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CC32 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-32


NUMÉRO 005 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 1er décembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Cette réunion est la cinquième du Comité législatif chargé du projet de loi C-32.
    Aujourd'hui, j'aimerais commencer par remercier les trois témoins qui ont accepté notre invitation. Il s'agit de Pina D'Agostino, professeure en droit de la propriété intellectuelle à l'Osgoode Hall Law School, de l'Université York; du professeur Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada, Droit d'Internet et du commerce électronique à l'Université d'Ottawa; et, enfin, de Barry Sookman, associé, McCarthy Tétrault, et coprésident du Technology Law Group.
    J'aimerais, au nom du comité tout entier, remercier les trois témoins de comparaître aujourd'hui en dépit d'un très court préavis. Merci beaucoup.
    Nous allons commencer avec une déclaration de cinq minutes de la professeure Pina D'Agostino.
    J'aimerais commencer par remercier le comité de m'avoir invitée à comparaître au sujet d'un dossier fort important dans l'histoire du droit d'auteur au Canada, sujet qui me tient très à coeur.
    J'offre mes commentaires en tant que professeure en droit à l'Osgoode Hall Law School et en tant que fondatrice et directrice d'IP Osgoode, le programme de propriété intellectuelle et de technologie de l'Osgoode Hall Law School. J'offre mes commentaires sans intention cachée ni parti pris à l'appui d'un quelconque groupe intéressé. Je penche en faveur d'une approche équilibrée qui sous-pèse l'ensemble des défis auxquels se trouve confronté le gouvernement, ainsi que les intérêts des différents intervenants.
    Le projet de loi et ambitieux dans sa tentative visant à établir cet équilibre, et il renferme de nombreuses dispositions visant à cerner les différents intérêts et défis. En dépit de cette vaillante tentative, le projet de loi requiert un certain peaufinage, certains aspects n'y ayant pas été traités et d'autres seulement de manière ambiguë.
    Si nous prenons comme point de départ que nous voulons que les utilisateurs finaux — le public — apprécient les oeuvres, que nous voulons assurer aux auteurs la possibilité de créer et de continuer de créer, que nous voulons que la créativité et l'innovation soient florissantes, et que nous voulons assurer la plus vaste dissémination possible des oeuvres, tout en veillant en même temps à ce qu'il y ait des moyens de compensation viables pour l'utilisation des oeuvres d'autrui, alors il importe de travailler encore au projet de loi. Si nous voulons une loi qui soit claire et qui puisse être comprise par les Canadiens, alors il nous faut faire mieux.
    Je vais, dans le temps dont je dispose, me concentrer sur quelques points seulement que le comité pourrait rattraper.
    Mon premier point concerne les amendements proposés à l'article 29, portant sur l'utilisation équitable. Bien qu'il soit salutaire d'avoir ajouté, en tant que nouvel objet, « la parodie ou la satire », je ne comprends toujours pas très bien pourquoi l'on a ajouté, comme nouvel objet, en vertu de cette disposition, « l'éducation ». Ce nouvel objet est trop large et annonce des années de litige pour tirer la chose au clair, ce qui soulèvera des questions d'accès à la justice et obligera les tribunaux à résoudre des questions qu'il reviendrait au gouvernement de codifier avec confiance.
    Quelle est la politique sous-tendant cette disposition? Quel problème existe-t-il en matière d'éducation qui n'est à l'heure actuelle pas couvert par les autres dispositions de la loi? Si le gouvernement a quelque chose en tête, il devrait le dire expressément et non pas de manière ambiguë, en employant un terme polyvalent, en espérant que ce qu'il vise, ou pourrait viser, se trouve ainsi réglé. Chose importante, il n'existe en la matière aucune jurisprudence, et les tribunaux seront ainsi chargés de faire le travail du gouvernement. Je m'empresse de souligner qu'il existe aujourd'hui une vaste jurisprudence en ce qui concerne les autres objets.
    Comment faire pour corriger cela?
    Inscrire dans la loi les facteurs énumérés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt CCH canadienne Ltée n'est pas une solution. Cela ne fait rien pour clarifier ce que l'on entend par « éducation ». Le gouvernement devrait se prononcer sur les décisions judiciaires lorsqu'il souhaite les renverser, et non pas lorsqu'il les appuie, et certainement pas lorsqu'il a devant lui une décision unanime de la Cour suprême du Canada, comme c'est le cas de l'arrêt CCH canadienne Ltée. Il pourrait, par exemple, intervenir pour codifier une décision d'un tribunal inférieur qu'il appuie, s'il craint qu'un tribunal supérieur veuille peut-être la renverser, mais il n'est guère logique d'intervenir et de répéter ce qu'a déjà dit la Cour suprême du Canada.
    En conséquence, la question demeure: comment corriger la chose? Devons-nous inscrire dans la loi le « test en trois étapes » de la Convention de Berne ou de l'ADPIC, qui limite les exceptions autorisées dans les lois nationales à certains cas spéciaux où il n'est pas porté atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur? Je ne pense pas que ce soit là, en soi, la réponse complète non plus. Cela inviterait davantage d'ambiguïté dans un cadre déjà ambigu définissant, pour le Canada, ce qui s'entend par « exploitation normale », « préjudice injustifié » et « intérêts légitimes de l'auteur », et ainsi de suite. Le risque serait que la loi canadienne soit déterminée à Genève par des panels de l'OMC rendant des décisions au sujet des dispositions de l'ADPIC.
(1535)
    Ce qu'il nous faut faire c'est corriger l'utilisation équitable dans le domaine de l'éducation, étant donné qu'un des objets est d'isoler, au niveau le plus élémentaire, le problème que nous cherchons à régler par voie de loi, puis à exprimer ce problème.
    Si nous savons lequel il est, alors il importerait de le dire. Si nous ne savons pas lequel il est, mais avons le sentiment qu'il nous faut faire quelque chose, alors je recommanderais le recours à un cadre plus flexible. Par exemple, nous pourrions inclure, à la fin de l'article 29, une disposition du genre « ne constitue pas une infraction au droit d'auteur le fait de traiter de telles fins éducatives d'une manière qui soit conforme à ce que le gouverneur en conseil pourrait prescrire par règlement ».
    Cela ouvrirait la voie à une approche davantage fondée sur la preuve et permettrait aux ministères compétents de recueillir des éléments de preuve utiles et de préciser ce qu'il leur faut corriger par voie de loi, et d'être agiles et flexibles dans les correctifs à apporter aux problèmes en matière de droit d'auteur pouvant survenir de temps à autre dans le secteur de l'éducation.
    Mon deuxième et dernier point est que, étant donné la question administrative de l'équilibre, la question de s'attaquer directement aux défis pour les créateurs, de manière à veiller qu'ils soient indemnisés pour les utilisations faites de leurs oeuvres, n'est pas abordée. Je me ferais un plaisir de traiter de manière plus approfondie de cette question si nous en avons le temps dans le cadre de la discussion.
    Les créateurs sont, à certains égards, coincés entre les titulaires, d'un côté, et, de l'autre, les utilisateurs. Un aspect sur lequel j'ai beaucoup travaillé est la relation en matière de droit d'auteur entre les titulaires et les créateurs. Pour ce qui est du projet de loi, il semble que les créateurs risquent d'être minés, soit par l'article remanié en matière d'utilisation équitable, soit par une autre disposition, le paragraphe 29.21, sur le contenu non commercial généré par l'utilisateur, et qui, dans son libellé actuel, demeure, lui aussi, vague, et pourrait avoir des conséquences non voulues.
    Voilà qui met fin à mes remarques liminaires. J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre le professeur Michael Geist.
    Bonjour, tout le monde.
    Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa. Comme nombre d'entre vous le savent, j'en suis sûr, cela fait de nombreuses années que j'oeuvre activement au dossier de la politique en matière de droit d'auteur. En 2007, j'ai lancé sur Facebook un groupe du nom de FairCopyright for Canada, groupe qui compte aujourd'hui plus de 92 000 membres et des chapitres locaux d'un bout à l'autre du pays. Plus tôt cette année, j'ai publié From“Radical Extremism” to “Balanced Copyright:” Canadian Copyright and theDigital Agenda. Cet ouvrage est la plus vaste étude universitaire sur le projet de loi C-32 publié à ce jour, réunissant des contributions, examinées par des pairs, de plus de 20 experts canadiens.
    Cela étant dit, je comparais aujourd'hui devant le comité à titre personnel et n'exprimerai ici que mes propres opinions.
    Bien que je sois parfois caractérisé comme étant un critique du droit d'auteur, la réalité est que je suis favorable à une grosse partie du projet de loi C-32. Lorsque le projet de loi a été déposé, je l'ai décrit comme étant défectueux mais réparable, et je suis un fervent défenseur de nombre des compromis qui s'y trouvent renfermés. Ma position en la matière n'a pas changé.
    Je serais heureux de discuter de quelque élément que ce soit du projet de loi, mais j'aimerais, dans mes remarques liminaires, me concentrer sur deux aspects: l'utilisation équitable et les verrous numériques. Comme vous le savez, j'estime que les réformes quant à l'utilisation équitable sont une tentative d'établir un équilibre entre ceux qui souhaitent une disposition flexible en matière d'utilisation équitable et ceux qui sont largement opposés à toute nouvelle exception. Je considère que le compromis du projet de loi C-32 est, largement, bon.
    Du fait d'annonces pleine page et d'articles publiés régulièrement en page en regard de l'éditorial, nous savons tous que certains groupes prétendent que ces changements porteront atteinte à la culture canadienne. J'aimerais vous soumettre deux raisons de croire que la réalité est bien moins inquiétante et vous proposer un amendement possible, qui pourrait alléger certaines de ces craintes courantes.
    Premièrement, l'utilisation équitable dans l'éducation n'est pas quelque chose de nouveau. Cela englobe déjà la recherche, l'étude privée, la communication de nouvelles, la critique et le compte rendu. Comme vous pouvez fort bien l'imaginer, ces catégories recouvrent une part considérable de l'activité de reproduction sur les campus canadiens. Ces changements ne sont pas révolutionnaires, mais évolutionnaires. Ce sont des réformes qui autoriseront l'utilisation de nouvelles technologies en salle de classe et qui appuieront la créativité, l'innovation et la curiosité chez les étudiants.
    Deuxièmement, et c'est le plus important, l'analyse canadienne de l'utilisation équitable fait appel à un test à deux étapes, à deux parties. La partie un vise à déterminer si l'utilisation est admissible à l'une des exceptions prévues en matière d'utilisation équitable. Si elle est admissible, la partie deux est une analyse visant à déterminer si l'utilisation elle-même est ou non équitable. L'élargissement de l'utilisation équitable pour englober l'éducation ne touche que la première partie du test. Même si le projet de loi C-32 élargira les catégories d'utilisations pouvant être qualifiées d'équitables, il ne change pas l'exigence que l'utilisation elle-même soit équitable.
     La Cour suprême du Canada a établi une liste non exhaustive de six facteurs pour aider tout tribunal saisi d'une affaire d'équité, et l'été dernier, la Cour d'appel fédérale, dans une affaire de reproduction à des fins éducatives, a confirmé que les changements proposés dans le projet de loi C-32, s'ils sont adoptés, continueront d'exiger une analyse de l'équité.
    Bien que j'estime que certaines des inquiétudes exprimées soient mal placées, il serait toujours possible d'assurer une plus grande certitude pour apaiser certaines des craintes des auteurs et maisons d'édition. Je pense que cela pourrait se faire en codifiant dans la Loi sur le droit d'auteur le test d'équité à six facteurs. Un tel changement veillerait à ce que les juges soient tenus d'évaluer l'équité de toute utilisation — y compris à des fins éducatives — avant de considérer s'il s'agit d'une utilisation équitable. Je pense que cela dissiperait également les prétentions que l'utilisation équitable mènerait à une mêlée générale. De fait, ce serait tout le contraire; les réformes, de propos délibéré, veilleraient à ce que l'utilisation équitable soit équitable pour tous.
    Pour ce qui est des verrous numériques, qui ont été l'un des aspects les plus discutés et les plus critiqués du projet de loi, il me faudrait commencer par préciser qu'un grand nombre des inquiétudes ne sont pas le fait des verrous numériques à proprement parler. Les sociétés sont libres de les utiliser si elles le veulent, et les gens s'entendent généralement pour dire qu'il devrait y avoir une certaine protection juridique pour les verrous numériques, étant donné qu'il s'agit d'une exigence des traités Internet de l'OMPI, et que c'est un objectif clair du projet de loi.
     L'inquiétude découle plutôt de la position déséquilibrée du projet de loi C-32 à l'égard des verrous numériques, ceux-ci l'emportant sur presque tous les autres droits, comme le comité l'a lui-même entendu tout juste la semaine dernière de la bouche de M. Blais, dans le contexte de l'éducation. Cela défait l'équilibre en matière de droit d'auteur, non seulement pour les exceptions existantes à l'intérieur de la Loi sur le droit d'auteur, mais également pour les nouveaux droits des consommateurs, qui peuvent être éclipsés par un verrou numérique, au moment même où l'on en retrouve couramment dans les dispositifs, les DVD, les livres électroniques, et ainsi de suite.
    La solution la plus évidente ici serait de modifier le projet de loi pour clarifier que le fait de contourner un verrou numérique ne constitue une violation que si l'objet sous-jacent est de violer le droit d'auteur. Cette approche, qui a été adoptée par certains de nos partenaires commerciaux, comme par exemple la Nouvelle-Zélande et la Suisse, veillerait à ce que la loi, tout en pouvant servir pour cibler des cas évidents de piratage commercial, préserve en même temps les droits individuels des consommateurs et les droits des utilisateurs.
     J'aimerais évoquer rapidement cinq points relativement à cette proposition. Premièrement, cette approche est conforme aux traités Internet de l'OMPI, qui offrent, dans leur application, une flexibilité considérable. Je sais qu'il y a en la matière des opinions divergentes, mais il ne manque pas d'analyses savantes — dont un chapitre de mon livre — ni d'exemples de pays qui confirment qu'il s'agit d'une option qui est ouverte pour le Canada. De fait, il n'y a pas à regarder plus loin que le projet de loi C-60, ici même au Canada, pour voir que les fonctionnaires canadiens reconnaissent qu'il s'agit d'une approche qui cadre avec les exigences de l'OMPI.
    Deuxièmement, 13 années après le traité, les prétentions que le Canada devrait adopter une approche à l'américaine vont à l'encontre du parcours international émergent.
(1540)
    Avec le bénéfice de l'expérience, il se dessine clairement une tendance vers une plus grande flexibilité. Même les États-Unis ont récemment ajouté des exceptions pour « jailbreaker » les téléphones et déverrouiller les DVD pour certaines fins non commerciales.
    Troisièmement, l'approche cadre parfaitement avec les objectifs du projet de loi C-32. Elle nous permet de cibler les violeurs commerciaux de droit d'auteur qui profitent de leurs actions, étant donné que leurs contournements constitueraient toujours des violations de la loi. Dans l'intervalle, cela offrirait aux entreprises des protections juridiques pour les verrous que recherchent certains et maintiendrait l'équité pour les consommateurs en garantissant aux Canadiens que leurs droits de propriété personnels continueront d'être respectés.
    Quatrièmement, il vaut la peine de souligner que la seule modification des nouvelles exceptions pour les consommateurs — changement de support et ainsi de suite — ne suffit pas. Par exemple, si la disposition en matière de verrouillage du changement de support était supprimée, les consommateurs se trouveraient toujours confrontés à la barrière de la disposition générale anti-contournement. Pour régler le problème, les deux articles doivent être modifiés pour préserver l'équilibre en ce qui concerne le droit d'auteur numérique.
    Enfin, advenant que le comité souhaite plutôt envisager de nouvelles exceptions précises au verrouillage numérique, j'ai fourni à la greffière du comité une liste complète de réformes possibles, dont un grand nombre s'inspirent de règles en place dans d'autres pays.
    J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
(1545)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Barry Sookman.
    J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité aujourd'hui pour participer à ses travaux sur le projet de loi C-32.
    Avant de vous faire ma déclaration, j'aimerais vous donner un peu de contexte. Ce n'est pas pour me vanter, mais je crois savoir que certains se sont dit préoccupés par le fait que j'ai un ou deux clients qui seraient touchés par la loi et craignent que leurs opinions sont en train de façonner ma perspective. Tel n'est pas le cas. Je suis avocat spécialisé dans ce domaine. Cela fait de nombreuses années que j'y travaille et y enseigne. Je suis un associé en exercice du droit du cabinet McCarthy Tétrault et je suis l'ancien dirigeant de son groupe sur la propriété intellectuelle. Je suis professeur auxiliaire en droit de la propriété intellectuelle à l'Osgoode Hall Law School. Je suis l'auteur de cinq ouvrages, dont un traité de fond sur le droit informatique et Internet. Je suis membre de plusieurs comités, dont des comités spécialisés en PI. Cela fait plusieurs décennies que je m'occupe, dans le cadre de mon exercice du droit, de questions de droit d'auteur pour des créateurs, des utilisateurs et des intermédiaires. J'ai témoigné dans le cadre de trois causes qui ont été entendues par la Cour suprême du Canada et qui ont établi des précédents, dont l'affaire CCH, qui a modernisé l'utilisation équitable au Canada, et l'affaire Tariff 22, portant sur la responsabilité des FSI. J'ai comparu pour les FSI face à un titulaire de droits, la SOCAN.
    Je comparais ici à titre personnel et non pas pour représenter mes clients.
    Lors du dépôt du projet de loi, le gouvernement a établi clairement que son but était de permettre au Canada d'avoir une loi en matière de droit d'auteur qui bénéficie au marché canadien. Le projet de loi a été rédigé pour créer des lois-cadres et permettre au Canada d'être un chef de file dans l'économie numérique, aux côtés de nos partenaires commerciaux. J'appuie ces objectifs. Il est, cependant, des domaines dans lesquels le projet de loi aura des conséquences imprévues ne cadrant pas avec ces objectifs. J'espère aider les membres du comité à comprendre ces questions, dont bon nombre sont de nature technique. Dans le temps limité dont je dispose pour traiter de ces questions, j'aimerais me concentrer sur plusieurs exemples de problèmes techniques qui doivent être corrigés.
    Le gouvernement a dit que le projet de loi donnera aux titulaires de droit des outils légaux plus solides pour s'en prendre aux pirates en ligne qui facilitent les violations de droit d'auteur. Le ministre Clement a dit que le projet de loi vise les méchants, les destructeurs de richesse. Pour s'attaquer à ce problème, le projet de loi comporte un nouvel article sur la facilitation de la violation. Un problème technique est que, dans son libellé actuel, cet article serait probablement inefficace, du fait qu'il ne s'applique qu'aux services conçus principalement pour faciliter des actes de contournement. La plupart des sites de partage de fichiers, dont les sites poste à poste, BitTorrent et les sites de facilitation du piratage, ne sont pas principalement conçus pour faciliter des actes de violation, mais pour faciliter le partage d'information et de fichiers.
    Il y a encore deux autres problèmes techniques. L'intention du gouvernement est que les FSI soient dégagés de toute responsabilité lorsqu'ils agissent strictement en tant qu'intermédiaire. D'un côté, le projet de loi C-32 a pour objet de veiller à ce que ceux qui facilitent la violation ne bénéficient pas des exceptions visant les FSI. Cependant, le libellé n'est pas clair en la matière. Seules deux des quatre exceptions le disent expressément. Étant donné les différences dans le libellé, un tribunal pourrait fort bien conclure qu'un site de facilitation de piratage jouit d'une exception FSI, même lorsque le site est responsable de facilitation. Ce ne peut être là l'intention de personne.
    Enfin, le projet de loi exempt les facilitateurs commerciaux, les destructeurs de richesse, des dommages-intérêts préétablis, même lorsqu'ils facilitent la violation à des fins commerciales. Ce ne peut être l'intention de personne.
    Le projet de loi renferme également une nouvelle exception permettant à un individu de prendre du contenu existant et de s'en servir pour créer du contenu généré par l'utilisateur. L'intention est de permettre au consommateur d'utiliser du contenu pour créer une vidéo domestique ou une application composite, un « mash-up » de vidéoclips. Il s'agit d'une exception qui, à ma connaissance, n'existe nulle par ailleurs dans le monde. D'un point de vue rédaction technique, cette exception est si vaste qu'elle violerait vraisemblablement les obligations qui reviennent au Canada en vertu de l'ADPIC de l'OMC. L'ADPIC stipule que les exceptions doivent résister à ce que l'on appelle à l'échelle internationale le « test en trois étapes ». L'exception, telle que rédigée, permettrait aux consommateurs de faire presque tout ce que pourrait faire d'une oeuvre son auteur, y compris créer des traductions, des suites, ou d'autres oeuvres dérivées, et à en publier le résultat sur Internet. Les consommateurs pourraient également créer des oeuvres composites ou des compilations d'oeuvres, comme par exemple le « best of » d'une série télévisée ou leur liste de diffusion iPod préférée, et les afficher sur Internet, et bien plus encore. Le résultat est que l'auteur perd sensiblement le contrôle sur les utilisations faites de son oeuvre, ce qui est un concept de droit d'auteur fondamental.
(1550)
    Outre tout cela, il pourrait y avoir de sérieuses conséquences financières pour l'auteur. L'intention est de permettre des utilisations qui n'auraient aucune incidence sur le marché pour l'oeuvre; cependant, le libellé permettrait un effet global sur le marché pour l'oeuvre, ce qui serait très dommageable et considérable.
    D'autre part, l'utilisation faite par le consommateur de l'oeuvre CGU doit être non commerciale. Un exploitant de site Web peut facturer la diffusion de contenu généré par l'utilisateur, mais l'auteur ne touche aucune part de cette rémunération. Or, ce ne serait pas le cas dans d'autres pays, qui n'ont pas en place cette exemption, pays qui ont laissé les marchés résoudre le problème.
    Le projet de loi comporte également d'autres éléments techniques qu'il y aurait lieu de revoir, mais, comme me l'a indiqué le président, le temps dont je disposais est écoulé.
    J'aimerais remercier encore une fois le comité de m'avoir invité à comparaître. J'envisage avec plaisir de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup aux témoins.
    Nous allons maintenant entamer le premier tour de questions. Chacun disposera de sept minutes. Nous allons commencer avec le Parti libéral.
    Allez-y, monsieur Rodriguez.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Bonjour à tous, merci beaucoup d'être là.
    Vous êtes les premiers témoins, alors on va trouver une façon de fonctionner. Comme il va y avoir généralement trois personnes, je vais vous demander, s'il vous plaît, lorsqu'une question sera posée, d'y répondre assez rapidement.
    Donnez une réponse très rapide, dites oui ou non. La perception des créateurs est que ce projet de loi n'est absolument pas équilibré et qu'il est nuisible pour les créateurs. Êtes-vous de cet avis?
    Monsieur Geist, vous avez la parole.

[Traduction]

    Oui ou non? Je pense qu'il y a dans le projet de loi des dispositions qui bénéficieront clairement aux créateurs. Je pense qu'il y a certaines dispositions qui bénéficieront aux utilisateurs, même si je pense que celles-ci suscitent certaines inquiétudes. Je pense que l'on pourrait régler certaines des préoccupations qu'ont les créateurs, notamment en ce qui concerne l'utilisation équitable, de la manière que je viens tout juste de décrire.

[Français]

    Merci.
     Madame D'Agostino, c'est à vous.

[Traduction]

    J'ai mentionné dans mes remarques que les créateurs sont en quelque sorte pris au milieu. D'un côté, si nous prenons un peu de recul, le droit d'auteur a pour objet de protéger des droits. Si les créateurs et la relation entre l'auteur et le propriétaire comptent pour nous, alors il importe que cela soit clarifié. Nous inscririons dans la loi davantage de dispositions sur les aspects concernant les contrats de droits d'auteur.
    Du point de vue de l'utilisateur, j'ai mentionné le fait qu'il y a la disposition en matière de CGU et d'utilisation équitable qui pourrait avoir sur les créateurs des conséquences non voulues.

[Français]

    Merci.
     Monsieur Sookman, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Vous posez une très bonne question. C'en est une à laquelle je pourrais consacrer tout le temps dont vous disposez. Malheureusement, je ne peux pas faire cela.
    Il intervient ici deux perspectives. La première est d'examiner le projet de loi dans son libellé actuel et de l'envisager tel qu'il se présenterait une fois supprimées les conséquences non voulues. Dans sa forme actuelle, certaines des dispositions, notamment les exceptions, balaient très large et pourraient avoir des effets très néfastes sur les créateurs. Si, d'un autre côté, le projet de loi était resserré pour réaliser nombre des objectifs fixés par le gouvernement, alors je pense qu'il serait équilibré.

[Français]

    J'ai l'impression que ce projet de loi est carrément déséquilibré et qu'il peut nuire aux créateurs. Une série de mesures viennent frapper le créateur ou le pénaliser. Je pense à la perte de revenus à cause de la copie privée, de l'exemption, de l'éducation. Je pense aussi à la question des droits éphémères et il y en a bien d'autres.
    Reconnaissez-vous qu'à cause de cela, à plusieurs égards, il peut y avoir des pertes de revenus ou de droits pour les créateurs?

[Traduction]

    Je regrette de ne pas pouvoir répondre par oui ou par non, mais je pense qu'il nous faut éclater un petit peu certaines des dispositions. La question des droits éphémères en est une qui met clairement en jeu certains revenus. Je suis certain que vous entendrez des porte-parole des deux côtés qui vous entretiendront de ce qui est payé et de la question de savoir s'il est ou non approprié qu'il y ait paiement, mais si le projet de loi est adopté dans son libellé actuel, alors, oui, il y aura perte de revenus sur ce plan-là.
    En ce qui concerne d'autres éléments, par exemple l'enregistrement éphémère —, je pense qu'aux yeux de la plupart des Canadiens, l'idée qu'il faille indemniser quelqu'un du fait d'enregistrer une émission de télévision ne représente pas...
(1555)
    Poursuivons un instant avec vous, dans ce cas.
    En ce qui concerne l'exemple de l'éducation, ne pensez-vous pas que l'exception, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, coûterait des revenus à certains des créateurs, auteurs ou producteurs?
    Bien. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, je pense que toute reproduction qui est faite, y compris en vertu de la nouvelle exception pour l'éducation, doit malgré tout demeurer équitable. Il serait fallacieux de prétendre qu'il ne va y avoir aucune reproduction qui est présentement rémunérée et qui relèverait dorénavant de la catégorie utilisation équitable, mais, par définition, toute reproduction qui serait jugée admissible, selon l'analyse faite par la cour, serait équitable.

[Français]

    Merci.
    Madame D'Agostino?

[Traduction]

    Je pense que la disposition sur l'utilisation équitable, dans son libellé actuel, aura des conséquences non voulues, en grande partie parce qu'elle laissera aux tribunaux le soin de préciser exactement le sens du terme « éducation ». Si l'on se place du point de vue du créateur, devrait-on, par exemple, penser à une école privée qui enseigne l'anglais langue seconde et qui photocopie des livres aux fins de l'enseignement de l'anglais?
    Vous dites que cela susciterait des pertes de revenu pour les créateurs.
    C'est une possibilité.
    Il est indubitablement vrai que cela amènera des pertes de revenus pour les créateurs. Ce ne sera pas simplement la redevance de reproduction mécanique par les radiodiffuseurs, qui prend une situation existante, avec un tarif existant, et qui enlève une somme que la Commission du droit d'auteur a déjà fixée.
    En ce qui concerne l'exception pour l'éducation, je pense que c'est tout à fait le cas, car, par définition, certaines utilisations sont des utilisations gratuites qui auraient auparavant donné lieu à une rémunération, alors il y aura définitivement là perte de revenus. Avec la disposition en matière de CGU, par exemple, il y aurait perte de revenus, car cela est aujourd'hui assorti d'une valeur monétaire aux États-Unis et en Europe, mais ne le sera pas au Canada, et il y a d'autres exemples encore.
    Un instant, mesdames et messieurs. La sonnerie nous appelle, et si nous allons poursuivre encore quelque temps avant les votes — ce devrait être une sonnerie d'une demi-heure —, il nous faudra le consentement unanime du comité pour continuer.
    Est-ce le même vote? Est-ce le vote de 18 heures?
    Non, il s'agit d'un vote qui est maintenant annoncé.
    Monsieur Galipeau, demandez-vous le consentement unanime?
    Je propose le consentement unanime pour 15 minutes.
    Avons-nous le consentement du comité?
    Ne serait-il pas préférable de partir, si nous allons le faire, mettons, cinq minutes à l'avance? C'est juste au bout du couloir. Je ne pense pas qu'il nous faille 15 minutes. Je ne veux vexer personne, mais c'est cinq minutes, après quoi nous reviendrons.
    Le président: Bien. Tout le monde est-il d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Bien, nous allons poursuivre. Merci.
    Monsieur Rodriguez, vous avez la parole.

[Français]

    Les gens du Barreau du Québec ont dit que le projet de loi C-32 n'était pas...
    Excusez-moi, mais mon collègue m'a rappelé que les whips, s'ils croient que tout le monde est présent à la Chambre, peuvent s'avancer et commencer avant la demi-heure en question. Ce n'est donc pas une bonne idée de poursuivre de cette façon, jusqu'à la dernière minute.

[Traduction]

    D'accord, 15 minutes...

[Français]

    Monsieur le président, on a entendu la cloche nous annonçant la tenue d'un vote. Pourquoi ne fermons-nous pas nos livres et ne revenons-nous pas immédiatement après le vote? Je pense que ce serait la chose la plus raisonnable à faire.

[Traduction]

    Ce qu'elle est en train de faire c'est de refuser le consentement unanime.

[Français]

    Non, c'est que je ne suis pas d'accord.

[Traduction]

    Il a déjà été demandé le consentement unanime. Nous nous sommes entendus sur 15 minutes, puis il y a eu consensus général pour 20, alors rendons-nous à la Chambre dans 15 minutes à partir de maintenant.

[Français]

    Mais on n'a pas le consentement unanime, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous avons obtenu le consentement unanime pour 15 minutes, alors nous allons poursuivre jusqu'à 16 h 15. Les membres du comité peuvent partir s'ils le souhaitent, mais nous avons obtenu le consentement unanime pour 15 minutes.
    Poursuivez, monsieur Rodriguez.
    Est-ce certain que j'ai maintenant le feu vert?
    C'est à vous. Nous déclencherons le chronomètre lorsque vous commencerez.
    Il me reste toujours cinq ou six minutes, n'est-ce pas?
    Non, vous avez une minute et 50 secondes, monsieur Rodriguez.

[Français]

    Les gens du Barreau du Québec ont dit que le projet de loi C-32 n'était pas conforme aux normes internationales. Êtes-vous d'accord avec eux?

[Traduction]

    Absolument pas. Lorsqu'on examine certaines des dispositions portant sur l'utilisation équitable ou les verrous numériques ou autres, il est clair que le projet de loi a été validé par ceux qui connaissent les normes en droit international, et je pense que la loi est conforme dans son libellé actuel. Cela ne veut pas dire que je ne souhaite pas voir de changements, mais je pense que le texte est conforme dans son libellé actuel.
(1600)

[Français]

    Madame D'Agostino?

[Traduction]

    Je saisis bien le sentiment qui anime ce commentaire. Peut-être que si nous revoyions le test en trois étapes et les droits des créateurs, si nous examinions la disposition en matière d'utilisation équitable, et peut-être celle portant sur le CGU, alors le texte serait possiblement contraire au droit international.
    À mon avis, il y a plusieurs dispositions qui ne seraient pas conformes au test en trois étapes. À mon sens, l'éducation, dans le libellé actuel, ne constitue pas un cas spécial. Cette disposition aurait des conséquences sur le marché et causerait un préjudice injustifiable aux intérêts des auteurs. La disposition en matière de CGU ne correspond elle non plus à un cas spécial. Elle s'applique très largement. Elle minerait le marché et causerait un préjudice injustifié.
    Il y aurait donc lieu de débattre de tout cela, car il n'a pas été clairement établi si certains articles sont ou non conformes.

[Français]

    Est-ce qu'il me reste du temps?

[Traduction]

    Vous avez 30 secondes, monsieur Rodriguez.

[Français]

    Les fournisseurs de services Internet disent toujours qu'ils ne sont responsables que du « tube » et qu'ils ne devraient pas avoir d'autres obligations. Étant donné leur rôle, ne devraient-ils pas être davantage responsabilisés?

[Traduction]

    Absolument, il devrait y avoir une responsabilité, et je pense que l'approche du projet de loi en ce qui concerne l'avis et avis établit une responsabilité de la part du FSI. Ce mécanisme impose des coûts considérables au FSI, mais il tient également compte de l'expérience vécue dans d'autres pays et tente d'établir le bon équilibre, afin qu'il y ait des recours pour les titulaires de droits et des protections appropriées en matière de vie privée et autres pour les utilisateurs.
    Merci beaucoup.
    Il nous faut maintenant passer à Mme Lavallée. Vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Vous parlez d'un projet de loi soi-disant équilibré, et j'avoue ne pas du tout vous comprendre. Quand on le lit, on voit qu'il comporte un bon nombre d'exceptions. Le Bloc québécois, les artistes du Québec, toute une série d'organismes, que je pourrais vous nommer, du domaine de la culture ou des droits des consommateurs, de même que le Barreau du Québec, trouvent que ce projet de loi est déséquilibré. Savez-vous pourquoi?
     Une des raisons est que nous analysons la question différemment. Notre approche n'est pas la même. En anglais, vous parlez de copyright, soit du droit de copier. En français, et selon nos valeurs québécoises, nous parlons du droit d'auteur et de la Loi sur le droit d'auteur, donc d'une loi qui porte sur les droits des auteurs. Nous sommes respectueux de ces droits. Chaque nouvelle exception incluse dans cette loi est donc pour nous une nouvelle violation des droits des auteurs. Ça fait toute la différence au monde, notamment au Québec, mais surtout dans le milieu artistique. Il s'agit d'une loi qui a pour rôle de défendre leurs droits, mais chaque fois qu'on inclut une exception, on leur enlève un de ces droits.
    C'est tellement vrai que trois mesures de ce projet de loi vont priver les créateurs de contenu artistique de 74,8 millions de dollars. La non-modernisation du système de copie privée leur enlève 13,8 millions de dollars. Pour ce qui est de l'exemption relative à l'éducation, je tiens à vous dire que le non-respect des droits d'auteur est un très mauvais message à transmettre aux enfants et aux étudiants. En effet, parce qu'ils étudient, ils sont autorisés à ne pas payer de droits d'auteur. Je ne sais pas comment vous pouvez défendre un truc semblable. Demain matin, lorsque la loi aura été adoptée, on pourra copier allègrement ce magnifique livre que vous avez en prenant l'éducation pour prétexte. Ce sera peut-être même dans une auto-école.
    Dans le cas de l'exemption relative à l'éducation, on parle de 40 millions de dollars de moins, et dans celui de l'abolition de l'enregistrement éphémère, de 21 millions de dollars de moins. À elles seules, trois de ces exceptions représentent une baisse de 74,8 millions de dollars. Monsieur a très bien décrit l'« exception YouTube », un peu plus tôt. On indique que c'est à des fins non commerciales, mais jamais auparavant on n'a octroyé à la population des droits d'utilisation qui n'exigeaient même pas le consentement de l'auteur.
    Le fait que les dommages pré-établis soient plafonnés à 20 000 $ dans le cas des oeuvres musicales n'a aucun sens. Autrement dit, n'importe quel individu voulant pirater une oeuvre musicale n'a qu'à trouver la somme de 20 000 $ et à attendre les poursuites. Le verrou numérique, en revanche, est une mesure dont la grande entreprise a particulièrement besoin, notamment l'industrie du logiciel de jeux. Or une personne qui contourne un verrou numérique est passible de sanctions pénales d'une valeur d'un million de dollars et d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Voyez-vous la différence? Quand on viole des droits reliés à une oeuvre musicale, la sanction est de 20 000 $, mais quand on contourne un verrou numérique, il s'agit d'un million de dollars. Cette disposition du projet de loi est nettement à l'avantage de la grande entreprise. Deux poids, deux mesures.
    Ce déséquilibre se ressent à plusieurs niveaux. Comme je veux vous laisser le temps de réagir — et de toute façon, il va y avoir un deuxième tour —, je vais tout de suite vous céder la parole.
(1605)

[Traduction]

    Merci. Je répondrai de deux manières. Premièrement, je répéterai le fait que l'idée qu'il y a des gens qui pourront faire n'importe quel genre de reproduction et prétendre qu'ils le font à des fins éducatives, un point c'est tout, ne correspond fondamentalement pas à ce que dit le projet, ni à ce que prévoit la loi. La loi dit que les gens peuvent commencer par cela, déclarer que l'activité est à des fins éducatives, mais cela sera toujours assujetti à une analyse du caractère équitable. En fait, je répéterai que la Cour d'appel fédérale a justement examiné cette question au sujet des reproductions à des fins éducatives cet été — dans des contextes où cette utilisation existait déjà en tant que catégorie — et a déterminé qu'une indemnisation était toujours due. La notion que tous les revenus disparaissent est fondamentalement contraire à la loi.
    J'aimerais également me prononcer sur cette notion voulant que toute exception est anti-créateurs. Sauf tout le respect que je vous dois, je ne pense tout simplement pas que ce soit le cas. Nous pouvons, certes, comprendre que les exceptions comme la parodie et la satire sont conçues tout particulièrement pour les créateurs; elles sont conçues pour veiller à ce que ceux qui s'engagent dans le processus de la création aient la possibilité de le faire sans crainte de poursuites. La même chose est vraie pour certains autres domaines. Même dans le cas du CGU, de l'exception pour les produits de type remixage, l'on parle d'une nouvelle génération de créateurs, ceux que nous voulons, je l'espère, enhardir et à qui l'on veut permettre de foncer et de créer.
     À certains égards, l'actuelle Loi sur le droit d'auteur érige des barrières à cette créativité. Il faudra, au bout du compte, traiter de certaines des exceptions que nous voyons dans la loi, ainsi que des verrous numériques, qui peuvent eux-mêmes constituer un problème de taille pour les créateurs, dans leur désir de créer.

[Français]

    En ce qui a trait à l'exception liée à l'éducation, des hauts fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien et des Langues officielles, et de celui de l'Industrie sont venus cette semaine et n'ont pas nié le fait qu'il y avait une exception pour l'éducation. Ils nous ont dit qu'une des choses qu'il faudrait faire serait de définir ce qu'on entend par le mot « éducation ».
    Malgré ce que vous dites, ils ont dit qu'il y avait bel et bien une exception pour l'éducation.

[Traduction]

    Pour poursuivre là-dessus, j'aimerais voir — et ceci découle de mes remarques liminaires — une certaine clarté quant à ce que l'on entend par « éducation ». Il s'agit d'un terme très large. Oui, nous avons la recherche, l'étude privée, la critique, et le compte rendu, mais ces éléments-là ont résisté au test de la jurisprudence. Nous allons retourner à la planche à dessin et maintenant soumettre le terme « éducation » aux tribunaux pour qu'ils tranchent, alors que nous pourrions être en train de le faire ici dans cette salle.
    Madame Lavallée, je suis d'accord avec une grande partie de ce que vous dites, particulièrement lorsque vous évoquez la notion de droit d'auteur et son importance au Québec. Parfois, malheureusement, dans le Canada anglais, nous ne voyons pas les choses sous cet angle. Votre argument est très valide et le Bureau du droit d'auteur mentionne ce point.
    On peut voir l'importance de ce concept relativement à l'exception CGU, où la notion fondamentale que l'auteur puisse contrôler l'utilisation faite de l'oeuvre, avec quoi elle est utilisée et avec quoi elle est associée, est absolument fondamentale. En l'occurrence, cette exception ne concerne pas que les petits mixages; elle est beaucoup plus large, ce qui aurait des ramifications réellement importantes sur le droit d'auteur.
    Pour ce qui est de votre autre doléance, je conviens aussi que, vu la manière dont les exceptions sont formulées, elle conduirait à beaucoup de copies sans indemnisation, mais la disposition sur le changement de support, par exemple, est libellée de façon suffisamment large pour autoriser le téléchargement horizontal à partir de l'ordinateur d'autres personnes. Ce ne peut être voulu. Cela permettrait à une personne de copier tout le contenu de son iPod ou ordinateur sur l'ordinateur de quelqu'un d'autre, ce qui encore une fois n'est pas voulu. L'intention doit être de copier uniquement pour son propre usage, et non pas pour l'usage privé de quelqu'un d'autre.
    Enfin, par rapport aux dommages-intérêts préétablis, vous présentez un excellent argument en parlant de l'interrelation entre les dommages-intérêts préétablis et le comportement. Par rapport aux dommages-intérêts préétablis, le projet de loi dit en substance aux gens qu'ils peuvent copier autant qu'ils veulent sur leur ordinateur ou iPod, peu importe combien de fois, car la peine maximale dont ils sont passibles est de 5 000 $. Une fois que l'on copie, pourquoi ne pas copier autant que possible?
    Nos partenaires commerciaux s'efforcent d'envoyer des signaux pour signifier que ce genre de comportement n'est pas approprié. Les dommages-intérêts que nous établissons envoient le message précisément inverse aux consommateurs, à savoir qu'il n'est pas nécessaire d'acheter légalement. Autant copier le maximum, car si vous êtes pris, l'amende est plafonnée.
(1610)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Angus, il nous reste environ cinq minutes. Je vous laisse décider si vous voulez suspendre la séance maintenant. Acceptez-vous de scinder votre temps?
    Je vais scinder mon temps, monsieur le président.
    D'accord. Nous passons à M. Angus, pour sept minutes.
    Madame D'Agostino, j'ai été intéressé par votre recommandation sur l'utilisation équitable, mais je dois avouer que je ne comprends pas très bien ce que vous préconisez.
    Le droit d'utilisation éducative a été défini par la Cour suprême, et il me semble donc qu'il nous incombe d'intégrer ce droit tel que défini par la Cour suprême dans la loi, mais de manière suffisamment claire pour empêcher une société de faire de la formation en prétendant que c'est de l'éducation, ou d'empêcher une société privée à but lucratif de s'abriter derrière ce droit. Nous devrions pouvoir trouver une formulation qui définit les choses de manière à ne pas autoriser les gens à piller des bibliothèques et des manuels entiers en prétendant que c'est une utilisation équitable.
    Quel libellé précis proposez-vous qui assurerait cette clarté?
    Eh bien, je garderais le cadre assez souple pour que le gouvernement puisse agir par voie de réglementation. Nous avons mis en place tout un mécanisme pour formuler précisément ce que nous entendons par éducation.
    Par exemple, je me demande si les mallettes pédagogiques des universités sont couvertes. Ce n'est toujours pas clair à mes yeux. Il y a aussi l'exemple que j'ai soulevé, celui d'une école d'enseignement de l'anglais langue seconde; là non plus ce n'est pas clair pour moi.
    Si nous considérons l'arrêt CCH et les six facteurs, en un sens je ne pense pas que la disposition serait très largement interprétée, car nous avons le filet de sécurité des facteurs CCH. Mais ce n'est jamais là que mon opinion et je n'ai pas de certitude. J'aimerais un peu plus de certitude et que l'on rassemble un peu plus de preuves afin d'avoir une approche plus concrète fondée sur les faits. C'est pourquoi je ne suis pas réellement rassuré. Je pense et j'ai l'impression qu'il manque quelque chose. Si l'on va inscrire un tel terme dans la loi, je ne sais tout simplement pas si l'on va réellement arriver au but recherché. Nous devrions peut-être examiner la question de plus près pour voir s'il y aurait autre chose à faire.
    D'accord. Merci.
    Monsieur Geist, vous et moi étions tous deux à la conférence de l'Université McGill à laquelle Bruce Lehman, l'auteur de la loi DMCA, a pris la parole. M. Lehman a choqué tout le monde car il a dit qu'il estime que la DMCA est un échec et il a exhorté le Canada à ne pas faire la même chose que lui.
    Ensuite il a ajouté quelque chose que j'ai trouvé très troublant. Il a dit que nous étions en quelque sorte dans une ère post-droits d'auteur, en ce sens que lorsque des millions de personnes choisissent de totalement ignorer les droits d'auteur, ces derniers n'ont plus leur place.
    Je ne crois personnellement pas cela, mais ce qui m'inquiète avec ce projet de loi, c'est que les gens vont continuer de faire ce qu'ils font de toute façon. Plusieurs personnes m'ont dit cela au sujet de la disposition sur le verrou numérique relativement à l'article 29.22 qui donne le droit de reproduire à des fins personnelles lorsqu'il n'y a pas de mesure technique de protection et à l'article 29.23 sur le droit d'écoute en différé lorsqu'il n'y a pas de mesure technique de protection, et relativement aux droits d'utilisation éducative.
    Si les gens vont ignorer la loi, comment la faire respecter? C'est la question que je me pose: comment forcer les gens, par exemple, à détruire leurs notes de classe après 30 jours? Comment leur faire comprendre qu'ils ne peuvent pas garder toute une bibliothèque? Une fois que les gens voient cela comme une affaire sans importance, alors toute la légitimité du droit d'auteur est en péril.
    Pensez-vous qu'il faudrait mieux orienter le projet de loi de façon à établir des règles claires sur la manière dont le droit d'auteur est appliqué et ne l'est pas, de telle façon que si la loi garantit des droits aux citoyens, ils puissent s'en prévaloir?
    Il y a là plusieurs choses. Premièrement, s'il s'agit d'un droit du citoyen et si nous allons admettre que des procédés comme l'écoute en différé ou le changement de support sont appropriés et moraux, alors la loi doit refléter cela et je ne pense pas qu'il soit approprié de dire que ce droit peut tout simplement disparaître du fait de l'existence d'un verrou numérique.
    Si c'est un droit et une pratique conforme à la morale que nous sommes nombreux à épouser, alors il est approprié d'enregistrer une émission de télévision ou de transférer une vidéo sur un autre support. Si c'est bien le cas, alors la loi doit refléter cela et la notion que le droit puisse être perdu du fait de la seule existence d'un verrou numérique est fondamentalement erronée.
    Mais permettez-moi de parler un instant du volet exécution. La question de l'exécution est importante car je pense qu'à bien des égards les verrous numériques punissent les gentils. Ceux qui veulent contrefaire, franchement, ne vont pas se priver, qu'il y ait un verrou ou non.
    Ceux qui vont respecter les dispositions relatives au verrouillage sont les établissements d'enseignement, les enseignants et les étudiants faisant leurs devoirs. D'emblée ils signent des engagements éthiques qui indiquent ce qui est permis et ne l'est pas. Si vous êtes un chercheur et présentez une demande de subvention pour un projet impliquant un contournement, vous n'obtiendrez pas la subvention car vous violez la loi. Imposer des dispositions sur le verrouillage qui sont en contradiction avec les autres contrepoids que nous avons déjà dans le monde non numérique punit en fin de compte ceux qui cherchent à respecter la loi.
    La vérité — et c'était là le propos de Lehman — est que l'expérience à l'étranger où ces règles ont été mises en place montre que les verrous numériques sont largement ignorés par les pirates et respectés par ceux qui veulent se conformer à la loi. Ces règles reviennent à punir ces gens-là.
(1615)
    Êtes-vous d'accord avec ce qu'avancent certains universitaires, à savoir que la création de ce double palier de droits, le verrouillage numérique prenant préséance sur des droits garantis dans d'autres dispositions de la Loi sur le droit d'auteur, va donner lieu à une contestation constitutionnelle?
    Il ne fait aucun doute que nous verrons une contestation constitutionnelle. Un certain nombre de spécialistes l'ont fait valoir dans une analyse de la place du droit d'auteur dans notre Constitution. Plus l'on s'éloigne du droit d'auteur et plus l'on met l'accent sur l'exercice fondamental de vos propres droits de propriété et moins l'on est dans le domaine du droit d'auteur à proprement parler.
    Lorsque vous avez une loi qui dicte, à toutes fins pratiques, ce qu'une personne peut et ne peut pas faire avec son propre bien personnel — je ne parle pas de quelqu'un qui veut contrefaire mais du comportement privé d'une personne et de l'usage de son bien personnel — et surtout lorsqu'on introduit des aspects tels que des verrous contrôlant l'accès, aux yeux de beaucoup on ne se situe plus du tout dans le domaine des droits d'auteur. Nous sommes alors dans le domaine du droit de propriété personnelle et, franchement, cela est du ressort des provinces et non du gouvernement fédéral.
    Merci.
    Monsieur le président, combien de temps reste-t-il? Je peux m'arrêter maintenant.
    Je peux vous accorder encore une minute, et ensuite votre tour sera terminé.
    Parfait.
    Monsieur Sookman, vous avez mentionné la question du tarif de reproduction mécanique des radiodiffuseurs. Je m'intéresse à la question car nous avons dans le projet de loi certaines indemnités auxquelles les créateurs et auteurs avaient droit auparavant et qu'ils vont perdre. Je trouve cela une décision étrange du gouvernement.
    J'étais intéressé par un jugement récent de la Cour d'appel des Pays-Bas. Dans cette affaire, quelqu'un disait que les auteurs avaient le droit d'être indemnisés même pour les téléchargements illégaux, car le test à trois étapes de Berne dit que s'il existe un droit à indemnité, ce droit persiste. Il ne peut être enlevé.
    Pensez-vous qu'il y a une obligation de ne pas porter préjudice au droit de l'artiste si nous avons des régimes d'indemnisation qui vont dorénavant disparaître?
    Merci de la question, monsieur Angus.
    J'espère qu'ultérieurement j'aurai l'occasion de répondre à l'autre partie de votre question, celle dont le professeur Geist a traité, car je ne suis pas d'accord avec lui.
    En ce qui concerne cette situation, je crois que les artistes perdent des revenus, comme vous l'avez dit. Le tarif de reproduction mécanique des diffuseurs est un exemple.
    Est-ce une violation constitutionnelle? Je crois que la réponse est clairement non. Le Parlement a le pouvoir de légiférer en matière de droit d'auteur et, à mon avis, même à l'égard des MTP il possède le pouvoir constitutionnel de légiférer étant donné la manière dont la Loi constitutionnelle a été interprétée. Du moment que c'est le complément d'un régime de droit d'auteur, il a le pouvoir constitutionnel. Il ne fait aucun doute que les MTP sont dans ce cas.
    Pour ce qui est de la reproduction mécanique, c'est une question de politique: est-ce une bonne ou une mauvaise mesure? Je pense que beaucoup ont été pris par surprise, franchement. Je crois que les ayants-droit n'ont rien vu venir. Le Parlement peut l'adopter s'il le veut, mais le devrait-il, c'est là une autre question.
    Il peut donc le faire sans...
    Merci beaucoup. Nous devons maintenant suspendre la séance.
    Nous reviendrons dans 15 minutes une fois que le résultat du vote sera annoncé, avec l'indulgence de nos témoins. Merci beaucoup.
    La séance est suspendue.

(1645)
    Je déclare la reprise de la séance.
    Au cours de ce premier tour, il nous reste une période de questions de sept minutes. Nous passons au Parti conservateur.
    Allez-y, monsieur Lake.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui. C'est un bon début d'audition de témoins.
    Je vais commencer par M. Geist. C'est une courte question préliminaire avant d'aborder le thème de mes autres questions.
    Pour que ce soit clair, je crois que vous êtes un créateur et que vous touchez des droits pour vos oeuvres. Est-ce exact? Pouvez-vous expliquer comment cela pourrait fonctionner pour vous personnellement, en tant que créateur?
(1650)
    Certainement, absolument.
    Comme beaucoup d'universitaires, j'écris et publie. Ce livre est un exemple, mais il y en a beaucoup d'autres.
    Je pratique ce que je prêche en ce sens que mon approche est de rendre ce livre disponible sous forme imprimée et que j'offre également son téléchargement gratuit par le biais d'une licence de Creative Commons. Notre éditeur — un éditeur d'ouvrages juridiques ordinaire, Irwin Law — a constaté que c'est un modèle commercial viable que d'offrir le livre à la vente ainsi que de l'offrir par téléchargement gratuit. Il constate que ce modèle ouvert lui permet de vendre davantage de livres et je crois que c'est vrai pour un nombre croissant de gens.
    Nous parlons ici d'un éventail de modèles différents. Certains peuvent être fermés et d'autres peuvent être ouverts. Tous, en fin de compte, respectent néanmoins le droit d'auteur et c'est ce que je fais certainement avec certains des choix que j'opère relativement à mes propres écrits.
    Très bien. Je pense que ce qui est important pour vous, le créateur, c'est la liberté de choisir si vous voulez offrir l'ouvrage gratuitement ou contre rémunération et la possibilité de réaliser certains revenus.
    Il est absolument crucial que les créateurs puissent faire ces choix, mais le droit d'auteur impose également certaines limites à ces choix — des limites en ce sens qu'il existe des exceptions. Il existe des droits d'utilisateur dont moi, en tant que créateur, ne puis empêcher l'exercice. Tout l'équilibre repose là-dessus. Bien sûr, je peux choisir le modèle économique et je peux choisir l'éditeur. Je peux choisir une série d'éléments, mais néanmoins, une fois que quelqu'un a acheté l'ouvrage ou y a accédé de manière appropriée, cette personne acquiert également une série de droits, et donc lorsque nous parlons de la recherche d'un équilibre approprié en matière de droit d'auteur, cet équilibre doit respecter et les créateurs, qui créent, et les droits des utilisateurs, et englobe aussi parfois les limites qui circonscrivent certains de ces droits des créateurs.
    Très bien.
    Je vais changer un peu de sujet. Nous avons eu davantage d'interventions et de réunions sur ce texte de loi que nous n'en avons jamais vu sur aucune autre. Il y a beaucoup de commentaires positifs, mais je soupçonne que les témoins qui comparaissent devant le comité vont surtout nous parler de ce qu'ils aimeraient voir modifié.
    J'aimerais que vous nous disiez de façon succincte ce que vous aimez dans ce projet de loi. Quels sont les meilleurs aspects, les changements positifs les plus importants dans ce texte?
    Je vais commencer par M. Sookman et aller de droite à gauche en l'occurrence. Si vous pouviez être relativement succinct, ce serait excellent.
    Merci, monsieur Lake. J'apprécie la question.
    La première chose à mentionner est le fait que nous avons un projet de loi et qu'il est rendu en comité. Il est réellement essentiel pour l'économie canadienne que nous avancions avec ce projet de loi et aboutissions à un texte pouvant être adopté. On ne peut en sous-estimer l'importance pour les entreprises canadiennes, les emplois canadiens et les Canadiens eux-mêmes qui veulent créer de nouveaux modèles économiques et avancer, et le fait que nous fassions ce travail est bien en soi. Le projet de loi est un début.
    Pour ce qui est des dispositions, j'en mentionnerai d'abord quelques-unes. Premièrement, le fait que nous mettions en oeuvre les traités de l'OMPI est un développement très positif. D'aucuns disent que les traités de l'OMPI sont désuets; ce n'est pas du tout vrai. Ce sont des traités tournés vers l'avenir. Ils sont utilisés avec succès par ceux de nos partenaires commerciaux qui les appliquent.
    Les dispositions sur les mesures techniques de protection sont absolument essentielles aux nouveaux modèles économiques que l'on voit apparaître dans le monde. Ces modèles ne peuvent tout simplement pas être réalisés sans la protection légale des MTP.
    L'autre disposition que je mentionnerai, simplement par manque de temps, est celle concernant la facilitation. Je pense que sa présence fera savoir clairement aux intermédiaires pirates qu'ils n'ont pas leur place au Canada. Nous ne sommes pas un pays où ces destructeurs de richesse seront les bienvenus. À condition que ces deux dispositions soient ajustées de façon appropriée, elles représentent un élément très important de cette loi.
    Très bien.
    Pina, avez-vous un commentaire?
    Je suis heureuse de la question.
    J'apprécie le stade auquel nous sommes et d'avoir une discussion franche sur des enjeux importants.
    J'aime aussi la façon dont le gouvernement s'efforce véritablement de parvenir à un équilibre dans le projet de loi. Cet effort transparaît dans différentes dispositions et il est manifeste dans le projet de loi.
    En outre, les photographes reçoivent les mêmes droits que les autres créateurs. Il y a aussi un surcroît de droits pour les interprètes, et une exception pour les personnes ayant des déficiences perceptuelles, et j'aime ces aspects.
    Très bien.
    Monsieur Geist, quel est votre avis?
    Moi aussi je suis heureux que nous en soyons à ce stade. Nous sommes tous d'accord là-dessus.
    Je pense que les meilleures dispositions sont celles qui recherchent véritablement un compromis, qui devient si essentiel en matière de droit d'auteur. Je crois que nous le voyons dans les dispositions relatives aux fournisseurs de services Internet avec l'approche des avis successifs. On le voit aussi sur le plan de l'utilisation équitable. Je crois que nous le voyons à l'égard des dommages-intérêts préétablis qui s'attaquent aux cas évidents de piraterie commerciale et leur appliquent des pénalités très lourdes tout en reconnaissant que des poursuites à hauteur de plusieurs millions de dollars contre des particuliers sont parfaitement insensées.
    Bien sûr, j'aimerais des améliorations sur le plan des verrous numériques et ces nouvelles dispositions touchant la consommation, en ce sens que le projet de loi donne d'une main et reprend de l'autre. Je trouve tout à fait approprié d'autoriser les changements de support, les enregistrements éphémères et les copies de secours, mais assujettir tout cela à la non-existence d'un verrou numérique consiste à donner d'une main et à reprendre aussitôt de l'autre.
(1655)
    Je vais malheureusement manquer de temps et je ne sais pas si vous aurez tous l'occasion de répondre à la question suivante, mais je vais commencer de nouveau avec M. Sookman.
    Avez-vous entendu les autres témoins — et je ne cherche pas ici une bagarre ni une polémique — tenir des propos avec lesquels vous n'êtes pas d'accord?
    Peut-être les autres auront-ils le temps plus tard de répondre également.
    Merci, monsieur Lake.
    J'aimerais répondre à quelques remarques du professeur Geist en réponse à la question de M. Angus. Je conviens qu'il nous faut un ensemble de règles très claires, mais je suis fondamentalement en désaccord avec la nature de ces règles. En outre, je ne pense pas qu'une personne qui achète un produit muni d'un verrou numérique devrait avoir le droit purement et simplement de contourner ce verrou et je ne crois pas que l'on puisse parler de préséance à cet égard.
    Les MTP sur les produits existent pour rendre possible des modèles économiques et si vous regardez dans le monde, ces modèles économiques sont des modèles d'abonnement, des modèles de location-achat et des modèles d'acquisition qui ne peuvent exister sans la protection légale des MTP. Si une personne pouvait simplement acheter un produit à diverses conditions et ensuite contourner la MTP, il n'y aurait plus aucune incitation à lancer de tels produits ou, s'ils étaient lancés, il n'y a aucune raison de penser qu'ils seraient offerts à des prix plus bas pour le consommateur. Au contraire, les entreprises se sentiraient obligées de tarifer un produit pour l'usage maximum possible, ce qui pénaliserait le consommateur.
    La dernière remarque que je ferais à ce sujet, si vous le permettez, monsieur Lake, est qu'il ne s'agit pas là que de l'intérêt du consommateur. Il y a aussi les entreprises canadiennes et nos emplois, et chaque fois qu'une copie est réalisée sans rémunération, comme le préconise le professeur Geist, quelqu'un se fait voler ou quelqu'un perd son emploi. J'estime que ce genre de politique pose un réel problème.
    Je crois que M. Geist aimerait réagir à cela, mais je crois que le président va lui couper la parole.
    M. Del Mastro vous donnera le temps voulu, monsieur Geist.
    Bien. Merci beaucoup.
    Nous allons passer maintenant au Parti libéral. Monsieur McTeague, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins de leur présence. Nous avons longtemps attendu votre venue, dans mon cas c'est au moins depuis 2005. Je m'intéresse beaucoup à ce domaine, même si ce n'est pas depuis aussi longtemps que M. Geist.
    Il y a récemment eu du nouveau concernant Pirate Bay, le plus grand site BitTorrent de partage illégal de fichiers de poste à poste. Vous verrez que c'est un thème que j'ai abordé avec les fonctionnaires la semaine dernière.
    The Pirate Bay a récemment perdu un appel d'une condamnation pour violation de droit d'auteur en Suède. Le tribunal, comme vous le savez, a jugé que « The Pirate Bay a facilité le partage illégal de fichiers d'une manière créant une responsabilité criminelle pour ceux gérant le service ». Les trois fondateurs du site ont été condamnés à une peine de prison et une amende de 6,5 millions de dollars, je crois.
    En 2008, les procureurs affirmaient que The Pirate Bay avait 2,5 millions d'utilisateurs inscrits, et atteignait une pointe de plus de 10 millions d'utilisateurs téléchargeant simultanément des fichiers, et gagnait 4 millions de dollars par an de recettes publicitaires. Il était clair que ce site était, en quelque sorte, une entreprise de haut volume et très lucrative.
    J'aimerais vous poser la question à tous les trois. Comment le projet de loi C-32 empêcherait-il, pour autant qu'il le fasse, des sites similaires à The Pirate Bay — des sites qui facilitent la distribution massive de copies non autorisées d'oeuvres — de fonctionner ici au Canada.
    Je vais commencer avec vous, monsieur Sookman, et passerai ensuite aux autres.
    Merci beaucoup, monsieur McTeague.
    C'est une très bonne question. Je pense que la disposition relative à la facilitation serait l'un des outils qui produirait un résultat similaire au Canada. Si vous prenez The Pirate Bay, le site n'est pas directement responsable des violations. Ce que fait The Pirate Bay, c'est faciliter la violation par autrui. Le point important ,c'est qu'avec quelques ajustements le projet de loi donnera suffisamment d'outils, peut-on espérer, pour fermer des sites similaires à Pirate Bay au Canada.
    Le deuxième élément est que dans le cas de The Pirate Bay, le droit de « mise à disposition » a également été utilisé pour prouver que les fichiers étaient partagés, et cela a été utile.
    Bien sûr, au Canada, nous avons des problèmes similaires à The Pirate Bay. Nous avons isoHunt, qui est le deuxième plus gros site BitTorrent au monde. C'est le plus gros du Canada. Nous avons sept autres sites BitTorrent en service au Canada, et de nombreux sites Leech et d'autres encore. L'affaire Pirate Bay est un bon révélateur et mérite que l'on y réfléchisse. Nous avons nous aussi ces problèmes à régler au Canada et la disposition sur la facilitation sera un bon outil à cet égard.
(1700)
    Madame D'Agostino, votre avis?
    Nous avons actuellement un bon signal dans le projet de loi, un cadre d'action, pour lutter contre ce genre de conduite, ces violations. Il laisse le soin aux tribunaux, en un sens, de déterminer précisément ce que l'on entend par un service conçu principalement pour faciliter des actes de violation. Nous suivons la jurisprudence ici et j'espère que la loi sera respectée.
    Merci.
    Quelle est votre position, monsieur Geist?
    Je pense que la disposition sur la facilitation est utile à cet égard. Je n'ai rien contre elle. Je pense qu'il faudra veiller à ce qu'elle ne produise pas des conséquences imprévues. Mais si c'est là un outil qui permet de s'attaquer à cette piraterie, cela me convient. Je pense que c'est approprié.
    Il ne faut pas perdre de vue, cependant, que certains des ces outils existent déjà dans la Loi sur le droit d'auteur. L'un des problèmes a été la réticence de certains titulaires de droit de s'attaquer à ces sites en premier lieu. Dans plusieurs cas ils ont ciblé des sites BitTorrent basés au Canada, et ces sites ont fermé. Une affaire en cours concerne isoHunt. Il est clair que ces groupes seraient très désireux, ou sont prêts à arguer que le droit canadien en matière de droit d'auteur, en l'état actuel des choses, n'autorise pas certaines activités de contrefaçon.
    Il ne suffit pas que les députés légifèrent pour donner de nouveaux outils. Il faut aussi que les ayants-droit les exercent pour s'attaquer aux pirates, sachant que ceux que l'on veut cibler sont les entreprises commerciales de contrefaçons et que, dans l'ensemble, on veut laisser tranquilles les particuliers qui n'en font pas le commerce et laisser de côté la question de la propriété personnelle.
    Je comprends cela, monsieur Geist. Certes, les ayants-droit devraient saisir la justice et se défendre, mais il semble que la seule existence d'un isoHunt au Canada soit problématique et le fruit de ce qui semble être un congé légal donné à ces sociétés et d'autres sites BitTorrent.
    Permettez-moi d'aborder la question des dommages-intérêts préétablis, car elle a déjà été soulevée plus tôt. Plusieurs d'entre vous avez formulé une opinion. Dans votre cas, monsieur Geist, vous avez préconisé un plafond de responsabilité de 5 000 $, et indiqué, je crois, que cela représente un bon compromis. D'autres ont dit qu'un tel plafond équivaudrait à une autorisation de voler.
    Je me demande — et c'est quelque peu corollaire à la question précédente — si cela n'équivaudrait pas en fait à un encouragement. Les gens pourraient se dire que ce montant forfaitaire leur laisse libre cours pour multiplier les violations. Ils prendront le risque de payer ces 5 000 $ car ils pourront probablement gagner beaucoup plus avec une exploitation commerciale, ou bien ils le feront pour d'autres raisons, telles que la notoriété.
    Je m'inquiète du signal que cela enverrait aux Canadiens et aux partageurs de fichiers, à savoir que le risque de condamnation est faible et l'amende infligée faible également, ce qui irait à l'encontre même de cet équilibre que vous voyez dans ce projet de loi.
    Veuillez donner une réponse brève.
    La réponse brève couvre au moins deux points. Premièrement, les dommages-intérêts préétablis sont relativement rares. La plupart des pays ne les ont pas. Nous sommes là une exception plutôt que la règle.
    Je pense que cette notion que 5 000 $ seraient perçus par le Canadien moyen comme un permis de voler est totalement coupée de la réalité. Pour la plupart des Canadiens, 5 000 $ représentent énormément d'argent. S'il est un signal dangereux, c'est bien la possibilité d'une responsabilité à hauteur de plusieurs millions de dollars pour des particuliers auteurs de violation non commerciale. C'est ce qui se passe aux États-Unis en ce moment. Il y a plus de 30 000 particuliers confrontés à une responsabilité de plusieurs millions de dollars — ils risquent de perdre leur maison, toutes leurs économies — juste pour avoir partagé quelques chansons. Je pense que c'est fondamentalement injuste, un message injuste donné à beaucoup de particuliers. Nous voulons des lois qui s'attaquent à ceux qui facilitent la violation. Nous avons des peines financières plus lourdes, et des dommages-intérêts préétablis plus importants que tout autre pays au monde, car dans la plupart il n'existe même pas de dommages-intérêts préétablis.
    Transmettre le message qu'un Canadien individuel risque d'être condamné à payer des millions de dollars n'est pas le bon message et donner à entendre que 5 000 $ ne représentent que de la petite monnaie et ne vont pas me dissuader de partager mes fichiers tous azimuts, c'est ignorer la réalité de la plupart des Canadiens qui considéreraient 5 000 $ comme une amende extrêmement douloureuse à payer.
(1705)
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Cardin, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Je crois que nous avons une autre réponse ici.
    Puis-je répondre à cela très rapidement?
    Je n'y suis pas opposé.
    Le comité est-il d'accord?
    M. Geist n'a pas eu non plus l'occasion de répondre. Je pense que s'ils veulent aborder la question lors du prochain tour...
    Nous reviendrons à vous à ce sujet.

[Français]

    C'est à vous, monsieur Cardin, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Madame, messieurs, bonjour.
    Je veux vous demander s'il est possible d'obtenir copie d'un mémoire ou de vos réflexions, de l'ensemble de vos réflexions, sur le projet de loi C-32. Vous savez qu'au sein d'un comité comme celui-ci, vous n'avez pas la possibilité de vous exprimer totalement. Donc, ce serait très apprécié.
    Je vais vous donner l'occasion, madame D'Agostino, de vous exprimer davantage, d'aller plus en profondeur. Vous avez ouvert la porte tout à l'heure à une discussion au sujet de l'indemnisation adéquate des oeuvres des créateurs, et vous avez aussi exprimé le désir que quelqu'un vous invite à poursuivre votre réflexion. J'aimerais vous entendre à ce sujet.

[Traduction]

    Certainement, avec plaisir. Merci beaucoup.
    Je commencerais peut-être par revenir sur une question posée au professeur Geist et sa réponse concernant le choix du créateur.
    Bien entendu, différents modèles apparaissent, en grande partie grâce aux technologies qui les rendent possibles, mais parfois les auteurs n'ont pas de choix. Des procès sont intentés à cause de cela. Il y a, par exemple, la cause Robertson, en instance de jugement. Il existe des contrats standards qui manquent de clarté, qui sont couramment utilisés et que les auteurs sont contraints de signer. C'est particulièrement le cas des auteurs pigistes car il n'existe pas actuellement de cadre de droit d'auteur qui puissent répondre à ces problèmes.
    Certaines des dispositions que nous rechercherions dans une loi favorable aux créateurs, en quelque sorte, sont celles que l'on retrouve plus fréquemment en droit civil. Le Québec est un exemple, et j'ai écrit un ouvrage à ce sujet. Je viens de publier un livre intitulé Copyright, Contracts, Creators: New Media, New Rules dans lequel je passe en revue et étudie ce problème, et je me penche sur les types de contrats de droit d'auteur qui pourraient aider les créateurs.
    En un sens, le droit d'auteur ne vaut que ce que vaut le papier sur lequel il est rédigé. Si les créateurs perdent le contrôle de leur oeuvre, alors leur droit d'auteur ne vaut réellement rien, et c'est pourquoi il faut des dispositions plus robustes dans la Loi sur le droit d'auteur de façon à donner vie à ce droit et elles porteraient principalement sur les questions touchant les contrats de droit d'auteur.
    Dans les juridictions de droit civil on rencontre une litanie de termes. Je vous en dresse une liste. Vous les voyez au Québec, et en Europe continentale il existe quantité de dispositions différentes, touchant notamment les règles de formation et d'interprétation des contrats, des règles sur les fins de l'octroi, des règles sur l'utilisation, la portée et la durée; des règles d'interprétation strictes; ainsi que des clauses de rémunération. On rencontre cela dans toute l'Europe continentale. Nous n'avons rien de tel ici, à cause de l'existence en common law de la notion de liberté contractuelle, et en un sens cela fait partie de cette recherche d'équilibre que l'on voit. On considère que les parties sont libres de contracter, mais ce n'est pas vrai pour tous les créateurs.

[Français]

    Je veux revenir sur les redevances proprement dites. Un sondage a été publié en janvier 2010, dans lequel on disait que 71 p. 100 des Canadiens sont d'avis que la redevance actuelle de 29 ¢ sur les CD vierges est juste pour les consommateurs, alors que 71 p. 100 des Canadiens soutiennent que les redevances sur les baladeurs MP3 et iPod devraient être de 10 $ à 20 $. On sait que plusieurs milliers de chansons peuvent être copiées à l'aide de ces appareils.
    Il est certain que les conservateurs appellent cela des « taxes », mais nous préférons appeler cela des « redevances », qui sont en fait une rémunération de l'artiste pour sa création.
    Quelle est votre position sur les redevances qui pourraient être demandées aux propriétaires de baladeurs MP3 et iPod? Si on exigeait de 10 $ à 20 $, comme le dit le sondage, alors qu'il est question de milliers de chansons, ce ne serait pas beaucoup compte tenu aussi du prix de ces appareils. Que pensez-vous des redevances qui pourraient être appliquées aux baladeurs MP3 et iPod?
(1710)

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Cardin.
    Pour ce qui est de l'appellation, je comprends et les uns et les autres. Lorsque quelqu'un achète un BlackBerry ou un iPod chez Future Shop ou ailleurs, un montant est ajouté à la caisse. Est-ce une taxe? Son attribut est que c'est un montant venant en surcroît.
    Selon l'optique du créateur, il demande à toucher une redevance, si bien qu'il y a les deux côtés de la médaille. D'une part, un montant est ajouté; d'autre part, un certain montant irait au créateur.
    Pour ce qui est du prélèvement, je suppose que vous me demandez là mon avis personnel. Mon opinion est que la meilleure solution serait d'établir un bon cadre commercial. Je ne pense pas qu'un prélèvement réglerait le problème du partage des fichiers. Un prélèvement peut avoir sa place, mais il n'est certainement pas la solution. La solution réside dans de bonnes règles commerciales qui permettent aux créateurs de recourir à des modèles commerciaux novateurs et d'espérer de pouvoir innover.

[Français]

    C'est un peu comme si vous disiez que la fabrication du baladeur iPod a coûté de l'argent. C'est comme si on disait que les gens qui ont travaillé à la fabrication des baladeurs iPod ou MP3 n'auraient pas droit à leur rémunération.
    Pour que les gens reçoivent des redevances, est-ce qu'il y a d'autres moyens que celui d'exiger un montant fixe à l'achat d'un baladeur iPod? Dans le fond, il faut trouver les outils pour appliquer les redevances qui sont la rémunération des créateurs. Est-ce que vous avez des suggestions à ce sujet?

[Traduction]

    Monsieur Cardin, je conviens que le but ultime est d'assurer que les artistes soient payés et rémunérés pour leur travail. Je pense que tout le monde admet que les utilisations sans rémunération sont toujours préjudiciables.
    Mon opinion personnelle est qu'il faut faire plusieurs choses. La première chose à faire est de se débarrasser des destructeurs de richesse, qui donnent lieu à une masse de copies sans rémunération. Deuxièmement, il faut établir des règles telles que les gens comprennent que la chose normale à faire n'est pas de réaliser des copies illégales, mais d'acheter auprès de iTunes ou de quelque autre fournisseur légal. La rémunération est alors distribuée par ces canaux.
    La chose suivante à faire est de transmettre ces signaux par le biais de dommages-intérêts préétablis. Si vous regardez autour de nous dans le monde, vous pourriez prendre la Grande-Bretagne comme exemple. La Grande-Bretagne n'a pas de prélèvement sur les copies privées. La Grande-Bretagne a décidé que la meilleure approche ne serait pas le double avis, mais un avis ouvrant possibilité de sanction — non pas que quiconque voudrait jamais imposer de sanction, mais il se trouve que les études prouvent que si les gens savent qu'ils pourraient recevoir un avis et qu'il pourrait y avoir sanction, entre 70 et 80 p. 100 d'entre eux s'arrêteraient de copier. Vous n'allez jamais stopper le pirate acharné, mais je ne pense pas que l'on conçoive les lois pour les cas extrêmes.
    Merci beaucoup, monsieur Sookman.
    Nous allons devoir passer à M. Del Mastro pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ceci est une conversation fascinante mais je pense qu'il règne beaucoup de confusion. Premièrement, j'aimerais réagir à certaines choses que j'ai entendues, et ceci n'est pas ma question.
    Monsieur Sookman, vous semblez dire que le projet de loi représente exactement ce que vous recherchiez, particulièrement en rapport avec les sites BitTorrent et ainsi de suite. Vous souhaitez quelques changements de formulation afin de ne laisser subsister aucune échappatoire. Peut-être pourriez-vous indiquer par écrit au comité quels amendements vous souhaiteriez, particulièrement concernant la facilitation de la violation.
    Madame D'Agostino, pour abréger un peu ce que vous avez dit, il nous faut définir l'« éducation ». Si vous avez une recommandation précise à cet égard, j'aimerais l'avoir.
    Monsieur Geist, il semble qu'il subsiste toujours beaucoup de malentendus du côté de l'opposition concernant la signification d'utilisation équitable, vu ce qu'ils proposent et qui ressemble beaucoup plus à l'utilisation gratuite. Ils semblent dire que l'utilisation équitable doit être forcément gratuite. Pour la gouverne de tout le monde ici, pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer la différence entre utilisation équitable et ce que l'on a appelé « utilisation gratuite », qui est ce que d'aucuns préconisent semble-t-il?
(1715)
    Certainement.
    La notion d'utilisation gratuite est étrangère à notre Loi sur le droit d'auteur, et même étrangère à la plupart des lois sur le droit d'auteur que je connais. C'est la notion que quelqu'un a le droit illimité de copier sans verser la moindre rémunération. Un auteur peut choisir de rendre son oeuvre disponible de cette manière, mais ce n'est pas quelque chose que l'on trouve typiquement dans une loi sur le droit d'auteur.
     La nôtre n'est pas différente. En substance, notre disposition sur l'utilisation équitable, comme je l'ai mentionné au début, crée un test à deux étapes. Elle établit d'abord les catégories précises d'utilisation que l'on peut potentiellement qualifier d'équitables. D'autres pays ont carrément renoncé à tout cela. Par exemple, aux États-Unis il n'y a pas de catégorie du tout. Tout peut potentiellement être une utilisation équitable, selon leurs termes. Au Canada, il faut d'abord se ranger dans l'une de ces catégories. Les modifications contenues dans le projet de loi C-32 ajoutent de nouvelles catégories, soit la parodie, la satire et l'éducation, mais il existe aussi une deuxième étape cruciale, qui vaut aux États-Unis et aussi chez nous.
    Cette deuxième étape est une analyse complète du caractère équitable pour déterminer si l'acte de copier lui-même est équitable. C'est le test à six critères que la Cour suprême du Canada a établi, soit l'ampleur de l'utilisation, les solutions de rechange, l'impact économique ou l'effet de l'utilisation sur l'oeuvre. Voilà le test employé. Il en existe un similaire aux États-Unis.
    Cela dit, nul ne prétend que, puisque les États-Unis n'ont pas de catégories d'utilisation équitable, il est parfaitement permis d'y faire toutes les copies que l'on veut. Il existe des limites claires à l'utilisation équitable, des limites fondées sur ce test.
    Précisément la même situation existe au Canada, où les tribunaux ont établi des limites. Vous m'avez entendu dire que s'il existe des problèmes réels à cet égard, nous pourrions codifier ces limites dans la loi. Ces limites garantissent que des dizaines de millions de dollars ne seront pas perdus du fait d'un copiage sans entraves tel que les gens se diraient simplement: « Je suis admissible à une catégorie, et je peux donc copier autant que je veux. » Ils vont devoir veiller à ce que la reproduction elle-même soit équitable.
    Pour ma deuxième question, je veux revenir à un point soulevé par M. Cardin, les redevances. Le mot « royalty » est synonyme de « taxe », puisque c'était de l'argent jadis perçu pour la royauté, et ensuite on lui a donné le nom de taxe. J'aimerais votre avis à tous sur ce que l'on appelle la « taxe iPod », car je pense que ce débat l'emporte sur l'enjeu beaucoup plus vaste, soit le rétablissement d'un marché. C'est là où les artistes et créateurs gagnent le gros de leur argent et c'est là où ils se voient réellement pénalisés.
    Monsieur Sookman, diriez-vous qu'il est plus important — et je vais autoriser tout le monde à intervenir — de faire avancer ce projet de loi et de rétablir un marché et de fermer les sites pirates, ou bien de s'enliser dans une dispute sur l'opportunité de prélever une taxe iPod?
    Par ailleurs, monsieur Geist, vous pourrez aussi répondre à la question de M. Lake, s'il reste du temps.
    Merci beaucoup de la question.
    Ce projet de loi laisse de côté quantité de sujets. Si vous faites le tour du pays, les gens vous diront qu'ils ont demandé certaines choses lors des consultations et qu'ils ne les retrouvent pas dans le projet de loi. Si l'on prenait chacun de ces enjeux et disait qu'il ne faut pas avancer dans le domaine des droits d'auteurs tant que tout n'est pas réglé, nous n'irions nulle part.
    Je reconnais que cette question du prélèvement est importante pour certains, mais à mon avis il nous faut avancer. Je pense qu'il faut régler les problèmes clairs et pressants qui existent aujourd'hui et créer un cadre commercial. Je suis persuadé que cela est impératif et qu'il ne faut pas laisser ce projet de loi s'enliser et disparaître.
    Il nous faut créer un cadre commercial dynamique et avec cela des dispositions qui soient claires. Il faut assurer la clarté et la compréhension de tous les Canadiens. Le texte actuel du projet de loi C-32 a besoin de quelques remaniements, mais il faut avancer.
    Je pense que l'idée d'un prélèvement est très attrayante. Le problème est que nombre des propositions formulées, sauf mon respect, négligent maintes complications qui surgissent dans le contexte d'un prélèvement.
    Il y a des problèmes de distorsion du marché en ce sens que vous aurez des consommateurs qui iront acheter ces produits à l'étranger. Il en résultera une perte de recettes fiscales, les détaillants vont souffrir et les artistes n'auront rien du tout. Il y a le problème d'une distorsion du prix effectif de certains de ces produits, si vous regardez le modèle actuel avec les CD. Je pense aussi qu'à l'exception de la proposition de l'association des auteurs-compositeurs, qui est la plus intéressante comme point de départ d'une discussion, il se déroule un petit jeu d'appâtage-substitution, sauf mon respect. L'argument employé est qu'il faut compenser au moyen d'un prélèvement le partage répandu des fichiers, mais en dehors des auteurs-compositeurs je n'ai vu aucun groupe reconnaître que si nous optons pour le prélèvement, cela reviendra à légaliser le partage de fichiers dont ils se lamentent.
    Je ne vois pas comment on pourrait avoir et le beurre et l'argent du beurre. Si l'on propose un prélèvement pour compenser les reproductions effectuées — dans l'ensemble, comme nous le savons tous, au moyen de réseaux de partage de fichiers — alors la contrepartie devrait clairement être la pleine légalisation de ces reproductions, mais je n'ai vu encore personne le proposer. Habituellement, on ne préconise que d'élargir le même prélèvement à d'autres appareils.
(1720)
    Merci beaucoup.
    Nous allons devoir conclure le deuxième tour. Il ne nous reste que quelques minutes. Avec l'accord du comité, j'aimerais donner aux témoins quelques instants pour finir certaines réponses qu'ils n'ont pas eu le temps de terminer.
    Allez-y, monsieur Geist.
    Je saisis l'occasion pour réagir aux propos antérieurs de M. Sookman lorsqu'il disait que je préconisais toutes sortes de libre reproduction. J'espère que vous conviendrez que ce n'est pas ce que vous m'avez entendu dire au cours de ces deux dernières heures. Je prône une approche équilibrée du droit d'auteur, et non pas une qui autoriserait des reproductions sauvages sans indemnisation.
    Il importe également de revenir sur le problème économique spécifique soulevé par M. Sookman. Il a dit que certaines entreprises étaient dépendantes d'attributs tels que les verrous numériques. Alors reconnaissons également qu'un grand nombre d'entreprises dépendent de l'absence de verrous numériques, ou du moins de règles équilibrées relatives à ces verrous numériques. C'est pourquoi divers groupes — la CADA et la BCBC et d'autres groupes pouvant demander à comparaître ici — s'inquiètent de la façon dont les règles relatives aux verrous numériques sont cadrées dans le projet de loi, car ils estiment qu'elles les placent en désavantage concurrentiel.
    Prenez juste un exemple. Je parlais tout à l'heure avec M. Rodriguez de mon iPad, lui disant que mes enfants l'adorent, et jusqu'à présent je suis un client satisfait. Nous savons tous que des appareils concurrents vont faire leur apparition sur le marché, dont celui de l'une de nos plus importantes sociétés de haute technologie, Research In Motion. Si je vais renoncer au iPad et opter pour le PlayBook, voyez ce qui se passe si la disposition relative au changement de support actuel maintient la règle relative aux verrous numériques. Tous les investissements que j'aurais faits dans des livres et films électroniques seront confinés au format spécifique de l'iPad. Si je ne crochète pas cette serrure numérique, ce que je n'ai pas actuellement le droit de faire, je ne pourrais transférer ce contenu au PlayBook. En réalité, le coût pour le consommateur d'un changement d'appareil ne se limite pas au prix de celui-ci, mais devient maintenant les centaines, voire les milliers, de dollars qu'il a investis dans le contenu. Cela porte préjudice non seulement au consommateur, mais nuit aussi à la compétitivité sur le marché de certaines de nos meilleures et plus grosses entreprises.
    Merci.
    D'autres témoins ont-ils quelque chose à ajouter?
    Merci de cette occasion, monsieur le président. Je ferai valoir plusieurs choses.
    La première est que le professeur Geist parle tout à fait de libre reproduction. Au titre de l'exception pour fins éducatives, on peut copier une partie substantielle d'une oeuvre sans qu'il y ait violation. Au-delà, la reproduction serait normalement assujettie à une autorisation et une indemnisation. Si vous introduisez l'utilisation équitable pour l'éducation, le facteur équité signifie une reproduction libre et non indemnisée.
    Le deuxième point est l'exception relative au changement de support. Si l'on ouvre cela au point que quiconque peut faire du changement de support même en achetant une oeuvre dotée d'un verrou numérique, alors cela équivaut à une reproduction importante et non indemnisée qui ne fera que créer des difficultés sur le marché.
    Le postulat derrière les remarques du professeur Geist est qu'il existe un problème. Lorsque j'achète un CD, je n'ai pas de problème. Je peux le charger dans un iPod. Ce n'est tout simplement pas un problème aujourd'hui. Ces lois sont en place en Europe depuis plus d'une décennie, et les problèmes qu'il annonce n'y existent tout simplement pas.
    L'autre point à mentionner — et nous n'en avons pas traité — est qu'en raison de la façon dont les MTP sont structurés, il existe non seulement d'importantes exemptions, mais le gouvernement possède également des pouvoirs réglementaires très considérables pour résoudre tout problème: premièrement, il peut sanctionner les comportements anticoncurrentiels; deuxièmement, il peut créer de nouvelles exceptions chaque fois que nécessaire, notamment des exceptions requises pour l'exercice des droits d'utilisation équitable, lesquels englobent la recherche et l'étude privée et l'enseignement dans un contexte éducationnel; troisièmement, le projet de loi contient des dispositions permettant au gouvernement d'exiger des ayants-droit de mettre les oeuvres à disposition sur un support utilisable si les droits d'utilisation équitable ne peuvent être exercés autrement.
    Il n'existe pas de problème et il n'y aura probablement pas de problème, mais s'il s'en posait un, il pourra être résolu étant donné la façon dont les dispositions relatives aux MTP sont structurées.
    Je peux vous dire que la structure que nous avons est meilleure que celle des États-Unis, qui n'ont que le pouvoir de réglementation. Elle est meilleure que celle de l'UE, qui n'a que le pouvoir de rendre les oeuvres disponibles. Ceci est une combinaison, et avec tous ces éléments en place, je ne vois absolument pas quel serait le gros problème.
(1725)
    J'aimerais réaffirmer certains points et en développer d'autres.
    C'est toute une question d'équilibre, n'est-ce pas?
    Lorsque nous regardons les droits des ayants-droit et des créateurs, ma crainte est que si l'on n'ajuste pas les exceptions actuellement prévues dans la loi, il y aura une érosion fortuite des droits des ayants-droits et des créateurs.
    J'ai mentionné l'utilisation équitable et le contenu généré par l'utilisateur. En ce qui concerne la première, une chose dont je n'a pas parlé est ma propre analyse des six facteurs. Lorsque vous comparez le Canada au Royaume-Uni et aux États-Unis, vous voyez que la Cour dit qu'il y a plus ou moins six facteurs et qu'il pourrait y en avoir plus. Parallèlement, pour ce qui est de l'effet de l'utilisation sur les oeuvres — ce qui signifie les considérations concrètes relatives au marché, la substitution du marché — la Cour suprême du Canada dit que ce n'est pas le seul facteur ni le plus important.
    Nous savons que tel n'est pas le cas au Royaume-Uni, ni aux États-Unis. Ce que nous avons au Canada avec l'arrêt CCH est une interprétation large et libérale tant de la nature de l'utilisation que du facteur d'équité. De la façon dont les choses se présentent actuellement, et si l'on ne change rien, si vous combinez l'exception pour l'éducation plus les facteurs CCH, vous vous retrouvez avec quelque chose de très large, à moins que l'on puisse définir exactement ce que nous entendons par chaque élément. Je propose une manière de le faire et je me ferais un plaisir de mettre cela également par écrit à votre intention.
    Pour ce qui est du CGU, il serait bon de réfléchir aux utilisations transformatives. J'ai derrière moi l'un de nos étudiants d'Osgoode, qui tente de rédiger une disposition sur les utilisations transformatives, c'est-à-dire celles où on aboutit à une oeuvre nouvelle — une finalité, une identité, un message, un contexte nouveaux — qui pourrait vous aider à aménager et améliorer cette disposition.
    Merci beaucoup à nos témoins. Je vous remercie de vos exposés très instructifs.
    Allez-y, monsieur Lake.
    J'ai un petit rappel au Règlement.
    Les témoins ont suggéré divers changements au cours de la réunion. J'aimerais leur demander officiellement de soumettre au comité des amendements potentiels, un texte qu'ils préconisent, pour la gouverne du comité.
    Pourriez-vous faire cela, s'il vous plaît? Merci.
    Merci encore à nos témoins. Cela a été très intéressant et je sais que les membres du comité ont beaucoup apprécié.
    La séance est levée.
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