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FOPO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des pêches et des océans


NUMÉRO 039 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 juin 2008

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Bonjour mesdames et messieurs. La séance est ouverte.
    Le comité tient une séance d'information aujourd'hui sur une réduction possible des allocations de morue dans le sud du golfe Saint-Laurent.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins ainsi qu'aux membres du comité. Nos témoins nous proviennent ce matin de l'Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie. Nous entendrons ce matin M. Couillard et M. Cotton.
    Messieurs, vous disposez de 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire. Je ne sais pas encore lequel de vous deux fera l'exposé.
    Allez-y, monsieur Cotton.

[Français]

    Je vais d'abord me présenter. Je m'appelle Réginald Cotton et je viens de Rivière-au-Renard, en Gaspésie. Je fais partie des pêcheurs de poisson de fond qui, depuis le moratoire, ont recours aux allocations temporaires de crevette.
    On vous a fait parvenir le document auquel on travaille depuis presque un an. Je suis le porte-parole de l'Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie. Je représente neuf associations de pêcheurs semi-hauturiers du sud du golfe. Je suis le porte-parole de l'Association des pêcheurs de la MRC Pabok, du Regroupement des pêcheurs professionnels des Îles-de-la-Madeleine, de l'Association Québécoise de l'Industrie de la Pêche, de l'Association des pêcheurs de poisson de fond acadiens, de l'Association des pêcheurs spécialistes indépendants du poisson de fond, de l'Association des morutiers professionnels de la Gaspésie, de la Northern Cape Breton Fishing Vessels Association et de la Prince Edward Island Groundfish Association. De plus, deux gouvernements se sont associés à nous, soit celui du Québec et celui de la Nouvelle-Écosse. Je représente tous ces gens.
    Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce qu'on a un problème important en ce qui concerne la morue dans le sud du golfe. Il y a un fossé énorme entre la science et ce que les pêcheurs voient et capturent en mer. La même chose est arrivée dans le nord du golfe. Le golfe est séparé en deux. Une première gestion se fait dans le nord du golfe. C'est du ressort de Terre-Neuve et de l'Institut Maurice-Lamontagne. Pour ce qui est du sud du golfe, c'est géré par Moncton.
    Il y a plusieurs années, des choses ont changé dans le nord du golfe. Les pêcheurs terre-neuviens allaient à la pêche, prenaient de la morue et en voyaient. Ils ont communiqué la chose aux scientifiques qui gèrent le nord du golfe, et ça a amélioré le sort des pêcheurs.
    La semaine passée, on a annoncé le plan de pêche pour le nord du golfe. Les gens vont pêcher 7 000 tonnes métriques de morue. La biomasse est beaucoup plus importante dans le sud du golfe, et on parle d'y imposer un troisième moratoire. Comme je l'ai dit plus tôt, les pêcheurs et les associations qui les représentent s'aperçoivent qu'il y a un fossé énorme entre eux et la science. On veut essayer de corriger un tant soit peu ce problème. On voudrait harmoniser le sud et le nord, c'est-à-dire changer certaines choses.
    Simplement à titre d'exemple, je vais mentionner l'outil avec lequel les gens du sud du golfe répertorient le stock, soit le chalut. Ils l'utilisent pour prélever des ressources afin d'inventorier les stocks. Ce chalut date du temps de Noé. Même les pêcheurs se sont départis de cet engin dans les années 1950 parce qu'ils n'étaient pas capables de le faire fonctionner. Il y a, parallèlement à ça, d'autres choses que je n'énumérerai pas étant donné qu'elles se trouvent dans le document.
    Dans le nord du golfe, ils ont changé le chalut il y a plusieurs années. Or, les scientifiques du nord du golfe nous disent que dans ce secteur, les prises ont quintuplé. Ça ne veut pas dire que la morue est arrivée hier matin: elle était déjà là. Par contre, du fait que l'outil est beaucoup plus performant, il produit une meilleure photo. Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet, étant donné que vous avez tous reçu le document.
     On demande à Pêches et Océans Canada de faire quelque chose pour améliorer les données relatives au sud du golfe. Pour des raisons économiques, Pêches et Océans Canada a laissé tomber il y a plusieurs années une sortie en mer, un relevé au printemps. Nous sommes dans un golfe, et en Gaspésie, la morue entre au printemps et sort à l'automne. Je suis assez convaincu, et c'est le cas de tous les pêcheurs et associations que je représente voire même des gouvernements, que la meilleure façon de mesurer la taille du stock de poisson qui entre dans le golfe Saint-Laurent est d'effectuer des mesures et de compter les poissons qui y entrent au printemps.
    On critique énormément le fait que les gens de Pêches et Océans Canada, en l'occurrence les scientifiques de Moncton, prélèvent la ressource dans le sud du golfe au mois d'août pour essayer d'inventorier les stocks. Je suis probablement le seul pêcheur ici aujourd'hui, et avec raison, mais si vous faites le tour des pêcheurs de l'Atlantique, même les professionnels vont vous dire, tout comme moi, qu'il n'a jamais été possible de prendre de la morue au mois d'août. J'ai 57 ans, je pêche depuis l'âge de 16 ou 17 ans, et ça a toujours été le cas. On ne sait pas pourquoi.
    Nous, les pêcheurs, pensons que c'est probablement parce que la morue sort du golfe à l'automne pour préparer sa migration. Je ne sais pas si cette morue se trouve dans une autre colonne d'eau ou dans des territoires où on ne peut pas la trouver, mais les scientifiques profitent de ce temps de l'année pour faire l'inventaire des stocks. C'est une des principales raisons pour lesquelles ces gens n'ont pas de données. Chaque fois qu'ils sortent, il n'y a pas de morue.
    Je pourrais faire un parallèle avec la pêche au saumon. Chez nous, en Gaspésie, il y a des grandes rivières à semence qui sont énormément cotées. À la fin des années 1800, quand les gouvernements canadien et québécois se sont aperçus que les Américains avaient un intérêt particulier pour le saumon de la Gaspésie, ils ont d'abord essayé de faire l'inventaire des stocks. Ils ont commencé par faire cet inventaire au moment de la pêche au saumon. Ils se sont aperçus qu'ils ne trouvaient presque pas de saumons parce que lorsque la montaison a lieu, le saumon rentre dans la rivière. Donc, quand ils tentaient de compter les semences dans les pools de saumons, ils n'en trouvaient presque pas. Ce n'est pas qu'ils n'en trouvaient pas, c'est qu'ils ne les voyaient pas.
    Quand la luminosité n'est pas bonne, on ne voit pas les saumons dans le fond de l'eau. La plupart du temps, les saumons se cachent derrière de grosses roches. Ils se cachent sous les gros troncs d'arbres morts au fond des rivières. Ils ne peuvent pas les compter. Ils se sont aperçus au fil des années, compte tenu de l'intérêt particulier pour la pêche sportive au saumon, qu'ils pouvaient les compter quand ils remontaient. C'est pour cela que cette méthode est encore utilisée aujourd'hui. Dans toutes les grandes rivières à saumon du Québec et d'ailleurs, ils comptent le saumon lors de la montaison, et c'est encore ainsi qu'on procède aujourd'hui.
    Donc, une bonne façon de comprendre ce qui se passe dans le sud du golfe Saint-Laurent est de mesurer, comme on le faisait par le passé, la quantité de poisson qui remonte, mais en utilisant des méthodes modernes.
    Le débat s'articule autour de cette question. Comme le nord a changé à cause du chalut, il faudrait changer certaines choses. Peu importe qu'on soit au nord ou au sud du golfe Saint-Laurent, même s'il y a une ligne imaginaire qui a été tracée par des humains, la morue ne va pas nécessairement la reconnaître. On parle de la même espèce, de la morue, qu'elle se trouve dans le nord ou dans le sud du golfe. On peut considérer le golfe Saint-Laurent comme un lac. Même s'il est séparé en deux, il n'y a aucune raison d'adopter des façons de faire différentes dans le nord et dans le sud.
    C'est à cause de cela que les pêcheurs se questionnent beaucoup depuis une quinzaine d'années. Le fossé s'accentue énormément année après année avec les scientifiques du sud du golfe, de Moncton. C'est pour ça que nous sommes ici aujourd'hui. Nous demandons au gouvernement canadien d'examiner cette question attentivement. Grâce au travail de ses scientifiques, Pêches et Océans Canada a des données quantitatives. Mais nous savons pertinemment que, grâce à notre savoir et à notre expérience, nous pouvons leur fournir des données qualitatives aussi valables que les données quantitatives des scientifiques.
    L'été passé, j'ai participé à un bar des sciences chez nous, à l'Anse-à-Beaufils, dans une vieille usine qui a été rénovée pour devenir un centre artistique. Des scientifiques et des universitaires d'un peu partout participaient à ce bar. À mon grand étonnement, j'ai été invité à cet événement à titre de pêcheur par le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien. Il y avait une centaine de personnes dans la salle, et j'étais le seul pêcheur. Je me demandais ce que je faisais à cet endroit, en compagnie d'universitaires aux titres longs comme le bras. J'étais un peu étonné. Ce bar portait sur le changement climatique.
    J'ai été le premier à être interrogé. On m'a demandé, dans un premier temps, ce que je pensais du changement climatique et ce que j'observais en mer. J'ai fait part de mes observations. Tous ces gens m'ont dit que j'avais entièrement raison. Les poissons de fond sont les organismes les plus sensibles à un bouleversement ou à un changement climatique.
    Je milite dans ce sens depuis la fin des années 1980. Même à la fin des années 1980, alors qu'on prenait énormément de morue, je disais aux scientifiques que quelque chose se passait, parce qu'on ne pouvait plus prendre la morue aux endroits conventionnels. Ça fait des années que moi-même, mes collègues et des représentants d'associations disons que le pattern de migration a changé. Mais au niveau de la science, dans le sud du golfe, on n'a pas changé grand-chose.
    Monsieur le président, on demande au gouvernement de nous donner une chance. Dans notre document, nous demandons un projet de trois ans, avec un TPA de 4 000 tonnes. Vous allez peut-être me dire que c'est beaucoup, 4 000 tonnes, mais pour nous, les pêcheurs de l'ensemble du golfe Saint-Laurent, ce n'est pas beaucoup. Je peux vous dire qu'avec un TPA de 1 500 à 2 000 tonnes pour le sud du golfe, il n'y aura pas grand-chose sur la photo.
(0910)
    Quatre mille tonnes conviendraient si tous les pêcheurs allaient en mer. C'est facile aujourd'hui, chaque pêcheur sait ce qu'il a à prendre, qu'il vienne des Maritimes, du Québec, des Îles-de-la-Madeleine ou de n'importe où ailleurs. Si c'était fixé à 4 000 tonnes, chaque pêcheur irait. On demande au gouvernement de comptabiliser et d'analyser toutes les sorties en mer de chaque pêcheur. On croit pertinemment que la photo serait meilleure qu'avec un moratoire de 2 000 ou 500 tonnes.
    Monsieur le président, comme tous les gens que je représente, je pense que le plus grand tort qui ait été fait à la biomasse du sud du golfe Saint-Laurent a été causé par la fermeture de la pêche.
    Voici un exemple que je donne souvent quand on me demande de parler des pêches. Si quelqu'un de ma famille avait le cancer, je l'isolerais dans un coin et je le laisserais là. Parce qu'il aurait le cancer, on le laisserait mourir tranquillement, même si cela prenait deux ou trois ans. Pourquoi ne pas se donner une chance et essayer de voir d'autres médecins ou d'obtenir d'autres médicaments? Dans le cas la pêche, c'est la même chose. Nous, les pêcheurs, sommes là par expérience, comme les pêcheurs de Terre-Neuve. Si les pêcheurs de Terre-Neuve ont convaincu les scientifiques de changer certaines choses, on devrait le faire aussi dans le sud du golfe.
(0915)

[Traduction]

    Excusez-moi de vous interrompre, mais vous ne disposez que de 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Veuillez abréger s'il vous plaît, car après vos propos, nous allons vous poser des questions. Vous pourrez élaborer sur certains points en répondant aux questions des députés. Veuillez donc s'il vous plaît clore vos remarques et nous passerons à la période des questions et des réponses. Nous devons d'ailleurs entendre d'autres témoins après votre témoignage.

[Français]

    D'accord. Merci, monsieur le président.
    J'ai fait le tour de ce que j'avais à dire. Les gens réunis autour de la table ont tous reçu le document. Je n'en dirai pas plus. Peut-être mon collègue M. Couillard a-t-il quelque chose à ajouter.
    J'ajouterai, pour résumer la problématique de l'évaluation de la santé de la morue et l'écart entre les scientifiques et l'industrie, que le lien de confiance est vraiment brisé. La seule façon de ramener l'équilibre et de pousser les deux parties à se parler est de tendre vers une approche de collaboration réelle au moyen d'un programme de partenariat entre l'industrie et les scientifiques. Lorsque je parle de l'industrie, je parle du milieu de la pêche. Tout l'environnement socioéconomique et socioculturel est souvent oublié dans l'évaluation de la biomasse faite par les scientifiques, sans compter les conséquences que cela peut avoir sur les communautés de pêcheurs. Dans notre document, on demande aussi un programme de partenariat lors de la mise en place de la structure d'évaluation, des collectes de données et des critères pour l'évaluation de l'état de santé de la morue, surtout dans le cas dont on parle.
    Enfin, l'approche de précaution est démontrée. Cela énerve beaucoup l'industrie et les pêcheurs. On en tient beaucoup compte, tout comme du développement durable et de l'enveloppe du développement durable et de la politique mise de l'avant par Pêches et Océans Canada. Les scientifiques de l'approche de précaution de Pêches et Océans Canada en ont écrit la définition: « Pécher par excès de prudence ». « Pécher » veut dire autre chose que « pêcher ». C'est ce qui nous énerve: l'excès dans l'approche de précaution.
    Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Couillard.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par M. Regan.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais tout d'abord vous remercier, messieurs Cotton et Couillard, d'être venus aujourd'hui. C'est un jour assez important pour les pêcheurs de votre région. La situation me préoccupe, comme c'est probablement le cas de tous les députés ici présents.
    Nous avons reçu un tableau intitulé « Prises et totaux autorisés des captures de morue dans la division 4T de l’OPANO, 2004-2007 ». L'avez-vous? Madame vous en apporte une copie.
    Le tableau indique le total des prises admissibles (TPA) pour chaque année entre 2004 et 2007. Les prises représentent à peu près les trois quarts du TPA. Cela me préoccupe un peu et m'inquiète. Comment expliquez-vous cette tendance apparente?
    Merci beaucoup pour votre question. Je suis très content que vous me la posiez, parce que j'ai dit plus tôt que j'étais un pêcheur de poisson de fond premièrement, mais depuis les deux moratoires consécutifs, on a des allocations temporaires pour la crevette.
    Quand on pêche la crevette, on ne peut pas pêcher la morue. Depuis plusieurs années, le problème concernant la pêche à la morue dans le sud du golfe, c'est que la pêche à la morue ouvre au début du mois de juillet. Donc, on ne peut pas.
    Deuxièmement, la plupart du temps, même si ce n'est probablement pas écrit dans les notes, les engins mobiles ont presque toujours capturé 100 p. 100 de leur contingent. Pour le reste, il s'agit des engins fixes, car nous avons une problématique par rapport à la saison de pêche et aux engins fixes au Québec. Je crois que depuis plusieurs années, le Québec et d'autres provinces font des revendications à ce sujet. On attend que toute la pêche au homard dans l'Atlantique soit finie avant d'ouvrir la pêche à la morue. Quant aux engins fixes et aux petits pêcheurs côtiers, quand la morue n'est pas à proximité des côtes, les gens s'en passent, tout simplement, pour cette raison.
    Quand je vous disais que les trois quarts des captures environ ne nous ont pas été rendues, c'était en rapport avec des choses comme celles-là, et non pas parce que la morue n'est pas là.
(0920)
    D'accord. Je comprends que les relevés scientifiques qui ont été faits au cours des dernières années ont été faits par différents navires. Je ne connais pas la différence entre les équipements utilisés, mais selon vous, le fait qu'on ait changé de navire a-t-il eu un impact sur les données du MPO?
    Ce que je pourrais vous dire là-dessus, c'est qu'on a fait faire dernièrement une évaluation par un spécialiste en équipement de pêche, et on a réussi à démonter que si un engin de pêche est mal ajusté, il ne fait pas seulement une mauvaise lecture, une lecture à la baisse, mais il peut s'avérer que le niveau de capture pour l'évaluation soit totalement de zéro. C'est surtout sur ce point que l'industrie des pêcheurs n'accorde vraiment aucune crédibilité aux données des scientifiques.
    Donc, ce n'est pas dû au fait qu'il y a différents navires. Ça n'a rien à voir.
    Non, car les scientifiques de Pêches et Océans Canada ont un type de formule qui — je ne sais pas comment ils l'appellent, mais certaines personnes ici le savent probablement — leur permet de compenser l'écart entre les deux bateaux.
    Mais ce n'est pas à cet égard que nous intervenons. Nous avons énormément de problèmes qui remontent aux années passées. Il y a un témoignage dans notre document; on y parle de M. Cyril Burns du Cap-Breton.
    Historiquement, Pêches et Océans Canada affrétait des bateaux de pêcheurs avec des équipages de pêcheurs et des capitaines compétents pour aller répertorier les stocks. Je ne sais pas en quelle année — c'est mentionné dans le document —, mais il est arrivé qu'un pêcheur qui s'était présenté avec son équipage prenne, dans un trait de chalut, 24 000 livres de poisson. Les scientifiques lui ont dit qu'il les avait mis dans de beaux draps, que normalement, il ne devait pas prendre de morue. Ce fut la fin: les scientifiques présents sur le bateau ont dit que plus jamais ils n'accepteraient que des pêcheurs aillent avec eux répertorier les stocks. Alors, c'est un peu ce que nous déplorons.
    Ce que je vais vous dire vous semblera peut-être drôle, mais on dirait que dans le sud du golfe, il y a une non-volonté de trouver du poisson. Ce n'est pas pour rien que nous sommes ici et que nous avons fait tout ce travail. Cela a été onéreux et ardu pour nous. C'est difficile pour nous de partir de la Gaspésie et de se présenter ici trois ou quatre fois par année. C'est coûteux et difficile, mais on le fait quand même parce qu'on sait pertinemment bien que ce que les scientifiques véhiculent, à savoir que d'ici 20 ou 40 ans il n'y aura plus une morue dans le sud du golfe, n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai du tout. Nous, les pêcheurs du sud du golfe, sommes comme les Terre-Neuviens: nous voyons de la morue, nous prenons de la morue. On ne dit pas qu'il y en a 200 ou 260 mille tonnes comme au début des années 1980, mais il y en a un petit peu. Je pense qu'on pourrait en faire bénéficier les Canadiens. Avec les connaissances qu'on a aujourd'hui, on pourrait faire bénéficier les Canadiens du peu de prises de poisson, parce qu'autrement, ce sont les phoques qui les mange.
    Alors, selon vous, le chalut du MPO qui a fait le relevé dans le sud du golfe n'est pas adéquat.
    Quelles seraient vos recommandations pour que le système soit plus efficace?
    J'ai parlé plus tôt d'harmoniser le nord et le sud parce qu'on parle de répertorier la même espèce et qu'on est dans le même lac, autrement dit, même s'il est séparé en deux par la ligne imaginaire tracée par les humains. C'est le même golfe Saint-Laurent. Si ça va bien dans le nord, pourquoi ne pas harmoniser le sud avec le nord?
    Les scientifiques de l'Institut Maurice-Lamontagne qui s'occupent du nord du golfe ont changé leur bateau pour un chalut à crevette qui s'appelle un chalut Campelen. Pourquoi ne l'utiliserait-on pas dans le sud du golfe? Ça fait des années que nous revendiquerons ces choses-là au comité consultatif; c'est peine perdue. Les gens nous disent qu'il y a une constance dans le sud du golfe: les Américains viennent les voir. Je ne crois pas que nous ayons de leçons à recevoir des Américains. Nous devrions faire nos choses chez nous. Et si ça se fait dans le nord et que ça va bien, on devrait faire la même chose dans le sud. Les gens seraient contents, tout simplement.
    On ne dit pas qu'il y a de la morue comme il y en avait à la fin des années 1970 et au début des années 1980, mais on devrait faire participer les Canadiens. Si on peut en prendre un peu, on devrait avoir le droit de le faire.

[Traduction]

    Monsieur Byrne, voulez-vous poser une question?
    Si j'ai bien compris, vous nous dites que les conclusions scientifiques sont complètement fausses et qu'elles n'ont rien à voir avec la réalité de la biomasse dans le sud du golfe.
    J'aimerais appuyer vos propos. Vous savez peut-être que la pêche à la morue dans la zone 4RS a été fermée en 2003 en raison d'un manque de ressources halieutiques. Puis, en 2007, la pêche à la morue dans la zone 4RS, dans le secteur nord du golfe, a été fixé à 7 000 tonnes métriques. L'allocation est donc passée de zéro tonne en 2003 à 7 000 tonnes en 2007. Pouvez-vous m'expliquer comment, si les conclusions scientifiques qui ont mené à la fermeture de la pêche à la morue étaient exactes, il se fait que maintenant le quota a été fixé en 2007 à 7 000 tonnes métriques?
    La crédibilité scientifique du MPO est systématiquement faible en matière de collecte de données et d'établissement de quotas d'exploitation des ressources. Aujourd'hui, vous faites un coup préventif en venant nous voir afin de vous assurer que la même erreur ne se reproduira pas dans le sud du golfe.
    J'aimerais vous proposer quelque chose. Dans la nouvelle loi sur les pêches, les pouvoirs du ministre sont limités. Or vous êtes ici pour implorer le ministre d'utiliser ses pouvoirs afin d'établir des quotas et que ces décisions ne soient pas contestées par les cours. En vertu de la nouvelle loi sur les pêches, le ministre serait obligé de se soumettre aux conseils des scientifiques, peu importe si ces conseils sont responsables, raisonnables ou logiques. Cette exigence est inscrite dans le projet de loi proposé au Parlement aujourd'hui. Si le ministre ne suit pas ces conseils, les organisations écologiques pourraient contester sa décision dans une cour fédérale et obtenir une injonction empêchant l'exploitation des pêches.
    Est-ce qu'il faudrait régler le problème du sud du golfe en adoptant cette nouvelle loi sur les pêches et en laissant les ports décider de ce qui est approprié ou non? Ou, est-ce que vous préféreriez plutôt qu'un ministre puisse prendre des décisions qui ne sont pas seulement basées sur des conclusions scientifiques mais qui sont également fondées sur des conclusions proposées par les pêcheurs en provenance d'organisations similaires à la vôtre? Ces conclusions ne seraient peut-être pas fondées sur la science, mais seraient plutôt fondées sur une expérience en mer qui remonte à plusieurs générations.
    Quel choix préférez-vous?
(0925)
    Excusez-moi, monsieur Cotton. En raison de la longueur de la question qui vous a été posée, nous avons déjà excédé notre temps. Je ne voudrais pas enlever du temps de parole de M. Blais, puisque nous voulons tous également entendre ce qu'il a à dire. Alors veuillez s'il vous plaît fournir une réponse succincte.

[Français]

    La loi n'a pas changé. Je peux vous donner un exemple. J'ai dit plus tôt qu'un de mes collègues pêcheurs de l'île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, était allé en mer avec les scientifiques et avait pêché 24 000 livres de morue. Normalement, les scientifiques auraient dû dire qu'étant donné la présence de morue en si grande quantité, il était possible d'ouvrir la pêche à la morue. J'ai dit qu'au mois d'août, ils ne trouvaient pas du tout de morue, et c'est simplement parce qu'il n'y en a pas. Il n'y en a nulle part.
    Je sais que la nouvelle loi pourrait peut-être limiter les pouvoirs du ministre de Pêches et Océans Canada. Pour nous, qu'il s'agisse de la nouvelle loi ou du ministre, là n'est pas la question. Nous voulons que des choses changent. On parle d'intendance partagée. J'ai travaillé dans le cadre d'un régime de ce genre. L'intendance partagée et la cogestion, c'est la même chose. Il va falloir que les pêcheurs soient partie prenante des décisions plutôt que de se les faire imposer, comme c'est le cas depuis des années. Les scientifiques donnent le mot d'ordre et il faut le suivre.
    Il reste qu'on est sur le terrain, et comme les pêcheurs de Terre-Neuve, c'est la raison pour laquelle on veut que des choses changent. Si on trouve de la morue, on devrait pouvoir en calculer la quantité, de façon à pouvoir déterminer qu'il est possible de permettre aux pêcheurs d'en pêcher une partie. Autrement, c'est le phoque gris qui la mange.
    Je tiens à vous dire qu'à l'heure actuelle dans le sud du golfe, il y a des vers non seulement dans la morue mais aussi dans le capelan, le turbot et le flétan. Le turbot est une pêche lucrative: parmi les poissons de fond dans le golfe du Saint-Laurent, c'est le deuxième en importance en termes de prix. Il se vend 1 $ la livre aux pêcheurs. Par contre, quand on retire un, deux ou trois vers dans un filet, une fois qu'il est congelé, ça laisse un point jaune qui le rend impropre à la commercialisation. Que fait-on alors? On laisse les phoques, plutôt que les pêcheurs, attraper la morue? Partout où je vais, je demande si ce sont les phoques ou les pêcheurs qui paient de l'impôt. Je pense qu'à un moment donné, on va devoir faire un choix et corriger cette situation.
(0930)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Cotton.
    Passons maintenant à M. Blais.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, Réginald et Jean-Pierre. Vous avez parlé un peu des effets d'un éventuel moratoire. Pour le bénéfice de mes collègues, j'aimerais que vous entriez un peu plus dans les détails. Le risque qu'il y ait effectivement un moratoire plane à l'horizon.
    Ce moratoire aurait des répercussions sur la flottille, les pêcheurs, les communautés et les entreprises, mais également sur l'historique et la cueillette des données. Des navires, des entreprises de pêche ne seraient plus dans le sud du golfe pour nous dire ce qui s'y passe réellement, comme vous le faites aujourd'hui dans votre témoignage. J'aimerais vous entendre parler de ces répercussions.
    Il est certain que les répercussions seraient énormes. À titre d'exemple, il y a environ 20 ans, il y avait en Gaspésie une soixantaine de bateaux de pêche semi-hauturière. En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, il ne reste maintenant que 18 bateaux semi-hauturiers détenteurs de permis de poisson de fond. Dans les autres provinces, c'est la même chose. En comparaison, il y a environ 20 ans, il y avait 63 de ces bateaux à Terre-Neuve, et il en reste encore 63 aujourd'hui. Ces gens ont été compensés par des permis pour pêcher la crevette. Pour les Gaspésiens, les pêcheurs que je représente, les effets sont importants parce qu'on n'a pas de permis pour pêcher la crevette. On dépend encore des allocations temporaires de crevette. Il y a environ un mois, on a été obligés de sortir dans la rue pour essayer de gagner ce qu'on avait perdu.
    Le chiffre d'affaires, pour un bateau de pêche semi-hauturière, est d'environ 100 000 $. L'assurance de nos bateaux coûte entre 12 000 $ et 15 000 $ par année. Après, c'est terminé, on ne peut pas pêcher autre chose. Chez nous, les travailleurs d'usine ne se qualifieront même pas à l'assurance-emploi. On ne peut pas se qualifier à l'assurance-emploi avec le peu de crevette qu'on a. Les effets sont énormes.
    Chez nous, des gens pêchent le crabe et toutes sortes d'autres espèces. Ces gens nous appellent de partout, de toutes les provinces, et nous disent qu'ils prennent énormément de morue dans leurs trappes à crabes. À ce que je sache, la trappe à crabes n'est pas un engin pour pêcher la morue. S'ils prennent tant de morue dans leurs trappes à crabes, c'est parce qu'il y a de la morue. On ne dit pas qu'il y en a tant que ça, mais il y en a. Toutes les répercussions négatives n'ont aucun sens. Certaines communautés en dépendent, des communautés mourront parce que ces gens ne peuvent pas faire de pêche. Avec le peu de crevette qu'il y a, ils ne pourront pas s'en sortir. Quand on veut affréter notre bateau au printemps, on va à la banque, et les gens nous demandent ce qu'on va pêcher. On ne le sait pas. On ne peut pas affréter notre bateau au printemps parce que ça coûte environ 20 000 $, et on ne peut aller emprunter de l'argent pour l'affréter parce qu'on ne sait pas ce qu'on va pêcher.
    Ce sont toutes les répercussions que ça représente, monsieur Blais. C'est la mort à petit feu. C'est la disparition des flottilles comme la nôtre. C'est un besoin qui a été créé au fil des années, comme dans les autres provinces.
    Plus tôt, vous avez terminé votre intervention en parlant du phoque gris. Le phoque gris est beaucoup plus vorace que le phoque du Groenland, qu'on connaît assez bien aussi. Il est beaucoup plus gros et il est présent un peu partout. Il a des répercussions. Il mange de la morue, on le sait très bien. On constate aussi que le ministère n'a pas nécessairement fait d'efforts relativement au phoque gris. Comme vous l'avez noté, on pénalise un groupe de pêcheurs qui pêchent honorablement leur quota de morue, ou tentent de le faire, et on laisse le phoque gris dévorer une ressource.
    Si des efforts étaient faits par rapport au phoque gris, pensez-vous que ça pourrait éventuellement compenser la perte et réduire les répercussions sur cette ressource qu'est la morue?
    Vous avez tout à fait raison. Il y a une vingtaine d'années, le cheptel du phoque gris était d'environ 7 000 têtes. Aujourd'hui, il est de 70 000 à 100 000 têtes. La particularité du phoque gris, c'est qu'il réside à l'intérieur du golfe, le long des côtes. En Gaspésie, il y en a partout.
    Je vais vous donner un exemple. Sur la pointe du parc Forillon en Gaspésie, des gens ont développé des croisières, vu qu'il y avait un peu d'argent à faire là. Ils font des croisières et vont voir les phoques gris. Il n'y a plus de morue le long des côtes.
    J'établis un parallèle entre les phoques et les coyotes en Gaspésie. La chasse au chevreuil était une industrie quand même assez lucrative chez nous. Des scientifiques ont implanté des coyotes, à un moment donné. Ils ont dit que cela équilibrerait les choses et que la nature allait faire son ouvrage. Les coyotes se sont multipliés et ont mangé tous les chevreuils. C'est vrai, vous pouvez le vérifier. La chasse a été fermée pendant une dizaine d'années. Les motoneigistes et les chasseurs se sont donné le mot et ont éliminé les coyotes. La chasse a recommencé il y a quatre ou cinq ans. Ça va bien, il y a des chevreuils et on surveille les coyotes.
    Pour ce qui est des phoques, ils résident le long des côtes, et aucune morue n'y vient. On peut établir un parallèle entre les phoques et les coyotes. Aussitôt qu'une morue vient, elle est bouffée par un phoque gris. De plus, on ne peut pas faire grand-chose du phoque gris. Je pense qu'il faudra corriger cette situation et ramener le cheptel à ce qu'il était au début des années 1970. Cela n'a pas de sens. Encore une fois, je le dis, ce ne sont pas les phoques qui paient des impôts, ce sont les Canadiens. On devrait corriger cette situation. Ce sont les phoques gris qui mangent la morue qu'on devrait normalement pêcher.
(0935)
    J'aimerais aborder autre chose au cours de ce tour de questions. J'aimerais vous entendre parler des effets des moratoires et de votre connaissance actuelle du terrain. Si on arrêtait la pêche à la morue dans le sud du golfe, cela signifierait qu'on ne saurait ce qui se passe que pendant une courte période de l'année. De plus, vous êtes en désaccord sur le moment où la cueillette de données est faite. L'effet d'un moratoire sur la façon dont cela se passe en mer est donc très évident.
    Pourriez-vous développer cette idée?
    Certainement. Comme je vous le disais plus tôt, les pêcheurs pensent qu'on va causer énormément de tort à la biomasse de la morue du sud du golfe si on arrête d'aller vérifier périodiquement ce qui se passe, notamment si on ferme la pêche. Les scientifiques du sud du golfe de Pêches et Océans Canada sortent au mois d'août. C'est vérifiable et c'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, comme je l'ai dit plus tôt. Année après année, ils nous disent que c'est néfaste, que ça ne va pas, qu'il n'y a pas de morue, etc. Pourquoi alors tous les crabiers du sud du golfe prennent-ils de la morue dans leurs trappes depuis quelques années? Parce que la morue est là. Les scientifiques n'y vont pas au bon moment.
    Je vous donnais plus tôt l'exemple de quelqu'un qui est malade, qu'on laisse dans un coin et qu'on laisse mourir sans lui donner une chance. Pourquoi ne pourrait-on pas créer un projet comme on le préconise? En accord avec les scientifiques, on travaillerait à recueillir des données qualitatives et quantitatives. Je pense qu'on devrait travailler ainsi à l'avenir. On saurait exactement ce qui se passe dans le sud du golfe, comme cela s'est passé dans le nord. C'est là le problème, monsieur Blais. Nous revendiquons ces choses année après année aux comité consultatif, parce qu'on ne veut rien changer.
    Un autre moratoire serait néfaste parce que nous pensons que les pêcheurs disparaîtront. Je suis arrivé à un âge où je n'en ai pas pour très longtemps à faire de la pêche. Il n'y a pas beaucoup de relève chez nous, en Gaspésie. À cause de la morosité du climat dans les pêches et de tout ce qui est annoncé, les gens quittent la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine ou les provinces maritimes pour travailler dans les grands centres. Il n'y a pas beaucoup de relève, mais si on perd l'expertise... Comme vous le savez, la morue en Gaspésie, c'est une culture. Toutes les communautés se sont développées en fonction de la morue.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Cotton.
    Cédons maintenant la parole à M. Stoffer.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, d'être venus.
    Avez-vous eu l'occasion de faire part de vos recommandations aux représentants locaux du MPO, tel que le directeur régional de la zone en question? Si oui, comment s'est passée votre discussion?

[Français]

    Nous voulions qu'une décision politique renverse un peu la tendance scientifique. Immédiatement après avoir structuré ce document, nous sommes allés rencontrer les scientifiques à Moncton, directement sur le terrain. C'était en quelque sorte dans le camp ennemi. Nous leur avons expliqué notre démarche. Nous leur avons dit vouloir qu'une décision politique soit prise, du fait que nous n'étions pas d'accord sur leur position sur l'état de santé de la biomasse. Ils ont écouté nos revendications, notre point de vue. Il reste qu'ils ne sont pas d'accord parce qu'ils ne reconnaissent pas l'évaluation qualitative des pêcheurs. Ils se concentrent strictement sur une approche quantitative.
     Or, on sait bien que du point de vue scientifique, la démarche quantitative ne tient compte ni des composantes socioculturelles et socioéconomiques ni de l'impact subi par les communautés côtières. Ça ne se passe pas seulement en Gaspésie; ça s'est aussi passé à Terre-Neuve. Il n'y a pas longtemps, on a parlé des conséquences désastreuses du premier moratoire de 1992 sur les communautés de pêcheurs. Chez nous, nous avons connu la même situation que dans les provinces Maritimes. Les villages se sont littéralement vidés. Normalement, des générations de jeunes se seraient dirigés vers l'industrie de la pêche parce que c'est une culture, un monde, une dimension de la vie totalement à part de ce que connaissent les grands centres. Tout ça a été changé.
    C'est un peu ce que nous reprochons aux scientifiques, et c'est pourquoi nous sommes allés à Moncton leur faire part de notre point de vue. Nous leur avons dit que nous ne ferions pas les choses en catimini. Nous avons essayé de les convaincre de participer à un projet de partenariat. Étant donné que le point de vue des scientifiques sur l'état de santé de la biomasse est totalement à l'opposé de celui de l'industrie des pêcheurs, qui est vraiment fondé sur une analyse qualitative, nous leur avons proposé de nous aider éventuellement à élaborer un projet de partenariat.
    L'idée est qu'on en arrive à la conclusion qu'un programme de partenariat mettant à contribution l'industrie de la pêche et les scientifiques est nécessaire, et qu'on puisse faire une évaluation chaque année, puis des ajustements. Lors de cette rencontre, nous leur avons dit que s'ils appuyaient notre démarche, c'est-à-dire 4 000 tonnes pendant trois ans, il serait possible d'évaluer vraiment l'état de santé de la biomasse dans le cadre de ce programme de partenariat. Nous leur avons dit également que si, au terme de ces quatre années d'évaluation, nous arrivions nous aussi à la conclusion que l'état de santé de la biomasse est à la baisse, nous respecterions vraiment l'approche de précaution et toute la stratégie de développement durable.
(0940)

[Traduction]

    Avant de permettre à M. Stoffer de poser sa prochaine question, j'aimerais demander aux membres du comité et aux témoins d'être plus succincts dans leurs questions et dans leurs réponses. M. Stoffer n'a posé qu'une seule question, qui était d'ailleurs assez courte, et son temps s'est presque déjà écoulé. Alors tentons de resserrer la discussion un peu, puisque les membres du comité souhaitent poser le plus de questions possible.
    Monsieur Stoffer.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais savoir si vous aviez eu l'occasion d'en discuter avec les hauts cadres sur le terrain. Est-ce que votre organisation a eu l'occasion de demander à des scientifiques indépendants du MPO de faire une analyse des données scientifiques recueillies par le MPO afin d'en faire un examen par les pairs? Avez-vous pu faire de telles comparaisons?

[Français]

     Dans la foulée des discussions que nous avons tenues avec le bureau du ministre des Pêches et des Océans, à savoir le directeur chargé des sciences, nous étudions maintenant la question avec une partie indépendante en vue de déterminer ce que nous voulons faire. On nous a dit qu'une réunion aurait lieu en septembre et qu'on se pencherait sur tout ça.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Keddy.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins.
    Nous avons discuté de beaucoup de choses aujourd'hui. Certains de mes collègues ont fait des remarques qui... Je me rends bien compte, monsieur le président, que je ne suis pas en train de poser une question. Je fais plutôt une remarque et cela prendra mon temps de parole.
    Alors vous allez faire comme le reste du groupe en nous livrant vos remarques.
    Je suis toujours déçu quand je vois que des politiciens tentent de semer la discorde entre la collectivité scientifique et les pêcheurs. Au contraire, ce qu'il faudrait faire, c'est tenter de rallier les pêcheurs et la collectivité scientifique, pour qu'ils collaborent plus étroitement, puisqu'ils représentent votre meilleur allié. Au lieu de tout simplement vous fier aux dires de quelqu'un j'espère que, lorsque vous aurez plus de temps, vous lirez la nouvelle loi sur les pêches afin de déterminer vous-même les conséquences que cette loi a sur le ministre et sa capacité à faire appliquer la loi.
    Depuis que j'ai été élu au Parlement, il y a déjà 11 ans, nous examinons les stocks de morue dans le sud du golfe. Nous avons toujours vu des preuves indiquant que les ressources faisaient face à des difficultés au cours de cette période. Les morues sont plus petites et elles n'atteignent pas la même taille qu'auparavant.
    Je respecte vos propos, notamment lorsque vous avez parlé de l'évaluation des ressources en août. S'il n'y a pas de morues dans cette région en août, il faudra faire une évaluation à une autre époque. Vous devriez la faire de concert avec la collectivité scientifique. En tant que pêcheurs, vous êtes également des scientifiques puisque vous observez le poisson dans son environnement au quotidien. Bien entendu, vous devriez faire part de cette évaluation. Il n'en fait aucun doute et je ne remets pas ce propos en question.
    Ce qui me préoccupe plutôt, c'est l'argument économique portant sur les ressources de poisson. Au début des années 1990, on a utilisé un argument économique pour la pêche de la morue du nord. Cette espèce a été pêchée au point où il n'en reste presque plus du tout. L'argument économique provient des politiques et supplante les arguments du MPO ou encore des scientifiques. Cette surexploitation a créé d'énormes problèmes dans les collectivités côtières. Bon nombre d'entre elles ont dû fermer les pêches. Je suis très préoccupé de voir qu'on est en train d'utiliser ce même argument économique.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous: s'il n'y a pas de morues dans cette région au mois d'août, il ne faut donc pas faire d'évaluation à ce moment-là. Mais il faut savoir que l'on risque également que cette espèce soit classée dans la Loi sur les espèces en péril ou dans le COSEPAC. La morue serait inscrite sur une liste protégée et vous ne pourrez plus jamais la pêcher. C'est un risque très sérieux. Je sais que, à court terme, cette réduction semble horrible, mais elle risque d'être la seule solution. Si vous songez à l'effondrement des ressources de morue au début des années 1990, est-ce que cela ne vous a jamais fait penser à l'argument économique dans lequel vous ne feriez pas partie de l'équation?
(0945)
    Allez-y, monsieur Couillard.

[Français]

    Vous pouvez oublier l'aspect économique et retenir simplement l'aspect social, mais l'un ne va pas sans l'autre. L'aspect économique n'est pas démesuré. Avant les années 1990, la philosophie de gestion et de protection des stocks de poisson était surtout déterminée par les préoccupations économiques des entreprises. Dans le rapport Kirby, on parle de grandes entreprises nationales qui dictaient la stratégie de gestion au gouvernement. Aujourd'hui, c'est différent: il y a des équipes constituées de scientifiques et d'autres qui sont formées de représentants de l'industrie.
    Je suis entièrement d'accord qu'il faut se soucier du déclin et de la santé de la ressource. On en parle beaucoup dans le document. On respecte le concept de développement durable et l'approche de précaution, même s'il faut s'assurer de ne pas exagérer, mais il faut surtout que dans le domaine scientifique, on n'oublie pas l'aspect social. C'est mon point de vue.

[Traduction]

    L'on n'a pas encore soulevé un argument convaincant, soit celui de la prédation. Ça se passe également en Nouvelle-Écosse ainsi que dans la côte nord et à Terre-Neuve. Il y a plus de phoques qu'auparavant. Dans ma région, le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, le phoque gris pose problème. J'imagine que vous faites face à la même situation, quoique, de votre côté, il y a également le phoque du Groenland. Qu'en est-il de la prédation des phoques dans votre région? Pouvez-vous nous fournir des chiffres? Quelle quantité de morues est consommée par les phoques?
(0950)

[Français]

    J'ai déjà lu dans un article qu'un scientifique avait fini par dire que dans le golfe Saint-Laurent, les phoques mangeaient 40 000 tonnes métriques de morue.
    Ce que demandent les pêcheurs, c'est un point de non retour, je crois. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui. Quatre mille tonnes de morue, dans le sud du golfe Saint-Laurent, c'est un grain de sable. Ce n'est pas vrai qu'on va détruire la ressource en prenant 4 000 tonnes de morue.
    Je vais vous expliquer une chose. Dans le nord du golfe, à 7 000 tonnes, le taux d'exploitation versus la biomasse totale se situe autour de  20 p. 100. Dans le sud du golfe, à 4 000 tonnes, le taux d'exploitation se situerait entre 2 et 3 p. 100. Donc, on comprend mal.
    Les scientifiques qui passeront après nous vont probablement vous dire que dans le sud du golfe, on ne trouve pas de grosses morues. On sait pourquoi ils n'y trouvent pas de grosses morues: c'est à cause de l'engin qu'ils utilisent. Je vous l'ai dit un peu plus tôt, dans le sud du golfe en ce moment, la zone 4T2 est fermée parce que les gens ne peuvent pas pêcher la plie parce qu'il y a trop de morue. Ils pêchent la plie avec de la maille de 170 carrés. Or, ils prennent trop de morue par rapport à ce qu'ils prennent de plie. S'ils prennent de la morue, c'est parce qu'il y en a. On ne demande pas 50 000 tonnes, on demande 4 000 tonnes, pour la comprendre.
    Voici ce que nous demandons au ministère: se donne-t-on une dernière chance de travailler ensemble? Travaillons ensemble pour trois ans afin d'élaborer un programme qui tienne compte de la science. Nous avons besoin de ces gens-là parce que nous ne sommes pas instruits. Mais je crois pertinemment que les scientifiques ont aussi besoin de l'apport des pêcheurs, de nos connaissances et de notre expertise. Quand j'ai mal aux dents, je vais chez le dentiste, je ne vais pas chez le barbier. Donc, les gens qui travaillent dans le domaine de la pêche devront se référer aux pêcheurs.

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord. En revanche, nous faisons face à un problème très grave. La biomasse a réduit considérablement.
    Vous avez également dit qu'il fallait traiter la partie sud du golfe de la même manière que celle du nord. Les preuves scientifiques que nous avons vues, en nous basant sur les prises, indiquent que les ressources diminuent plus rapidement dans le secteur sud que dans le secteur nord. Si l'on traite les deux régions de la même façon, alors l'on risque de complètement d'épuiser cette ressource dans la partie sud du golfe.
    Je ne dis pas que chaque zone de pêche est juste. Je ne dis pas non plus que le MPO ne s'est jamais trompé dans le passé ni ne se trompera à l'avenir. Je n'implique pas non plus que les évaluations scientifiques sont toujours justes. Mais ce sont les données avec lesquelles nous devons travailler. Et je pense, pour être franc avec vous, que vous risquez de détruire complètement la biomasse dans la partie sud du golfe.
    Monsieur Couillard, allez-y. Soyez bref, s'il-vous-plaît.

[Français]

    J'aimerais dire quelque chose à ce sujet. À mon avis, un des très grands dangers menaçant la santé et l'évaluation des stocks est le désaccord entre l'industrie et les scientifiques. C'est vraiment un élément déterminant de la problématique. On ne peut jamais arriver à créer un programme de travail et à une conclusion sur l'état de santé et sur la direction à prendre pour améliorer l'état de santé, parce qu'on n'arrive pas à s'entendre. Un des éléments de base qu'il faut rétablir, c'est la communication entre l'industrie et les scientifiques. Si on n'arrive pas à régler ce problème, certains tenteront d'exercer des pressions politiques, comme on le fait aujourd'hui, et d'autres se baseront sur des évaluations scientifiques qui ne sont pas du tout comme les nôtres. Il faut arriver à régler ce problème pour obtenir de meilleurs résultats.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous venons de terminer la première série de questions. Il ne nous reste presque plus de temps, encore quelques minutes.
    Je m'en remets à mes collègues. Voulez-vous que l'on pose une brève question par parti? J'aimerais savoir ce que vous en pensez. On peut également s'en tenir là et permettre au témoin de conclure.
    Alors nous allons permettre à M. Cotton de répondre à la question et de s'en tenir là? Êtes-vous tous d'accord? Très bien.
    Monsieur Cotton, veuillez conclure s'il-vous-plaît, soit en répondant à M. Keddy soit en soulevant un autre point.
(0955)

[Français]

    Je vais répondre rapidement à M. Keddy.
    Vous parlez de la biomasse dans le sud du golfe et vous dites la même chose que les scientifiques. Je ne vous en veux pas; c'est avec ça qu'on doit travailler. Monsieur Keddy, depuis un an, j'ai réuni tous les pêcheurs du sud du golfe. Cette tâche a été énormément ardue et difficile. On en est venu à la conclusion qu'on devrait se donner une autre chance parce que la photo que les scientifiques ont prise n'est pas bonne. Elle n'était pas bonne il y a quelques années, tant dans le nord du golfe que dans le sud.
    On demande simplement au gouvernement de travailler avec nous, de nous donner une seule chance. Un TPA de 4 000 tonnes pour trois ans, ce n'est pas beaucoup puisque les phoques en mangent 10 fois plus. On devrait nous donner une chance. Et si jamais les scientifiques ont raison, je vous jure que je serai le premier pêcheur à me lever et à leur dire qu'ils avaient raison. Mais s'il s'avère qu'ils n'avaient pas raison, ce sont les Canadiens qui en profiteront.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Cotton.
    Merci beaucoup messieurs, d'être venus.
    J'aimerais remercier mes collègues de leur participation ce matin.
    Nous prenons au sérieux ce problème. Il y a quelques années, nous avons entendu des témoignages similaires concernant le secteur nord du golfe.
    Nous allons faire une courte pause pour permettre à nos prochains témoins de se préparer.
(0955)

(1000)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous sommes prêts à entendre notre prochaine série de témoins. Nous allons poursuivre notre discussion sur la morue dans le sud du golfe.
    Nous entendrons aujourd'hui David Bevan, sous-ministre adjoint, gestion des pêches et de l'aquaculture et Sylvain Paradis, directeur général, sciences des écosystèmes.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Monsieur Bevan, vous pouvez faire votre déclaration préliminaire.
    Afin de mettre les choses en perspective, j'aimerais faire une très brève déclaration préliminaire.
    Notre gestion des pêches est aujourd'hui fort différente de ce qu'elle était. Nous sommes désormais examinés à la loupe dans les places du marché et devons démontrer que les pêches sont durables. Nous devons nous conformer à des obligations internationales et aussi à notre cadre politique en exerçant une gestion prudente. Nous devons composer avec les renseignements disponibles et nous ne pouvons pas tout simplement retarder nos actions en raison d'une incertitude. Nous devons agir en fonction de ce que nous avons sous les yeux.
    Malheureusement, dans le sud du golfe, un tableau très sombre s'est dressé en matière de ressources. Mon collègue pourra répondre à vos questions. Ce tableau sombre touche uniquement le sud du golfe, pas la partie nord. Nous devons en tenir compte en décidant de la façon dont nous voulons gérer cette situation. Nous devons aussi tenir compte de tous les examens minutieux allant des espèces en péril au marché qui veulent des preuves que la pêche est viable. Il faut également tenir compte de ces deux points.
    Merci, monsieur Bevan.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Byrne, allez-y.
    Merci, monsieur le président.
    Pour reprendre les propos de l'un de mes collègues, je déteste quand les politiques sèment la discorde entre les pêcheurs et les scientifiques. Il me semble y avoir une bonne dose de dégoût de soi dans cette salle.
    Monsieur Bevan, j'aimerais vous poser une question qui porte sur votre expérience passée. Auparavant, le MPO écoutait les pêcheurs quand ils présentaient des preuves contraires à des énoncés scientifiques. Il existe bon nombre d'exemples récents, dans lesquels on peut voir que les conseils prodigués par les pêcheurs, notamment dans les plans de gestion des pêches, étaient judicieux.
    Je vais vous donner un exemple. Dans la côte nord-est de Terre-Neuve, des conclusions scientifiques ont été présentées au MPO puis au ministre, et elles n'appuyaient pas l'ouverture d'une pêche de morue commerciale ni même d'une pêche expérimentale. Le ministre a quand même décidé d'ouvrir la pêche et on a vu qu'il n'y a pas eu de déclin important des ressources. En fait, elles semblent être au même niveau qu'auparavant.
    Dans la partie nord du golfe, en 2002, on est passé d'un quota de plusieurs milliers de tonnes à un moratoire. L'année dernière, soit trois ans plus tard, on voit qu'il y a beaucoup de ressources halieutiques. Le MPO envisage même d'augmenter la ressource.
    Seriez-vous d'accord pour dire que les preuves scientifiques du MPO posent problèmes? Admettez-vous que ces conseils ne sont pas nécessairement bien fondés?
    En ce qui concerne le secteur nord du golfe, nous savons maintenant que le Alfred Needler, le navire scientifique du MPO qui faisait ces études était hors service pendant un long moment. Et c'est cela qui a fait en sorte que nous avons imposé un moratoire dans cette région. En fait, le Alfred Needler n'était pas... Le niveau de pêche expérimentale était marginal. De plus, ce niveau a connu des pannes, et je crois un incendie, des problèmes avec les filets, etc.
    Sommes-nous saisis d'un problème de manque de ressources? Ou s'agit-il plutôt d'un problème lié aux examens scientifiques qui ont une incidence sur les preuves scientifiques réelles?
(1005)
    Les résultats scientifiques ne sont jamais parfaits. Il y aura toujours des incertitudes. C'est pour cela que nous recevons des conseils de sources différentes et que nous nous basons sur des probabilités.
    Par contre, je ne crois pas qu'il y ait de problème fondamental dans les résultats scientifiques. Le secteur nord du golfe, tout comme celui du sud, avait des pêches de l'ordre de 60 000 tonnes au cours de la première moitié du 20e siècle. Cette pêche de 20 000 à 40 000 tonnes a plafonné à 100 000 tonnes et était de l'ordre de 60 000 tonnes pendant une bonne partie de la deuxième moitié du siècle.
    C'est le contexte dans lequel nous examinons ces ressources. Les stocks sont bien en-dessous de leurs normes historiques. Les stocks étaient faibles dans la partie nord et si l'on continuait à pêcher ce poisson cela empêcherait le renouvellement rapide des ressources. Et même si maintenant nous avons une meilleure productivité, si l'on voulait répondre aux demandes des pêcheurs, il faudrait quand même réduire le taux de renouvellement même si ça ne l'empêcherait pas. Nous n'avons pas vu cela encore dans le secteur sud.
    Je sais que des pêcheurs ont comparu aujourd'hui. Beaucoup d'autres personnes du secteur sud ne partagent le point de vue que vous avez exprimé tout à l'heure. Des gens comprennent que le stock de morues au sud du golfe est en péril car il est en déclin et que la productivité n'est pas comparable à une population complètement distincte que l'on retrouve dans la partie nord.
    Les résultats scientifiques ne sont pas parfaits. Nous n'avons pas toujours le degré de précision que nous aimerions avoir. Ça arrivera peut-être un jour. Nous aurons une croissance fixée à 4 000 tonnes, et...
    Passons à ma deuxième question. Le projet de loi C-32 est très explicite. Il indique que le ministre doit utiliser les preuves scientifiques comme principes de conservation dans ses plans de gestion. Vous avez indiqué au comité que, d'après vous, le ministre ne... Et bien, toute décision du ministre peut être contestée dans une cour fédérale.
    Est-ce que vous pensez que, si le ministre garde le statut quo pour cette pêche, en raison des preuves scientifiques — qu'elles soient justes ou non — en vertu de la nouvelle loi, sa décision pourrait être contestée en cour fédérale? Est-ce que les résultats scientifiques appuieraient sa décision de garder le statut quo?
(1010)
    De toute évidence, les preuves scientifiques recueillies dans le secteur sud du golfe ne sont pas en faveur du maintient du statut quo.
    Alors, en vertu de la nouvelle loi, le tribunal pourrait fermer la pêche que le ministre le veuille ou non.
    Et bien, ce n'est pas tout à fait vrai. La loi ne stipule pas que le ministre doive suivre les conseils des scientifiques. La loi dit simplement qu'il doit tenir compte de ces conseils. Il doit considérer l'approche de précaution. Cela ne doit pas dire qu'il doit s'y conformer. Je pense qu'il y a une nette distinction. On pourrait contester cette décision devant un tribunal si le ministre ne démontre pas qu'il a tenu compte des conseils scientifiques. Mais il n'est pas obligé de les suivre. C'est une toute autre question.
    Dans votre région, dans le nord du golfe, nous avons constaté une prise par unité plus élevée et vu des signes de présence de poissons. Le ministre peut aussi en tenir compte tout comme il peut tenir compte des conseils scientifiques. Cela n'entre pas en conflit. Ainsi, on voit qu'il y a eu du poisson et que la capacité de prises y est plus élevée, mais le ministre n'est pas obligé de suivre ce conseil.
    Je vais laisser le reste de mon temps à mon collègue M. Simms, mais je voudrais faire une dernière observation. En instruisant une affaire de ce genre, un juge de la Cour fédérale, à Toronto ou ailleurs, pourrait estimer que « tenir compte des avis scientifiques » signifie qu'il faut y adhérer. C'est discutable.
    Monsieur Bevan, vous n'avez pas à répondre à cette observation.
    Monsieur Simms.
    J'ai deux questions seulement au sujet de la recherche.
    À votre avis, la prédation par des phoques peut-elle être considérée comme un facteur important de la mortalité naturelle?
    Certains scientifiques — pas tous — disent que c'est effectivement le cas, que c'est un élément important de la mortalité naturelle dans le sud du golfe. Mais il faut situer cette prédation dans un tableau d'ensemble. La population en cause a été fortement réduite par la surpêche. Pendant que nous pêchions cette population, celle-ci souffrait d'une faible productivité, et cette population a été réduite en-deçà d'un seuil raisonnable. D'après ce dont je me souviens, la limite, dans le sud du golfe, était de 80 000 tonnes. On estime qu'on ne peut pas aller sous ce seuil.
    En outre, il y a eu d'autres changements environnementaux, dont la teneur en oxygène et l'augmentation des températures. Ce sont des facteurs qui ont également nui à la morue.
    Je suis d'accord, car j'estime que l'augmentation de la température de l'eau de mer est l'une des questions dont on ne tient pas suffisamment compte.
    Mais pour en revenir aux phoques — et je veux être certain de bien m'exprimer — certains scientifiques disent que la prédation faite par les phoques est un facteur important, mais j'ai l'impression que vous n'en êtes pas convaincus.
    Non, je ne mets pas cela en doute. Ce que je dis, c'est que les scientifiques ne sont pas tous d'accord à ce sujet. Les scientifiques qui étudient les phoques et la place qu'ils occupent dans l'écosystème n'en sont pas arrivés à cette conclusion. Ceux qui étudient les poissons sont davantage enclins à constater une corrélation entre l'augmentation de la population de phoques et la productivité et la mortalité accrues de la morue.
    En outre, on n'a pas encore étudié la question du phoque gris. On est en train de composer un groupe de travail chargé d'examiner les solutions à ce problème. Nous reconnaissons qu'il faut prendre des mesures en ce qui concerne les phoques.
    Mais lorsqu'on a réduit le quota de phoques de 320 000 à 270 000, on n'a pas tenu compte de cette prédation, n'est-ce pas?
    Cette mesure ne s'appliquait qu'aux phoques du Groenland, et nous voulions maintenir la population de ces phoques. Ces phoques n'habitent pas dans le golfe et ils ne causent donc pas les problèmes dont on a entendu parlés en ce qui concernent la morue du sud du golfe.
    Pour ce qui est des conseils des scientifiques relativement aux phoques, nous avons eu une réunion avec les gens de l'industrie il y a deux mois pour identifier les problèmes. Il y aura une autre réunion à l'automne pour examiner les analyses du contenu des estomacs des phoques, pour voir comment on peut améliorer la consommation que font les phoques, trouver de nouvelles façons de mesurer... Par exemple, nous prévoyons installer des caméras sur la tête de certains phoques de façon à mieux les suivre et à mieux connaître leur alimentation, parce qu'en analysant du contenu de leur estomac, on ne constate pas qu'ils consomment un grand nombre de poissons. Cela ne signifie pas qu'ils ne mangent pas ces poissons, mais on ne peut pas vraiment le constater.
    Nous examinons également d'autres questions, comme les morsures au ventre des morues, les morues dont le ventre est mangé. On n'en trouve pas de trace dans les estomacs. Il y a en outre le problème des vers et des parasites qui sont transmis entre les espèces. Nous avons un plan scientifique pour travailler de concert avec tous les partenaires.
    Mon collègue a une petite question à poser.
    Monsieur Regan.
    Il y a quelques années j'ai eu l'occasion de me rendre à l‘île de Sable pour entendre les exposés de scientifiques du MPO. Par le passé il leur suffisait d'étudier les contenus stomacaux du phoque pour déterminer les espèces de poissons consommés par les phoques pendant les dernières semaines. De nos jours cependant, ils peuvent procéder à une analyse des acides gras du phoque pour déterminer ce que l'animal a mangé durant les cinq derniers mois, ce qui donne des résultats beaucoup plus fiables. Ils disaient ce qui m'a surpris d'ailleurs que la morue ne représentait que 3 à 5 p. 100 de l'alimentation des phoques gris de l'île de Sable.
    Une étude semblable a-t-elle été effectuée pour le golfe, tout particulièrement le sud du golfe?
(1015)
    C'est une des questions qui sera abordée lors de la réunion de l'automne, parce que nous étudions l'analyse génétique des aliments consommés, pour discuter justement de ce que vous avez mentionné, les contenus en acide gras et des choses du genre. Je ne pense pas que nous avions une bonne idée de ce qui se passait dans le sud du golfe et c'est justement ce que nous aborderons lors de notre réunion à l'automne.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Blais.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs.
    Tout d'abord, quand la décision relativement à la morue dans le sud du golfe sera-t-elle annoncée?
    Ce sera probablement annoncé cette semaine, au cours des prochains jours.
    Jusqu'à quel point l'évaluation scientifique que vous nous avez présentée est-elle fiable?
    Il est difficile d'évaluer précisément la fiabilité. Il faut reconnaître que cet avis n'émane pas strictement des chercheurs de Pêches et Océans. Voici comment le processus fonctionne. Les chercheurs de Pêches et Océans présentent de l'information scientifique à une table conjointe à laquelle participent des représentants de l'industrie, des universitaires et des chercheurs. Grâce à la revue par les pairs, on en arrive à un consensus scientifique, lequel est ensuite transmis au ministre, après avoir été placé sur le Web à l'intention de tous les Canadiens.
    Vous comprendrez aussi que ce n'est sûrement pas dans l'intérêt des pêcheurs de nous raconter des histoires sur l'abondance de la morue afin d'avoir, pour trois ou quatre ans de plus, un quota de 2 000, 3 000 ou 4 000 tonnes. Ces gens sont responsables et savent très bien que si on faisait tout ça, ce serait finalement à leur détriment. Ceux qui pêchent la morue sont des pêcheurs de morue.
    Dans ce cas, pourquoi ne pas leur faire confiance?
    La question n'est pas de ne pas leur faire confiance. J'utiliserai les mots que vous avez utilisés pendant la pause. On n'a pas l'intention de développer une confrontation avec les pêcheurs. L'idée est de se rapprocher davantage et d'avoir un consensus plus serré. Le défi est plus grand. On veut travailler avec les pêcheurs, mais on a aussi d'autres parties qui exercent des pressions. Par exemple, Cosewic ou le Cosepac, le Comité sur la situation des espèces en péril, a décidé de soumettre un avis pour une nouvelle revue de la morue à la suite des avis scientifiques qui ont été soumis. Alors, on est dans une situation où il y a beaucoup d'intervenants. On veut prendre l'avis des chercheurs très au sérieux. En fait, M. Cotton l'a mentionné, le ministre a décidé qu'on aura un processus pour se rapprocher. On planifie la tenue d'un symposium tôt à l'automne. On travaille actuellement avec les pêcheurs. On leur a fourni quelques ressources pour pouvoir écrire un mémoire substantiel afin qu'on ait vraiment les bases de leur démarche. L'idée n'est pas d'avoir une attitude de confrontation. On a une image qu'on suit depuis des années, et c'est une image qui indique qu'il y a un déclin. On peut comparer le sud du golfe avec le nord du golfe, où on a une image qui indique une situation inverse. On y constate une reprise parce que la mortalité naturelle semble diminuer. Or, on n'a pas cette image dans le sud du golfe et on sait que ce sont deux stocks différents. On ne parle pas du tout du même stock. Bien qu'on pourrait dire que le golfe est un grand lac, ce serait un grand lac où il y a deux populations de poissons très distinctes. Si on avait le même signal dans le sud du golfe, soit un signal à l'effet qu'il y a une reprise, que les poissons sont plus gros, que la mortalité diminue — ce qu'on n'a pas du tout car la mortalité diminue rapidement et on pense que le phoque gris a un effet à ce chapitre —, on pourrait commencer à dire que oui, on peut y aller.
    Je ne doute pas de la capacité des pêcheurs à trouver du poisson. Ce sont des professionnels, ils connaissent leur travail. Mais nous avons aussi des chercheurs qui sont des professionnels, qui doivent suivre des protocoles très précis, et c'est à ce niveau que l'on veut avoir une entente. S'il y a a une question au sujet du temps auquel les relevés sont faits, on peut considérer d'autres périodes et essayer de faire des relevés à d'autres moments pour essayer de déterminer si les modèles actuels sont faux.
    Comme ça, il est vrai de dire que le moment de la cueillette des données est le mois d'août. Est-il aussi vrai de dire que ce n'est pas un moment propice pour trouver de la morue?
(1020)
    C'est difficile de dire que ce n'est pas un moment propice. La question doit être débattue. Je ne suis pas un chercheur de morue moi-même. Comme je le disais, il y a un protocole très précis sur les temps, le nombre de traits, la durée des traits, le type d'engin.
    Mais c'est vrai que c'est fait au mois d'août.
    Oui, c'est fait aux mois d'août et septembre.
    D'accord. Il est vrai aussi de dire que les pêcheurs contestent le moment de la cueillette des données.
    Oui, c'est ce qui dit M. Cotton.
    Je dis « les pêcheurs ».
    Certains ne contestent pas cette période.
    Qui?
    Il y a d'autres pêcheurs, par exemple les pêcheurs semi-côtiers. Alors, on verra ce qu'il en est au mois de septembre, quand il y aura le débat sur la question.
    Est-il vrai aussi de dire qu'il y a trois ans à peine, lorsqu'on était à Terre-Neuve, où le même comité discutait justement de la morue, on parlait de la morue côtière et de la morue hauturière, qui présentent des différences, et que justement, les avis de scientifiques étaient à l'effet qu'on devait diminuer les quotas et éventuellement avoir un moratoire dans cette partie? Cependant, la recommandation du Comité permanent des Pêches et des Océans a été de considérer qu'on puisse augmenter les quotas. On a augmenté les quotas dans ce secteur, et à ce que je sache, depuis trois ans, il n'y a pas eu de catastrophe.
    Y a-t-il des rapprochements à faire dans tout ça? Ce que je comprends aussi, c'est que, premièrement, ce n'est pas dans l'intérêt des pêcheurs de nous raconter des histoires; deuxièmement, ce n'est pas dans l'intérêt des scientifiques de le faire non plus. Mais ces éléments — on parle d'analyse qualitative de la part des pêcheurs — ne sont pas à rejeter non plus, dans le cadre d'un travail de collaboration et non de confrontation.
    Pourquoi ne pas dire qu'on va étudier la situation et travailler davantage, éventuellement, sur le prédateur qu'est le phoque gris? Pourquoi ne pas travailler davantage là-dessus?
    Je crois qu'on a actuellement tout une stratégie pour aborder la question du phoque gris, que ce soit sur le plan scientifique ou sur le plan de la gestion. Alors, je ne pense pas qu'il y ait un refus de se pencher sur la question du phoque gris.
    D'autre part, lorsque de l'information nous est fournie par les pêcheurs, habituellement, on s'assoit et on essaie de voir comment on va aborder les questions. Vous avez raison: dans le nord de Terre-Neuve, il y a eu des recommandations, on a travaillé encore de plus près avec les pêcheurs — on a des pêches sentinelles, le Stewardship Program —, les conditions semblent changer et on peut avoir une attitude positive.
    D'autre part, ce qui soulève des questions, c'est lorsqu'on dit que les stocks actuels sont sains et en santé. Sur un base scientifique, on recommanderait que la biomasse soit de près de 85 000 tonnes, et non de 36 000 tonnes environ, comme c'est le cas actuellement, ou de 26 000 tonnes. C'est un peu dangereux.
    On a vu, lorsqu'il y a eu le premier moratoire, que les chercheurs ont été très sévèrement blâmés pour les avis scientifiques qu'ils avaient fourni. Alors, ils ont des raisons d'avoir des avis assez précis.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Vous n'avez plus de temps.
    Nous passons maintenant à M. Stoffer.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier, messieurs, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    M. Cotton a été assez gentil pour nous faire parvenir des renseignements. Il a présenté une liste de cinq grandes recommandations qu'il désirait formuler. À mon avis M. Cotton et l'organisation qu'il représente tendent la main au MPO et sont prêts à collaborer avec le ministère; c'est quand même très encourageant de savoir que les pêcheurs de cette région ne font pas ce que d'autres font soit barricader les ports et protester comme cela été le cas lorsqu'il a eu un petit problème avec les allocations de crabe en Nouvelle-Écosse.
    Voici ce qu'ils proposent:
Réviser conjointement, industrie et MPO, les critères et méthodes d'évaluation scientifique du MPO pour les stocks de morue du Golfe du Saint- Laurent;

Uniformiser les critères et les méthodes d'évaluation des stocks de morue dans les zones Sud et Nord du golfe du Saint- Laurent.

Améliorer la collaboration entre les scientifiques et l'industrie par le biais de nouveaux protocoles d'entente touchant la protection de l'environnement marin et la pêche responsable.

Élaborer un programme de collaboration bipartite entre les scientifiques du MPO et l'industrie dans le but d'assurer que les recommandations présentées soient considérées comme il se doit;
    Et je suppose que si l'on pouvait respecter ces quatre recommandations, cette dernière recommandation serait suivie:
Permettre une pêche de type commercial durable, par le biais d'un projet pilote de trois ans, de 4 000 tonnes l'an dans la zone 4T de l'OPANO.
    Ils tendent la main au MPO et sont prêts à collaborer avec vous. Je suis convaincu que le MPO voudra s'empresser d'accepter cette offre et dire « Très bien, travaillons ensemble. Assurons un système ouvert et transparent assurons-nous également que toute étude scientifique afin d'être complètement acceptés soit étudiée ouvertement par des pairs ». Je supposerais que c'est ce que le MPO voudrait faire.
    Si ces recommandations que j'appellerais fort positives sont mises de l'avant, le ministère et le ministre seraient-ils disposés à en tenir compte comme tremplin pour les projets d'avenir?
(1025)
    Je pense qu'il y a de fortes possibilités.
    Le vrai problème touche une allocation de 4 000 tonnes sur une période de trois ans. Cette allocation ne serait pas fondée sur des données scientifiques. Nous semblons préjuger des conclusions qui pourraient être tirée de cette étude en suggérant qu'il y ait une pêche avant même qu'on connaisse les données scientifiques. Ça pose un problème.
    Oui, je comprends. C'était leur première recommandation, et c'est pourquoi je l'ai lue en dernière. Les quatre autres recommandations à mon avis représentent vraiment ce que ce groupe recherche. Compte tenu les renseignements qui découleront de cette collaboration, on pourrait en venir à une décision que tout le monde accepterait, n'est-ce pas?
    C'est justement pourquoi nous avons cette réunion à l'automne. Nous collaborons pour organiser cette réunion importante.
    Ne pourriez-vous pas donner suite à ces recommandations avant la réunion?
    Nous devons donner aux pêcheurs suffisamment de temps pour préparer un très bon document... Nous avons la saison des relevés, ce qui veut dire que nos scientifiques sont très occupés pendant les mois d'été. Les gens vont à la pêche pendant l'été et nous pensons que septembre serait un moment plus opportun.
    Merci.
    Monsieur Kamp.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier, messieurs, d'être venus nous rencontrer afin de nous permettre de mieux comprendre ce dossier.
    Des témoins que nous avons déjà entendus ne sont pas d'accord avec vous en ce qui a trait à la taille de la biomasse. C'est simplement parce qu'ils n'ont pas confiance dans les méthodes qui ont été employées pour en arriver à l'évaluation par le ministère de la taille de la biomasse. Dans leurs témoignages ils ont parlé de choses comme la méthode employée et ils ont dit qu'un nouveau bateau avait été utilisé pour la pêche d'essais dans le nord du golfe alors que dans le sud du golfe on se sert toujours des technologies qui remontent aux années 1970.
    Je ne veux pas trop consacré de temps à la question, mais je me demande ce que vous pouvez nous dire sur la méthode employée, ce que vous avez fait pour en venir à cette évaluation de la biomasse.
    Nous avons utilisé trois bateaux scientifiques, le Needler, le Templeman, et le Teleost. Peu importe le bateau utilisé, il nous faut calibrer les outils de pêche afin de pouvoir les comparer. Nous avons utilisé le Needler dans le sud du golfe; nous utilisons aujourd'hui le Teleost. Il y a évidemment eu une période de calibration.
    Nous devrions avoir un nouveau bateau dans environ deux ans. À ce moment-là, afin d'assurer que nous disposerons bien d'une série chronologique, nous devrons calibrer tous les outils utilisés. Même si nous changions de méthodes de pêche ou d'engins, nous devrions assurer la calibration des vieux engins aux nouveaux engins, parce qu'il faut absolument s'assurer de ne pas gérer du bruit mais plutôt un véritable effort de pêche.
    Dites-vous donc qu'en dépit de ces préoccupations vous êtes convaincus que les conclusions que vous avez tirées sont exactes soit que la biomasse s'élève à 36 000 tonnes?
    Les relevés scientifiques effectués dans le sud du golfe sont fondés sur des modèles réputés être les meilleurs au Canada; j'ai donc clairement peine à croire que nous ne donnons pas de données fiables. D'autres facteurs pourraient cependant rentrer en ligne de compte, et c'est pourquoi nous utilisons dorénavant une approche écosystémique dans le cadre de nos relevés scientifiques.
    C'est une des questions que nous aborderons avec M. Cotton et d'autres pêcheurs lors de la réunion de l'automne. S'il est nécessaire de procéder à d'autres études scientifiques pour peaufiner les programmes scientifiques, nous devrons simplement le faire.
    Très bien.
    Les témoins qui vous ont précédés nous ont fourni certaines preuves empiriques. Tout particulièrement, on a entendu les propos de M. Cyril Burns. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de lire ce rapport. Je crois qu'il a participé conformément à un contrat à une pêche d'essais. C'est plutôt inquiétant si vous lisez simplement le texte. On semble y indiquer que le MPO cherche à faire ses relevés scientifiques à des endroits où on ne trouvent pas de poissons dans le but de justifier la position qu'il a adoptée. Le MPO n'aimerait pas dire que l'on puisse pêcher quelque chose.
    Qu'en pensez-vous?
    Si j'ai bien saisi, et je n'ai pas participé aux discussions avec M. Burns, il avait signé un contrat pour pêcher dans le cadre d'un autre programme de recherche parrainé par le MPO. Ça ne faisait pas partie du programme général des relevés scientifiques. D'après ce que j'ai vu, il aurait pêcher beaucoup de poissons. Je ne peux pas faire de commentaires quant à savoir si on lui avait dit qu'il n'obtiendrait plus jamais de contrat simplement parce qu'il avait pêché.
    Je ne pense pas que nos scientifiques cherchent délibérément à trouver des gens qui ne veulent pas pêcher de poissons, tout particulièrement lorsqu'ils sont conscients du fait que ces relevés sont à l'avantage de l'industrie.
(1030)
    Ce genre de choses se produisait avant l'arrêt Larocque, si je me souviens bien, et cette personne qui procédait à cette pêche d'essais pouvait se servir du poisson qu'elle pêchait.
    Vous savez dans le secteur de la gestion des pêches on dit souvent que d'aller à la pêche c'est un peu comme mettre votre tasse dans un baril d'eau; vous pouvez toujours remplir la tasse, sans cesse, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien dans le baril. C'est un peu ce qui s'est passé dans le cas de la pêche à la morue. En ce qui a trait du stock de morues du Nord, lorsqu'il y avait de plus en plus de pêche au large des côtes, jusqu'au dernier trait de chalut, les stocks ont été épuisés jusqu'à ce qu'il a fallu imposer un moratoire.
    Les gens peuvent toujours aller trouver du poisson. Ce sont des pêcheurs professionnels. Ils savent comment exploiter les concentrations de poissons. Ce n'est pas difficile de le faire, mais cela ne veut pas dire que l'océan est plein de poissons.
    Je crois qu'il s'agit d'une chose que nous devons mieux connaître. Nous utilisons des séries chronologiques afin de pouvoir déceler des tendances. Nous avons en fait décelé une tendance dans le sud du golfe, une tendance plutôt inquiétante. En fait les stocks sont en déclin, et sont à un niveau qui est de loin inférieur au niveau le plus bas enregistré auparavant. Il faut tenir compte de ces facteurs.
    Monsieur Bevan, je crois que vous avez dit dans vos commentaires tout à l'heure que même si certains pêcheurs ne sont pas du même avis que le ministère, un bon nombre, peut-être même la majorité des pêcheurs du sud du golfe, sont d'accord avec la position adoptée par le ministère soit que les stocks sont à la baisse et sont dans une position précaire.
    Je crois qu'à l'occasion vous procédez à des consultations téléphoniques. Pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivés à cette conclusion?
    Nous y sommes arrivés après avoir eu recours au processus consultatif et entendu les réactions des organisations et des groupes qui représentent les pêcheurs.
    L'année dernière on s'était demandé pourquoi on avait autorisé la pêche de 2 000 tonnes. J'aimerais rappelé au comité que même avec un TPA de 2 000 tonnes, près de seulement 75 p. 100 de cette allocation ont été pêchés. Ce qui indique aussi qu'il y a de graves problèmes.
    Il y a donc eu pêche l'année dernière et pendant cette période nous avons constaté que le poisson était plus rare et les pêcheurs se demandaient pourquoi le ministère allait continuer à autoriser la pêche ciblée d'une espèce dont les stocks semblaient diminuer. Évidemment tout le monde n'est pas du même avis. Évidemment certains ont vraiment besoin de ces poissons, et c'est pourquoi ils veulent que l'on poursuive la pêche.
    Très bien.
    D'après les chiffres du ministère, la biomasse du stock reproducteur représente 36 000 tonnes en 2008. Si, comme le veulent les pêcheurs, vous décidiez d'autoriser un TPA de 4 000 tonnes pendant les trois prochaines années, quel en serait impact, d'après vous, sur la biomasse? Savez-vous quel impact cela aurait sur la biomasse du stock reproducteur?
    Je désire signaler que d'après le processus d'évaluation régional, le PER, les scientifiques pensent que la biomasse du stock reproducteur diminuera, quelle que soit notre décision. En fait le stock reproducteur disparaîtra si la tendance se maintient au cours des prochaines décennies. Si nous pêchons, nous accélérerons cette disparition. Si nous pêchons 2 000 tonnes, ce stock aura disparu d'ici 20 ans; si nous pêchons 4 000 tonnes, le stock disparaîtra plus tôt.
    Il nous faut du temps pour évaluer ce que nous pouvons faire à l'égard des phoques gris et des autres facteurs qui entraînent ce taux élevé de mortalité. Je crois que si l'on accepte d'accorder une allocation de 12 000 tonnes pour les trois prochaines années, il y aurait de graves répercussions.
    Je n'ai pas de chiffre plus précis, mais Espèces en péril recommande que même sans pêche, l'espèce aura disparu d'ici 40 ans. Si l'on en pêche 2 000 tonnes, ce serait d'ici 20 ans. Donc à 4 000 tonnes, cela se fera encore plus rapidement.
    J'aimerais ensuite discuter de la notion d'approche préventive qu'a présentée M. Couillard.
    Dans un environnement où le stock est très instable et à un niveau très bas, je pense qu'il nous incombe de prendre notre temps pour en arriver à des décisions qui ne mettront pas le stock en péril. Si l'on attend et que l'on procède à une bonne évaluation, puis que l'on étudie le stock une deuxième fois avec les pêcheurs et que l'on découvre qu'il y a beaucoup de poissons, les poissons seront là l'année prochaine et ce sera une bonne nouvelle pour tous. Si par contre la situation est aussi mauvaise que nous l'affirmons, nous n'aurons pas empirer les choses, et c'est là l'objectif de l'approche préventive. Comme les pêches vont bien, personne ne met en doute les études scientifiques. Les études sont là; les stocks augmentent; le TAC augmente et tout le monde est content. Dans ce cas-ci, la tendance est à la baisse.
    Personne ne conteste la morue du nord cette année quand nous avions un TAC et tout le monde est heureux, la tendance est à la hausse, et nous allons continuer à travailler ensemble et faire de bonnes évaluations. C'est là qu'entre en jeu une approche préventive: Si cela comporte des risques, prenons un peu plus de temps pour faire un bon travail avant de procéder à des activités risquées. Cela fait partie de ce que l'on appelle le développement durable, c'est-à-dire assurer la durabilité d'une pêche à l'interne avec une bonne condition environnementale.
(1035)
    Dans ce cas-ci, les données semblent indiquer une tendance vers la disparition, que l'on pêche ou non. Ce n'est qu'une question de temps, compte tenu des conditions actuelles. L'approche que vous proposez est-elle de pêcher le moins possible en espérant que les conditions changeront? Autrement dit, peut-être qu'avec un taux de mortalité naturelle non reliée aux pêches, les conditions changeront et peut-être y aurait-il un rétablissement possible à l'avenir.
    C'est la situation que l'on a observée dans le nord du golfe, c'est pourquoi nous devons être prudents. Il y a deux ans, la tendance dans le nord du golf était à la baisse. Cette année, elle augmente légèrement. Je crois que nous faisons face à une situation semblable dans le sud.
    Nous avons observé une autre tendance. Les gens affirment qu'il y a un rétablissement de la morue, la morue du Nord au large de Terre-Neuve, et nous allons étudier cela.
    Il est donc important de faire preuve de prudence dans la façon de procéder à l'avenir.
    Il y a des fluctuations de productivité dans l'écosystème. Dans le passé, nous n'avons pas tenu compte de cela et nous avons créé d'horribles problèmes lorsque nous avons continué de pêcher à un certain niveau en tenant pour acquis que l'état du stock était stable. Cette erreur nous a coûté très cher. Je crois que nous avons besoin de deux choses dans le sud du golf. Nous devons nous assurer que nous ne faisons pas quelque chose d'irréversible. Nous avons aussi besoin d'un peu de temps pour étudier les causes de la faible productivité et du taux de mortalité élevé. Si les phoques s'avèrent en être la cause, il faudra trouver une façon de régler le problème.
    Bonne chance pour vous attaquer au problème des phoques.
    Avant de passer à la deuxième série de questions, pourriez-vous m'indiquer pour ma gouverne combien y a-t-il de stocks de morue du golfe?
    Il y a le nord du golf, le sud du golf, et la zone 3P, qui est un peu un mélange au sud de Terre-Neuve. Une petite partie du secteur nord du golf entre dans les 3P et un peu de morue du nord qui y pénètre. Cela fait donc au moins trois stocks dans la zone du golfe.
    Oui, j'ai déjà entendu des gens du nord du golfe dire que eux et les 3P, c'était la même chose. Donc j'étais curieux de savoir combien il y en avait vraiment.
    J'aimerais savoir autre chose avant de laisser la parole à mes collègues. Les témoins qui vous précédaient veulent normaliser les critères et les méthodes dans les secteurs sud et nord. Pouvez-vous m'expliquer quelle est la différence dans les méthodes d'évaluation, etc.? Quelle est la différence...
    Les approches sont assez semblables, mais des fois on ne fait pas le travail de la même façon en raison des conditions environnementales. Les méthodes sont assez semblables pour ces deux stocks. Nous n'utilisons pas les mêmes années, mais les niveaux ont été calibrés. Nos approches sont assez uniformes. Le modèle comprend les mêmes types de facteurs: mortalité, taille du poisson, maturation, classe d'âge, et ainsi de suite.
    Nous espérons qu'au mois de septembre les pêcheurs nous expliquent clairement ce qu'ils souhaitent que nous changions dans notre approche.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Simms, deuxième série de questions.
    Pouvez-vous nous donner une mise à jour sur les rapports d'évaluation des stocks les plus récents pour la zone du golfe et pour la morue du nord? Ont-ils été rendus publics?
    Oui. J'ai des exemplaires des rapports pour la morue des secteurs nord et du sud du golfe. Ils sont aussi sur le site Web du Secrétariat canadien de consultation scientifique.
    Cherchez-vous une donnée relative à la biomasse du stock reproducteur? Pour 2008, la biomasse du stock reproducteur est au niveau de 36 000 tonnes pour le sud du golf, en baisse par rapport aux 43 000 tonnes de l'année dernière. L'an dernier, le ministre a approuvé 2 000 tonnes, et nous attendons sa décision pour cette année.
    Pour le stock du nord, en 2007 le niveau était de 29 000 tonnes contre 26 000 cette année. L'an dernier, le ministre a approuvé 7 000 tonnes pour la pêche, et a de nouveau permis 7 000 tonnes cette année.
    La biomasse du stock reproducteur est légèrement inférieure car nous avons vu une reprise naturelle et une réduction de la mortalité.
(1040)
    C'était ma prochaine question: quelle a été l'annonce pour une pêche dirigée pour la morue du nord? Vous dites que c'est la même que l'année dernière.
    Oui, 7 000 tonnes.
    Ce que je trouve étrange, c'est que vous avez récemment réduit la pêche au sébaste dans la zone 3N et la zone 3NO. La raison que vous avez donnée était la prise accessoire de morue. C'est intéressant.
    Pourriez-vous nous expliquer votre raisonnement? On ne parle sûrement pas des stocks côtiers. Les évaluations pour la morue du nord des trois ou quatre dernières années ont indiqué que les stocks côtiers sont à un niveau relativement sain, mais à des niveaux dangereux en haute mer.
    Le stock de la zone 3NO connaît de sérieuses difficultés. Il est incapable de supporter une prise accessoire. Nous avons déployé des efforts incroyables sur la scène internationale et au pays pour réduire cette prise accessoire. Nos efforts ont porté fruit, mais le stock ne peut pas supporter une pêche dirigée. Il ne peut supporter que la prise accessoire, et nous devons la conserver au niveau le plus bas possible.
    Je laisserai la parole à mon collègue Gerry.
    Monsieur Byrne.
    Monsieur Paradis, il me semble que vous avez exprimé quelque chose qui fait que la situation s'échauffe parfois chez les pêcheurs. Vous avez tous les deux indiqué que le MPO s'est trompé plus d'une fois, mais que le principe de précaution devrait être maintenu intégralement, puisqu'il vaut mieux se tromper et qu'il y ait plus de poisson que de se tromper et qu'il n'y ait pas de poisson.
    L'imposition d'un moratoire dans la partie sud du golfe ferait sans doute perdre quelques 10 millions de dollars à l'économie. Pourtant, il semble que vous ne voyiez pas d'inconvénient à ce que vous vous trompiez, au contraire, puisqu'il y aurait ainsi plus de poissons que vous n'aviez prévu et la pêche sera meilleure dans les années à venir. Il n'en reste pas moins qu'il y aurait pour 10 millions de dollars de revenu perdu, d'activités économiques perdues.
    Quand le MPO va-t-il, en préconisant le principe de précaution, dire qu'il va lui aussi s'imposer une discipline qui l'obligerait à faire un examen scientifique rigoureux pour s'assurer de ne pas se tromper? À l'heure actuelle, vous ne faites que hausser les épaules et dire: « Si nous avons raison, nous avons raison. Et si nous nous trompons, nous nous trompons. Mais nous privilégierons toujours la prudence. » Quand la science va-t-elle être davantage prise en compte?
    La question est intéressante étant donné que nous parlons ici de ne pas prendre en compte la science.
    Sauf le respect que je vous dois, je viens de présenter des cas où la science n'avait pas été prise en compte, où des données scientifiques vous avaient été soumises, à vous et au ministre, pour montrer que l'analyse scientifique qui avait été faite était incomplète. Ainsi, l'absence de rigueur dans les activités scientifiques de l'Alfred Needley dans le nord avait conduit à la fermeture de la pêche. Cette fermeture n'était pas fondée.
    Donc, avec tout le respect que je vous dois, ne venez pas ici nous dire qu'il y a des contradictions dans les témoignages. La communauté scientifique ne fait pas son travail. Elle ne le fait pas depuis très longtemps, et elle continue à ne pas le faire. Vous restez là à hausser les épaules et à dire que le coût devrait être assumé par les pêcheurs. Allez-vous cesser enfin?
    Absolument pas. Absolument pas.
    Je crois que la communauté scientifique fait son travail et nous donne les meilleures informations possible dans les circonstances, dans les limites avec lesquelles elle doit travailler. Vous ne pouvez pas vous attendre... Il n'y a personne dans le secteur de la gestion des pêches, où que ce soit dans le monde, qui ait des conseils ou des informations parfaites. Cela n'existe tout simplement pas.
    Nous devons prendre des décisions en tenant compte de l'incertitude de la situation et nous devons gérer les risques. Dans le secteur nord, les risques sont maintenant moins élevés qu'ils ne l'étaient auparavant, si bien que nous pouvons autoriser la pêche.
    Je ne suis pas sûr, avec le recul, que les décisions prises par le passé étaient bonnes ou mauvaises. Je ne peux pas tirer de conclusions comme celle-là. Je crois que ceux qui prennent ces décisions le font en se fondant sur leur propre expérience. Mais nous sommes bien en-deçà du potentiel pour les deux stocks. Nous avons une pêche dans la partie nord qui n'est que l'ombre de ce qu'elle était auparavant. Nous avons décidé, collectivement — c'est-à-dire les pêcheurs et les gestionnaires, etc. —, de plafonner la pêche, de profiter du potentiel de croissance qui existe maintenant, de ne pas opter pour une approche risquée et de permettre aux stocks de se multiplier pour que nous ayons un revenu plus élevé à l'avenir. C'est ce que nous avons décidé, et la décision était conjointe. Les pêcheurs ont décidé que c'est ce qu'ils voulaient faire.
    Dans la partie sud, le risque est extrêmement élevé. Si nous prenons de mauvaises décisions dans le sud, il ne sera plus possible de ramener les stocks à ce qu'ils étaient. La situation sera pareille à celle de la zone 4VW, où il n'y a aucune croissance possible et où il n'y aura vraisemblablement pas de pêche à l'avenir parce que les stocks continuent à baisser. La question à laquelle nous devons répondre est donc de savoir dans quelle voie nous voulons nous engager.
    Il est facile de dire qu'il suffirait de dépenser quelques millions de dollars de plus pour trouver plus de poissons. Cette approche n'est pas réaliste. Nous pourrons dépenser tout l'argent que nous voudrons, et l'incertitude persistera. Nous devons tous prendre des décisions dans un contexte incertain et nous devons les prendre en fonction des risques auxquels nous faisons face.
    Pour certaines pêches, il n'est pas toujours nécessaire de suivre les conseils à la lettre, parce que les risques sont peu élevés et que les conséquences, si nous nous trompons, seront minimes. Pour d'autres pêches — et je dirais que c'est le cas de la pêche dans le sud du golfe —, si nous commettons une erreur, non seulement nous perdrons quelques millions de dollars aujourd'hui mais nous éliminerons à tout jamais la possibilité de ramener les stocks à ce qu'ils étaient quand ils sous-tendaient une pêche valant plusieurs millions de dollars. Cette façon d'agir ne serait tout simplement pas responsable. Nous devons tenir compte de considérations comme celles-là quand nous prenons nos décisions.
(1045)
    Merci beaucoup, monsieur Bevan. Si intéressant que soit cet échange entre vous deux, je dois donner la parole à M. Blais.

[Français]

    Merci. Je partagerai mon temps avec M. Asselin.
    La demande de quota de 4 000 tonnes réparties sur trois ans, faite par le ou les groupes de M. Cotton, et le moratoire sont deux solutions complètement différentes.
    N'y a-t-il pas une zone de compromis entre les deux?
    Excusez-moi, mais s'agit-il de 4 000 tonnes sur trois ans ou de 4 000 tonnes par année?
    Il s'agit de 4 000 tonnes par année.
    On parle donc de 12 000 tonnes sur trois ans. L'avis scientifique est là, et les gens de l'industrie ont présenté leurs doléances au ministre. Le ministre doit prendre cela en considération.
    Selon l'approche actuelle, nous présentons une information biologique sur l'état de la ressource, et le ministre doit aussi évaluer les répercussions socioéconomiques de la décision. Comme le disait M. Byrne, dans le passé, des décisions ont été prises qui n'étaient pas directement liées à l'avis scientifique et qui se sont montrées heureuses puisque la situation s'est améliorée. C'est au ministre de prendre cette décision.
    Monsieur Bevan, qu'en pensez-vous?
    Je crois que c'est difficile parce qu'il n'y a pas de pêche de 4 000 tonnes, évidemment, et la valeur des pêches est maintenant d'environ deux millions de dollars par année. S'il y a un moratoire, il y aura donc une diminution d'environ un million et demi de dollars. Si on pêche 2 000 tonnes, il y aura un gain total pour les pêcheurs de deux millions de dollars, mais il est difficile d'obtenir des données. Nous n'avons pas fait d'étude pour comparer les...
    Mais entre 4 000 tonnes et zéro, n'y a-t-il pas de compromis possible, quitte à le réévaluer l'an prochain?
    On peut dire que si on décide de maintenir le niveau de prises à 2 000 tonnes, les pêcheurs gagneront environ un million et demi de dollars de plus que s'il y a un moratoire. Le moratoire n'en est pas vraiment un. Il y aura des prises même s'il n'y a pas de pêches consacrées la morue. Il y aura des prises accidentelles, et les pêcheurs gagneront un peu d'argent.
    Monsieur le président, je me pose une question au sujet des phoques. Les témoins précédents ont dit que le nombre de pêcheurs avait diminué dans le sud du golfe et que le nombre de phoques avait augmenté de 7 000. On parle d'environ 70 000 phoques.
    S'il y a une si large concentration de phoques, ne devrait-on pas se baser sur le meilleur indicateur logique, qui est l'effet de la nature? Si le nombre de phoques a augmenté de façon considérable en 30 ans, soit de 7 000 à 70 000, c'est que cette espèce a de quoi se nourrir.
    Il est certain que l'oiseau dans les airs n'a pas de ligne imaginaire; il peut circuler du nord au sud et du sud au nord. C'est un peu la même chose pour le poisson dans l'eau. Sauf que si on alimente l'espèce... À mon chalet, les oiseaux circulent. Comment ai-je fait pour qu'ils s'arrêtent chez moi? J'ai installé des mangeoires. C'est sûr qu'on tiendra compte de la régénération, mais s'il y a une concentration du principal prédateur qui détruit l'espèce... Il arrive même que des pêcheurs prennent des morues sans queue. Ce n'est pas parce qu'elles avaient le cancer; leur queue avait été bouffée. Il faudrait régler le problème à la source, et ne pas le faire au détriment des pêcheurs.
    Comment pourrait-on régler ce problème à la source? Vous avez parlé plus tôt d'une étude consistant à ouvrir l'estomac des phoques et à y installer une caméra pour voir comment ils s'alimentent. Les pêcheurs ont de la difficulté à trouver de la morue en août, et c'est la même chose pour le phoque. Si vous faites cette étude en septembre, le phoque ne sera probablement plus là. Comment cette étude se fera-t-elle? Dans la période où il y a du phoque, c'est probablement parce qu'il a de quoi s'alimenter. S'il ne pouvait pas se nourrir, il ne serait pas là.
(1050)

[Traduction]

    Puis-je vous demander de répondre aussi brièvement que possible?

[Français]

    Nous sommes en train d'étudier la façon de régler le problème des phoques. Évidemment, il faut trouver une façon de réduire leur population. La chasse au phoque gris n'est pas suffisante. Même avec une prise totale de 10 000 phoques, ils n'en ont pas pris 2 000. Nous devons donc chercher une autre façon de régler le problème.
    Nous sommes d'accord avec les pêcheurs et les scientifiques. Il faut régler le problème, mais on doit avoir assez de temps pour le faire. Les solutions ne sont pas simples. Il doit y avoir assez de poissons dans l'eau pour rétablir la population.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Stoffer.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bevan, lequel des deux groupes, ceux qui utilisent des engins fixes ou ceux qui utilisent des engins mobiles, pêche la plus grande quantité de morue?
    À l'heure actuelle, nous avons une stratégie de réintégration. Les utilisateurs d'engins fixes sont actifs à l'heure actuelle, tandis que les utilisateurs d'engins mobiles ne le sont pas.
    Lequel des deux groupes pêche le plus de poisson?
    Ce sont les utilisateurs d'engins fixes à l'heure actuelle. Les utilisateurs d'engins mobiles ont droit à un quota, mais les règles empêchent leur réintégration tant que les stocks de poisson n'auront pas atteint un certain niveau.
    En ce qui concerne les poissons qui ont été capturés l'an dernier, vous avez indiqué que le TPA avait été fixé à 2 000 tonnes, mais qu'il n'avait pas été atteint. Les pêcheurs sont-ils soumis à une surveillance étroite quand ils amènent leurs prises au quai?
    Il y a des surveillants sur tous les quais.
    Ceux qui pêchent la crevette ou d'autres espèces sont soumis à une surveillance de leurs prises accessoires; existe-t-il des mécanismes de contrôle et une surveillance stricte semblable pour les pêcheurs de morue?
    Oui.
    La pêche à la crevette est une pêche assez propre de nos jours, grâce à la grille Nordmore, qui rejette les poissons de fond et ne sélectionne que les crevettes. Il y a toujours quelques problèmes du côté des juvéniles, mais des efforts sont déployés pour éviter que ces pêches ne causent trop de mortalité parmi les poissons de fond.
    Je dirais, monsieur, que, étant donné vos années d'expérience, vous savez que la divergence d'opinion entre pêcheurs et scientifiques n'a rien de nouveau. Je pense que c'est une divergence d'opinion qui existe dans toutes les régions du pays depuis longtemps.
    Je reviens à ce que je disais tout à l'heure à M. Paradis. Ces pêcheurs ont très peur des conséquences futures pour leurs familles et leurs collectivités. Je sais que vous n'êtes pas en mesure de le dire et qu'aucun de nous ne peut dire qu'advenant le pire, advenant la fermeture de la pêche pour protéger les stocks, les pêcheurs demanderaient une forme d'indemnisation. Je sais qu'aucun de nous ici présent ne peut dire cela. Ce serait au gouvernement de prendre cette décision, le cas échéant.
    Ce que demandent depuis toujours les pêcheurs, et nous avons été à même de le constater aujourd'hui — et je vais le répéter pour que ce soit consigné au compte rendu —, c'est d'être des partenaires à part entière, de pouvoir collaborer avec vous. Je vous encourage à faire tout votre possible pour encourager ce genre de dialogue et de collaboration. Si le témoignage que vous nous avez présenté aujourd'hui est exact — et je ne le mets pas en doute — et qu'ils sont persuadés du bien-fondé de ce que vous dites, ils accepteront peut-être que le MPO fait ce qui doit être fait dans l'intérêt de tous. Peut-être que vous devez être fermes pour leur bien, mais s'ils ont des doutes ils seront alors déçus, avec tout ce que cela suppose.
    Je vous encouragerais donc à avoir un dialogue bien plus ouvert et à continuer à collaborer avec les pêcheurs sur cette question.
(1055)
    Je peux certainement garantir que nous voulons travailler en collaboration beaucoup plus étroite et que nous continuons de le faire.
    J'insiste sur un point: depuis le moratoire, on trouve constamment de nouvelles manières de travailler en étroite collaboration. Les pêches indicatrices nous fournissent des renseignements. Avec l'affaire Larocque, la plupart des projets sont maintenant proposés par des gens du secteur conjointement avec le MPO. Tous les efforts sont déployés pour opérer le rapprochement. Je pense que la réunion de l'automne devrait être le moment idéal pour décider de ce que nous voulons faire ensemble.
    Je voudrais ajouter brièvement une observation.
    Ce sont des décisions qui ont des répercussions économiques et sociales. Dans le passé. nous avons donné aux ministres des conseils fondés sur les données scientifiques. Aujourd'hui, quand nous devons prendre de telles décisions difficiles, nous veillons à ce que le ministre soit renseigné sur les répercussions et leur répartition et qu'il sache notamment qui sera le plus durement touché. Nous ne demanderions pas à un ministre de prendre une telle décision sans qu'il soit bien informé.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, mesdames et messieurs, d'être venus.
    J'ai une seule question, mais elle comporte trois parties.
    Selon le document d'information, les pêcheurs de fond professionnels n'arrivent pas à comprendre pourquoi les scientifiques sont tellement catégoriques, en dépit des contestations répétées des pêcheurs. Ces derniers fondent leurs contestations sur le manque de crédibilité des méthodes d'évaluation utilisées par le MPO en dépit de diverses observations et analyses.
    Quand vous ajoutez à cela que votre avis est fondé sur des renseignements obtenus au moyen de statistiques des prises, d'entretiens téléphoniques avec des pêcheurs et des pêches indicatrices, ce que je voudrais savoir, c'est quel poids on accorde aux pêcheurs pour l'établissement de votre évaluation? Quelle est l'étendue des consultations téléphoniques et quel type de données compilez-vous exactement? Troisièmement, existe-t-il d'autres données même provenant des pêcheurs, qui donneraient une estimation différente de la biomasse et contrediraient les chiffres du MPO?
    Clairement, tous les renseignements sont déposés et certains viennent directement des pêcheurs par l'entremise des carnets de bord, des prises, des prises accessoires, etc. Tous ces renseignements sont du domaine public.
    Je vous invite à participer à l'une des réunions donnant lieu à l'évaluation par des pairs; elles sont très longues et durent parfois une semaine entière, et les gens présentent leurs données et d'autres les contestent. Nous invitons des experts internationaux à prendre connaissance de l'information.
    L'enquête téléphonique est faite conjointement avec le secteur. J'ignore la portée des questions, mais cela se fait maintenant depuis de longues années. La méthodologie est très sophistiquée.
    Je m'inquiète un peu de la question portant sur la crédibilité de nos scientifiques, qui ne sont pas présents; je m'inquiète de voir que les gens ne font pas confiance à nos scientifiques. Nous avons un effectif scientifique très solide. Nos scientifiques mènent leurs travaux à l'échelle nationale, leurs constatations sont scrutées à la loupe sur la scène internationale et toute l'information fait l'objet d'examens par les pairs. C'est facile de prétendre que ce qu'ils font est mauvais, mais la question est plutôt de savoir comment nous pouvons améliorer ce qui se fait, si jamais il y a quelque chose qui cloche, et comment nous pouvons y remédier, le cas échéant. Nous n'avons vu aujourd'hui aucune preuve que ce que font nos scientifiques est mauvais.
    Avez-vous terminé?
    J'ai une dernière question. Personne n'a commenté les autres données sur la biomasse. Vous avez vos estimations, mais existe-t-il d'autres estimations contredisant les chiffres des pêcheurs?
    Oui. Le Programme de pêches de contrôle, qui est effectué par des gens du secteur, donne aussi un indice de la biomasse.
    Et il n'y a pas de chiffres. Vous avez 36 000 tonnes. Y a-t-il d'autres...
    Ces 36 000 tonnes sont le total. C'est quand on tient compte de l'ensemble de l'information.
    Si vous prenez le rapport d'examen par les pairs du SCCS, vous aurez tous les renseignements sur les pêches de contrôle, les engins fixes, les engins mobiles, les filières, etc. Cela vous donne l'ensemble des indices utilisés.
    D'accord.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Allen.
    Je tiens à remercier M. Bevan et M. Paradis. Nous avons grandement apprécié votre exposé et vos réponses.
    Je tiens aussi à remercier les membres du comité pour leur aide.
    La séance est levée.