués. Je ne peux parler que pour ce côté-ci, mais trois d’entre nous seront absents jeudi. Je me demande s’il ne vaut pas mieux reporter notre réunion.

-

    Le vice-président (M. Derek Lee): Je vous remercie d’avoir soulevé cette question.

    Je crois que nous devrions examiner avec le greffier quels témoins doivent comparaître jeudi.

    Vous dites qu’on rédige les instructions? Je vous remercie.

    Eh bien, s’il n'y a ni débat ni désaccord, je suis disposé à annuler la réunion de jeudi.

    Est-ce d’accord?

    Des voix: D’accord.

    Le vice-président (M. Derek Lee): Très bien.

    Nous allons maintenant lever la séance publique pour poursuivre huis clos.

    [La séance se poursuit à huis clos.]