Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bonjour à tous. Je déclare ouverte cette 15e réunion du Comité législatif chargé du projet de loi C-32
Étant donné les votes qui auront lieu aujourd'hui, nous devons modifier légèrement notre programme. Pour ce qui est du premier groupe de témoins, ils ont compris qu'ils auront en tout 15 minutes. Leurs exposés seront suivis d'un premier tour de sept minutes. Pour la deuxième série de témoins, ce sera cinq minutes pour chacun des groupes, suivi d'un tour de sept minutes.
Nous ferons de notre mieux pour lever la séance à 13 heures. Cela dit, je crois comprendre que la salle est disponible. Avec le consentement unanime des membres, nous pourrions décider de rester quelques minutes de plus.
Monsieur le président, pourquoi ne pas simplement ajouter…?
Nous avons déjà perdu 24 minutes par rapport à l'heure qui était prévue pour débuter la séance. Or, il y a, dans les deux groupes que nous avons invités à comparaître, des témoins très importants qui ont pris le temps de venir nous parler aujourd'hui.
Pour moi, il est raisonnable que le comité se propose de siéger jusqu'à 13 h 24, de façon à disposer des deux heures de séance qui étaient prévues à l'origine.
Je n'ai rien contre le fait que nous siégions jusqu'à 13 h 24, mais comme le premier et le deuxième groupe comptent beaucoup de gens — vous l'avez dit vous-même —, si, à la fin de l'exercice, ils ne sentent pas qu'ils ont pu exprimer leur point de vue, il faudrait peut-être leur offrir de revenir, afin qu'ils puissent présenter leur position en détail.
Malheureusement, monsieur le président, je ne peux pas rester après 13 heures, car j'ai une autre rencontre à cette heure.
D'autre part, étant donné qu'il y a beaucoup de témoins et qu'ils sont extrêmement importants, tant au cours de la première heure que de la deuxième, j'aimerais que ces gens puissent éventuellement revenir s'ils le jugent nécessaire, ou si on le juge nécessaire.
Il est évident qu'il n'y aura ni vote ni motion à examiner. Donc, si vous devez partir à 13 heures, vous n'avez qu'à le faire.
En ce qui concerne l'idée de faire constamment revenir des gens, je commence à me demander si nous allons un jour avoir la possibilité d'étudier vraiment le projet de loi? J'aimerais qu'on termine les audiences avec les témoins qui étaient prévus pour qu'on puisse un jour en arriver à étudier le projet de loi proprement dit. Je crois également que c'est ce que souhaitent les témoins.
Proposer qu'on continue à faire revenir les témoins, simplement parce que tout le monde a un emploi du temps très chargé et qu'il leur est impossible de faire autrement — je dois dire, monsieur le président, que je commence à trouver ça tout à fait excessif. Siégeons donc jusqu'à 13 h 25. Je vous invite à mettre la motion aux voix.
[Note de la réduction: Inaudible] … fasse partie du compte rendu.
Je comprends la frustration de mon collègue. Je suis tout à fait disposé à rencontrer les autres membres pour en discuter. Le problème, c'est que je me suis engagé à assister à une autre réunion, et par la suite il y a la période des question. Si les collègues désirent organiser une rencontre n'importe quand pour parler de ce qu'on peut faire pour rehausser l'efficacité du travail en comité, eh bien, j'ai toujours dit que je suis parfaitement disposé à assister à une telle rencontre.
Mais je ne peux pas rester plus longtemps aujourd'hui. Nous ne nous attendions pas à cela. Je suis désolé.
Monsieur le président, je voudrais simplement faire une observation en réponse aux propos de M. Del Mastro, qui dit que nous n'en finissons plus.
Je tiens à dire, pour les fins du compte rendu, que nous, au Parti libéral, nous avons déjà parlé à M. Moore, qui est le ministre du Patrimoine, bien entendu, pour lui faire savoir que nous sommes prêts à discuter de la possibilité d'accélérer le travail du comité, à condition que le Parti conservateur enlève la publicité qui passe à l'heure actuelle où il est question d'une taxe sur les iPod.
Si le Parti conservateur est prêt à supprimer cette publicité, qui fait partie de celles qui passent à l'heure actuelle, pour nous prouver leur sérieux, nous serons tout à fait disposés à discuter des mesures à prendre pour accélérer la démarche du comité.
Je voudrais simplement faire remarquer à M. Garneau que nous avons deux nouvelles publicités qui passent maintenant. Il pourra les voir sur le site conservative.ca; les deux sont excellentes.
Je comptais faire quelques brèves remarques générales en guise d'introduction, monsieur le président, mais en vue d'accélérer les choses, je ne le ferai pas, étant donné qu'il y a des gens parmi nous dont les témoignages sont plus importants. Commençons donc par entendre tout de suite l'exposé de Maïa.
Vous avez déjà nos profils biographiques, et on peut donc laisser tomber cette information-là. Ils sont disponibles en français et en anglais et, si je ne m'abuse, on vous les a déjà distribués.
Bonjour. Je me présente devant vous en tant qu'auteure-compositrice et artiste exécutante.
Je m'appuie sur mon expérience personnelle quand je vous dis que l'industrie de la musique, telle qu'elle existait il y a une quinzaine d'années, n'est plus. Internet a évidemment complètement changé la donne. Cette invention nous a également apporté énormément de choses, mais les entreprises et le gouvernement ne semblent pas avoir réussi à suivre le rythme de la révolution électronique. L'industrie de la musique s'effondre sous le poids des téléchargements illégaux. Ceux qui chantent les louanges de sites comme BitTorrent et d'autres du même genre ne sont pas au courant des réactions des personnes qui sont vraiment au courant de la situation. Ce sont des gens comme moi, qui sont directement et préjudiciablement touchés par la rapidité avec laquelle les choses ont évolué.
Pour ma part, je suis auteure-compositrice et musicienne et j'ai sué sang et eau pour ce travail qui constitue ma vie et auquel j'ai consacré toute mon énergie et toute ma passion. Le premier disque de notre groupe a été mis en vente par un grand label au Canada au cours de l'année dernière. Quand Shania Twain a mis en vente son premier album, par exemple, elle en a vendu 50 000 exemplaires, qui représente un chiffre de vente moyen mais modeste pour une nouvelle artiste qui fait l'objet d'un bon appui en matière de marketing, de publicité et de distribution dans un marché solide. C'était ainsi à ce moment-là. Mon groupe bénéficie du même genre de soutien. Nous sommes en pleine tournée, et nous présentons des spectacles à guichets fermés dans des salles qui peuvent accueillir 400 personnes; malgré tout, nous avons vendu jusqu'à présent moins de 5 000 exemplaires de notre CD.
Deux semaines après sa mise en vente, notre album était disponible sur tous les sites de BitTorrent et de téléchargement, et a donc été volé d'innombrables fois. Jusqu'ici, nos droits de reproduction mécanique découlant des ventes de disques se sont chiffrés à 4 000 $ seulement, cette somme étant répartie entre les quatre membres du groupe. Si j'ajoute les recettes de tournées relatives aux 150 spectacles que nous avons présentés cette année, et les revenus supplémentaires que j'ai touchés à titre de musicienne, cela me donne en tout un revenu annuel inférieur à 15 000 $. Malgré tout, je travaille en moyenne au moins 40 ou 50 heures par semaine.
Et je peux vous dire que ma situation n'est pas unique. La liste des grands musiciens et auteurs-compositeurs canadiens — mes amis, mes collègues — dont l'oeuvre est bien connue et chérie par leurs fans mais qui n'arrivent plus à gagner leur vie grâce à leur passion ne manquera pas de scandaliser la plupart des Canadiens. Le téléchargement illégal nous a enlevé notre principal source de revenus, et donc notre gagne-pain.
Dans une économie de marché, les consommateurs ont la possibilité de décider ou non d'acheter un produit, mais ils n'ont pas le droit de le prendre sans permission. C'est pour cela que, en ce qui me concerne, le téléchargement n'est rien de moins que du vol, et nous avons donc besoin de lois pour protéger nos droits comme travailleurs.
Nous avons un merveilleux patrimoine musical au Canada, grâce aux talents d'artistes comme Neil Young, Joni Mitchell, et Bruce Cockburn, pour ne nommer que ceux-là. Nos musiciens, nos auteurs-compositeurs et des artistes de tout genre sont à l'origine de la marque canadienne. L'oeuvre du groupe Arcade Fire, dont les membres sont Montréalais comme moi, et qui ont gagné un prix très important cette année aux Grammy Awards, fait partie intégrante de notre identité canadienne à l'étranger. Cette identité s'appuie en grande partie sur l'oeuvre de ces artistes. Ces artistes nous récompenseront tous si on leur en donne l'occasion. Mais, selon moi, il faut au moins assurer qu'ils sont traités de façon juste et équitable en vertu des lois.
Je me présente devant vous ce matin en ma qualité de président du Canadian Council of Music Industry Associations. Je crois qu'il convient de vous expliquer de quoi il s'agit.
Le Québec n'a pas d'association de l'industrie de la musique. En Ontario, il en existe une dans le nord de la province, mais non dans le sud. Il y a 10 associations de ce genre d'un bout à l'autre du pays, c'est-à-dire dans chaque province et au Yukon. Les Territoires du Nord-Ouest sont en train d'en créer une.
Une AIM est une société à but non lucratif constituée en vertu d'une loi provinciale dont le financement provient presque entièrement du gouvernement provincial respectif. C'est sa façon d'aider à financer l'industrie de la musique. En tant qu'associations à but non lucratif, notre rôle ne consiste pas à gagner de l'argent, si vous voulez, mais plutôt à fournir à nos membres des possibilités de perfectionnement professionnel.
S'agissant des membres, à n'importe quel moment, nous avons environ 5 000 membres inscrits. Mais, en réalité, le nombre est beaucoup plus élevé, car la plupart des associations autorisent un seul membre d'un groupe de musique à payer des frais d'adhésion alors que les quatre ou cinq autres membres peuvent également bénéficier de nos services.
Nous assurons donc des services de perfectionnement professionnel. Certaines associations offrent également des services juridiques qui sont assurés par des avocats bénévoles. Nous défendons surtout les intérêts de nos membres auprès des gouvernements provinciaux. Dans ce sens-là, nous sommes les représentants du musicien moyen qui décide qu'il veut faire un album pour la première fois. Nous l'aidons à lancer sa carrière jusqu'à un certain point, et par la suite, d'autres groupes prennent la relève pour assurer le développement de leur carrière de façon plus poussée.
S'agissant de la loi proprement dit, je suis venu vous dire que, contrairement à ce que d'autres ont pu vous affirmer par le passé, elle a un impact très important sur les citoyens, d'un bout à l'autre du pays, et je vais vous expliquer pourquoi. Vous pourrez vous fonder sur l'exemple du plan stratégique établi cette année pour mon organisation, à savoir Saskatchewan Music. Cette année, nous avons fixé un objectif très ambitieux dans le contexte de notre plan stratégique, soit celui de faire passer le revenu annuel moyen des artistes de la Saskatchewan de 8 000 $ à la somme correspondant au seuil de la pauvreté. Voilà notre objectif stratégique à long terme, et nous ne savons pas si nous pourrons l'atteindre. Donc, chaque décision qui est prise au sujet de ce projet de loi touche monsieur et madame tout le monde.
Nous avons des prises de position particulières relativement à certaines dispositions mais, pour gagner du temps, je vais simplement vous inviter à en prendre connaissance dans notre mémoire écrit.
Je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de vous présenter le point de vue de notre organisation.
Je tiens à dire, d'entrée de jeu, que nous avons absolument besoin de ce projet de loi. Je me présente devant vous en tant que membre de la communauté de la musique indépendante, si bien que je parle au nom d'entreprises canadiennes qui participent à l'ensemble des activités liées à la musique, aux enregistrements sonores et aux secteurs connexes. Je peux vous affirmer que nous avons subi les effets dévastateurs du piratage. C'est pour cette raison qu'il faut absolument réformer le droit d'auteur.
Malgré tout, le projet de loi C-32 compte un certain nombre de lacunes. Comme de nombreux témoins vous l'ont déjà dit, la formulation retenue ne permet pas toujours d'atteindre l'objectif escompté. Par exemple, le ministre Clement a répété à maintes reprises que le projet de loi C-32 cible les personnes qui « détruisent la richesse ». Or, le libellé actuel ne permettra pas de traîner devant les tribunaux des compagnies comme isoHunt et d'autres du même acabit.
Dans bien des cas, le libellé du projet de loi est tout simplement trop général pour permettre d'atteindre les objectifs fixés. Par exemple, les dispositions qui visent ceux qui facilitent la violation du droit d'auteur — rappelons-nous que l'élément le plus important du projet de loi est tout ce qui permet de cibler ceux et celles qui détruisent la richesse — sont formulées de telle façon que des compagnies comme isoHunt s'en tireront à bon compte. Or, j'ai du mal à croire que c'est ce que souhaite le ministre.
Vous avez un résumé d'une page qui présente nos principales recommandations, mais si vous permettez, j'aimerais attirer votre attention sur quelques-unes d'entre elles.
Il faut que le projet de loi C-32 fasse la distinction entre les bons et les méchants et qu'il offre aux bons la protection qu'il leur faut sans pour autant en offrir aux méchants. La définition des personnes ou des entreprises qui facilitent la violation de droits être resserrée pour que nous soyons en mesure de les attraper, et les pénalités doivent être suffisamment sévères pour constituer un facteur de dissuasion.
Les libéraux ont déclaré que les dommages-intérêts pré-établis dans la loi doivent correspondre à la gravité de la violation. À l'heure actuelle, les montants fixés ne constituent aucunement une désincitation à voler des oeuvres protégées.
Le « droit de mise à la disposition du public » comporte un défaut grave puisque les titulaires de droits seraient tenus de présenter une demande de tarif ou d'obtenir la permission du ministre pour exercer leurs droits. Il n'est pas possible que ce soit l'objectif de la disposition en question. Une version précédente du projet de loi visant à réformer le droit d'auteur ne contenait pas ce défaut grave; ainsi il sera facile de corriger cette anomalie.
La disposition relative au contenu généré par l'utilisateur est libellé en termes tellement généraux qu'une personne pourrait afficher la totalité du catalogue de musique de MapleMusic et se contenter d'y ajouter une introduction et une conclusion pour que ce soit considéré comme du contenu généré par l'utilisateur, par exemple: on ne trouve pas mieux que MapleMusic… c'est fabuleux, non? Ce genre de petit ajout permettrait à quelqu'un, en vertu du libellé proposé, de faire passer cela pour du contenu généré par l'utilisateur.
L'exception prévue pour la copie privée est également très générale. Bien que nous ne soyons pas contre l'idée que les consommateurs puissent faire des copies de musique achetée en toute légalité pour les mettre sur leur disque dur ou leur iPod, le ministre ne souhaitait certainement pas que le iPod devienne une source d'approvisionnement pour le quartier tout entier. Il faut que ce soit limité à la reproduction de copies légales pour l'usage du ménage concerné.
Enfin, il convient d'imposer à l'écoute en différé les mêmes restrictions qui visent l'utilisation de copies achetées en toute légalité au sein du ménage.
Le meilleur résultat que nous puissions espérer serait le rétablissement d'un marché légitime pour les oeuvres et produits créatifs. Le projet de loi C-32, à condition de faire l'objet de quelques changements mineurs pour éviter des conséquences involontaires, nous offre des mesures de réforme du droit d'auteur que le secteur de la musique indépendante au Canada juge tout à fait indispensables.
Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée ce matin de vous faire part de notre point de vue concernant le projet de loi C-32.
Je voudrais m'en tenir à quatre éléments dans mon exposé de ce matin.
Premièrement, je tiens à féliciter le gouvernement pour le projet de loi qu'il a déposé. Selon moi, à quelques exceptions près, il a su définir et atteindre l'objectif premier de tout cet exercice, soit la nécessité de protéger les créateurs de contenu et les titulaires de droits. Maintenant il s'agit d'apporter un certain nombre de changements mineurs au libellé du projet de loi pour que ce dernier corresponde bien à l'intention, en sachant qu'il sera possible de le modifier encore avec le temps, et de faire adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais. La situation sur le terrain est grave.
Deuxièmement, je suis profondément déçue par l'attitude des personnes qui continuent à proclamer haut et fort que les problèmes actuels ne touchent que les grands labels, qui cherchent surtout à protéger des intérêts de l'autre côté de la frontière. En tant qu'artiste indépendante jouissant de mon propre label qui travaille avec un vaste éventail de fournisseurs canadiens depuis 25 ans, je peux vous affirmer que tel n'est pas le cas.
Je dirais en fait que les véritables intérêts commerciaux qui tirent les ficelles dans les coulisses, et dont l'action est tellement nuisible dans le contexte actuel, sont les personnes et les compagnies qui facilitent la violation du droit d'auteur. Je vous parle de compagnies comme BitTorrent et isoHunt, de même que de nouvelles entités médiatiques mondiales telles que YouTube et même des FSI qui voudraient nous faire croire qu'elles ne prennent pas position dans ce débat.
Selon moi, les FSI et les propriétaires des sites Web doivent absolument jouer un rôle prépondérant dans la gestion du contenu qui passe entre leurs mains et être tenus de rendre des comptes à ce sujet. Cela est vrai en ce qui concerne non seulement le droit d'auteur, mais d'autres domaines aussi, tels que la pornographie, la protection de la vie privée et la fraude. Après tout, ce sont ces compagnies-là dont les bénéfices découlent directement de l'attirance des clients potentiels pour le contenu illicite qu'elles offrent sur leur site.
Troisièmement, en raison du caractère urgent de ce projet de loi, j'exhorte les membres du comité à ne pas se laisser distraire par la question des redevances, qui ne sont même pas abordées dans le projet de loi. J'ai calculé ce que cela signifie concrètement pour moi, et je peux vous affirmer que cela correspond à moins de 1 p. 100 de mes revenus. Pour la plupart des autres artistes, il ne s'agirait certainement pas d'une source de revenus significative, et on ne doit en aucun cas considérer qu'une redevance peut remplacer la capacité pour un artiste de disposer des outils qui lui permettent de gagner sa vie grâce à son oeuvre. Ce qui compte vraiment, notamment pour ceux qui commencent leur carrière, c'est que leurs oeuvres soient correctement protégées, au lieu d'être constamment piratées ou de faire l'objet d'exemptions à tout moment.
Quatrièmement, il faut bien comprendre qu'un cadre d'autorisation ne suffit pas pour régler tous les problèmes. Il n'est pas nécessaire de se compliquer indûment la vie en essayant d'établir des exemptions pour ceci et pour cela. Il faut partir du principe que les droits du créateur de contenu en ce qui concerne le contrôle et les utilisations possibles de son oeuvre sont primordiaux, et que si certaines personnes ou organisations souhaitent se servir de ses oeuvres musicales pour des fins commerciales, caritatives ou éducatives, elles peuvent simplement demander à l'utiliser. Mon petit label, qui est fier du service qu'il offre à la clientèle, accorde chaque année des centaines d'autorisations. Cette pratique à la fois courtoise et légitime existe déjà, et il suffirait donc d'en clarifier les paramètres dans la loi.
Voilà qui m'amène à l'aspect le plus important de la question, à savoir la nécessité d'assurer dès maintenant une protection adéquate et que toute solution de facture canadienne soit harmonisée avec les régimes étrangers et traduise nos engagements à l'échelle internationale. Les créateurs du monde entier, pas seulement ceux du Canada, comptent sur nous pour enfin décider de faire notre part.
Nos témoins ont utilisé 12 minutes jusqu'à présent. Nous avions convenu d'accorder 15 minutes à ce groupe-ci. Il reste donc trois minutes si l'un ou l'autre des témoins voulait ajouter un petit quelque chose.
Non? Très bien. Merci beaucoup.
Nous allons donc entamer la première et l'unique série de questions.
La parole est à M. McTeague, qui dispose de sept minutes.
Monsieur le président, allez-vous m'accorder trois minutes de plus?
Des voix: Oh, oh!
L'hon. Dan McTeague: Permettez-moi, tout d'abord, de remercier tous les témoins pour leur présence et leurs observations fort utiles à ce moment tout à fait critique. En fait, votre contribution ne pourrait pas mieux tomber, me semble-t-il.
J'ai quelques questions d'ordre général qui s'adressent à vous tous et je vous invite donc à répondre si vous le désirez.
Le projet de loi C-32 impose un plafond de 5 000 $ pour les dommages-intérêts que réclament les titulaires de droits lorsqu'on estime qu'il s'agit d'une utilisation non commerciale. À votre avis, quel effet ce changement aurait-il sur le comportement du public? Certains d'entre vous ont déjà émis une opinion à ce sujet. À votre avis, faut-il modifier l'article en question? Et dans l'affirmative, pourriez-vous nous dire de quelle façon il convient de le modifier?
Avant de travailler dans l'industrie de la musique, j'ai passé 20 ans comme avocat spécialisé dans les affaires civiles, si bien que la question des dommages-intérêts m'intéresse beaucoup.
J'ai abandonné la pratique privée il y a trois ans, mais quand un client s'adressait à mon cabinet pour intenter des poursuites à quelqu'un, en règle générale, je lui disais que cela coûterait entre 30 000 $ et 45 000 $ pour un procès de deux jours devant la Cour du Banc de la Reine pouvant s'échelonner sur 12 à 18 mois. Je demandais donc un acompte de 5 000 $ avant de faire quoi que ce soit.
Par conséquent, prévoir la somme de 5 000 $ pour les dommages-intérêts… En réalité, autant les éliminer complètement. Ainsi un intéressé, qu'il s'agisse d'un simple citoyen ou de quelqu'un d'autre — il pourrait aussi s'agir d'une société à but non lucratif — pourrait simplement se dire: « Personne ne va nous intenter des poursuites parce que cela n'en vaut pas la peine. Nous allons donc simplement continuer à faire ce que nous faisons maintenant. » En d'autres termes, vous leur donnez essentiellement l'autorisation de continuer à faire cela sans qu'il y ait de conséquences pour eux.
J'ai l'impression que, une fois que le projet de loi aura été adopté et que le public aura été informé des objectifs qu'il vise, la plupart des Canadiens voudront respecter ses dispositions. Comme mes collègues vous l'ont déjà fait valoir, il convient de prévoir des pénalités qui sont structurées de telle façon que ceux dont les intérêts sont purement commerciaux ne puissent pas impunément violer le droit d'auteur.
[Note de la rédaction: Inaudible] … suggestion. Si nous visons une plus grande marge de manoeuvre pour les juges, afin qu'ils puissent tenir compte d'utilisations privées, eh bien, selon moi, c'est justement cela qui est souhaité. Une bonne solution consisterait à laisser inchangée la disposition relative aux dommages-intérêts préétablis, et à aborder le cas spécial d'un violation liée à une utilisation privée au projet de paragraphe 38.1(3), afin que les juges puissent éventuellement réduire à zéro le montant des dommages-intérêts, s'ils le jugent approprié.
Cela fait-il partie de vos recommandations, monsieur Henderson?
M. Graham Henderson: Oui.
L'hon. Dan McTeague: Je passe à ma deuxième question — et là je devrais faire assez vite. D'aucuns diraient que, dans l'environnement numérique actuel, les fournisseurs de services Internet doivent participer aux mesures visant à combattre la violation du droit d'auteur. Comme vous le savez, le projet de loi C-32 propose un régime d'avis-et-d'avis. Selon vous, est-ce suffisant? Pensez-vous que les FSI et les moteurs de recherche s'en tirent à bon compte aux termes du projet de loi?
À notre avis, un régime d'avis-et-d'avis serait totalement inefficace car, en tant que titulaires du droit d'auteur, nous nous adresserions aux FSI, qui se contenteraient après de transmettre l'information aux contrefacteurs. C'est une mesure qui n'est pas suffisamment musclée.
Encore une fois, comme l'ont déjà dit Graham et Loreena, nous ne voulons pas intenter des poursuites à nos propres clients ou nous attaquer aux personnes qui achètent notre musique. Par contre, il faut des armes plus fortes qu'un simple régime d'avis contre ceux et celles qui voudraient violer notre droit d'auteur pour des raisons commerciales. Un système d'avis sera totalement inefficace. Il ne changera absolument rien en ce qui nous concerne.
Je crois qu'il faut également se rappeler que cette procédure prend du temps et que, vu la vitesse à laquelle sont transmises les informations numériques, il sera possible de causer énormément de tort à un titulaire de droit d'auteur en l'absence d'une mesure de réparation plus rapide et plus rigoureuse. Cela nous ramène au principe selon lequel il faut, d'après moi, que les droits des titulaires du droit d'auteur l'emportent sur les droits des autres.
Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
Le président: Trois minutes.
L'hon. Dan McTeague: J'ai deux autres questions à poser. Nous avons encore un tout petit peu de temps, et je vais donc essayer de finir, si possible.
Au comité, on nous a répété à maintes reprises que la disposition relative au contenu généré par l'utilisateur est trop mal définie et qu'elle pourrait donc avoir des conséquences involontaires. À votre avis, que peut-on faire pour améliorer ce projet de loi?
À cet égard, je tiens à vous mettre au courant d'un problème sur lequel on n'a peut-être pas encore attiré votre attention, d'après ce que j'ai lu.
Une bonne partie de la discussion au sujet de cette mesure législative porte sur ses conséquences financières. Mais, pour les membres, il y a quelque chose de bien plus important, à savoir leurs droits moraux et leur droit de protéger l'intégrité de leur oeuvre. Oui, il y a des conséquences financières, mais qu'arrive-t-il si un artiste qui a écrit une chanson merveilleuse au sujet de son chat se rend compte tout d'un coup que quelqu'un a utilisé sa chanson dans un film qui montre un chat en train d'être tué ou torturé ou quelque chose de ce genre? C'est dans ce contexte qu'intervient le droit de protéger l'intégrité de son oeuvre.
La plupart de mes membres ne vont jamais écrire un tube. Ils ont tendance à jouer leur musique dans des réceptions sociales ou de mariage. Ils jouent également dans des bars le vendredi soir. Mais le fait est qu'ils écrivent des chansons et ils ont le droit de protéger l'intégrité de leur oeuvre. C'est un élément critique dont il faut tenir compte dans ce contexte.
Il me reste environ une minute pour vous poser une dernière question. Ce projet de loi prévoit des exceptions qui autorisent le contournement des mesures techniques de protection, ou MTP, alors qu'il est possible d'y ajouter…
À votre avis, serait-il possible d'incorporer dans ce projet de loi une approche un peu plus souple, si on le juge nécessaire? Il est évident que cette question suscite énormément de controverse au sein du comité, mais il faudrait au moins que vous essayiez de nous proposer ou de nous fournir une solution de rechange ou un compromis, s'il existe, qui satisferait éventuellement tout le monde.
J'aimerais répondre rapidement, si vous permettez.
Je crois qu'on a souvent tendance à oublier que la loi actuelle compte déjà un grand nombre d'exceptions. Une autre chose qui semble être perdue de vue dans cette discussion concerne le fait que la loi prévoit le pouvoir de prendre des règlements. S'il arrive plus tard qu'une MTP pose problème pour une personne ou un groupe particulier, rien n'empêcherait le gouvernement, aux termes de la loi actuelle, de… Vous pourriez toujours resserrer un peu ces dispositions, si vous le jugez nécessaire, mais le fait est qu'elles existent déjà. Il s'agirait de s'adresser au gouverneur en conseil, de faire valoir ses arguments et, si ces derniers sont fondés, une nouvelle exception pourrait être créée.
Donc, ce pouvoir existe, me semble-t-il, et on a déjà incorporé dans la loi bon nombre d'exceptions qui ont justement permis de régler les problèmes qui se sont présentés jusqu'ici.
Il s'agit d'un document intitulé « Modifications au projet de loi C-32 », signé par vous.
Vous considérez qu'il faut apporter 14 modifications au projet de loi C-32. Certaines sont loin d'être mineures. Entre autres, vous suggérez d'éliminer l'exception pour le contenu généré par l'utilisateur. Vous suggérez aussi d'enlever l’exception à l’égard des enregistrements éphémères. Vous avez parlé aussi de ne pas plafonner les dommages-intérêts statutaires. Bref, il y en a plusieurs, mais je ne vais pas toutes les nommer.
Considérez-vous que si le projet de loi C-32 était adopté tel qu'il est actuellement, cela aurait pour effet de juguler le téléchargement illégal?
À mon avis, ce projet de loi représente un excellent début pour les membres de notre communauté. Il suffirait d'apporter au projet de loi quelques changements mineurs pour que les personnes que nous représentons en soient tout à fait ravies. Selon moi, tout le monde est prêt à travailler avec le gouvernement pour faire le nécessaire parce que, sans le projet de loi, nous aurons de très graves difficultés.
En 1999, le chiffre de ventes de l'industrie atteignait presque 1,2 milliard de dollars; cette année, notre chiffre de ventes n'est sans doute plus que de 420 ou 430 millions de dollars. Donc, nos difficultés sont très graves. Nous ne créons plus de stars. Toutes les compagnies de location des autocars et les studios d'enregistrement sont tous en train de faire faillite. Donc, en ce qui nous concerne, c'est un très bon début. Nous serions ravis de collaborer avec tous les gouvernements pour améliorer ce projet de loi et obtenir la protection qui nous est essentielle.
Vous réalisez que les modifications que vous demandez sont substantielles. Si on n'adoptait pas ces modifications et qu'on adoptait immédiatement le projet de loi C-32, la nouvelle loi serait-elle efficace?
À notre avis, certaines modifications vont justement être apportées au projet de loi, si bien que je ne vais pas vous dire que le projet de loi actuel… à mon avis, le gouvernement désire bien représenter ses citoyens. Selon moi, il va y avoir des changements, si bien que nous finirons par obtenir une excellente mesure législative.
Monsieur Henderson, croyez-vous qu'on pourrait adopter le projet de loi C-32 et que ce serait un projet de loi efficace pour combattre le téléchargement illégal et aussi pour remettre les revenus aux artistes qui le méritent?
Je suis du même avis que M. Dexter. Ayant écouté les délibérations du comité au cours des deux ou trois derniers mois, j'ai bien l'impression qu'un consensus est en train de se dégager. C'est ce que j'ai compris… c'est-à-dire que vous avez demandé des changements bien précis, dont un grand nombre sont repris dans le document de M. Dexter, et les membres de ce côté-ci de la table m'ont fait savoir qu'ils sont disposés à accepter des amendements.
Disons que, dans sa forme actuelle, non, nous ne serions pas prêts à accepter que le projet de loi C-32 reste inchangé. Mais sous la forme que propose M. Dexter — à mon avis, ce sont des mesures qui conviendraient à tout le monde.
Je n'ai rien entendu de la part des membres de ce côté-ci qui empêcherait nécessairement le comité de modifier le projet de loi de façon à tenir compte des préoccupations soulevées par votre parti, de même que des propositions du document libéral publié avant Noël.
Je vais vous faire de la peine, monsieur Henderson. Le consensus que vous sentez, mes collègues du Bloc québécois et moi ne le sentons pas du tout. D'abord et avant tout, il faudrait que ce gouvernement conservateur consente à apporter des amendements au projet de loi C-32 qui permettraient de remettre les revenus aux artistes, ceux qu'ils ont déjà et qu'on leur enlève. La Conférence canadienne des arts les a évalués à 126 millions de dollars par année. Ils ont droit à des redevances que Mme Davies et Mme McKennitt ne pourront plus recevoir. Alors, vous comprendrez que 126 millions de dollars annuellement, c'est beaucoup demander à des artistes qui gagnent actuellement 23 000 $ par année en moyenne.
On est donc très loin d'un consensus avec le gouvernement conservateur. Selon le Bloc québécois et moi, il est très clair que si le gouvernement conservateur voulait, dans un premier temps, s'asseoir pour parler de ces amendements et négocier la possibilité de donner des revenus aux artistes, il trouverait dans le Bloc québécois un interlocuteur de premier choix.
Malheureusement, actuellement, on n'a démontré aucune espèce de bonne foi à ce sujet. Je comprends que vous représentez tous Balanced Copyright for Canada. Vous êtes à peu près tous membres du conseil d'administration, sauf Mme McKennitt. Je sais que votre organisme constitue la principale source de financement de Balanced Copyright for Canada et que M. Dexter est membre du conseil d'administration.
À cet égard, je crois qu'il convient de vous faire remarquer que ce dossier a permis en réalité de rapprocher les personnes qui se présentent devant vous aujourd'hui. Par le passé, je crois qu'il n'aurait pas été possible que M. Henderson, moi-même et M. Dexter nous retrouvions assis à la même table en train de faire les mêmes recommandations… Selon moi, cela ne s'est jamais produit. Ce dossier nous a donc rapprochés.
Pour ce qui est de Balanced Copyright, il s'agit d'une organisation qui représente les artistes tout au long de leur parcours, soit du début de leur carrière jusqu'au grand tube.
Avez-vous tous la même position que celle adoptée par M. Dexter à propos des modifications apportées au projet de loi C-32? Monsieur Henderson, madame Davies et monsieur Ellson, avez-vous vu ce document? Comme vous indiquez que vous ne l'avez pas vu, vous ne savez pas si vous êtes d'accord.
Peut-être que M. Dexter pourrait nous en parler, puisqu'il connaît bien les amendements qu'il suggère d'apporter. Est-ce que ce sont des amendements que partagent toutes les personnes qui sont ici aujourd'hui? Est-ce que ce sont des amendements suggérés par Balanced Copyright?
Je dois dire, en tant qu'artiste et contribuable, que je trouve tout à fait démoralisant de me rendre compte que cette question s'ajoute à la liste de celles qui sont politisées par notre société.
J'ai employé tout à l'heure le terme « grave ». Nous avons tous insisté sur le caractère « urgent » de la situation. S'il y a d'autres retards parce que certains préfèrent marquer des points politiques, ce serait un résultat profondément troublant pour ceux et celles d'entre nous qui essaient simplement de gagner leur vie.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à tous nos témoins.
Je regrette que Mme McKennitt soit… Disons que vous avez l'air contrariée. Je crois néanmoins qu'il est très important que nous adoptions un projet de loi dans ce domaine. C'est ce que je dis depuis le départ. J'ai certaines préoccupations concernant l'application de ce projet de loi, et la principale est l'effet sur les artistes.
Madame Davies, vous êtes nouvelle ici. Vous n'avez pas encore comparu devant le comité. Êtes-vous favorable à l'idée d'abandonner les droits des reproductions mécaniques et les redevances qui en découlent et que touchent à l'heure actuelle certains artistes dont les oeuvres passent à la radio?
Non, non; excusez-moi, je ne voulais pas vous mettre sur la sellette.
Mme Maïa Davies: D'accord. Je me présente devant vous en tant qu'artiste.
M. Charlie Angus: Je voulais simplement obtenir un éclaircissement à ce sujet parce que c'est cela qui m'inquiète… je sais que la situation est grave. Je me souviens aussi d'avoir fait une tournée au début des années 1990 avec un groupe qui avait le plus grand tube au Canada depuis trois ans, alors que les membres du groupe ne touchaient que 300 $ par semaine. Donc, la situation a toujours été grave, et j'en suis tout à fait conscient.
Il y a dans ce projet de loi deux éléments qui auront pour résultat d'enlever de l'argent qui aurait normalement été versé aux artistes, c'est-à-dire les droits de reproduction mécanique qui vont disparaître et la redevance, dans la mesure où elle est modifiée.
Mme McKennitt dit que, pour elle, c'est une somme dérisoire mais, d'après la Commission du droit d'auteur, cela représente 35 millions de dollars par an pour les artistes exécutants qui font des disques et des tournées.
J'en ai entendu parler la semaine dernière. Pour moi, ce n'est pas une source de revenus.
Je ne prétends pas que cela ne pose pas problème, mais je me demande simplement pourquoi on retarde autant la prise de mesures sur autant d'éléments qui, de toute évidence, ne font pas l'objet d'un commun accord?
M. Grant Dexter: Justement, Charlie, vous parlez à une artiste indépendante…
Mme Maïa Davies: Je vous dis simplement que je voudrais que des mesures soient prises assez rapidement, au lieu d'être retardées encore, parce que j'estime que ces mesures auraient dû être prises il y a 10 ans déjà.
Rappelez-vous que vous parlez à une artiste indépendante qui n'est pas au courant de la situation en ce qui concerne… Il y a tellement d'autres problèmes. Nous parlons d'une industrie dont la valeur est passée de 1,2 milliard de dollars à 420 millions de dollars, alors que vous évoquez des droits de reproduction mécanique pour la radiodiffusion qui représentent la somme de 8 millions de dollars et une taxe sur les appareils du genre iPod qui représente environ 41 millions de dollars. La maison brûle et vous, vous parlez de… elle n'est même pas au courant de cela. Et c'est normal, parce qu'elle essaie de vendre des CD, et de gagner sa vie…
Selon moi, la maison a brûlé il y a bien longtemps. J'estime qu'il faut maintenant construire une nouvelle maison. Voilà mon sentiment. Pour moi, la maison qui…
Je ne sais pas si j'ai ce luxe. J'ai le devoir de faire preuve de diligence raisonnable en examinant cette question, et c'est ce que je compte faire.
Monsieur Henderson, nous avons déjà eu l'occasion de nous parler en comité. Vous avez fait mention d'un certain nombre d'éléments qui m'intéressent tout particulièrement. La dernière fois, vous avez parlé de l'approche de la carotte et du bâton et de mesures d'application générale, mais sans jamais nous fournir les détails. Je m'intéresse tout particulièrement à deux éléments dont il a été question la dernière fois.
Le premier concerne les démarches qu'il convient d'exiger de la part des FSI à l'égard des contrefacteurs récidivistes. Des organismes comme le vôtre semblent préconiser une politique d'avis et de retrait, mais il est évident que les conservateurs ne sont pas favorables à une telle approche parce qu'ils craignent qu'elle soit invalidée dans l'éventualité d'une contestation judiciaire.
Que proposez-vous donc comme démarche à exiger de la part des FSI, afin de s'assurer qu'il existe une sorte de…?
Comme je l'ai dit tout à l'heure, le strict minimum serait l'application d'une politique visant à réprimer l'action des contrefacteurs récidivistes.
Si nous sommes en mesure de repérer les personnes qui se permettent de violer le droit d'auteur à répétition — ce genre de chose se produit justement — en téléchargeant la totalité du catalogue de Loreena, par exemple, ou en volant le disque de Maïa avant même qu'il soit mis en marché, et qui font la même chose à répétition…
Nous estimons que le strict minimum serait une mesure de ce genre.
Êtes-vous en mesure d'être plus précis? Nous n'avons pas reçu les FSI devant le comité et, par conséquent, ils ne nous ont pas dit qu'ils comptent faire la police dans ce domaine. Nous ne savons pas ce qu'ils vont offrir. Avez-vous quelque chose de précis à proposer qui pourrait être incorporé dans le projet de loi, ou êtes-vous simplement en train de nous dire qu'il faut insister davantage pour qu'ils fassent le nécessaire?
Il n'y a rien de ce genre dans le projet de loi. Nous vous disons simplement qu'il faut… Si vous regardez les lois qui existent dans le monde entier, vous verrez que toutes renferment des mesures de ce genre. Personne ne devrait pouvoir s'en tirer à bon compte.
Le fait est qu'isoHunt est au Canada depuis longtemps. Cette compagnie a fait l'objet de poursuites judiciaires aux États-Unis; elle fait l'objet d'une décision judiciaire qui est lourde de conséquences. Je crois qu'elle essaie d'assurer sa survie ici au Canada de façon à échapper aux autorités judiciaires ailleurs. Cet état de choses est en train de nous valoir une très mauvaise réputation: ils sont là et ils ont déjà commencé à mener leurs activités.
Cette compagnie s'est adressée aux tribunaux — je trouve cela tout à fait hallucinant — il y a environ un an et demi pour demander à un juge de la Colombie-Britannique de déclarer que ce qu'elle fait au Canada est parfaitement légal. Donc, j'estime que nous ne pouvons pas nous permettre d'être passifs et de lui laisser le champ libre.
M. Charlie Angus: Donc, vous lui intentez des poursuites, n'est-ce pas?
M. Graham Henderson: Quand quelqu'un envahit votre maison, vous allez évidemment vous défendre par tous les moyens possibles… et rappelez-vous, Charlie, qu'à cause d'elles, la maison est en train de brûler. Donc, nous avons recours à tous les moyens possibles et imaginables pour nous défendre contre elles.
Avons-nous lancé une demande reconventionnelle? Oui, bien entendu. Cela ne veut pas dire que les tribunaux vont nous donner raison. Cela veut dire simplement que nous nous prévalons de tous les moyens à notre disposition pour nous défendre, et j'ajouterais en passant que nous ne sommes pas les seuls; toute une série de labels indépendants font de même.
Oui. Je voudrais surtout savoir où en sont les poursuites à l'heure actuelle, car isoHunt constitue l'un des principaux acteurs. Son nom revient constamment. À l'heure actuelle, vous êtes les seuls…
Oui. Je n'en suis pas sûr; c'est une action en justice.
J.P., vous êtes mieux informé que moi à ce sujet.
Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Graham Henderson: Ils nous attaquent; nous contre-attaquons. C'est un peu comme Bleak House; c'est comme dans l'oeuvre de Charles Dickens, mais pire encore.
Votre autre recommandation concernait les dommages-intérêts préétablis pour l'utilisation personnelle d'oeuvres protégées. Je dois vous dire que je suis réticent à imposer des dommages-intérêts préétablis, ayant vu le résultat d'une telle approche aux États-Unis. Mais vous avez fait une recommandation que je n'avais pas entendue précédemment. En quoi consiste-t-elle?
Le gouvernement semble surtout craindre que des particuliers se fassent imposer des dommages-intérêts de plusieurs millions de dollars. Si c'est vraiment cela qui l'inquiète, on peut facilement contourner cette difficulté en incorporant dans la disposition actuelle le pouvoir discrétionnaire de tenir compte d'un cas d'utilisation personnelle par quelqu'un dans son sous-sol. En d'autres termes, le juge pourrait tenir compte d'une situation de ce genre.
D'ailleurs, c'est justement cela la différence entre le Canada et les États-Unis, me semble-t-il. Aux États-Unis, aucun pouvoir discrétionnaire n'est prévu. Nous souhaitons au contraire que nos juges puissent exercer un tel pouvoir discrétionnaire.
La première fois que j'ai déclaré que le plafond de 5 000 $ n'est pas efficace, un certain nombre de bloggers m'ont ridiculisé en faisant des remarques du genre: « Cinq mille dollars, ce n'est tout de même pas de la petite bière ». Et puis il y a l'autre type, dont on a parlé devant ce comité, qui a fait six teraflops… tous les films qu'il a jamais réalisés, pour lui, pour des fins non commerciales, sont mis à la disposition du monde entier. Ce type-là a écrit sur le blog de quelqu'un qu'en fait, la somme de 5 000 $ lui semblait vachement intéressante et lui permettrait peut-être même de s'en sortir. Voilà ce qu'il a dit.
M. Charlie Angus: Comment donc faire la différence entre lui et…
Je remercie tous les témoins pour leur présence parmi nous ce matin. Vos témoignages ont été extrêmement instructifs.
Si vous permettez, madame McKennitt, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit. Pour moi, vous avez bien expliqué les raisons pour lesquelles il faut adopter ce projet de loi, sans nécessairement attendre qu'il renferme tous les éléments que tout le monde souhaite y voir, parce qu'il est préférable de l'adopter que de ne pas l'avoir du tout. C'est bien cela?
En tant que propriétaire et administratrice de ma propre compagnie privée, je sais qu'il faut parfois prendre des décisions difficiles. Il faut être prêt à se dire: « Je ne vais pas tout obtenir cette fois-ci, mais il faut faire le nécessaire pour que le train quitte la gare au plus tard à 18 heures. Sinon, le train ne partira pas, et la situation sera catastrophique. »
Je ne saurais trop insister sur l'importance de faire aboutir ce processus pour que cette mesure législative entre en vigueur, quitte à la modifier avec le temps.
Monsieur Dexter, je crois que vous avez évoqué un certain nombre de modifications techniques qui pourraient être apportées au projet de loi. Les audiences du comité constituent un élément important du processus législatif car nous avons justement la possibilité, en nous appuyant sur les témoignages d'experts — de repérer les éléments qui devraient être renforcés pour améliorer la loi. C'est une étape très importante du processus.
Je reviens sur la question de la redevance. Il y a évidemment un débat légitime entre les membres des différents partis politiques concernant les avantages ou les inconvénients d'une redevance, même si une telle mesure n'est pas proposée dans le projet de loi à l'étude. À votre avis, faut-il attendre l'issue du débat sur la redevance pour adopter ce projet de loi?
Pour moi qui suis sur le terrain et qui dirige une entreprise, la question de la redevance n'a même pas été abordée dans le projet de loi; je me demande donc comment il se fait que cette question semble dominer dans le débat actuel. Pour moi, il faut séparer les deux éléments et faire aboutir le projet de loi, quitte à régler la question de la redevance par la suite. Comme je l'ai déjà dit, tous ceux qui dirigent leur propre petite entreprise ne souhaitent jamais perdre une source de revenus, mais en même temps, il faut savoir consacrer son énergie aux activités les plus porteuses qui assurent les meilleurs résultats, et à l'heure actuelle, c'est le projet de loi. On pourra toujours parler de la redevance par la suite.
Donc, pour en revenir au projet de loi proprement dit, et je pose de nouveau la question à Mme McKennitt, quels éléments du projet de loi vous semblent les plus importants, vous qui êtes artiste et femme d'affaires?
Pour moi, c'est la protection absolue accordée à l'oeuvre du créateur. Le principe implicite du projet de loi doit être que la protection du créateur a préséance. C'est vraiment cela le principe fondamental, comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire.
Je travaille avec des centaines et des centaines d'artistes indépendants, et ils veulent pouvoir choisir. Les gens confondent l'offre gratuite d'une oeuvre avec la promotion ou avec autre chose, comme les tournées. Mais les artistes veulent simplement pouvoir choisir la façon dont on va se servir de leurs oeuvres. Certains d'entre eux voudront peut-être offrir leurs oeuvres gratuitement de façon à constituer une clientèle pour leurs tournées; d'autres voudront peut-être les faire payer deux cents; d'autres encore voudront peut-être faire payer dix cents. Mais, en l'absence d'une loi qui protège leur droit de choisir, les artistes ne seront aucunement motivés à continuer à faire de la musique, à améliorer leurs oeuvres et à enrichir nos vies.
Donc, pour nous, c'est surtout une question de protection et de liberté de choix à l'utilisation que font les artistes de leurs oeuvres.
Et n'oublions pas que les autorisations règlent une bonne partie du problème.
Comme je vous l'ai déjà dit, nous accordons des centaines d'autorisations chaque année — parfois, une danse ou une église; des fois, c'est pour un film. Cela n'a rien de complexe; en fait, les échanges sont très courtois.
Je suppose que pour vous, qui êtes artiste, l'avènement des nouvelles technologies et d'Internet, et la possibilité d'avoir accès à de tels outils pour distribuer vos oeuvres et les mettre à la disposition… Pour vous, ce sont des outils précieux, n'est-ce pas? Vous voulez pouvoir en profiter. Si nous adoptons ce projet de loi, vous pourrez le faire, sans avoir à craindre que votre oeuvre soit distribuée gratuitement à quiconque désire l'avoir.
[Note de la rédaction: Inaudible] … adopter le projet de loi avec certains des amendements qui ont été proposés. Bon nombre d'entre eux sont réfléchis et émanent de ce côté-ci de la salle, c'est-à-dire de nous.
Je crois qu'il est tout à fait critique de commencer à parler d'un ensemble éventuel d'amendements. Pour nous, il est frustrant de constater que ce processus n'en finit plus, alors qu'il y a un certain nombre de changements qui ont été proposés; il faut absolument s'entendre sur un compromis.
Ce dont nous parlons ici, et l'argument qui revient constamment de l'autre camp — c'est qu'il semble y avoir un manque de concordance. Le gouvernement dit essentiellement la même chose: nous voulons nous débarrasser de ceux et celles qui détruisent la richesse. Mais comme vous l'a fait remarquer M. Dexter, le libellé actuel ne permettra pas d'atteindre cet objectif.
Donc, faisons le nécessaire pour rectifier le libellé. Le gouvernement n'est pas obligé d'accepter d'importants changements stratégiques; il ne s'agit pas non plus de reculer. Il faut simplement que le gouvernement fasse en sorte que le libellé corresponde à l'action et à l'intention qui sont envisagées.
Si je m'appuie sur mon expérience personnelle, je dirais qu'il ne faut pas trop se préoccuper du débat politique qui entoure toutes ces questions, parce que nous allons nous faire conseiller et, en tant que comité, nous allons mener à bien ce travail. Par contre, si j'étais à votre place, je serais assez inquiet en constatant le temps qu'il a fallu jusqu'à présent pour réunir les idées des uns et des autres et les mettre en délibéré. Il est possible qu'il y ait des élections. Nous ne savons pas ce qui va arriver. Dans un Parlement minoritaire, il peut y avoir des élections à tout moment.
À votre avis, est-il critique de faire adopter ce projet de loi par le Parlement?
Oui, tout à fait. Le moment est venu d'agir. D'ailleurs, le moment était venu d'agir il y a 10 ans. Donc, entendez-vous. Vous êtes des gens intelligents; alors trouvez un terrain d'entente et donnez-nous quelque chose qui va répondre à nos besoins. Je ne plaisante pas quand je dis que notre situation est à ce point grave que nous ne pouvons nous permettre d'attendre
Je dirais qu'il faut maintenant dégager un consensus. Nous devons tous faire preuve de maturité, en tant qu'adultes, et accepter que ce projet de loi ne sera pas parfait. Mais le système nous permet justement de continuer à peaufiner le libellé. Il faut absolument que vous parveniez à un consensus pour faire aboutir ce processus et nous donner une loi qui nous protège correctement, car l'industrie est dans un piteux état à l'heure actuelle.
En ce qui concerne nos membres, la situation actuelle influe directement sur la production de musique au Canada, en ce sens qu'on peut se demander pourquoi quelqu'un voudrait investir dans la création d'un produit culturel si elle sait que ce produit ne va guère lui rapporter de revenus en raison de l'absence de protection? Ainsi nous constatons tous les jours que les gens ne font pas autant d'enregistrements qu'autrefois, ce qui influe sur les studios, les techniciens du son, les éclairagistes, les personnes chargées du spectacle, et tout le reste.
Et cet état de choses finit pas nous toucher comme consommateurs canadiens, qui souhaitons pouvoir écouter, regarder, lire, etc. des produits de très bonne qualité.
En tant que citoyens, nous sommes fiers de notre production culturelle. Demain je prononcerai un discours devant les élèves qui fréquentent mon ancien collège de musique. Pourquoi voudrais-je leur conseiller de tout faire pour réaliser leurs rêves ou poursuivre une carrière d'artiste comme je l'ai fait? Si déjà j'avais très peu de chances de réussir et eux n'ont aucune chance d'en faire une véritable carrière, à quoi ça sert?
Nos artistes constituent un élément tout à fait critique de notre « marque » en tant que pays. Tous les pays cherchent à se distinguer des autres. La concurrence est féroce. Nous achetons des produits allemands parce que nous savons que, si le produit est fabriqué en Allemagne, cela signifie que… Quand les citoyens du monde pensent au Canada, ce sont des gens comme Loreena et Maïa qui leur viennent à l'esprit. Elles et nos autres artistes représentent un élément très important de notre image de marque comme pays. Je crois que nous ne sommes pas suffisamment conscients de cette réalité. Nous ne les protégeons pas suffisamment. Leur situation ne compte pas assez pour nous.
Ce projet de loi, assorti d'un certain nombre de changements raisonnable et bien réfléchis, fournira au marché un cadre grâce auquel des gens comme Maïa et Loreena, les gens qui travaillent à la base avec J.P., qui ont leur guitare et composent leur musique dans l'espoir de réussir… Nous parlons souvent de solutions « conçues pour le Canada ». Mais rien ne sera plus jamais conçu au Canada si nous ne réglons pas ce problème en imposant certaines règles aux acteurs du marché.
Nous adorons les nouvelles technologies. Elles sont fantastiques. Mais il nous faut des règles.
Je rouvre cette 15e réunion du Comité législatif chargé du projet de loi C-32.
Nous accueillons maintenant quatre groupes: l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, ADISQ; la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec; la Société canadiennes des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique; et l'Association des auteurs-compositeurs canadiens.
Chacun des quatre groupes disposera de cinq minutes pour son exposé liminaire.
Nous allons commencer par les représentants de l'ADISQ.
Monsieur le président, membres du comité, au nom de l'ADISQ, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.
L'ADISQ est signataire de la déclaration commune sur le projet de loi C-32 rendue publique par plus de 80 groupes du milieu culturel canadien. Plusieurs d'entre eux ont déjà comparu devant vous et vous ont fait part des nombreuses préoccupations soulevées par le projet de loi C-32 qui priverait les créateurs de contenus de plus de 125 millions de dollars. Nous partageons ces préoccupations.
Comme nous ne pouvons, en cinq minutes, les rappeler toutes, nous avons choisi de vous apporter aujourd'hui un éclairage qui vous fera comprendre, nous l'espérons, en quoi ce projet de loi est central pour le développement, la pérennité et la diversité de nos expressions culturelles canadiennes.
Je vais d'abord vous dire deux mots sur l'organisme que je représente. L'ADISQ est une association professionnelle qui regroupe les producteurs indépendants de disques, de spectacles et de vidéo du Québec. Fait important à noter: ces producteurs sont responsables de 95 p. 100 de la sortie des albums d'artistes québécois. En contrepartie, cela signifie que la part des multinationales du disque est minime sur notre production locale au Québec. Le développement de la carrière des artistes repose donc essentiellement sur une industrie indépendante composée de petites entreprises.
Les résultats des ventes des artistes québécois sur leur propre marché sont étonnants. Année après année, ce sont près de 50 p. 100 des disques vendus au Québec qui mettent en vedette des artistes québécois.
En pratique, ce bon positionnement des ventes des artistes québécois a eu comme résultat d'offrir un climat propice au développement durable des talents des artistes et des entrepreneurs. Et plus important encore, cela a permis au public canadien d'avoir accès ici à une grande richesse et une grande diversité de musique. Aussi, de toute cette richesse a pu émerger un nombre important d'artistes qui sont d'excellents ambassadeurs dans le monde entier. C'est une situation fort réjouissante qui ne dit malheureusement pas tout. Elle ne dit pas que, bien que la part des artistes québécois dans les ventes totales demeure élevée, le volume total des ventes diminue dramatiquement depuis de nombreuses années. Au Québec, nous sommes passés de 13 millions d'albums vendus en 2004 à tout juste un peu plus de 9 millions en 2010: une baisse de 30 p. 100 en six ans.
Dans l'ensemble du Canada, la situation est aussi alarmante et même plus. Elle n'est malheureusement pas différente à l'échelle mondiale. Au niveau mondial, selon I'IFPI, cela a entre autres eu comme conséquence que dans le Top 50 des meilleurs vendeurs, il y a eu 77 p. 100 moins de premiers albums entre 2003 et 2010. Les artistes en développement sont donc les premières victimes de cette tendance dramatiquement à la baisse, et le public, le grand perdant.
De façon surprenante, en même temps, la musique n'a jamais été aussi présente dans la vie des gens. Les moyens de se la procurer légalement ou illégalement sont légion dans l'univers numérique, et des entreprises développent des modèles d'affaires basés sur la musique, sans retour significatif et, souvent, sans aucun retour vers les pourvoyeurs de contenus.
Pourquoi vous dire tout cela aujourd'hui alors qu'on discute ici de droits d'auteur? La Loi sur le droit d'auteur est une loi à caractère économique. Elle fixe les règles qui permettent aux titulaires de droits d'auteur d'être rémunérés lorsqu'on utilise leurs créations. Par vos choix et vos décisions, vous avez le pouvoir de fragiliser encore la situation critique du secteur de la musique ou plutôt de contribuer à la renverser. Pour parvenir a générer des revenus permettant à une masse critique suffisante d'artistes d'offrir au public canadien l'accès à une diversité de musique d'ici, il faut maintenir les outils de la loi qui sont performants et s'assurer d'en mettre en place dans I'univers numérique, comme nous avons pu le faire dans I'univers physique. Avec le projet de loi C-32, nous passons carrément à côté de cet objectif.
Le défi est grand. Il est par contre surmontable lorsque la volonté politique y est. La France est un bel exemple de cette ténacité et de cette volonté. Un seul exemple parmi tant d'autres: la France a récemment révisé le montant des redevances de copie privée pour les clés USB, les cartes mémoire et les disques durs, et elle cherche même à en établir une pour les iPad. Je vous rappelle que nous discutons ici du moyen d'empêcher la perception d'une redevance sur les lecteurs MP3. Pourquoi un tel décalage?
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D'ailleurs, j'aimerais comprendre pourquoi le gouvernement conservateur, qui se fait souvent le défenseur des petites entreprises privées, ne prend pas, sur le plan des droits d'auteur, le parti des petites entreprises privées culturelles. Car, ne l'oublions pas, notre culture est faite de ces petites entreprises.
Mon nom est Luc Fortin. Je suis président de la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec. Je suis aussi un musicien professionnel. Je suis accompagné de Me Éric Lefebvre, secrétaire-trésorier de notre association. Nous avons aussi, tout comme l'ADISQ, signé la déclaration commune des industries culturelles canadiennes sur le projet de loi C-32.
La Guilde des musiciens et musiciennes du Québec est une association d'artistes reconnue qui regroupe près de 3 500 musiciens professionnels oeuvrant sur le territoire de la province de Québec. Elle est affiliée à la Fédération canadienne des musiciens et a pour mission de défendre et promouvoir les intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels des musiciens interprètes.
Il convient d'abord de vous indiquer clairement quelle est notre position à l'égard du projet de loi C-32. À moins d'amendements majeurs, ce projet de loi ne devrait en aucun cas être adopté. Il est vrai que le gouvernement accorde certains nouveaux droits aux artistes interprètes, tels que le droit moral ainsi que les droits exclusifs prévus au Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, les mettant ainsi, en théorie, sur un pied d'égalité avec certains droits reconnus aux auteurs.
Or, ce que le législateur donne de la main droite, il le retire de la main gauche. À quoi servirait un droit exclusif de mise à la disposition si l'on confirme la déresponsabilisation des fournisseurs de services Internet? Comment peut-on faire valoir un droit de reproduction sur l'enregistrement sonore alors que les stations de radiodiffusion et les institutions d'enseignement peuvent reproduire sans demander l'autorisation aux auteurs, artistes interprètes et producteurs, ni payer les redevances applicables pour cette reproduction? Le nombre incalculable d'exceptions accordées aux utilisateurs rendent caducs plusieurs droits exclusifs consentis aux ayants droit. Signalons l'élargissement de la notion de l'utilisation équitable à l'éducation et à la parodie, l'exception pour l'enregistrement d'une émission de télévision pour visionnement en différé, l'abolition de certaines licences légales dans le domaine de l'éducation, et j'en passe.
La Convention de Berne prévoit qu'une exception doit être réservée « dans certains cas spéciaux, pourvu qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ». On trouve cela à l'article 9. Le projet de loi C-32 ne respecte pas la Convention de Berne, en prévoyant de nombreuses exceptions qui auront pour effet de priver les créateurs et interprètes d'une rémunération en portant atteinte à leurs droits.
À l'égard des fournisseurs de services Internet, il est vrai que le gouvernement propose une série de mesures techniques de protection. Or, les grands producteurs d'enregistrements sonores, qu'on appelle les majors, qui sont pourtant ceux qui peuvent prendre ces moyens, ont déjà depuis quelques temps abandonné le développement de ces coûteuses mesures devant leur extrême impopularité. À titre d'exemple, signalons que le site iTunes a retiré, il y a deux ans, toute mesure de protection de son catalogue en ligne.
Par ailleurs, le régime de copie privée, qui permet aux auteurs, artistes et producteurs d'être compensés suite à la violation de leur droit de reproduction, est appelé à disparaître. Qui, aujourd'hui, reproduit encore des oeuvres musicales sur cassette? Quant au CD, il va bientôt rejoindre la cassette et la disquette au musée, supplanté par la clé USB et les baladeurs numériques. De la musique est reproduite quotidiennement sur des millions d'iPod et autres lecteurs numériques du même type, mais les redevances pour les créateurs sont, hélas, perçues sur d'autres supports, tous en voie de disparition.
Par un jeu de propagande, on tente de faire croire aux Canadiens que la redevance de la copie privée est une taxe alors qu'en fait il s'agit d'une mesure de compensation visant un geste qui auparavant était illégal.
Enfin, nous constatons que le législateur n'a toujours pas accordé de droits aux artistes interprètes sur les productions audiovisuelles. Or, la prestation d'un artiste interprète demeure cruciale tant pour la commercialisation d'un enregistrement sonore que pour la mise en marché d'un film ou d'une émission de télévision. Il est temps que le législateur réponde à cette demande qui fait pourtant l'objet d'une reconnaissance dans plusieurs pays.
Pour terminer, en adoptant le projet de loi C-32, le Canada deviendrait un des pays qui protègent le moins bien les créations et innovations relevant de la propriété intellectuelle.
La parole est maintenant aux représentants de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Il s'agit de M. Spurgeon, de M. Davis et de M. Valiquette.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, bonjour. Mon nom est Gilles Valiquette. Je suis un auteur, compositeur et interprète du Québec. Je représente aujourd'hui la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, mieux connue sous le nom de la SOCAN. Je suis membre du conseil d'administration, conseil que j'ai présidé pendant cinq ans, et je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue Victor Davies, qui lui aussi est compositeur et membre du conseil d'administration de la SOCAN, ainsi que de Me Paul Spurgeon, vice-président, Services juridique et chef du contentieux de la SOCAN.
Monsieur le président, nous attachons une grande importance au projet de loi C-32. Pour bien nous situer, j'aimerais rappeler que la SOCAN est le collectif canadien qui gère les droits d'exécution, paroles et musique, de plus de 35 000 membres canadiens actifs et de tous les membres de ces sociétés affiliées à travers le monde. Cela dit, il est important de se rappeler qu'un créateur de chansons qui travaille des jours et des semaines à concevoir une oeuvre n'est pas payé d'avance pour son travail.
Par ailleurs, la convention sociale imprégnée dans la Loi sur le droit d'auteur accorde à l'artiste le droit d'être rémunéré si, et seulement si, sa chanson est utilisée. En d'autres termes, mes collègues et moi sommes des entrepreneurs qui ne confectionnons pas des meubles ni des automobiles, mais qui construisons des chansons. Nous prenons le risque que nos oeuvres soient utilisées et nous acceptons de n'être rémunérés qu'à ce moment. C'est l'entente que nous avons avec notre clientèle.
Il faut que, dans un esprit d'unité nationale, le projet de loi C-32 respecte les deux traditions juridiques canadiennes en matière de propriété intellectuelle, le copyright et le droit d'auteur, ou, plus spécifiquement, assure à la fois que les Canadiens aient accès aux oeuvres tout en assurant le droit de rémunération des créateurs. Tel que rédigé présentement, le projet de loi C-32 ne tient pas compte des droits fondamentaux qui sont la pierre d'assise du droit d'auteur au Canada. N'oublions pas que le projet de loi C-32 porte sur la propriété intellectuelle.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'apprécie grandement la chance de m'adresser directement à vous à titre de créateur et d'artiste. Je vous demande donc d'effectuer les modifications que nous proposons dans notre mémoire, afin d'assurer le respect des droits des créateurs et de permettre au domaine de la musique d'avancer au quotidien.
Merci beaucoup. Je passe la parole à Me Paul Spurgeon.
Bon après-midi, monsieur le président et membres du comité.
Je m'appelle Paul Spurgeon et je suis l'avocat-conseil de la SOCAN.
Je crois savoir que vous avez reçu une copie du mémoire de 16 pages déposé par la SOCAN le 19 novembre. J'ai également remis au greffier un exemplaire d'un document intitulé « Étude de l'OMPI sur les limitations et les exceptions au droit d'auteur » qui saura certainement vous intéresser, me semble-t-il, notamment si vous lisez les pages 74 à 80. Elle vous aidera peut-être à mieux comprendre la question des exceptions et des limitations. Je vous ai également remis une copie d'un document de quatre pages qui porte sur le critère en trois volets, qui sera le sujet principal de mes brèves observations cet après-midi.
À la dernière page de notre mémoire, nous proposons que l'article 41 soit modifié en y ajoutant une simple disposition d'interprétation, qui se lirait ainsi:
En interprétant les limitations ou exceptions au droit d'auteur en vertu de la Partie III de la Loi sur le droit d'auteur, les tribunaux s'assureront que de telles limitations ou exceptions se limitent à certains cas spéciaux, ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre et ne causent pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur, y compris le droit de l'auteur à une rémunération équitable.
Je dois cependant vous signaler que l'amendement en question s'appuie sur le critère en trois volets auquel le Canada adhère déjà, ou s'apprête à adhérer, dans le cadre de traités internationaux tels que la Convention de Berne, dont nous sommes signataire depuis plusieurs décennies, le traité de l'Organisation mondiale du commerce, et les traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, que vous voudrez ratifier et appliquer, nous l'espérons, quand le projet de loi C-32 aura été adopté.
Comme le Canada adhère déjà au critère en trois volets établi dans ces traités, il n'y a pas de raison de ne pas l'incorporer dans la Loi sur le droit d'auteur.
Je m'appelle Victor Davies, Je suis compositeur et membre du conseil d'administration de la SOCAN.
Comme Gilles vient de le mentionner, la SOCAN représente les compositeurs, auteurs et éditeurs de musique. Sachez que nous ne représentons pas les maisons de disques, et que ces dernières ne nous représentent pas non plus.
Je voudrais aborder deux questions cet après-midi: les serrures numériques et les exceptions.
Premièrement, nous respectons le droit d'autres titulaires du droit d'auteur d'avoir recours à des serrures numériques pour protéger leurs oeuvres s'ils le désirent. Cependant, le modèle d'affaires de la SOCAN n'est pas axé sur la notion selon laquelle il faut empêcher le public d'avoir accès aux oeuvres en les assortissant de serrures numériques. Au contraire, la SOCAN a le mandat de donner accès au répertoire musical mondial en contrepartie de redevances qui sont fixées par la Commission du droit d'auteur pour ces différentes utilisations. Par conséquent, même si les serrures numériques peuvent aider certains titulaires de droits, elles n'offrent aucune aide directe à la SOCAN.
Deuxièmement, nous nous opposons aux nombreuses exceptions que prévoit le projet de loiC-32, car elles permettront aux utilisateurs de profiter de notre précieuse propriété intellectuelle sans que nous soyons rémunérés en conséquence.
Je suis désolé, mais je dois vous couper la parole maintenant. Vous avez largement dépassé le temps qui vous était imparti. Vous aurez l'occasion de répondre aux questions par la suite.
La parole est maintenant aux représentants de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens. Jim Vallance et Greg Johnston, vous disposez de cinq minutes.
Je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée d'exprimer notre point de vue.
Pour les créateurs et titulaires de droit, l'époque actuelle présente des défis de taille. Nous tenons à vous faire savoir que nous apprécions beaucoup tous les efforts que vous avez déployés relativement au projet de loi.
Mon nom est Jim Vallance, et je suis vice-président de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens. J'ai de multiples prix Juno à mon actif et je suis membre de l'Ordre du Canada. J'ai composé de la musique pour des centaines d'artistes, y compris Anne Murray, Paul Anka, Tina Turner, Bryan Adams et Ozzy Osbourne. Plus de 100 millions d'exemplaires de mes chansons ont été vendus dans le monde entier.
Tout cela a été possible parce que j'ai mené ma carrière surtout dans les années 1970, 1980 et 1990 — c'est-à-dire dans les années qui ont précédé l'arrivée de Napster.
Vu l'état de l'industrie en 2011, il est peu probable que la prochaine génération d'auteurs-compositeurs canadiens ait accès aux mêmes débouchés que moi. En réalité, une bonne partie de notre industrie pourrait tout simplement disparaître, à mesure que les créateurs de musique seront obligés de chercher un emploi ailleurs pour joindre les deux bouts. La perte pour la culture canadienne serait incalculable: il n'y aurait plus de Shania Twain, et plus de Luc Plamondon.
Permettez-moi d'ouvrir une petite parenthèse. Pendant presque 100 ans, l'industrie de la pêche commerciale en Colombie-Britannique était prospère. Mais, il y a quelques années, le saumon nous a fait faux bond. Les conséquences ont été catastrophiques. Des emplois ont disparu, les pêcheurs ont fait faillite et les bateaux de pêche ont été vendus. Les scientifiques ne comprenaient pas ce qui s'était produit et n'ont pas été en mesure d'expliquer cette anomalie. Le poisson avait tout simplement disparu, et personne ne savait ni où, ni pourquoi.
L'industrie de la musique subit actuellement une crise tout aussi catastrophique dont la gravité augmente avec chaque année qui passe. Mais, contrairement à l'industrie de la pêche, nous n'avons pas besoin de consulter des scientifiques; nous savons où se trouvent nos chansons. Chaque minute de chaque jour, des millions de chansons que nous avons composées sont partagées en ligne.
Jamais dans toute l'histoire du monde la musique a-t-elle été aussi populaire ou aussi accessible. Il devrait s'agir de l'âge d'or pour l'industrie de la musique. Malheureusement, c'est le contraire, puisque 95 p. 100 du temps, notre musique est échangée avec autrui sans que les créateurs ou titulaires de droits ne touchent quelque rémunération que ce soit. Entre-temps, les FSI qui offrent l'accès à notre musique sur leurs réseaux récoltent des profits considérables.
Au cours des dernières années, les consommateurs ont fait preuve d'une très nette préférence pour l'accès en ligne à la musique. Les tentatives de gouvernements divers dans le monde entier pour mettre fin ou modifier ce type de comportement se sont révélées futiles et inefficaces. Nous devons à présent admettre cette réalité, car sinon, nous ne pourrons pas avancer.
En tant que gardiens du répertoire mondial de la musique, les FSI se doivent de partager leurs revenus avec ceux d'entre nous qui créent et possèdent le contenu qu'ils livrent à leur clientèle. Les créateurs, les titulaires du droit d'auteur et les FSI doivent devenir des partenaires, plutôt que des adversaires.
Les auteurs-compositeurs ne sont pas des groupes artistiques. Nous sommes des entrepreneurs qui travaillons à notre propre compte et de fiers professionnels. Nous ne voulons pas de financement gouvernemental. Nous voulons simplement disposer d'un marché juste et licite pour nos oeuvres musicales.
Nous proposons une solution véritablement canadienne, à savoir que les personnes qui souhaitent échanger de la musique en ligne versent un montant mensuel raisonnable correspondant à des droits de licence pour l'échange de musique à des fins privées et non commerciales. Nous sommes à la recherche d'un modèle d'affaires viable pour l'ère numérique grâce auquel les consommateurs, nos fans, pourront continuer à avoir accès à la musique en ligne moyennant une juste indemnisation pour les créateurs et les titulaires de droits.
Je m'appelle Greg Johnston. Je suis auteur-compositeur et trésorier de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens.
J'ai 40 ans. J'ai une femme, deux enfants, une voiture et j'habite au centre-ville de Toronto. Je fais du bénévolat, je fais l'épicerie, je paie des impôts et je vote. J'ai étudié la musique à l'Université Simon Fraser et au Collègue Grant MacEwan. J'ai obtenu des prêts pour étudiants et je les ai remboursés. J'ai choisi une carrière, j'ai fait les études qui me permettaient de mener une telle carrière, et je suis très compétent dans mon domaine d'activité.
J'ai travaillé avec des artistes comme Olivia Newston-John, Marc Jordan, Ron Sexsmith, Hawksley Workman et Nick Lachey, pour ne nommer que ceux-là. Contrairement à mon ami et mon collègue M. Vallance, je n'ai pas vendu plus de 100 millions d'exemplaires de mes chansons, et à moins que des mesures draconiennes ne soient prises rapidement, les auteurs-compositeurs de ma génération n'auront jamais l'occasion de le faire. En fait, en dépit de mon éducation, de mon talent et de mon succès, je devrais peut-être faire un choix inéductable: celui de quitter entièrement la profession.
Certains diront: « C'est la vie », et je serais prêt à accepter qu'il en soit ainsi si je ne savais pas pertinemment que nos chansons n'ont jamais été plus populaires. On les entend à la radio quand on se rend au travail. Elles vous encouragent quand vous faites votre exercice sur le tapis roulant. Vous les entendez au mariage de votre fille. Elles servent à vendre des chaussures, du dentifrice, des assurances-vie, et elles ont même donné un coup de pouce à des campagnes politiques de temps à autre.
La solution au dilemme dans lequel notre industrie se trouve enfermée actuellement consiste à monétiser le partage des fichiers de musique. Pour reprendre le propos de Jim Vallance, un partenariat mutuellement avantageux avec les FSI permettrait aux consommateurs d'avoir accès à nos oeuvres musicales de la même manière qu'à l'heure actuelle. Les titulaires de droits seraient rémunérés, le succès serait récompensé, et les pratiques commerciales justes et équitables seraient rétablies.
À cet égard, le projet de loi C-32 n'offre absolument rien. Tel qu'il est actuellement libellé, le projet de loi C-32 ouvre la porte à des années successives d'actions en justice portant sur la définition de l'utilisation équitable.
La dernière décennie a été une période de déclin rapide pour notre industrie. Forcer les créateurs de musique à instituer des poursuites pour être en mesure de manger tous les jours ne fait qu'aggraver nos difficultés financières. Il est certain que cette façon de faire ne règle aucunement les problèmes fondamentaux auxquels nous sommes confrontés.
Les serrures numériques et les actions en justice, de même que d'autres mesures répressives sont autant de moyens qui ont été mis à l'essai et qui se sont révélés généralement inefficaces.
En tant que membre de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens, nous sommes favorables à l'imposition d'une redevance pour la copie privée dans le contexte d'un plan exhaustif visant à rémunérer les créateurs de musique pour leurs oeuvres. Bien qu'elle soit utile aux créateurs, la redevance à proprement parler ne constitue pas une solution globale et ne devrait pas être considérée comme telle.
Étant donné que les ventes de CD vierges ne cessent de baisser et que le projet de loi C-32 n'impose pas de redevance aux appareils du genre iPod, nous avons peu d'espoir que ce dernier permette d'améliorer notre avenir.
En conclusion, en tant que représentants de l'Association des auteurs-compositeurs canadiens, nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'occasion que vous nous avez donnée de comparaître devant le comité. Nous espérons sincèrement que notre contribution vous aidera à modifier ce projet de loi critique, afin qu'il favorise la création d'une industrie de la musique à la fois éclairée et rentable.
Nous allons maintenant ouvrir la période des questions. Il nous reste 21 minutes, et si les membres du comité sont tous d'accord, nous nous en tiendrons à des tours de cinq minutes.
Les membres sont-ils d'accord?
Des voix: D'accord.
Une voix: Avons-nous le choix?
Le président: Monsieur Rodriguez, vous disposez de cinq minutes.
Tout à l'heure, j'ai entendu mes collègues députés gouvernementaux faire remarquer que le projet de loi n'est peut-être pas parfait, mais que nous pourrions l'adopter tel quel et faire des changements après coup.
Cela m'inquiète beaucoup parce que, selon moi, il faudrait apporter non pas des changements mineurs mais majeurs. En effet, à mon avis, que partagent plusieurs de mes collègues du comité, le projet de loi est déséquilibré, déficitaire, au détriment des créateurs. Il y a des pertes de droits acquis comme des pertes de revenus. De plus, le projet de loi ne remplit pas nécessairement son objectif.
J'aimerais recevoir, en guise de réponse à ma question, un bref commentaire de chacun d'entre vous. Si le projet de loi n'était pas amendé, si nous avions le choix entre l'adoption telle quelle ou le rejet, devrait-il être adopté ou non?
il est préférable de ne pas l'avoir que de l'avoir.
[Français]
Pour moi, c'est évident. Il est vrai que la situation dans le domaine de la musique est catastrophique, mais elle serait pire si le projet de loi était adopté sans modifications.
Nous sommes également d'avis que le statu quo est préférable à l'adoption du projet de loi dans sa forme actuelle. Ce ne serait pas une amélioration, ce serait même une perte pour l'ensemble de l'industrie de la musique, des créateurs et des interprètes.
Je dirais même qu'il a sans doute besoin de modifications importantes, et pas seulement pour l'industrie de la musique. Il y a d'autres segments des diverses industries créatrices représentant les titulaires du droit d'auteur qui sont touchés par le projet de loi. Il n'y a pas que l'industrie de la musique qui soit concernée.
Je suis d'accord avec tous ceux qui ont parlé avant moi concernant la nécessité de modifier le projet de loi. Pour moi, un de ces amendements doit être l'incorporation du critère en trois volets.
Donc, vous êtes tous d'accord pour dire que le projet de loi a besoin de modifications importantes. Nous sommes tous d'accord là-dessus.
En quoi devraient consister les principales modifications? Nous ne pouvons pas en discuter en détail, parce qu'il y a tellement d'éléments qui devraient être modifiés, mais je vous invite à mentionner un ou deux éléments.
Le critère en trois volets est important parce que le gouvernement crée 40 nouvelles exceptions et limitations. Il crée également deux ou trois autres droits — entre autres, un droit pour les photographes — mais ce projet de loi renferme surtout des exceptions et des limitations.
Assurons-nous de fournir aux juges les conseils nécessaires, pour qu'ils sachent exactement ce qu'il convient de faire au moment d'interpréter ces exceptions et ces limitations. Le critère en trois volets offrira aux juges les conseils qu'ils ne pourraient avoir autrement, étant donné que ce critère n'est pas actuellement explicité dans la loi. Il figure dans le traité, mais comme le savent pertinemment les avocats, pour être applicable, il faut qu'il s'agisse d'un traité d'application automatique.
J'ai beaucoup aimé la présentation de mon collègue Gilles Valiquette et celle de la SAC, lesquelles démontraient très clairement que les gens de l'industrie de la musique étaient tous de petits entrepreneurs, autant les artistes que les maisons de production. Nous sommes de petits entrepreneurs.
Comme je l'ai dit dans ma présentation que je n'ai pas pu terminer, nous comprenons mal que, dans ce cas, les petits entrepreneurs culturels ne reçoivent pas la même attention que dans les autres cas de la société où le sort de petits entrepreneurs est en jeu. Nous souhaitons que les membres du comité gardent cette vision à l'esprit quand ils étudient les amendements au projet de loi. Ce sont les amendements les plus importants, selon moi, car cela nous fait perdre des acquis. Ce sont les broadcast mechanical rights. Le fait de nous retirer un droit que nous exerçons va faire perdre de huit à neuf millions de dollars à ceux qui sont... Ces droits sont déjà perçus. Et, évidemment, il y a le régime de la copie privée qui, selon moi... Et il y a l'exemple que je donnais de la France, qui est même en train de songer à imposer une redevance sur les iPad. On est en train de dire qu'il n'y en n'aura pas sur les lecteurs MP3. Pour ma part, ce décalage est incompréhensible. Ce sont sûrement les deux plus importants...
Puisqu'il ne me reste que quelques secondes, je serai bref. En ce qui concerne la responsabilité des fournisseurs de service Internet, le principe avis-avis, est-ce suffisant pour vous? Sinon, pourquoi cela ne convient-il pas?
D'abord, je veux vous dire que je suis étonnée de voir autant de témoins présents au cours d'une même séance. Le comité avait décidé de n'en recevoir que trois, ce qui permet d'accorder un temps raisonnable pour répondre, soit plus que quelques secondes. Je souhaite que chacun d'entre vous, si vous sentez que vous avez besoin de plus de temps pour faire valoir votre opinion, demande au greffier qu'on vous invite de nouveau. Il va accepter, j'en suis certaine.
Revenons maintenant à notre sujet. Comme je le disais tout à l'heure, il y a trop de personnes. Soit dit en passant, le témoignage de la SODRAC a été annulé à la dernière minute. Vous auriez pu avoir ses représentants à vos côtés, puisque vous provenez du même milieu de la musique. La différence entre les témoins que nous avons reçus plus tôt et vous, c'est que le premier groupe représentait plutôt les radiodiffuseurs. Il s'agissait de l'Association de l'industrie canadienne de I'enregistrement. Habituellement, M. Henderson représente les radiodiffuseurs.
Une voix: Les multinationales.
Mme Carole Lavallée: Les multinationales. De toute façon, ces dernières retrouvent beaucoup de leurs demandes dans le projet de loi C-32. Par ailleurs, la Conférence canadienne des arts a démontré que les artistes, de leur côté, perdaient 126 millions de dollars. Il y a d'abord 30 millions de dollars pour ce qui est de la copie privée. Je ne vais pas nommer toutes les pertes, vous les connaissez. Il y a l'enregistrement éphémère, l'exemption pour le milieu de l'éducation. En ce qui a trait au contenu généré par l'utilisateur, vous savez qu'en France, la SACEM, qui est un organisme de gestion des droits d'auteur, a réussi à négocier avec YouTube des redevances pour le contenu généré par l'utilisateur, ce qui sera impossible ici compte tenu de l'exemption accordée par le projet de loi C-32, s'il n'est pas modifié.
En ce qui a trait aux changements — prenez chacun le temps qu'il vous faut, et les autres pourront répondre par la suite —, quels sont, selon vous, les plus importants amendements qui devraient être faits?
Je pense que j'ai déjà répondu en partie à M. Rodriguez à ce sujet. Par ailleurs, j'aimerais souligner qu'entre nous et l'industrie de la musique, dont les représentants ont témoigné plus tôt, il y a beaucoup plus de lieux de rencontre que de différends. C'est clair qu'en ce qui concerne ce projet de loi tel que rédigé, ce n'est pas suffisant ni adéquat, mais on n'est pas en train de dire qu'on n'en veut pas du tout.
Si vous nous demandez s'il doit être adopté dans cette mouture, on vous dira non. Mais en revanche, si vous demandez s'il devrait y avoir des modifications à la Loi sur le droit d'auteur, on dit oui, mais pas nécessairement celles-là.
À notre avis, les modifications importantes à apporter à la loi découlent du Traité de l'OMPI que le Canada a ratifié. Il s'agit de mettre en place le droit exclusif de mise à la disposition du public, un droit exclusif qui est donné aux producteurs d'autoriser ou non que leur enregistrement sonore soit accessible au public par les voies numériques.
Pour nous, c'est très important que ce droit nous soit reconnu. On pourrait, de cette façon, comme le disait Gilles Valiquette, faire des affaires dans le monde numérique, mais on veut avoir des outils à caractère économique dans cette loi. On ne veut pas qu'elle nous enlève des outils, mais qu'elle nous en donne pour négocier des arrangements d'affaires avec les iTunes et YouTube de ce monde. Donc, ce droit de mettre ou non à la disposition le droit exclusif, c'est très important qu'on l'ait. Et c'est tout à fait en lien avec le Traité de l'OMPI que le Canada a signé en 1996, mais qu'il n'a toujours pas ratifié.
La possibilité d'étendre à l'ensemble des supports une redevance sur la copie privée est essentielle.
Mme Carole Lavallée: À l'ensemble des supports?
M. Éric Lefebvre:Oui, car les supports ont évolué. Les cassettes et les CD existent encore. Par contre, il y a maintenant des lecteurs audionumériques MP3. Un jour, il y aura peut-être un autre support. Alors, il faut nécessairement que la redevance sur la copie privée puisse être applicable à tous les supports, qu'elle soit technologiquement neutre.
Par ailleurs, en 1997, lors de l'étude d'un autre projet de loi C-32 adopté il y a plusieurs années, j'ai pu constater un fragile équilibre, en ce qui concerne les exceptions, entre les droits des utilisateurs et ceux des titulaires de droit. Ce fragile équilibre est nettement rompu par l'ensemble des exceptions introduites dans le projet de loi. Il faut garder un statu quo en ce qui touche les exceptions qui existent actuellement. Elles ont permis aux sociétés de gestion de pouvoir les appliquer et de négocier certains tarifs ou encore certaines ententes avec les utilisateurs. Actuellement, le nombre d'exceptions prévues dans le projet de loi fait en sorte que le fragile équilibre qui a été atteint en 1997 est complètement rompu.
Je remercie les témoins pour leur présence aujourd'hui.
Dès le départ, je dois vous avouer que je suis un peu perdu. Nous venons de recevoir un groupe de témoins dirigé essentiellement par l'AICE, qui représente Warner, Sony, Universal et EMI — les quatre plus grandes entreprises mondiales du divertissement. Nous avons reçu les représentants de Maple, qui est rattachée à Universal. Ils nous ont dit qu'ils représentaient les auteurs de musique et les musiciens de l'ensemble du Canada, et qu'ils parlaient d'une seule voix.
Là, je vois que nous avons devant nous les représentants des auteurs-compositeurs, de la SOCAN, de l'ADISQ et de la guilde des musiciens. Qui représentez-vous donc?
Nous représentons tous la musique à différents niveaux. L'ADISQ oeuvre au niveau de la production de la musique. Nous sommes des musiciens interprètes, des compositeurs. Nous représentons la musique canadienne, oui, c'est sûr.
Vous avez peut-être mal saisi ce que j'ai dit au début. Les multinationales sont très peu présentes dans le marché québécois. Les producteurs indépendants que nous représentons, au Québec, sont responsables de la sortie de 95 p. 100 des albums d'artistes québécois, qui occupent 50 p. 100 du marché. Les représentants de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement peuvent dire qu'ils représentent la musique canadienne s'ils le veulent, mais au Québec, le poids des multinationales est minime. Ils se contentent, et c'est leur travail, de distribuer des contenus étrangers.
Je ne voudrais pas créer de fausses distinctions entre les labels multinationaux et les indépendants et auteurs-compositeurs, mais j'avoue que j'ai été frappé par leur argument, exprimé en termes très clairs, selon lequel l'idée d'imposer une redevance est absurde. Selon eux, la maison brûle. D'ailleurs, il y avait tellement de fumée qui sortait de la table qu'il fallait absolument adopter le projet de loi immédiatement.
M. Dexter nous a dit qu'une industrie d'une valeur de 400 millions de dollars est en jeu. J'étais en train de faire des calculs… je suis plutôt lent dans ce domaine. En 10e année, j'ai eu la note de 52 en math. D'ailleurs, vous pourrez le mentionner la prochaine fois que vous m'attaquerez dans une de vos annonces publicitaires.
Quoi qu'il en soit, j'ai fait les calculs, et je me suis dit que, si nous avons une industrie de 400 millions de dollars, et pour ma part, je parle de l'argent qui va disparaître… Les redevances liées aux droits de reproduction mécanique représentent plus de 8 millions de dollars; d'après la Commission du droit d'auteur, la redevance numérique dépasse 35 millions de dollars. Donc, nous parlons de gens qui nous disent que leur industrie est en si mauvaise posture qu'ils sont même disposés à renoncer à 12 p. 100, 13 p. 100, ou 15 p. 100 de leurs revenus annuels pour faire adopter ce projet de loi.
Monsieur Fortin, vous et moi avons été ensemble à Washington pour la conférence organisée par la Future of Music Coalition. À cette occasion, nous avons rencontré des musiciens venant de tous les coins de l'Amérique du Nord. Ce que nous disent les représentants de l'industrie du disque — et nos collègues conservateurs en sont ravis — c'est qu'il suffit d'augmenter les dommages-intérêts préétablis et de prévoir des serrures numériques pour atteindre la terre promise. Mais, lorsque j'étais aux États-Unis, je n'avais pas l'impression que les musiciens américains estiment que leur situation est plus favorable que la nôtre. Or, nous avons ici un régime qui prévoit une indemnisation directe pour les artistes, indemnisation qui est supprimée par ce projet de loi.
Pourquoi pensez-vous que nous devrions adopter ce projet de loi si l'indemnisation garantie aux artistes en vertu de la loi actuelle sur le droit d'auteur sera supprimée?
Comme nous l'avons tous dit ici et dans ce document qui a été signé par près de 80 associations culturelles au Canada, on ne peut pas prétendre qu'un projet de loi va améliorer la protection des auteurs s'il refuse de s'adapter aux nouvelles technologies comme le iPod, le iPad, etc. C'est absolument incompréhensible.
Ensuite, on prétend faussement qu'il s'agit d'une taxe, alors que tout le monde sait très bien que c'est une redevance. Les Canadiens, d'ailleurs, font la différence entre une redevance et une taxe. Vous-même, monsieur Angus, avez participé à des discussions à la radio, à des lignes ouvertes, et quand vous expliquez que l'argent va aux artistes, les gens comprennent très bien que ce n'est pas une taxe. Une taxe va au gouvernement, on ne sait pas exactement où, à quoi elle va servir, mais une redevance, on sait exactement où elle va, à qui elle va servir et pourquoi.
Contrairement à ce que vous dites, monsieur Angus, ce n'est pas ce que je comprends quand nos amis de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement s'expriment. Ce ne sont pas des ennemis, pas du tout. Ils ont dit qu'ils voulaient mettre de côté certains irritants pour faire passer dans le projet de loi ce qui était le plus important, soit le droit de mettre à la disposition... On partage totalement cette position de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement. Ses représentants ont dit qu'il faut enlever la question de la redevance et adopter le projet de loi, non pas pour dire qu'on va vendre cela pas cher. Il est question de mettre cela de côté et d'en reparler plus tard.
Je suis désolé — mon temps est presque écoulé — mais je dois néanmoins vous corriger: selon l'information que nous avons reçue par l'entremise de la procédure d'accès à l'information, il a clairement indiqué… c'est-à-dire que M. Henderson a déclaré qu'il s'opposait à la prise de position des groupes de créateurs.
Monsieur le président, je pense que je vais avoir suffisamment de temps pour pouvoir le partager avec M. Bernier.
Je voudrais commencer par une sorte de déclaration. Il me semble que les artistes, les producteurs de disques et les gens d'un bout à l'autre du pays soient répartis dans deux camps en ce qui concerne cette question. Cela rejoint ce que disait M. Angus. Il y en a qui croient qu'en rétablissant le marché, l'industrie de l'enregistrement profitera de nouveau des revenus et des investissements qui permettront de la sauver. C'est ce point de vue-là qui a été présenté par le premier groupe de témoins. Par contre, il y en a qui estiment qu'il sera impossible de rebâtir l'industrie, que l'industrie ne sera plus jamais ce qu'elle était, et que la seule solution consiste à imposer des droits et des redevances à droite et à gauche.
D'ailleurs, je me permets de préciser qu'une taxe et une redevance, c'est la même chose. C'est un droit qu'on impose aux consommateurs. Donc, c'est pareil. Si vous payez une taxe ou un impôt, cet argent peut servir à financer le système de soins. Les gens savent pertinemment à quoi servent les recettes fiscales. Elles servent à financer le système de soins, l'éducation, etc. Les gens savent ça. Les citoyens le savent très bien. Par contre, les citoyens sont réticents à payer plus d'impôts, même s'ils savent pertinemment que cet argent servira à financer le système de soins, l'éducation, la défense, les affaires étrangères et toutes sortes d'autres choses. Les gens savent à quoi servent les impôts qu'ils paient. Mais ils ne sont pas disposés à payer davantage si cela peut avoir un impact sur leur ménage.
Je voudrais faire un autre petit commentaire avant de céder la parole à M. Bernier. Prenons l'exemple d'une boulangerie qui vend du pain. Mais, au lieu de payer leur pain, les clients de la boulangerie se contentent de le prendre sur l'étagère et de s'en aller. Or, une loi existe contre ce genre de comportement. On appelle cela du vol à l'étalage. Selon les lois que nous avons adoptées, les gens ne peuvent pas faire ce genre de chose. Une personne qui prend du pain dans une boulangerie sans le payer fera l'objet d'accusations en bonne et due forme.
Il semble qu'il existe une approche contraire dès lors qu'il s'agit de propriété intellectuelle, même si cette dernière est un type de propriété comme un autre. Quant à nous, nous croyons être à même de rétablir le marché.
Il se trouve que 971 millions de dollars ont disparu de l'industrie cinématographique. Pour l'industrie de l'enregistrement, c'est 750 millions de dollars. Pour l'industrie cinématographique et celle de l'enregistrement, nous parlons de la disparition de presque 2 milliards de dollars. Cela doit certainement représenter près de 20,000 emplois qui n'existent plus au Canada.
Pour notre part, nous disons que, si quelqu'un prend quelque chose qui ne lui appartient pas, nous devons d'abord et avant tout réprimer l'activité des facilitateurs. Les cinq plus grands sites de piratage du monde sont exploités au Canada. Nous allons donc les empêcher de continuer. Telle est l'intention du projet de loi: nous souhaitons que les consommateurs prennent de nouveau l'habitude d'acheter les produits sur le marché.
Nous n'allons pas dire au propriétaire de la boulangerie: écoutez, nous allons continuer à permettre aux gens de prendre votre pain sans le payer, mais nous allons faire payer des droits ailleurs en vue de vous rembourser le pain qu'on vous a volé. Deuxièmement, nous ne leur dirons jamais: à propos, nous avons remarqué que vous avez fait un sandwich avec ce pain; par conséquent, nous allons vous demander 15 ¢ de plus, étant donné que vous avez changé de support.
J'aurais une question à poser à M. Lefebvre. J'aimerais que vous me donniez un peu plus de détails. Vous avez parlé plus tôt du fragile équilibre entre les droits des utilisateurs et les droits d'auteur en ce qui a trait à la législation qui date de quelques années. Vous avez dit que, dans ce projet de loi, l'équilibre est rompu.
À titre d'exemple, lorsqu'on permet un visionnement en différé d'émissions de télévision, il est clair qu'on permet, dans le fond, une reproduction. C'est une espèce de copie privée, mais sans les redevances qui sont payables généralement aux ayants droit.
Par exemple, à l'égard des institutions d'enseignement, il existait une licence qui était payable pour l'utilisation d'émissions de télévision ou de radio captées et enregistrées à des fins pédagogiques. Cette licence était payable aux sociétés de gestion. Elle a été abolie. Ce sont quelques exemples qui démontrent en effet que le projet de loi, tel qu'il est aujourd'hui, compte tenu des exceptions qu'on y inclut, fait en sorte que la plupart des sociétés de gestion vont perdre beaucoup d'argent en redevances qui sont redistribuées aux ayants droit. À l'époque, ces redevances étaient payables pour certaines utilisations. Elles ne servent pas uniquement à faire vivre les sociétés de gestion; elles sont redistribuées en grande partie à ceux qui font la musique. C'est donc ni plus ni moins que le salaire des artistes interprètes, des auteurs, des producteurs, qui disparaît avec ces exceptions.
Permettez-moi de reprendre l'analogie de M. Del Mastro. On dit que c'est une industrie comme les autres. Or, dans l'industrie de la boulangerie, par exemple, on ne dit pas aux artisans qu'ils seront payés pour le pain brun, mais qu'ils ne le seront pas pour le pain blanc. Le gouvernement ne fait pas d'exception pour ce qui est du paiement que fera le consommateur. Dans la loi, actuellement, on dit aux consommateurs que, dans telle circonstance, ils vont utiliser le travail, ils vont acheter un pain, mais qu'ils n'auront pas à payer. Voilà ce que vous faites en ajoutant des exceptions. Il y a déjà des exceptions dans la loi, mais maintenant, vous augmentez le nombre de fois où les consommateurs canadiens n'auront pas à payer leur pain.
En règle générale, je ne comprends pas pourquoi, quand on reconnaît des droits à quelqu'un, on les lui retire à certains moments pour certaines utilisations. C'est ne pas faire confiance aux ayants droit et leur dire qu'ils ne sont pas raisonnables quant à certaines utilisations de leur travail, comme dans le domaine de l'éducation, pour en arriver à faire une proposition satisfaisante pour les deux parties. C'est ne pas faire confiance aux deux parties dans leur capacité de négocier une entente commerciale — jusqu'à un certain point —, une entente d'affaires satisfaisante pour elles deux.
À titre d'exemple, le ministère de l'Éducation du Québec paie des redevances sur l'utilisation des oeuvres dans les écoles pour le travail scolaire et parascolaire. On en est arrivé à une entente. Cela n'a pas ruiné le ministère de l'Éducation. Au contraire, cela a renforcé l'éducation des jeunes qui comprennent que, lorsqu'ils utilisent une oeuvre, ils doivent payer pour en avoir le droit d'usage.
De façon générale, je n'adhère pas au principe des exceptions. Je crois que nous sommes assez grands pour négocier des ententes satisfaisantes pour les deux parties.