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Bon après-midi, mesdames et messieurs.
Nous sommes à la 14e séance du comité législatif chargé du projet de loi C-2. À l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 27 avril 2006, le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation.
Nos premiers témoins de la journée représentent l'Association canadienne des journaux et la B.C. Freedom of Information and Privacy Association.
J'espère garder la voix suffisamment longtemps pour pouvoir vous présenter; nous ferons de notre mieux.
Anne Kothawala est présidente-directrice générale et David Gollob est vice-président des affaires publiques. Bienvenus au comité de nouveau. Du second groupe, M. Richard Rosenberg est le président et Stanley Tromp, directeur de la recherche. Bon après-midi à vous.
Comme vous le savez, nos témoins présentent généralement leurs remarques liminaires, après quoi les membres du comité leur posent des questions. Je ne sais pas qui va commencer.
Madame Kothawala... Les dames d'abord.
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Je vous remercie, monsieur le président, de nous donner l'occasion de faire part de nos commentaires aux membres du comité. Je suis accompagnée de David Gollob, vice-président aux Affaires publiques. Je vais me borner aux aspects du projet de loi sur la responsabilité qui touchent le droit du public de savoir.
[Traduction]
L'ACJ parle au nom des journaux quotidiens du Canada sur les questions qui touchent notre secteur. Nous partageons la volonté de ce comité de favoriser une meilleure transparence et une reddition de comptes au gouvernement. Le public lit les journaux pour mieux comprendre l'actualité et ne cherche pas uniquement les faits, mais aussi l'histoire derrière ces faits. Sans accès à l'histoire, nous ne pouvons faire notre travail. Si nous ne pouvons faire notre travail, notre système de démocratie est en danger. C'est aussi simple que ça.
La liberté d'information a été reconnue par la Cour suprême du Canada comme un droit quasi constitutionnel. Du scandale du sang contaminé, où les dossiers ont été détruits, à l'affaire de la Somalie, où les dossiers ont été cachés, en passant par le scandale des commandites, où les dossiers n'ont pas été créés, les Canadiens ont appris qu'il nous faut une meilleure loi sur l'accès à l'information, et non pas davantage d'exemptions à celle-ci.
[Français]
La Commission Gomery a entendu des témoignages qui ont démontré avec quelle facilité le droit de savoir est frustré. Bien que beaucoup de révélations dans cette histoire aient découlé des demandes de renseignements de la part de journalistes de grands quotidiens, des témoins ont dénoncé les pressions à caractère politique qui visaient à cacher la vérité.
[Traduction]
Cela devrait tous nous préoccuper. Ces tentatives visant à étouffer la vérité ont échoué. Mais ce ne sera pas forcément le cas la prochaine fois.
Au cours de la campagne électorale, nous avons accueilli favorablement la promesse du Parti conservateur de présenter une loi fédérale sur l'imputabilité afin d'empêcher que de telles situations ne se reproduisent. L'un des éléments clés de cette promesse était l'engagement du gouvernement à faire adopter la Loi sur la transparence gouvernementale du commissaire Reid. Cette Loi est une série de réformes qui permettraient de moderniser la Loi sur l'accès à l'information afin que ce soit une loi du XXIe siècle, et que le Canada soit au même niveau que les autres démocraties modernes. Cependant, lorsque le projet de loi C-2 a été présenté, la Loi sur la transparence gouvernementale n'y figurait pas.
Nous pensons que le nouveau gouvernement s'est laissé persuadé de mettre de côté la seule promesse qui avait le pouvoir d'exposer les actes répréhensibles, et de ce fait de les dissuader. C'était d'ailleurs la seule promesse qui avait été massivement rejetée par un groupe puissant au sein de l'administration fédérale. Cette décision nous a déçu, tout comme les nombreux changements apportés à l'accès à l'information dans le cadre du projet de loi C-2. D'où le sujet que j'aborde aujourd'hui: Avant tout, ne pas causer de dégâts.
Tout comme dans le domaine médical, les politiques publiques doivent éviter les remèdes qui aggravent l'état du patient sans que cela ne soit voulu. Les prescriptions qui prétendent guérir mais ne le font pas sont toutes aussi mauvaises. L'état du patient empire, et parce que l'on pense à tort que la guérison s'en vient, on arrête de chercher. Le patient, aujourd'hui, c'est l'intérêt public, et il est dans un bien piteux état.
La promesse d'étendre l'accès à l'information à plus de sociétés d'État, de hauts fonctionnaires du Parlement et d'agences fédérales est anéantie par les exceptions obligatoires qui s'appliquent. Nous parlons d'exceptions obligatoires sans délai, sans critères subjectifs, en plus des protections qui existent déjà en vertu de la loi, et que les ministères fédéraux, et même nos services de sécurité, ont appris à gérer.
Santé Canada, par exemple, reçoit des renseignements exclusifs de groupes pharmaceutiques qui sont protégés en vertu de l'article 20 de la loi actuelle. Il n'y a aucune raison pour que ce type de protection ne soit pas adéquate pour Exportation et Développement Canada ou pour l'EACL. Ces conditions sont acceptables pour Santé Canada et les entreprises avec lesquelles elle traite, et ce malgré le fait que l'exception est sujette à la primauté de l'intérêt public et est examinée par le commissaire à l'information.
Autre exemple: la loi s'appliquerait au Bureau du vérificateur général, mais l'exception obligatoire rend l'exclusion inutile. Une ébauche de rapport de vérification interne, comme celle qui a permis de tirer la sonnette d'alarme pour le scandale des commandites, serait scellée à jamais sans que l'intérêt public ne puisse primer. Les renseignements concernant le Bureau du vérificateur général se limiteraient aux demandes d'indemnité et de déplacement, que l'on peut déjà trouver sur l'Internet.
Pour ce qui a trait à la SRC, il faut des ajustements concernant l'aspect journalistique, et nous appuyons cela. Mais n'adoptez pas une exclusion qui ne puisse faire l'objet d'un examen indépendant. La Loi sur la transparence gouvernementale du commissaire Reid est rédigée de façon à protéger les journalistiques de la SRC sans pour autant mettre en péril les principes de l'accès à l'information.
Il serait facile de corriger cela, et vous en avez les outils. Pour l'instant, la Loi sur la transparence gouvernementale n'a pas été déposée à la Chambre, mais nous pouvons au moins nous assurer que le projet de loi C-2 corresponde à cette loi, ainsi qu'à l'esprit de la Loi sur l'accès à l'information.
Le commissaire Reid vous propose une série de huit amendements qui permettront au projet de loi C-2 d'aller de l'avant sans porter atteinte à l'élément crucial de la Loi sur l'accès à l'information, à savoir: les renseignements du gouvernement devraient être disponibles pour la population, les exemptions nécessaires devraient être limitées et spécifiques, et les décisions en matière de divulgation devraient être examinées de façon indépendante du gouvernement. Nous appuyons ces amendements, et nous vous demandons de les adopter.
Vous pourriez même aller plus loin. Nous vous exhortons à améliorer le projet de loi C-2 en y intégrant le plus d'éléments possibles de la Loi sur la transparence gouvernementale, notamment en ce qui a trait à la mise sur pied d'une obligation de créer et de conserver des documents; l'adoption de la définition de l'objectif de la Loi sur l'accès à l'information telle que défini dans la Loi sur la transparence gouvernementale; l'application de la loi aux documents confidentiels du Cabinet; et l'ajout d'un mécanisme obligatoire de primauté de l'intérêt public.
Enfin, nous souhaitons que les dispositions du projet de loi C-2 concernant l'accès à l'information soient soumises à un examen parlementaire après trois ans.
Merci beaucoup.
Je m'appelle Richard Rosenberg et je suis le président de la FIPA, la B.C. Freedom of Information and Privacy Association. C'est une association à but non lucratif qui a été créée en 1991 et qui milite en faveur de la liberté d'information, d'un gouvernement ouvert et responsable et des droits de la protection des renseignements personnels au Canada. Nous travaillons pour de nombreuses personnes et organisations par le biais de programmes de sensibilisation du public, d'aide juridique, de recherche, de défense de l'intérêt public et de réforme du droit.
La FIPA appuie ardemment les réformes de la Loi sur l'accès à l'information proposées par le juge John Gomery, le commissaire à l'information John Reid et le parti conservateur fédéral lors des dernières élections fédérales. Rares sont les véritables occasions de réforme de cette loi essentielle, et nous sommes inquiets, car notre groupe, de même que plusieurs autres parties intéressées, constatent que cette chance pourrait disparaître. D'importantes réformes de la ont été reportées et les mesures mineures comprises dans la Loi sur l'imputabilité nous réconfortent à peine.
Dans son dernier rapport sur le scandale des commandites, le juge John Gomery a insisté sur le fait que des réformes devaient être appliquées à la Loi sur l'accès à l'information. Ces réformes seraient un excellent moyen de rehausser la confiance du public envers le gouvernement fédéral. Nous espérons toujours que le nouveau gouvernement et tous les partis de l'opposition cautionneront cet objectif. Notre groupe, de même qu'une bonne partie du public canadien, attend impatiemment que les promesses d'une nouvelle ère de transparence et d'accès à l'information soient tenues.
La FIPA presse le gouvernement fédéral de tenir les sept promesses de réforme de la loi faites dans le programme électoral des conservateurs de 2005, et nous insistons pour que la loi sur l'imputabilité soit modifiée afin d'inclure ces réformes.
Dans son programme visant à renforcer la loi, le parti conservateur a promis d'appliquer les recommandations du commissaire à l'information. La FIPA est déçue que le gouvernement ait choisi de reporter la plupart de ces réformes et de charger le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de s'en occuper. Le ton du document de travail du gouvernement sur la réforme de la loi est régressif et ne contient aucune échéance ferme pour la mise en oeuvre de ces réformes. Nous ne sommes pas d'accord avec le commentaire formulé par le commissaire à l'information voulant que la réforme de la loi soit étudiée plus longuement.
La loi a été étudiée en long et en large par plusieurs comités depuis plus de deux décennies sans qu'aucune réforme ne soit adoptée, et nous craignons qu'un renvoi au comité permanent...
Excusez-moi.
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Merci. Cela me semble juste.
Nous ne sommes pas d'accord avec le commentaire formulé par le commissaire à l'information voulant que la réforme de la loi doive être étudiée plus longuement; la loi a été étudiée en long et en large par plusieurs comités depuis plus de deux décennies, sans qu'une réforme ne soit adoptée, et nous craignons qu'un renvoi au comité permanent puisse encore une fois devenir un « cimetière » pour l'action positive.
Deuxièmement, en ce qui concerne le pouvoir d'ordonner, il faut donner au commissaire à l'information le pouvoir d'ordonner la publication de renseignements. Le pouvoir d'ordonner est essentiel au bon fonctionnement de la loi. Les commissaires à l'information de quatre provinces ont ce pouvoir et ces systèmes fonctionnent beaucoup mieux que le régime fédéral actuel. Dans un rapport soumis au précédent gouvernement fédéral, le juge La Forest a fortement recommandé que cette réforme soit considérée, et le Groupe d'étude de l'accès à l'information du gouvernement du Canada de 2002 a conclu que le pouvoir d'ordonner est « le principe le plus susceptible de nous permettre d'atteindre une conformité constante et une forte culture d'accès ».
Troisièmement, il faut assujettir à la loi l'ensemble des sociétés d'État, des hauts fonctionnaires du Parlement, des fondations et des organismes qui dépensent l'argent des contribuables ou exercent des responsabilités publiques.
La nécessité de cette mesure est évidente et a été répétée depuis plus de deux décennies. Certaines organisations quasi gouvernementales s'opposent à une telle couverture, prétextant que leurs intérêts financiers et compétitifs pourraient être mis en danger. Mais de tels arguments sont fallacieux, puisque la Loi sur l'accès à l'information comprend déjà des règles strictes afin de prévenir des dénonciations qui pourraient causer de tels torts.
Le 29 septembre 1997, le député conservateur (alors réformiste) Myron Thompson a présenté, vraisemblablement avec l'accord du chef du parti de l'époque, le projet de loi d'initiative parlementaire C-216 qui visait à inclure toutes les sociétés d'État dans la loi. Le projet de loi a été défait par la majorité libérale. Si cette action convenait au Parti réformiste à cette époque, il aurait pu devenir loi, pourquoi ne convient-elle pas maintenant?
Quatrièmement, il faut rendre l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet sujette à l'examen du commissaire à l'information. À propos de la proposition du gouvernement à ce sujet, le commissaire Reid a noté, dans le document de travail du Conseil du Trésor, que « cette proposition n'est autre que le statu quo. C'est ce qui se produit maintenant. La proposition du gouvernement n'assurera pas, dans aucun sens, que l'on n'abusera pas de la confidentialité du Cabinet ». Nous sommes d'accord.
Cinquièmement, il faut obliger les fonctionnaires à tenir des dossiers documentant leurs actions et leurs décisions. Il est difficile de prévoir comment on pourrait ne pas reconnaître les avantages clairs de cette proposition pour l'intérêt public et l'efficacité gouvernementale, proposition qui est attendue depuis longtemps. Un véritable accès à l'information ne peut exister sans une documentation précise des actions et des décisions gouvernementales.
Entre parenthèses, cela m'apparaît crucial. Comment un gouvernement peut-il se prétendre ouvert s'il ne donne pas accès à toutes les informations qu'il produit et à toutes les discussions qu'il tient? D'ailleurs, nous avons remarqué récemment qu'il y a de moins en moins de documents. De moins en moins de documents sont rédigés. Les procès-verbaux des réunions ne sont pas disponibles. C'est très préoccupant, surtout après avoir consacré 20 ans à tenter de créer un gouvernement plus ouvert par le biais de l'accès à l'information.
Sixièmement, il faut prévoir une dérogation à toutes les exemptions de façon à ce que l'intérêt public passe avant le secret gouvernemental. Une dérogation primordiale dans l'intérêt public, telle que celle que l'on peut trouver dans les lois sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et d'autres provinces, est la pierre angulaire et la mesure éthique d'une loi efficace sur l'accès à l'information. Une telle disposition vise à s'assurer que, peu importe quel autre intérêt pourrait influencer la décision d'un organisme public, la décision finale en ce qui a trait à la divulgation des dossiers sera prise en vertu de l'intérêt public.
Septièmement, il faut garantir que toutes les exemptions à la communication de renseignements ne soient justifiées que par le préjudice qui pourrait en résulter, et non pas par les règles d'exemption générale.
Huitièmement, il faut garantir que les exigences de divulgation de la Loi sur l'accès à l'information ne puissent être contournées par des dispositions relatives au secret d'autres lois fédérales. Le juge Gomery a proposé que l'article 24 de la loi, qui permet un tel contournement, soit supprimé, et nous sommes d'accord.
Enfin, en ce qui concerne la protection des dénonciateurs, le juge Gomery a proposé six façons d'améliorer le projet de loi C-11, la Loi sur la protection des fonctionnaires dénonciateurs d'actes répréhensibles, et l'Association approuve ces amendements.
Pour terminer, nous désirons que le comité sache que l'Association rejette complètement l'ajout d'une confidentialité complète des ébauches de rapports de vérification interne et des documents de travail pendant 15 ans; la proposition voulant que tous les documents relatifs à des enquêtes sur des méfaits gouvernementaux demeurent secrets pour toujours; et l'opposition du gouvernement envers l'élargissement du champ d'application de la loi au cabinet du premier ministre et au cabinet des autres ministres.
Nous vous remercions de votre attention. Mon collègue Stanley Tromp, directeur de la recherche à l'Association, et moi serons heureux de répondre à vos questions.
Soyez tous les bienvenus et merci de bien vouloir contribuer à nos délibérations et de nous donner vos conseils d'experts.
Comme je viens de la Colombie-Britannique, vous me permettrez de prêcher un peu pour ma paroisse et de féliciter votre association qui, depuis près de 15 ans déjà, fait du travail extraordinaire en Colombie-Britannique pour s'assurer que cette province compte l'un des meilleurs régimes d'accès à l'information et de protection de la vie privée au pays.
Ma première question s'adresse au représentant de la FIPA. En Colombie-Britannique, les deux fonctions sont combinées, ce qui n'est pas le cas au niveau fédéral, bien que l'administration des deux bureaux se fasse en partie en commun. Nous avons entendu M. Reid et Mme Stoddart ces derniers jours, et nous faisons face à un nouveau régime et à des nouveaux bureaux qui sont indépendants. Bien que ces bureaux aient été créés pour aider les députés à mieux contrôler l'exécutif, on est en droit de se demander s'ils ne sont pas trop nombreux et s'ils risquent d'accaparer les pouvoirs du législateur plutôt que de les compléter. On craint donc qu'il n'y ait confusion au Parlement, au sein du public, dans les médias et, certainement, dans l'administration publique, pour ce qui est de savoir qui s'occupe de quoi et à qui on doit rendre des comptes.
Avez-vous une opinion sur ce sujet, compte tenu de votre expérience en Colombie-Britannique, à savoir s'il serait bon de fusionner certaines de ces fonctions, surtout celles relatives à l'information et à la protection de la vie privée.
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos deux témoins, la FIPA et l'Association canadienne des journaux.
Je tenais beaucoup à ce que nous recevions ce genre de témoins parce que je suis fermement convaincu, et j'ai l'impression que vous aussi, que l'article sur l'accès à l'information de ce projet de loi est probablement le plus important et le plus utile si l'on veut changer l'état d'esprit et la façon dont on agi à Ottawa. Aussi, comme vous, suis-je littéralement tombé des nues lorsque j'ai constaté que ces éléments clés, que nous jugeons être absolument essentiels dans une telle loi, avaient été retirés.
Je vous remercie donc de vos recommandations.
Il est en fait utile, monsieur Tromp, de rappeler ce document, car c'est une question que nous examinons depuis en effet une vingtaine d'années. Il s'agissait du premier examen de la Loi sur l'accès à l'information. Ce premier examen prévu dans la loi avait entraîné ce rapport, qui contient les recommandations que John Reid vient de rappeler 20 ans plus tard. Nous savons donc très bien ce qu'il faut faire pour réviser la Loi sur l'accès à l'information. Il n'est pas nécessaire d'écouter des témoins à l'infini, comme certains partis semblent le souhaiter. En fait, nous risquerions de manquer cette occasion.
Maintenant, pour ce qui est des détails. Je suppose que vous convenez avec M. Reid que les huit points qu'il a soulevés sont loin de la Loi sur la transparence du gouvernement mais que cela permettrait d'atténuer certaines des difficultés que pourrait représenter le projet de loi C-2. Recommandez-vous les huit amendements proposés par M. Reid?
Toute ma vie adulte -- 40 ans -- j'ai fait office de cerbère indépendant avec pour mission de surveiller Ottawa. J'ai ainsi démasqué des centaines d'opérations secrètes dans la capitale, aussi diverses que les tractations entourant le Guide alimentaire canadien et les pratiques et le financement douteux liés au programme de partenariats technologiques, d'une valeur de plusieurs milliards de dollars. Je suis aussi allé devant les tribunaux pour essayer d'obtenir, entre autres, des données cachées sur la sécurité du transport aérien et sur l'innocuité des médicaments.
Depuis 1979, j'ai témoigné devant des comités parlementaires en vue d'amener le gouvernement fédéral à rendre plus de comptes. Une de mes interventions a aidé à faire adopter une modification à la Loi sur l'accès à l'information, qui a établi des sanctions pour l'altération des documents fédéraux.
Le projet de loi sur l'imputabilité, tel que je le vois, était porteur de grands espoirs mais a accouché de bien peu. Je vais expliquer brièvement trois grandes lacunes qu'il contient et suggérer ensuite certaines améliorations.
Première lacune: le projet de loi C-2 élargit, au lieu de restreindre, la culture du « tout m'est dû à Ottawa ». Le texte conforte des groupes puissants. En effet, il élargit au lieu de restreindre les pouvoirs centraux du premier ministre et du cabinet qui n'ont pas à être justifiés. Par exemple, le premier ministre conserve son emprise directe sur le processus de sélection des candidats à des postes de haut fonctionnaire et le nombre de documents du premier ministre, de son cabinet et du cabinet auxquels le public n'a pas accès est accru. Ce texte de loi élargit tout dans la mauvaise direction.
Les sous-ministres et administrateurs généraux se voient aussi accorder plus de pouvoir et d'argent. D'immenses empires vont être créés grâce à ce projet de loi. Ils deviennent les administrateurs des comptes, les gestionnaires d'un plus grand nombre de vérifications, les arbitres de la conduite déontologique dans les ministères et les gardiens de la communication des renseignements. Il ajoute aussi une nouvelle catégorie coûteuse et puissante de dirigeant de société d'État au groupe toujours croissant des cadres supérieurs, et je peux vous assurer que cela a déjà commencé.
Le projet de loi C-2 prévoit des ententes spéciales de confidentialité pour certaines sociétés d'État comme Exportation et Développement Canada, la Société canadienne des postes et Énergie atomique du Canada Ltée. C'est le signe qu'Ottawa est disposé à voir des centaines d'autres organismes gouvernementaux se soumettre à des normes plus souples de reddition de comptes. Il est évident que les tribunaux verront les choses du même oeil -- je suis souvent allé devant les tribunaux -- tout comme les centaines de sociétés de l'extérieur qui font affaire avec Ottawa et qui voudront, elles aussi, avoir moins de comptes à rendre.
Sans compter que, grâce au projet de loi, les lobbyistes -- les grands gagnants dans cette affaire -- exerceront plus d'influence, et non moins, à Ottawa et pourront poursuivre la plus grande partie de leurs activités en secret.
Certains organismes fédéraux ne sont pas couverts par le projet de loi, comme ceux du secteur de la défense et du renseignement de sécurité, des organismes qui devraient être soumis à des examens plus attentifs.
La deuxième lacune -- j'essaie de recenser ce qui cloche dans ce texte parce que je veux le corriger -- c'est qu'il instaure un système mou et opaque d'examens et de vérifications. La transparence en prend pour son rhume. Plusieurs hauts fonctionnaires du Parlement se voient attribuer un pouvoir de vérifier les abus qui est sans effet. Leur champ d'activité est restreint, car il y a des activités et des dossiers clés du gouvernement qui sont tout à fait en dehors de leur mandat. Ils sont limités, aussi, dans les rapports qu'ils peuvent présenter et les propos qu'ils peuvent tenir. Parce que leur capacité de faire appliquer la loi est limitée et qu'on ne leur donne pas les moyens de coordonner les enquêtes, les hauts fonctionnaires du Parlement sont sans pouvoirs réels.
La fonction de vérification interne s'affaiblit et devient plus opaque. Le cadre de référence des vérifications est nettement entre les mains des gestionnaires. Les pratiques de passation de marché seront encore plus lâches à cause de l'assouplissement des règles et de méthodes expéditives.
Le relâchement considérable du degré d'examen public auquel les vérifications sont soumises n'améliorera pas les choses non plus. Une bonne partie du processus de vérification s'entoure de secret pour une période pouvant aller jusqu'à 15 ans. Oui, j'étais de ceux qui recevaient les versions préliminaires des vérifications dans l'affaire des commandites. N'oubliez pas que les vérifications portent sur des questions vitales pour notre sécurité, comme les transports aériens et l'innocuité des médicaments. On a tendance à l'oublier.
Les pouvoirs d'examen du vérificateur général ne sont pas vraiment élargis. Sheila Fraser a déjà dit au comité que le projet de loi C-2 n'accorde pas à son bureau la structure lui permettant d'examiner et de vérifier les livres des entreprises, sauf dans des cas très rares où le problème vient d'actes répréhensibles du gouvernement plutôt que d'une entreprise. Son bureau ne peut obtenir que des dossiers du gouvernement.
Je pourrais m'étendre sur la transparence mais je réserve le bon morceau pour la fin.
La troisième et dernière lacune, c'est que le texte suscite de faux espoirs quant à l'amélioration du rendement et de la conduite du gouvernement. En effet, ses objectifs de reddition de compte sont très limités. Au sujet des dépenses, il n'y a pas de préambule qui énonce les obligations en matière de service publique et le droit à des programmes gouvernementaux de qualité et à une bonne reddition de comptes.
En effet, qui, en vertu du texte, est chargé de vérifier les mesures que prend Ottawa pour atténuer les disparités de revenu, le problèmes de santé et de sécurité et la détérioration de l'environnement, et d'en faire rapport? Il s'agit-là de codes de conduite ministériels et de gestion. Ces codes ne figurent pas dans les lois. Ils sont donc d'une utilité mitigé parce qu'ils sont facilement modifiables, et donc suspects.
Ces codes, établis par des gestionnaires, risquent de nuire plutôt que d'aider les employés à fournir des services complets à la population ou à dénoncer les obstacles qui les empêchent de fournir des services de qualité.
Les codes de conduite sur le service ne feraient pas en sorte, légalement, que les documents sur les décisions puissent être conservés. Mais ça, c'est un vrai code; c'est la loi. Ces codes ne protégeraient pas non plus le droit de la population d'être renseignée sans tarder sur les questions de santé, de sécurité, d'environnement et de consommation.
La seule vérification des dépenses antérieures que promet le projet de loi C-2 est un examen interne unique des contrats de publicité et de sondage d'opinion. Aucun mécanisme parlementaire permanent n'est prévu pour examiner les normes de reddition de comptes et la prestation des services.
Le texte ne répond pas aux attentes, car il n'énonce pas d'objectifs et de normes concernant les comptes à rendre sur la qualité du rendement avec une surveillance satisfaisante de la part du Parlement, et ne fait pas le lien entre les codes de conduite et la promotion de la démocratie et des droits prévus par la charte.
C'est pourquoi, dans un esprit constructif — dans un mémoire plus long préparé antérieurement — j'ai énoncé une dizaines de points qui seraient à améliorer et à modifier non seulement en matière d'accès mais d'un bout à l'autre du projet de loi. Il s'agit notamment d'ajouter une déclaration d'objet qui consacre les normes de reddition de comptes et le droit de savoir de la population à la lumière de la charte canadienne des droits, rendre les documents du premier ministre et des ministres accessibles aux citoyens ainsi qu'au Parlement; faire de la Commission des nominations publiques un organisme indépendant qui rend des comptes au Parlement plutôt qu'à une entité du bureau du premier ministre; traiter les sociétés d'État comme les autres organismes et réduire, au lieu d'augmenter, le nombre d'exemption et d'exclusions spéciales; accroître les connaissances de la population sur les activités des lobbyistes ainsi que les finances et les contrats gouvernementaux; diffuser les rapports de vérification et les rapports sur la santé, la sécurité, l'environnement et la consommation dès qu'ils sont terminés; rendre régulièrement publique une information explicite sur la rémunération et les avantages sociaux des titulaires de charge publique — je suis certain que tout le monde serait en faveur de cette idée; donner suite à l'engagement pris en faveur d'un commissariat à l'information plus stricte doté de pouvoirs de contraindre.
Parmi les nouvelles idées, je propose de tenir des réunions publiques. Je ne parle pas du Cabinet mais des conseils et des commissions comme la CCN, qui devrait être obligée de tenir des séances publiques. Autoriser le vérificateur général à entendre les plaintes sur le travail et les méthodes du gouvernement, et y donner suite. Instaurer un peu plus de démocratie dans son bureau, également.
Il devrait y avoir des sanctions pour l'altération, la non-communication et la falsification de documents financiers gouvernementaux; renforcer la coordination dans les systèmes de reddition de comptes au lieu de favoriser la création d'empire; et rendre possibles des enquêtes conjointes de la part de hauts commissaires du Parlement, comme le commissaire à l'information et le vérificateur général.
Pourquoi ne pas aussi créer au Canada un centre international pour la transparence, la reddition de comptes et la lutte contre la corruption? Il faudrait également qu'un comité parlementaire soit désigné pour procéder à l'examen périodique des normes de redditions de comptes.
Le projet de loi propose de légers changements, je le reconnais, mais rien qui puisse contrecarrer les mandarins et les structures de pouvoir d'Ottawa. Ils ne sont pas tenus de se justifier. Ils ne prévoient pas les cas d'exception; or, c'est cela que j'attends.
La solution n'est pas de se presser pour adopter une autre loi qui rendra le gouvernement plus puissant, moins sensible aux besoins et encore plus à même de se réfugier derrière des portes closes. Je vous invite néanmoins quand même à faire du mieux que vous pouvez. On n'a nul besoin d'intensifier le gaspillage et les erreurs du gouvernement.
Branchez-vous sur ce que je propose pour renverser la vapeur. Ottawa a besoin d'un gouvernement plus responsable, plus transparent, plus humain et plus crédible.
Merci.
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Je m'appelle David McKie. Je suis journaliste au service du journalisme d'enquête de CBC News, qui s'est mérité des prix. Je suis ici pour vous parler, en mon nom personnel et aussi, par extension, au nom des autres journalistes qui utilisent la Loi fédérale sur l'accès à l'information, dans le but, je crois, d'aider la divulgation d'histoires qui sont importantes pour le grand public.
Je suis également ici à titre d'éducateur, puisque j'enseigne l'utilisation de la loi aux étudiants en journalisme de l'Université Carleton et d'autres établissements, et aussi à titre d'auteur d'un livre publié récemment et intitulé Digging Deeper, dans lequel je traite de la manière d'utiliser cette loi. Je ne suis pas ici—je le répète, je ne suis pas ici à titre de représentant du réseau CBC. Certains d'entre vous en sont peut-être déçus.
Depuis plusieurs années, je fais partie d'une équipe de journalistes qui ont utilisé cette loi pour mettre au jour des faits importants. Pour n'en citer que quelques-uns, il y a le fait que des essais cliniques menés à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario qui ont causé la mort d'un petit garçon n'ont jamais été approuvés par Santé Canada—Anne MacLellan était ministre de la Santé à l'époque—ou encore le fait que la base de données de Santé Canada sur les effets indésirables des médicaments indique que le nombre d'enfants ayant souffert d'effets indésirables de médicaments d'ordonnance a triplé depuis 1997, à l'insu du ministère; le fait qu'environ le tiers des personnes âgées de notre pays prennent des médicaments d'ordonnance qu'ils ne sont pas censés prendre, soit parce que les médicaments en question sont dangereux, soit parce qu'il y aurait des solutions de rechange plus sûres, et beaucoup de ces personnes âgées deviennent des statistiques dans la base de données de Santé Canada sur les effets indésirables des médicaments, laquelle est maintenant accessible en ligne.
Toutes ces histoires et bien d'autres encore, que nous avons publiées, n'auraient pas pu être racontées sans la Loi sur l'accès à l'information. Et encore, il nous a fallu nous battre pour obtenir des documents dans les affaires que je viens d'énumérer. Il a fallu des années pour pouvoir prendre connaissance de la base de données de Santé Canada sur les effets indésirables des médicaments. Dans le cas des essais cliniques, il nous a fallu deux tentatives pour obtenir les documents pertinents.
Si l'on prend du recul pour examiner la mise en application de cette loi, on peut s'attarder à des histoires comme la fameuse affaire « Shawinigate » et les démêlés dans lesquels l'ancien premier ministre Jean Chrétien s'était trouvé empêtré. Et puis, bien sûr, nous connaissons tous le scandale des commandites, l'une des raisons qui expliquent la configuration politique actuelle et l'une des principales raisons pour lesquelles nous sommes tous réunis aujourd'hui dans cette salle pour discuter de la nécessité d'une responsabilité accrue.
Je dois aussi signaler que ce ne sont pas seulement les journalistes qui ont réussi à utiliser cette loi. J'ose dire que les politiciens aussi s'en sont servis avec beaucoup de succès. Tous les partis ont réussi à dénicher des renseignements qui, dans certains cas, ont mis le gouvernement dans l'embarras et surtout ont permis de révéler des lacunes dans les politiques publiques.
Mon collègue Ken Rubin a déjà expliqué ses préoccupations et je les partage; nous en avons discuté avant notre comparution. Ce qui m'inquiète encore davantage, c'est que la quantité d'information à laquelle nous avons droit s'est réduite comme une peau de chagrin, au point que dans certains cas il n'en reste que des miettes.
Hier encore, j'ai déposé deux autres plaintes au Bureau du commissaire à l'information, l'une contre le ministère de la Défense nationale à propos de frais atteignant des milliers de dollars, et une deuxième contre Affaires étrangères et Commerce international pour m'avoir refusé un document—la lettre de mandat de David Emerson—qui, je crois, devrait être du domaine public. Pourquoi ce refus? Nous sommes aussi engagés dans une autre bataille contre Santé Canada au sujet de sa base de données sur les effets indésirables des médicaments, et cette bataille pourrait se retrouver en cour fédérale, ce qui coûterait beaucoup trop de temps et d'argent à toutes les parties en cause.
Le mois dernier, j'ai révisé un article paru dans le magazine de l'Association canadienne des journalistes, Media Magazine, écrit par une ancienne élève de maîtrise à l'école de journalisme de l'Université de Colombie-Britannique, qui raconte les frustrations et les menaces—oui, les menaces—qu'elle a subies quand elle a essayé d'obtenir de Transports Canada des renseignements sur les exemptions invoquées pour refuser aux journalistes des renseignements après les attentats du 11 septembre à New York, à Washington et en Pennsylvanie. J'ai ci un exemplaire de cet article, si quelqu'un est intéressé à le lire, et je vous invite à le faire, parce que c'est troublant.
Nous sommes donc déjà confrontés à beaucoup d'obstacles sans avoir à en subir de nouveaux. Ce qui me préoccupe, c'est que dans bien des cas, les ministères ne respectent pas l'esprit de la loi; au lieu de cela, les fonctionnaires choisissent d'en donner une interprétation étroite et d'appliquer généreusement le régime d'exemptions, par exemple pour tout ce qui constitue des conseils au ministre ou ce qui touche à la sécurité, dans le but de conserver des renseignements secrets. Cela veut dire, bien souvent, qu'il est de plus en plus difficile pour nous de faire des reportages, par exemple sur la sécurité dans les aéroports, sur des problèmes que certains éléments de la population peuvent avoir avec des médicaments d'ordonnance, ou encore sur la manière dont les services correctionnels traitent les délinquants dangereux, une question qui préoccupe vivement le gouvernement actuel. Toutes ces histoires ne sont pas racontées alors qu'elles devraient l'être.
J'accueille donc favorablement toute initiative qui assujettirait à la loi les fondations et les sociétés d'État, y compris la mienne.
Je pense que l'esprit de la loi est de promouvoir l'ouverture et la transparence et qu'il y a lieu de s'en féliciter. Je vous exhorte seulement à faire attention aux lacunes de la loi, aux passages vagues, à l'ajout d'exemptions et à tout autre obstacle pouvant en bloquer l'application. Ken en a déjà traité.
Je vous exhorte aussi à réclamer davantage d'argent — et ça, c'est important — pour que les ministères puissent doter convenablement en ressources humaines leurs services d'AIPRP. Trop souvent, j'ai fait affaire avec des fonctionnaires débordés et croulant sous une avalanche de demandes. Il en résulte de longs délais. Vous pouvez opérer toutes les réformes que vous voulez, mais si les bureaux d'AIPRP manquent de personnel, l'information qui doit sortir bloque dans le proverbial goulot d'étranglement. Tout retard dans l'information est un délit d'information.
Enfin, je vous demanderais de vous dépêcher d'agir. J'ignore combien de reportages j'ai faits sur les efforts faits pour étudier la loi. On l'a étudiée et on en a discuté ad nauseam, mais toutes ces études ont débouché sur trop peu de réformes superficielles alors que cette loi mérite une refonte complète. Vous avez donc l'occasion de faire une différence, de corriger ce qu'un ancien premier ministre a appelé le déficit démocratique. Un nombre croissant de pays adoptent leurs propres lois en la matière; le Canada peut et doit être un modèle d'ouverture et de transparence.
Merci.
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Monsieur Rubin, je vous remercie de nous avoir présenté votre mémoire ainsi que vos recommandations. Trois d'entre elles devraient, selon moi, recevoir très rapidement l'aval du Parti conservateur.
Dans votre deuxième recommandation, vous parlez de rendre les documents du premier ministre et des ministres accessibles au public. Or, à la page 13 du programme des conservateurs, on dit qu'un gouvernement conservateur rendra l'exclusion des documents confidentiels du Cabinet sujette à l'examen du commissaire à l'information. J'ai donc l'impression que les conservateurs seront tout à fait disposés à amender le projet de loi C-2, de façon à se conformer à ce principe.
Au point 4, vous parlez de traiter les sociétés d'État comme les autres organismes et de réduire, au lieu d'augmenter, le nombre d'exemptions et d'exclusions spéciales. Toujours dans le même document, à la page 13, on peut lire qu'un gouvernement conservateur assujettira à la loi l'ensemble des sociétés d'État, des hauts fonctionnaires du Parlement, des fondations et des organismes qui dépendent de l'argent des contribuables ou exercent des responsabilités publiques. Voila qui devrait les toucher assez rapidement.
Vous parlez, au point 3, de donner suite à l'engagement pris en faveur d'un commissaire à l'information plus strict. Or, comme ma collègue me l'a fait remarquer, les conservateurs ont par ailleurs écrit qu'un gouvernement conservateur appliquerait les recommandations du commissaire à l'information sur la réforme de la Loi sur l'accès à l'information. Malgré ce qu'ils ont affirmé pendant la campagne électorale, les conservateurs ont voté contre la motion.
Vous nous recommandez d'inclure cela dans le projet de loi C-2, et j'ai l'impression que ça ne tombera pas dans l'oreille d'un sourd. Parce que vous leur rappelez les belles promesses qu'ils ont faites, les conservateurs vont sans doute manifester leur intention de mettre ces dernières en pratique.
Ma question s'adresse à vous deux. Si demain matin le projet de loi C-2 était adopté tel quel, donc sans le moindre amendement, est-il certain qu'un nouveau scandale des commandites ne pourrait pas avoir lieu?
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Merci. Je remercie les témoins de leurs exposés.
Je crois que vous avez souligné l'importance des outils à la disposition de ce que j'appellerais, dans votre cas, le quatrième pouvoir pour accomplir une tâche qui fait, je crois, cruellement défaut dans notre société; c'est-à-dire de nous ouvrir une fenêtre sur les décisions prises et sur la façon dont elles sont prises. Il suffit de prendre un journal et d'en analyser les articles. Aujourd'hui, dans les journaux, on vous présente des articles en format tabloïd qu'on fait passer pour des nouvelles. Je trouve cela bien triste. Il faut ensuite faire une analyse pour trouver ce qui manque; pourquoi est-ce qu'on présente cela comme des nouvelles? À mon avis, vous nous avez présenté un fait réel, à savoir que nous n'avons pas accès à l'information; la fenêtre n'existe pas.
Je ne peux pas contester les objectifs de ce projet de loi. Et je vous entends dire la même chose: ces objectifs sont louables. Le problème, comme l'a déjà signalé mon collègue M. Martin, c'est que nous n'avons pas de fenêtre qui nous permettrait de vérifier si ces objectifs sont atteints.
J'ai apprécié ce que vous avez dit, M. Rubin, sur les pouvoirs octroyés à certaines personnes. M. McKie a parlé d'accès à l'information et M. Rubin, dans ses recommandations, a parlé de la nécessité de modifier la Commission des nominations publiques. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous allons présenter des amendements.
Le fait qu'on essaie de modifier l'imputabilité par l'intermédiaire du CPM... la bonne gestion des affaires publiques ne devrait pas dépendre de la bonne volonté des responsables; elle doit être fondée sur de bonnes structures et sur les fonctions qui en découlent.
J'aimerais connaître vos préoccupations concernant le lobbying, dont vous avez parlé. Commençons par là, M. Rubin, et par vos préoccupations concernant la structure du projet de loi. Je suis très préoccupé par le lobbying et par l'ascendant des lobbyistes dans la gestion des affaires publiques et auprès des décisionnaires. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet?
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Je vais essayer de la parcourir rapidement. Je sais que vous avez hâte d'aller dîner, et que vous avez travaillé très fort.
Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter mon point de vue sur cette loi d'ensemble très complexe. Par sa nature même, elle ne se prête guère au jugement catégorique qui en ferait une bonne ou une mauvaise loi, et avant qu'on puisse distinguer les bonnes parties des mauvaises, il y aura encore bien des discussions.
J'ai travaillé pendant des années sur les questions d'imputabilité, de protection de la vie privée, d'accès à l'information, de responsabilité des sous-ministres, etc., aussi bien en tant qu'universitaire qu'en tant qu'expert-conseil auprès du gouvernement. J'ai essayé de présenter divers points de vue sur un certain nombre de sujets abordés dans le projet de loi C-2.
Je vais commencer en disant que dans un régime démocratique, le centre de l'imputabilité doit être le Parlement. Je fais un genre de sermon aux parlementaires, en insistant sur la nécessité d'adopter une attitude plus positive et plus constructive dans l'imposition de l'imputabilité. En principe, ils doivent s'adresser aux ministres lorsqu'ils constatent que quelque chose va mal au sein du gouvernement, et les hauts fonctionnaires ne devraient répondre qu'indirectement et uniquement dans des circonstances précises et bien définies.
Il me semble que le Parlement a trop tendance à jouer le jeu de l'imputabilité en cherchant des coupables. En matière de contrôle de la fonction publique, de rendement des ministères et des programmes, il faudrait insister davantage sur l'apprentissage et moins sur les accusations.
J'ai fait une étude concernant les hauts fonctionnaires du Parlement. On a augmenté le nombre des organismes indépendants qui sont au service du Parlement. Le Parlement ne peut pas surveiller l'ensemble des activités du secteur public sans aide, et il a besoin d'organismes auxiliaires comme les hauts fonctionnaires du Parlement, mais ils sont de plus en plus nombreux et nous devons veiller à ce que ces organismes trouvent le juste équilibre entre l'indépendance, non seulement à l'égard de l'exécutif, mais aussi à l'égard du Parlement, et l'imputabilité, essentiellement à l'égard du Parlement et, dans une moindre mesure, à l'égard du gouvernement.
Pour clore mon introduction, je dirais que l'imputabilité est essentielle en démocratie, mais elle doit être compensée par d'autres valeurs, comme la bonne représentation, l'efficacité des programmes, la confiance au sein du gouvernement et la légitimité du gouvernement. Il faut éviter l'accumulation des mécanismes de surveillance de façon que la fonction publique ne consacre pas tout son temps à des activités de surveillance au détriment de l'action concrète.
Je dirai quelques mots des dénonciateurs, puis je répondrai au plus grand nombre de questions possibles.
Je crois en la nécessité d'une loi de protection des dénonciateurs; cependant, j'ai étudié ce qui se fait en la matière dans le monde entier, et les lois de protection des dénonciateurs sont généralement adoptées dans le sillage d'un scandale et surestimées quant à leur contribution à l'intégrité du gouvernement.
En effet, les dénonciations interviennent dans des circonstances exceptionnelles et inhabituelles, c'est-à-dire en cas d'actes répréhensibles graves, qui ne se produisent pas tous les jours. Deuxièmement, elles concernent des personnes exceptionnelles: des fonctionnaires ou des personnes qui travaillent dans des programmes publics, qui ont suffisamment de courage pour s'exposer à des mesures de représailles, pour mettre leur carrière en jeu et qui dénoncent les actes répréhensibles sans céder au pessimisme.
Je pense qu'en plus de protéger les dénonciateurs, il faudrait consacrer davantage de ressources et de temps à la promotion des actes non répréhensibles grâce à l'éthique et à l'éducation, pour aider les gens à comprendre ce qu'est un comportement moral et à agir avec intégrité au sein du gouvernement.
On a à peu près renoncé, je crois, à l'idée d'incitatifs financiers destinés aux dénonciateurs. J'ai rédigé un long article sur la loi américaine concernant les fausses déclarations. Je serais heureux de vous le communiquer. C'est un bon remède à l'insomnie. J'en suis venu à la conclusion que cette loi a eu des effets pernicieux aux États-Unis. Ce n'est pas une bonne loi. Quelques personnes sont devenues millionnaires du jour au lendemain grâce à elle. Ce n'est pas une bonne idée. Elle n'est pas transposable au nord du 49e parallèle. Je ne proposerai rien de tel.
Je suis tout à fait favorable à ce qu'on étende la protection contre les représailles à des non fonctionnaires: les organismes à but lucratif ou sans but lucratif qui appliquent un programme par contrat ou les organismes qui interviennent en matière d'approvisionnement. Je pense que c'est nécessaire dans le secteur public étendu que nous connaissons aujourd'hui.
Je ne suis pas certain qu'un nouveau tribunal de protection des fonctionnaires soit nécessaire. Comme vous le savez, en vertu du projet de loi C-11, la Commission des relations de travail dans la fonction publique était chargée de la fonction attribué à ce nouveau tribunal. Je suis conservateur en matière d'institutions, et je ne vois pas la nécessité de créer ce nouveau tribunal.
Je considère approprié que les employés aient la possibilité de recevoir une aide financière pour obtenir des conseils juridiques. Je crois que cela sera nécessaire. Par ailleurs, toute la série de changements prévus par ce projet de loi entraînera la création d'un système juridique plus complexe qui sera marqué par une grande incertitude tant pour les employés de première ligne que pour les gestionnaires dont la liberté sera plus restreinte ou qui feront l'objet de plus de contraintes.
En ce qui concerne l'accès à l'information, j'ai fait partie du comité consultatif du groupe de travail 2002. Ce groupe de travail était chargé de refaire la Loi sur l'accès à l'information. Je suis donc frustré par le retard à moderniser une loi qui est malheureusement dépassée.
Par contre, je ne suis pas sûr que cela doit se faire dans le cadre de ce texte de loi en particulier. Je sais que l'on veut le faire, et c'est certainement l'intention du commissaire Reid, mais je crois qu'on aura le temps de le faire à l'automne et qu'il existe un comité chargé de le faire à la Chambre des communes.
Je fais également partie du comité consultatif auprès du Commissaire à la protection de la vie privée, et je tiens simplement à réitérer ce que la commissaire Stoddart a dit à propos de la Loi sur la protection de la vie privée, à savoir qu'il est grand temps de la moderniser.
Mon mémoire aborde brièvement le bureau du budget parlementaire. J'ai l'impression que l'on veut s'inspirer du congressional budget office qui existe aux États-Unis pour créer un bureau similaire ici sur la colline du Parlement au centre-ville d'Ottawa. Ce bureau n'aura jamais le pouvoir que détient le CBO aux États-Unis. Le CBO dispose d'un budget de 35 millions de dollars et d'un effectif de 760 employés. Ce que l'on envisage ici c'est un petit service relevant de la Bibliothèque du Parlement.
Le Parlement doit trouver une meilleure façon d'améliorer l'examen du budget des dépenses et les centaines de rapports de rendement qui sont déposés aujourd'hui et qui passent inaperçus, sans être lus ou utilisés. Il ne s'agit pas simplement de la qualité de l'information. Il n'y a pas suffisamment de députés qui se sont consacrés à cette tâche.
Pour ce qui est de l'imputabilité des sous-ministres, je ne considère pas qu'il s'agit d'un changement radical, à condition qu'elle soit définie étroitement à des fins financières et de gestion, que le sous-ministre ait l'occasion de faire rapport de l'utilisation imprudente de fonds publics lorsqu'on lui ordonne de le faire, et que si les sous-ministres sont responsables devant les comités parlementaires, qu'ils ne le soient pas selon la véritable définition du terme, à savoir que le comité ne peut pas imposer des sanctions ou accorder des récompenses aux sous-ministres.
En ce qui concerne la commission des nominations publiques, j'ai préparé un document en 1985 qui examinait le rapport du comité McGrath. Ce comité avait fourni la possibilité aux comités permanents appropriés de la Chambre des communes d'examiner les nominations par décret, à l'exception des nominations judiciaires. Dès le départ, cela a donné lieu à des stratégies partisanes de part et d'autre. Le gouvernement demandait aux candidats libéraux d'assainir leur cv et de son côté l'opposition ne convoquait que des candidats controversés devant le comité, et cela donnait lieu à toutes sortes de manigances. Bien des gens ne veulent pas subir ce genre de choses. Donc, si on envisage de créer une commission des nominations indépendante du Parlement, il vaut mieux s'assurer qu'elle ait une vaste représentation et que ses conclusions soient rendues publiques. Si nous continuons d'utiliser le mécanisme parlementaire, je crains que cela risque de donner lieu à nouveau à des stratégies partisanes.
Je considère qu'il est grand temps que l'on établisse une méthode uniforme de nommer les mandataires et les hauts fonctionnaires du Parlement, alors que nous sommes en train de multiplier ce genre d'organismes. Il subsiste encore des problèmes liés à l'équilibre entre l'interdépendance et la responsabilité de ces organismes parlementaires, surtout en ce qui concerne les nouveaux mécanismes de financement pour les organismes parlementaires. Vous avez reçu des rapports du comité plus tôt à ce sujet, et on m'y cite dans certains d'entre eux.
Finalement, en ce qui concerne ce point, je dirais que plus on créera ce genre d'organismes, plus il faudra établir des liens entre eux et coordonner leurs activités, parce que différents hauts fonctionnaires du Parlement feront enquête. Nous devrons former un club quelconque et les obliger à porter des uniformes et à se rencontrer régulièrement, parce qu'ils se trouveront à travailler aux mêmes questions.
Je terminerai en disant que l'on a décrit ce projet de loi comme un document de lutte contre la corruption et cela fait partie du discours politique qui l'entoure. Je crains que la couverture dont a fait l'objet la Commission Gomery, ce texte de loi et le discours qui l'entoure ne rendent le public encore plus cynique et découragé à propos de l'honnêteté et de l'intégrité du gouvernement.
Le juge Gomery a fait remarquer que seul un petit nombre de gens avait commis les actes répréhensibles sur lesquels il a fait enquête, et que la grande majorité des fonctionnaires, élus et nommés, font leur travail selon la loi, de manière efficace, avec diligence et intégrité.
Il sera indispensable pour l'avenir d'établir un climat de confiance dans le gouvernement. Cette confiance a été gravement minée, et nous devons la rétablir. Cela doit être fait à plusieurs niveaux. Le Parlement a un rôle à jouer à cet égard en adoptant une approche plus constructive en matière d'imputabilité.
Enfin, monsieur le président, lorsqu'il s'agit d'examiner minutieusement les activités des ministères et des programmes, le gouvernement doit faire preuve de plus de souplesse, pour ce qui est de la discipline de parti, et autoriser des comités à examiner les activités des ministères, des programmes, sociétés d'État et d'autres organismes non gouvernementaux avec moins de contrôle gouvernemental, et l'opposition devra adopter une approche plus constructive en déterminant comment elle peut aider le gouvernement à mieux travailler. Un grand nombre de ces questions ne se prête tout simplement pas au désaccord pour des raisons partisanes. Il existe beaucoup de possibilités de faire preuve de partisanerie, mais un grand nombre des questions concernant la façon d'améliorer le fonctionnement du gouvernement et son imputabilité ne se prête pas au théâtre des débats de parti.
Je vous remercie.
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Ce n'est pas parce que les comités parlementaires ne peuvent pas imposer de sanctions aux sous-ministres, que les sous-ministres ne prennent pas au sérieux leurs comparutions devant les comités. Je les connais. J'ai interrogé les sous-ministres. Au fil des ans, j'ai travaillé pour la commission Lambert sur la gestion financière et pour le Conseil du Trésor sur la réforme du processus d'approvisionnement. J'ai fait un tas d'études ici sur la Colline du Parlement.
C'est sans doute l'aspect le plus frustrant du processus parlementaire. Vous avez ces énormes dépenses gouvernementales devant vous. Vous tâchez de comprendre de quoi il s'agit, et c'est loin d'être facile. Vous devez le faire dans des contraintes de temps entre autres. Donc je pense qu'une aide supplémentaire, surtout pour ce qui est de l'examen minutieux des dépenses et des activités des ministères par le personnel professionnel rattaché à la Bibliothèque du Parlement est appropriée. Comme je l'ai mentionné dans le document, il peut exister d'autres options de dotation en personnel.
Pour ce qui est des recettes budgétaires, je pense que cela peut vraiment faire l'objet d'un débat politique sérieux. C'est un aspect dont il faut parler dans une perspective politique très générale -- c'est-à-dire la position que vous voulez adopter en matière de fiscalité et de dépenses.
Lors des séances pendant lesquelles le sous-ministre est présent, je crois que le gouvernement doit se montrer un peu plus souple et parler de certains des aspects dont on ne discute pas habituellement afin d'aller au fond des choses et de déterminer les raisons pour lesquelles les choses ont mal tourné.
J'ai examiné les rapports de rendement. Des centaines de rapports de ce genre sont maintenant déposés. J'ai examiné deux années de prévisions budgétaires. J'ai trouvé deux mentions de ces plans et de ces rapports de rendement. C'est déprimant. Tous ces documents, tant en direct que sur copie de papier, sont préparés vraisemblablement pour promouvoir l'imputabilité. S'ils ne sont pas utilisés -- et ils ne sont pas utilisés de façon importante à l'interne non plus -- c'est un énorme gaspillage d'argent.
D'autres pays que j'ai étudiés -- le Royaume-Uni, l'Australie et les principaux États des États-Unis -- ont réduit leurs exigences en matière de rapports de rendement. Pourquoi? Parce qu'on ne s'en sert pas. C'est une constatation déprimante et je suis désolé de vous l'apprendre. Donc, l'une des principales caractéristiques de cette nouvelle façon d'aborder l'imputabilité, serait que nous fassions rapport sur tout. Mais si les rapports ne sont pas utilisés...
Donc oui, je veux que les fonctionnaires comparaissent devant le comité. Ils ont probablement besoin de règles plus claires quant à leur participation à ce genre de rencontre. Je crois que les fonctionnaires comprennent en quoi consiste leur rôle. Je pense que parfois les députés vont trop loin en amenant les fonctionnaires sur un terrain qui est plutôt politique, alors que les fonctionnaires ne devraient pas vraiment avoir d'opinion publique.
Cette réponse était trop longue. Je m'en excuse.
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C'était vers ce moment là.
Et vous savez, il est évident qu'avec l'idée de resserrer cette responsabilisation financière... l'une des choses intéressantes dans le projet de loi — j'ignore si cela a attiré votre attention — c'est qu'il faudra chiffrer le coût des projets de loi émanant des simples députés, ce qui est intéressant parce qu'en règle générale, un député qui présente un projet de loi d'initiative parlementaire n'a pas le droit de dépenser de l'argent. Par contre, il n'y a rien de semblable en ce qui concerne les projets de loi du gouvernement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, la logique de la chose. Peut-être m'adressai-je à la mauvaise personne, mais ce serait pour moi important, du point de vue de la politique gouvernementale, d'avoir quelque chose de ce genre, si on veut vraiment chiffrer le coût des projets de loi présentés par les simples députés, à ce moment-là il faudrait faire la même chose pour les projets de loi du gouvernement.
Le processus d'examen du budget est quelque chose qui à la fois m'intéresse beaucoup et me préoccupe énormément. Si on songe au déclencheur du projet de loi, la Commission Gomery, qui avait été instituée en réponse à certaines préoccupations concernant le contrôle des dépenses publiques et le fait que certaines dépenses avaient commencé à échapper à tout contrôle, si on peut dire.
Je suis un nouveau député. Je représente une circonscription à forte densité de fonctionnaires qui tous me disent, lorsque je leur en parle, nous n'avons pas besoin de ces nouvelles couches bureaucratiques que le gouvernement précédent voulait mettre en place, nous avons besoin de pouvoir respirer un peu, de pouvoir parler à nouveau de politique axée sur les résultats, ce qui était la norme jadis, nous voulons arriver à ce genre de choses et il faut que nous puissions exprimer nos propres idées pour le faire.
Mais pour ce qui est des prévisions budgétaires — et vous avez étudié ce qui se passe aux gouvernements provinciaux — il me semble que ces derniers agissent un peu différemment. On accorde davantage de temps et davantage d'attention aux prévisions budgétaires. Mais ici, cela donne l'impression — et nous l'avons constaté avec la Commission Gomery... il est certain que ce qui est sorti de cela, c'est qu'on accorde de l'attention aux comptes publics mais après que les dépenses aient été effectuées. Lorsqu'on en parle à certaines personnes, d'anciens parlementaires, on entend dire que les choses se passaient jadis différemment à Ottawa. Mais il est certain que l'expérience, et si vous pouviez simplement...
Ma seconde question portera sur le processus budgétaire suivi par les provinces et en quoi ce processus revient précisément à ce que vous disiez un peu plus tôt au sujet de la nécessité d'éviter la partisanerie dans ce genre d'examen pour se contenter de regarder les chiffres, les analyses de rentabilité, mais aussi songer au moment où il faut faire ce genre de choses — au début ou à la fin de l'équation.
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Pour commencer, en ce qui concerne le CBO, ce bureau fait un travail tout à fait digne de foi en chiffrant le coût des nouveaux programmes, mais l'appareil du Congrès est tellement plus gros, et les rivalités institutionnelles au Congrès tellement marquées, même lorsque le Congrès est dominé par le même parti que celui du président, qu'il y a une véritable motivation à aller au fond des choses.
Et les membres du Congrès, surtout les sénateurs, ont énormément de personnel à eux. C'est une grosse industrie. Cela ne veut pas pour autant dire qu'ils parviennent à leurs fins. Les prévisions des recettes et dépenses étalées sur plusieurs années sont régulièrement complètement à côté, et cela est vrai d'autant plus qu'on monte.
Ce fut d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles on a récemment préconisé de donner au Parlement davantage de moyens en matière de prévisions économiques et fiscales, mais il ne faudrait pas pour autant présumer qu'il suffira de greffer ce bureau au Parlement pour avoir automatiquement le volet prévisions.
J'étais ici en 1971-1972 comme stagiaire parlementaire. À l'époque, je travaillais à l'examen des crédits, et depuis lors, on discute beaucoup de cette question et aussi de la faiblesse du processus.
À la fin des années 90, dans un rapport que j'ai fait au Conseil du Trésor, je demandais pourquoi les députés s'intéressaient davantage aux justificatifs qu'aux indicateurs. Pourquoi ne pouvons-nous pas consacrer notre temps à un examen attentif de ce que nous dépensons et de ce que nous obtenons en contrepartie? Et ce n'est pas uniquement parce que l'information est insuffisante. Je pense que même les plus complexes des...
Peut-être faut-il avoir un comité distinct qui choisirait une partie du budget pour l'étudier en profondeur, pour passer ensuite à un autre et ainsi de suite, et trouver un petit nombre de députés dévoués à la tâche qui seraient prêts à y consacrer beaucoup de temps.
J'admire le comité. Je ne dis pas cela simplement pour vous flatter, mais je sais qu'il y a ici un certain nombre de gens qui ont auparavant consacré pas mal de temps à examiner le fonctionnement des rouages de l'État. Il n'y a absolument aucun gain politique à tirer de ce genre de choses, à moins bien sûr qu'il y ait l'ombre de quelques scandales. Le plus souvent, c'est un travail ingrat pour un homme politique, mais il faut bien que quelqu'un le fasse.
Je dirais donc qu'il faudrait choisir un petit nombre de députés que la chose intéresse, leur donner suffisamment de collaborateurs pour boucler tout un cycle, et choisir des années. Et à ce moment-là, faire en sorte que le Parlement ait le moyen de bloquer l'adoption du budget. Mais comme il ne peut plus le faire de nos jours, et actuellement l'essentiel du budget est réputé avoir fait l'objet d'un rapport et avoir été adopté par la Chambre. De sorte qu'actuellement, c'est plutôt un genre de rituel, mais le budget n'est en fait jamais vraiment étudié.
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Je vous remercie pour votre exposé. Je vous ai très bien suivi lorsque vous avez parlé de ces rapports de rendement et également des autres rapports concernant les crédits.
Mais lorsqu'on a un personnel limité et qu'on essaye de jeter un coup d'oeil sur toute cette matière brute pour tenter de s'y retrouver un peu, la tâche est colossale. Je pense donc que nous prenons des mesures dans la bonne direction.
Vous avez dit que les membres du Congrès américain avaient beaucoup plus de personnel que nous. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus long à ce sujet, parce que nous pourrions nous aussi très facilement utiliser plus de personnel pour nous aider dans notre travail.
En ce qui concerne par contre la Commission des relations de travail dans la fonction publique, on en a déjà discuté. En ce qui me concerne, je ne tiens pas du tout à créer une nouvelle bureaucratie ou à faire double emploi, mais je pense que nous voulons plutôt créer des institutions qui soient opérantes et qui puissent améliorer les choses.
Le comité a également parlé de la possibilité de protéger non seulement les employés de l'État, mais également les sous-traitants et ceux qui reçoivent des subventions du gouvernement fédéral. Et nous avons également discuté des chercheurs qui sont financés par l'État.
Cela étant, si vous regardez le mandat initial de la Commission des relations de travail dans la fonction publique—et vous avez déjà exprimé une réserve à ce sujet en disant que la chose va uniquement être vue dans un contexte d'emploi... Le fait de créer un nouvel organisme—ce genre de solution—serait-elle un peu plus logique si nous ciblions également en fait les chercheurs financés par le gouvernement fédéral et les autres?