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CC32 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-32


NUMÉRO 007 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 décembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

     Je déclare ouverte cette septième réunion du comité législatif spécial chargé du projet de loi C-32.
    Aujourd'hui, nous avons réservé deux heures pour entendre des témoins. Au cours de la première heure, nous allons entendre les représentants de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, Zachary Dayler et Spencer Keys, ainsi que ceux de l'Association canadienne du logiciel de divertissement, représentée par Danielle Parr et Jason Kee.
    La parole est donc au représentant de l'Alliance canadienne des associations étudiantes, pour cinq minutes.
    Au nom des 26 établissements d'enseignement postsecondaire d'un bout à l'autre du Canada, qui représentent plus de 300 000 étudiants, nous vous remercions ainsi que les membres du comité de nous avoir invités à représenter l'Alliance devant le comité aujourd'hui.
     Nous nous présentons devant vous dans l'espoir de vous sensibiliser à la nécessité de créer une nouvelle catégorie d'utilisation équitable pour le secteur de l'éducation. L'inclusion du secteur de l'éducation comme nouvelle catégorie d'utilisation équitable est considérée par nos membres comme l'un des changements les plus importants que le gouvernement du Canada puisse faire dans le domaine du droit d'auteur, par l'entremise du projet de loi C-32.
    On ne saurait surestimer l'importance d'un droit d'utilisation équitable pour le secteur de l'éducation. Les universités et collèges aux États-Unis sont en mesure de profiter pleinement de leur droit d'utilisation équitable pour stimuler l'innovation alors qu'il devient de plus en plus clair que les établissement d'enseignement postsecondaire au Canada sont en train de devenir des laissés-pour-compte sur les plans à la fois financier et législatif.
    Si cette nouvelle catégorie n'est pas créée, les étudiants devront payer deux fois, peut-être même trois fois, l'accès aux documents dont ils ont besoin, alors qu'ils l'ont déjà payé par le biais de frais qui ont été perçus, que ce soit des frais versés aux sociétés de perception des droits d'auteur, des frais de bibliothèque ou des frais de scolarité.
    Les sociétés de perception des droits d'auteur, telles qu'Access Copyright, cherchent à élargir leur rayon d'action au-delà des photocopies, en y incluant des frais pour les copies numériques d'articles déjà achetés, des citations dans PowerPoint et même pour les collègues qui s'envoient des textes par courriel.
    De plus, l'argument économique en faveur d'un régime plus libéral d'utilisation équitable est clair. Aux États-Unis, les industries créatives à forte intensité de technologies modernes dépendent de l'utilisation équitable pour trouver des moyens novateurs de générer davantage de richesse et de revenus pour leur pays. Les études démontrent que cette économie de l'utilisation équitable représente 17 p. 100 du PIB américain, et que le secteur de l'éducation en constitue une proportion importante sous forme de contributions directes et de formation de contributeurs futurs.
    Si le Canada désire vraiment être un chef de file au XXIe siècle dans des secteurs d'innovation, l'exemple américain indique bien que la libéralisation du régime de l'utilisation équitable est absolument essentielle. Il s'agit essentiellement d'autoriser l'accès afin de favoriser l'éducation, ou encore, de nous tourner les pouces en attendant que nos concurrents aillent plus loin que nous.
    Or, selon le libellé actuel du projet de loi, le droit du secteur de l'éducation en matière d'utilisation équitable n'est pas établi comme un véritable droit, mais plutôt comme un droit secondaire qui peut être relégué au second plan par un verrou numérique. Établir le bon équilibre dans ce projet de loi est important et, même si les verrous numériques ont un rôle à jouer, leur permettre de l'emporter sur l'utilisation équitable sape le concept même de l'utilisation équitable. Si une oeuvre fait l'objet d'un verrou numérique, l'ayant droit peut en limiter l'utilisation. Et l'utilisation équitable signifie qu'on ne peut en principe en limiter l'utilisation, à condition que cette dernière soit juste et équitable.
    Cette mesure est plus restrictive que le régime du droit d'auteur aux États-Unis et dépasse l'obligation du Canada en vertu de traités internationaux. Si nous devons prendre au sérieux la question de l'utilisation équitable, il faut au départ qu'il s'agisse d'un véritable droit et que ce dernier ne soit pas éliminé par l'existence d'un verrou numérique.
    L'ACAE propose aussi deux autres amendements au projet de loi. Le premier obligerait les bibliothèques à détruire d'office les articles qu'elles prêtent par l'entremise de prêts interbibliothèques. Les étudiants ont deux possibilités lorsqu'ils ont besoin d'un tel article: soit en faire une copie imprimée, soit laisser le soin à la bibliothèque de le détruire cinq jours après que l'étudiant l'a reçu.
    Cet article sape la façon même dont se font les études à l'ère moderne. Les avantages des articles numériques sont innombrables. On peut les emporter partout avec soi, les organiser de façons différentes, sans parler du fait qu'on peut faire des recherches dans les divers volumes en quelques secondes ou encore automatiser les citations. En forçant les étudiants à faire un imprimé de ces articles, la loi aurait pour résultat de ramener activement la recherche en matière d'éducation au XXe siècle, au grand dépit de tous les Canadiens.
    Le deuxième amendement que nous proposons exige que les professeurs et les étudiants détruisent leurs documents de cours 30 jours après la fin de ce dernier. C'est tout à fait absurde. Au XXIe siècle, on apprend aux étudiants à recueillir et à synthétiser l'information de façon à mettre la main sur les renseignements pertinents qui existent dans le monde et à les rassembler de manière à générer des connaissances à la fois nouvelles et originales.
    Alors qu'on avait l'habitude, au XXe siècle, d'interdire la consultation des documents pendant les épreuves, au XXIe siècle, cette interdiction n'existe plus. Exiger que les étudiants détruisent l'information qui leur a permis d'acquérir certaines compétences, après le cours, correspond à les obliger à subir une épreuve avec documentation sans pouvoir accéder à leurs documents, ou encore à construire une maison sans avoir accès à un marteau, juste au moment où ils entrent sur le marché du travail. C'est inutile et cela n'a aucune incidence sur les revenus des titulaires de droits.
    Comme les étudiants ont pu profiter de ces leçons de façon juste sur le plan économique, on peut se poser la question que voici: si les frais qu'il faut engager pour poursuivre des études ne permettent pas à l'étudiant d'appliquer ce qu'il a appris sur le marché du travail, pourquoi les étudiants paient-ils au fond?
    Merci, monsieur le président.
(1540)
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à la représentante de l'Association canadienne du logiciel de divertissement, pour cinq minutes.

[Français]

    Bonjour. Je vous remercie de votre invitation.

[Traduction]

    Je m'appelle Danielle Parr, et je suis la directrice générale de l'Association canadienne du logiciel de divertissement. Je suis accompagnée aujourd'hui de Jason Kee, directeur de la politique et des affaires juridiques à l'ACLD.
    Notre association se veut la porte-parole de l'industrie canadienne du jeu vidéo et informatique, dont les 14 000 employés occupent des postes qui sont à la fois créatifs et à la fine pointe de la technologie; ces emplois constituent la force motrice de l'économie numérique du Canada.
    Les jeux vidéo représentent le médium de divertissement qui connaît la plus forte expansion au niveau mondial à l'heure actuelle, puisque certains titres à grand succès rivalisent avec les films de Hollywood du point de vue des ventes et de l'intérêt qu'ils suscitent. En 2009, l'industrie du jeu vidéo du Canada représentait plus de 2 milliards de dollars de ventes de logiciel et de matériel de divertissement, et son apport à l'économie canadienne sous forme d'activité économique directe a dépassé 1,7 milliard de dollars.
     À notre avis, le projet de loi C-32 propose des mesures qui permettront de faire concorder la Loi sur le droit d'auteur avec les progrès réalisés en ce qui concerne les normes internationales actuelles en matière de protection de la propriété intellectuelle liée à la technologie. Sous réserve de certains changements d'ordre technique, nous appuyons vivement le projet de loi, et nous exhortons le comité à l'adopter dans les plus brefs délais.
    Le piratage constitue un problème de grande envergure pour l'industrie du jeu vidéo. Il représente d'énormes pertes de revenus pour les créateurs et éditeurs de jeux qui dépendent de ventes importantes dans l'immédiat afin de récupérer les sommes considérables qu'ils ont investies dans la création de jeux. Le piratage finit par donner lieu à des fermetures de studios, à la perte d'emplois, ou pire encore.
    Ce projet de loi fournira aux ayants droit les outils dont ils ont besoin de toute urgence pour s'attaquer à ceux qui facilitent le piratage, soit par le trafic d'appareils et de services de contournement, soit par la mise sur pied de sites Web de piratage. De plus, l'établissement de règles claires apportera au marché numérique la certitude qui est nécessaire pour permettre le jeu optimal des forces du marché, de sorte que les entreprises et les créateurs puissent choisir eux-mêmes le meilleur moyen de mettre leur contenu à la disposition du public.
    Tout cela va favoriser la création d'emplois, promouvoir l'innovation, stimuler l'investissement dans la mise au point de nouveaux produits, services, méthodes et de distribution et plates-formes numériques, et soutenir une vaste gamme de modèles d'entreprises qui, de leur côté, favoriseront une concurrence légitime, plus de choix pour les consommateurs et de plus faibles prix.
    Aujourd'hui nous aimerions vous expliquer pourquoi le droit d'auteur revêt une importance critique pour l'industrie du jeu vidéo, et recommander un certain nombre de changements techniques bien précis qui visent à combler les lacunes et à éviter que ces nouvelles mesures aient des conséquences involontaires. Comme nous les expliquons en détail dans le mémoire que nous avons soumis à l'examen du comité, je vais me contenter de vous en présenter un simple survol.
    S'agissant des MTP, l'industrie du jeu vidéo a couramment recours aux mesures techniques de protection relativement à tous les aspects de son activité afin de protéger ses oeuvres. Ainsi nous appuyons vivement les dispositions du projet de loi visant à protéger les MTP. Par contre, certaines des exceptions qui sont prévues nous préoccupent, si bien que nous recommandons de les clarifier et d'en limiter le champ d'application.
    Les MTP aident à prévenir le piratage en permettant aux créateurs eux-mêmes de déterminer comment leurs oeuvres seront utilisées et d'être correctement rémunérés pour ces dernières; de plus, les MTP sont compatibles avec une vaste gamme de modèles d'entreprises puisqu'elles permettent l'ajout de caractéristiques à valeur ajoutée et facilitent l'introduction de nouveaux produits, services et méthodes de distribution dans l'environnement numérique.
    Permettez-moi d'expliquer un peu mieux ce concept. La possibilité pour un créateur, un artiste ou une entreprise d'avoir recours à une MTP pour protéger une oeuvre numérique est une décision qui doit être du ressort des créateurs. Il est évident que les consommateurs ont le droit d'éviter d'acheter des produits ou services qui sont dotés de MTP s'ils le désirent, et il incombe aux créateurs et entreprises d'être sensibles aux demandes des consommateurs, car sinon, ils vont en subir les contrecoups sur le marché.
    Certaines compagnies, comme iTunes, ont réagi à la demande relative au changement de support en offrant à leurs clients des versions exemptes de MTP, alors que d'autres ont réagi en fournissant à leurs clients une copie téléchargeable de l'oeuvre avec la version emballée, comme c'est le cas pour beaucoup de films Blu-ray. Par contre, on ne s'attend pas à ce qu'il soit possible d'utiliser un jeu vidéo acheté pour le Nintendo Wii sur un Xbox, les consommateurs ne demandent pas non plus d'avoir accès à un changement de support.
    En d'autres termes, chaque marché est différent et possède ses propres règles et caractéristiques. Ainsi une bonne politique d'intérêt public consiste à appuyer la plus vaste gamme possible de marchés et de modèles d'entreprises pour que le consommateur lui-même puisse faire son choix — au lieu de choisir les gagnants et d'imposer un régime qui peut être plus bénéfique pour un secteur d'activité que pour tous les autres. Une protection juridique énergique pour les MTP atteint cet objectif en garantissant que le droit du créateur d'opter ou non pour une MTP est respecté.
    Il importe également de comprendre que les MTP jouent un rôle de plus en plus critique au niveau des plates-formes et canaux de distribution nouveaux et émergents liés au contenu en ligne. Qu'il s'agisse de nouveaux services de contenu radiophonique et musical sur Internet comme Spotify, de services de film et de télévision comme Hulu ou Netflix, ou encore de plates-formes de jeux comme PlayStation Network ou Xbox LIVE, tous s'appuient sur des MTP qui permettent de contrôler l'accès aux services en question, et d'empêcher ainsi le piratage. De cette façon, ils offrent une source de revenus viables aux créateurs et permettent l'incorporation de fonctions à valeur ajoutée comme, par exemple, la location à la place de l'achat. L'industrie du jeu vidéo a aussi fréquemment recours aux MTP afin de doter leurs jeux d'un contenu téléchargeable supplémentaire en vue d'empêcher la tricherie et de mettre sur pied des services d'abonnement.
    Nous sommes actuellement en pleine mutation en ce qui concerne notre façon de consommer le contenu, et les créateurs auront de plus en plus recours à des plates-formes en ligne et à d'autres modèles de distribution nouveaux et novateurs pour livrer leur contenu.
(1545)
    Des mesures anti-contournement énergiques, comme celles que prévoit le projet de loi, sont essentielles, non seulement pour empêcher le piratage et permettre aux créateurs de déterminer comment leurs oeuvres seront utilisées, mais aussi pour garantir la sécurité des nouvelles plates-formes et maintenir l'intégrité du marché numérique naissant.
    Par contre, nous craignons que certaines exceptions aux interdictions de contournement seront exploitées par ceux qui favorisent le piratage en faisant le trafic d'appareils et de services de contournement afin d'éviter toute responsabilité. Si les exceptions sont trop générales et trop vagues, il sera à peu près impossible d'appliquer ces dispositions. Nous recommandons par conséquent qu'on en limite la portée afin d'éliminer cette échappatoire.
    Je voudrais aussi vous parler brièvement de trois autres éléments qui suscitent des inquiétudes au sein de notre industrie.
    Pour ce qui est de faciliter la violation du droit d'auteur, nous appuyons l'ajout d'une nouvelle disposition qui s'attaque à ceux qui facilitent la violation du droit d'auteur, mais nous craignons que le libellé actuel ne soit pas efficace. Ainsi nous vous recommandons de préciser le libellé de cette disposition afin qu'elle vise les services qui sont à la fois conçus et exploités et qu'elle permette aux titulaires de droits d'avoir accès à toute la gamme de recours juridiques pour attaquer les facilitateurs, y compris les dommages-intérêts.
    Le deuxième élément est l'exception prévue pour le contenu généré par l'utilisateur. En général, le secteur des jeux vidéo adopte une attitude extrêmement permissive à l'égard du contenu généré par l'utilisateur. Cependant, le libellé actuel du projet de loi aurait essentiellement pour résultat d'autoriser l'appropriation généralisée des oeuvres existantes. Ainsi n'importe qui pourrait copier les dessins, les éléments artistiques et même le code de programmation d'un jeu, et diffuser gratuitement sur Internet une copie du jeu. Il est donc essentiel de limiter la portée de cette exception et d'y ajouter des facteurs supplémentaires, par exemple, l'exigence que la nouvelle oeuvre ait un caractère transformateur, et ce pour éviter ces conséquences non intentionnelles.
    Les dispositions sur les dommages-intérêts sont un autre élément qui suscite de graves préoccupations au sein de notre industrie. La nouvelle approche à plusieurs vitesses a évidemment pour objet de limiter les dommages-intérêts que devraient payer des particuliers qui violent le droit d'auteur à des fins personnelles, mais elle pourrait finir par créer une incitation perverse et autoriser involontairement les pirates à mener leurs activités à grande échelle. Nous recommandons donc que cette distinction inadéquate soit éliminée et que l'on insiste davantage sur les facteurs qui doivent être pris en compte par les tribunaux en fixant le montant des dommages-intérêts.
     Je vous remercie, et nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Nous allons ouvrir le premier tour de questions.
    Pour le Parti libéral, monsieur Garneau, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais commencer par poser une question à M. Dayler ou à M. Keys, si possible. Vous avez parlé d'une pénalité financière que subissent actuellement les étudiants, à votre avis, pour faire des copies de documents servant à des fins éducatives.
    Pourriez-vous essayer de me quantifier cela? Êtes-vous en mesure de me dire ce que vous payez actuellement pour faire des copies?
    À l'heure actuelle, le tarif des redevances perçues par Access Copyright auprès des établissements d'enseignement postsecondaire est en deux volets: la somme payée par chaque étudiant de même qu'une somme payée pour chaque copie. Le tarif par étudiant est de l'ordre de 3,50 $, c'est ce que paie l'établissement pour chaque étudiant. Pour ce qui est des copies, je ne me souviens pas du chiffre précis, mais je crois qu'il s'agit de 2 ou 3 ¢ pour chaque page qui est copiée pour faire partie d'un bloc de cours. Il s'agit donc de documents photocopiés qui sont rassemblés et vendus à la librairie.
    Nous n'avons pas nécessairement un chiffre global pour tout le Canada en ce qui concerne le total de ces redevances, mais il s'agit certainement de plusieurs dizaines de millions de dollars.
    Et pour ce qui est des quelques cents par page qui sont perçus, est-ce que cette redevance est payable pour les photocopies ou est-ce parce que vous reproduisez des oeuvres qui sont protégées par le droit d'auteur?
    C'est pour la reproduction.
    Savez-vous combien les étudiants doivent payer de leur poche par an?
    Cela dépend, mais il pourrait facilement s'agir de 200 $ ou 300 $. Tout dépend du genre de cours qu'ils suivent. Un cours de sciences humaines ou sociales va probablement mettre davantage l'accent sur des articles de revues, par rapport à des manuels scolaires, de sorte que les étudiants qui suivent de tels cours vont payer pas mal plus.
    Il faut également noter, en ce qui concerne le nouveau tarif proposé par Access Copyright, qu'il est prévu que le montant soit dix fois plus élevé pour les collèges — c'est-à-dire 35 $ par étudiant comme tarif uniforme, et 45 $ par étudiant pour les universités. C'est en partie la raison pour laquelle il nous semble très important d'inclure cette nouvelle disposition pour le secteur de l'éducation.
(1550)
    Si l'exemption pour le secteur de l'éducation fait partie des types d'utilisation équitable, à combien se monteront vos frais à ce moment-là?
    Je crois qu'il s'agit surtout d'empêcher ce débordement massif qui est actuellement envisagé par les sociétés de perception des droits d'auteur. C'est dans ce contexte que l'exemption proposée sera bénéfique aux étudiants. Elle empêchera ces groupes de décupler les frais exigés pour ce qui représente en réalité une utilisation équitable, de sorte que cet argent restera dans les poches des étudiants.
    Donc, si je vous comprends bien, ce qui vous inquiète le plus, c'est que le tarif de la redevance passe de 3,50 $ par an à 35 $ par an.
    Oui, cela pourrait facilement représenter 16 millions de dollars uniquement pour les établissements, où enseignent des centaines de professeurs au Canada. Pour nous, c'est une somme très considérable.
    Je m'intéresse surtout aux frais par personne. Que dites-vous à ceux qui ne sont pas d'accord avec une exemption pour le secteur de l'éducation et qui disent: « En vertu d'une exemption pour le secteur de l'éducation, quelqu'un a accès à mes oeuvres gratuitement »? Comment réagissez-vous à cela?
    Pour moi, il est très clair, comme nous l'a indiqué l'arrêt CCH c. Law Society, si je peux me permettre de paraphraser les propos du professeur Geist, l'utilisation équitable ne signifie pas l'utilisation libre. Il faut établir un juste équilibre. Il faut prendre les décisions en fonction du contexte. Il importe de reconnaître que le jugement rendu dans l'affaire CCH concernait l'utilisation d'une bibliothèque et de documents d'apprentissage. Il s'agissait de déterminer, dans le contexte de l'apprentissage, dans quelle mesure une bibliothèque allait trop loin pour ce qui est de sa façon de distribuer du contenu.
    Ces décisions contextuelles sont importantes et, à notre avis, le système judiciaire offre une protection suffisante pour que les droits des créateurs ne soient pas bafoués. En fait, l'un des éléments du critère en six volets dans l'arrêt CCH concerne justement l'effet sur le marché. En ce qui nous concerne, c'est une question critique et nous sommes parfaitement d'accord avec cette façon de faire.
    Et que pensez-vous du rôle des tribunaux dans tout cela? Il est vrai qu'il existe des critères nous permettant de déterminer si quelque chose est juste ou injuste. Mais qu'en est-il du particulier qui décide de contester une utilisation équitable et qui doit donc avoir recours au système judiciaire pour le faire, alors que nous savons que de telles procédures peuvent être très coûteuses et prendre très longtemps? À votre avis, s'agit-il du juste équilibre que vous avez évoqué?
    En fait, oui. C'est un juste équilibre, notamment parce qu'on ne parle pas généralement de particuliers au Canada. On parle surtout de sociétés de perception des droits d'auteur qui ont tout à fait la capacité d'intenter une action devant les tribunaux au nom d'un particulier.
    Et quelle est votre définition du secteur de « l'éducation », si on décide d'accorder cette exemption?
    Nous n'avons pas les compétences nécessaires pour vous proposer une définition à incorporer dans le projet de loi. À notre avis, les tribunaux sont les mieux placés et ont toute la latitude voulue pour répondre à cette question.
    Je ne m'attendais pas à ce que vous me répondiez comme si vous étiez des juristes. Je voulais simplement que vous m'indiquiez qui pourrait éventuellement être inclus dans cette catégorie par rapport à l'utilisation équitable.
    De façon générale, il s'agirait d'établissements d'enseignement en bonne et due forme, par opposition à un club de lecture, par exemple. Pour nous, le secteur de l'éducation vise plutôt l'enseignement dispensé dans un cadre plus formel.
    Merci beaucoup.
    Madame Parr, vous dites que vous êtes préoccupée par la question du contenu généré par les utilisateurs — par exemple, des applications composites. Êtes-vous en mesure de nous proposer un libellé particulier que nous pourrions examiner dans le cadre de notre étude du projet de loi?
    Absolument. Ce n'est pas la disposition à proprement parler qui nous inquiète le plus. En tant qu'industrie, nous avons toujours adopté une attitude très permissive en ce qui concerne le contenu généré par l'utilisateur. Le problème, en ce qui nous concerne, est plutôt le fait que le libellé est à ce point général et vague qu'il autoriserait toutes sortes d'appropriations illicites alors que telle n'était certainement pas l'intention.
    Je crois qu'il serait possible d'en restreindre la portée en y ajoutant un certain nombre de facteurs. Plus notable serait celui qu'a soulevé le professeur D'Agostino — c'est-à-dire que le contenu généré par l'utilisateur doit avoir un caractère transformateur, en ce sens que l'utilisateur crée une nouvelle oeuvre. Il ne s'agit pas simplement de créer quelque chose de nouveau — il faut que l'oeuvre ainsi créée représente une nouvelle contribution. Donc, une possibilité serait d'ajouter un facteur exigeant que ce nouveau contenu ait un caractère transformateur. Une autre possibilité consisterait à limiter l'accès à cette exception, non seulement au contenu utilisé à des fins non commerciales, mais à un contenu qui respecte les normes actuellement inscrites dans la loi, à condition que ces limites ne portent pas préjudice aux détenteurs de droits. Il serait également possible de revoir les facteurs qui s'appliquent à l'utilisation équitable — qui sont de bons facteurs, bien solides — et d'essayer de les incorporer dans la disposition relative au contenu généré par l'utilisateur, de façon à autoriser les utilisations qui encouragent la créativité tout en évitant les abus.
(1555)
    Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut restreindre l'accès à cette exception.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    Merci.

[Français]

    Madame Lavallée, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup. Je voudrais d'abord faire un commentaire aux représentants de l'Alliance canadienne des associations étudiantes. Par la suite, je vais poser des questions aux représentants de l'Association canadienne du logiciel de divertissement.
    L'exemption que vous demandez pour l'éducation ne m'apparaît pas être une bonne chose. Je m'explique. Tout d'abord, il s'agit d'un très mauvais principe à enseigner à nos jeunes et à nos enfants. Il faut leur enseigner le respect du droit d'auteur, le respect de la propriété intellectuelle, et le fait que cette propriété intellectuelle et ce droit d'auteur doivent être rémunérés. Les étudiants, les premiers, doivent apprendre ce principe et l'appliquer. De vous donner un congé de paiements de droits d'auteur est un très mauvais service à vous rendre. Si vous trouvez que vos frais sont trop élevés, les écoles devraient demander des réductions à d'autres fournisseurs, comme pour les crayons, les tableaux, les chaises. Il ne faut pas réduire les droits des créateurs, car ce sont les gens qui gagnent le moins. En moyenne, au Canada, ils gagnent moins de 25 000 $ par année.
    C'est un peu comme si vous demandiez un congé de devoirs ou de leçons pour une semaine. Ce serait agréable sur le coup, mais, par après, quand vous feriez vos examens du ministère, vous verriez que vous n'auriez pas tous les outils ou toutes les connaissances nécessaires pour passer vos examens. Vous vous punissez vous-mêmes. En effet, demain, vous serez ces créateurs et ces scientifiques qui publieront. Malheureusement, vous n'aurez pas de droits d'auteur.
    Mes questions s'adressent maintenant aux représentants de l'Association canadienne du logiciel de divertissement. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup d'attention. De ce que j'ai compris, vous demandez essentiellement cinq amendements.
    Le premier amendement concerne le contournement, et tout le monde vous appuie. C'est une erreur involontaire des gens qui ont écrit la loi. Tout le monde veut contrer le piratage et veut faire en sorte que ce soit anéanti. En ce sens, ce n'est pas un problème grave.
    Votre deuxième amendement concerne la facilitation du droit d'auteur. C'est un autre problème immensément important. Dans la loi actuelle, cela s'applique à tout service qui est « principalement destiné à faciliter » le piratage en ligne. Votre amendement propose d'enlever le mot « principalement » et d'utiliser plutôt le terme « exploité », afin de clarifier la situation.
    Votre troisième amendement porte sur l'exception pour le contenu généré par l'utilisateur, ce qu'on appelle l'exemption YouTube. En effet, cela crée un problème parce qu'on donne à n'importe quel utilisateur le droit d'exploiter, à des fins non commerciales, des oeuvres sans autorisation et sans paiement. Vous l'avez dit dans votre mémoire, dans l'industrie du logiciel de jeux, comme dans d'autres genres artistiques, les gens travaillent beaucoup plus pour la gloire que pour l'argent. Vous recommandez de modifier cet article pour que ce soit substantiellement restreint. Pourquoi ne demandez-vous pas tout simplement d'enlever cette exception, qu'on ne trouve nulle part dans le monde et que le Canada a inventée, comme sortie d'une boîte de pop-corn?
    Je vais répondre en anglais, ce sera plus clair.
    Il n'y a pas de problème. J'ai accès à la traduction simultanée.

[Traduction]

    Parfait.
    Au fond, nous comprenons très bien que ce projet de loi représente un compromis pour un grand nombre d'intervenants clés ainsi qu'un grand nombre de secteurs d'activité différents. Mais, comme mon collègue vous l'a fait remarquer, de façon générale, notre industrie a toujours adopté une attitude assez permissive à l'endroit du contenu généré par l'utilisateur. Par contre, dans certaines circonstances, il nous semble que ce type de contenu pourrait vraiment nuire à notre industrie, et c'est pour cette raison que nous proposons un amendement. En principe, nous ne sommes pas contre le contenu généré par l'utilisateur, mais nous souhaitons simplement restreindre l'accès à l'exception qui est prévue.
(1600)

[Français]

    Pourquoi ne pas l'enlever, tout simplement?

[Traduction]

    Il est évident que si on l'enlevait, cela réglerait le problème; mais nous souhaitions respecter la structure de la politique qui sous-tend ce projet de loi et nous comprenons aussi que cette dernière inclut le désir ou l'intention de faciliter au moins un degré limité de créativité personnelle à l'intérieur de ce cadre. Mais il est évident que cela réglerait le problème.

[Français]

    Madame Parr, je voudrais revenir sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous avez dit que ce projet de loi constituait un compromis. Je dois vous dire que, malheureusement, cela n'est pas un compromis. Ce projet de loi est fortement déséquilibré, en faveur d'industries comme la vôtre, l'industrie du logiciel de divertissement. Je suis contente pour vous, parce que votre industrie est importante. Toutefois, ce projet de loi présente un grand déséquilibre.
    Vous proposez cinq amendements. Si vous n'obteniez pas l'adoption de ces amendements, seriez-vous quand même en faveur du projet de loi C-32? J'imagine que oui. Vous seriez en faveur du projet de loi C-32, alors que tout le monde de la création artistique décrie ce projet de loi, le dénonce et ne voudrait surtout pas qu'il soit adopté.
    L'une des preuves de ce déséquilibre est la question des dommages et intérêts. Vous en parlez, au cinquième amendement que vous proposez. Les dommages et intérêts dont vous parlez portent davantage sur les oeuvres musicales.
    Il est question de contourner un outil qui, pour vous, est immensément précieux, soit le verrou numérique. L'article 48 parle de sanctions pénales de 1 million de dollars.
     Une oeuvre musicale vaut 20 000 $, sur le plan des dommages et intérêts, tandis que le contournement d'un verrou numérique, qui est immensément précieux pour l'industrie du logiciel de jeu, coûte 1 million de dollars et expose l'auteur d'un tel acte à une peine d'emprisonnement de cinq ans. Les dommages et intérêts sont préétablis. C'est correct qu'ils le soient, mais ils sont plafonnés à 20 000 $, et c'est ce qui fait tout ce déséquilibre.
    J'arrive justement aux dommages et intérêts. Je voudrais que vous me disiez si je comprends bien. Ces 20 000 $ s'appliquent-ils aussi à des logiciels qui seraient copiés?

[Traduction]

    Par rapport au projet de loi, nous ne proposons aucune augmentation des dommages-intérêts surtout parce que, à notre avis, la distinction entre l'utilisation commerciale et non commerciale que prévoit le projet de loi donnera lieu à plusieurs conséquences involontaires en général parce que, même s'il s'agit d'utilisation non commerciale, les préjudices économiques qui en découleront seront considérables.
    En réalité, il s'agit de régler le problème de façon à empêcher les malfaiteurs de faire ce qu'ils veulent en toute impunité, au lieu de proposer que le plafond de 20 000 $ soit relevé.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Angus, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les représentants des deux groupes pour leurs exposés fort intéressants.
    Dans un premier temps, monsieur Kee et madame Parr, j'aimerais discuter du contenu généré par l'utilisateur. Je trouve intéressante la proposition du Bloc selon laquelle il suffirait d'enlever ces dispositions pour faire disparaître comme par magie tout le contenu généré par les utilisateurs. Mais nous savons que ce n'est pas le cas. Ce genre de contenu est partout sur Internet.
    Je dois avouer que je suis moi-même coupable; je génère beaucoup de contenu grâce à mon petit iMovie. Dont les résultats ne sont pas si mauvais, il me semble.
    Mais je vais laisser le soin à mes collègues de vérifier cela eux-mêmes.
    Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]… débat.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Charlie Angus: Mais j'aimerais vous demander de clarifier quelque chose: que devrions-nous faire face à une situation où les gens participent activement à la création et l'élaboration d'oeuvres composites, et comment peut-on faire la distinction entre les deux?
    J'ai demandé à l'un des témoins que nous avons reçus précédemment s'il faut éventuellement préciser le libellé de l'article 29.21 en y incorporant la disposition en trois étapes de la Convention de Berne. Je vous dis cela parce qu'il est clair que le contenu généré par l'utilisateur ne devrait pas nuire à une oeuvre de façon déraisonnable. Il ne doit pas empêcher l'exploitation normale de cette oeuvre. Je me demande donc si le libellé actuel est suffisamment clair et si vous proposez, conformément à l'idée présentée par un témoin précédent, Mme D'Agostino, que l'on évoque les utilisations ayant un caractère transformateur.
    À votre avis, le terme « transformateur » serait-il suffisant ou faut-il être encore plus précis?
(1605)
    À mon avis, le terme « transformateur » est l'un des éléments, parmi d'autres, qu'il faudrait y incorporer.
    En fait, l'idée d'y incorporer des éléments comme ceux qu'on retrouve dans la Convention de Berne correspond parfaitement à l'orientation que nous proposons. Ma seule crainte concernant le libellé de la Convention de Berne est le fait que cette dernière cherche à indiquer dans quel contexte une exception est appropriée ou non, et si on retenait cette formulation, nous finirions par combiner deux régimes fort différents.
    C'est vrai.
    Mais je propose essentiellement ces mêmes éléments parce que, tout d'abord, je suggère qu'on incorpore la notion selon laquelle l'utilisation ne doit pas nuire à l'oeuvre de même que l'inclusion de limites semblables à celle qui est prévue pour l'utilisation équitable — car c'est ainsi que nous interprétons les dispositions de la Convention de Berne. Et je propose également d'ajouter l'exigence du caractère transformateur de l'utilisation, car c'est un élément qui a été retenu par d'autres pays et que nous-mêmes n'avons pas inclus, mais qui tombent sous le sens dans une disposition sur le contenu généré par l'utilisateur — encore une fois, parce que le véritable intérêt d'une telle mesure est l'obtention d'une oeuvre créative nouvelle distribuée dans le monde entier. Cette oeuvre ne correspond pas simplement à une utilisation équitable; elle va bien au-delà, et le terme « transformateur » traduit bien cette intention.
    Très bien.
    Je voudrais revenir sur la question des mesures techniques de protection, car il est clair que cette dernière suscite beaucoup de débat. D'entrée de jeu, je voudrais dire que je reconnais l'importance considérable de l'industrie des logiciels de jeux au Canada. Nous sommes un chef de file mondial dans ce domaine, et il est essentiel de protéger cela. Nous ne voulons pas mettre en péril le fondement même de ce secteur d'activité, et les mesures techniques de protection jouent nécessairement un rôle dans ce contexte.
    En revanche, il existe certains problèmes. Par exemple, j'ai eu des discussions avec des documentaristes. Si un DVD fait l'objet d'une mesure technique de protection, ils peuvent avoir un droit d'accès pour la parodie ou la satire, ou même pour formuler des observations, mais s'ils contournent la MTP, ils risquent de se retrouver dans une situation délicate.
    J'ai également parlé à des journalistes qui font des reportages télévisés, qui me disaient qu'ils ne savent même pas s'ils vont être en mesure de diffuser des extraits qui présentent une personne en train de commenter une question, car la présence de mesures techniques de protection risque de contraindre leur capacité de faire du journalisme.
    Peut-on trouver une formulation qui nous permettra de nous assurer que les droits qui sont garantis en ce qui concerne l'utilisation d'extraits pour la parodie ou la satire, par exemple, ne sont pas éliminés de façon arbitraire? En même temps, il nous faut des dispositions énergiques afin d'empêcher quelqu'un de faire de multiples copies d'un jeu à des fins personnelles et de les distribuer à tous les membres de sa famille à Noël.
    Nous vous remercions de bien comprendre la réalité de notre industrie, qui est différente de celle de bon nombre d'autres industries, me semble-t-il, du point de vue des attentes des gens en matière de changement de support.
    En ce qui concerne l'utilisation équitable, j'aimerais simplement vous faire remarquer qu'il est toujours possible d'exercer ses droits en matière d'utilisation équitable en faisant une copie analogique de quelque chose. Il est possible d'enregistrer sur bande magnétoscopique certaines parties d'un jeu vidéo et de s'en servir par la suite, ou enregistrer des images d'écran. On peut faire toutes ces choses là. Il n'est pas nécessaire de garantir le droit de quelqu'un de faire une copie numérique parfaite et de s'en servir dans son oeuvre.
    Je vous laisse réfléchir à cela.
    Ce qu'il faut, c'est atteindre le bon équilibre, alors que c'est très difficile. Ce qui compte le plus pour nous, c'est de nous assurer que les personnes qui font le trafic d'appareils de contournement ou fournissent des services de contournement moyennant rétribution, et ce aux dépens des créateurs, ne puissent plus le faire.
    Le projet de loi s'attaque à ce problème de manière très énergique et prévoit ensuite toute une série d'exceptions, ainsi que des pouvoirs de réglementation supplémentaires, etc., de manière à atteindre le juste équilibre entre l'intérêt des divers intervenants.
    Nous craignons simplement que plus on ouvre la porte, plus il est probable que ces malfaiteurs trouvent le moyen de profiter de ces échappatoires pour justifier leurs propres activités. Un petit exemple permettra d'illustrer mon propos. Supposons qu'un type décide qu'il veut obtenir le jeu d'UBISOFT « Assassin's Creed Brotherhood » qui vient d'être mis en vente par UBISOFT — achetez-le maintenant — qu'il télécharge pour le jouer sur son Xbox. Il se rend compte que c'est une version piratée et qu'il n'est donc pas en mesure de le jouer. Par conséquent, il amène son Xbox chez quelqu'un qui va le modifier pour qu'il joue la version piratée. À ce moment-là, il possède un Xbox capable de jouer tous les jeux piratés. Le type qui fait la modification gagne 80 $ ou 100 $.
    Si le projet de loi renferme des exceptions qui sont d'application assez générale, ce qui se produit, c'est que l'acte de contrefaçon, c'est-à-dire à la fois le piratage et le téléchargeage du jeu, et l'acte de contournement sont distincts à ce moment-là. Si nous essayons d'attaquer la personne qui a contourné l'interdiction contre rémunération, en lui disant qu'il a fait quelque chose d'illégal, il va nous répliquer qu'il ne savait pas du tout qu'il était question de piratage — qu'il est innocent. À ce moment-là, le seuil établi pour prouver sa culpabilité devient presque impossible à atteindre.
    Donc, nous voulons simplement nous assurer que les nouvelles mesures ne compromettent pas notre capacité de poursuivre ces malfaiteurs et qu'elles n'ont pas d'incidence négative sur le contenu numérique en général.
(1610)
    C'est intéressant.
    J'aimerais adresser une question aux représentants des étudiants. Encore une fois, nous cherchons à déterminer comment on peut atteindre un bon équilibre. À votre avis, ce projet de loi aura-t-il des conséquences involontaires, et y a-t-il moyen de régler ce problème?
    Oui, absolument. Pour nous, il est surtout essentiel d'établir un lien entre le contournement et la contrefaçon et de s'assurer que ce lien est très clair. Nous n'avons rien contre les verrous numériques pour empêcher le contournement. Cela nous semble parfaitement raisonnable. C'est plutôt quand l'utilisation ne correspond pas à une violation du droit d'auteur que les mesures proposées sont préoccupantes pour nous.
    Vous avez évoqué la situation des documentaristes, et il est certain que cela nous inquiète, car les journalistes ont normalement un droit d'utilisation équitable leur permettant de se servir d'oeuvres ou de matériel protégé pour les informations; par contre, si un verrou numérique l'emporte sur ce droit d'utilisation équitable, de sorte que les journalistes sont freinés en permanence à cause de ces verrous, les informations protégées ne pourraient plus être communiquées au public, étudiées ou critiquées, ce qui constituerait un recul.
    Donc, si on établit le lien avec la contrefaçon… il faut s'assurer que l'exclusion demeure pour qu'il soit possible de contourner la protection dans une situation où il s'agit d'utilisation équitable. Je suis content d'apprendre qu'il existe un appui aussi généralisé pour le critère en six étapes énoncé dans l'arrêt CCH, et je pense qu'il serait peut-être utile de trancher la question par rapport à ces différends secondaires. Mais, selon nous, il est effectivement possible d'établir le bon équilibre.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Lake, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Plutôt que de changer de sujet, je voudrais inviter M. Kee — je suis sûr qu'il sera partant — à réagir aux observations que M. Keys vient de faire ou à d'autres commentaires concernant les mesures techniques de protection.
    Je vous laisse réagir à la proposition de M. Keys.
    Cette discussion est excellente; elle met en évidence la tension qui existe, car c'est justement cela qui nous inquiète. La proposition consistant à lier le contournement à la contrefaçon signifie que l'exemple que j'ai cité tout à l'heure est légitime puisque nous ne pourrions jamais attaquer les malfaiteurs. Ce qui va arriver, c'est que les personnes qui offrent des appareils et des services de contournement — du moins les plus intelligents — vont tout de suite prendre leurs distances par rapport à un acte quelconque de contrefaçon. Par conséquent, il ne sera jamais possible de prouver que la personne qui offrait de tels services — l'acte de contournement, en d'autres termes — savait vraiment que cet acte avait pour objet de violer le droit d'auteur. À ce moment-là, les dispositions qui visent à garantir le respect des interdictions sont parfaitement inutiles et inefficaces.
    Serait-ce le cas pour votre industrie? Excusez-moi de dialoguer de cette façon avec d'autres témoins, mais je me pose la question: serait-ce nécessairement le cas? Dans combien de situations existe-t-il vraiment un droit d'utilisation équitable…? Je ne sais pas si on peut vraiment affirmer qu'il existe un droit d'utilisation équitable quand on parle du jeu Halo.
    Encore une fois, il faut examiner toute la série d'exception que prévoit le projet de loi. Le problème n'est pas lié uniquement à l'utilisation équitable; il s'agit plutôt de se demander s'il y a d'autres catégories d'utilisation qui ne correspondent pas à une violation du droit d'auteur que ces personnes pourront invoquer pour se défendre? C'est cela qu'ils essaieraient de faire.
    Oui, et c'est justement cela notre propos. C'est-à-dire que l'arrêt CCH a clairement indiqué que les tribunaux sont en mesure d'atteindre le bon équilibre entre les parties. Il ne suffit pas d'affirmer qu'on a un droit d'utilisation équitable. C'est beaucoup plus compliqué que cela.
    J'ai presque envie de vous laisser continuer tous les deux à dialoguer pendant les 20 prochaines minutes.
     J'ai tout de même un ou deux éléments à soulever. Je voudrais obtenir des éclaircissements par rapport à ce que mentionnait M. Garneau tout à l'heure concernant Access Copyright. Je crois savoir que les écoles canadiennes versent plus de 20 millions de dollars par an à Access Copyright, et le projet de loi C-32 ne change pas cette réalité-là — du moins, je ne crois pas.
    Le gouvernement est actuellement saisi d'une demande d'augmentation de cette redevance de la part d'Access Copyright.
    Pardon?
    Il s'agit d'une augmentation considérable.
    En effet. Des changements sont proposés.
    Oui, mais dans un sens, le projet de loi C-32 ne change rien au fait qu'Access Copyright touche déjà 20 millions de dollars ou plus.
    Deuxièmement, avez-vous des indications des résultats aux États-Unis en ce qui concerne l'utilisation équitable? Quelle incidence cela a-t-il pu avoir sur le secteur de l'édition aux États-Unis?
    Nous avons ici un rapport que nous pourrons certainement fournir au comité.
    Il est question de 4,4 billions de dollars de revenus — soit un sixième du produit intérieur brut des États-Unis et 17 millions de travailleurs — qui seraient attribuables aux industries américaines qui invoquent l'exception de l'utilisation équitable. C'est une étude qui a été menée en 2010.
    Il y a eu une forte augmentation depuis la dernière étude, qui remonte à 2006, et nous pourrons certainement faire parvenir ce document au comité par la suite.
    Dans le même ordre d'idées, il y est question d'économies axées sur l'utilisation équitable et du fait que, parmi les secteurs ou industries concernés, on compte les fabricants d'appareils de consommation, les établissements d'enseignement, les créateurs de logiciel, et les fournisseurs de services de recherche sur Internet et d'affichage sur le Web. Dans tous ces divers secteurs, il y a eu une augmentation au niveau de l'emploi, des revenus et de ce qu'ils peuvent faire sur le plan de l'expansion.
(1615)
    S'agissant d'emploi et de revenu, je voudrais maintenant poser une question à Mme Parr et à M. Kee.
    Quelle est la place de l'industrie canadienne des jeux sur le marché mondial?
    Le Canada possède la troisième plus importante industrie de jeux vidéo du monde. Quand on y songe en fonction de notre population, c'est vraiment impressionnant. Voilà le genre d'emplois que le Canada veut créer pour l'avenir et pour notre économie numérique. Ce sont des emplois de grande valeur, à forte rémunération qui sont hautement spécialisés. Le salaire moyen d'un créateur de jeux vidéo au Canada est de 68 000 $.
    Donc, ce sont vraiment des emplois intéressants. Nous sommes peut-être de grandes entreprises, mais il existe également de petits réalisateurs indépendants et une vaste gamme d'entreprises différentes d'un bout à l'autre du Canada. Je dirais donc que nous sommes des joueurs de premier plan sur la scène internationale.
    L'un de nos défis en tant que comité a été une discussion sur notre véritable désir d'adopter ce projet de loi. Je sais que, en ce qui concerne le gouvernement, il est absolument essentiel que le projet de loi soit adopté. En fait, en tant que comité, c'est nous qui allons décider l'avenir de ces mesures législatives. Nous adopterons ou non ce projet de loi en fonction des décisions que le comité aura prises relativement à l'effort que nous sommes prêts à y consacrer.
    Dans quelle mesure est-il essentiel que nous adoptions ce projet de loi afin de préserver tous les emplois dont vous avez parlé et tout cet impact économique?
    À notre avis, ce projet de loi revêt une importance critique pour notre industrie et pour la croissance permanente des entreprises axées sur la propriété intellectuelle au Canada, et ce de façon générale. Pour moi, ce projet de loi traduit l'engagement du gouvernement vis-à-vis de la propriété intellectuelle et de l'économie numérique. Pour nous, ce projet de loi est essentiel, et nous exhortons vivement le comité à l'adopter rapidement.
    Nous sommes très inquiets. Je crois que tout le monde a entendu les rumeurs concernant d'éventuelles élections au printemps, et nous craignons vraiment que ce projet de loi meure au Feuilleton une troisième fois.
    Monsieur Keys, vous dites oui de la tête. Voulez-vous intervenir?
    Il ne fait aucun doute que, pour nous, les dispositions relatives à l'éducation sont extrêmement importantes. Il s'agit certainement d'un grand progrès dans la longue histoire du droit d'auteur. Nous n'aimerions pas non plus que ce projet de loi meure au Feuilleton.
    D'accord.
    J'ai une dernière question à poser à Mme Parr et à M. Keys. Vous avez évoqué l'importance de ce projet de loi. J'aimerais que vous nous parliez un peu plus des MTP. Il est évident que la question des mesures techniques de protection vous tient à coeur. Pourquoi sont-elles aussi importantes? Peut-être pourriez-vous nous citer des exemples précis qui aideront les Canadiens qui examinent cette mesure à comprendre pourquoi il est si essentiel qu'elles soient retenues dans cette mesure législative.
    Dans notre industrie, nous tirons nos revenus de la vente de notre propriété intellectuelle. Je voudrais insister une fois de plus auprès du comité sur le fait que les nouvelles technologies et les nouveaux modèles d'entreprises qui pointent à l'horizon — c'est-à-dire, les services de diffusion en mode continue, les services d'abonnement en ligne, etc. — dépendent tous des MTP. Donc, nous ne parlons pas uniquement des CD et du changement de support. S'agissant de l'industrie des jeux vidéo, Electronic Arts dit que, dès l'année prochaine, les téléchargements numériques constitueront 50 p. 100 de son chiffre d'affaires.
    Il faut donc dépasser le contexte actuel pour songer à l'avenir, en ce qui concerne l'évolution de la technologie dans les prochaines années. Les MTP revêtent une importance critique pour ces nouveaux modèles d'entreprises. Elles créent plus de choix pour les consommateurs, de plus faibles prix et plus de souplesse. Les nouveaux modèles d'entreprises permettent aux gens de mettre au point une gamme de produits de types différents permettant de répondre aux besoins de différents types de consommateurs.
    Je ne saurais trop insister sur l'importance des MTP pour ce qui est de laisser le soin aux entreprises de prendre elles-mêmes les décisions qui s'imposent. C'est pour cela que la loi doit assurer une protection énergique, de sorte que les gens puissent choisir et que le marché puisse décider si tel modèle d'entreprise est viable ou non.
    Merci beaucoup.
    Monsieur McTeague, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je me rends bien compte que nous n'avons pas beaucoup de temps.
    Je voudrais remercier les témoins pour leur présence aujourd'hui.
    Monsieur Keys et monsieur Dayler, j'aimerais reprendre la discussion en prenant comme point de départ vos dernières remarques, étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps. Vous disiez tout à l'heure que les sociétés de perception des droits d'auteur peuvent toujours s'adresser aux tribunaux pour obtenir les mesures de réparation appropriées. Je suppose que vous n'êtes pas en train de proposer que nous créions un autre créneau pour les avocats, n'est-ce pas?
    À mon avis, ce créneau existe déjà.
    Mais sérieusement, si l'on doit définir ce qui est juste, je pense que, pour beaucoup de gens, ce serait plutôt une exception. Il ne s'agirait donc pas d'un droit d'utilisation équitable.
     En ce qui me concerne, l'approche que vous préconisez laisse entendre qu'il n'y a pas de limite et que, d'après vous, il devrait être possible, pour chacun d'entre nous, de photocopier chaque page de Guerre et Paix, par exemple. Est-ce bien cela votre position?
(1620)
    Si je peux me permettre, l'éducation est en pleine évolution. La réalité évolue. L'éducation à distance devient de plus en plus importante. La façon dont les étudiants se servent des médias — dans le contexte de leurs exposés, en incorporant des extraits ici et là, etc. — est une bonne indication de l'évolution future de l'éducation et de l'enseignement en salle de classe.
     Évidemment, les étudiants paient déjà l'accès aux documents dont ils se servent par l'entremise de leurs frais. Notre crainte concerne la possibilité que les étudiants soient désormais obligés de payer deux fois les articles qui sont diffusés par les médias et auxquels ils peuvent avoir accès. Un professeur qui aurait envie de faire imprimer des copies intégrales de Guerre et Paix trouverait cela assez coûteux. Mais, ce professeur devrait-il avoir le droit de fournir à ses étudiants une copie des extraits de ce roman pour leurs études? Oui, absolument.
     Nous espérions que ce serait des copies du hansard, mais là, je m'écarte du sujet.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Dan McTeague: Comme vous le savez probablement, Access Copyright ne fixe pas le tarif des redevances. Le tarif est fixé par la Commission du droit d'auteur. À mon avis, vous avez laissé entendre que c'est l'inverse.
    Nous savons que la commission tient compte de tous les témoignages et de toutes les préoccupations des diverses parties, et qu'elle essaie d'équilibrer les intérêts des uns et des autres. Je me demande donc si l'ACAE a réussi, grâce à ses délibérations au cours des derniers mois, à faire valoir ses préoccupations et à communiquer ses doléances officielles directement à la Commission du droit d'auteur sur le tarif des redevances touchant le secteur de l'éducation. Dans l'affirmative, quand avez-vous fait cela? Et qu'est-ce que vous avez dit? Pourrions-nous obtenir une copie de votre texte?
    C'est actuellement en cours. Évidemment, si vous voulez obtenir beaucoup de détails à ce sujet, je vous invite à consulter le blog « Excess Copyright » de Howard Knop. En fait, nous avons la qualité d'intervenant devant la commission dans cette procédure. Une décision est en train d'être prise sur l'opportunité de prolonger provisoirement l'application du tarif actuel en attendant d'examiner le pour et le contre du nouveau tarif.
    Donc, nous pourrons certainement vous faire parvenir une copie de notre déclaration d'opposition et de tout autre…
    Avez-vous fait un exposé devant la Commission du droit d'auteur?
    Non, nous n'avons pas fait d'exposé oral, mais nous lui avons fait parvenir un mémoire. Nous avons la qualité d'intervenants.
    D'accord.
    Je manque de temps.
     Monsieur Keys — je crois que c'était M. Keys, mais c'était peut-être M. Dayler également — vous avez évoqué la mesure concernant la destruction après 30 jours. D'après ce que j'ai pu comprendre, le projet de loi C-32 marque la première fois qu'on propose une telle mesure. Il me semble que vous avez laissé entendre que c'était peut-être le résultat de pressions exercées par les éditeurs. Je ne pense pas que ce soit le cas.
    Aimeriez-vous clarifier cette remarque?
    Je ne pense pas que nous ayons laissé entendre cela. Je pense que nous avons plutôt indiqué que, à notre avis, ce genre de choses représente un obstacle à l'apprentissage et que les documents prévus pour le cours font partie intégrante du cours, de sorte qu'il devrait être possible de statuer là-dessus pour l'avenir.
    Il me reste suffisamment de temps pour poser une dernière question. Le président m'a déjà fait signe.
    Je pourrais peut-être poser une question aux représentants de l'Association canadienne du logiciel de divertissement. À la dernière page de vos recommandations, vous dites ceci:
Le montant alloué devrait être pour chacune des infractions et non pas s'appliquer à toutes les infractions, afin d'éviter les incitations contraires à la loi que crée ce système.
    Pourriez-vous nous expliquer votre réflexion à cet égard, monsieur Kee?
    Oui, certainement.
    Le problème que présente ce nouveau système de dommages-intérêts à deux vitesses concerne le fait qu'on crée une nouvelle fourchette allant de 100 $ à 5 000 $ pour les violations commises à des fins commerciales mais, contrairement au régime actuel, ces montants ne s'appliquent pas à chaque violation. Ils s'appliquent à toutes les violations commises par les gens tout au cours de leur vie à partir du jour où les procédures judiciaires sont lancées. De plus, il y est question du fait, qu'après la première violation, tous les titulaires de droits ne pourront plus recouvrer des dommages-intérêts.
    Les incitations perverses que crée cette disposition sont telles que l'amende maximum pour violation du droit d'auteur sera de 5 000 $, ce qui crée une incitation perverse à profiter au maximum de ce plafond pour faire autant de téléchargements qu'on puisse faire du moment qu'on commence…
    Monsieur Kee, pouvez-vous nous citer des exemples concrets de situations où l'amende de 5 000 $ constituerait une désincitation me permettant de commettre des violations à l'infini et, ce faisant, d'encaisser plusieurs millions de dollars? En quoi des dommages-intérêts de 5 000 $ ne pourraient-ils pas constituer une incitation?
    Oui, tout à fait. En fait, lors des consultations sur le droit d'auteur, il y avait un monsieur que nous avons appelé M. « Six-Teraoctet » parce qu'il affirmait qu'il avait un serveur à six teraoctets qui offrait et diffusait du contenu canadien dans le monde entier même si personne n'était rémunéré en conséquence. Il a même écrit un blog où il remerciait le gouvernement parce qu'il pouvait faire exactement ce qu'il voulait pour 5 000 $, alors que les préjudices économiques qu'il causait à autrui étaient infiniment plus importants.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Cardin, vous avez la parole pendant cinq minutes.
(1625)
    Merci, monsieur le président.
    Madame et messieurs, je vous souhaite la bienvenue.
    J'aimerais revenir sur l'éducation et tous les droits d'auteur qui peuvent être payés par l'entremise de la société collective. Si ce projet de loi est adopté, on évalue la perte potentielle pour les auteurs à environ 40 millions de dollars; c'est 40 millions de dollars par rapport à un budget total de 72 milliards de dollars pour l'éducation au Canada.
    Je crois que la contribution aux droits d'auteur, dans le milieu de l'éducation, de l'université, n'est pas exagérée. Je ne voudrais pas vous raconter des histoires de l'ancien temps, alors que j'étais à l'université, mais on payait tous les livres que l'on utilisait. On les payait entièrement. Parfois, je me demande même si le coût total de nos livres, qui incluait bien sûr les droits d'auteurs, ne représentait pas plus que les frais de scolarité.
    Dans le cadre d'une loi sur le droit d'auteur, il faut penser à la protection des droits d'auteurs, et non proposer des changements à la loi qui appauvrissent les auteurs ou même qui enlèvent aux auteurs le goût et la motivation d'écrire pour le milieu de l'éducation.
    J'aimerais connaître la motivation sous-jacente à tout cela. Les frais ne sont pas tellement élevés, compte tenu de toutes les autres choses que vous devez payer. Parfois, le stationnement à l'université est beaucoup plus coûteux que les droits d'auteur. Quelle est l'importance relative des économies potentielles que vous allez réaliser au détriment des droits d'auteur?

[Traduction]

    Je crois qu'il convient de préciser que notre préoccupation concerne moins les frais imposés précédemment pour les documents d'apprentissage que la nécessité d'être protégé contre des coûts futurs qui seraient exorbitants. L'argument de M. McTeague concernant l'accès et le droit d'auteur — on peut effectivement passer devant la Commission du droit d'auteur — est valable, mais ce n'est pas la seule source nous permettant de projeter les demandes futures des créateurs.
    Ils veulent être rémunérés pour l'impression d'une copie numérique de quelque chose que vous possédez déjà. Ils veulent être rémunérés pour l'envoi d'une copie numérique à un collègue par courriel pour quelque raison que ce soit — peu importe que ce soit pour une utilisation qui constitue une contrefaçon. Ils veulent être payés pour le stockage d'une copie numérique sur un disque dur, alors que c'est cela qui se produit chaque fois qu'on ouvre le moindre document sur un ordinateur.
    Ils veulent aussi être payés pour une copie numérique d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur sur un réseau protégé, ce qui correspond souvent à une utilisation personnelle à cette époque d'informatique en nuage. Ils veulent être payés pour la projection d'une image sur un mur pendant un exposé. Ils veulent être payés chaque fois que vous montrez à autrui une copie numérique se trouvant dans votre ordinateur; et ils veulent être payés pour l'affichage de liens vers des copies numériques, qu'elles soient ou non disponibles librement sur Internet.
    Voilà donc nos préoccupations. Que nous réserve l'avenir? À notre avis, ces exemptions pour l'éducation nous protégeront contre un avenir nettement déraisonnable.

[Français]

    Jusqu'à quel point peut-on considérer cela déraisonnable? À un certain moment, on a tendance à penser que le droit d'auteur ou la propriété intellectuelle... Un produit est créé, quelqu'un l'a fait et tout le monde a le droit d'être payé pour ce qu'il fait. Si ce n'est pas par l'entremise des droits d'auteur, comment le fera-t-on? Par contre, est-ce déraisonnable? Il y a des négociations potentielles à tenir. Les droits d'auteur doivent quand même être payés.
    Pour ce qui est des logiciels de divertissement, je comprends votre point de vue. Vous travaillez dans le domaine des logiciels. Tout devient numérique et tout passe techniquement par vous. Vous êtes là pour innover. On sait que ce domaine est en continuelle innovation. Vous êtes bien placés pour contrôler la propriété intellectuelle de vos propres produits et la protéger. Vous êtes également bien placés pour l'appliquer à différents autres produits. Ce serait possible de le faire. Serait-ce possible tout simplement d'imposer une taxe, comme l'appellent les conservateurs? Pour notre part, nous appelons ça les redevances. Car les taxes font peur à tout le monde. C'est perçu par le gouvernement pour les besoins de la population, mais ce sont des redevances.
    En ce qui concerne l'innovation et le domaine technique, il est possible de contrôler à peu près tout. Est-ce qu'il serait possible de contrôler l'utilisation de tous les appareils audionumériques? Sinon, est-ce qu'il faudrait appliquer une redevance directe?
(1630)

[Traduction]

    À cet égard, notre industrie préfère une solution axée sur le marché de monétiser nos propres produits. À notre avis, un prélèvement sur les appareils serait préjudiciable et créerait une incitation perverse au piratage. Ce n'est certainement pas quelque chose que nous appuierions en tant qu'industrie.
    Merci.
    Monsieur Braid, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être présents cet après-midi.
    Je voudrais, tout d'abord, poser une ou deux questions aux représentants de l'Alliance canadienne des associations étudiantes.
     Si on met de côté pour le moment le projet de loi C-32, dans le contexte d'une discussion générale sur le droit d'auteur, comment résumeriez-vous les intérêts des étudiants par rapport au droit d'auteur?
    Pour moi, il faut surtout que les étudiants aient accès à tout ce qu'il leur faut pour créer des solutions, des oeuvres d'art et des programmes novateurs. Au fond, il s'agit de faire en sorte que les étudiants puissent, dans un espace sécuritaire — c'est-à-dire, une université — mettre à l'essai de nouvelles idées et les proposer au public. C'est en encourageant les gens à faire preuve d'innovation que nous obtenons de nouvelles idées et de nouvelles entreprises, et que nous réussissons à convaincre les gens de rester au Canada, et favoriser l'accès aux documents d'apprentissage aide justement à atteindre cet objectif.
    Donc, vous établissez un lien entre l'innovation et l'entrepreneuriat.
    Tout à fait.
    Très bien. C'est intéressant.
     S'agissant maintenant du projet de loi C-32, quels éléments de ce dernier permettront de réaliser ces objectifs?
    Il est évident que ce sur quoi nous insistons aujourd'hui, c'est la nécessité d'inclure l'éducation comme catégorie légitime en matière d'utilisation équitable; il s'agit de s'assurer que les étudiants ne sont pas pénalisés du fait de vouloir utiliser, tester ou expérimenter un certain matériel didactique en salle de classe.
    Pensez-vous que nous devrions examiner le modèle législatif américain en matière de droit d'auteur, notamment en ce qui concerne l'utilisation équitable?
    Il va sans dire que de récentes décisions judiciaires aux États-Unis nous ont permis de constater que les tribunaux ont déterminé que le contournement dans le contexte d'une utilisation équitable — par exemple, le contournement d'un verrou numérique — est approprié et que, en général, les dispositions relatives à l'utilisation équitable sont très importantes pour la protection des utilisateurs et des créateurs, car dans bien des cas, les créateurs… Je veux dire qu'il y a très peu d'entre nous qui arrivent à produire une oeuvre originale à 100 p. 100. J'aimerais bien connaître une telle personne; ce serait merveilleux. Pour nous, c'est un élément important d'un système qui favorise l'innovation.
    La question du changement transformateur représente également un élément important à prendre en compte. Mais il ne fait aucun doute que tout cela est lié à l'innovation.
    Très bien.
     À votre avis, le projet de loi C-32 permet-il d'atteindre un juste équilibre entre les intérêts des étudiants et ceux des créateurs?
    À mon avis, si l'éducation est conservée comme catégorie d'utilisation équitable, ce serait un bon progrès vers l'atteinte de cet équilibre. Évidemment, il faut s'assurer que le droit d'auteur continue à évoluer et qu'il répond aux besoins futurs de l'industrie et des étudiants. À mon avis, établir un juste équilibre est un projet permanent.
    Très bien. Merci.
    Je voudrais passer maintenant aux représentants de l'Association canadienne du logiciel de divertissement. Merci infiniment de votre présence.
    Madame Parr, vous avez fait une recommandation tout à l'heure au sujet du contenu généré par l'utilisateur. J'ai très bien compris le fondement de votre préoccupation et de votre recommandation. Nous avons également discuté des mesures techniques de protection, soit les MTP.
    Ne pensez-vous pas que les MTP devraient vous protéger par rapport à la préoccupation que vous avez exprimée tout à l'heure concernant le contenu généré par l'utilisateur? Et sinon, pourquoi?
    Non, pas nécessairement — pour plusieurs raisons différentes, dont la majorité sont d'ordre technique. D'abord, l'exemption que prévoit le projet de loi pour le contenu généré par l'utilisateur, contrairement aux autres exemptions, continue à s'appliquer même s'il y a contournement de la MTP en vue de générer ce contenu. Donc, l'exemption en question n'empêche pas le contournement.
    Deuxièmement, il sera possible d'avoir accès à l'art, au dessin et aux autres caractéristiques d'un jeu sans vraiment contourner les MTP, et de les reproduire ensuite dans un autre jeu, en entrant directement dans le jeu pour extraire ces éléments, et il sera possible de faire la même chose à l'égard du code. Voilà ce qui nous inquiète. Au fond, il sera possible de générer du contenu sans contourner les MTP, ce qui est tout de même positif, en ce sens que cela favorise le contenu généré par l'utilisateur. En revanche, cela ouvre la porte à des appropriations illicites.
(1635)
    Merci d'avoir tiré au clair cet élément.
    Maintenant j'ai une question plus générale. Pourriez-vous décrire ou expliquer en quoi une loi plus efficace et plus moderne sur le droit d'auteur stimulera la croissance de votre secteur d'activité important?
    Comme je vous l'ai déjà dit, pour moi, cela traduit un engagement, dans le contexte d'une politique d'intérêt public, à défendre la propriété intellectuelle, étant donné qu'on indique de cette façon que le droit d'auteur revêt une importance critique pour notre économie et que nous voulons créer un environnement au Canada qui va favoriser la croissance des entreprises axées sur la propriété intellectuelle au Canada. Pour moi, cette mesure s'inscrit dans une telle stratégie.
    Il ne fait aucun doute que nous devons être en mesure de protéger notre propriété intellectuelle. Pour mettre au point un jeu vidéo de nos jours — c'est-à-dire un titre triple-A majeur, il faut un investissement de 20, 30 ou 40 millions de dollars pour supporter ne serait-ce que les coûts de mise au point et les heures et années-personnes de développement. Il faut un investissement massif, et seulement un tout petit nombre de jeux sont vraiment rentables. Donc, la capacité de protéger ces créations contre le vol est essentielle à la rentabilité des entreprises.
    Merci beaucoup. Ce sera le dernier mot.
    Je remercie les témoins.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pour permettre aux prochains témoins de s'installer.

    Si nos témoins veulent bien prendre leurs places, nous allons ouvrir cette septième réunion du comité législatif spécial chargé du projet de loi C-32.
    Cette fois-ci, nous accueillons les représentants de trois groupes: Carolyn Wood et Grace Westcott, de l'Association des éditeurs canadiens; Marc Sauvé, Georges Azzaria et Pierre-Emmanuel Moyse, du Barreau du Québec, et l'honorable John Manley, du Conseil canadien des chefs d'entreprise.
    La parole est d'abord à la représentante de l'Association des éditeurs canadiens.
(1640)
    Je vous remercie de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de présenter les vues de notre association. Cette dernière représente 127 éditeurs indépendants d'un bout à l'autre du Canada. Nous avons des membres dans toutes les provinces. Ces derniers publient des livres de tous genres: des livres littéraires, des livres de cuisine, des livres pour enfants, des livres d'intérêt général, des oeuvres savantes et des manuels scolaires. En général, il s'agit de petites et moyennes entreprises, et je dirais que ce sont majoritairement des entreprises de petite taille, plutôt que de taille moyenne.
     Même si quelques-unes d'entre elles sont affiliées à des universités et à des organismes à but non lucratif, la plupart sont des entreprises qui sont exploitées par le propriétaire — c'est-à-dire des entreprises indépendantes de langue anglaise qui appartiennent à des Canadiens. Les éditeurs multinationaux dans le région du Toronto métropolitain représentent les principaux concurrents de nos membres sur le marché. Notre association ne compte aucune entreprise sous contrôle étranger, même si nous avons un certain terrain d'entente avec elles dans le domaine du droit d'auteur, et notamment sur le projet de loi C-32.
    Pour tous les éditeurs, le droit d'auteur est l'assise même de notre activité — on pourrait dire, un toit au-dessus de notre tête, selon la métaphore qu'on préfère. C'est notre unique source de revenus. Les auteurs nous donnent le droit de faire des exemplaires de leurs oeuvres. Nous en produisons un certain nombre, nous les vendons, et nous vendons les droits à d'autres éditeurs qui vont faire des exemplaires de ces oeuvres dans d'autres langues, dans d'autres régions du monde et sur d'autres supports. C'est tout. C'est ça notre activité. Nous n'avons pas de revenus issus de concerts ou de marchandises dérivées. Nous ne faisons pas de publicité dans les pages que nous publions.
    Les revenus issus des droits d'auteur représentent la seule source de revenus pour nos membres, et il n'est donc pas déraisonnable que nous nous intéressions beaucoup à ce projet de loi. En fait, nous sommes bien contents de le voir arriver. Nous l'attendons depuis longtemps et nous sommes heureux de voir qu'il arrive à cette étape-ci. Nous en avons vu d'autres au fil des ans qui n'ont pas abouti.
    Nous avons néanmoins un certain nombre de préoccupations, et il y en a quatre en particulier dont je voudrais vous entretenir aujourd'hui.
    La première concerne l'exemption pour l'éducation. Dans sa forme actuelle, cette exemption est si mal définie et formulée en termes si généraux qu'elle risque de créer énormément d'incertitude pour notre industrie pour notre industrie en ce qui concerne nos marchés et nos perspectives futures. J'ai trouvé intéressant que les étudiants aient affirmé que les tribunaux seront à même de régler tout problème d'incertitude. À mon avis, personne n'est convaincu que ce serait généralement la meilleure issue.
    Pour nos membres — ce sont de petites entreprises — , les poursuites judiciaires représentent la solution la moins avantageuse étant donné qu'ils ne peuvent pas se les permettre. Nous n'avons pas les moyens de financer des poursuites judiciaires coûteuses, pas plus que nous ne pouvons nous permettre de perdre la part de marché qui sera à risque pendant de telles instances. Nous souhaitons par conséquent que le terme « éducation » soit clairement défini, de même que les conditions dans lesquelles cette exception s'appliquerait.
    Nous avons également certaines inquiétudes à propos du rôle réduit des sociétés de perception des droits d'auteur que prévoit le projet de loi. Le modèle qui sous-tend l'activité d'Access Copyright et Copibec donne de bons résultats depuis fort longtemps et a permis, après beaucoup de tâtonnements et de nombreuses décisions arbitrales, d'assurer un accès généralisé à une très vaste gamme d'oeuvres protégées par le droit d'auteur, et ce sous une forme à la fois commode et peu coûteuse. Quand il s'agit de négocier un prix, c'est une décision que prend le marché. Par contre, si nos élus décident d'éliminer un modèle d'entreprise tout à fait légitime, c'est une décision qui se prend au niveau politique. Or, si ce modèle a fait ses preuves depuis longtemps et donne de bons résultats pour de nombreux établissements et de nombreux particuliers, une telle décision politique ne pourrait qu'être improductive.
    Notre troisième argument a été examiné au cours de la séance précédente et concerne le plafond fixé pour les dommages-intérêts à l'égard de violations commises à des fins non commerciales. Nous, aussi, nous avons été frappés par la différence entre les montants prévus pour les violations commises à des fins privées, par rapport à ceux qu'on propose pour les violations commises « à des fins non commerciales », alors que cette expression est beaucoup plus générale et beaucoup moins bien définie.
(1645)
    Enfin, l'application des dispositions liées aux prêts interbibliothèques aux oeuvres numériques — autrefois, ces dispositions ne s'appliquaient qu'aux oeuvres écrites — entraînera de nombreux problèmes commerciaux, notamment pour les presses universitaires au Canada, qui publient la majorité des revues savantes au Canada. Un changement de ce genre va nuire gravement à ce marché et risque même de l'éliminer complètement.
    Dans l'ensemble, ces éléments — et il y en a beaucoup d'autres — créent une désincitation à la production de la propriété intellectuelle. Même si j'ai trouvé intéressant d'entendre l'opinion des étudiants, lorsqu'ils parlaient du fait que l'accès à la propriété intellectuelle est l'une des pierres angulaires d'une économie novatrice, en l'absence d'une incitation à produire ce genre de matériel, une économie novatrice est la dernière chose que nous aurons.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant aux représentants du Barreau du Québec.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je m'appelle Marc Sauvé et je suis directeur du Service de recherche et législation du Barreau du Québec. Je suis accompagné, pour la comparution du Barreau devant cette auguste assemblée, de M. Georges Azzaria, professeur à l'Université Laval, et de Me Pierre-Emmanuel Moyse, professeur à l'Université McGill. Ce sont des experts dans le domaine, et vous pourrez leur poser toutes les questions que vous avez à poser.
    La position du Barreau au sujet du projet de loi C-32 a été exprimée dans une lettre du bâtonnier du Québec adressée aux ministres Tony Clement et James Moore, le 14 octobre dernier.
    Le Barreau cherche à placer le débat au niveau de principes qui doivent s'appliquer à l'ensemble des lois. Cependant, le Barreau du Québec ne peut prétendre à un consensus de la communauté juridique sur sa position au sujet du projet de loi C-32, et ce, pour au moins deux raisons. La première, c'est la très grande diversité des intérêts en jeu, mais il y a surtout l'absence de vision commune et partagée de ce que devrait être une loi sur le droit d'auteur.
    J'aimerais insister davantage sur deux points, soit la trop grande complexité de la loi, qui favorise la judiciarisation, et l'incohérence du projet de loi en regard du droit international.
    Pour parler du premier point, je céderai la parole à Me Moyse.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de nous avoir conviés à cette table.
    Je m'appelle Pierre-Emmanuel Moyse et je suis professeur à l'Université McGill et membre du Centre des politiques en propriété intellectuelle de cette même institution. Mon intervention sera limitée à un point assez théorique mais qui est au coeur des préoccupations commerciales internationales, qui est le sujet de l'épuisement et, principalement, de l'épuisement international.
    Très brièvement, le droit d'auteur est affaire de reproduction et de communication, mais pas seulement. Dans certaines de ses dispositions, le droit d'auteur permet également de contrôler la circulation des exemplaires eux-mêmes en tant qu'objets tangibles.
    Ce contrôle du droit d'auteur sur l'objet tangible risque de porter une certaine forme d'entrave à la circulation des produits, et c'est dans ce contexte que l'on a créé l'épuisement. Alors, l'épuisement peut se voir sous deux aspects: un épuisement national ou un épuisement international.
    Dans son aspect national, le principe est fort simple. Une fois que l'auteur a produit l'oeuvre et que, avec son autorisation, l'oeuvre a été mise en circulation sur le marché, l'acheteur, le propriétaire du bien, est libre d'en disposer. Il n'y a donc plus de contrôle du droit d'auteur sur la destination ou le sort de l'exemplaire, ce qui vous explique notamment que les livres peuvent être vendus sur le marché d'occasion ou que l'on puisse acheter une affiche et changer l'image de support, comme l'a démontré la célèbre cause Théberge c. Galerie d’Art du Petit Champlain inc.
    Ce point ne pose pas particulièrement de problème. Ce qui est beaucoup plus préoccupant, c'est l'épuisement international des droits. Cet aspect a été le talon d'Achille et le point central de toutes les discussions politiques sur l'harmonisation des droits en Europe. Il a été aussi le point central des discussions sur l'amendement et les réformes du droit d'auteur en Australie, pays d'importation de produits de valeur ajoutée.
    Le droit d'auteur intervient et peut permettre de contrôler la circulation des oeuvres, notamment par l'entremise du droit d'importation. Sur ce point, il y a deux tendances relativement dangereuses ou préoccupantes. La première, c'est l'utilisation de ce recours en importation dans des domaines qui peuvent nous interroger. Le meilleur exemple c'est l'affaire Euro-Excellence Inc. c. Kraft Canada Inc., et al., récemment, où le droit d'auteur a été utilisé pour interdire l'importation de tablettes de chocolat, ou du moins pour créer une entrave à cette importation.
    Le deuxième point, c'est une anomalie qui existe, à mon avis, dans le projet de loi. D'une part, il prévoit un épuisement international. En vertu du nouvel alinéa 3(1)j) qu'on propose d'ajouter à la loi, dès lors que l'objet du droit d'auteur est mis en circulation à l'étranger, il y a épuisement du droit. D'autre part, on retrouve les dispositions en importation qui permettent de redonner le contrôle à l'auteur sur la circulation de ces objets tangibles. Alors, l'épuisement international prévu à l'alinéa 3(1)j) et les dispositions sur l'importation risquent, à notre avis, d'être contradictoires et de poser des problèmes de politiques commerciales.
    Merci.
(1650)

[Traduction]

    Pourriez-vous accélérer? Nous avons déjà dépassé le temps imparti.

[Français]

    Monsieur le président, mon intervention porte essentiellement sur la complexité de la loi, et je pourrai répondre à des questions sur le même sujet.
    On espérait que le projet de loi C-32 allait clarifier les principes de la loi, mais il s'agit d'une loi beaucoup plus complexe avec de plus en plus d'exceptions, des exceptions à des exceptions, ce qui fait qu'il devient très difficile de se retrouver dans ce contexte. Tout le monde sait qu'une loi qui devient obscure, de plus en plus alambiquée, ne sera peut-être pas respectée, dans certains cas, puisqu'on ne saura pas exactement quel en est le principe.
    Je vous donne rapidement quelques exemples. On peut faire une copie privée d'une oeuvre, mais pas s'il y a un verrou. Dans certains cas, il faut détruire la copie et, dans certains cas, l'auteur va être dédommagé, mais pas toujours. C'est quelque chose qui, pour le commun des mortels, n'est pas facile à comprendre. Alors, je pense qu'il y a une préoccupation importante autour de cela.
    Je vous donne deux autres exemples, rapidement. Quelle serait la distinction, dans la loi, entre des fins d'éducation, une leçon et des fins pédagogiques? On ne le sait pas. Également, qu'est-ce qu'une utilisation à des fins non commerciales, une utilisation à des fins privées, si l'on considère que, dans la loi, il est déjà question d'« étude privée » et d'« usage privé »?
    Alors, c'est tout cela, et ce sont probablement les tribunaux qui vont se demander ce que tout cela peut bien signifier, ce qui implique des recours judiciaires pour clarifier les choses. Donc, la Cour suprême pourra nous l'expliquer dans 10 ans. Or je ne suis pas certain que ce soit bon, du point de vue du justiciable.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Manley, du Conseil canadien des chefs d'entreprise.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux d'être de retour.
    Je vais lire le texte d'un bref exposé liminaire et je serai ensuite à votre disposition pour répondre aux questions des membres.
    Le Conseil canadien des chefs d'entreprise, dont je suis actuellement le président, appuie de longue date des mesures susceptibles de renforcer l'économie de notre pays et de promouvoir l'innovation. Un régime solide de protection de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur est essentiel à cette mission. Les lois qui protègent et récompensent les fruits du capital intellectuel et de la créativité artistique sont déterminantes dans le maintien d'une économie dynamique, innovatrice et ouverte.
     De même, la société a tout intérêt à assurer aux consommateurs et à d'autres utilisateurs un accès juste et raisonnable à l'ensemble des oeuvres protégées par le droit d'auteur. C'est pour cette raison que nous appuyons le projet de loi C-32.

[Français]

    Vous n'êtes pas sans savoir que ce projet de loi est le résultat de la tenue de consultations intenses à l'échelle du pays, de tables rondes, de sessions, d'assemblées générales. Il traduit les observations émanant de milliers de personnes et d'organisations partout au Canada.
    Tout au long de ce processus, une attention particulière a été portée au respect des préoccupations, des besoins et des droits légitimes de quiconque crée, commercialise, distribue ou fait usage, d'une façon quelconque, du matériel protégé par un droit d'auteur.
    Je suis conscient que certains Canadiens sont d'avis que ce projet de loi va trop loin, s'agissant de la protection des droits des créateurs et des détenteurs d'un droit d'auteur.
    Dans le même ordre d'idées, d'aucuns pensent que ce projet de loi accorde trop de liberté aux consommateurs et à d'autres utilisateurs.
    La divergence de points de vue est inévitable. Le défi à relever en ce qui concerne la Loi sur le droit d'auteur a été invariablement d'établir un équilibre entre les intérêts des créateurs et la population en général.
(1655)

[Traduction]

     À mon avis, le projet de loi C-32 compte quatre grands éléments qui sont les suivants: d'abord, ce projet accompagne la transition du Canada, relativement aux règles touchant les droits d'auteur, vers le XXIe siècle, et ce en légitimant les activités qu'entreprennent chaque jour les consommateurs. Cela comprend l'enregistrement d'émissions télévisées pour être visionnées ultérieurement, le transfert de contenu numérique d'un support à un autre, les copies de sauvegarde, à la condition que le matériel original ait été obtenu de façon légale, et que la reproduction soit destinée exclusivement à l'usage personnel du consommateur.
    Deuxièmement, ce projet de loi dote les créateurs et les titulaires de droit d'auteur d'outils juridiques plus énergiques leur permettant de déterminer comment leurs oeuvres sont mises à la disposition du public et de se protéger contre la violation de leurs droits d'auteur. Comme d'autres témoins vous l'ont fait remarquer, ces dispositions législatives sont indispensables afin d'éviter que le Canada ne devienne un repère pour les auteurs de piratage d'oeuvres internationales dans les domaines de la musique, du cinéma et des logiciels.

[Français]

    Troisièmement, le projet de loi améliorera l'expérience d'apprentissage des étudiants en offrant aux établissements d'enseignement ainsi qu'aux bibliothèques et musées un meilleur accès au matériel protégé par un droit d'auteur. Cela a été rendu possible grâce, en partie, à l'élargissement des conditions d'« utilisation équitable » d'une manière qui reconnaisse les avantages considérables que représente l'éducation pour la société.
    Cette mesure est conforme aux recommandations du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence, qui a désigné, dans son rapport de 2008, l'utilisation d'Internet dans la recherche et l'enseignement comme une pierre d'assise de la capacité du Canada à innover et à livrer concurrence dans une économie fondée sur le savoir.
    Quatrièmement, le projet de loi C-32 encourage la croissance des services d'Internet au Canada en apportant des éclaircissements juridiques aux fournisseurs de services de réseau, de services d'hébergement Web et de moteurs de recherche.
    Selon les nouveaux règlements, les fournisseurs d'accès Internet sont exonérés de toute responsabilité dans le cas où ils agissent comme simples intermédiaires des activités de communication du matériel protégé par un droit d'auteur.
    Parallèlement, ce projet de loi comporte des dispositions visant à lutter contre ceux qui encouragent sciemment les violations des droits d'auteur.
    Au nom du Conseil canadien des chefs d'entreprise, je souscris sans réserve à l'objectif principal de ce projet de loi.

[Traduction]

    Cela dit, le comité voudra sans doute envisager d'apporter certains changements techniques au projet de loi, afin d'éviter les conséquences involontaires. Par exemple, d'aucuns ont fait état notamment de préoccupations au sujet des conséquences pour l'industrie canadienne du logiciel des dispositions traitant de la recherche sur le chiffrement, de la sécurité des réseaux, de la rétroingénierie et de la reproduction aux fins de l'interopérabilité.
    De plus, le libellé de certaines dispositions touchant le contenu généré par l'utilisateur et la reproduction à des fins personnelles est peut-être trop vague, mais je laisserai le soin à d'autres de proposer des amendements qui permettront de répondre aux inquiétudes précises de certains groupes, tout en respectant l'esprit du projet de loi.
    Mis à part ces questions, le projet établit un équilibre approprié entre les intérêts de toutes les parties prenantes.
     Je constate que le projet de loi C-32 prévoit l'examen obligatoire par le Parlement de la Loi sur le droit d'auteur tous les cinq ans. Même s'il n'est peut-être pas toujours possible de satisfaire les exigences de chaque groupe, cette disposition dotera à coup sûr les parlementaires des outils nécessaires pour s'attaquer aux problèmes imprévus, et ce grâce à l'expérience acquise au fil des ans. C'est donc dans cet optique que je vous pris instamment de faire avancer ce projet de loi aussi rapidement que possible.
    Comme d'autre vous l'ont déjà fait remarquer, la Loi sur le droit d'auteur, dont la dernière révision remonte à l'époque où Internet était encore à ses premiers balbutiements, a grand besoin d'être mise à jour afin de tenir compte des répercussions des nouvelles technologies sur les pratiques commerciales et la vie quotidienne.
    Le projet de loi C-60, déposé en juin 2005, et le projet de loi C-61, déposé en juin 2008, ont tous deux expiré au Feuilleton après la dissolution du Parlement. Si les audiences se poursuivent au rythme actuel, il y a gros à parier que le présent projet de loi expirera, lui aussi. Cet état de chose ne servirait aucunement ni les intérêts des créateurs canadiens, ni ceux des consommateurs.

[Français]

    Je crois que les députés ne vont pas saluer l'idée de recommencer à zéro, ce qui n'est pas sans relancer une série de débats et d'audiences. J'aimerais enfin remercier les membres de ce comité pour le travail qu'ils sont en train d'effectuer. Je me souviens avec amertume de la dernière fois où la Loi sur le droit d'auteur a été modifiée, et je suis le premier à admettre que servir de médiateur pour concilier des intérêts divergents exige énormément d'attention et d'efforts.
(1700)

[Traduction]

    J'en porte encore les cicatrices.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je suis à votre disposition pour répondre aux questions des membres.
    Merci beaucoup.
    Nous allons donc ouvrir la période des questions, avec le Parti libéral.
    Monsieur Rodriguez, vous avez sept minutes.

[Français]

    Bonjour, monsieur Manley. C'est un plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui.
    Monsieur Sauvé, monsieur Azzaria, monsieur Moyse, madame Wood, bienvenue. J'ai des questions pour chacun d'entre vous.
    Je vais commencer par vous, monsieur Manley, puisque vous venez de terminer votre présentation.
    J'ai deux brefs commentaires à faire à propos de votre présentation. Vous dites que « ce projet de loi est le résultat de la tenue de consultations intenses à l'échelle du pays ». Vous savez comme moi que l'on peut faire dire ce que l'on veut à des consultations. Pour ma part, j'ai fait le tour du Canada, j'ai tenu des tables rondes dans les 10 provinces. Je n'ai pas nécessairement entendu la même chose que le gouvernement peut avoir entendu lors de ces consultations.
    Je veux aussi vous rassurer. Vous dites être « conscient que certains Canadiens sont d'avis que le projet de loi va trop loin, s'agissant de la protection des droits des créateurs et des détenteurs d'un droit d'auteur », or je vous rassure: je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui pensent cela. Je crois qu'il y a un déséquilibre dans le projet de loi. Certains éléments sont positifs, mais il y a un déséquilibre, malheureusement au détriment des ayants droit, des créateurs. Il y a de claires pertes de revenus et de droits. On les a relevées. Le gouvernement en est également conscient, par exemple pour ce qui est du prélèvement, de la copie privée, des droits éphémères et de la perte de revenus potentiels en éducation.
    Pour vous, n'est-ce pas inquiétant? Le gouvernement ne devrait-il pas se pencher sur la question pour trouver des mécanismes d'indemnisation, puisqu'il est clair qu'il y aura des pertes de revenus pour ces gens?
    Monsieur Rodriguez, je crois qu'on ne peut pas dire avec certitude qu'il y aura des pertes, sur le plan de l'indemnisation. C'est pour cette raison qu'il existe un processus de révision après cinq ans.
    Comme je l'ai mentionné, j'étais présent lorsqu'on a modifié la Loi sur le droit d'auteur en 1998. Dans le cadre de ce débat, les deux parties ont fait beaucoup de réclamations qui n'étaient pas fondées.
    J'estime qu'il existe un équilibre. Certaines personnes pensent peut-être qu'il ne s'agit pas d'un équilibre. Quand on a un peu d'expérience, à la suite d'un changement profond, qui pourrait toujours être modifié par le Parlement après cinq ans, on peut voir si ces demandes sont justifiées ou non.
    Dans certains cas peut-être, dans certains autres cas, non. Par exemple, en ce qui concerne le prélèvement, si on met fin à cela, on vient de tuer un système de fonctionnement et je ne pense pas qu'on puisse revenir en arrière.
    Je vais maintenant m'adresser à Mme Wood.
    En ce qui a trait à l'exemption pour le milieu de l'éducation, vous dites qu'elle est trop vague, non définie, et nous sommes d'accord avec vous. Cela va mener à une judiciarisation sans fin, un peu comme le dit le Barreau du Québec, c'est-à-dire qu'on va passer énormément de temps en cour. Par contre, les étudiants qui étaient là avant vous nous disent que ce n'est pas si grave parce que ce sont des collectifs qui iront en cour pour représenter les auteurs et les maisons d'édition, donc les coûts ne seront pas un problème. Est-ce vrai?

[Traduction]

    Pas du tout; si vous me permettez, je vais vous répondre en anglais, si cela ne vous dérange pas…
    L'anglais me convient très bien. Pas de problème.
    D'accord.
    Pour moi, une loi qui entraîne automatiquement des poursuites judiciaires en cas d'incertitude est une loi qui donne un résultat que personne ne juge souhaitable. Nos membres n'ont pas envie d'avoir à faire régler un problème d'incertitude devant les tribunaux…
    Ai-je mal compris?
    Non, non, c'est bien. Vous avez répondu. Et ce serait vous — c'est-à-dire les éditeurs et les écrivains — qui devriez pas passer devant la justice. C'est eux qui auraient à payer, et pas nécessairement la société de perception des droits d'auteur, n'est-ce pas?
(1705)
    Pas nécessairement…?
    C'est-à-dire, les sociétés de perception des droits d'auteur — perçoivent l'argent.
    Eh bien, tout dépendrait de la situation précise.
    Parfois oui et parfois non?
    … mais il ne fait aucun doute que ce sont les auteurs et les éditeurs qui seraient probablement les plaignants. Si la société de perception des droits d'auteur est également visée par la violation, bien entendu, elle serait l'une des parties concernées. Mais je ne pense pas qu'il soit réaliste de croire que toute violation qui puisse se produire relèverait exclusivement de la responsabilité d'Access Copyright ou d'une autre société de perception de droits d'auteur.

[Français]

    Thank you. Il y a un potentiel clair de pertes de revenus pour votre milieu. Cela prendra au moins un amendement. Il y a des possibilités. On peut « scrapper » l'exemption pour l'éducation, mais est-ce qu'il y a d'autres choses qu'on peut faire aussi? Y a-t-il une façon de définir l'éducation, par exemple? Y aurait-il une façon d'effectuer le test en trois étapes de la Convention de Berne, ou un autre, pour définir et limiter le dérapage en ce qui concerne l'exemption à l'éducation? Avez-vous des suggestions à ce sujet?
    Il y a un potentiel clair de pertes de revenus pour votre milieu. Cela prendra au moins un amendement.
    Il y a des possibilités. On peut scraper l'exemption pour l'éducation, mais est-ce qu'il y a d'autres choses qu'on peut faire aussi? Y a-t-il une façon de définir l'éducation, par exemple? Y aurait-il une façon d'effectuer le test en trois étapes de la Convention de Berne, ou un autre, pour définir tout cela et limiter le dérapage quant à l'exemption pour l'éducation? Avez-vous des suggestions à ce sujet?

[Traduction]

    Nous serions certainement en faveur d'une définition plus restreinte.
    S'agissant de l'applicabilité du critère en trois étapes à ce contexte particulier, je vais demander à Grace Westcott de répondre pour l'association.
    Oui, le critère en trois étapes serait un moyen utile de limiter le champ d'application du concept de l'utilisation équitable au secteur de l'éducation. De plus, définir l'éducation dans ce contexte précis… Je sais que le gouvernement répète depuis le départ que ce terme « éducation » concerne l'enseignement dans un environnement structuré mais, à notre avis, il faut vraiment définir ce terme. Et peut-être pourrions-nous commencer par les « établissements d'enseignement », étant donné que nous en avons déjà une définition. Ce serait un point de départ pour essayer de préciser ce concept.
    Un autre élément important, en ce qui concerne l'utilisation équitable à des fins pédagogiques, est la relation entre cette exception très générale et les exceptions plus précises sur lesquelles le gouvernement insiste beaucoup et qui existent déjà dans la loi. Est-ce qu'une exception à des fins pédagogiques pourrait l'emporter sur certaines de ces autres exceptions bien précises?
    Cela semble à la fois incorrect et contre-intuitif. Nous parlons de situations précises qui ont exigé beaucoup de temps de la part de l'assemblée législative…
    Désolé d'avoir à vous interrompre. Il ne me reste plus que quelques secondes, et j'ai d'autres questions à poser.
    Merci beaucoup. Je pense que vous allez nous faire parvenir d'autres renseignements plus détaillés à ce sujet, n'est-ce pas?

[Français]

    J'ai une question pour les représentants du Barreau du Québec. Je la poserai très rapidement, parce qu'il ne me reste que 15 secondes.
    Vous avez écrit une lettre au ministre, le 14 octobre. Avez-vous reçu une réponse?
    À ma connaissance, on n'a reçu aucune réponse. En ce qui me concerne, en tout cas, ce n'est pas venu à mes oreilles qu'on aurait reçu un accusé de réception ou autre chose.
    Vous n'avez même pas reçu d'accusé de réception. D'accord, merci.
    Brièvement, selon vous, le contenu du projet de loi C-32 n'est pas suffisant pour nous permettre de ratifier les traités internationaux. Ai-je bien compris?
    C'est-à-dire qu'il peut y avoir des contestations. Lundi dernier, Ysolde Gendreau a témoigné devant le comité, et je crois qu'elle a bien expliqué que le projet de loi tel qu'il est actuellement passerait difficilement la rampe s'il était soumis au test en trois étapes, notamment. Cela veut donc dire des contestations devant des offices de commerce, que ce soit l'OMC ou autre.
    Selon moi, c'est assez clair qu'il y a ce nuage qui plane au-dessus du projet de loi C-32.
    D'accord.
    Madame Lavallée, vous avez la parole pendant sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Bienvenue, tout le monde. Messieurs du Barreau, je vous souhaite la bienvenue. J'ai lu votre texte, et on va en parler tantôt.
    Tout d'abord, je vais m'adresser à M. Manley.
    Je vous souhaite la bienvenue. Bon retour. Je pense que ça fait longtemps que vous n'êtes pas venu à Ottawa. Vous n'êtes pas sur la même planète que nous et je vais essayer de vous...
    J'espère que ce n'est pas le cas, franchement.
    Des voix: Ah, ah!
    Effectivement, vous êtes dans un autre monde, dans une autre bulle. Ici, tout le monde a remarqué que ce projet de loi est fortement déséquilibré. Le fait que le Conseil canadien des chefs d'entreprise dise qu'il est équilibré me laisse croire qu'il est fortement déséquilibré.
    Je veux vous donner quelques informations. Ce que je voudrais, essentiellement, c'est que vous retourniez voir vos chefs d'entreprise pour leur dire que quelqu'un ne vous a pas dit toute la vérité au sujet de ce projet de loi.
    Je vais vous donner un autre point de vue.
    Pour nous faire comprendre que son projet de loi était bien accepté par la communauté patrimoniale, le secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien a dit, devant la Chambre, que 38 multinationales, 400 entreprises et 150 PDG étaient d'accord. C'est ce qu'il a dit.
    Quand on lui demande s'il y a des artistes qui sont d'accord, il n'en nomme qu'un. Il est tellement content d'avoir ce soutien qu'il l'a même nommé à deux reprises à la Chambre. Il y a seulement un artiste qui est d'accord, mais comme Dean Del Mastro le disait à la Chambre, il y a 400 entreprises et 150 PDG qui sont d'accord.
    Vous avez aussi parlé des lois qui protègent et récompensent les fruits du capital intellectuel. C'est vrai que ces lois sont très importantes et que ce projet de loi protège les artistes, oui, en partie, mais il ne récompense pas les fruits de leur capital intellectuel. Je vais vous donner des exemples précis un peu plus tard. Ce n'est pas du tout une approche équilibrée.
    J'ai aussi « tilté » — pardonnez-moi d'utilisation le mot anglais — quand vous avez parlé de consultations intenses à l'échelle du pays. Sachez, monsieur Manley, que la consultation à Montréal, qui n'est pas une petite capitale culturelle, mais bien une grande capitale culturelle, s'est tenue le 31 juillet, alors que la moitié de la ville était fermée et que les gens étaient à la campagne. De plus, des organismes aussi importants que l'Union des artistes du Québec ont eu de la difficulté à se faire inviter et ont été obligés d'aller faire leur présentation à Québec. Consultation bidon, oui, mettez-en.
    Votre ami M. Pablo Rodriguez s'est opposé quand vous avez dit être « conscient que certains Canadiens sont d'avis que ce projet de loi va trop loin, s'agissant de la protection des droits des créateurs ». Personne n'a dit cela, monsieur Manley, personne, personne. Je n'ai entendu personne dire que les artistes sont trop protégés par ce projet de loi. Je voulais vous le dire.
    Selon vous, le projet de loi sur les droits d'auteur sert « invariablement [à] établir un équilibre entre les intérêts des créateurs et la population en général ». Permettez-moi de vous corriger encore une fois.
    Historiquement, depuis Anne d'Angleterre en 1710, un projet de loi sur les droits d'auteur sert à équilibrer les droits entre les créateurs et les diffuseurs. Au XVIIIe siècle, le terme « diffuseur » englobait les imprimeurs et les éditeurs. Aujourd'hui, ce terme a une signification beaucoup plus large.
    Ce projet de loi comporte de grands défauts et enlève de l'argent aux artistes. D'abord, la non-modernisation du système de la copie privée leur enlève une moyenne de 13,8 millions de dollars par année à l'échelle canadienne. L'exemption au secteur de l'éducation, que sont venus réclamer plus tôt les jeunes étudiants, leur enlève 40 millions de dollars par année. Prenez-le en note et répétez-le par la suite. C'est de l'argent que l'on enlève de leurs poches. Ce sont les redevances qu'ils obtiennent grâce à leur droit d'auteur, et qu'ils n'auront plus. L'abolition de l'enregistrement éphémère leur enlève 21 millions de dollars. Ce ne sont pas seulement les artistes qui le disent, ce sont aussi les radiodiffuseurs. Ces derniers ont dit que ça leur coûtait seulement 21 millions de dollars. Il y a aussi l'exception YouTube, dont a parlé plus tôt l'Association canadienne du logiciel de divertissement, et il y a des dommages préétablis et plafonnés à 20 000 $. Une oeuvre musicale ne vaudra jamais plus de 20 000 $. Je pourrais vous en nommer d'autres comme ça.
    Comme vous l'avez dit vous-même, l'absence de responsabilisation des fournisseurs de services Internet n'a pas de bon sens. Il faut les responsabiliser. Il n'y a aucune redevance pour les artistes et un système d'avis probablement inefficace puisque sans contravention. Ce projet de loi est fondé sur le verrou numérique qui correspond très bien à l'industrie des logiciels et des logiciels de jeux, mais qui n'est pas du tout adapté au monde de la musique. Il y a aussi, évidemment, l'absence de droit de suite pour les artistes en arts visuels.
    Dans une lettre datée du 14 octobre, vos collègues, les gens du Barreau qui sont assis tout près de vous, ont d'ailleurs dit ceci de ce projet de loi: « Il s'agit d'amendements à la pièce, sans vision et sans cohérence d'ensemble, reprenant mal des parties de modèles étrangers que l'on sait être déjà désuets. » Ce sont les trois intellectuels à votre gauche qui ont écrit ça. C'est tellement vrai que l'Assemblée nationale du Québec a adopté à l'unanimité une motion contre le projet de loi C-32, demandant des amendements substantiels.
    Voilà, je laisse les représentants du Barreau du Québec prendre la parole. Évidemment, vous pouvez réagir à mes propos.
    Une voix: Il reste 15 secondes.
(1710)
    Ah, mais ça m'a fait du bien.

[Traduction]

    Avez-vous vraiment posé des questions?

[Français]

    Ce n'est pas nécessaire de répondre à un discours comme ça. Ce n'était pas une question; c'était une déclaration.
    Je viens d'un autre monde. Je viens d'un monde où l'économie est importante, où des personnes qui essaient de créer des emplois ont des points de vue qui se soucient de l'innovation et de la dispersion de l'information.
     C'était un bon discours pour un groupe dans un comté pendant une campagne électorale. Cependant, on voit que c'est maintenant la troisième fois que la Chambre des communes essaie de modifier la Loi sur le droit d'auteur. On va perdre une autre occasion.
     Va-t-on continuer avec un projet de loi qui était très bon dans le temps, mais qui date de 1998? Je ne crois pas.
(1715)

[Traduction]

    Très bien.
    La parole est maintenant à M. Angus, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous de votre présence cet après-midi. La discussion est très intéressante.
    Monsieur Manley, je voudrais commencer par vous, car vos commentaires concernant la nécessité d'une approche équilibrée m'ont intéressé.
    Pour moi, l'un des problèmes qui se présentent dès lors qu'il est question de droit d'auteur — c'est certainement mon cas depuis que j'ai été élu — c'est que les responsables de certains secteurs d'activité ne viennent me présenter leurs doléances que lorsqu'ils sont très inquiets. Parfois ils sont inquiets parce qu'ils se sentent menacés, et parfois ils sont inquiets parce qu'ils constatent qu'ils ont de nouveaux concurrents. Donc, s'agissant d'équilibre, comment faire en sorte de permettre aux nouveaux entrants de s'établir sur le marché sans que cela crée une situation injuste pour les autres? Les pirates d'autrefois sont de nos jours ceux qui exigent des droits d'auteur.
    Hollywood a vu le jour, non pas parce qu'il faisait beau là-bas, mais parce que ces gens-là essayaient d'échapper au droit d'auteur de la société Thomas Edison. Sony était le pirate par excellence dans les années 1970. Si je ne m'abuse, c'est Jack Valenti qui l'avait qualifié de l'Étrangleur de Boston au sein de l'industrie cinématographique. Maintenant, bien sûr, Sony est l'un des plus grands défenseurs des MTP. Donc, il s'agit de trouver le bon équilibre.
    Ce qui m'a frappé, cependant, c'est que vous avez dit que nous devrions resserrer les dispositions relatives aux MTP en ce qui concerne la rétro-ingénierie et l'interopérabilité, car beaucoup de gens m'ont fait part du fait qu'elles sont essentielles aux entreprises en développement, à la recherche, à l'innovation et à l'introduction sur le marché de nouveaux entrants. Donc, pourquoi faut-il appliquer les dispositions relatives aux MTP à la rétro-ingénierie et à l'interopérabilité?
    Monsieur Angus, vous venez de citer de bons exemples qui illustrent à quel point la situation a évolué. Dans le domaine du génie logiciel, beaucoup de compagnies canadiennes doivent non seulement établir leur capacité d'innovation, mais aussi mettre en marché leur produit et obtenir une part de marché suffisante avant d'avoir à affronter la concurrence d'autres compagnies qui ont fait de la rétro-ingénierie.
    Pour moi, le véritable problème dans ce contexte est la capacité de faire de la rétro-ingénierie. Ce n'est pas si simple que de dire: « nous aurons peut-être besoin d'une copie de sauvegarde » pour une raison ou une autre; il s'agit de décourager la tendance à faire de la rétro-ingénierie. Selon moi, quelques amendements techniques mais assez modestes permettront d'atteindre cet objectif. En tout cas, voilà l'inquiétude dont mes membres m'ont fait part à ce sujet.
    On m'a certainement fait part de la nécessité de maintenir cela, pour éviter une situation où une compagnie, une fois qu'elle est établie, voudrait éliminer la concurrence. C'est la nature même du commerce. Mais, en tant que législateurs, nous avons le devoir de nous assurer que ces dispositions ne sont pas utilisées de façon injuste.
    Je m'intéresse aussi à la question de nos obligations internationales en ce qui concerne les mesures techniques de protection. Le 10 juin 2010, le Comité permanent du droit d'auteur et des droits connexes de l'OMPI a publié une étude qui s'appuyait sur un questionnaire auquel avaient répondu 31 États membres; 19 entre eux ont fait savoir qu'ils appliquent des mesures techniques de protection, mais avec certaines exclusions. Certaines de ces exclusions sont plus modestes, d'autres sont un peu plus générales, mais elles font l'objet de garanties législatives.
    Le Canada respecterait entièrement ses obligations en vertu de l'article 10 du Traité de l'OMPI s'il incluait des mesures techniques de protection tout en reconnaissant que l'ampleur des exemptions doit être limitée.
    Seriez-vous favorable à cela?
    Oui. À mon avis, la norme du Traité de l'OMPI représente un minimum.
    Très bien.
    Monsieur Azzaria, j'aimerais vous interroger à ce sujet également, car une bonne partie des pressions qui s'exercent sur nous sont liées aux intérêts commerciaux des États-Unis. En juillet, les tribunaux américains ont déclaré que leur loi sur le droit d'auteur, la DMCA, pose problème relativement à ses dispositions d'utilisation équitable, car les mesures techniques de protection ne constituent pas des droits en tant que tels. Il s'agit de mesures d'exécution, si bien qu'elles s'assimilent davantage à des droits auxiliaires. Donc, même les tribunaux américains ont déclaré que ces droits auxiliaires ne l'emportent pas sur les droits que possèdent déjà les citoyens américains, et la portée de l'utilisation équitable aux États-Unis est plus générale qu'elle ne le serait en vertu du concept canadien.
    À votre avis, serait-il possible d'incorporer des dispositions relatives aux mesures techniques de protection qui respectent nos obligations internationales tout en protégeant, là où il est raisonnable d'assurer cette protection, les droits des citoyens?
(1720)

[Français]

    Je pense que vous mettez le doigt sur une autre difficulté de la loi, qui est un peu celle dont nous parlions tout à l'autre. Les mesures de protection techniques sont, de toute façon, une obligation du Canada parce qu'il y a des traités de l'OMPI qui nous disent qu'on doit, d'une façon ou d'une autre, avoir de ces mesures de protection techniques.
    Donc, la question ne se pose pas de prime abord. Oui, cela nous prend des mesures de protection techniques. Lesquelles nous faut-il et jusqu'à quel point nous en faut-il? C'est la question qui se posera après.
    Dans le projet de loi C-32, on a finalement deux régimes, c'est-à-dire qu'on aura des auteurs qui fonctionneront avec ça, en parallèle avec d'autres qui ne fonctionneront pas avec ça. Je ne suis pas sûr que ce soit là le but visé par les mesures de protection techniques. Au départ, c'était une barrière supplémentaire. On peut d'ailleurs se demander si c'est du droit d'auteur. On va dire que c'en est parce que c'est ce que les traités de l'OMPI nous disent, mais c'est comme si on avait deux types d'auteurs: ceux qui roulent avec les mesures de protection techniques, qui ont un régime qui sera un peu particulier, et les autres qui ont décidé qu'ils n'en auraient pas et qui ont un autre régime.
    Je n'ai pas l'impression que la Loi sur le droit d'auteur devrait appuyer ces deux types de mesures.

[Traduction]

    Je voudrais justement poser une question complémentaire à ce sujet, car l'un des exposés qui ont été faits précédemment indiquait que ces droits pourraient continuer d'exister dans un monde analogique. Donc, il y aurait une série de droits pour le monde de l'écrit analogique mais, du moment qu'on entrerait dans le monde numérique, ces droits seraient relégués au second plan par rapport aux mécanismes d'exécution liés aux mesures techniques de protection.
    Est-ce possible, ou est-ce normal, dans un projet de loi, de créer essentiellement deux catégories de droits par rapport au traitement du citoyen?

[Français]

    Il faut poser la question aux législateurs. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose. Vous avez raison de dire que ceux qui utiliseront les mesures de protection techniques feront peut-être en sorte de poser des difficultés à ceux qui veulent légitimement bénéficier de certaines exceptions qui sont déjà dans la loi.
    C'est pour cela qu'il faut regarder un peu ce qui se fait en Europe. Il y a quand même des systèmes où on va donner des limites à ces mesures de protection techniques, c'est-à-dire qu'on va dire qu'on ne peut pas prendre des mesures pour empêcher les gens d'avoir accès à une utilisation équitable déjà permise dans l'univers qui n'est pas celui du numérique.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Traduction]

    Monsieur Del Mastro, vous disposez de sept minutes. Vous serez le dernier intervenant.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins pour leur présence.
    Monsieur Manley, je sais ce que vous faisiez le 18 décembre 1997: vous étiez en train de préparer un communiqué de presse, que j'ai entre les mains. C'est un communiqué de presse diffusé par vous-même et l'honorable Sheila Copps, où vous annoncez que vous êtes résolu à signer deux nouveaux traités internationaux sur le droit d'auteur, notamment celui de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, ou l'OMPI.
    J'aimerais simplement vous en citer un extrait:
Ces traités soutiennent l'objectif du gouvernement fédéral, qui consiste à faire du Canada un fournisseur de contenu pour l'autoroute de l'information et multimédia qui est à la fine pointe de la technologie. Ils traduisent également le rôle du gouvernement fédéral dans la création de conditions optimales pour le commerce électronique.
    Vous dites également dans ce communiqué de presse que cet engagement fait suite à une recommandation du Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information selon laquelle le gouvernement devait répondre rapidement à la conclusion des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur et sur les interprétations et exécutions.
    Pour moi, c'est important: vous aviez raison à cette époque, et vous avez encore raison aujourd'hui.
    Je voudrais solliciter votre opinion sur deux éléments. Premièrement, vous avez mentionné à juste titre que, si nous voulons profiter de toutes les possibilités économiques que nous offre l'ère numérique, maintenant et à l'avenir, il est essentiel d'établir des règles.
    Mais, dans ce communiqué de presse, vous faites également état du fait que le Canada fait partie de l'économie mondiale. Vu vos fonctions, nos partenaires mondiaux doivent fréquemment vous parler de notre Loi sur le droit d'auteur au Canada. Que vous ont-ils dit au sujet de ce projet de loi, et concernant la nécessité pour le Canada de rattraper son retard en ce qui concerne sa Loi sur le droit d'auteur?
    Donc, il y a deux éléments: premièrement, jusqu'à quel point cette mesure est-elle importante pour notre économie, et deuxièmement, que vous ont dit nos partenaires commerciaux à ce sujet?
    Je voudrais mentionner en passant, puisque vous avez lu cet extrait, que le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information était présidé par le président de l'Université de Waterloo de l'époque, un dénommé David Johnston, et c'est lui qui nous a présenté ce rapport.
(1725)
    Très bien.
    Ce que je voudrais dire, c'est que la propriété intellectuelle est essentielle à l'économie du savoir. Il y a toutes sortes d'autres activités qu'on peut réussir, mais qui n'y sont pas liées; il est évident que notre secteur des ressources naturelles… Je veux dire qu'il existe déjà certains autres types de protection de la propriété intellectuelle, pas le droit d'auteur, évidemment; nous sommes assez efficaces dans d'autres secteurs également. Mais, en ce qui concerne les composantes essentielles de l'économie du savoir, il va sans dire que la propriété intellectuelle en est la pierre angulaire.
    Les responsables de certaines des compagnies de haute technologie les plus connues vous diraient que si ces dernières existent, c'est grâce à la protection de leur propriété intellectuelle, et elles existent dans un contexte mondial, étant donné que le marché canadien est tout simplement trop petit pour leur permettre de réussir. Certains d'entre eux ont fait état du problème que j'avais mentionné, et sur lequel M. Angus est revenu par la suite, à savoir la nécessité de protéger les entreprises contre la capacité de faire de la rétro-ingénierie. À mon avis, c'est tout de même un groupe assez important, dont le point de vue n'a peut-être pas été entendu, et qui estime que le projet de loi va peut-être un peu trop loin.
    Donc, il faut, à mon avis, établir un juste équilibre, de façon à offrir la protection qui est nécessaire pour préserver la valeur des oeuvres du créateur, sans pour autant nuire à la capacité de diffuser le savoir. Vous savez, peu importe la personne qui a l'idée: ce n'est pas une seule idée qui fera la différence; c'est plutôt l'innovation qui est l'aboutissement d'une succession d'idées qui compte. En revanche, si vous imposez des conditions trop strictes, vous allez étouffer l'innovation.
    Il faut que les gens soient incités à créer. Il faut qu'ils soient incités à aller plus loin.
    En ce qui concerne nos partenaires internationaux, avez-vous reçu des commentaires de la part de nos partenaires commerciaux au sujet de la loi canadienne…?
    Oui, tout fait. Certains considèrent que le Canada est un cas très particulier par rapport au reste du monde, et ils souhaitent que nous prouvions notre résolution à respecter nos obligations internationales et les normes internationales.
    Les témoins que nous avons reçus tout à l'heure nous ont parlé de l'exemption prévue pour l'éducation en ce qui concerne l'utilisation équitable. Vous-même avez abordé ce sujet dans votre exposé liminaire. Vous avez parlé de la nécessité d'établir un équilibre approprié, car cela permet de stimuler l'innovation, etc.
    Pourriez-vous développer un peu plus votre réflexion à ce sujet? Je crois que l'expression « utilisation équitable » est généralement mal comprise. Comme l'a fait remarquer mon collègue tout à l'heure, les sociétés de perception des droits d'auteur récoltent actuellement environ 20 millions de dollars. Ces redevances ne sont pas menacées, et il en va de même pour la vente des manuels scolaires.
    Pourriez-vous développer ce thème un peu plus?
    Je dois vous dire que je ne représente ni les établissements d'enseignement, étant donné qu'ils ne sont pas membres du CCCE. Par contre, j'ai des membres qui sont titulaires de droits d'auteur et fournisseurs de service Internet. J'ai également des membres qui sont des radiodiffuseurs ou distributeurs. La gamme des secteurs qui sont représentés est donc assez vaste, mais n'inclut pas celui de l'éducation. Notre position cadre tout à fait avec celle du groupe d'étude Wilson, qui était d'avis que, dans le milieu de l'éducation, il est vraiment essentiel de s'assurer que l'accès est optimal.
    C'est par rapport à cette question qu'il faut absolument revoir la loi dans cinq ans, afin de déterminer si les conséquences extrêmes que prédisent certains se concrétisent; mais, en attendant, il faut, dans l'esprit du juste équilibre qui est recherché, favoriser l'éducation.
    Merci.
    Il arrive parfois au Parlement que les considérations politiques constituent un obstacle à l'élaboration d'une bonne politique. Je sais que vous le savez, et j'apprécie également le fait que vous ayez encouragé les membres à se réunir plus souvent pour faire adopter ce projet de loi. Je vous en suis très reconnaissant.
    Ce projet de loi n'aborde pas la question du prélèvement relatif aux supports numériques. À mon avis, tout amendement qui porterait là-dessus dépasserait le mandat du comité législatif. Mais j'aimerais connaître votre opinion à ce sujet car, selon moi, nous parlons de la reconstruction d'un marché où sont concentrés tous les revenus, alors que d'autres mettent l'accent sur des sommes vraiment infimes.
    Qu'en pensez-vous?
    Nous avons essayé d'imposer un prélèvement sur les CD enregistrables dans la loi de 1998. Cette expérience a prouvé, me semble-t-il, qu'on ne peut jamais savoir comment la situation va évoluer. La technologie progresse tellement rapidement que j'ai l'impression que, quoi que vous fassiez, le mécanisme que vous établirez sera assez rapidement dépassé par les progrès technologiques. Par exemple, j'ai l'impression que nous allons bientôt nous servir de stylos comme appareils d'enregistrement. Donc, toute tentative pour imposer un prélèvement risque d'être mise en échec pour cette raison-là.
    Deuxièmement, j'ai l'impression qu'on essaierait de régler un problème en imposant une solution qui n'a rien à voir avec ce problème. Les médias numériques sont utilisés de tellement de façons différentes qu'il serait injuste d'appliquer un prélèvement pour toutes les utilisations, uniquement pour compenser les producteurs d'un secteur d'activité donné. En 1998, lorsqu'on nous a recommandé de créer un prélèvement pour les disques durs, nous n'avons pas voulu le faire, pour la simple raison qu'ils étaient utilisés par les entreprises et pour toutes sortes d'applications — pas seulement pour copier des enregistrements musicaux, alors que c'était cela la préoccupation à l'époque. Je connais encore des gens qui se servent de leurs CD enregistrables, même s'ils pourraient se servir de leurs DVD enregistrables gratuitement, pour stocker leurs photos Kodak. Après tout, ils paient des frais qui n'ont rien à voir avec l'utilisation qu'ils en font.
    Vous savez, si on vise la responsabilisation, face à un problème, il faut définir la solution sans rejeter la responsabilité sur d'autres de manière injuste.
(1730)
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup. C'était le dernier mot.
    Je voudrais remercier nos témoins pour leur présence cet après-midi. C'était bien instructif.
    La séance est levée.
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